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Tout commence dans une librairie parisienne où je viens d’acheter un livre de recettes de cuisine spéciale viande crue de jeunes animaux écrit par Harvey Weinstein, que je compte offrir à une copine vegane. En cette période de Noël, il y a toujours ces dames qui vous enveloppent vos cadeaux en échange d’une pièce que vous laissez ensuite pour une œuvre caritative.

 

Attendant mon tour tout en regardant ces femmes s’activer consciencieusement sur l’emballage des cadeaux des clients, je me tourne alors vers mon voisin de queue pour lui faire profiter d’une blague que vient de m’inspirer la scène que je contemple : « et dire qu’il y a des gens qui passent tout leur temps sur les sites de rencontres alors qu’elles, elles emballent toute la journée ! »

Quelques fous rires gras entendus emportent l’adhésion autour de moi, mais je me rend compte très vite aussi que dans ce petit public acquis se trouvent trois personnes que je n’avais pas spécialement référencées tout de suite… Soudain, avec stupeur, je comprends qu’il s’agit en fait de Caroline de Haas, Marlène Schiappa et Maboula Soumahoro. Elle se trouvent juste à deux mètres de moi.

Toutes les trois me fixent intensément, puis je vois leurs bouches lentement s’ouvrir et se tordre. Les gens s’écartent autour d’elles. Un bourdonnement emplit mes oreilles. Des mouches commencent à s’agglutiner sur les vitrines. Caroline de Haas lève un bras dans ma direction, me pointant du doigt, puis les deux autres en font de même. Leurs bouches sont à présent grandes ouvertes et un son atroce en sort, comme un hurlement à l’envers, une sorte de cri de chat en encore plus aigu.

C’est immédiatement la panique dans la librairie. Des livres commencent à voler de toute part. Les clients s’éparpillent. Certains réussissent à sortir mais très vite les portes se referment violemment. La table devant laquelle se trouvaient plus tôt les deux emballeuses est projetée contre la sortie pour bloquer l’accès. Les gens hurlent. Dans la bousculade générale, certains qui étaient tombés par terre, sont piétinés. Les cris fusent à travers le magasin.

Les trois féministes, à l’aide de pouvoirs télékinésistes, empêchent tout échappatoire en déplaçant des meubles à étagères devant les vitrines. Des livres sont projetés mais cette fois-ci pour servir de projectiles et j’en suis la principale cible. Ayant remarqué une petite porte dérobée au fond du magasin, je profite de l’hystérie collective pour m’y ruer. C’est alors une kyrielle de bouquins qui s’abat sur moi.

Avec mes bras, j’essaie d’esquiver une biographie sur Simone Veil qui allait se fracasser contre mon front, puis c’est un livre sur Simone de Beauvoir qui tente de me pincer le nez. Une série de petits livres de la collection Que Sais-Je, dont un sur Greta Thunberg, pleut sur ma tête. Rokhaya Diallo, George Sand, Isabelle Alonso… J’arrive plus ou moins à toutes les esquiver à l’aide d’un Petit Robert que j’avais attrapé dans ma fuite.

Je finis par arriver à la porte, en espérant que celle-ci ne soit pas fermée à clé. Non, la chance pour l’instant semble être de mon côté. J’accède à une réserve. Tout au fond de la pièce, encore une porte. Elle donne accès cette fois-ci sur une cour. Derrière moi, j’ai le temps de distinguer les trois furies qui sont toujours à mes trousses. J’ai également le temps de m’apercevoir que leurs mains se sont transformées en paire de ciseaux pour l’une, des sécateurs pour une autre et deux godemichets vibrants pour la troisième.

Si tout cela est un cauchemar, je souhaite seulement qu’il s’arrête très vite ! C’est fini, promis, je ne boirai plus jamais de Tariquet à l’heure du déjeuner. Tout en courant, je saisis mon téléphone portable…

Au bout d’une ruelle trônent deux gros containers de poubelles que j’arrive à renverser pour obstruer le passage et tenter de gagner quelque secondes qui pourraient m’être précieuses. J’entends derrière moi un cri. C’est Maboula qui vient de tomber. Son corps s’étale mollement. Caroline, quant à elle, enjambe lestement l’obstacle. En me retournant, j’évalue rapidement la distance avec les trois prédatrices.

Je n’en vois plus que deux. Où est passée Marlène ? d’un coup, je l’aperçois. Elle court au-dessus de moi le long d’un mur, à quatre pattes, comme une araignée, l’écume aux lèvres. Son maquillage a en partie disparu et sa coiffure ressemble désormais au champ de bataille de Verdun en 1917. Elle tente de se projeter sur moi, mais j’ai le réflexe de m’écarter au dernier moment. Elle s’écrase au sol elle aussi de tout son long, dans un bruit sourd. Je l’entends éructer alors un « mange la cervelle de tes morts ! » qui m’est de toute évidence destiné.

Je débouche enfin sur une rue passante, au beau milieu des piétons et des trottinettes. Je renverse dans ma course une espèce de Vincent Delerm avec un bébé accroché sur son torse, qui me soumet alors une expression d’endive, me lançant un « attention quand même, je porte un bébé, c’est pas cool ! ».

J’aperçois les trois gorgones toujours à mes trousses, leurs bras tendus dans ma direction, avec à leur extrémité des lames acérées et des pénis turgescents qu’elles actionnent, au son de « crouic crouic, tchac tchac, floutch floutch ». J’ai l’impression, mais je n’en suis pas vraiment sûr, que leurs bras se sont allongés démesurément. Mon téléphone toujours en main, je tente de trouver à la volée un contact connu dans mon répertoire.

Personne dans la rue ne semble s’inquiéter de ma situation. En même temps, nous sommes dans le 11ème du côté de Parmentier, entre les rues Jean Pierre Timbaud, Saint-Maur et La Fontaine au Roi. Merde… Je suis en plus en pays hostile, le Mordore où règne le Grand Œil, celui du Sauron de ce quartier, l’esprit d’un Yann Barthes omnipotent.

J’ai dû prendre pas mal d’avance car je ne vois plus mes assaillantes derrière moi. J’en profite alors pour me réfugier dans un café bondé. Je vais me placer tout au fond et je me sers de la banquette sur laquelle je m’assois pour me dissimuler, tout en guettant les agissements à l’extérieur. J’aperçois finalement mes trois bourreaux passer en regardant frénétiquement autour d’elles. La truffe au vent, leurs têtes tournent à 180 degrés et leurs bras ondulent comme des tentacules le long du corps.

Dans la salle, je me rends compte, mais peut-être un peu tard, qu’il n’y a que des femmes autour de moi. Et les regards à mon encontre sont définitivement hostiles. C’est impossible, non ! Je ne peux pas rester là, c’est trop dangereux, mais au moment de repartir, Schiappa et ses complices entrent dans le café. Des femmes accoudées au comptoir leur indiquent ma présence, en leur pointant du doigt la banquette où je me cache.

J’ai juste le temps, en restant accroupi, de passer in extremis dans les toilettes. Je me trompe de côté et me voilà dans celles des filles. La pièce comporte plusieurs cabines avec des portes battantes, sous lesquelles on peut apercevoir les pieds de l’occupante. Je vais me cacher dans la troisième de la rangée et monte sur le cabinet, tremblant. Je ne peux même pas appeler, de peur de me faire remarquer. Je décide d’envoyer des sms groupés à tous mes contacts. Je commence à taper un message désespéré, mais le correcteur de mon téléphone change systématiquement le sens de mes phrases. Mon appel au secours devient ainsi « pour un Uruguay libre ! Lula, on t’aime ! la république, c’est moi ! »

Mais comment est-ce possible ? Bon sang, mais c’est bien sûr ! Nous sommes dans le 11ème et mon téléphone s’est reconfiguré en fonction du quartier. Putain de correcteur mélanchoniste ! La porte principale des toilettes s’ouvre. J’entends des voix. Ça y est, elles arrivent. Je suis fait comme un rat bolivarien… J’essaye de ne plus respirer. Les voix se rapprochent.

J’entends également un bruit de métal, sûrement celui d’un objet contendant que l’on ferait frotter sur les portes des cabines. Les ciseaux ou les fameux sécateurs. Et maintenant un bruit plus sourd, comme du caoutchouc ou du latex, que l’on fait glisser sur les parois. Ça doit être les godes… Ces filles sont folles et elles veulent ma peau. Tout ça pour une petite blague de merde, sans aucune arrière-pensée, en plus. C’était bête, certes, je l’avoue, mais de là à vouloir m’émasculer, me violer…

Et puis d’un coup, ma vie entière défile devant mes yeux… Je repense au fait que je n’ai jamais voté Lionel Jospin, ni François Hollande. C’était au-dessus de mes forces… Je réalise également que je viens d’avoir 50 ans au mois de juillet, que je suis blanc par-dessus le marché. Mon Dieu, je suis la cible rêvée, le coupable idéal. Je coche toutes les cases. En clair, je suis foutu…

J’aperçois alors trois ombres qui s’arrêtent devant ma cabine. S’ensuit un long silence. La pièce semble s’être vidée de tout son oxygène. J’ai envie de faire caca. La porte vole soudain en éclats. Les trois monstresses, sans me laisser la moindre chance, me sautent dessus. Je laisse échapper un cri rauque. C’est la fin… Est-ce la fin ? Est-ce que je vois la fameuse lumière blanche ? Mais c’est plutôt une lumière bleue qui illumine d’un coup toute la pièce. Une lumière bleue intense qui irradie les lieux. Je suis aveuglé. Je me protège les yeux. Les trois dingues, aveuglées également, reculent en poussant des râles de douleur. Elles se tordent comme des asticots…

Je descends de mon perchoir et sort brusquement de la cabine des wc. Je distingue une forme, pour l’instant floue, dans l’encadrement de la porte principale. Une forme pas très grande et légèrement voutée. La lumière qui continue d’irradier et qui semble paralyser les autres n’est bizarrement plus pour moi une agression. Je comprends que l’être magnifique dressé devant moi doit être un ange ou une bonne fée venue à mon secours.

Ça y est,  je vois distinctement cette fois-ci. On dirait Gargamelle. Et cette lumière bleue… les Schtroumpfs ? Ah non… C’est Eric Zemmour, là, dressé devant moi. Il me tend la main en souriant : « viens avec moi , vite ! ». Nous partons ensemble, main dans la main. On s’envole. Derrière nous, Schiappa, de Haas et Soumahoro sont expulsées dans la cuvette des toilettes. La chasse d’eau est actionnée et elles disparaissent dans un vortex d’eau, de crottes et de Canard WC. On entend un dernier cri… « Nooooon ! »

Tel Marie Poppins, Zemmour m’emmène dans un pays enchanté fait à moitié de réalité et de dessin animé. C’est très beau. J’entends du Tino Rossi partout et des petits enfants courent autour de nous en brandissant des fanions tricolores et en scandant de manière exaltée « Vive le Maréchal ! ». Eric me sourit. Elles sont tous là, Christine Boutin, Marion, Marine… Nous sommes maintenant tous nus et nous courons dans les hautes herbes…

… Je me réveille. Une voix : « Monsieur, Monsieur !! ». Je suis en train de faire la queue avec des gens qui attendent pour se faire emballer leurs achats de Noël. Une librairie, apparemment… Je me retourne pour regarder tous ceux qui m’entourent. Je ne reconnais personne. Que des anonymes comme moi. Je tiens dans mes mains un livre de recettes intitulé « Comment cuisiner de manière inventive et gourmande des endives et des navets », écrit par Aymeric Caron et préfacé par Nicolas le jardinier. Je regarde les deux femmes qui s’attèlent à envelopper les livres. Une blague me vient à l’esprit. Je regarde autour de moi et puis finalement je ne dis rien.

Je sors et me retrouve dans la rue, parmi tous les autres, dans le confort rassurant de la foule, compacte et mouvante. Je disparais moi aussi dans cette bienveillance obligée, saint et sauf, phagocyté par la magie de Noël…

 

 

 

    Photographe, auteur, poète et machine à remonter le temps, avec une cape de mousquetaire toujours portée un peu de biais.

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