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Presque cent ans… Et dire que c’est à peine suffisant pour y faire entrer toute la carrière hors normes de Michel Piccoli. Car il aura tout joué, tout essayé, lui qui a autant embrassé la scène que les plateaux de cinéma, aura toujours su choisir les projets qui le motivaient le plus.

 

Exigeant et politiquement engagé, sans pour autant mettre sans cesse en avant ses accointances, Il préférait laisser ses rôles et ses personnages s’en charger. D’une élégance rare, Michel Piccoli symbolisait cette génération d’acteurs français nés avant la guerre, entre tact et intelligence ; ce mélange subtil de génie et d’humilité. Car rien ne l’amusait plus que de brouiller les pistes et faire affleurer les fêlures humaines, les zones d’ombre, ces moments où tout bascule.

Michel Piccoli avait tant de génie en lui qu’il pouvait se glisser dans tous les rôles avec la même grâce. Au théâtre, son domaine de prédilection, là où beaucoup se sont cassé les dents en ânonnant leur texte, lui pouvait être aussi bien le Roi Lear, Léonid dans « La Cerisaie » ou bien Hippolyte dans « Phèdre », avec toujours cette même constance, cette incroyable facilité à s’exprimer et passer des classiques aussi sublimes que difficiles.

Au cinéma, Michel Piccoli n’était pas le héros flamboyant, celui qui pourfend, qui fonce et qui retombe sur ses pieds, non… Il n’était pas non plus celui que l’on croit reconnaître au détour d’un mot, d’une phrase. Il était plutôt celui qui ne cesse de surprendre et de désarçonner. Celui par qui le doute arrive. Il incarnait cet être pourtant robuste, fort, mais qui tangue puis s’effondre, parce qu’il n’est qu’un homme, finalement. Piccoli n’a en fait jamais été aussi beau que lorsqu’il échouait, qu’il se trompait…

Très souvent, il interpréta des personnages tortueux, bizarres, malsains ou capables de colères blanches fulgurantes. Piccoli était celui que l’on adorait détester. Une sorte de méchant domestique… Chez Sautet, il fut tour à tour une ordure, un pervers manipulateur qui finit par s’enferrer lui-même dans le piège qu’il avait tendu à Romy SchneiderMax et les Ferrailleurs »), un salaud pathétique (« Vincent, François, Paul et les Autres »).

« Vincent, François, Paul et les Autres » et cette inoubliable scène du gigot qui symbolise tant la France d’alors et ces personnages pleins de contradictions que campait si bien Piccoli, un homme lâche qui doute dans « Les Choses de la Vie » et « Mado », ou bien juste une voix fugace mais chaleureuse à la fin de « César et Rosalie » : « Ils prirent des avions, ils prirent des trains… ».

 

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Chez Godard, Buñuel, Varda ou Ferreri, il aima prendre des risques en épousant complètement le projet des films (« Le Mépris », « La Grande Bouffe », « Belle de Jour »).

Parmi ses rôles au cinéma les plus emblématiques, il est également Bertrand Malair, ce personnage mémorable, inquiétant, envahissant et tyrannique dans « Une Étrange Affaire » de Pierre Granier-Deferre. il y interprète le nouveau patron de Gérard Lanvin. Un de ces rôles faits sur mesure pour l’acteur du « Prix du Danger ». Dans cette étrange affaire, chacune de ses apparitions, chacun de ses mots, se dégustent comme un fruit rouge un peu acide ou un vin de Pinot Noir. On ne se lasse pas de chacun de ses échanges, du moindre de ses gestes ou de ses sourires. Et cette voix avec laquelle il savait jouer et dont il savait moduler le timbre pour rendre encore plus inquiétants les personnages qu’il incarnait.

 

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Il s’amusera d’ailleurs de ce genre de personnages, au point de presque en faire sa marque, sa griffe, surtout vers la fin de sa carrière. On se souvient de ses deux seules scènes marquantes dans « Rien sur Robert » de Pascal Bonitzer en 1998 où il donne la réplique à un Fabrice Luchini terrorisé devant cet ogre, sorte de démiurge des milieux littéraires parisiens, entouré d’une cour de flagorneurs, qui joue avec les mots et la peur de ses victimes.

On pourrait alors lui trouver un équivalent féminin en la personne d’Isabelle Huppert, tant les deux acteurs ont toujours su jouer pleinement avec leur corps, le son de leur voix. Des comédiens complets et caméléons qui se rejoignent également sur leur goût prononcé pour les planches et le terrain de l’étrangeté des rapports humains.

Enfin, Michel Piccoli, qui aura interprété tant de personnages exigeants, complexes, jusqu’à un pape qui renonce à le devenir, n’était certes pas le comédien préféré de tous. Il renvoyait cette image un peu détestable forcément, un peu convexe et avare en représentation publique et effusions d’usage. Sa prose était précise et concise, tout le contraire de certains qui se répandent et dont la faconde déborde bien inutilement pour combler le vide.

Michel Piccoli nous a donc quittés à 94 ans. Une vie sacrément pleine et où pourtant rien ne dépasse… Il a joué les plus grands textes mis en scène par des metteurs en scène audacieux et inspirés, tourné avec des réalisateurs éclectiques, différents et passionnés.

S’il ne devait en rester qu’un…

 

 

Et pour finir… C’est quoi, Michel Piccoli ? (Arte, janvier 2017)

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    Photographe, auteur, poète et machine à remonter le temps, avec une cape de mousquetaire toujours portée un peu de biais.

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