Catégorie : Culture

  • Les « Bad Girls » des Musiques Arabes au Louvre

     

     

    Tourné dans le désert des Bardenas, à Cordoue, en Tunisie et au Caire avec Soska, première chanteuse de rap d’Égypte, le film de Jacqueline Caux, « Les Bad Girls des Musiques Arabes – du 8ème Siècle à nos jours », évoque le destin de ces « Bad Girls » sans fard et sans voile…

     

     

    La cinéaste et écrivain Jacqueline Caux s’intéresse depuis longtemps à tous les territoires de la musique – de Jeff Mills à Luc Ferrari, de Carl Craig à John Cage – avec une prédilection pour les artistes activistes. En embrassant la cause des « Bad Girls » des musiques arabes, elle rend hommage à ces femmes indociles et briseuses de tabous qui imposent sans fard et sans voile leur talent, leur féminité et leur mode de vie hors norme.

    Des chanteuses-esclaves avant la fondation de l’islam aux stars actuelles du Raï, d’Oum Kalthoum à Hadda Ouakki, en faisant un détour par le Mississippi et les pionnières du blues, Jacqueline Caux campe ces rebelles qui « revendiquent avec une grande combativité leur liberté d’artistes et de femmes dans des contextes politiques particulièrement perturbés ». Cette conférence est aussi un manifeste qui pointe en creux notre désintérêt, notre méconnaissance ou ce que Jacqueline Caux appelle parfois – les jours de colère – « notre racisme culturel » envers ces territoires chantants et insoumis.

    Jacqueline Caux a participé à l’organisation de plusieurs festivals de musiques arabes. Elle a réalisé des courts-métrages expérimentaux et des longs métrages sur la musique et sur la danse, projetés et primés dans de nombreux festivals internationaux ainsi que dans de nombreux musées.

     

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    Les Journées internationales du film sur l’Art explorent chaque année le lien singulier qui unit le cinéma aux autres arts et questionnent le processus créatif et le rôle de l’art dans nos sociétés. Cette 13ème édition reçoit une nouvelle invitée, la réalisatrice Claire Denis, pour trois jours de carte blanche et de rencontres avec des artistes. La seconde partie du programme propose un hommage à la 3ème Scène de l’Opéra National de Paris, un focus sur le Bauhaus ainsi qu’une sélection de films récents et des échanges avec leur réalisateur.

     

    « Les Bad Girls des Musiques Arabes – du 8ème Siècle à nos jours »
    de Jacqueline Caux
    Fr., 2019, 80 min

    Première mondiale à l’Auditorium du Louvre (sous la pyramide), le 26.01.2020 à 20h30

     

     

     

  • Gaspard Proust : Dansons Vite avant l’Apocalypse

     

     

    Gaspard Proust, le maître de l’humour noir, est de retour sur scène pour les ultimes représentations de ce « Nouveau Spectacle ». Son écriture millimétrée, son phrasé subtil et le regard ironique qu’il porte sur le monde qui nous entoure font de lui un humoriste singulier. Impertinent, cynique et corrosif, vous serez sensible à sa plume et à son humour ravageur.

     

    Que n’a-t-on pas entendu sur Gaspard Proust ? Impertinent, cynique, corrosif, brillant… Il se définit d’ailleurs lui-même comme un « cartésien désabusé » ! Une chose est sûre, dès ses premières apparitions sur scène, il a raflé la mise en conquérant un public depuis lors acquis à sa cause, au point de parvenir à devenir incontournable, sans pour autant être vraiment présent médiatiquement. Celui qu’on a longtemps considéré comme le fils spirituel de Pierre Desproges, n’épargnant rien ni personne, décoche des flèches acérées, l’air de rien, avec son allure de dandy désenchanté.

     

    « Gaspard Proust est dérangeant, sans concession, à l’aise plus que jamais dans son rôle de punk en habit de bourgeois. » (Le Monde)

     

    Petit-fils, par son père, d’une rescapée de Ravensbrück et d’un enrôlé de force dans l’armée allemande, Gašper Pust naît et grandit en république socialiste de Slovénie, avant de s’installer, à cause du travail de son père, en Algérie où il vit durant douze ans. Il y fréquente l’école primaire française d’Hydra, dans une atmosphère « à la Camus, mais pour de vrai ».

    En 1994, à la suite des attentats qui secouent Alger, il quitte le pays pour Aix-en-Provence où il finit sa terminale C dans une institution catholique. Il sort diplômé de la Faculté des Hautes Etudes Commerciales de l’Université de Lausanne et devient gestionnaire de fortunes en Suisse en 2000. Mais il réalise vite qu’il s’ennuie, ne voyant pas de finalité intéressante à ce travail qui n’est motivé que par l’argent. Il concède se sentir très loin de ce qu’il est vraiment…

    C’est alors qu’il perçoit un important bonus, qui lui permet de démissionner et de partir s’installer dans les Alpes, à Chamonix, pour s’adonner à sa passion, l’alpinisme. Il se met ensuite à l’écriture de textes humoristiques et débute sur scène en Suisse, puis à Paris.

    A l’instar d’autres humoristes qui se sont frottés à la vraie vie avant d’entrer dans la carrière, l’histoire de Gaspard Proust commence donc par un triple renoncement… Renoncement au socialisme, au passeport français et à la facilité obscène du monde de la finance. Ce qui dénote d’une intelligence vive, alliée à une lucidité implacable et un détachement face au monde qui l’entoure.

    Et c’est probablement la raison pour laquelle Gaspard Proust se permet tout. Ses plus fidèles aficionados savent que soir après soir, il va taper sans distinction aucune sur les hommes, les femmes, les catholiques, les juifs, les musulmans, les bourgeois, les bobos, les Parisiens, les riches, les pauvres, la gauche ou la droite. Ce qui devrait pourtant nous sembler grotesque et pathétique, Gaspard Proust parvient par son humour sans filtre à nous en amuser.

     

    [arve url= »https://www.dailymotion.com/video/x16gt6e » align= »center » title= »Gaspard Proust déclenche un fou rire en imitant François Hollande » description= »Gaspard Proust » maxwidth= »900″ /]

     

    Tout le monde en prend pour son grade, regarde son voisin, se pince pour y croire avant de s’installer dans un rire généreux et essoufflé par la rapidité avec laquelle cette fine gâchette de l’humour lâche ses coups. Gaspard Proust déteste les interviews et ne se sent bien que sur scène, même si ce n’est en fait pas vraiment lui qu’on vient y voir, « mais ce monstre que le public paie pour être dans la surenchère ».

     

    « Sur scène, il règne encore une vraie liberté, pour peu que l’on construise un truc cohérent et que les gens soient avertis de ce qu’ils vont voir. Mais, moi qui viens d’un pays communiste, une société où on doit tout le temps faire attention avant de s’exprimer m’inquiète. De ce point de vue, la France me fait parfois penser à l’ex-Yougoslavie. La seule différence est qu’on ne risque pas d’aller au goulag, mais qu’on risque plutôt une mort sociale. »

     

    Car Gaspard Proust s’agace qu’on ne puisse plus tout dire en France. Et c’est sûrement l’un des derniers humoristes à ne pas trop se brider de ce point de vue-là qui en fait le triste constat… Mais il s’en fout, il n’est pas Français et n’envisage plus de le devenir… « La France, ce n’est pas seulement une vague idée fumant au dessus de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Non, la France, c’est une réalité brute, c’est une terre, un peuple, une culture ; bref, un monde, avec sa musique, sa respiration. Tourmentée, diverse, fabuleuse. Mais aujourd’hui, je connais peu de personnes venant des pays de l’Est, et je ne parle même pas de nos amis suisses, qui voudraient du passeport français. Car un pays qui se méprise à ce point, qui s’incline devant tout, n’est plus attirant. Qu’est-ce qu’être Français aujourd’hui ? Sincèrement, moi, je ne sais plus ». Celui qui se dit qu’aujourd’hui Serge Gainsbourg « ne pourrait sans doute plus écrire une chanson comme « No Comment » », n’est « pas sûr que Voltaire reconnaîtrait son pays ».

    Alors, pour combattre ce recul de la liberté d’expression, il opte pour le « naturel ». Pour l’instant, il est l’un des rares humoristes à remplir encore les salles, mais il assure que le jour où ça ne marchera plus, « il y aura toujours quelque chose à en apprendre. Je ne recherche pas d’exposition ». Lui préfère compter sur le bouche-à-oreille pour gagner sa vie plutôt que « d’aller me vendre dans des émissions en disant : « Venez, c’est formidable ». Ce n’est pas dans ma nature ».

     

    [arve url= »https://vimeo.com/233271093″ align= »center » title= »Bande-Annonce du « Nouveau Spectacle » de Gaspard Proust » description= »Gaspard Proust » maxwidth= »900″ /]

     

     

    Loin des promos fracassantes, des affiches provocantes, des fixettes pathologiques d’humoriste engagé pétant dans la soie à la Christophe Alévêque ou des interviews larmoyantes façon Stéphane Guillon, vous savez, le gars né à Neuilly, qui critique tout mais qui court les plateaux télé pour expliquer tellement c’est dur de se faire licencier, Gaspard Proust est devenu un véritable phénomène. Son « Nouveau Spectacle », inauguré à la Comédie des Champs-Élysées fin 2016, a déjà attiré 300.000 spectateurs en 450 représentations.

    De retour Avenue Montaigne depuis octobre 2019, le comédien fait salle comble et annonçait au Point en novembre qu’il prolongeait la dernière version de ce seul-en-scène jusqu’en avril 2020. À l’heure où les humoristes font grise mine, il est l’un des seuls à remplir son théâtre. Et ses fidèles parmi les fidèles savent que, soir après soir, il se renouvelle, refuse les facilités et va déranger…

    Il souffle sur ce « Nouveau Spectacle » un vent de fraîcheur et de cynisme qui égalera, à n’en pas douter, le succès de son précédent spectacle, « Gaspard Proust Tapine ». Et nous pouvons faire confiance à son écriture millimétrée, à son phrasé subtil, au regard ironique qu’il porte sur le monde qui nous entoure. Tiens, si nous l’écoutions quelques instants parler des bobos-écolos Parisiens qu’il affectionne tout particulièrement…

     

    « J’ai bien davantage de respect pour les soixante-huitards qui ont eu les couilles d’aller dans le Larzac pour élever des chèvres. Ils ont eu du bon sens et ont surtout appliqué leur idéologie plutôt que faire des fraises en rooftop. Ce localisme de pacotille me fait doucement rigoler. Je trouve ça grotesque. Et on va nous expliquer que c’est écolo ! Quel rapport véritable à la nature peut-on avoir en vivant à Paris ? Est-ce que ces gens ont regardé une fois avec un œil neutre où ils habitaient ?

    Les écolos-urbains, c’est un oxymore. Ils ne comprennent rien à la nature. Ils pensent que faire de l’écologie, c’est arroser trois carottes qui poussent sous un arbre greffé sur un trottoir de la place Monge dans un atelier « écolo-participatif jardinatoire de vivre-ensemble urbain à composter ». Ils ne savent pas ce que c’est d’aller chercher du bois en forêt, de le couper, d’allumer un feu de cheminée. Ils vivent en apesanteur. Si ce n’était que ça, ça m’irait encore, mais, en plus, ils donnent des leçons de morale aux autres. Je veux bien qu’on m’apprenne la vie quand on la connaît. Faire des pistes cyclables au milieu des voitures : quel intérêt ? Il n’y a que d’un esprit malade que peuvent sortir de telles idées. Et le pire ? On en est fier. Ils font tous la course pour être le plus écolo. Dans quel but ? Transformer Paris en Creuse… Mais, allez-y dans la Creuse ! Allez au bout de votre raisonnement, repeuplez les campagnes ! Il y a l’embarras du choix. »

     

    Gaspard Proust, « Dansons Vite avant l’Apocalypse » !

     

    Comédie des Champs-Elysées, Paris
    Du 19 septembre 2019 au 25 avril 2020
    Durée : 1h30 environ

     

     

     

  • John Williams : quand la musique devient du cinéma

     

     

    Vouloir écrire sur un compositeur de musique de film âgé aujourd’hui de 87 ans pourrait tenir de l’exercice d’hommage en boucle et de piété un peu empruntée. John Williams mérite bien-sûr des louanges et de la gratitude de la part de tous ses fans et des mélomanes du monde entier, tant l’expression de son travail, la variété et le nombre de ses chefs-d’œuvre échappent à tout pronostic. Mais tout cela ne serait pas très constructif…

     

    Alors plutôt que de parcourir sagement la biographie de John Williams, tâche ingrate que je laisserai bien volontiers à Wikipédia et aux nombreux ouvrages retraçant déjà en long et en large ses différentes évolutions musicales, je vais me permettre plutôt l’exercice qui consiste à revenir sur ses œuvres les plus fondamentales, ainsi que sur celles qui m’ont le plus impressionné. Un butinage qui ne se souciera ni de date ni de classement de telle ou telle partition écrite par le maestro. Non, J’évoquerai simplement des œuvres impérissables, à l’aune d’un parcours parsemé de trésors et d’émotion.

    Mais avant de s’essayer à une présentation générale de l’homme et d’aborder son positionnement dans l’industrie de la musique de film, on peut déjà commencer par acter que John Williams est sans conteste l’un des plus grand mélodistes qu’Hollywood ait connu et que l’on ne compte plus ses compositions qui ont, ne serait-ce qu’entre 1975 et 1985, célébré et rendu immortels nombre de films, avec des thèmes devenus autant des classiques que les films eux-mêmes : « Les Dents de la Mer », « Superman », « Rencontres du 3ème Type », « Star Wars », « Les Aventuriers de l’Arche Perdue », « E.T., l’Extra-Terrestre »…

    Des mélodies d’emblée fortes et évidentes, que l’on associe étroitement aux métrages ; et le principe immuable de créer un thème reconnaissable entre tous, pour chacun des films auxquels il a pu contribuer. Principe lancé dans les années 60 avec Ennio Morricone, John Barry, Lalo Schifrin, Maurice Jarre et bien-sûr Jerry Goldsmith. Période faste pour la musique de film, quand les studios ne craignaient pas de dépenser sans compter pour créer des B.O. inoubliables. Les années 60, 70 et 80 sont définitivement l’âge d’or de la musique de film. Les Trente Glorieuses, comme un état de grâce, lorsque les musiciens pouvaient réellement créer sans trop se préoccuper des conventions, des modes ou de quelconques sordides impératifs commerciaux.

    Une carte blanche qui a finalement contribué à élever ainsi la Musique de Film au rang d’art majeur et permis qu’elle soit reconnue à sa juste valeur, au point que même encore aujourd’hui, on puisse la jouer lors de concerts qui font immanquablement salle comble ; « Le Seigneur des Anneaux », « Retour vers le Futur », « Star Trek », autant d’oeuvres parmi les plus emblématiques que leurs compositeurs respectifs revisitent régulièrement sur scène… On ne compte d’ailleurs plus chaque année les concerts qui nous proposent de revivre tous ces grands moments de cinéma.

     

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    La musique de film devient ainsi beaucoup plus qu’un simple médium illustratif, mais un art en soi, au même titre que des compositions pour des opéras, ballets ou autres représentations. La musique écrite pour un film devient elle-même un protagoniste du film, un jalon incontournable, une extension de la mise en scène ainsi que de l’histoire qui y est racontée.

     

    C’est dans ce contexte que vont se croiser plusieurs écoles et styles, tout au long de ces années hyper-créatives. Et des figures qui deviendront bientôt incontournables vont révolutionner la musique pour les films…

    Quincy Jones, qui commença sa carrière comme arrangeur puis surtout comme compositeur de musique de film, avant de devenir un producteur célèbre, apporta par exemple des accords de Bossa Nova dès le début des années 60, pour les films qu’il devait illustrer. Bossa Nova d’ailleurs réutilisée à plein régime par Morricone pour un paquet de productions de la deuxième partie des années 60 et essorée jusque dans le milieu des années 70.

    Lalo Schifrin est quant à lui reconnu pour ses thèmes Jazzy hyper-sophistiqués et ses expérimentations sonores. Herbie Hancock apporte un jazz très urbain et atmosphérique. David Shire et Roy Budd seront de leur côté associés à des polars et des thrillers de ces années-là, mais avec en plus une dimension sensorielle inédite. Tous ces nouveaux compositeurs vont ainsi régner en maîtres durant les années 70 et jusque dans les 80’s.

    De la musique moins empesée que celle que pouvaient traditionnellement proposer Miklós Rózsa, Max Steiner, Erich Wolgang Korngold et plus généralement toute cette famille des musiciens des années 30, 40 et 50. Des compositeurs chevronnés, certes, mais qui devaient fournir des scores très didactiques, dans le seul but de souligner des scènes et des péripéties, sans jamais les supplanter.

    On peut dire qu’Alex North et Bernard Herrmann sont probablement les premiers à tirer leur épingle du jeu en sachant faire la transition entre cette musique stéréotypée et redondante qu’on leur commandait le plus souvent et de nouvelles influences. Mais surtout, avec un ton très personnel, une façon nouvelle d’approcher le film à illustrer et de faire ressentir les émotions au spectateur. Ils furent à juste titre des passerelles qui permirent aux nouvelles générations de musiciens et compositeurs, sevrés avant tout au jazz de par leurs formations respectives, de prendre le relais.

    John Williams, Jerry Goldsmith et James Horner, le trio gagnant de la fin des années 70 mais surtout des années 80, vont reprendre à leur compte le principe ultra codifié, pour ne pas dire pompier, d’un style musical tombé en désuétude, issu de cette grande tradition du Hollywood d’antan et qui, après les années 60 et 70, va de nouveau rebattre les cartes.

     

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    C’est aussi avec la fin de ce que l’on appelait le « Nouvel Hollywood » et le retour en force des films à gros budget tout public, que l’orchestre symphonique est réintégré dans le paysage cinématographique. Il va sans dire que tous ne vont pas forcément composer que pour des films prestigieux… Loin s’en faut. Beaucoup vont même créer des musiques parfois plus fortes que les films eux-mêmes.

    Je pense par exemple à la magnifique composition de James Horner pour « Krull », film aujourd’hui totalement oublié mais qui pourtant musicalement est un chef d’œuvre dans son genre. Horner se surpasse dans cette ambiance d’Heroic Fantasy riche, puissante et intense. John Barry et son score « The Black Hole » apporte de la mélancolie et de l’immensité à un film qui sonne désespérément creux, mais que le compositeur attitré des James Bond ne traite pas pour autant par-dessus la jambe. Ambiance majestueuse, infinie, alliée à une parfaite illustration en musique de ce que peut laisser imaginer la puissance d’un trou noir et la terreur qu’il véhicule.

    Jerry Goldsmith, pour la trilogie « The Omen », propose une montée en puissance orchestrale, à mesure que l’antéchrist gravit les échelons et grandit, avec un final tout en apothéose biblique, à grand renfort de chœurs ; alors que les films en soi ne sont que des séries B surfant sur la vague des films millénaristes, avec diablerie et possession.

    Quant à John Williams, ce dernier ne déroge pas à la règle avec le film de Steven Spielberg, « Hook ». Si cette relecture de Peter Pan est un naufrage à tous les niveaux, il reste néanmoins son score, qui s’écoute, en faisant abstraction du film lui-même, comme une œuvre absolument ébouriffante. Une explosion de thèmes et d’envolées saisissants qui expriment à eux seuls tout le culte de Peter Pan, l’esprit d’aventure et toute sa part de rêve et de mélancolie liés à l’enfance qui passe et ne revient pas.

    Ainsi, malgré la médiocrité des films incriminés, paradoxalement, on est surpris par la richesse thématique mise en œuvre pour si peu à offrir visuellement. Tous ces compositeurs, et John Williams en premier lieu, ne sont donc pas que de simples contributeurs au film, mais de grand architectes avec une vision d’ensemble innovante et surtout indépendante.

     

    Passée cette présentation informelle, j’aborderai à présent « L’Empire Contre-Attaque » (l’Episode V de la saga Star Wars).

    Car on a ici affaire à une osmose totale entre la musique et le film. Et elle illustre presque en temps réel l’action qui se déroule à l’ écran. A l’instar de l’opéra, l’orchestration fait écho aux péripéties en devenant le prolongement naturel de l’oeuvre. La saga de George Lucas s’est d’ailleurs toujours vue comme une série de films qui n’aurait pas eu forcément besoin de dialogues, tant la force évocatrice des images et la musique de Williams suffisaient au spectacle et à l’émotion.

    Mais avant d’évoquer « The Empire Strikes Back » sorti en 1980, le score le plus maîtrisé et inspiré qui ait été composé pour un « Star Wars », revenons d’abord trois ans en arrière, avec la découverte de ce compositeur qui s’illustre pour la première fois avec le premier épisode de la Saga, l’Episode IV, destiné à l’origine à n’être qu’un épisode unique : « La Guerre des Etoiles » exploité ensuite sous le nom de « Star Wars, Episode IV : Un Nouvel Espoir ». Sans oublier le double vinyle entièrement noir, avec le logo Star Wars couvrant presque toute la pochette du disque. Magique…

    N’ayant pas encore vu à l’époque ce premier film et finalement découvert John Williams qu’avec l’Episode V (« L’empire Contre Attaque »), il ne s’agissait là pour moi que d’une évocation de ce nouvel univers. Tous les différents thèmes, l’orchestration, leurs motifs, m’avaient pourtant permis de me plonger dans un monde d’une richesse assez folle.

    Alors certes, peut-être n’étais-je pas encore assez pointu en musique de film pour ne pas détecter, dès la première écoute, dans le thème de la fanfare d’ouverture celui d’un film de 1942, « Kings Row », écrit par Erich Wolgang Korngold ; cet immense compositeur chez qui John Williams ira beaucoup piocher, pour se forger un style musical inimitable et grandiloquent, typique de l’époque. « Captain Blood » ou « The Sea Hawk », d’autres œuvres du compositeur du premier film consacré à Robin des Bois, « The Adventures of Robin Hood » (1938), serviront à donner ce fameux ton suranné et désuet au projet de George Lucas. Tout l’esprit sérial, avec ce long déroulé au début pour résumer le suivi des aventures en cours.

     

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    John Williams est avant tout un grand technicien et il saura se plier sans jamais se forcer aux desiderata comme aux exigences de ses nombreux commanditaires ; George Lucas et Steven Spielberg en tête, qui formeront avec le compositeur d’« Amblin’ » un duo indéfectible tout au long de la filmographie du réalisateur de « Duel ».

    A l’origine, George Lucas souhaitait, comme pour Kubrick et son « 2001 l’Odyssée de L’Espace », n’utiliser que des musiques classiques, afin de rendre toute leur majesté à ses visions spatiales et à l’exploration de planètes inconnues. Cela aurait pu d’ailleurs, selon sa propre réflexion, tendre une perche évidente au public et créer un sentiment quasiment d’intimité avec ce qu’il voyait à l’écran.

    John Williams va alors non seulement lui proposer de composer exactement ce qu’il désire, mais avec de surcroît une véritable identité. Une musique nouvelle et pourtant étrangement familière. Une musique qui participe à l’exclusivité du projet. La puissance orchestrale de Williams et son aisance presque insolente deviendront en une poignée de films sa marque de fabrique.

    La qualité mélodique indéniable et une précision infaillible, alliées au brio des morceaux composés, font référence aux travaux d’autres grands compositeurs classiques mais renvoient également au respect sacré que l’on ne peut pas juste afficher comme une évidence. Car John Williams est un orfèvre qui sait viscéralement lier musique et image. Tel un chirurgien qui réaliserait des opérations impossibles dont on ne verrait jamais les coutures…

     

    Star Wars premier du nom était ébouriffant, mais ce n’est rien en comparaison du score qui va être composé pour sa suite…

    Pour cette saga longue de presque 50 ans, Williams fonctionne comme l’avait déjà imaginé Wagner en son temps pour ses opéras, maniant habilement le principe du leitmotiv ; à savoir créer un thème différent pour chaque protagoniste, qui sera utilisé par la suite au grès de l’action et des situations, afin de marquer l’entrée en scène dudit personnage ou encore d’appuyer son implication dans l’intrigue, qu’il soit d’ailleurs présent ou absent à ce moment précis.

    La musique interagit directement avec le scénario et le ressenti du spectateur ou de l’auditeur. Ces différents motifs peuvent alors s’inclurent dans la partition, joués à un moment précis, fut-ce uniquement sur une poignée de notes sur la portée. Convoqué lointainement ou plus précisément par un seul instrument, en ayant pris soin de choisir lequel exactement, afin de signifier ledit personnage et l’état d’esprit avec lequel on en parle, vous ressentirez alors, largement déployée dans vos oreilles, toute la maestria du maître, son sens de l’observation et la précision du travail de dentelière qu’il exécute.

    Cette forme diégétique malaxée minutieusement par Williams, surtout pour les « Star Wars », crée un lien indissociable, viscéral, et ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’on qualifiera ces films de George Lucas de « space opéra ». Dans « La Guerre des Etoiles », exploité ensuite sous le nom de « Star Wars, Episode IV : Un Nouvel Espoir », on trouve ainsi « Le thème de Luke » et également celui de Leïa.

    « Le thème de Luke », appelé également « Le thème de la Force », va ainsi figurer dans tous les autres épisodes de la Saga. Il est autant rattaché au pouvoir des Jedi que celui de la famille Skywalker. Ces quelques notes suffisent immédiatement à exprimer l’audace comme l’espoir ; une lumière face aux ténèbres que représentent l’Empire et le côté obscur de la force.

     

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    L’Episode V : une explosion donnant ainsi la pleine mesure de la fougue et de l’imagination sans limites de Williams…

    On découvre donc dans cet Episode V successivement « Le Thème de Han et Leïa », « Le Thème de Yoda » et le plus emblématique d’entre tous, qui restera comme le plus imparable, la fameuse marche impériale ou « Thème de Darth Vader ».

    D’autres musiques deviendront également cultes, comme « The Asteroïd Field » et ses cordes virevoltantes, illustrant la scène du Faucon Millenium slalomant entre les corps célestes, ou encore « Hyperspace » (utilisé au début du film, puis de nouveau vers la fin, lorsque le Faucon tente d’échapper aux griffes de Vader et que l’on assiste à un dialogue télépathique entre Luke et son « Papa »).

    Un autre grand thème, intitulé « Carbon Freeze / Darth Vader’s Trap / Departure of Boba Fett », souligne plusieurs actions conjuguées, avec notamment le magnifique « Thème de Han et Leïa » précédemment entendu, cette fois-ci fondu et restitué en une complainte beaucoup plus déchirante, lorsque Han est sur le point de se faire congeler. Leïa finit par avouer à Han qu’elle l’aime et celui-ci lui rétorque un laconique « je sais », avec la musique qui s’élève en un hymne tragique mélangé à des bruitages effrayants et le cri de tristesse de Chewbacca.

    Sublime moment de dramaturgie rehaussé une fois de plus par un John Williams au sommet de son art. On assiste là tout bonnement à une scène de « La Tosca » de Puccini, avec la Tosca et Cavaradossi, son bien-aimé, condamné à être fusillé…

     

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    Pour revenir une dernière fois encore sur la Marche de l’Empire et ce morceau intitulé « The Imperial Probe / Aboard The Executor », Williams y laisse subtilement traîner au début du film quelques notes extraites de ce fameux thème, que l’on n’identifie pas encore à une menace. Mais ces quelques mesures planent déjà comme des ombres…

    Lorsque les officiers impériaux finissent par localiser la base rebelle sur la planète Hoth et que l’on voit la majestueuse et néanmoins implacable flotte de Star Destroyers impériaux se déployer, le thème explose alors en une marche militaire sinistre (John Williams s’est d’ailleurs inspiré des marches allemandes du Troisième Reich).

     

    On ressent à ce moment précis un frisson qui nous parcourt l’échine, tant le timing est parfait et la musique créée pour l’occasion semble miraculeuse, transmettant un sentiment autant de crainte que d’admiration.

     

    En substance, la musique de John Williams, ce sont avant tout ces influences des compositeurs classiques européens connus, de la fin du 19ème et début du 20ème siècle, revisités ou utilisés de manière intelligente et ludique.

    Nous verrons dans le prochaine épisode que l’inspiration de Williams sait parfaitement faire le grand écart entre toutes ces influences et que l’on peut retrouver dans son œuvre aussi bien des compositeurs russes et tchèques (car ce sont sans doute ceux qui évoquent le plus d’images et de symboles, de Prokofiev à Dvořák, en passant par Tchaïkovsky, Borodine ou Moussorgski) que les Français, avec Debussy, Ravel et même Bartók à deux reprises.

    J’aborderais donc tout prochainement les deux autres immenses chefs-d’œuvre que sont « Rencontres du 3ème Type » et son pendant intime, « E.T., l’Extra-Terrestre », ou comment John Williams a su appréhender le thème des extra-terrestres en réinventant notre vision sur ce sujet.

     

     

     

  • Pierre Soulages fêtait ses cent ans le 24 décembre

     

     

    Pierre Soulages, un des plus grands artistes vivants, fêtait ses cent ans le 24 décembre 2019. Retour sur 80 ans de création, des brous de noix de ses premières oeuvres à l’Outrenoir, en passant par les fameux vitraux de l’abbatiale de Conques.

     

    Pierre Soulages fêtait donc son centième anniversaire ce mardi 24 décembre. Et le père de l’Outrenoir travaille toujours. Trois des œuvres exposées dans le cadre prestigieux de l’exposition-hommage du Louvre, qui a débuté le 11 décembre, ont d’ailleurs été peintes en 2019. Retour sur plus de 80 ans de carrière du plus grand artiste français vivant.

     

    « Enfant, je préférais tremper mes pinceaux dans l’encre noire plutôt que d’employer des couleurs. On m’a raconté que je faisais de grands traits noirs sur le papier, j’aurais répondu que je faisais de la neige », racontait Pierre Soulages en 2009, lors de la rétrospective organisée par le Centre Pompidou pour ses 90 ans. Il rendait ainsi le blanc du papier plus blanc en mettant du noir…

     

    Pierre Soulages a toujours aimé le noir : « Ce fut la couleur de mes vêtements dès que j’ai pu les choisir. Ma mère était outrée. Elle me disait : ‘Tu veux déjà porter mon deuil ? » », racontait-il à l’AFP en février dernier. Et c’est aussi en noir qu’il s’est marié en 1942 avec Colette, dont il partage la vie depuis 77 ans. En 1979, Pierre Soulages a commencé à ne mettre que du noir sur ses toiles, inventant ce qu’il a appelé l’Outrenoir, un autre « champ mental que le noir ».

     

     

     

    Le choc de Conques

    Pierre Soulages est né en 1919 à Rodez, dans l’Aveyron. Son père, un carrossier qui fabrique des charrettes, meurt alors qu’il n’a que sept ans. Il est élevé par sa mère et sa sœur plus âgée que lui. Enfant, il s’évade en fréquentant les artisans de son quartier. Il en gardera un goût pour les outils, utilisant des pinceaux de peintre en bâtiment ou fabriquant lui-même ses instruments.

    Lors d’un voyage de classe, il visite l’abbatiale romane de Conques (dont il créera les vitraux, bien des années plus tard), un choc esthétique qui décidera de sa carrière : « C’est (…) là, je peux le dire, que tout jeune, j’ai décidé que l’art serait la chose la plus importante de ma vie », disait-il dans un entretien à la Bibliothèque Nationale de France en 2001.

    Il peint régulièrement à partir de 1934 et monte à 18 ans à Paris pour préparer le concours de l’Ecole des Beaux-Arts. Il est admis mais il trouve l’enseignement médiocre et décide de retourner à Rodez.

    La période de la guerre est mouvementée : il est mobilisé en juin 1940, démobilisé début 1941, il étudie à l’Ecole des Beaux-Arts de Montpellier, puis travaille dans un vignoble sous une fausse identité pour échapper au travail obligatoire en Allemagne.

     

     

     

    Soulages, ce n’est pas que le noir

    La carrière de peintre de Pierre Soulages commence réellement quand il s’installe à Courbevoie, en banlieue parisienne, avec Colette, en 1946. D’emblée, ses œuvres sont abstraites. Il combine d’épaisses lignes verticales, horizontales, obliques, comme des idéogrammes. Il peint sur papier avec du brou de noix, sur des verres cassés avec du goudron.

    Au-delà de Conques, il a été impressionné par l’art pariétal, dans lequel il puise ses couleurs. Des couleurs sourdes, de l’ocre au noir en passant par le rouge ou des bruns plus ou moins intenses. Pierre Soulages a employé le brou de noix, le goudron, le noir de fumée, le noir d’ivoire, toutes matières organiques qui réfèrent à l’art de la préhistoire, aux premiers signes tracés à l’aide d’un morceau de charbon de bois dans l’obscurité des grottes. La peinture de Pierre Soulages dialogue avec la Peinture elle-même…

    A partir de 1951, Soulages pratique aussi la gravure, sur plaques de cuivre. Ses estampes de petite taille utilisent toutes ces couleurs, en contraste avec le noir. Il réalise plus tard des lithographies où il utilise des couleurs plus vives, rouge vermillon, jaune vif, bleu. Puis des sérigraphies (c’est une sérigraphie de Soulages qui est d’ailleurs utilisée pour l’affiche du festival d’Avignon en 1996). Sur papier, il peint des gouaches où il introduit des bleus intenses et lumineux.

    Dans ses peintures des années 1950-1970, il fait contraster des formes noires avec des fonds colorés, puis il fait apparaître les couleurs du fond en raclant le noir. Ou bien il fait contraster le noir avec le blanc.

     

     

     

    L’outrenoir : le noir et la lumière

    C’est en 1979 que Pierre Soulages invente le mythique Outrenoir et ces toiles, pour lesquelles il est le plus connu, où il n’utilise que le noir. En 2009, lors de la rétrospective du Centre Pompidou, il expliquait à l’historien de l’art Hans-Ulrich Obrist que l’Outrenoir est né alors qu’il était en train de « rater une toile. Un grand barbouillis noir ». Déçu par le résultat, il est allé dormir. « Au réveil, je suis allé voir la toile », racontait-il. « Et j’ai vu que ce n’était plus le noir qui faisait vivre la toile mais le reflet de la lumière sur les surfaces noires. Sur les zones striées, la lumière vibrait, et sur les zones plates tout était calme ». Un nouvel espace s’ouvre, pour lui, devant la toile : « La lumière vient du tableau vers moi, je suis dans le tableau ».

     

    « Pour ne pas limiter ces peintures à un phénomène optique, j’ai inventé le mot Outrenoir, au-delà du noir, une lumière transmutée par le noir et, comme Outre-Rhin et Outre-Manche désignent un autre pays, Outrenoir désigne aussi un autre pays, un autre champ mental que celui du simple noir. » (Pierre Soulages)

     

    Il se met alors à jouer avec la matière de la peinture noire qu’il travaille avec des outils, créant du relief, la rendant luisante ou mate. Dessus, la lumière produit des changements de couleur. D’une toile en trois panneaux (Peinture 222 x 449 cm, 30 septembre 1983) qu’il avait observée chez lui à Sète, près de la Méditerranée, et qu’il présentait au Centre Pompidou en 2009, Pierre Soulages a dit : « Certains matins, elle est gris argent. A d’autres moments, captant les reflets de la mer, elle est bleue. A d’autres heures, elle prend des tons de brun cuivré (…). Un jour, je l’ai même vue verte : il y avait eu un orage et un coup de soleil sur les arbres qui ne sont pas loin de là ».

     

     

     

    Voir Soulages, de Conques à Rodez

    Les vitraux de l’abbatiale de Conques, une commande publique, sont une des grandes œuvres de Pierre Soulages. Elles lui ont demandé sept ans de travail, entre 1987 et 1994. Pour les 104 verrières, il a imaginé un verre particulier, créé avec le maître-verrier Jean-Dominique Fleury. Il utilise l’opacité et la transparence qu’il a réparties pour faire varier les intensités lumineuses en fonction de l’heure du jour : cela a donné des effets de couleurs inattendus. Des lignes fluides, obliques, légèrement courbes, courent sur le verre.

    Un autre lieu qu’il faut visiter absolument pour rencontrer Soulages, c’est le musée qui lui est consacré dans sa ville natale et qui possède le plus important ensemble de ses oeuvres. Le Musée Soulages de Rodez a ouvert ses portes en mai 2014. L’artiste en a accepté l’idée à condition qu’il soit ouvert à d’autres artistes. Il a fait une donation de 500 pièces au musée, dont de nombreuses gravures, des gouaches, des encres, des brous de noix, des huiles sur toile et tous les travaux liés à la création des vitraux de Conques (notamment les cartons). Il y a ajouté quatorze peintures dont un Outrenoir de 1986.

    Pour ses cent ans, le Louvre rend hommage à Pierre Soulages en exposant dans le Salon Carré une sélection d’une vingtaine d’œuvres couvrant toute sa carrière, prêtées par les grands musées du monde (du 11 décembre 2019 au 9 mars 2020). Le Centre Pompidou expose également une sélection de 14 des 25 œuvres de l’artiste conservées dans sa collection, dont sept provenant du legs de Pierrette Bloch jamais encore montrées au Centre. Le Musée Fabre de Montpellier, qui possède une collection importante de Soulages, lui rend aussi hommage avec un parcours enrichi de nouvelles oeuvres, dont des prêts.

     

    Source : France Info Culture

     

     

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  • Et maintenant… Un petit conte de Noël

     

     

    Tout commence dans une librairie parisienne où je viens d’acheter un livre de recettes de cuisine spéciale viande crue de jeunes animaux écrit par Harvey Weinstein, que je compte offrir à une copine vegane. En cette période de Noël, il y a toujours ces dames qui vous enveloppent vos cadeaux en échange d’une pièce que vous laissez ensuite pour une œuvre caritative.

     

    Attendant mon tour tout en regardant ces femmes s’activer consciencieusement sur l’emballage des cadeaux des clients, je me tourne alors vers mon voisin de queue pour lui faire profiter d’une blague que vient de m’inspirer la scène que je contemple : « et dire qu’il y a des gens qui passent tout leur temps sur les sites de rencontres alors qu’elles, elles emballent toute la journée ! »

    Quelques fous rires gras entendus emportent l’adhésion autour de moi, mais je me rend compte très vite aussi que dans ce petit public acquis se trouvent trois personnes que je n’avais pas spécialement référencées tout de suite… Soudain, avec stupeur, je comprends qu’il s’agit en fait de Caroline de Haas, Marlène Schiappa et Maboula Soumahoro. Elle se trouvent juste à deux mètres de moi.

    Toutes les trois me fixent intensément, puis je vois leurs bouches lentement s’ouvrir et se tordre. Les gens s’écartent autour d’elles. Un bourdonnement emplit mes oreilles. Des mouches commencent à s’agglutiner sur les vitrines. Caroline de Haas lève un bras dans ma direction, me pointant du doigt, puis les deux autres en font de même. Leurs bouches sont à présent grandes ouvertes et un son atroce en sort, comme un hurlement à l’envers, une sorte de cri de chat en encore plus aigu.

    C’est immédiatement la panique dans la librairie. Des livres commencent à voler de toute part. Les clients s’éparpillent. Certains réussissent à sortir mais très vite les portes se referment violemment. La table devant laquelle se trouvaient plus tôt les deux emballeuses est projetée contre la sortie pour bloquer l’accès. Les gens hurlent. Dans la bousculade générale, certains qui étaient tombés par terre, sont piétinés. Les cris fusent à travers le magasin.

    Les trois féministes, à l’aide de pouvoirs télékinésistes, empêchent tout échappatoire en déplaçant des meubles à étagères devant les vitrines. Des livres sont projetés mais cette fois-ci pour servir de projectiles et j’en suis la principale cible. Ayant remarqué une petite porte dérobée au fond du magasin, je profite de l’hystérie collective pour m’y ruer. C’est alors une kyrielle de bouquins qui s’abat sur moi.

    Avec mes bras, j’essaie d’esquiver une biographie sur Simone Veil qui allait se fracasser contre mon front, puis c’est un livre sur Simone de Beauvoir qui tente de me pincer le nez. Une série de petits livres de la collection Que Sais-Je, dont un sur Greta Thunberg, pleut sur ma tête. Rokhaya Diallo, George Sand, Isabelle Alonso… J’arrive plus ou moins à toutes les esquiver à l’aide d’un Petit Robert que j’avais attrapé dans ma fuite.

    Je finis par arriver à la porte, en espérant que celle-ci ne soit pas fermée à clé. Non, la chance pour l’instant semble être de mon côté. J’accède à une réserve. Tout au fond de la pièce, encore une porte. Elle donne accès cette fois-ci sur une cour. Derrière moi, j’ai le temps de distinguer les trois furies qui sont toujours à mes trousses. J’ai également le temps de m’apercevoir que leurs mains se sont transformées en paire de ciseaux pour l’une, des sécateurs pour une autre et deux godemichets vibrants pour la troisième.

    Si tout cela est un cauchemar, je souhaite seulement qu’il s’arrête très vite ! C’est fini, promis, je ne boirai plus jamais de Tariquet à l’heure du déjeuner. Tout en courant, je saisis mon téléphone portable…

    Au bout d’une ruelle trônent deux gros containers de poubelles que j’arrive à renverser pour obstruer le passage et tenter de gagner quelque secondes qui pourraient m’être précieuses. J’entends derrière moi un cri. C’est Maboula qui vient de tomber. Son corps s’étale mollement. Caroline, quant à elle, enjambe lestement l’obstacle. En me retournant, j’évalue rapidement la distance avec les trois prédatrices.

    Je n’en vois plus que deux. Où est passée Marlène ? d’un coup, je l’aperçois. Elle court au-dessus de moi le long d’un mur, à quatre pattes, comme une araignée, l’écume aux lèvres. Son maquillage a en partie disparu et sa coiffure ressemble désormais au champ de bataille de Verdun en 1917. Elle tente de se projeter sur moi, mais j’ai le réflexe de m’écarter au dernier moment. Elle s’écrase au sol elle aussi de tout son long, dans un bruit sourd. Je l’entends éructer alors un « mange la cervelle de tes morts ! » qui m’est de toute évidence destiné.

    Je débouche enfin sur une rue passante, au beau milieu des piétons et des trottinettes. Je renverse dans ma course une espèce de Vincent Delerm avec un bébé accroché sur son torse, qui me soumet alors une expression d’endive, me lançant un « attention quand même, je porte un bébé, c’est pas cool ! ».

    J’aperçois les trois gorgones toujours à mes trousses, leurs bras tendus dans ma direction, avec à leur extrémité des lames acérées et des pénis turgescents qu’elles actionnent, au son de « crouic crouic, tchac tchac, floutch floutch ». J’ai l’impression, mais je n’en suis pas vraiment sûr, que leurs bras se sont allongés démesurément. Mon téléphone toujours en main, je tente de trouver à la volée un contact connu dans mon répertoire.

    Personne dans la rue ne semble s’inquiéter de ma situation. En même temps, nous sommes dans le 11ème du côté de Parmentier, entre les rues Jean Pierre Timbaud, Saint-Maur et La Fontaine au Roi. Merde… Je suis en plus en pays hostile, le Mordore où règne le Grand Œil, celui du Sauron de ce quartier, l’esprit d’un Yann Barthes omnipotent.

    J’ai dû prendre pas mal d’avance car je ne vois plus mes assaillantes derrière moi. J’en profite alors pour me réfugier dans un café bondé. Je vais me placer tout au fond et je me sers de la banquette sur laquelle je m’assois pour me dissimuler, tout en guettant les agissements à l’extérieur. J’aperçois finalement mes trois bourreaux passer en regardant frénétiquement autour d’elles. La truffe au vent, leurs têtes tournent à 180 degrés et leurs bras ondulent comme des tentacules le long du corps.

    Dans la salle, je me rends compte, mais peut-être un peu tard, qu’il n’y a que des femmes autour de moi. Et les regards à mon encontre sont définitivement hostiles. C’est impossible, non ! Je ne peux pas rester là, c’est trop dangereux, mais au moment de repartir, Schiappa et ses complices entrent dans le café. Des femmes accoudées au comptoir leur indiquent ma présence, en leur pointant du doigt la banquette où je me cache.

    J’ai juste le temps, en restant accroupi, de passer in extremis dans les toilettes. Je me trompe de côté et me voilà dans celles des filles. La pièce comporte plusieurs cabines avec des portes battantes, sous lesquelles on peut apercevoir les pieds de l’occupante. Je vais me cacher dans la troisième de la rangée et monte sur le cabinet, tremblant. Je ne peux même pas appeler, de peur de me faire remarquer. Je décide d’envoyer des sms groupés à tous mes contacts. Je commence à taper un message désespéré, mais le correcteur de mon téléphone change systématiquement le sens de mes phrases. Mon appel au secours devient ainsi « pour un Uruguay libre ! Lula, on t’aime ! la république, c’est moi ! »

    Mais comment est-ce possible ? Bon sang, mais c’est bien sûr ! Nous sommes dans le 11ème et mon téléphone s’est reconfiguré en fonction du quartier. Putain de correcteur mélanchoniste ! La porte principale des toilettes s’ouvre. J’entends des voix. Ça y est, elles arrivent. Je suis fait comme un rat bolivarien… J’essaye de ne plus respirer. Les voix se rapprochent.

    J’entends également un bruit de métal, sûrement celui d’un objet contendant que l’on ferait frotter sur les portes des cabines. Les ciseaux ou les fameux sécateurs. Et maintenant un bruit plus sourd, comme du caoutchouc ou du latex, que l’on fait glisser sur les parois. Ça doit être les godes… Ces filles sont folles et elles veulent ma peau. Tout ça pour une petite blague de merde, sans aucune arrière-pensée, en plus. C’était bête, certes, je l’avoue, mais de là à vouloir m’émasculer, me violer…

    Et puis d’un coup, ma vie entière défile devant mes yeux… Je repense au fait que je n’ai jamais voté Lionel Jospin, ni François Hollande. C’était au-dessus de mes forces… Je réalise également que je viens d’avoir 50 ans au mois de juillet, que je suis blanc par-dessus le marché. Mon Dieu, je suis la cible rêvée, le coupable idéal. Je coche toutes les cases. En clair, je suis foutu…

    J’aperçois alors trois ombres qui s’arrêtent devant ma cabine. S’ensuit un long silence. La pièce semble s’être vidée de tout son oxygène. J’ai envie de faire caca. La porte vole soudain en éclats. Les trois monstresses, sans me laisser la moindre chance, me sautent dessus. Je laisse échapper un cri rauque. C’est la fin… Est-ce la fin ? Est-ce que je vois la fameuse lumière blanche ? Mais c’est plutôt une lumière bleue qui illumine d’un coup toute la pièce. Une lumière bleue intense qui irradie les lieux. Je suis aveuglé. Je me protège les yeux. Les trois dingues, aveuglées également, reculent en poussant des râles de douleur. Elles se tordent comme des asticots…

    Je descends de mon perchoir et sort brusquement de la cabine des wc. Je distingue une forme, pour l’instant floue, dans l’encadrement de la porte principale. Une forme pas très grande et légèrement voutée. La lumière qui continue d’irradier et qui semble paralyser les autres n’est bizarrement plus pour moi une agression. Je comprends que l’être magnifique dressé devant moi doit être un ange ou une bonne fée venue à mon secours.

    Ça y est,  je vois distinctement cette fois-ci. On dirait Gargamelle. Et cette lumière bleue… les Schtroumpfs ? Ah non… C’est Eric Zemmour, là, dressé devant moi. Il me tend la main en souriant : « viens avec moi , vite ! ». Nous partons ensemble, main dans la main. On s’envole. Derrière nous, Schiappa, de Haas et Soumahoro sont expulsées dans la cuvette des toilettes. La chasse d’eau est actionnée et elles disparaissent dans un vortex d’eau, de crottes et de Canard WC. On entend un dernier cri… « Nooooon ! »

    Tel Marie Poppins, Zemmour m’emmène dans un pays enchanté fait à moitié de réalité et de dessin animé. C’est très beau. J’entends du Tino Rossi partout et des petits enfants courent autour de nous en brandissant des fanions tricolores et en scandant de manière exaltée « Vive le Maréchal ! ». Eric me sourit. Elles sont tous là, Christine Boutin, Marion, Marine… Nous sommes maintenant tous nus et nous courons dans les hautes herbes…

    … Je me réveille. Une voix : « Monsieur, Monsieur !! ». Je suis en train de faire la queue avec des gens qui attendent pour se faire emballer leurs achats de Noël. Une librairie, apparemment… Je me retourne pour regarder tous ceux qui m’entourent. Je ne reconnais personne. Que des anonymes comme moi. Je tiens dans mes mains un livre de recettes intitulé « Comment cuisiner de manière inventive et gourmande des endives et des navets », écrit par Aymeric Caron et préfacé par Nicolas le jardinier. Je regarde les deux femmes qui s’attèlent à envelopper les livres. Une blague me vient à l’esprit. Je regarde autour de moi et puis finalement je ne dis rien.

    Je sors et me retrouve dans la rue, parmi tous les autres, dans le confort rassurant de la foule, compacte et mouvante. Je disparais moi aussi dans cette bienveillance obligée, saint et sauf, phagocyté par la magie de Noël…

     

     

     

  • Rick Owens : Collection Aztec Printemps-Eté 2020

     

     

    En septembre 2019, Rick Owens nous présentait la collection Aztec, dans le cadre prestigieux du Palais de Tokyo à Paris. Pour sa collection printemps-été 2020, le créateur américain s’est inspiré de ses origines nord-américaines, avec pour sources d’inspiration trois thèmes forts et dans le feu de l’actualité de l’époque : sa mère d’origine mexicaine, l’actrice Maria Félix et le débat qui fait rage au sujet du mur à la frontière mexicaine.

     

    Comme la saison dernière, lorsque le créateur avait littéralement mit le feu à l’esplanade du Palais de Tokyo, Rick Owens récidive en nous présentant une nouvelle collection aussi impressionnante que sa mise en scène. Des mannequins à l’allure étrange, signature de la marque, défilent dans des robes démesurées, des vestes aux épaules XXL et des vêtements extra-larges. La géométrie quasi-parfaite des vêtements subjugue. L’ensemble de la collection est presque architectural. Le show est puissant, envoûtant, presque effrayant, mais, une fois encore, réussi.

    Ici, ni podium ni tapis rouge. Seul le cadre brut des marches du Palais de Tokyo habille le défilé du maître. Un bassin est aménagé spécialement pour l’occasion, alimenté par une série d’énormes tuyaux qui y déversent une eau à l’éclat particulier. Pour ouvrir le show, de la fumée s’échappe des fameux tuyaux avant qu’un cortège en robe noire ne marche au bord de la piscine, brandissant de longs mâts. Les modèles plongent leurs piques dans l’eau, se soulevant et se séparant en rythme, afin de produire une joyeuse cacophonie visuelle de bulles. Éphémères et implacables, flottantes et glissantes, elles fournissent un fond éthéré mais doux au décor général.

     

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    Les modèles arborent des coiffes pharaoniques, science-fictionnelles et rétro-futuristes, évoluant au beau milieu des tours environnantes, évocation en noir & blanc des plus poétiques du « Metropolis » de Fritz Lang, vite démentie par les tableaux suivants, beaucoup plus colorés. Owens convoque ses origines mexicaines, par sa mère, et fait bien évidemment référence aux problèmes frontaliers actuels dans son pays natal, aux États-Unis, qui rendront désormais plus difficile une éventuelle visite à sa famille qui vit encore plus au Sud, de l’autre côté du mur. Face au discours officiel prônant la construction d’enceintes, le renforcement des frontières et le repli des Etats-Unis sur eux-mêmes, Rick Owens, Américain vivant et travaillant en Europe, lui oppose avec son show cette réponse naturelle, afin d’y honorer ses racines.

    Car les créations d’Owens, ornées de paillettes, d’or, de motifs multicolores, de cuir verni, de pastels et de fleurs sculpturales, à la fois explosives et festives, constituent toujours un retour aux sources, avec des lignes pures et extrêmes. Cette collection nous fait ainsi naviguer entre peur sacrificielle et fascination païenne, entre passé et futur, entre les pyramides de l’Egypte ancienne, les temples aztèques et certains personnages directement tirés d’un épisode de Star Wars… Rick Owens y célèbre la femme universelle, de la Reine de Saba à Cléopâtre.

     

     

     

  • London’s Clubbers dans les 80’s

     

     

    « Habillez-vous comme si votre vie en dépendait ou ne vous dérangez pas », telle était la recommandation de Leigh Bowery quant au code vestimentaire à adopter pour pouvoir participer à ses soirées organisées au légendaire club Taboo, juste à côté de Leicester Square à Londres, dans les années 80.

     

    Leigh Bowery, designer, performer et superstar des nuits londoniennes, était le maître de cérémonie sulfureux de la scène du club underground Taboo au milieu des années 80. Tel un canevas humain éclaboussé de peinture et de maquillage outrancier, il importa au Taboo son carnaval étrange, sur fond de drogue, de psycho-glamour et de débauche poly-sexuelle. Le célèbre portier du club, Mark Vaultier, tendait un miroir aux clubbers qui attendaient à l’entrée et leur posait la question fatidique : « Est-ce que vous vous laisseriez entrer ? »

     

     

     

    En 2013, l’exposition « Club to Catwalk » au Victoria & Albert Museum de Londres nous présentait des créations de John Galliano, Vivienne Westwood, Stephen Jones, Betty Jackson, Paul Smith, Pam Hogg, Katharine Hamnett, Rifat Özbek ou Leigh Bowery et visait à mettre en lumière à quel point la mode des années 80 a émergé directement de la scène musicale underground et des règles draconiennes d’entrée dans certains clubs prisés par la communauté gay. Car il fallait y briller…

    « Club to Catwalk » nous offrait ainsi un aperçu fascinant du monde des designers britanniques, débutants dans les années 80, et qui ont ensuite acquis une renommée internationale, grâce à leur esthétique audacieuse, directement influencée par la culture scandaleuse des clubs de Londres. Avec chaque nouvelle soirée se constituaient de nouvelles tribus de style. L’exposition célèbre les looks extrêmes des sous-cultures londoniennes des années 80, entre Fetish, Goth, Rave, New Romantics et High Camp. L’expression « The blink-and-you’ll-miss-it scene » désignait cette scène sulfureuse où les clubs fêtaient rarement leur premier anniversaire, même si le goût pour la subversion et l’individualité totale et absolue persista tout au long de la décennie.

     

     

     

    John Galliano, qui a étudié au Central Saint Martins Art College de 1981 à 1984, se souvient d’ailleurs que les jeudis et vendredis, « le collège était presque désert. Tout le monde était à la maison pour travailler ses costumes pour le week-end ». Quant à Trojan, une star du Taboo et l’ancien amant de Bowery, il se coupait à moitié une oreille un soir, dans une sorte de happening hédoniste et extrême, car comme il l’expliquait dans un article qui lui était consacré dans le magazine The Face en 1986, « il en avait tout simplement marre de voir son style copié par les filles du Taboo ».

    Claire Wilcox, la responsable de la mode au Victoria & Albert Museum de Londres et commissaire de l’exposition « Club to Catwalk » en 2013, déclarait qu’elle tenait à réfuter l’hypothèse selon laquelle la mode des années 80 se résumait à « des vêtements colorés et des permanentes ». Alors certes, pas d’épaulettes, remplacées avantageusement par des robes pour homme, des accessoires fétichistes signés Vivienne Westwood, des tenues de pirate, un dance floor et un juste-au-corps en Lycra violet avec sa gaine pour pénis intégrée…

     

    Claire Wilcox évoquait en 2013 comment l’esthétique de ces clubs londoniens, beaux et grotesques à la fois, fut cruciale dans l’émergence de la mode grand public des années 80.

     

    Pensez-vous que l’exposition vise à restaurer la réputation de la mode des années 80 ?

    Je l’espère, en tout cas ! Nous faisons évidemment référence à Lady Di, mais nous ne présentons délibérément aucune de ses tenues. Et pour tout dire, il y a très peu d’épaulettes dans l’exposition… Il s’agit plus ici de la mode des écoles d’art ; nous avons des designers incroyables, comme John Galliano, qui débutait tout juste sa carrière à l’époque, mais aussi Vivienne Westwood, « l’enfant terrible de la mode », qui a été absolument radicale tout au long des années 80. Il s’agit également de faire appel à des designers influents qui ne sont pas nécessairement aussi connus aujourd’hui, comme John Flett et Michiko Koshino. Nous voulions montrer comment ce que les clubbers portaient à l’occasion des soirées au Taboo a pu avoir une influence majeure, bien au-delà des murs du sous-sol du club. Créateurs, musiciens, artistes et danseurs sortaient ensemble ; ce croisement entre culture club et monde réel était donc inévitable…

     

    Pouvez-vous donner un exemple de ce croisement entre club et monde réel ?

    L’exemple classique est la chemise New Romantic, que l’on fait blouser, avec son col cassé, particulièrement appréciée par la princesse Diana et ses amis. A cette époque, les créateurs enjambaient deux mondes et apportaient la vitalité et la fraicheur de la scène club, en la mélangeant à ce qu’ils avaient pu apprendre dans les écoles de mode. Stephen Jones créait des chapeaux pour ses amis clubbers, certes, mais il faisait aussi des chapeaux pour la reine…

     

    Comment la musique du club a-t-elle influencé la mode ?

    Cela dépend en grande partie de la façon dont les gens dansaient. Le style « Rave », c’était en substance comment s’habiller au mieux pour transpirer, mais comme l’un de ces New Romantics me l’expliquait un jour : pour eux, il ne s’agissait pas de danser mais de se contenter de remuer le plus esthétiquement possible afin d’éviter de ruiner leurs costumes extravagants… Si vous regardez les premières pièces, qui sont assez précises et utilitaires, elles sont associées à la musique robotique de 1979 ou 1980, puis vous entrez dans la phase historique, lorsque les clubbers se sont plus tournés vers les costumiers de théâtre, pour leurs tenues du samedi soir. Vers la fin de la décennie, vous trouvez de plus en plus de « bodycon », et les vêtements deviennent plus moulants, avec beaucoup de Lycra, jusqu’à la dernière tenue représentée, de la collection « White » de 1990 par Rifat Özbek, qui se situe quelque part entre Rave et New Age.

     

    Compte tenu de la complexité et des nuances de la scène, ce devait être une exposition difficile à organiser…

    La chose à retenir à propos de la culture clubbing londonienne de cette époque, c’est que personne ne portait deux fois la même tenue. Nous présentons d’ailleurs cinq tenues de New Romantics, créées et portées entre 1979 et 1980, et elles sont toutes radicalement différentes. Il y avait chez ces tribus de style aux univers esthétiques très divers une capacité tout à fait rafraîchissante à refondre et recycler, nuit après nuit.

     

    Il est impossible de parler de la culture des clubs londoniens dans les années 80 sans évoquer Leigh Bowery. Quelle a été sa contribution ?

    Ce que les gens oublient, c’est que Leigh Bowery était un grand couturier… Quand il a débuté, il a fait un voyage d’affaires à Tokyo avec d’autres designers britanniques. Il a reçu de nombreuses commandes d’acheteurs potentiels, mais il ne donna pas suite car il ne s’intéressait en fait qu’aux pièces uniques. Le seul objectif qu’il se fixait était de mettre en scène tous les soirs une performance la plus époustouflante possible, et de voir son inspiration diffusée à la fois aux mondes de la mode et des arts. Le business ne l’intéressait pas… Et les tenues signées Leigh Bowery que nous présentons dans le cadre de cette exposition représentent l’extrême de la mode club ; le club qu’il concevait comme un lieu d’expression esthétique. Finalement, son corps est lui-même devenu le théâtre de ses propres performances, et j’adore ce concept !

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 13 : McDonald’s

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    17 septembre 1979, ouverture officielle du premier McDonald’s en France. Ça, c’est pour la version officielle… Car l’histoire a été réécrite de toutes pièces : c’est en effet un certain Raymond Dayan qui a importé la marque comme le concept du fast-food en France sept ans plus tôt, en 1972, alors que la maison-mère américaine était très sceptique quant à la viabilité d’une implantation dans notre doux pays.

     

    Cet anniversaire ne serait donc qu’une escroquerie barbouillée de ketchup et surmontée d’une rondelle de pickle ? Ce 17 septembre 1979, c’est pourtant encore aujourd’hui très officiellement la date gravée dans le marbre de l’histoire du géant américain de la restauration rapide, ainsi que sur la façade de la première enseigne McDonald’s ouverte en France, à Strasbourg. « Nous étions des pionniers », se souvient Michel Ksiazenicer, le premier franchisé. « Cependant l’accueil fut plutôt chaleureux, et les réactions des Alsaciens plus curieuses qu’hostiles », comme nous indique le site de la maison-mère. Sans doute… Car ça fleurait bon le bonheur qui dégouline entre deux buns, à en croire le reportage du journal télévisé de l’époque.

     

    [youtube id= »vAt1y7NECCw » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Mais il n’en reste pas moins que l’histoire a été réécrite de toutes pièces… Car McDonald’s cherche en fait depuis quarante ans à effacer des tablettes un homme, Raymond Dayan, celui qui importa la marque comme le concept du fast food en France sept ans plus tôt, en 1972, après une première expérience à Chicago. Les hamburgers en France, McDo n’y croit pas et accorde une licence à des conditions plus qu’avantageuses à l’entrepreneur français, qui obtient de surcroît l’exclusivité sur tout le territoire.

    Raymond Dayan est ainsi autorisé à ouvrir jusqu’à 150 restaurants et la licence lui est accordée pour trente ans. Mais surtout, les conditions financières négociées par l’homme d’affaires sont royales : il ne doit reverser que 1,5 % de son chiffre d’affaires à la maison mère contre près de 20 % aujourd’hui pour un franchisé McDo lambda.

     

    « Je suis vraiment l’incarnation du rêve américain, le seul pays au monde où un émigrant qui a l’esprit d’entreprise et qui a une nouvelle idée, peut venir, y concrétiser son projet et réussir. La France, c’est le pays de l’excellence culinaire. Et venir y importer un concept tel que le hamburger, McDonald’s n’y croyait évidemment pas. Manger avec les doigts, souvent debout, les Américains pensaient que les Français ne s’y mettraient jamais… » (Raymond Dayan en 1984)

     

    Le premier McDo ouvre donc, non pas à Strasbourg en 1979, mais à Créteil, en région parisienne, le 30 juin 1972. Un fast food qui existe d’ailleurs encore aujourd’hui… Les débuts sont cependant quelque peu laborieux. Si les curieux se pressent à Créteil pour voir ce nouveau concept qui cartonne aux Etats-Unis, la mayonnaise ne prend pas immédiatement.

    Raymond Dayan a beau ouvrir un second McDonald’s sur les Champs-Elysées à Paris en 1973, il faudra attendre trois ans pour que ses restaurants cessent de perdre de l’argent. Mais à la fin des années 70, l’homme d’affaires est le roi du hamburger. Il est à la tête de quatorze restaurants qui servent 6 millions de repas par an et réalisent 60 millions de francs de chiffre d’affaires (près de 33 millions d’euros actuels en prenant en compte l’érosion monétaire).

     

    « En 1972, après avoir ouvert le premier McDonald’s à Créteil, j’ai du trouver très rapidement des gens qui sachent faire des hamburgers pour mes autres restaurants. Comme j’étais le premier à lancer le concept, j’ai du former le personnel…  » (Raymond Dayan en 1972)

     

    McDonald’s réalise alors son erreur et propose dans un premier temps à Raymond Dayan de racheter ses restaurants. Celui-ci refuse et la marque américain contre-attaque en invoquant le non-respect de ses règles d’hygiène. S’ensuit une terrible bataille juridique remportée finalement par le géant américain en 1982. Si l’entrepreneur français gagne le procès en première instance, il perd finalement en appel et doit rebaptiser ses 14 restaurants O’Kitch. La marque sera rachetée ensuite par le belge Quick, qui veut se faire une place au soleil sur le marché français.

    Aujourd’hui la filiale française de McDonald’s est l’une de plus florissantes du groupe. Près de 1500 restaurants, 69.000 salariés et 1,8 million de repas servis par jour. Elle se paie même le luxe de posséder le McDo qui réalise le plus gros chiffre d’affaires du monde, celui des Champs-Elysées à Paris, l’artère sur laquelle Raymond Dayan avait ouvert son deuxième restaurant en 1973. Manger avec les doigts, parfois debout, les Français s’y sont finalement mis…

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 09 : Les Radios Libres

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Mai 1981, les radios libres s’emparent des ondes. Presque quarante ans plus tard, il faut bien admettre que le concept de la bande FM est bien éloigné des premiers idéaux qui ont amené à sa libéralisation à l’époque. Retour sur ces années…

     

    Jusqu’en 1981, sept radios seulement émettent en France : trois de service public (France Culture, France Musique et France Inter) et quatre radios périphériques (Europe 1, RMC, RTL, Sud Radio) qui se partagent le territoire. Valéry Giscard d’Estaing veille instamment au respect de ce monopole, et tout piratage est sévèrement puni…

    Antoine Lefébure fut l’un des premiers à s’intéresser à la liberté des ondes en France. Il avait commencé à se pencher sur le sujet dès la fin des années 60, à l’époque des radios pirates, comme Radio Caroline ou Radio London, qui émettaient vers l’Angleterre à partir de bateaux amarrés en dehors des eaux territoriales. Après quelques premières expériences assez confidentielles, comme à la Fac de Jussieu, il fonda en 1974 avec Philippe Lorrain la revue « Interférences » consacrée à ces sujets.

    En 1977, il reçoit l’aide du magazine Actuel et grâce à une alliance pirates / écolos, il crée Radio Verte, dont la première émission historique date du 13 mai, diffusée avec l’aide de Brice Lalonde depuis le domicile de Jean-Edern Hallier (décidément dans tous les coups !). La voie était ouverte !

     

     

     

    L’idée de créer une radio libre trotte en fait dans la tête d’Antoine Lefébure depuis le début des années 70. Après une tentative avortée en 1975, le grand jour arrive à l’occasion des élections municipales de 1977.

    Le dimanche 20 mars 1977, Brice Lalonde annonce en direct sur le plateau d’Antenne 2 la naissance de Radio Verte. En réalité, ce qu’il fait entendre sur un transistor n’est qu’une émission factice, préenregistrée et diffusée à l’aide d’un émetteur FM compact dans un rayon de quelques mètres par son complice, Antoine Lefébure, présent en coulisses. Cette anecdote, maintes fois racontée, a surtout contribué à faire connaître auprès du grand public l’existence des radios libres et à encourager leur essor.

    La véritable première émission sera diffusée le 13 mai 1977, depuis l’appartement de Jean-Edern Hallier sur la fréquence 92 MHz, à l’aide un émetteur de 50 W bricolé par Sylvain Anichini et Jean-Luc Sendowski. Pour cette émission, Radio Verte devait d’abord émettre depuis les locaux du Nouvel Observateur, mais son directeur Claude Pedriel n’était pas favorable à cette idée. L’émission fut donc enregistrée et réalisée par Andrew Orr et Jean-Marc Fombonne dans les studios de France Culture, et sera ensuite diffusée intégralement et sans brouillage.

    Radio Verte émet ensuite de nouveau les 16 et 17 mai, puis le 18 juin 1977, subissant le brouillage implacable de TDF. Elle reprend ensuite l’antenne depuis les locaux du Matin de Paris du 12 au 14 juillet 1977, en direct cette fois-ci. Les dernières émissions seront diffusées quasiment sans discontinuer tous les jours du 7 décembre 1977 à la mi-mars 1978. Mais après les élections législatives de mars 1978, la radio devient muette. Elle ne réapparaitra qu’entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1981.

    Radio Verte sera ensuite autorisée en partage de fréquence avec NRJ ; mais elle n’émettait déjà plus depuis longtemps. Une partie des membres de Radio Verte rejoindra plus tard Radio Nova.

     

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    Un autre de ces pionniers des premières radios libres fut Patrick Van Troeyen, influencé par Michel Lancelot et son émission « Campus » sur Europe 1 en 1969, un des rares espaces de liberté radiophoniques à l’époque. Il participa en 73 à la Fac de Jussieu à Radio Entonnoir (le surnom de Michel Debré, ministre de De Gaulle puis de Pompidou), avant de créer Radio Nid de Coucou en 1978 (toujours les asiles…).

    Radio Ivre, « La Radio-Pirate des Parisiens », une station locale parisienne d’expression, créée le 19 novembre 1978 par Jean-Marc Keller, Stéphane Billot et Patrick Leygonie, émet depuis une chambre de bonne située dans le 16ème. Elle existait déjà sous une première version et diffusait du reggae depuis Colombes, puis Courbevoie… Les trois compères sont vite rejoints par Jean-François Aubac, créateur de Radio Noctiluque, et Patrick Van Troeyen, créateur de Radio Nid de Coucou, deux autres pionniers de la diffusion FM pirate sur Paris.

     

    « Nous étions tous trois assis dans mon salon du 37 avenue Gambetta Paris 20ème, à l’automne 1978 : Patrick VanTroeyen, Claude Monnet, qui créera ensuite Oblique FM, et moi-même. s’ensuivirent 18 mois de cache-cache avec TDF (brouillages), les RG, etc… avant que nous rencontrions Patrick Leygonie et Jean-Marc Keller qui avaient lancé depuis peu une station exclusivement reggae appelée Radio Ivre, émettant depuis une chambre de bonne dans le 16ème. Je sais qu’Annick Cojean a pensé que ces 18 mois étaient anecdotiques, mais ils étaient le plus clair du temps passés à réellement faire de la radio pirate. » (Jean-François Aubac)

     

    En septembre 1979, Ivre, Coucou et Noctiluque fusionnent alors dans une association (ADRI), pour donner naissance à la nouvelle « Radio Ivre », qui émettra jusqu’au 10 mai 1981, dans un premier temps uniquement les nuits du vendredi et samedi. L’objectif était de « créer le média par le média », sans recours à la presse écrite comme les mouvements de radios libres politiques.

    L’équipe de Radio Ivre s’installe progressivement dans des émissions en continu, tandis que le studio change constamment d’endroit, pour des raisons évidentes de sécurité, parmi lesquels la Tour Eve, la tour de la CLT sur le front de Seine, l’immeuble au dessus de Montparnasse, le duplex chez Brigitte Rouan au Panthéon, avenue Gambetta, chez le fils Bécaud à la Défense, au Palace, l’appartement de la rue d’Hauteville (n°70 ?) chez Alain Blanc, autrement nommé « Bretzel Liquide » ou « Bretzel Gazeux », chez Alain Corrieras, 26 rue du Plateau, aux Buttes Chaumont (la radio n’avait jamais été aussi bien « captée »), chez José Gerson, le sculpteur de la place Léon Blum, chez Doumé, dans une ancienne usine rue de Palikao dans le 20ème, au Théâtre Noir dans le 12ème, et pour finir place du Tertre, après l’épisode de « Radio Liberté ». Patrick Van Troeyen en sera le leader et porte parole.

     

     

     

     

    Née avant l’abolition du monopole d’Etat de radiodiffusion, Radio Ivre est la première radio pirate parisienne à disposer de vrais programmes et d’un émetteur de qualité. Elle émet sur 98 MHz puis sur 88.8 MHz. Après 1981, Ivre se porte candidate à l’attribution d’une fréquence légale, qu’elle obtiendra en 1982 par l’intermédiaire du mariage avec le projet Radio Nova. le 14 juillet 1982, l’équipe de Radio Ivre célèbre ainsi la fin de sa diffusion pirate, en organisant un grand bal populaire place du Tertre.

    Elle revient sur les ondes en septembre 1982 sous le nom de Nova Ivre, pour devenir Radio Nova en 1983. Avec cette fusion, Radio Ivre perdit son âme dans une union contre nature entre l’une des radios les plus spontanées de l’histoire et une autre, à l’époque plus « expérimentale » et « robotisée », sous l’influence d’anciens de France-Culture (J.M. Fonbonne, Pierre Lattes, Andrew Orr), et où il était même mal vu de faire du direct ; c’était trop « commun »… Par la suite, la tendance s’inversa, et Nova devint la station de la « Sono Mondiale ». Il ne restait malheureusement déjà plus grand monde de l’équipe originelle de Radio Ivre. Mais ça, c’est une autre histoire…

     

     

     

    « A l’époque, je participais très activement à cette épopée en créant le 1er avril 1978 Radio Noctiluque. Nous étions nombreux à attendre de Giscard D’Estaing le droit d’émettre, mais le premier juillet de la même année, l’assemblée nationale en décida autrement. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Patrick VanTroeyen et que nous avons décidé de fusionner nos « stations » et de continuer d’émettre alors que tous les autres s’arrêtaient. C’est ce que nous avons fait jusqu’en 1980 sous le nom de « Noctiluque-Nid de Coucou ». Pas facile à mémoriser, non ? » (Jean-François Aubac)

     

     

     

    Nous continuons à évoquer cette période bénie des radios libres avec Ici & Maintenant, et son site internet resté bien dans son jus. A visiter, c’est du roots ! Fondée en 1980 par Didier de Plaige, Gérard Lemaire et Guy Skornik, cette radio a depuis sa naissance joué la carte de l’interactivité : libre antenne aux auditeurs, qui pouvaient aussi composer des programmes et les diffuser par le réseau téléphonique.

     

    « A la suite de quelques discussions téléphoniques avec Skornik et Deplaige en 80, j’ai aidé à la première installation d’un studio stable pour la radio chez Guy (près du Trocadéro), en fournissant platine et table de mixage, lesquelles seront confisquées plus tard par les flics lors de leur descente sur I&M. Descente diffusée d’ailleurs pour partie en direct à l’antenne… » (Xavier « Gideon » Gentet)

     

    A signaler aussi qu’une solution originale avait été trouvée pour diffuser les programmes : ce n’étaient pas le studio et l’émetteur qui bougeaient ensemble de lieu en lieu dans Paris, comme pour Radio Ivre, mais l’émetteur seul qui voyageait entre cinq ou six hôtes équipés d’antennes, et une simple réception de ligne PTT venant du studio permettait à Ici & Maintenant d’émettre. Il est d’ailleurs arrivé que l’émetteur voyage seul en taxi d’un point à un autre ; c’est ainsi, pour un simple problème d’adresse, qu’il s’est perdu pendant 36 heures dans la nature…

    Un des animateurs historiques de cette radio est Jean-Paul Bourre, un personnage très intéressant et talentueux : il a écrit de nombreux livres, souvent en rapport avec l’ésotérisme, et fait des émissions passionnantes dans lesquelles il raconte ses souvenirs pendant des heures entières. Parmi ses thèmes favoris, les années psychédéliques, mais il parle tout aussi bien de Nietzsche, des débuts du Rock, des Blousons Noirs, de l’histoire de France, de l’Italie ou de l’Atlantide.

    Ici & Maintenant fut interdite par le CSA en 1995, sous prétexte de dérapages trop fréquents lors d’interventions d’auditeurs. Finalement, en 1997, le Conseil d’Etat lui donnait raison contre le CSA et les programmes pouvaient reprendre.

     

    Comment parler des premiers pas de ces radios libres sans évoquer évidemment Carbone 14. Au début des années 80, le monopole d’Etat sur la radiodiffusion explose et des centaines de radios libres investissent la bande FM. Le 14 décembre 1981, la radio Carbone 14 émet pour la première fois sur Paris. Elle va connaître un succès grandissant avant d’être interdite par l’Etat en 1983.

    « Carbone 14, le Film » rend compte de l’ambiance survoltée de cette radio hors-norme qui comptait parmi ses animateurs : Supernana, Jean-Yves Lafesse, David Grossexe, Robert Lehaineux, José Lopez… Radio irrespectueuse, devenue mythique, Carbone 14 était l’une des stations les plus inventives et drôles de sa génération.

    Sélectionné au festival de Cannes en 1983, ce film ovni constitue l’un des rares témoignages en images sur le mouvement des radios libres. Il sort de la clandestinité en 2011, à l’occasion des 30 ans de Carbone 14 et de la libération de la bande FM.

     

    [arve url= »https://vimeo.com/24003687″ align= »center » title= »Carbone 14, le Film » maxwidth= »900″ /]

     

     

    Parmi les autres radios pionnières, on pourrait également citer Radio Tchatch, fondée par Serge Kruger, l’une des premières stations à programmer essentiellement de la musique black, Salsa, Antillaise ou Africaine, Radio Onz’Débrouille 102 MHz fondée par Alain Léger, qui émit sur Paris tous les jours du 15 février 1978 jusqu’à la fin juillet 78, puis depuis la Fac de Vincennes, avec un grand direct lors de l’arrivée de la grande marche des paysans du Larzac, Gilda avec Patrick Fillioud, le fils du ministre, Radio Tomate (Bruno Guattari), Aligre FM, avec Philippe Vannini, Nova, La Voix du Lézard (devenue Skyrock), Carol FM, Oblique, Cité Future (Le Monde), NRJ, RFM, Boulevard du Rock, et bien d’autres…

     

    1979 : le Parti Socialiste se lance dans la bataille des radios libres, alors non autorisées, en lançant le 28 juin « Radio-Riposte », station pirate créée spécialement par le Parti socialiste pour dénoncer la mainmise sur les réseaux d’information par le président Valéry Giscard d’Estaing.

     

    Le 28 juin 1979, donc, sur Radio Riposte, François Mitterrand dénonce dans une allocution préenregistrée la situation scandaleuse de l’information et sa confiscation giscardienne. Le message est brouillé par les forces de l’ordre qui, vers 20 heures, donnent l’assaut au 12 de la cité Malesherbes, à Paris, annexe du siège du PS, d’où est  diffusée l’émission. Laurent Fabius et François Mitterrand seront inculpés pour infraction au monopole.

    Autant dire que le 10 mai 1981, soir de l’élection présidentielle, lorsque apparaît sur les écrans de télévision le visage de François Mitterrand, les ailes des candidats à la libération des ondes poussent à grande vitesse. En quelques heures à peine, dès la nuit venue, des centaines de radios se mettent à émettre dans toute la France. Une semaine plus tard, elles seront trois mille…

     

    Sources : SchooP / Wikipedia

     

     

     

  • Il était une fois… Le Boy

     

     

    Philippe Fatien, homme d’affaire opportuniste et ex forain reconverti en roi de la nuit, crée le Boy à la fin des années 80…  Et c’est la révolution. Retour en arrière… A Paris, dans les années 70, les clubs réservés aux gays étaient quasi inexistants ou juste des timbres poste, au mieux des arrière-salles de bars plus ou moins définies comme telles.

     

    Il y avait bien le Sept, club mythique de la Rue Sainte-Anne, fréquenté par Saint Laurent, Kenzo et Lagerfeld. C’était légèrement trash, avec ce vernis happy few décadent qui rendait l’endroit faussement sulfureux. S’y mélangeaient mannequins à la mode, célébrités et parfaits inconnus, venus renifler de près toute cette crème hype. Mais l’endroit était minuscule et souffrait de ne plus pouvoir contenir une population sans cesse grandissante et toujours un peu plus nombreuse à assumer et revendiquer sa place dans les folles nuits parisiennes.

    Il faudra attendre 1978 et l’ouverture du Palace, Rue du Faubourg Montmartre, pour que toute la faune branchée du Sept migre vers cet ancien théâtre reconverti en nouveau temple underground et select, et rende les nuits de la capitale encore plus novatrices et incontournables, en matière de soirées et d’ambiance.

    Début 80, ce sont les Bains Douches très vite rebaptisé Les Bains, Rue du Bourg-l’Abbé, qui vont voir le jour, avec leur cortège de VIP, de coke et de musiques inédites et décalées. Endroit plus petit que le Palace, mais avec une amplitude de branchitude bien plus importante encore. La redoutable physio dénommée Marilyn, telle un cerbère, sélectionne les clients comme Pedro le ferait avec chaque grain de café.

     

     

     

    Mais en ce qui concerne les lieux gays purs et durs, des petits cabarets, davantage que des boites de nuit, émergent vers la fin des années 70, comme Le Scaramouche, Rue Vivienne, Le Rocambole, Le Sélénite ou Le Mocambo en banlieue parisienne. Courant 80, c’est Le Broad dans le quartier des Halles, Rue de la Ferronnerie, qui ouvre et devient forcément très vite « the place to be », lorsqu’on est jeune et que l’on aime le fun… Et qu’on est homo aussi.

    Il faudra pourtant laisser s’écouler toute la satanée décennie des vestes à giga-épaulettes pour voir s’ouvrir un lieu de grande taille comme Le Palace, entièrement consacré aux hommes qui aiment les hommes, avec des DJs talentueux et à l’inspiration musicale avant-gardiste. Fini l’underground et le dissimulé. Terminé la marginalisation ou la clandestinité.

    L’idée du Boy, c’est de transformer les nuits gays en de vastes fêtes populaires ouvertes à tous. En prenant comme modèle le célèbre club new-yorkais, le Paradise Garage, Philippe Fatien, le futur propriétaire du Queen, sent l’opportunité lui sourire en ouvrant Rue Caumartin, juste sous l’Olympia, son propre sanctuaire dédié à la House Music, Acid House, Garage et New Beat, tous ces nouveaux courants musicaux venu de Chicago, Detroit et New York.

    C’est une révolution, surtout pour tous les petits gars qui débarquent de leur province, en découvrant ce lieu où l’on programme un son jamais entendu jusqu’alors. Avec l’émergence de cette nouvelle musique, à l’aune de la techno, les gays découvre une identité musicale qui répondra parfaitement à leur époque, en formant un tout.

    Une identité revendicatrice qui passe d’abord par des marqueurs vestimentaires, avec l’attitude et le mode de vie qui les accompagnent. Bonjour le short cycliste avec la grande chemise blanche large portée par-dessus, ou encore le t-shirt à manche courte ultra-moulant qui rappelle un peu Laurent Fignon… La casquette et son gros Boy’z London en métal dessus, avec des petites ailes. Le DJ bag, les Ockleys et les grosses chaussures. Au revoir la sobriété et le bon goût. Le gay n’a plus peur et il s’affiche.

    C’est aussi au Boy que l’on découvre cette musique noire américaine, entre gospel et soul, teinté d’électronique, qui émerge des cendres du disco dès le début des années 80. Un phoenix qui va également prendre sous son aile, au coeur de ces grandes villes outre-Atlantique, tous les laissés pour compte du grand rêve américain, celui qui lavait plus blanc que blanc et de préférence hétérosexuel.

     

     

     

    Alors, à Paris comme à New York, la communauté queer, gay, trans et travestie, communie tous les soirs au Boy. Et ils sont plus de mille, les bras en l’air et le sourire aux lèvres, à se remuer sur la piste jusqu’à 5 ou 6 heures du matin, sur « Vogue » de Madonna, Frankie Knuckles, David Morales, les Masters At Work, Erick Morillo, Todd Terry et tant d’autres encore. On y transpire et on y suinte, on y drague accessoirement, mais ça passe toujours après la danse…

    Dans ces années sida qui ratissent large, Les soirées gay ne seront désormais plus sordides, sombres et mélancoliques, mais lumineuses, pleines de paillettes et de musiques enivrantes. On danse au Boy plutôt que de hanter les sanisettes de gare, les parkings ou les escaliers de la station du RER Auber. On aspire à la lumière de la piste et à ces hauts cubes sur lesquels des danseurs lambda viennent se mesurer et avoir leur minute de gloire, à grands coups de chorégraphies synchros. A l’entrée, Sandrine la physio, impassible, encadrée de deux gorilles. Derrière les portes, ce grand escalier qui mène jusqu’à l’arène…

    Se souvenir avec délice du son d’abord sourd d’un morceau House comme « Good Life » d’Inner City en 1989, ou encore « Promised Land » de Joe Smooth, qui vous bourdonnent dans les oreilles pour exploser dès que vous franchissez les portes insonorisées, en kyrielle de notes et de voix Soul comme du chocolat chaud avec des éclats de noisette. Les basses qui vrombissent dans vos oreilles et chatouillent vos tympans…

     

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    Laurent Garnier sera DJ résident tout le temps que durera l’aventure du Boy. Soit tout juste trois années inoubliables, précieuses et rares. Dans son sillage, s’engouffreront ses apôtres, David Guetta, Stéphane Pompougnac, Joachim Garraud, Fred Rister, Bruno Kauffmann et Marco, le DJ Belge qui importera en France le son Techno venu directement d’Europe du Nord, la New Beat.

    Dans ce temple païen, refuge de tous les orphelins des années 80, cette décennie qui n’a pas été tendre avec les homosexuels, les nuits y sont folles. C’est aussi l’apparition pour la première fois des Drag Queens, ce phénomène pourtant apparu plus de dix ans plus tôt outre-Atlantique, à New York, et qui explose seulement maintenant en France. Tous les jeudi soir, place aux Incroyables, avec une débauche de créatures insensées, Burtoniennes, qui dansent au-dessus de la foule en transe, sur des cubes ou dans des cages. Visions baroques et oniriques qui apportent tout ce dont rêvent ceux qui viennent ici…

    Mais en 1992, le couperet tombe. Une fermeture administrative vient clore cette parenthèse enchantée, qui commençait à faire grincer pas mal de dents, à commencer par celles des riverains qui se plaignaient tous les soirs de voir défiler sous leurs fenêtres cette faune bigarrée et transgressive. Il sera question d’une sombre histoire de viol, puis de trafic de drogue, qui condamnent définitivement cette arche de Noé 2.0 à fermer ses portes.

    Un temps, les aficionados vont se rabattre sur des substituts, comme Le Scorpion, spécialisé dans la Techno, le Rex Club, Le Haute Tension, La Luna et Le B.H, d’autres clubs également très prisés par une clientèle plus spécifique, pour ne pas dire Hardcore.

    Philipe Fatien, le créateur de cette boîte de nuit devenue en seulement trois ans une institution, entrevoit la seconde opportunité de recréer le Boy, en accédant à une adresse beaucoup plus prestigieuse encore. Fort de sa réputation qui l’accompagne désormais comme un halo, le Boy réouvre ses portes sur les Champs Elysées un an plus tard et redevient dans les premiers temps forcément la référence absolue… Mais aussi une marque de fabrique dont on parle en province et dans le monde entier.

    Voici le nouveau royaume de la nuit où tout le monde veut se rendre. Désormais, agenouillez-vous devant Le Queen

     

     

     

    Mais difficile de reproduire les mêmes tours de magie, quand on sait justement qu’il n’y a pas de trucs et qu’il s’agit de magie pure. Ce qui s’est passé au Boy était de l’ordre de l’impensable, du miracle et avec le Queen, c’est une nouvelle époque.

    Sa majesté va devoir désormais rivaliser avec d’autres lieux qui espèrent récupérer un peu du gâteau et de cette population toujours plus nombreuse, qui en ces temps d’avant téléphone portable, internet et attentats, ne pense qu’à une chose : sortir, sortir et toujours sortir. L’Enfer d’abord, derrière les Champs Elysées, non loin du Queen, puis au pied de la Tour Montparnasse, sera surtout réputé pour ses Afters.

    Le Club, Rue Saint Denis, et sa clientèle Afro-Antillaise, comme d’autres lieux réquisitionnés uniquement les samedis soir pour une clientèle qui ne se reconnaît pas forcément dans le faux luxe de cette reine de la nuit autoproclamée comme telle.

    Le Queen sera plus grand et plus meanstream, attirant une clientèle toujours plus diluée (et tous ces hétéros en goguette qui venaient frôler du pédé comme on va au zoo). Des soirées à thème mais qui deviennent des parodies, des caricatures, comme les dimanches soir appelés « le jour des coiffeuses », animés par Galia, une transexuelle qui débite des conneries au micro pour faire rire un public blasé et déjà triste. Les soirées OverKitch…

    Entre temps la musique devient techno, ambiant, electro, deep et s’exporte dans tous les clubs de France et de Navarre. Le Queen n’a donc plus l’exclusivité de ce son et va hélas durant les années qui vont suivre s’essouffler petit à petit.

    Dans la foulée, Le Palace, tombé en désuétude presque en même temps que les Bains, va connaître un temps une seconde vie avec ses « Gay Tea Dance » le dimanche et enchaîner le soir avec le Privilège, son club en sous-sol où la part belle est donnée à la musique pure et à tous ceux qui viennent pour exclusivement danser jusqu’à en mourir d’épuisement.

    DJ André et ses sons magiques, quand House et Garage n’ont jamais provoqué autant d’orgasmes auditifs. La salle de concert L’Elysée Montmartre, tous les samedis soir, va programmer également des soirées gay, mais ouvertes à toutes et à tous, avec une programmation musicale toujours plus pointue et inouïe. Le Bataclan viendra proposer également des samedi thématiques, pour la faune gay parisienne.

    Mais les années 2000 auront eu raison de ces chapelles païennes où l’on se rendait comme d’autres allaient à la messe, par une sorte de nostalgie anticipée, pour allumer une bougie. Tous savaient que cela ne durerait pas. Les bulles sont éphémères.

     

     

     

     

    Il y avait de la magie avec Le Boy quand ça n’était plus que prestidigitation avec le Queen…

    Le Queen traversera donc les années 90 sans trop d’encombre, puis les années 2000, mais le club auparavant mythique en est réduit à ne plus être qu’un logo et un patronyme dénué de sens. Les gays ont déserté les lieux depuis belle lurette et l’endroit est désormais ringard et sinistre. L’agonie durera encore jusqu’en 2015, date à laquelle le club déménage pour aller s’installer un temps juste en face sur l’avenue, et pour enfin définitivement fermer ses portes à peine deux ans plus tard, dans l’indifférence générale.

    Si la crise et les attentats en pagaille auront eu raison de ces vastes lieux de communion, où tout le monde était happy, les nouveaux modes de communications, de rencontre et de drague auront aussi eu leur part de responsabilité dans l’histoire. Aujourd’hui, c’est le Dépôt, Rue aux Ours, qui fait office de synthèse aux nouvelles habitudes de sortie chez les mecs. Un bar, un club, mais surtout la plus grande backroom d’Europe.

    … Mais rappelez-vous encore un peu de cette époque bénie où tout passait par le prisme de la boîte de nuit. Instantané de vie, de la vie d’un gay lambda comme on pouvait en croiser des tonnes à cette époque, avec leurs préoccupations, leurs doutes, leurs souhaits.

     

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