« FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.
L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…
Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.
Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.
En 1979, Christiane Felscherinow racontait sa descente aux enfers dans « Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… ». Le livre, adapté au cinéma en 1981, est devenu un best-seller et continue encore aujourd’hui à se vendre en librairie.
Dix ans après Woodstock et à la fin de cette décennie des années 70 qui avait salement douché les derniers espoirs des baby boomers, le monde était de nouveau confronté à la dure réalité des événements, bien loin des rêves d’amour et de paix partagés par la génération précédente de petits bourgeois citadins préservés des guerres et des crises qu’avaient pu connaître leurs parents.
En 1979, le livre avait fait l’effet d’une bombe. « Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… » racontait l’adolescence de Christiane Felscherinow, jeune SDF allemande rencontrée par les journalistes Kai Hermann et Horst Rieck, qui ont écrit cette histoire suite aux nombreux entretiens qu’ils ont pu avoir avec elle. Cet ouvrage avait ouvert les yeux de toute une génération sur les problèmes de la drogue et de la prostitution, mais plus largement sur le désespoir des jeunes. Écoulé à près de cinq millions d’exemplaires et traduit dans une vingtaine de langues (parution en Français en 1981), ce livre est devenu un best-seller qui continue à se vendre aujourd’hui.
Ce qui devait être une simple mise en garde tourne tragiquement à l’inspiration malsaine, entre drogue et prostitution, sur fond de mouvement Punk. L’héroïne du roman autobiographique allemand « Moi Christiane F. » devient rapidement un modèle. La vie de l’auteure inspire toute une génération qui imitera ses déboires jusqu’à inquiéter les autorités allemandes.
« Ce livre terrible a connu un retentissement considérable en France et dans toute l’Europe. Ce que raconte cette jeune fille sensible et intelligente qui se prostitue à la sortie de l’école pour payer sa dose quotidienne d’héroïne et la confession douloureuse de la mère font de Christiane F. un livre sans exemple. Il nous apprend beaucoup de choses, non seulement sur la drogue et le désespoir, mais aussi sur la détérioration du monde d’aujourd’hui. »
En 1981 sort au cinéma l’adaptation du roman-témoignage, conçu à l’origine pour être publié sous la forme d’article dans les colonnes du magazine Stern. Berlin la Mythique nous y révélait ses traits les plus sombres et le film nous dépeignait cette jeunesse souterraine vivant nuit et jour aux alentours de la station de métro du Zoo. On se souvient évidemment de « Christiane F. », la bande originale de David Bowie, regroupant des titres déjà parus sur les albums précédents du chanteur, en particulier ceux de sa période berlinoise, « Heroes » (1977) et « Lodger » (1979), et les chansons « TVC 15 » et « Stay » qui y figurent dans leurs versions raccourcies parues à l’origine en 45 tours.
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La nouvelle vie de l’auteure de « Moi, Christiane F. »
En 2013, trente-quatre ans après la première publication de « Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… », paraissait « Moi, Christiane F., la vie malgré tout », la suite du célèbre témoignage devenu culte. Christiane Felscherinow s’y confiait à la journaliste Sonja Vukovic. Elle racontait notamment comment elle fut rattrapée par ses démons. A 21 ans, après cinq ans d’abstinence, la jeune femme reprenait de l’héroïne…
« C’est ce jour, il y a cet Africain qui a sonné à la porte de notre colocation à Hambourg… Il voulait qu’on stocke des paquets… Et il n’est jamais revenu, il a dû se faire arrêter… Alors voilà, il y avait ces cartons dans le grenier, et je sentais, je devinais ce qu’il y avait dedans », raconte-t-elle à « M le Magazine du Monde ».
A 33 ans, l’Allemande donna naissance à son premier enfant, un petit garçon prénommé Philip. Mais toujours à cause de la drogue, elle en perdra la garde. Aujourd’hui, Christiane suit toujours un traitement de substitution à la méthadone et son corps souffre encore des séquelles de son addiction. Elle est atteinte d’une hépatite C et d’une cirrhose du foie…
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