Catégorie : Culte

  • The Loft by David Mancuso

     

     

    Après le Paradise Garage, auquel nous avons récemment consacré un article, nous nous devions d’évoquer un autre club mythique de New York : The Loft.

     

    En 1966, David Mancuso passe des disques pour ses amis, leur faisant découvrir les dernières nouveautés du moment. Devant le succès rencontré par ses soirées « By Invitation Only », organisées un peu partout à New York, lui vient alors l’idée d’institutionnaliser ces fêtes, sur base hebdomadaire, et dans un lieux plus adapté.

    Le 14 février 1970, il inaugure The Loft, au 647 Broadway, à l’angle de Broadway et Bleecker Street (Chelsea). Le lieu en question est en fait le domicile de Mancuso, un vrai loft de 220 m2, converti en club privé, qui réunira rapidement plus de 300 personnes dans le cadre des fameuses parties « Love Saves The Day ». Sur le modèle des « Rent Parties » organisées à Harlem dans les années 20, autour de musiciens de jazz qui viennent jouer dans des appartements privés, les soirées « Love Saves The Day » de David Mancuso ne sont accessibles que sur invitation, et on n’y vend ni alcool ni nourriture.

    Suite à l’effondrement d’un hôtel voisin en 1975, les soirées du Loft migrent au 99 Prince Street, à Soho. C’est à cette époque que surviennent les premiers problèmes avec la municipalité de New York, probablement sur « suggestion » d’autres lieux de fête plus conventionnels. David Mancuso est accusé à tort de vendre de l’alcool dans un lieu public sans la fameuse « Cabaret Licence », et il se voit contraint de suspendre l’organisation de ses fêtes pendant une année. Cette interruption permet à d’autres clubs new-yorkais d’émerger, comme le Paradise Garage, The Gallery ou le Studio 54.

    A la fin des années 70, David Mancuso abandonnera le beatmatching pur et dur, pour se consacrer à la diffusion musicale sur un sound-system unique pour l’époque, inspiré du son dub jamaïcain.

    En dix ans d’existence, le Loft « originel » aura vu défiler la crème des Djs new-yorkais, de Larry Levan à Franckie Knuckles, en passant par David Morales, Francois Kevorkian, Nicky Siano ou Tony Humphries, qui s’illustreront tous par la suite dans les meilleurs clubs de la ville.

    Quant à David Mancuso, il disparaît le 14 novembre 2016, à l’âge de 62 ans. Il est de ceux qui ont fait basculer le clubbing dans la modernité. David Mancuso, celui à qui « tous ceux qui ont dansé ou enfilé un casque doivent quelque chose » selon Bill Brewster, l’auteur de « Last Night A DJ Saved My Life », était en effet de ces promoteurs qui ont su imposer une idée. Ou mieux, un mode de vie…

    « L’idée centrale du Loft, c’était le progrès social. Et ce n’est pas le genre de choses qu’on trouvait à l’époque dans un night-club standard », résumait-il dans une interview accordée à Daily Red Bull, fier comme jamais du concept de ses fameuses soirées lancées le 14 février 1970 et uniquement accessibles par cooptation.

     

     

     

    « Pour moi, ces soirées sont une façon de progresser socialement, parce que je ne suis pas limité par les lois. Payer 5 dollars ou 10 dollars pour une boisson est parfois difficile. Au Loft, il y a à manger, tu amènes ta propre bouteille, tu n’as pas à payer pour poser ton manteau. C’est une communauté d’entraide, en quelque sorte. Ici, tant que tu agis comme un être humain, tu peux faire ce que tu veux. »

     

    A redécouvrir l’ambiance irrésistible du Loft sur les compilations « David Mancuso Presents The Loft Vol. 1 & 2 » (sorties en 1999 et 2000 sur le label londonien Nuphonic). A signaler d’ailleurs sur le volume 1, plage E2, un morceau intitulé « Yellow Train » composé par un certain… Pierre Bachelet… Ainsi que le fameux « Soul Makossa » de Manu Dibango.

     

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  • Paradise Garage : La bande-son d’une époque bénie

     

     

    Le Paradise Garage peut avoir fermé ses portes en septembre 1987, son héritage est encore vivace auprès des nouvelles générations de New-Yorkais.

     

    Pour preuve, le 11 mai 2014, ce qui ne devait être qu’une simple fête de quartier organisée au 84 King Street, à Soho, face à l’entrée de l’ancien club, s’est spontanément transformée en énorme dance-floor, réunissant des milliers de participants venus rendre hommage au Paradise Garage, ainsi qu’à son DJ mythique Larry Levan.

     

    Bill Bernstein Disco Utopia © Bill Bernstein 1979
    DJ Larry Levan at the Paradise Garage, 1979 (Bill Bernstein Disco Utopia © Bill Bernstein)

     

     

    Durant ses dix années d’existence, ce club mythique a défini les règles de la dance music pour imprégner tous les genres musicaux actuels, du garage à la house, en passant par la neo-soul, la funk ou la disco, voire même le hip-hop. Au Paradise Garage s’est composé la bande-son de plusieurs générations de clubbers. Et c’est au Paradise Garage que, pour la toute première fois, le DJ est au centre du show, fixant l’attention des danseurs. Ainsi, Larry Levan deviendra le premier DJ moderne, et la référence pour beaucoup de DJs actuels.

    Larry Levan nous a quittés en 1992, à 38 ans.

    L’ambiance du Paradise Garage à redécouvrir avec le double album enregistré live en 1979, et mixé par maître Larry Levan himself : « Live At The Paradise Garage ».

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

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  • Nicolas Jaar change le plomb en or

     

     

    Quand Nicolas Jaar change le plomb en or, ça donne quelque chose comme ça…

     

    Alors voilà, quand on s’appelle Nicolas Jaar, on va dénicher un obscur morceau de soul gospel, « Jesus Is My Friend », du groupe The Helen Hollins Singers, extrait de leur album « He Gave It To Me » sorti en 1982 sur le label Savoy Records, un morceau bien dans son jus que l’on pourrait qualifier de « back in the days ». Mais quand on s’appelle Nicolas Jaar, on y décèle immédiatement l’efficacité redoutable des vocals, empreints de cette ferveur propre aux artistes gospel à sans cesse proclamer leur amour de Jesus.

     

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    Un remix bien groovy et Soul 80’s à souhait, lâché sur fond de Coupe du Monde, servi à la sauce américano-chilienne…

     

    Nous remontons donc à l’année 2014, en pleine Coupe du Monde au Brésil. Nicolas Jaar avait promis d’offrir en téléchargement gratuit un morceau inédit si le Chili remportait son 8ème de finale contre le Brésil, justement, mais le petit génie américano-chilien est bon joueur, et malgré la défaite de son équipe le 28 juin à Belo Horizonte, il postait quand même via la page Soundcloud de son label Other People cet édit au titre évocateur, « Consolation »…

    Il nous livre ainsi une version revisitée du « Jesus Is My Friend » de The Hellen Hollins Singers, groupe de gospel/soul ayant sévi dans les années 80, que le compositeur électro a ressorti de ses cartons en guise de lot de consolation. Un concentré de fraicheur groovy et de good vibes, qui s’achève sur un sample d’harmonica emprunté au western culte « Il Etait Une Fois Dans l’Ouest », pour un track finalement assez loin des ambiances housy et chamaniques auxquelles Nicolas nous avait habitués cette année-là avec son projet Darkside

     

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  • In Memoriam : Ringo Lam (1955 – 2018)

     

     

    Le réalisateur Ringo Lam, qui a marqué de son empreinte tant le genre du film d’action que la carrière de Jean-Claude Van Damme, est mort le 29 décembre à l’âge de 63 ans, sans doute des suites d’une intolérance médicamenteuse.

     

    C’est avec son quatrième long-métrage, « Rien ne sert de mourir » sorti en 1986, que Ringo Lam s’impose définitivement comme un expert du film d’action. Il s’agit là du quatrième volet de la saga « Mad Mission » qui comptera en tout six films (les volets précédents étant ceux réalisés par Eric Tsang et Tsui Hark).

    Son film suivant inscrira son nom au panthéon des films cultes ; « City on Fire » sorti en 1987, lui vaudra le Hong-Kong Film Award du meilleur réalisateur en 1988 (et celui du meilleur acteur pour l’acteur fétiche de John WooChow Yun-fat). Quelques années plus tard, « City on Fire » sera la source d’inspiration majeure pour un jeune scénariste américain, fan absolu du cinéma hongkongais, qui se lançait dans la réalisation de son premier film : Quentin Tarantino avec « Reservoir Dogs ».

     

    « City on Fire » (Official Trailer, 1987)

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    Au début des années 90, le polar Hongkongais devient populaire en occident ; en France, certains films sortent en salle et beaucoup d’autres sont édités en vidéo, notamment ceux de John Woo, Tsui Hark, Johnnie To et Ringo Lam. En 1993, ce dernier connaît un autre énorme succès avec son « Full Contact », avec au générique les stars du moment : Chow Yun-fat, Simon Yam et Anthony Wong (ces deux-là devenant les acteurs fétiches de Johnnie To).

    Ringo Lam se distingue par une vision assez morne de la nature humaine et de la société hongkongaise. Techniquement, il préfère aussi les scènes d’action réalistes à celles utilisant effets spéciaux et diverses nouvelles technologies.

    Cela fait de Ringo Lam un virtuose, à l’ancienne… Il réalise ainsi de nombreux polars avec des scènes d’action inédites, violentes et spectaculaires, qui régénèrent complètement le genre ; déjà en 1987, « Prison on Fire » avec Chow Yun-fat et Tony Leung (qu’il refait tourner en 1999 dans « The Victim »), en 1994, « Le Temple du Lotus Rouge », semi-échec, ou en 1997 avec « Full Alert », gros succès consacré par cinq nominations aux Hong-Kong Film Awards.

     

    « Full Alert » (Teaser, 1997)

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    En parallèle, Jean-Claude Van Damme s’exporte quant à lui aux Etats-Unis et devient une star mondiale des films d’action. Trois de ses films ont été réalisés par Ringo Lam qui alterne tournages américains et films locaux à Hong-Kong. Avec Jean-Claude Van Damme en tête d’affiche, Ringo Lam réalise « Risque Maximum » en 1996, « Replicant » en 2001 puis « In Hell » en 2003.

    Le savoir-faire de Ringo Lam pour les polars et les scènes d’action fut célébré, en compagnie de ses compatriotes Johnnie To et Tsui Hark, au Festival de Cannes en 2007, en séance spéciale, avec leur projet commun « Triangle », dont ils ont réalisé chacun l’une des trois parties.

    Après un long silence, un peu déprimé de voir comment l’industrie du film évoluait, il était de retour avec « Wild City » en 2015 et « Sky on Fire » en 2016, avant de se lancer dans son dernier projet, « Eight & a Half », une ambitieuse fresque sur l’histoire de Hong Kong, produite par Johnnie To et coréalisée avec sept des plus grands noms du cinéma local.

     

    « Wild City » (Official Trailer, 2015)

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  • Gregorio Allegri : Miserere Mei, Deus

     

     

    C’est une prouesse digne du génie qu’il était : alors qu’il n’avait que 14 ans, Mozart entendit le « Miserere » d’Allegri, œuvre dont le Vatican interdisait la retranscription, et la reporta sur une partition… de mémoire. C’est ainsi qu’il est parvenu jusqu’à nous aujourd’hui.

     

    Le musicien Gregorio Allegri, prêtre et ténor de la chapelle pontificale, écrivit une œuvre sublime, le « Miserere », autour de 1638. Le Vatican, souhaitant s’en réserver l’exclusivité, en conserva le manuscrit, tout en en défendant la reproduction et l’exécution à l’extérieur de la divine enceinte.

    En 1770, soit près de 150 ans plus tard, le jeune Wolfgang Amadeus Mozart effectuait, en compagnie de son père, son premier périple en Europe. Se trouvant à Rome, ils se rendirent tous deux, un soir, à la Chapelle Sixtine pour y écouter l’œuvre. En rentrant à leur pension, Léopold, le père, s’extasiait devant ce qu’il venait d’entendre, et se lamentait dans le même temps : « Qu’il est dommage qu’une œuvre aussi belle ne puisse être jouée hors du Vatican ! ». Son fils lui répondit : « Mais si, père, c’est possible ! ». Le soir même, Wolfgang Amadeus Mozart couchait sur le papier, de tête, la partition du Miserere d’Allegri, œuvre à neuf voix pour deux chœurs.

    Il l’avait entendue une fois, et la connaissait par cœur… Donc, si vous aussi, vous en sentez le courage, allez, c’est parti, vous avez une nuit pour me retranscrire tout ça !

     

     

     

    Et en cadeau, une version du « Miserere » enregistrée en public le 14 octobre 2012 au Muziekgebouw d’Amsterdam, lors du 75ème anniversaire du Nederlands Kamerkoor.

    Dirigé par Risto Joost
    Solistes : Heleen Koele (soprano), Annet Lans (soprano), Dorien Lievers (alto), Kees Jan de Koning (basse/bariton)
    Choeur : Nederlands Kamerkoor

    Image / Edition : Ovamus Creative Productions
    Son : A-A-Audio

    Camera : Onno van Ameijde, Steven van Eck, Marco Schürmann
    Filmé avec 2x Sony FS100 (kit lens), 1x Sony FS700 (metabones + Canon L series 70-200mm II)

    © 2012 all rights reserved

     

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  • Chorus, ainsi soit-il…

     

     

    En 1978, alors qu’il n’y a plus d’émission rock à la télé française et que l’on vit la fin du mouvement Punk, Antoine de Caunes lance « Chorus », un concept simple : de la musique live, jouée sur scène devant un public. 

     

    Introduite par un générique réalisé par Bazooka, un collectif de graphistes anti-conformistes, Chorus incarne donc le rock, la fin du punk et les débuts de la new wave à la télévision française. Diffusée chaque dimanche sur Antenne 2, après la messe dominicale, de septembre 1978 à juin 1981, Chorus compose durant près de trois ans avec les plus grands noms de la scène internationale, du post punk et de la new wave ! Le concept épuré de l’émission rompt avec la courte tradition du rock à la télévision. Depuis le début des années 70 avec « Pop 2 », émission où le discours des rock critics est omniprésent, puis « Rockenstock » en 1972 et « Juke Box » en 1975, l’esprit de sérieux guettait déjà le rock. Chorus contre-balance ce côté intellectuel du rock avec une volonté de dérision assumée.

    C’est dans cette forme de simplicité qu’Antoine de Caunes va dépasser le statut de jeune sensation de saison et installer les fondations du « performer » télévisuel que l’on a connu par la suite avec « Les Enfants du Rock », « Rapido » ou « Nulle Part Ailleurs ». Son talent indéniable, sa jeunesse et son apparence plutôt propre sur lui, confèrent à Antoine de Caunes une certaine liberté pour faire passer sur la scène du Théâtre de l’Empire ou celle du Palace un subtil cocktail d’artistes encore classés à l’époque dans la sous-culture et d’artistes dont la renommée est déjà frémissante.

    Quatre décennies plus tard, alors que cette émission est entrée dans le cercle des programmes cultes, l’Ina a rassemblé pour le plus grand plaisir des yeux et des oreilles les meilleurs moments live de Chorus.

    En 2010, Antoine de Caunes revient sur le concert donné par le groupe de rock britannique Police, sur la scène du Théâtre de l’Empire, à Paris, enregistré pour « Chorus » et diffusé sur Antenne 2 le 23 décembre 1979.

    A redécouvrir d’urgence…

     

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    instant-city-chorus-dvd

     

     

     

  • OnStage | B.B. King

     

     

    Le dernier King of Blues nous quittait le 14 mai 2015, à l’âge de 89 ans. Après Freddie King en 1976 et Albert King en 1992, c’était au tour de B.B. King de tirer sa révérence.

     

    Nous retrouvons donc B.B. King en 2010, dans le cadre du Crossroads Festival, organisé au Toyota Park à Bridgeview, IL (en banlieue de Chicago).

    Réunie sur scène, au service de « Blues Boy » et Lucille, qui ne l’aura jamais quitté jusqu’à la fin, pour célébrer le blues, une sacrée brochette de musiciens : Eric ClaptonRobert CrayJimmie Vaughan et d’autres, pour une reprise dantesque de « The Thrill Is Gone ».

     

    « I’m free now, baby, I’m free from your spell… »

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    Et nous passerons ensuite un moment en compagnie du King, qui nous racontait en 2012 l’histoire du meilleur repas de toute sa longue vie…

     

    « Anyone asking me for food, I would never, ever deny them… »

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] BB King Museum

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] BB King Official

     

     

     

  • Yukio Mishima, l’homme derrière sa légende

     

     

    Le métier d’écrivain, c’est avant tout de raconter une histoire. Et pour certains d’entre eux, la réalité finit par rejoindre la fiction, quand ils essaient de faire de leur propre vie une oeuvre d’art. Le 25 novembre 1970, le romancier japonais Yukio Mishima met fin à ses jours par Seppuku, un événement qui a marqué le monde entier, tout autant que la longue liste de livres qu’il a laissée derrière lui.

     

    Né en 1925 sous le nom de Kimitake Hiraoka, Yukio Mishima écrit sa première histoire à l’âge de 12 ans. Sous l’aile bienfaitrice de l’écrivain Yasunari Kawabata, le jeune homme publie son premier roman « Tōzoku » en 1948. Mais c’est avec le suivant, « Confession d’un Masque », paru l’année suivante, que la carrière de Mishima explose internationalement. Il écrira ensuite plus de 40 ouvrages tout au long de sa courte vie.

     

    « Je n’aime pas la littérature… C’est un peu comme un Don Juan, mais qui n’aime pas les femmes. »

     

    De cette bibliographie prolifique sont nées de nombreuses adaptations au cinéma ou au théâtre. Dès 1958, le grand Kon Ichikawa réalise « Le Pavillon d’Or », très fidèle à l’esprit du roman qu’il porte à l’écran. En 2017, c’est « A Beautiful Star » de Daihachi Yoshida qui débarque dans les salles au Japon. Ce métrage reconceptualise le roman « Utsukushii Hoshi » à notre époque en racontant l’histoire d’une famille qui pense être composée d’extraterrestres.

     

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    Quant à la scène internationale, elle se prête également au jeu de l’interprétation. Le très érotique « L’école de la Chair » du Français Benoît Jacquot (Orsan Productions), avec Elisabeth Huppert, sort chez nous en 1998.

     

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    Mais ce qui a marqué la postérité, ce n’est pas nécessairement la quantité de romans et de nouvelles produits par Yukio Mishima, mais bien sa vie elle-même. Car l’existence de cet écrivain fut tout aussi romanesque que celle d’un personnage de fiction. Son parcours inspire d’ailleurs au réalisateur américain Paul Schrader un film en 1985, « Mishima, une vie en quatre chapitres ». Il y relate la vie de Mishima en quatre parties distinctes, dont trois sont inspirées de ses livres. Quant au quatrième chapitre, il raconte la mort de l’écrivain, ô combien dramaturgique, le tout accompagné par la sublime B.O. de Philippe Glass.

     

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    Néanmoins, le rapport de Mishima au corps ne se situe pas que dans la souffrance… Il multiplie les histoires d’amour, notamment avec l’acteur androgyne Akihiro Miwa auprès de qui il fait une apparition dans « Le Lézard Noir » de Kinji Fukasaku. Malgré des écrits explicites et de nombreux amants, l’homosexualité de Mishima est encore aujourd’hui un tabou au Japon.

    Dans « Mishima Boys », manga scénarisé par le très politique Eiji Otsuka, c’est en grand patron du nihilisme que Yukio Mishima est représenté. Il guide trois jeunes gens vers des actes extrêmes, sur fond de théâtre Nô. Même dans ce discours, la dramaturgie n’est jamais loin, et Mishima y apparaît autant comme metteur en scène que maître à penser.

     

     

     

     

     

    « Pardon ? Vous me demandez ce que c’est, la morale ? La réponse est très simple : la morale, c’est la cage. »

     

    Et pour cause, son passé politique est des plus ambigus. L’homme est un nationaliste convaincu, qui rassemble autour de lui un petit groupe de gens armés, afin de défendre les valeurs du Japon traditionnel. Comme le montre le film « 25 Novembre 1970 : Le jour où Mishima choisit son destin » de Kōji Wakamatsu (Disidenz Films), c’est en suivant une rhétorique stricte, prônant aussi bien le culte du corps que le Bushido, le code des principes moraux que les samouraïs japonais étaient tenus d’observer, que Yukio Mishima décide de perpétrer un coup d’état.

    Quand il se fait huer par l’armée et réalise que son plan est un échec, il décide de se donner la mort à la manière des samouraïs.

     

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    « Je me demande quel dénouement tu vas choisir pour conclure ta vie. Comme on dit : « La voie du samouraï est la mort ». »

     

    Marguerite Yourcenar considère à raison que sa mort était son oeuvre la plus « travaillée ». Difficile d’en douter quand on voit le film « Yūkoku, rites d’amour et de mort », écrit et réalisé par l’écrivain lui-même en 1965, soit cinq ans avant son suicide. « Yūkoku », patriotisme en Français, raconte en effet le dernier jour de Takeyama Shinji, lieutenant fictif incarné à l’écran par l’écrivain. Après un coup d’état raté, le personnage se trouve dans l’obligation de mourir par Seppuku, pour sauver son honneur.

     

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    Le film est adapté d’une nouvelle éponyme écrite par Mishima et semble prédire avec précision le destin tragique de son auteur. La fascination pour sa propre fin et le cérémonial qui l’accompagne sont évidents. Maudit, détruit, ce film de 30 minutes en noir et blanc, réalisé en deux jours seulement, unique réalisation de Mishima qui joue lui-même le rôle du lieutenant Takeyama Shinji, est ressorti au Japon grâce à une pellicule miraculeusement retrouvée en 2005.

    Le film a longtemps été le Saint Graal de tout admirateur de Mishima. Il était en effet réputé perdu, sa femme ayant demandé la destruction de tous les négatifs et copies existantes et interdit la diffusion des copies restantes après le suicide de son mari. Cependant, la Cinémathèque Française n’a jamais pu se résoudre à détruire sa copie et l’aurait projetée de façon confidentielle pendant des années. On pensait donc que le film était perdu à jamais pour le grand public jusqu’à la mort de Yuko, la veuve de Mishima. Sa disparition en 2005 a permis la « découverte » du négatif et d’un certain nombre de copies positives.

    « Yūkoku » est ainsi l’unique film laissé par l’un des plus grands écrivains du siècle. Suivant exactement la narration d’une nouvelle de Mishima, « Patriotisme », écrite quelques années plus tôt, ce film montre de façon stylisée la dernière étreinte amoureuse et le Seppuku d’un jeune lieutenant entièrement dévoué à l’honneur samouraï, le Bushido : répétition de la mort spectaculaire que l’écrivain choisira de se donner, le 25 novembre 1970, à Tokyo.

    Film ultra-esthétique, cinéma wagnérien, prolongement filmique du théâtre Nô ou encore document historique, « Yūkoku » occupe une place unique dans l’art cinématographique du XXème siècle. Ce film est surtout connu pour préfigurer le suicide de Mishima par Seppuku en novembre 1970 lors de l’échec de sa tentative de coup d’état avec sa milice d’auto-défense la Tate no Kai (la société du bouclier).

     

    Il est aujourd’hui complexe de cerner l’homme derrière la légende que Yukio Mishima s’est lui-même forgée. Artiste aux multiples facettes, il reste autant une énigme qu’une intarissable source de fascination.

     

     

     

  • Charles Bradley, la voix de la Soul

     

     

    Sa voix restera dans l’histoire de la soul : Charles Bradley aurait eu 70 ans le 5 novembre mais il rugit encore sur disque. « Black Velvet », son tout dernier album posthume, a été affectueusement conçu par ses amis de Daptone Records comme un hommage à l’immense artiste qu’était Charles Bradley…

     

    Une voix déchirante, pétrie de douleurs et de drames, puissante et fragile à la fois, voici ce que laisse Charles Bradley, star de la soul révélée sur le tard, après une vie de débrouille et de deuils, ainsi que trois albums sur le mythique label Daptone Records, et quelques chansons ici et là rassemblées sur ce disque posthume.

    À la barre, un homme brisé, aujourd’hui encore, par la mort de son ami : Thomas Brenneck, son producteur, musicien, auteur et bien plus que ça. Très affecté encore, il se confie : « Je ne sais pas comment je suis supposé aller de l’avant en tant qu’artiste car Charles était mon vaisseau-amiral. Seul le temps pourra m’aider ».

     

    « Pour moi, la perte est immense. Rassembler toute cette musique, cela semblait être la meilleure chose à faire mais ça ne m’a finalement pas aidé, en aucun cas… » (Thomas « TNT » Brenneck, producteur et ami de Charles Bradley)

     

    Sur ce disque, des chansons jamais dévoilées, des reprises de Nirvana (« Stay Away »), Sixto Rodriguez (« Slip Away ») ou Neil Young (« Heart Of Gold »), des raretés  aussi, mais pas de nouveaux titres, la maladie étant déjà trop présente pour enregistrer des prises. « Il n’était jamais assez bien pour que j’appuie sur le bouton « Record », confesse Thomas Brenneck. Il aurait dû se reposer davantage. Quand on se voyait, ça me brisait le cœur de le voir essayer de chanter sans en avoir la force, alors on profitait juste l’un de l’autre, je ne pouvais pas me résoudre à l’enregistrer alors qu’il n’était pas à 100 % ».

     

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    L’album « Black Velvet » célèbre donc l’immense artiste qu’était Charles Bradley, respectueusement compilé par ses amis et famille du label Daptone Records. Même si les morceaux de cet ultime opus balaient chronologiquement toute la carrière du « Soul Man », il ne s’agit en aucun cas d’une anthologie de ses plus grands succès ou d’autres énièmes remâchages sans profondeur d’âme des chansons qui l’ont rendu célèbre.

    Non, cet album constitue plutôt une exploration profonde des recoins les moins abordés de l’univers attendrissant et touchant que Charles Bradley et son producteur de toujours, co-auteur et ami Tommy « TNT » Brenneck, ont façonné ensemble en studio tout aux long des dix années qu’a duré leur fructueuse collaboration.

     

    « L’art, surtout en ce qui concerne Charles, est intimement lié à la douleur, celle qu’il a en fait endurée toute sa vie. Quand il chantait, tout venait de ce grand puits de douleur et d’angoisse, il transportait tout ça et ne savait pas vraiment le transmettre avec des mots. Il transformait ce négatif en positif, et l’exprimait à travers l’amour. » (Thomas « TNT » Brenneck, producteur et ami de Charles Bradley)

     

    Charles Bradley a succombé au cancer sur la route, en tournée. Sa voix reste un témoignage formidable, celui d’une vie passée à lutter contre l’adversité. Charles Bradley n’aura jamais pleinement profité des fruits de sa carrière stratosphérique, pas plus de dix ans. Son seul héritage s’écoute, et il sonne merveilleusement juste et bien.

     

     

    Source : Yann Bertrand, France Info

     

     

     

  • Superman fête ses 80 ans

     

     

    Superman, le plus célèbre des super-héros en collants bleus fête ses 80 ans. L’occasion pour nous de vous raconter les origines d’un des héros préférés des enfants d’hier et d’aujourd’hui. 

     

    « C’est un oiseau ! C’est un avion ! Non, c’est Superman ! ». Il y a 80 ans, le dernier fils de Krypton faisait sa toute première apparition dans les pages du premier numéro de la revue « Action Comics », daté de juin 1938.

    Ses créateurs, le scénariste américain Jerry Siegel et le dessinateur canadien Joe Shuster, ne s’imaginaient sans doute pas que leur personnage rencontrerait un tel succès et encore moins que 80 ans plus tard, il serait toujours aussi populaire.

    S’il n’est pas tout à fait le premier super-héros de l’histoire – cet honneur revient à Doctor Occult créé trois ans plus tôt par les mêmes Siegel et Schuster – il est sans nul doute celui qui, parmi tous les super-héros qui feront leur apparition au fil du temps, en deviendra le plus emblématique.

     

     

     

    Superman a en effet immédiatement rencontré un énorme succès. A tel point qu’un an seulement après sa création, il fut le premier super-héros à avoir droit à sa propre revue « Superman » en 1939, puis à son feuilleton radiophonique, « Les Aventures de Superman » en 1940, ainsi qu’à son dessin animé en 1941.

    Un succès dans lequel se sont engouffrés de nombreux autres super-héros créés dans la foulée, parmi lesquels : Batman en 1939, Captain Marvel, Flash et Green Lantern en 1940, Wonder Woman et Captain America en 1941…

    Mais si Superman occupe une place à part dans l’imaginaire collectif américain, ça n’est pas simplement parce qu’il fut le premier. Ou en raison de son costume flanqué d’un grand « S » sur la poitrine, reconnaissable entre mille, voire de ses pouvoirs extraordinaires.

    Mais bien parce qu’assez rapidement, Superman est devenu l’archétype de l’icône américaine. Tant du fait des valeurs qu’il défend, comme héros et comme reporter : « la vérité, la justice et le rêve américain », que du fait de son histoire personnelle : celle d’un immigré seul survivant de sa planète, recueilli bébé par un couple d’agriculteurs du Kansas, qu’ils prénomment Clark Kent, comme ultime preuve de l’immense pouvoir d’accueil et d’assimilation des Etats-Unis.

    Une histoire qui fait écho à celle de nombreux Américains, mais aussi à celle de ses créateurs, Jerry Siegel et Joe Shuster, tous deux enfants d’immigrants juifs d’Europe de l’Est.

     

     

     

    En effet, contrairement à l’image de « boy scout » qu’on lui prête souvent, Superman n’a jamais hésité à s’engager contre les injustices. Quitte à créer parfois la polémique.

    En 1946, dans un épisode resté célèbre de l’émission de radio « Les Aventures de Superman », il fut ainsi un des premiers héros à s’en prendre ouvertement au Ku Klux Klan.

    Aux fils des ans, DC Comics, son éditeur, l’a également utilisé lors de campagnes contre le racisme et l’intolérance religieuse ou encore pour l’accueil des réfugiés.

     

     

     

    En 2011, la décision d’un de ses scénaristes de le faire renoncer à la nationalité américaine et se tourner vers les Nations-Unies, pour ne plus être accusé de ne défendre que les intérêts américains, avait aussi causé quelques controverses aux Etats-Unis.

    Tout comme celle, en septembre 2017, de le faire s’interposer entre un suprématiste blanc et des immigrés clandestins pour défendre ces derniers, un mois seulement après la tuerie de Charlottesville.

    Mais comme aime à le préciser DC Comics, Superman « personnifie ce qu’il y a de meilleur dans le rêve américain ».

     

    « On ne compte plus le nombre de personnes dans le monde qui arborent un t-shirt Superman, sans pourtant avoir forcément lu une seule page des aventures du personnage. Mais Superman porte en lui l’espoir qu’un meilleur est possible. Et tant que cet espoir subsiste, rien n’est tout à fait perdu. » (François Hercquet, Directeur Éditorial de « Urban Comics »)

     

    Superman a donc 80 ans en 2018 mais il n’a finalement pas pris une ride, tant il colle à son époque… Normal, Superman est un super-héros. Depuis 1938, des centaines de BD ont été publiées et une dizaine d’acteurs ont endossé la cape à l’écran. Pourquoi le public actuel se reconnaît encore dans ce héros d’un autre siècle ? 

     

     

     

    Superman apparaît en 1938, au moment où les grandes métropoles américaines connaissent un essor fulgurant, accompagné d’une corruption et d’une criminalité croissantes. Le super-héros redresseur de tort, c’est alors la bonne conscience des lecteurs face aux travers du monde.

    En 2018, la dureté et la déshumanisation des mégalopoles sont d’actualité et les combats de Superman gardent ainsi un fort écho. Le personnage, quant à lui, à l’instar d’autres super-héros, à commencer par Batman, devient plus complexe et sombre, moins lisse.

     

     

     

    Et puis, Superman est à sa façon un migrant, un réfugié. Son monde natal, la planète Krypton, a été détruit lorsqu’il était enfant. Superman est un étranger qui n’aspire qu’à se fondre parmi la population du pays qui l’a accueilli, les Etats-Unis. Encore un thème fort de notre temps…

    Enfin, le pire ennemi du héros, c’est Lex Luthor, un mauvais génie milliardaire et mégalomane qui fomente de bien sombres projets. Pour certains, ce personnage apparu en 1940 serait simplement une préfiguration des grands patrons d’internet. Bref, du haut de ses 80 ans, Superman nous raconte finalement la société d’aujourd’hui. 

     

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    Source : Vincent Leblé pour La Nouvelle République (Juin 2018)