L’humoriste star des années Giscard et Mitterrand, Thierry Le Luron, nous quittait il y a tout juste trente-deux ans.
Une carrière d’imitateur fulgurante et une fin tragique pour un être qui masquait ses failles d’enfant non-désiré et une grande mélancolie derrière le rire et l’excitation de la nuit. Hommage au « Petit Prince de l’humour »…
Provocateur et persifleur, trente-deux ans après sa mort, Thierry Le Luron reste l’inimitable imitateur. De 1971 à 1985, avec ses parodies et un succès fulgurant, Thierry Le Luron n’aura pas seulement été le miroir d’une décennie, il aura aussi bouleversé la profession.
« On m’a souvent demandé si je n’en avais pas assez de prendre la personnalité des autres. Est-ce que vous n’avez pas plutôt envie de trouver un jour la vôtre ? Je crois que j’imite les gens justement avec ma personnalité. Ca n’est donc pas un personnage qui prend ma personnalité, c’est moi qui lui donne la mienne au travers de la sienne… »
Avec son auteur Bernard Mabille et le documentariste Mathias Goudaud, voyons comment, en quinze ans de carrière, ce joyeux luron a redéfini les règles de l’exercice de l’imitation.
« Il va inventer l’imitation et vraiment en faire un art à part entière, sur la base d’un spectacle d’une heure et demi à deux heures, comme toutes les stars de l’époque, du chanteur à l’humoriste. » (Mathias Gouraud)
« C’est le premier à faire accéder le petit imitateur de première partie de spectacle au statut de vedette à part entière. On n’avait jamais vu ça avant. » (Bernard Mabille)
Révélé par la télévision en 1970, Le Luron va très vite vendre énormément de disques. Il est un grand chanteur, il voulait d’ailleurs être chanteur d’opéra, et il se sert de toutes les chansons connues de l’époque pour les transformer en parodies implacables. Au début de sa carrière, il compte déjà une vingtaine de voix à son répertoire. En tout, il en utilisera une centaine. Il fut aussi un des premiers à imiter autant les voix de femmes, de Dalida à Mireille Mathieu, en passant par Line Renaud ou Alice Sapritch, qui seront autant ses amies que ses victimes, s’avouant même parfois blessées par ses imitations, mais lui pardonnant finalement sa délicieuse insolence, tant son talent était immense.
Mais plus qu’une simple voix, certes de caméléon, Le Luron a vite compris qu’il fallait aussi du fond. Il ajoutera donc rapidement des politiques à son répertoire. C’est ainsi qu’il se retrouve naturellement avec Coluche sur ce même terrain de l’humour politique.
« Thierry Le Luron ne va pas bouleverser la politique, certes, mais il n’empêche qu’il devient vite un caillou dans la chaussure de pas mal d’hommes politiques. » (Mathias Gouraud)
Il devient plus féroce et caustique dès l’instant où il découvre Lenny Bruce aux Etats-Unis, un des plus grands imitateurs américains, et il se dit tout naturellement que pour exister et surtout durer, il va falloir qu’il ajoute cette corde à son arc, tout en devenant plus « mordant », au delà de ses premières imitations de chanteurs ou de chanteuses.
Ayant compris que les hommes politiques n’appréciaient guère son humour corrosif, et qu’ils étaient même prêts à utiliser la censure contre lui, voire les ciseaux puisqu’il fut régulièrement coupé au montage de certaines émissions, Le Luron va ainsi privilégier le direct, sans même répéter l’après-midi. La surprise est donc totale, et ses coups d’éclat n’en seront que plus jubilatoires.
Ce sera le cas avec « L’emmerdant, c’est la rose » en 1984, adressé à Mitterrand, président depuis trois ans. On n’avait jamais vu un imitateur aller aussi loin, brocardant le président de la sorte, en le regardant droit dans les yeux, à travers une caméra. Evidemment, cela fait l’effet d’une bombe, d’autant plus que c’est un public majoritairement de gauche qui assiste au show, et qui va reprendre en coeur cette chanson.
« Thierry Le Luron, c’était no limit, il se permettait tout, avec un culot incroyable. » (Bernard Mabille)
Thierry Le Luron meurt deux ans plus tard, à l’âge de trente-quatre ans seulement. Il aura notamment ouvert la voie au « Bebette Show » de Collaro ou aux « Guignols de l’Info », en permettant l’entrée des imitateurs qui lui succéderont dans le star system.
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