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A l’aune des années 80, les gays n’avaient pas encore vraiment trouvé leur série télé fétiche. Attention, pas l’un de ces programmes où l’on essaierait de singer cette communauté et ses représentants par le truchement d’infâmes caricatures démagogiques pour familles lyophilisées qui ne devraient surtout pas vaciller devant leurs postes, mais une série qui viendrait bousculer les codes. Et puis explosa sur nos écrans la bombe « Absolutely Fabulous »…

 

Car dans tous ces programmes, de manière éparse et incongrue, on y secouait des ersatz d’homosexuels, tels des épouvantails, sans que l’on saisisse vraiment le but avoué de la manoeuvre. L’initiative, au bout du compte, se révélait souvent maladroite, en verrouillant toujours et encore les idées reçues par des stéréotypes éculés, rances.

Dans les années 2000, il y eut bien quelques tentatives à la télé, pour essayer d’illustrer en image la culture « Gay » et décrypter le mode de vie de ces hommes ou ces femmes homos. Bof, bof, bof… Toujours trop lisse. Des séries anglaises ou américaines ont aussi tenté de séduire les spectateurs, mais en vain. Les plus connues, de « Queer As Folk » à « Angels in America », en passant par « The L World » ou la dernière en date, « Looking », essaient depuis une quinzaine d’années de braquer les projecteurs sur des microcosmes LGBT urbains, de petites bulles dans lesquelles frétillent des panels représentatifs de ce que serait la communauté Gay aujourd’hui. Bref, de la discrimination positive en infusion servie dans un joli service en porcelaine…

Avec ces séries, on peut donc assister à de bien gentillets enfilages de perles et d’anecdotes sur la vie de tous les jours et les états d’âme de tous ces métrosexuels qui s’aiment entre eux. Le problème, qui rend l’exercice en général peu crédible, c’est qu’ils sont tous jeunes, beaux, blancs (avec ici et là peut être un Latino ou un Afro pour donner cette petite touche Benetton qui fait encore mouche…), parfaitement sculptés dans ce moule à fantasmes d’une représentation qui n’existe pas vraiment dans la vraie vie… Bref, tout cela sonne hélas parfaitement faux…

Alors que ces séries conçues spécialement pour la télé et le câble, toujours plus nombreuses, accessibles et généralement de bonne facture, devraient en toute logique entacher sérieusement la crédibilité des films réalisés pour le cinéma, on constate paradoxalement que c’est plutôt au cinéma que les gays sont le mieux représentés, avec originalité, audace et le souci de s’accompagner de véritables questionnements, en tentant d’éviter le piège de la sempiternelle version gay de « Sex and the City ».

On se souviendra ainsi de « Maurice » de James Ivory, ou vingt ans plus tôt de « Reflet dans un Œil d’Or » de John Huston, deux films qui parlaient à deux époques différentes de la difficulté d’être ou de vivre en tant qu’homosexuel dans une société aveugle et sourde, toute entière trempée dans un bain amniotique d’hypocrisie complaisante.

 

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Plus récemment, « Moonlight » de Barry Jenkins retraçait le parcours d’un jeune garçon afro-américain dans une banlieue de Miami, à trois époques différentes de sa vie, durant lesquelles, se découvrant gay, il devra essayer d’exister tel qu’il est ; une histoire sur l’identité, sur ce que nous sommes et comment le savoir et l’accepter. Un film réalisé par un noir, avec uniquement des acteurs noirs au générique et comme sujet central la perception de l’homosexualité chez les Afro-Américains. Autant dire, une sacrée révolution…

Mais revenons à présent au sujet premier… Car paradoxalement, et c’est probablement là où réside toute l’ingéniosité de son concept, la série anglaise « Absolutely Fabulous », diffusée sur BBC Two entre 1992 et 2004, n’a jamais mis en avant des personnages ouvertement gay ou évoluant dans cet univers.

Avec Ab Fab (diminutif du titre de la série, employé pas les aficionados), on avait plus affaire à une ambiance, un ton, mais surtout à la fibre même, l’ADN de ce que pouvait être le gay de ces années 90 et ce à quoi il aspirait, en référence à un mode de vie, de la musique à la culture, en passant par le relationnel, le vocabulaire ou encore la situation propre à l’époque.

Les deux héroïnes de ce feuilleton, Patsy et Edina, ne renvoyaient pas à une image policée et constructive qui tendait à dire : « regardez, on est pareil, on veut la même chose, on souhaite être en couple, adopter des enfants et passer des week-ends à la campagne avec un gros chien pleins de poils ». On était en effet bien loin, en ce début des années 90, des sermons en camaïeu de ce simulacre de « Mariage Pour Tous » qu’on a tenté de nous vendre récemment…

 

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Ces deux nanas, qui évoluaient dans le milieu de la mode et de l’évènementiel, étaient complètement déjantées ; des quadras bien tassées, refusant de vieillir et de se plier aux normes de la société. Elles menaient des vies totalement à rebrousse-poil du tout un chacun, égoïstes et hédonistes à souhait. Et c’est en toute désinvolture qu’elles pratiquaient l’alcoolisme, la toxicomanie, la chirurgie esthétique à toute heure de la journée… Ces deux pouffiasses hystériques ne reculaient devant aucun excès, dans le seul but de contenter leur appétit de clinquant et d’éphémère.

Le gay, en ce début des années 90, se reconnaît immédiatement dans cette ode à la liberté et à l’individualisme. Plus qu’une série gay ou une série Queer, c’était un hymne décomplexé à la vacuité, au plaisir sous toutes ses formes, à la vulgarité et tout un tas d’autres éléments pouvant se raccrocher au chapelet de l’insouciance et ce luxe si rare que l’on tente désespérément d’enfermer dans un flacon à l’abri du temps qui passe : la jeunesse… Mais « Absolutely Fabulous » était avant tout une série ultra drôle scénarisée et produite par Jennifer Saunders, la créatrice et actrice principale de ce show, moitié du duo « French & Saunders ».

Pourtant, l’idée d’ouvrir les esprits à un peu plus de tolérance est un combat qui pourrait même remonter aux années soixante. Cette décennie avait déjà proposé bien des programmes assez subversifs… A commencer par la série « Les Mystères de L’Ouest », dans laquelle James West arborait ses petits futals hyper moulants lui dessinant bien les fesses, ou ses vestes spencers lui arrivant au-dessus des hanches… Sans parler des rapports intrigants qu’il entretenait avec son acolyte Artemus Gordon, adepte du travestissement sous toutes ses formes… Ou à ces scènes de bagarres avec des marins musclés dans des bars uniquement fréquentés par des hommes, tout droit sortis des illustrations de « Tom of Finland ».

Mais « Absolutely Fabulous » reste indiscutablement la série la plus proche de ce qu’était il y a encore vingt ans le mode de pensée de quiconque se revendiquait « Gay ». Comme le dernier rempart avant l’uniformisation des esprits…

 

25 ans après la première diffusion française sur Canal+ de la série « Absolutely Fabulous », retrouvons avec délectation la VOST jusqu’alors introuvable de cet épisode culte de la saison 3 datant de juin 1996 (Canal Jimmy).

 

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    Photographe, auteur, poète et machine à remonter le temps, avec une cape de mousquetaire toujours portée un peu de biais.

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