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A l’occasion de son concert à l’Espace Carpeaux, Courbevoie, le 30 janvier 2020, rencontre avec un artiste attachant : Hugh Coltman. Britannique, ancien leader du groupe blues-rock The Hoax, avant de se muer en songwriter folk-pop puis en explorateur du plus beau patrimoine du jazz, Hugh Coltman s’affranchit des frontières, des formats et des habitudes. 

 

Après un album hommage à Nat King Cole qui lui valut une Victoire du Jazz en 2017, le musicien-caméléon Hugh Coltman nous embarquait en 2018 au coeur des racines musicales de la Nouvelle-Orléans. Des drums qui dansent comme dans l’un des légendaires enterrements de la Crescent City, des cuivres gorgés de soul, des guitares mêlant tous les blues et tous les folk…

Hugh Coltman s’est offert un écrin sublime pour son dernier opus « Who’s Happy? », qui donne lieu à un voyage musical et existentiel, entre confidences chuchotées à notre oreille et grand spectacle. Et il faut bien avouer que le crooner sait comment immanquablement nous embarquer dans ce voyage. Tantôt intimiste, tantôt expansif, mais toujours drôle, l’artiste nous fait partager ses souvenirs d’enfance, son histoire personnelle et ses émotions. A découvrir ou redécouvrir, de toute urgence !

 

 

 

Hugh Coltman, vous êtes donc l’Anglais qui vit en France et qui échappe au Brexit, c’est bien ça ?

Ça me déprime, franchement… Une autre question ?

 

En 2017, vous remportiez une Victoire du Jazz catégorie Voix de l’année. Ça fait quoi ?

C’était cool. Bon, après, je dois avouer que ça n’est pas forcément un concept auquel j’adhère totalement. La compétition en musique, les récompenses… Mais quand tu reçois le prix, tu es quand même content.

 

Depuis 2008, vous sortez des albums en France et on adore. Quand vous reprenez « Smile » de Nat King Cole, c’est magnifique. Quand vous chantez en Français « A Défaut » dans « Le Soldat Rose », on kiffe votre petit accent So British. Et puis en mai 2018, vous sortiez « Who’s Happy? », un album qui sent bon La Nouvelle-Orléans. Là, on parle de jazz, mais votre spectre est beaucoup plus large, entre soul, folk et pop. Avec votre dernier disque, vous avez choisi une niche ?

Déjà, lorsque je compose un truc qui me plaît, j’ai du mal à me restreindre et à me dire « non, cette chanson, ça n’est pas pour ce moment, pas pour ce projet ». Et lorsqu’on me propose des choses, par principe, c’est intéressant. J’ai toujours bossé dans une logique aléatoire. Quand je rencontre quelqu’un, ça peut m’emmener n’importe où et je ne cherche pas à lutter contre ça. J’essaie donc de ne jamais m’enfermer ou me cloisonner à ce qui semble écrit d’avance. Et surtout aujourd’hui, avec les réseaux et les plateformes… Alors, d’un côté, on peut se dire que c’est assez destructeur pour la musique, mais d’un autre côté, ça ouvre des perspectives incroyables. Pour les jeunes amateurs de musique, il y a moins de frontières qu’avant entre les styles ou les origines. Tout sort finalement du même tuyau…

 

 

 

Et d’ailleurs, c’est assez étonnant de noter que sur ces fameuses plateformes, tous les vendredis, sont publiées des playlists de nouveautés. Car le vendredi, c’est le jour des sorties. Et dans ces playlists, tous les genres sont mélangés, entre hip-hop, soul, jazz, rock ou même variétés… Et peut-être que les jeunes sont finalement plus curieux que ce que l’on croit.

Oui, je trouve ces playlists assez intéressantes et on peut parfois y découvrir des bons trucs. Ça m’arrive souvent de mettre un album tout en faisant autre chose, et d’un coup, mon attention est attirée par un morceau qui sonne bien. Après, ça dépend évidemment des algorithmes et sur quoi ils t’envoient… Mais ça a des bons côtés.

 

En 2019, vous vous êtes engagé aux cotés du Secours Populaire, une association qui existe depuis 1945 et dont la mission est d’aider les plus démunis. C’était une année un peu rude pour l’association, avec la perte de leur président emblématique, Julien Lauprêtre, disparu à l’âge de 93 ans. Vous avez rameuté quelques potes et participé au concert Secours Pop Live organisé à la Petite Halle de la Villette en juin dernier. 

Je dois avouer que j’étais très touché par cette sollicitation. Et il faut dire qu’aujourd’hui, le temps court tellement vite, et qu’on n’a probablement pas fini de voir l’écart entre les classes sociales se creuser. En plus, je trouvais que c’était une bonne occasion de faire quelque chose que je n’avais plus fait depuis longtemps, à savoir un concert en solo, juste guitare et voix. Du coup, je me demandais qui je pouvais inviter à venir partager ce moment avec moi sur scène. et j’étais ravi d’accueillir Tété, Matthis Pascaud, Sandra Nkaké, Gunnar Ellwanger du groupe Gunwood, Marjorie Martinez, Anne Gouverneur, Melissa Laveaux, Raphaël Chassin. Quand avec un simple concert, ce qui motive ma vie, je peux ajouter ma pierre à l’édifice, alors il faut le faire.

 

 

 

La chanson qui vous a fait connaître en 2008, « Could You Be Trusted », ne correspond plus vraiment à ce que vous faites maintenant. Est-ce que malgré tout, vous pourriez la reprendre aujourd’hui, même d’une manière différente, ou appartient-elle désormais à une période révolue de votre vie ?

Dans un premier temps, je dirais que non, je ne reprendrais pas cette chanson aujourd’hui. Et puis, en y réfléchissant bien, pourquoi pas. C’est une idée. [Rires]

 

 

 

A ce propos, c’est facile de naviguer entre divers genres musicaux vraiment différents ? Car on a parfois l’impression que les frontières sont assez fermées…

Je pense qu’avant, c’était plus compliqué qu’aujourd’hui. Si on prend l’exemple d’un groupe comme Backos, il est difficile de déterminer si c’est du jazz ou non. Et d’ailleurs, je dirais que je m’en fous. Ce qui compte, c’est l’émotion. L’autre exemple, c’est Jeanne Added, qui a évolué pendant longtemps dans l’univers du jazz, avant de lancer ses propres projets dans d’autres directions. Mais toute son histoire dans le jazz enrichit ce qu’elle fait aujourd’hui. Je trouve que les jeunes se foutent beaucoup plus des étiquettes que les générations précédentes. Tiens, je profite de l’occasion pour faire un peu de promo pour une salle à Paris, La Gare, que je soutiens vraiment. On peut y écouter du jazz, mais aussi d’autres styles qui découlent naturellement du jazz. Ce genre d’endroits sont fréquentés par les jeunes et ça casse un peu les codes.

 

Quand on est plutôt rock ou variétés, c’est vrai que le jazz pur et dur, c’est un peu étrange. Le fait qu’il n’y ait pas de refrain, par exemple. Ou alors qu’il y ait un refrain mais que tu ne t’en rendes compte qu’au bout d’un quart d’heure… Le jazz, c’est tout de même plus compliqué, plus difficile d’accès, non ?

Et pourtant, à l’origine, ça ne l’était pas. A l’époque, les jazzmen ont commencé à interpréter des chansons pop. Des trucs comme « All Of Me », etc… Ce qu’on appelle aujourd’hui dans le jazz des standards. Et ces chansons étaient souvent reprises sans voix, avec des instrumentistes qui étaient censés représenter les voix. Le but était que le public puisse reconnaître la chanson. Et là, pour le coup, on a vraiment des couplets et des refrains. Evidemment, assez rapidement, on est parti dans le free jazz et d’autres courants du jazz. En ce qui me concerne, mes premières influences étaient vraiment blues et blues-rock.

 

Et le virage vers le jazz s’est fait facilement ?

Oui, dans mon cas, vraiment facilement. Pour moi, ce qui compte, c’est le groove. Ce swing qui tourne aussi bien chez Led Zeppelin que chez The Black Keys ou dans le jazz. A l’époque, avec mon premier groupe, The Hoax, on jouait dans des salles aux Etats-Unis, et tu avais cette réaction du public au groove, au swing, quel que soit le style de musique que tu jouais. Et ça, c’est vraiment jubilatoire. Ce côté fédérateur et participatif de la musique. Et surtout dans la musique instrumentale ou d’improvisation, où pour la peine, c’est vraiment un précieux coup de main apporté aux musiciens.

 

 

 

Hugh Coltman, parlons boutique maintenant… On a adoré votre album « Who’s Happy? » et son ambiance Nouvelle-Orléans. Bon, ça ne vient pas de nulle part puisque vous êtes allé l’enregistrer là-bas. Qu’est-ce que nous préparez pour la suite ? Des envies particulières ? D’autres lieux qui vous inspirent ?

Pour le moment, je n’ai que des bribes de chansons… Et il y a toujours ce stress, après avoir sorti un disque et l’avoir tourné pendant un temps, d’avoir à se remettre au travail, en partant d’une page blanche. Moi, en fait, je suis un fainéant. Avec mes deux derniers disques, je me réjouissais vraiment de partir en tournée et de présenter ces chansons au public, sur scène. Et d’un coup, on réalise que la tournée touche à sa fin, et qu’il va falloir écrire un nouvel album. Là, paradoxalement, on rentre dans un process assez mécanique, finalement. On se dit : « Bon, on se met à la table et on le fait ». Vous savez, quand on est dans la musique, on reçoit pas mal d’avis de la part des partenaires, des amis, qui ont chacun leur point de vue sur ce que vous faites. Et quand on cogite à ce que va être la suite ; qu’est-ce que tu as envie de dire, et comment tu as envie de le dire, ça peut polluer ton espace mental assez rapidement…

 

Et là, ça se passe comment ?

Justement, c’est à ce moment qu’on rentre dans cette sorte de mécanique. Je me dis que je dois écrire une chanson le matin, une chanson l’après-midi. Ou en tout cas, accoucher au moins de quelque chose ; un couplet, un refrain, une mélodie, un squelette de chanson… Et je fais ça pendant trois ou quatre jours, sans me poser de questions… Très simplement, juste avec mon téléphone, ma guitare. Ensuite, on a un peu l’épée de Damocles au dessus de la tête, parce qu’il faut réécouter tout ça, à froid. Et c’est à ce moment qu’on se dit : « Mais c’est canon ! ». [Rires]

 

 

 

 

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