Sa voix restera dans l’histoire de la soul : Charles Bradley aurait eu 70 ans le 5 novembre mais il rugit encore sur disque. « Black Velvet », son tout dernier album posthume, a été affectueusement conçu par ses amis de Daptone Records comme un hommage à l’immense artiste qu’était Charles Bradley…
Une voix déchirante, pétrie de douleurs et de drames, puissante et fragile à la fois, voici ce que laisse Charles Bradley, star de la soul révélée sur le tard, après une vie de débrouille et de deuils, ainsi que trois albums sur le mythique label Daptone Records, et quelques chansons ici et là rassemblées sur ce disque posthume.
À la barre, un homme brisé, aujourd’hui encore, par la mort de son ami : Thomas Brenneck, son producteur, musicien, auteur et bien plus que ça. Très affecté encore, il se confie : « Je ne sais pas comment je suis supposé aller de l’avant en tant qu’artiste car Charles était mon vaisseau-amiral. Seul le temps pourra m’aider ».
« Pour moi, la perte est immense. Rassembler toute cette musique, cela semblait être la meilleure chose à faire mais ça ne m’a finalement pas aidé, en aucun cas… » (Thomas « TNT » Brenneck, producteur et ami de Charles Bradley)
Sur ce disque, des chansons jamais dévoilées, des reprises de Nirvana (« Stay Away »), Sixto Rodriguez (« Slip Away ») ou Neil Young (« Heart Of Gold »), des raretés aussi, mais pas de nouveaux titres, la maladie étant déjà trop présente pour enregistrer des prises. « Il n’était jamais assez bien pour que j’appuie sur le bouton « Record », confesse Thomas Brenneck. Il aurait dû se reposer davantage. Quand on se voyait, ça me brisait le cœur de le voir essayer de chanter sans en avoir la force, alors on profitait juste l’un de l’autre, je ne pouvais pas me résoudre à l’enregistrer alors qu’il n’était pas à 100 % ».
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L’album « Black Velvet » célèbre donc l’immense artiste qu’était Charles Bradley, respectueusement compilé par ses amis et famille du label Daptone Records. Même si les morceaux de cet ultime opus balaient chronologiquement toute la carrière du « Soul Man », il ne s’agit en aucun cas d’une anthologie de ses plus grands succès ou d’autres énièmes remâchages sans profondeur d’âme des chansons qui l’ont rendu célèbre.
Non, cet album constitue plutôt une exploration profonde des recoins les moins abordés de l’univers attendrissant et touchant que Charles Bradley et son producteur de toujours, co-auteur et ami Tommy « TNT » Brenneck, ont façonné ensemble en studio tout aux long des dix années qu’a duré leur fructueuse collaboration.
« L’art, surtout en ce qui concerne Charles, est intimement lié à la douleur, celle qu’il a en fait endurée toute sa vie. Quand il chantait, tout venait de ce grand puits de douleur et d’angoisse, il transportait tout ça et ne savait pas vraiment le transmettre avec des mots. Il transformait ce négatif en positif, et l’exprimait à travers l’amour. » (Thomas « TNT » Brenneck, producteur et ami de Charles Bradley)
Charles Bradley a succombé au cancer sur la route, en tournée. Sa voix reste un témoignage formidable, celui d’une vie passée à lutter contre l’adversité. Charles Bradley n’aura jamais pleinement profité des fruits de sa carrière stratosphérique, pas plus de dix ans. Son seul héritage s’écoute, et il sonne merveilleusement juste et bien.
Source : Yann Bertrand, France Info