Auteur/autrice : Instant-Chris

  • L’acteur américain Peter Fonda, star du film culte « Easy Rider », est mort à l’âge de 79 ans

     

     

    Sorti en 1969, « Easy Rider » est l’un des films étendards de la contre-culture américaine des années soixante. Tandis que nous célébrons cette semaine le 50ème anniversaire du festival de Woodstock, c’est justement l’un des symboles de cette période de l’histoire des Etats-Unis qui décide de nous quitter, Peter Fonda.

     

    Peter Fonda laisse toute une génération orpheline. L’acteur américain, rendu célèbre par son rôle de motard dans le film « Easy Rider » en 1969, est mort, vendredi 16 août, à son domicile de Los Angeles, à l’âge de 79 ans. Fils de la star d’Hollywood Henry Fonda, petit frère de Jane Fonda et père de Bridget Fonda, il a succombé à un arrêt respiratoire, provoqué par un cancer du poumon.

    « Easy Rider », écrit par Peter Fonda, Dennis Hopper et Terry Southern, interprété par les deux premiers et réalisé par Hopper, raconte l’épopée de deux motards, Wyatt et Billy, dont le voyage à travers l’Amérique est semé d’embûches. Il évoque la quête de liberté, à travers une odyssée à moto dans les grands espaces du sud-ouest américain. L’image de Peter Fonda, les jambes étendues sur son chopper Harley-Davidson peint aux couleurs du drapeau américain, est emblématique du cinéma de cette époque.

     

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    « Tandis que nous pleurons la perte de cet homme doux et gracieux, nous souhaitons aussi célébrer son esprit indomptable et son amour de la vie, écrit la famille de l’acteur en annonçant sa mort. En l’honneur de Peter, portez un toast à la liberté, s’il vous plaît ». Jane Fonda s’est dite « très triste ». « C’était mon gentil petit frère adoré, le bavard de la famille, a déclaré l’actrice. J’ai passé des moments merveilleux seule avec lui ces derniers jours. Il est parti en riant. »

     

    Il allait fêter les 50 ans du film culte « Easy Rider »

    « Easy Rider », film pour lequel Peter Fonda a été nommé aux Oscars dans la catégorie meilleur scénario, a ouvert une nouvelle ère à Hollywood. Depuis sa fin marquée par une mort violente, les conventionnelles « happy ends » ont laissé place à des épilogues moins enchantés.

    Après ce succès, Peter Fonda a multiplié les rôles dans différents registres, aussi bien au cinéma qu’à la télévision. En 1998, il avait concouru aux Oscars pour son rôle dans le film « L’Or de la Vie » de Victor Nuñez, qui lui a finalement valu un Golden Globe. Plus récemment, Peter Fonda avait joué Méphistophélès dans « Ghost Rider » (2007). La même année, il avait effectué une apparition remarquée dans le remake du western « 3h10 pour Yuma », aux côtés de Christian Bale et Russell Crowe. Son dernier film, « The Last Full Measure », avec Samuel L. Jackson, Morgan Freeman et Laurence Fishburne, doit sortir fin octobre aux Etats-Unis.

    Pour célébrer le 50ème anniversaire de la sortie du cultissime « Easy Rider », Peter Fonda avait organisé une projection de ce long-métrage de légende, à New York, le 20 septembre prochain. Des musiciens devaient y interpréter la célèbre bande-son rock du film, dont l’inoubliable « Born to Be Wild », du groupe Steppenwolf.

     

    Un écologiste de longue date

    Né en 1940 à New York, Peter Fonda a été très tôt orphelin de sa mère, Frances Ford Seymour, qui s’est suicidée. Il a déclaré dans des entretiens n’avoir été informé que bien plus tard qu’il s’agissait d’un suicide. Il admirait son père, Henry Fonda, tête d’affiche de films comme « Les Raisins de la Colère » ou « Douze Hommes en Colère », mais a ensuite décrit celui-ci comme émotionnellement distant.

    Peter Fonda laisse derrière lui sa femme, Margaret DeVogelaere, et les enfants qu’il a eus d’une précédente union avec Susan Brewer, Bridget et Justin Fonda. Ses deux enfants ont aussi travaillé à Hollywood.

    Militant écologiste de la première heure, l’acteur avait fait sensation au festival de Cannes en 2011, lorsqu’il avait qualifié le président américain de l’époque, Barack Obama, de « putain de traître ». Il lui reprochait sa gestion d’une marée noire dans le Golfe du Mexique, provoquée par le naufrage de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon.

     

    Source : FranceInfo Culture

     

     

     

  • L’album mythique d’AC/DC « Highway to Hell » fête ses 40 ans

     

     

    Le 03 août 1979, AC/DC sortait son sixième album studio, « Highway to Hell ». Ce jour-là, tout fan inconditionnel du groupe australien s’est probablement rué au magasin de disques le plus proche, est ensuite rentré chez lui à la hâte, a posé le vinyle sur sa platine, non sans une certaine excitation, et les premiers accords du morceau éponyme qui ouvre l’album se sont instillés dans son esprit pour toujours. Et il y a fort à parier que cette même scène se soit reproduite partout dans le monde ce vendredi 03 août…

     

    Car quarante ans plus tard, force est de constater que lorsque nous faisons le compte, rares sont les albums qui évoquent quelque chose à toutes les générations qui se sont succédées depuis leur sortie. Rares sont aussi les albums dont tout le monde connaît les premiers accords, identifiables en une seule seconde, et dont la pochette est presque aussi célèbre que les morceaux qui y sont gravés. Mais ce qui est sûr, c’est que parmi ces albums figure forcément « Highway to Hell ».

     

    Parfaite symbiose

    Le 27 juillet 1979, il y a donc quarante ans, le groupe de hard rock australien sortait son magnum opus, d’abord chez lui en Australie puis le 03 août partout dans le monde. L’album qui allait mettre tout le monde d’accord : des fanatiques de punk bien senti aux traditionalistes du rock ‘n’ roll pur et dur, en passant par les métalleux pro-Black Sabbath et les familles biberonnées à la pop britannique. Car « Highway to Hell », c’est l’album qui va définitivement propulser AC/DC au rang d’icône du rock.

     

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    Quand « Highway to Hell » paraît, les Australiens ont déjà plusieurs albums à leur actif, et tous ont connu un retentissement plus ou moins important en Australie comme à l’international. Ils se distinguent invariablement par des rythmes lourds, des accords de guitare rythmique imposants, grattés par la cheville ouvrière du groupe, Malcolm Young. Son frère Angus arrache quant à lui de sa fameuse Gibson SG des chorus démoniaques, virevoltant lorsque la voix de l’extravagant chanteur Bon Scott ne s’empare pas de tout l’espace sonore. Les chansons d’AC/DC sont la définition même de la symbiose d’un groupe, dont aucun des membres n’aurait pu exister sans les autres…

     

    « AC/DC, c’est de la musique rock ’n’ roll. Rien de plus, rien de moins. Peut-être jouée un peu plus fort, mais il n’y a aucune autre différence… » (Angus Young)

     

    Avec des chansons comme « It’s a Long Way to the Top », « T.N.T. », « Let There Be Rock », « Whole Lotta Rosie » ou « Riff Raff », AC/DC s’est peu à peu imposé comme le groupe maître du rock qui tache, tirant le meilleur parti de l’héritage de Led Zeppelin mixé à une passion prononcée pour le blues aux racines prolixes. Certains classent même Angus et sa bande dans la case heavy metal, aux côtés de Black Sabbath et Judas Priest. Ce que le guitariste réfute : « C’est de la musique rock ‘n’ roll. Rien de plus, rien de moins. C’est peut-être un peu plus fort, mais il n’y a aucune autre différence ».

     

    De géant australien à légende internationale

    Du rock ‘n’ roll pourtant unique, particulièrement identifiable. Et en partie grâce à « Highway to Hell », qui cristallise en 1979 toutes les attentes qui entouraient AC/DC. L’album fait ainsi passer le groupe du statut de géant australien à celui de légende internationale, capable de remplir des stades immenses, quel que soit le pays où il se produit. On se souviendra évidemment de certains shows démesurés, comme au stade de River Plate à Buenos Aires en 2009 ou encore au Stade de France la même année. Mais le concert qui marquera les esprits pour l’éternité est celui du 09 décembre 1979 au Pavillon de Paris, qui servira de base au documentaire musical « Let There Be Rock » réalisé par Eric Dionysius et Eric Mistler, sorti sur grand écran en 1980, et qui restera à l’affiche de quelques cinémas parisiens pendant des années…

     

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    La recette de « Highway to Hell » repose en partie sur sa production. Robert « Mutt » Lange est imposé pour produire l’album, et lui donne une sonorité moins brute, plus accessible à la bande FM. Laissant les influences blues au « Some Girls » des Rolling Stones, les membres du groupe s’ingénient à écrire des refrains en forme d’hymnes puissants, assimilables par une foule gigantesque.

    C’est avec cette stratégie en tête que naissent des tubes. « Highway to Hell » en premier lieu, la chanson ultime du groupe, qui fixe sur bande toute l’ambition de ce disque monstre. Les parties de guitare semblant mener une course effrénée contre la batterie, la voix d’orfèvre de Bon Scott et son refrain plus qu’iconique en font un objet d’adoration pour tout amateur de rock.

     

    Usine à tubes

    Et si la chanson-titre est la plus célèbre, le reste de l’album n’a pas à rougir. « Girls Got Rhythm » ne peut que faire s’agiter une longue chevelure de métalleux. « Walk All Over You » calme le jeu sur son lourd refrain pour mieux projeter son énergie sur des couplets diaboliques. « If You Want Blood (You Got It) » offre peut-être le riff de guitare le plus typique d’AC/DC. Si on y ajoute « Shot Down in Flames » ou encore « Night Prowler », le disque ressemble plus à une crasseuse usine à tubes qu’à un album de rock.

     

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    Et à l’écoute des mécaniques de cette usine, il est aisé de comprendre en quoi « Highway to Hell » a pu devenir un objet sacré du rock. En quelques albums, AC/DC est passé d’un hard rock costaud aux influences blues à un hard rock démentiel, taillé pour enflammer (plus ou moins littéralement) les foules.

     

    Chant du cygne involontaire

    Mais cet album ne limite pas son statut culte à sa seule qualité intrinsèque. Son histoire a aussi son rôle à jouer. Le 19 février 1980, après une soirée trop alcoolisée, la voix emblématique du chanteur Bon Scott s’éteint définitivement. Il avait 33 ans, et laisse derrière lui un public orphelin et un groupe au bord de la rupture. « Highway to Hell » restera son chant du cygne involontaire.

    En hommage à son chanteur charismatique, et avec le petit nouveau Brian Johnson derrière le micro, AC/DC publiera en juillet 1980 « Back in Black », qui deviendra d’ailleurs le deuxième album le plus vendu de tous les temps derrière « Thriller » de Michael Jackson sorti en 1982. Et si quelques titres de « Back in Black » résonnent encore dans les têtes des rockers des années 80, comme « Hells Bells » ou « Shook Me All Night Long », les riffs simples mais ravageurs de « Highway to Hell » devraient garder encore longtemps la première place dans leurs coeurs. Et lui permettre de rester l’Album d’AC/DC, avec un grand A…

     

     

    Article de Thomas Hermans (FranceInfo Culture) et Christophe Mayet (Instant City)

     

     

     

  • Les 50 ans de Woodstock : la célébration impossible

     

     

    Le 15 août 1969, Le « Woodstock Music and Art Fair » ouvrait ses portes, pour trois jours de concerts qui allaient marquer l’histoire de la musique comme celle de la contre-culture, d’abord aux Etats-Unis, alors en pleine tourmente, puis partout dans le monde. Les initiateurs du festival historique de 1969 rêvaient d’organiser son « remake » en août 2019, pour en célébrer le 50ème anniversaire. Mais l’événement a du être annulé, de guerre lasse, après de multiples défections d’artistes et changements de lieux susceptibles d’accueillir Woodstock 2019.

     

    Au printemps 1969, personne, et encore moins les jeunes organisateurs de cet événement qui allait marquer l’histoire, ne pouvait prévoir que le festival de Woodstock deviendrait à ce point emblématique de toute une génération et du mouvement hippie naissant. Avec son message idéaliste de paix et d’amour, il tranchait avec la décennie finissante, faite de contestation violente et de meurtres, sur fond de guerre du Vietnam.

    En 1969, la société américaine est en effet fracturée comme elle ne l’avait jamais été auparavant, entre manifestations contre cette guerre à l’autre bout de la planète, le mouvement des droits civiques et les assassinats de Martin Luther King Jr et Robert Kennedy, un an plus tôt. Ultime remède à la colère, Woodstock promet « trois jours de paix et de musique ».

    A l’origine du projet, il s’agissait avant tout de promouvoir, avec une série de 32 concerts, la fine fleur de la musique populaire américaine, qu’elle fût montante ou déjà confirmée. C’était donc il y a 50 ans, du 15 au 18 août 1969, un temps où le rock venait tout juste de naître, où porter les cheveux longs était un acte de rébellion et où les manifestations contre la guerre étaient quasi-quotidiennes.

    Entre 400.000 et 500.000 personnes devaient ainsi rallier les champs de luzerne détrempés appartenant à un certain Max Yasgur, pour entendre des musiciens vedettes de l’époque, comme Janis Joplin ou Jimi Hendrix, dans une atmosphère de liberté et de fraternité, illustrée par les images devenues cultes de ces jeunes gens marchant à moitié nus, voire complètement, main dans la main, partageant herbe ou acide, au beau milieu du déchaînement des éléments…

    Les organisateurs avaient initialement prévu d’accueillir 50.000 spectateurs et fixé à 18 dollars le prix des billets, pour ces trois jours de musique réunissant des groupes aux noms devenus mythiques comme Creedence Clearwater Revival, The Who ou encore Crosby, Stills, Nash and Young. Mais les initiateurs du projet, John Roberts, Joel Rosenman, Michael Lang et Artie Kornfeld, tous âgés à l’époque d’une vingtaine d’années, avaient dû se résigner à rendre l’accès du site libre, confrontés à des embouteillages monstres qui paralysaient toutes les routes de campagne menant à Bethel, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de la ville de Woodstock. De surcroît, dès les premiers accords, des trombes d’eau se mirent à tomber, transformant la prairie en un immense champ de boue.

     

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    « C’était légendaire » 

     

    Sri Swami Satchidananda, maître yogi venu d’Inde, devait donner le ton du festival en l’ouvrant par un appel à la compassion. « Je suis ravi de voir tous les jeunes d’Amérique rassemblés ici au nom de cet art qu’est la musique », déclarait cet homme mince et barbu, assis en tailleur, entraînant la foule dans des vibrations de sons « Om̐ ». D’autres chants plus musclés allaient suivre : Joe McDonald du groupe de rock psychédélique Country Joe and the Fish allait faire reprendre par l’assistance un retentissant « Fuck », avant d’entonner le chant anti-guerre par excellence, « I Feel Like I’m Fixin’ to Die Rag ».

    Alors que des milliers de gens repartaient déjà vers le « monde réel », en ne se rendant aucunement compte qu’ils venaient d’écrire une des plus grandes pages de l’histoire des années 60, le festival se terminait sur une réinterprétation hautement contestataire de l’hymne national américain, « The Star-Spangled Banner », par Jimi Hendrix. La guitare du gaucher légendaire figurait les attaques des bombardiers au Vietnam et les explosions mortelles mêlées aux notes de l’hymne.

     

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    Comme un film torpillé par la critique avant de devenir culte, l’événement avait alors été traité avec dédain par les grands médias. « Les rêves de marijuana et de rock ont attiré quelque 300.000 fans et hippies dans les Catskills, guère plus sains d’esprit que les lemmings qui se jettent dans la mer pour mourir », jugeait le New York Times dans un éditorial du 18 août 1969. Annie Birch, festivalière âgée de 20 ans à l’époque, se souvient au contraire d’un moment « très paisible, vu la masse de gens réunis pour l’occasion ». « Malgré cette pluie démentielle, on avait un feu étonnant qui ne s’éteignait jamais », a-t-elle indiqué. « Tous ces groupes sont devenus mythiques (…) C’était légendaire ». Un demi-siècle plus tard, Annie Birch, désormais septuagénaire, s’estime « heureuse » d’avoir participé à un événement aussi marquant. « Je resterai éternellement dans l’espoir que, pour le bien de l’humanité, une célébration aussi incroyable puisse se reproduire », dit-elle. « Je préfère infiniment l’amour et la paix à la guerre et la haine ».

     

     

    Peur des attentats et des fusillades

     

    Mais cinquante ans après, une répétition du Woodstock originel s’est donc avérée impossible à organiser, dans un pays désormais hanté par la peur des attentats et des fusillades. Les initiateurs du festival d’août 1969 rêvaient pourtant d’un « remake », afin de célébrer dignement ce 50ème anniversaire. Leurs efforts se sont révélés vains, à l’ère des détecteurs de métaux, des chiens renifleurs de bombe et des fouilles systématiques de sacs. « On n’autoriserait pas, de nos jours, un événement comparable à Woodstock », souligne Stuart Cameron, chef de la police du comté de Suffolk, à l’est de New York, et spécialiste de la sécurité des festivals. « Il y aurait trop de risques pour la sécurité du public ». Les comptes rendus de l’époque sont parfois contradictoires, mais les trois jours du festival en 1969 n’auraient fait que deux morts : l’un écrasé par un tracteur de nettoyage et un autre (au moins…) décédé d’une overdose.

    Pour cet anniversaire avorté, Michael Lang, l’un des organisateurs du festival originel, avait pourtant invité quelque 80 groupes ou musiciens à venir jouer, du rappeur Jay-Z à Santana, espérant faire renaître, cinquante ans plus tard et le temps d’un week-end, l’esprit du Woodstock de 1969. Mais impossible de trouver un paysan prêt à les accueillir sur son terrain. Les organisateurs se sont aussi vu refuser l’un après l’autre les permis nécessaires, pour des raisons tenant au dispositif d’assistance médicale, à l’eau, à la nourriture ou au personnel de sécurité. Au-delà du simple aspect sanitaire, la multiplication des fusillades et attentats ces dernières années aux Etats-Unis, notamment lors de concerts, a sensiblement compliqué l’organisation de ce genre de rassemblements de masse.

    « Autrefois, on s’inquiétait surtout des gens qui introduisaient alcool et drogues en douce, maintenant ce sont ceux qui apportent des armes de destruction massive pour tuer tout le monde », souligne Joseph Giacalone, détective retraité, qui travailla longtemps à sécuriser les célébrations du Nouvel An à Times Square à New York. Et l’ex-détective de lâcher : « La société a changé au cours des 20-30 dernières années (…) Les gens qui ont vécu les années 1960 ne connaîtront plus jamais la même expérience ».

     

     

     

    Source : Woodstock Official, France Info et Wikipedia

     

     

     

  • Jean Rochefort : Prince Sans Rire

     

     

    En novembre 2017 paraissait la première et unique biographie à ce jour de Jean Rochefort, l’un de nos trésors nationaux, comme l’ont montré l’incroyable émotion et la pluie d’hommages qu’a suscité sa mort un mois plus tôt, le 9 octobre 2017. Quelques ouvrages lui avaient déjà été consacrés de son vivant, mais aucun qui ne fasse à ce point figure de référence, en racontant cette vie, de scène, de théâtre et de mots.

     

    Jean Rochefort, le comédien inoubliable du « Crabe-Tambour », « Un éléphant ça trompe énormément » ou encore des « Boloss des Belles-Lettres », a accordé des centaines d’interviews au travers desquelles il n’a eu de cesse que de distiller avec cet humour inimitable ce qu’il a toujours refusé de coucher sur le papier. Pour le biographe, outre les 94 pages de notes reprenant les sources des très nombreuses citations qui figurent dans le livre, il en a résulté un véritable jeu de piste sur les traces de cet homme bien plus complexe que ne le laisse imaginer son image de « gentleman farceur », à l’autodérision portée en étendard, au verbe haut et au rire contagieux.

     

    Les Boloss des Belles Lettres : « Les Liaisons Dangereuses »

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    Jean-Philippe Guerand a ainsi mené l’enquête pendant huit années, scrutant sa vie et sa carrière, recueillant et confrontant des dizaines de témoignages, et lui donnant le plus souvent possible la parole. Partir à la découverte de Jean Rochefort, c’est aussi parcourir plus de six décennies d’histoire du spectacle et de vie culturelle française, un bonheur… Un travail colossal, et une approche qui avait déjà fait le succès sept ans plus tôt de « Bernard Blier, un homme façon puzzle », devenue LA biographie de référence d’un autre monument du cinéma français, Bernard Blier.

     

    Arte – Blow Up : C’était quoi, Jean Rochefort ?

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    Jean Rochefort, c’est cet élégant gentleman-farmer breton dont les fous rires évoquent les hennissements de ces chevaux qu’il aimait tant et qui lui ont valu le Mérite agricole. Tout petit déjà, l’écolier tiré à quatre épingles amuse ses camarades, à défaut de briller au tableau noir. Ecrasé par un père autoritaire qui voudrait le voir réussir aussi bien que son frère aîné, il rêve d’un autre monde en écoutant des représentations théâtrales à la radio avec sa mère.

    Faute de devenir comptable, il va jouer la comédie, sympathiser au Conservatoire avec Jean-Paul Belmondo, Claude Rich, Bruno Cremer et Annie Girardot, convertir Philippe Noiret à l’équitation et échanger bon nombre de rôles avec son ami de toujours Jean-Pierre Marielle. Au théâtre, chez Anton Tchekhov et Harold Pinter, puis au cinéma, chez Yves Robert, Patrice Leconte et Bertrand Tavernier, Jean Rochefort glisse des emplois de clown à ceux de séducteur, de la légèreté de « Cartouche » et « Angélique » à la gravité du « Crabe-Tambour » ou « Un étrange voyage ». Avec comme signes reconnaissables entre tous sa moustache, son oeil malicieux, son refus de l’injustice, ses singeries irrésistibles, sa fantaisie et un sens du verbe qui rajeunit joyeusement nos classiques dans « Les Boloss des belles-lettres ».

    Née de huit ans d’une enquête minutieuse, cette biographie donne abondamment la parole à Jean Rochefort pour dessiner le portrait chinois d’un des acteurs préférés des Français, couronné de trois César, dont la vie épouse six décennies de notre histoire et dont quatre femmes, cinq enfants et d’innombrables animaux jalonnent l’existence trépidante.

     

    Écrivain et journaliste spécialisé dans le cinéma, de Première à TéléCinéObs, en passant par Le Film Français et L’Avant-Scène Cinéma, Jean-Philippe Guerand est l’auteur de plusieurs livres consacrés à Woody Allen, Cyril Collard, James Dean, Jacques Tati et Bernard Blier (ce dernier, « Bernard Blier, un homme façon puzzle », également publié chez Robert Laffont).

    Et pour pousser le rire, avec délicatesse, soulignons cette pétition, relayée par François Morel, entre autres, et qui demandait à Dieu de retirer immédiatement la mort de Jean Rochefort.

     

    « Compte tenu du contexte international actuel, compte tenu de la situation économique et politique de notre pays, étant donné que plus de 1600 personnes meurent déjà en moyenne chaque jour dans notre pays, nous ne pensons pas que cette disparition soit appropriée. Nous demandons le retrait immédiat de cette mesure et le retour à la situation précédente, qui satisfaisait tout le monde. »

     

    https://twitter.com/morelexplo/status/918775497777131520?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E918775497777131520&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.actualitte.com%2Farticle%2Fmonde-edition%2Fjean-rochefort-prince-sans-rire-une-biographie-et-une-petition-pour-annuler-sa-mort%2F85417

     

    « Jean Rochefort – Prince Sans Rire » de Jean-Philippe Guerand paru en novembre 2017 aux Editions Robert Laffont, 22 €

     

     

     

  • « Diego Maradona » : L’enfant terrible du foot a enfin son biopic

     

     

    Lorsqu’il arrive à Naples en 1984, il est accueilli par 75.000 personnes, comme un dieu vivant. La ville la plus pauvre d’Europe vient de s’acheter le joueur le plus cher du monde : Diego Maradona. Avec le Napoli, l’Argentin va enflammer les stades, mais l’ancien gamin des bidonvilles reste un colosse aux pieds d’argile.

     

    Dans ses films, le réalisateur britannique Asif Kapadia parvient toujours à nous présenter des personnages iconiques sous des angles inédits ou méconnus. Avec « Senna » en 2010, il déroulait ainsi le fil du mal profond qui rongeait de l’intérieur le pilote de F1, jusqu’à l’accident qui lui coûta la vie en 1994. « Amy », Oscar 2016, nous dévoilait les pulsions autodestructrices et cette célébrité « asphyxiante » qui ont conduit au décès de la chanteuse.

    Génie, mais quant à lui bien vivant, même s’il est passé à plusieurs reprises très près du gouffre, Diego Maradona et son histoire hors du commun constituait donc un sujet parfait pour Asif Kapadia. S’appuyant sur des images inédites et le témoignage apaisé du footballeur argentin, le réalisateur se concentre surtout sur ses sept saisons passées en Italie, à Naples, de 1984 à 1991 ; cette ville aussi fiévreuse que lui, où il est devenu une star planétaire et où il finit par se perdre dans les excès…

     

    « Maradona est quelqu’un de plutôt vulnérable. D’un côté, il est typiquement latin, très macho et très sûr de lui. Mais quand vous regardez son visage et ses yeux, c’est comme un enfant, il est perdu », rapporte le réalisateur du documentaire consacré au joueur, Asif Kapadia.

     

    Ce dernier a donc dû convaincre l’ancien footballeur de témoigner et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’a pas été facile… Car Maradona, c’est la grandeur d’un mythe, mais aussi sa décadence. Entre addiction à la cocaïne et fricotage avec la mafia, ce prodige a fini par ternir son image à tout jamais.

     

    Pourquoi Maradona ?

    J’ai un peu grandi avec lui. J’avais envie d’en savoir plus sur ce génie toujours au bord du chaos. J’ai voulu parler de la bataille intérieure que Diego menait avec Maradona, ce personnage devenu son plus dangereux adversaire. Et puis je suis fan de football. Je joue le mardi soir. Sur un terrain, je ne suis pas Maradona, je suis plutôt inutile, souvent à terre. Mais je suis tellement d’accord avec lui quand il dit que le foot est le seul moment où il oubliait tout. On ne pense pas au travail, aux soucis. Et lui qui vivait en permanence sous la pression publique et médiatique en avait beaucoup.

     

    Combien de fois l’avez-vous rencontré ?

    Cinq ou six fois. La première, en septembre 2016. Il vivait à Dubai, à Palm Jumeirah, l’île artificielle en forme de palmier géant. J’étais avec une équipe de tournage. Pendant quatre jours, j’ai reçu le même message : « Diego ne se sent pas très bien aujourd’hui, peut-être demain ». Dubai coûte cher, on payait une équipe à ne rien faire, j’ai dit que je devais rentrer. Et ça s’est débloqué… Il n’avait pas l’air au fond du trou. Il m’a serré la main, on a fait une photo et il m’a dit : « Ok, nous allons faire un grand film, au revoir ». Ça a duré à peine cinq minutes. C’est toujours comme ça avec lui la première fois.

     

    « Naples a été le cycle le plus important pour Maradona. Ces années-là, il était le meilleur joueur du monde et il a gagné ses principaux titres. » 

     

    Et ensuite ?

    Les autres rencontres, jusqu’à trois heures, étaient plus sympas. Il était dans son canapé, une photo de Mère Teresa sur un mur, de tous ses enfants sur un autre. Sa copine venait écouter de temps en temps. Il était meilleur quand elle n’était pas là… Lors de notre première discussion, je lui ai demandé de me parler de Claudia, la mère de ses enfants, avec laquelle il était en guerre totale à l’époque. « Ne prononcez même pas son nom, s’il vous plaît ! ». Il y a beaucoup de douleurs accumulées dans cette famille, avec toutes ces histoires d’enfants [cinq reconnus en Argentine et Italie, d’autres putatifs à Cuba]. Ses filles m’ont beaucoup aidé, dont Dalma qui disait : « C’est génial que vous puissiez parler de mon père de son vivant. Peut-être qu’il comprendra mieux sa vie ».

     

    Pourquoi vous être concentré sur sa période napolitaine ?

    Je me suis rendu compte que le même cycle se répétait partout : il arrive en héros, tout va bien et tout le monde l’adore, puis il commence à faire n’importe quoi, ça dégénère, les gens le détestent et il part ailleurs, où ça recommence. Il a quitté Barcelone en disgrâce après avoir déclenché une bagarre en finale de la Coupe d’Espagne sous les yeux de Juan Carlos. Naples a été le cycle le plus important. Ces années-là, il était le meilleur joueur du monde et il a gagné ses principaux titres. Ses problèmes, notamment avec la drogue, sont nés dans cette ville.

     

    Vous présentez des images incroyables et jamais vues. D’où viennent-elles ?

    Le tout premier agent de Diego, Jorge Cyterszpiler, pressentait qu’il allait devenir une star. Il avait eu l’idée géniale d’embaucher deux cameramen pour le suivre partout, sur le terrain et en dehors. Il pensait en faire un film. Ça a commencé en 1981, avant même son transfert à Barcelone. Mais le film dont il rêvait n’a jamais eu lieu. Maradona a changé d’agent. On a retrouvé des cassettes un peu partout, à Buenos Aires et à Naples. C’est dingue : ils ont commencé le film en 1981 et je l’ai terminé en 2019 !

     

    « Diego est célèbre, bruyant et surtout talentueux, ce qui n’est pas toujours le cas des gens qui occupent l’espace… » 

     

    Où étiez-vous lors de sa fameuse « main de Dieu », pendant le match Argentine-Angleterre de la Coupe du Monde 1986 ?

    Devant ma télé, à Londres, où mon frère se mariait. Naturellement je soutenais l’Angleterre. Quand Diego marque son fantastique second but en dribblant quasiment toute notre équipe, c’est parce qu’elle était encore sous le choc du premier, quatre minutes plus tôt. Cette main… Je ne peux pas le détester à cause de ça. Tous les joueurs du monde peuvent tricher si c’est l’occasion d’obtenir une faute, un penalty, un but. Et le spectateur fait moins la fine bouche si son équipe en bénéficie. Il faut aussi se souvenir qu’à l’époque, les attaquants rapides comme Diego se faisaient découper par les défenseurs. Alors ils tentaient des choses… En visionnant les archives, je me suis rendu compte qu’il a utilisé sa main trois ou quatre autres fois dans sa carrière !

     

    Quel genre de dieu est-il ? Icare qui s’est trop brûlé les ailes ?

    Il y a de ça, oui. Mais je crois surtout que c’est un dieu très humain. Doué de qualités hors norme, mais aussi vulnérable, imparfait, immature. Tout ce qu’il a traversé est incroyable. C’est un survivant.

     

    Il y a votre film, une pièce en France, une série en préparation pour Amazon. Comment expliquer cette fascination pour Maradona ?

    Diego est célèbre, bruyant et surtout talentueux, ce qui n’est pas toujours le cas des gens qui occupent l’espace… Il a tout gagné dans le sport le plus populaire du monde. Et puis c’est un personnage à part entière, avec une dramaturgie inscrite dans son parcours de petit gars sorti de la pauvreté grâce au foot. La plupart des joueurs n’existent plus quand ils arrêtent. Lui se réinvente, dérape, grossit, se range jusqu’à la prochaine fois.

     

    « Maradona, il est mort tellement de fois déjà, et il est toujours revenu. Donc personne n’y croira vraiment quand ça arrivera ! »

     

    Un tel homme peut-il avoir une mort normale ?

    Quand j’ai dit à Naples que j’avais fait des films sur Ayrton Senna et Amy Winehouse, un type m’a regardé, sincèrement horrifié : « Vous allez porter malheur et tuer Diego ! ». J’ai dû lui expliquer qu’ils avaient disparu avant que je m’intéresse à eux. Maradona, il est mort tellement de fois déjà, et il est toujours revenu. Donc personne n’y croira vraiment quand ça arrivera !

     

    Quel sera votre prochain héros ?

    Je vais m’offrir un break côté biographies. J’ai fait aussi de la fiction, et notamment deux épisodes de « Mindhunter », une série de David Fincher. Je ne vais pas abandonner le documentaire mais j’ai besoin de faire autre chose, davantage consacré à l’état du monde.

     

    Propos recueillis par Stéphane Joby pour le JDD

     

     

    Rebelle. Héros. Tricheur. Dieu… Découvrez la bande-annonce de « Diego Maradona » par le réalisateur oscarisé de « Amy », en sélection officielle au Festival de Cannes. Le 31 juillet au cinéma.

     

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    Synopsis : Le 5 juillet 1984, Diego Maradona est engagé par le club SSC Napoli pour un montant inédit qui établit un nouveau record du monde : pendant sept ans, le « gamin en or » accomplit des miracles. Il faut dire que le footballeur le plus mythique de la planète trouve vite ses marques dans une ville où l’on dit que même le diable a besoin de gardes du corps…

    Si Maradona semble avoir la grâce sur le terrain, il a moins de chance dans sa vie personnelle. Et quand la magie s’est dissipée, il est presque devenu captif de la ville… « Diego Maradona », réalisé à partir de 500 heures d’images inédites issues des archives personnelles du footballeur, est le récit déjanté et inoubliable d’un homme au talent exceptionnel, mêlant gloire, désespoir, trahison, corruption et rédemption.

     

     

     

  • Il y a trente ans, le public français découvrait Roberto Benigni

     

     

    Il y a trente ans, à l’occasion de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en juin 1989, le public français découvrait avec émerveillement le troisième film en tant que réalisateur de Roberto Benigni, « Il Piccolo Diavolo ».

     

    Après « Tu mi turbi » en 1983, et les débuts de Roberto Benigni à la réalisation ainsi que ceux de sa future épouse, l’actrice italienne Nicoletta Braschi, à l’écran, son deuxième long-métrage sorti un an plus tard, « Non ci resta che piangere », s’attirait tant les faveurs du public italien que de la critique, en étant le plus gros succès commercial en Italie l’année de sa sortie (1984).

     

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    Quatrième enfant de Luigi Benigni (1918-2004) et Isolina Papini (1918-2004), Roberto Benigni naît le 27 octobre 1952 à Castelfiorentino en Toscane, près d’Arezzo, dans une famille modeste.

    Après un passage au séminaire à Florence, Roberto Benigni se fait connaître en Italie d’abord comme chanteur et musicien, avant de démarrer sa carrière de comédien au théâtre en 1972. En 1977, il fait ses débuts au cinéma dans « Berlinguer ti voglio bene » (titre anglais : « Berlinguer, I Love You ») de Giuseppe Bertolucci, le frère de Bernardo, dont il signe le scénario original.

    Au cours des années qui suivent, avant cette année 1989 qui marque un tournant décisif dans sa carrière avec la présentation de son troisième long-métrage, « Il Piccolo Diavolo », à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, Benigni apparaît dans des petits rôles chez successivement Luigi Zampa, Bernardo Bertolucci, Costa-Gavras, Marco Ferreri et évidemment Jim Jarmusch, notamment dans « Down by Law » en 1986.

     

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    En 1988, Roberto Benigni se lance donc dans la réalisation de son troisième film, « Il Piccolo Diavolo ». Il fait appel pour le scénario original à Vincenzo Cerami, à son vieux complice et mentor Giuseppe Bertolucci pour l’histoire, ainsi qu’à Nicoletta Braschi dans le rôle de Nina, qu’il épousera en 1991.

    Le sujet est assez simple : Le père Maurizio (Walter Matthau) est appelé pour un exorcisme. Il réussit ainsi à libérer une femme de l’être qui la possède, mais celui-ci prend vie dans un corps autonome (Roberto Benigni). Ce diable, qui affirme s’appeler Célestine (Giuditta en VO), semble s’être échappé de l’au-delà pour découvrir le monde.

    Célestine rappelle un peu un enfant : il est curieux et n’a pas la moindre idée sur la manière dont fonctionne la société des vivants. Il se découvre d’un coup une passion pour le dessert italien de la zuppa inglese… Le petit diable n’est pas méchant, juste un peu narcissique. Il va néanmoins bouleverser complètement la vie du pauvre père Maurizio, qui se trouve au bord de la crise de nerfs à force de devoir endiguer ses extravagances.

    Célestine rencontre une femme, Nina (Nicoletta Braschi) qui le fascine, surtout lorsqu’il découvre qu’elle a sous sa jupe quelque chose de bien mystérieux, différent de ce qu’il voit sur lui-même. Il s’agit en fait d’une diablesse envoyée par l’au-delà pour le ramener là d’où il vient.

     

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    « Il Piccolo Diavolo ne raconte pas une histoire d’aujourd’hui et ne se borne pas à interpréter les vues ou les contradictions de notre société contemporaine. Non, il va plus loin. C’est un film rare et unique. C’est la fusion de toutes les cultures, le face à face de Gog et MagogIl Piccolo Diavolo unit les mentalités de tous temps dans un champ d’action qui irait de Voltaire à Toshiro Mifune. » (Roberto Benigni en 1989)

     

    Lors de sa présentation à la Quinzaine 1989, Roberto Benigni tint à remercier Wim Wenders et le jury « pour avoir su discerner dans « Le Petit Diable » deux des plus hautes vertus de l’âme humaine : la modestie et l’humilité. Plus magnifique que Cazotte, plus charnel que Rabelais, plus léger que Calir, plus élégant qu’Ophüls, « Le Petit Diable » s’est inspiré de ces quatre maîtres et de leurs prédécesseurs. Il a même fait connaître ceux qui étaient dans l’ombre. »

    Le film n’est certes pas aussi abouti que les futures productions de Benigni, à commencer évidemment par « La Vie est Belle » consacré à Cannes et aux Oscars en 1998, mais sa faim de poésie comique est déjà là. Et même si elle reste parfois mieux exploitée par d’autres que par lui même, ses films et celui-là en particulier se regardent toujours avec tendresse et humour. Un bon petit film italien à redécouvrir…

     

     

     

  • Les films X les plus cultes des années 60 et 70

     

     

    Des sujets finalement assez féministes avant l’heure, le premier animal « animé » de l’histoire du sexe au cinéma, une actrice star disparue à tout jamais et une autre devenue une fervente militante anti-porno… Découvrez ce qui se cache derrière les affiches des films X les plus cultes des années 60 et 70.

     

    Les « Films Classés X » ont acquis une bien mauvaise réputation dès leur apparition dans les salles obscures durant les années 60. Et même ceux d’entre nous qui apprécient le grain d’image caractéristique de cette époque sont souvent déçus par l’esthétique de ces productions, entre costumes moulants, jeu d’acteurs épouvantable et les clichés qui vont avec…

    L’ouvrage « X-Rated Adult Movie Posters of the 60’s and 70’s » de Peter DoggettTony Nourmand et Graham Marsh paru en août 2017 tente de rendre justice à ces films dont la plupart n’ont certes pas marqué l’histoire du 7ème Art, mais qui sont malgré tout représentatifs d’une période à tout jamais révolue, avant que le Sida ne ramène le monde à une triste réalité, après l’effervescence de la fin des 60’s, et que le porno ne sombre dans l’auscultation gynécologique, dénuée de toute poésie.

    Sur plus de 300 pages, « X-Rated Adult Movie Posters of the 60’s and 70’s » nous replonge donc dans les archives cinématographiques de ces années-là, pour y dénicher des affiches de films originales, de « Faster, Pussycat! Kill! Kill! » à « Flesh Gordon », en passant par le cultissime « Deep Throat », ainsi que d’autres titres moins courants que vous ne connaissez probablement pas.

    En plongeant ainsi dans les arcanes du cinéma porno des années 1960 et 1970, il est intéressant de noter que même si ces films semblent aujourd’hui désuets et bien fades, ils sont néanmoins truffés d’éléments qu’il serait impossible de porter à l’écran de nos jours, même s’ils n’y sont souvent que suggérés. Fétichisme, transsexuels, fantasmes de viol y sont assez largement répandus…

     

     

    DEBBIE DOES DALLAS (1978)

    Il est presque impossible d’écrire sur le porno de ces années sans évoquer « Debbie Does Dallas », qui connut un énorme succès à sa sortie en salle en 1978 et qui reste l’un des cinq films pour adultes les plus rentables de tous les temps. Et ce n’est pas trop compliqué de comprendre pourquoi… Tout d’abord, il y a l’histoire, qui reprend tous les poncifs du genre, des pom-pom girls aux footballeurs américains, en passant par le concept ambitieux pour l’héroïne de coucher avec autant d’hommes que possible pour le plus d’argent possible…

    Ensuite, il y a le charme innocent de cette beauté blonde aux yeux de biche, Bambi Woods, dont le surnom à l’écran fut choisi par le réalisateur du film lui-même. Il faisait référence au fait qu’elle ressemblait selon lui « à une biche prise dans les phares d’une voiture lorsqu’elle avait des relations sexuelles à l’écran ». Hormis cette explication singulière, « Debbie Does Dallas » acquit son statut de film culte moins par sa qualité intrinsèque que par les rumeurs en tout genre qui fleurirent à l’époque.

    Bambi Woods ne tournera en tout et pour tout que cinq films, pour ensuite disparaître à tout jamais des écrans-radars de l’industrie pornographique en 1986. On la prétendit morte d’une overdose, mais aucune trace de sa disparition dans les registres. De nombreuses femmes tentèrent de se faire passer pour elle, sans pouvoir réellement étayer leurs dires. En 2005, un documentaire anglais de Channel 4, « The Dark side of Porn : Debbie does Dallas uncovered » (« Le côté obscur de la pornographie : Debbie Does Dallas démasquée »), employait les services d’un détective privé pour tenter de retrouver Bambi Woods, sans succès.

    Vous voulez l’âge d’or du porno ? Ne cherchez pas plus loin, vous y êtes…

     

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    FRITZ THE CAT (1972)

    « Nous ne sommes pas classés X pour rien, bébé ! ». C’est le slogan clamé haut et fort par « Fritz the Cat », qui se targue d’être le premier animal star du porno de l’histoire du cinéma. Fritz est aussi un socialiste radical qui proteste contre le système et combat le racisme, tout en trouvant quand même le temps de participer, entre deux manifs, à quelques longues séances de sexe en groupe avec d’autres félines de son espèce…

    Les connotations politiques y sont ici évidentes – les policiers sont représentés en cochons, les raids des gangs liés au trafic de drogue deviennent de plus en plus violents, comme l’époque à laquelle ils se référent, et un corbeau noir est abattu au cours d’une émeute qu’il n’a pas déclenchée. Sorti en 1972, en pleine guerre du Vietnam, ce film résonna avec son temps pour devenir culte et donner lieu à une suite en 1974, « Les Neuf Vies de Fritz the Cat ». Fritz est le premier long métrage d’animation à recevoir un classement X aux États-Unis.

     

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    DEEP THROAT (1972)

    Avez-vous déjà consulté un médecin, pour découvrir finalement que vous aviez un clitoris dans la gorge ? C’est précisément ce qui arrive à Linda, sexuellement frustrée, quand elle tente de comprendre pourquoi elle ne peut jamais atteindre l’orgasme. « Deep Throat », connu pour être l’un des films pornographiques les plus emblématiques de tous les temps, utilise cette révélation singulière comme point de départ. S’ensuit pour Linda une quête effrénée de son propre plaisir, en prodiguant le plus de fellations possible… Voilà pour l’histoire.

    Initiateur de la tendance « porno chic », le film a également lancé la carrière de Linda Lovelace, née dans le Bronx en 1949, et devenue plus tard une fervente militante anti-porno comme une « bonne » chrétienne. Sa vie personnelle ne fut cependant que controverse… Non seulement a-t-elle dû endurer une longue relation abusive avec un mari qui l’a apparemment poussée dans la pornographie, mais elle a également beaucoup écrit sur l’exploitation de la femme par l’industrie du film. Pour toutes ces raisons, Lovelace est toujours l’une des stars les plus fascinantes de l’histoire du porno.

     

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    Et maintenant, un florilège d’affiches cultes figurant dans le livre…

     

     

    Affiches :

    01. « Appetites », starring Sarah Flatt. Directed by Gary Khan, 1973.
    02. « Back Seat Cabbie », starring Margaret Leigh and Janet Topaz. Directed by C. Walsh, 1969.
    03. « Come One Come, All! », starring Tony Vorno, Gina Montaine and Henry Dillon. Directed by Tony Vorno, 1970.
    04. « Cool It, Baby! », starring Beverly Baum, Joseph Marzano and Christine Cybelle. Directed by Lou Campa and Joseph Marzana, 1967.
    05. « Days of Sin and Nights of Nymphomania », starring Preben Nicolaisen, Anders Dahlerup and Annette Post. Directed by Poul Nyrup, 1963.
    06. « Debbie Does Dallas », starring Bambi Woods, Christie Ford and Robert Kerman. Directed by Jim Buckley, 1978.
    07. « Deep Throat », starring Linda Lovelace, Harry Reems and Dolly Sharp. Directed by Gerard Damiano, 1972.
    08. « Flesh Gordon », starring Jason Williams, Suzanne Fields and John Hoyt. Directed by Howard Ziehm and Michael Benveniste, 1974.
    09. « I Want You! », starring John Holmes, 1970.
    10. « I Was A Man », starring Ansa Kansa. Directed by Barry Mahon, 1967.
    11. « Is There Sex After Marriage », starring John Dullghan, Lori Brown and Beerbohn Tree. Directed by Richard Robinson, 1973.
    12. « Love and Kisses », starring Kathy Knight, Ruth Alda, Charles Napier and Paul Norman. Directed by Don Dorsey, 1970.
    13. « Sex Cures the Crazy », 1968.
    14. « Sex Odyssey », 1970.
    15. « Smoke and Flash », starring Richard Howell, Ed Sansone and Lee Parker. Directed by Joseph Mangine, 1968.

    16. « X-Rated Adult Movie Posters of the 60’s and 70’s », de Peter DoggettTony Nourmand et Graham Marsh (2017)

    © Courtesy of « X-Rated Adult Movie Posters of the 60s and 70s » by Tony Nourmand and Graham Marsh

     

     

     

  • Marquese Scott : The King of Urban Dance

     

     

    Marquese Scott est un danseur américain qui a commencé sa carrière professionnelle par la « Poppins Dance » au tout début des années 2010, avant de faire des apparitions remarquées dans diverses émissions télévisées telles que The Ellen DeGeneres Show, des publicités ou des performances live dans le cadre de spectacles de danse urbaine. Il a signé depuis chez Xcel Talent Agency et il est l’un des membres fondateurs du team Dragon House.

     

    Lors de ses premières apparitions publiques, vues au passage par plus de 130 millions de personnes aux Etats-Unis, CBS a qualifié les prestations de Marquese Scott de « tout simplement époustouflantes ». Quant à Ellen DeGeneres, elle l’a trouvé « absolument incroyable », Gather reconnaissait avoir assisté au « meilleur dubstep de tous les temps » et Perez Hilton déclarait : « sérieusement, comparé à ce que vient de faire ce mec, le moonwalk de Michael Jackson ressemble à une promenade dans le parc ». Excusez du peu…

    Marquese Scott fut repéré pour la première fois dans un concours organisé à la patinoire d’Inglewood en Californie, là même où il est né en 1981. Il a commencé à prendre la danse très au sérieux alors qu’il était au lycée à Indianapolis, où il rejoint le club de danse urbaine fréquenté par ses amis.

    Après ses études, il rentre dans l’armée mais continue à danser à chaque fois qu’il en a l’occasion. Après avoir quitté la Marine en 2003, il rejoint sa famille installée à Atlanta, en Géorgie. Marquese Scott trouve un petit boulot chez Wal-Mart, consacre tout son temps libre à développer son propre style et commence à cette époque à filmer ses prestations publiques dans les parcs et à les publier sur YouTube.

    Mais c’est la 53ème publication de Marquese Scott sur YouTube en septembre 2011, une vidéo où on le voit danser sur un remix de « Pumped Up Kicks » de Foster the People, qui propulse le danseur au rang de célébrité. La vidéo est devenue rapidement virale et sera visionnée pas moins de 1,5 million de fois en l’espace de quatre jours. Aujourd’hui, huit ans après sa publication, elle affiche plus de 139 millions de vues au compteur…

     

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    En novembre 2012, nous retrouvions Marquese Scott aka NonStop et ses potes de Dragon House pour un dubstep sur « Illusion of Choice » de Gramatik, que nous vous avions présenté à l’époque, quand nous étions encore tout petits… comme notre grosse sensation danse du moment.

     

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    Et maintenant, j’espère que vous êtes chauds pour votre premier cours de danse dispensé par le Maître, Professor Marquese Scott himself…

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Marquese Scott Official

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Marquese Scott YouTube

     

     

     

  • Lino Ventura : le mythe aurait eu cent ans cette année

     

     

    Plus de trente ans après sa disparition, on célébrait le 14 juillet 2019 le centenaire de la naissance de Lino Ventura, né à Parme le 14 juillet 1919. Ancien champion d’Europe de catch, sa présence devant la caméra fascinait autant qu’elle impressionnait. Des « Tontons Flingueurs » à « L’aventure c’est l’aventure », retour sur le parcours d’un acteur unique.

     

    Pourquoi Lino Ventura est-il encore aujourd’hui un tel mythe, plus de trente ans après sa disparition ?

    Certainement déjà grâce à ses films, à commencer par la comédie culte parmi les comédies cultes, « Les Tontons Flingueurs ». Entre 1954, avec son tout premier film, « Touchez pas au Grisbi », et sa disparition en 1987, en 33 ans de carrière, Lino Ventura va tourner pas moins de 75 films, soit une moyenne de deux films par an, ce qui est considérable.

    Lino Ventura, c’est évidemment Fernand Naudin, le chef de ces « Tontons » qui flinguaient à tout va en maniant la langue d’Audiard. C’est encore le brigadier Théo Dumas, l’obstiné « con qui marche et qui va plus loin que deux intellectuels assis » (les excellents Charles Aznavour et Maurice Biraud, en l’occurrence) d’un « Taxi pour Tobrouk ». C’est toujours le Simon de Claude Lelouch dans « La Bonne Année », un braqueur de bijouteries à l’âme tendre et aux manières viriles qui séduit une très belle et très distinguée antiquaire campée par Françoise Fabian.

    Pour tous ces films passés à la postérité, Lino Ventura fait donc encore partie aujourd’hui des acteurs français les plus iconiques, déjà car ces films étaient bons. Mais aussi parce que Lino avait une vraie gueule, une présence. Il a d’ailleurs joué dans un film qui s’appelait « Les Grandes Gueules »…

    Une petite anecdote : nous sommes en 1953 ou 54. Pour son prochain film, « Touchez pas au Grisbi », Jacques Becker cherche un acteur pour donner la réplique à l’immense Jean Gabin. Pas un acteur normal, non, mais un gros dur, un physique de tueur à gage. Un type dit à Becker qu’il connaît un gars qui pourrait faire l’affaire, un catcheur. Le parfait homme de main… Ventura, qui n’a jamais joué dans un film et qui n’a jamais pris le moindre cours de comédie, se retrouve à faire un essai, en présence de Gabin.

    Lino Ventura fait donc pour la première fois de sa vie face à une caméra. On lui demande comme dans n’importe quel essai à l’époque de dire deux ou trois phrases. Gabin, à qui on ne la raconte pas en terme de jeu, lance à Becker : « Mais qui c’est, ce gars ? T’as vu cette présence ! Quelle gueule ! ». et Lino a le rôle…

    Avec « Touchez pas au Grisbi », l’acteur commence une incroyable carrière tandis que l’inoubliable Pépé le Moko interrompt avec ce film noir sa longue traversée du désert qui avait fait sacrément pâlir son étoile après la Deuxième Guerre mondiale… Les deux taiseux tourneront six films ensemble et deviendront d’inséparables amis.

     

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    D’où lui vient cette incroyable force caractère ?

    Angiolino Giuseppe Pasquale Ventura naît le 14 juillet 1919, à Parme. En 1927, il est âgé de huit ans lorsqu’il quitte l’Italie avec sa mère pour rejoindre son père parti travailler comme représentant de commerce à Paris quelques années auparavant. Mais arrivés à Montreuil le 7 juin 1927, la mère et le fils ne retrouveront jamais Giovanni. Le père a disparu dans la nature.

    A 21 ans, comme il a gardé la nationalité italienne, Lino Ventura se retrouve enrôlé dans l’armée italienne au début de la Seconde Guerre mondiale. Le jeune homme n’a pas de conviction particulière et il se tiendra toute sa vie toujours éloigné de la politique.

    Il déserte au moment de l’effondrement du régime fasciste (juillet 1943) pour rejoindre à Paris Odette qu’il a épousée le 8 janvier 1942. Redoutant d’être dénoncé, il doit se cacher dans une maison servant de grange à Baracé, dans le Maine-et-Loire, afin de ne pas être arrêté par les Allemands (il y reviendra après la guerre et achètera cette maison).

    Après la guerre, il entame une carrière de catcheur professionnel, plus rémunératrice que la lutte, et participe à des combats à la salle Wagram et au Cirque d’Hiver, où il lutte sous le nom de Lino Borrini (le nom de famille de sa mère), alias « la fusée italienne ». Sa carrière de catcheur atteint son apogée en février 1950 lorsqu’il devient champion d’Europe des poids moyens pour l’Italie.

    Mais sa carrière prend fin brutalement le 31 mars 1950, après qu’Henri Cogan le blesse en le projetant dans des chaises métalliques, lui occasionnant une double fracture ouverte à la jambe droite. Il devient alors organisateur de combats pour une vingtaine de catcheurs de son écurie.

    Lino Ventura gardera de cette expérience de catcheur, mais aussi de son enfance, une certaine aptitude à la bagarre. Car lorsqu’on était un petit immigré italien en France dans ces années-là et qu’on se faisait traiter de « macaroni », il fallait savoir jouer des coudes (et des poings) pour se faire respecter.

     

    « Ça a marqué beaucoup ma vie. C’est pour ça que je suis autant à fleur de peau dès qu’on touche à la dignité de l’homme. » (Lino Ventura)

     

    Dans nombre de ses films, et en particulier « Les Tontons Flingueurs », on sent que l’acteur sait se battre et qu’il n’a pas besoin d’être doublé pour les scènes de baston… Et c’est probablement pour toutes ces raisons que Lino Ventura se forgera cette incroyable force de caractère qui sautait aux yeux lorsqu’on le voyait jouer au cinéma.

     

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    Force de caractère mais grande sensibilité…

    Comme souvent chez ce genre de rocs, on décèle sous la carapace des failles et des blessures encore béantes. Et Lino Ventura ne fait pas exception à la règle. Certes, il était une vraie force de caractère, mais pour mieux masquer une grande sensibilité.

    D’abord, Lino Ventura s’est construit tout seul, sans la figure tutélaire du père pour l’aider à trouver sa place dans la société.

    Et puis, Lino Ventura, c’est aussi l’homme de cœur qui arrivera à dominer sa pudeur et sa sensibilité pour alerter à la télévision la population française, dès 1965, du peu de considération qu’avaient alors les pouvoirs publics pour les enfants souffrant d’un handicap.

    Lui qui n’aime pas beaucoup les médias et qui n’a pas forcément l’habitude de s’épancher en public, celui qui incarne l’oncle Fernand dans « Les Tontons Flingueurs » ou le flic intraitable dans « Adieu Poulet » va devoir pour la première fois se faire violence en levant le voile sur sa vie privée, et interpeller les Français sur quelque chose qui le touche au plus profond de son être.

    Avec son épouse Odette, pour sa fille Linda, « une enfant pas comme les autres », il crée en 1966 l’association Perce-Neige qui avait pour premier objectif de venir en aide à l’enfance inadaptée. Aujourd’hui, ce qu’il qualifiera de « son œuvre la plus remarquable » est plus active que jamais et gère 35 maisons qui accueillent plus de 900 enfants.

     

    R… Comme Rital…

    Luisa Borrini, la mère de Lino qui l’éleva seule, transmettra à son fils le goût des pâtes et de la cuisine : « Manger avec des amis et leur faire la cuisine, c’est pour moi un immense plaisir », dira-t-il.

    Et en bon italien, les potes, les copains, avec qui il partageait régulièrement un bon gueuleton, et les anecdotes truculentes qui vont avec, c’était forcément essentiel à l’équilibre du bonhomme…

     

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    Même s’il était très attaché à son pays d’accueil, Lino Ventura est resté un « Rital » dans l’âme et un modèle pour tous ces descendants d’immigrés italiens qui vivent aujourd’hui en France, comme la famille de Roberto Alagna.

     

    « Lino Ventura parlait Français sans aucun accent, ayant passé l’essentiel de sa vie en France, et s’exprimait en italien avec une pointe d’accent de Parme. Mais surtout, il parlait un Français châtié, lui qui avait été élevé par sa mère et qui avait commencé à faire des petits boulots à l’âge de neuf ans, pour l’aider… Exactement la vie qu’ont eue mes oncles quand ils sont arrivés en France. » (Roberto Alagna)

     

    S… Comme Secret…

    Lino Ventura n’avait pas beaucoup l’habitude d’afficher ses sentiments. Pourtant, dans « La Bonne Année » avec Françoise Fabian, il doit forcer sa nature profonde.

     

    « C’est moi qui dis ça : « qu’est-ce que c’est pour vous, une femme ? Et Lino répond « une femme ? une femme, c’est… c’est un homme qui pleure de temps en temps. Il n’aimait pas beaucoup jouer les séducteurs… Non, il voulait jouer les mecs. Les mecs honnêtes, les mecs forts, les mecs drôles. Il ne voulait surtout pas s’attendrir. » (Françoise Fabian)

     

    Bourru mais attachant, aux côtés de Gabin ou Delon, Ventura étaient un des derniers géants du cinéma français.

     

     

     

    A présent, ne boudons pas notre plaisir en nous délectant, probablement une millième fois, mais ça n’est pas grave, de la scène culte de la cuisine dans « Les Tontons Flingueurs »…

     

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    Source : « Signé Lino Ventura » de Clelia Ventura (Ed. Marque-Pages) / Wikipedia

     

     

     

  • Marlon Brando et Tetiaroa, sa seule histoire d’amour

     

     

    Il y a quinze ans, presque jour pour jour, disparaissait l’un des derniers monstres sacrés de Hollywood. Marlon Brando nous quittait le 1er juillet 2004. Portrait d’un acteur hors du commun, qui vécut un amour inconditionnel pour la Polynésie française.

     

    Marlon Brando fût sans conteste l’un des acteurs parmi les plus influents de toute l’histoire du cinéma, de l’aveu même de ceux qui sont aujourd’hui la référence en la matière : Dustin Hoffman, Robert de Niro, Al Pacino, Paul Newman, Jack Nicholson, Johnny Depp et bien d’autres encore.

    Au fil de sa longue carrière cinématographique, Brando n’a eu de cesse que d’évoquer sa rencontre avec le monde polynésien, qui servit d’ailleurs de cadre au tournage de la deuxième version des « Révoltés du Bounty » en 1962, sur les lieux mêmes de cette histoire rocambolesque mais authentique, à Matavai.

     

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    Il l’évoquait d’ailleurs dans son livre autobiographique « Les chansons que m’apprenait ma mère » paru en 1997 : « Je dois à Tahiti les plus beaux moments de ma vie. Si j’ai jamais approché la paix véritable, c’est sur mon île ». L’île de Tahiti le fascinait au point qu’il n’a pas hésité à refuser l’offre que lui faisait David Lean d’incarner « Lawrence d’Arabie » à l’écran en 1962, de peur d’être éloigné d’elle trop longtemps. Le réalisateur projetait en effet de tourner son film en Jordanie, sur une période de six mois, période jugée trop longue par la star qui avança le prétexte fallacieux de craindre de « s’évaporer comme un flaque ».

     

    Tetiaroa, l’île d’une autre vie

    De cette grande réalisation épique dont on lui fera porter la responsabilité de son coût exorbitant, Marlon Brando sortira avec cette image d’excentrique impossible à gérer. Une image qui lui collera à la peau jusqu’à la fin de sa vie. Francis Ford Coppola aurait pu lui aussi en faire les frais lorsqu’il a fallu présenter à La Paramount la candidature de l’acteur pour le rôle principal du « Parrain 1 ». Mais l’histoire en a décidé autrement et le rôle du Parrain parachèvera l’entrée de Marlon Brando au Panthéon des plus grands acteurs de sa génération.

     

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    Sur son atoll de Tetiaroa, payé 200.000 dollars en 1966, Marlon Brando se construit son monde à lui, pour mieux fuir la presse et l’univers d’Hollywood pour lesquels il ressent un profond dédain. Il y fonde une autre petite famille, avec sa femme Tarita et ses deux enfants, Tehotu et Cheyenne. Sa fille Cheyenne qui disparaîtra tragiquement en 1995, à l’âge de 25 ans.

    Son épouse tahitienne Tarita Teriipaia, rencontrée sur le plateau des « Révoltés du Bounty », qualifie sa vie avec la légende de « déchirure ». Pendant 42 ans, Brando interdira en effet à sa compagne de lui exprimer son amour. Un an avant sa mort, l’acteur brise enfin la carapace qui l’emprisonne depuis si longtemps et se met à marmonner comme dans ses films un silencieux « je t’aime » à l’adresse de Tarita…

    Les cendres de Marlon Brando furent dispersées à sa demande dans la Vallée de la Mort aux États-Unis et à Tetiaroa.

     

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    A deux pas de Tahiti, un hôtel hors normes est inauguré le 1er juillet 2014, dix ans jour pour jour après la disparition de la star. Ses 35 villas posées sur l’atoll de Tetiaroa où vécut Marlon Brando inventent un nouvel art hôtelier : prestations grandioses, nature magnifiée, écologie respectée. Robinson est enchanté…

     

    Tumi a 26 ans, la grâce d’une sirène née du lagon clair et un regard dans lequel volent les oiseaux de mer. Elle les connaît tous, ils sont sa passion. Aigrette sacrée, fou à pieds rouges, sterne fuligineuse, nodi noir, frégate du Pacifique… Elle suit chaque couple, veille sur les nichées, prière de ne pas déranger.

    Accompagnatrice d’excursions et formée aux sagesses de la nature, Tumi est princesse de Tetiaroa, l’atoll de six kilomètres carrés dont les 13 îlots, ici on dit « motu », flottent à 53 kilomètres au nord de Tahiti. Tous les Polynésiens savent que cette galette de corail coiffée de cocotiers et de filaos était jadis le refuge de la dynastie royale des « Pomare » (XVIIIème et XIXème siècles). Les souverains tahitiens venaient en famille y faire la pause, s’y ressourcer.

    En ces temps initiaux, le ciel était volontiers courtois et dispensait d’utiles conseils de gouvernement, désignait les traîtres à sacrifier sur l’autel (« marae ») des dieux « maho’i » autant que les jeunettes à épouser dès demain. Le « mana », l’esprit des îles, scellait alors une sensuelle harmonie entre une nature prodigue et la sérénité des hommes.

    Les rois ont filé, le mana est resté. Aujourd’hui, Tetiaroa brille de nouveaux feux. Tumi aussi, héritière des lumières de son peuple, d’un fil tendu entre ciel et lagon. Sûr qu’elle sait parler avec le vent, les fleurs et les étoiles. Exactement comme le faisait son grand-père, Marlon Brando. Il vécut ici, de 1970 à 1990, en Robinson magnifique : « Mon esprit s’apaise toujours quand je m’imagine la nuit, assis sur mon île du Pacifique », racontait-il.

    Le 1er juillet 2014, soit dix ans jour pour jour après la disparition du propriétaire des lieux, The Brando était inauguré à Tetiaroa. Un hôtel hors normes… Première bonne nouvelle : aucun bungalow sur pilotis comme on en trouve communément dans ce genre d’endroits, mais 35 villas pelotonnées au beau milieu des arbres, en harmonie totale avec ce lieu d’exception. Bref, une cachette dont on se confie le secret entre bonnes fortunes, un refuge à faire rêver tous les voyageurs en quête d’ailleurs.

     

     

     

     

    L’hôtel est né d’une folie. Celle de Marlon, d’abord. Venu ici en 1960 à l’occasion du tournage du film « Les Révoltés du Bounty », dans les eaux mêmes où Fletcher Christian déclencha la mutinerie contre le capitaine Bligh en 1789, il en repartit avec une épouse, Tarita, qui joue le rôle de Maimiti, sa conquête polynésienne à l’écran, et la ferme intention d’acquérir Tetiaroa : « C’est encore plus beau que tout ce que j’avais pu imaginer ».

    L’atoll appartient à la fille d’un dentiste qui n’y met jamais les pieds. 200.000 dollars plus tard et après avoir promis de n’abattre aucun arbre endémique, Brando tient son royaume polynésien. Tout à son euphorie, il veut en faire le paradis sur terre, son An 01 à lui, très loin des sunlights et des prétentions d’Hollywood. Il fait construire 14 « fare » (maison, en tahitien) grands ouverts sur le merveilleux bleu pâle du lagon, histoire de partager l’émotion, paréo et pieds nus dans le sable, avec quelques égarés de passage.

    A Tarita, à ses enfants, le géant éclaire son utopie : « Etablir à Tetiaroa une communauté autosuffisante où se trouveraient associés la recherche et la formation, l’agriculture, l’aquaculture et le tourisme, au sein d’un environnement préservé pour le bénéfice de tous. Et créer une communauté non polluante qui ne bouleverserait pas l’équilibre écologique du lagon. »

    Toutefois, du rêve à sa réalisation… Un mini-hôtel, un élevage de tortues puis de homards, des recherches menées sur l’atoll par la Fondation Cousteau, rien ne marche. En 1990, Brando quitte Tetiaroa. Il n’y reviendra pas…

     

     

     

    Heureusement, le mana veille… Et si le délire générait l’avant-garde ? Et si le rêveur croisait un entrepreneur ? Et si, d’une passion commune, ils inventaient ensemble l’impossible ? Richard Bailey, tout le monde l’appelle Dick, est également californien. Sa bobine d’étudiant cache une heureuse soixantaine. Francophile émérite capable de glisser dans la même phrase « paradigme » et « nonobstant », Bailey a construit, en trente années, le premier pôle hôtelier de Polynésie. L’enseigne Pacific Beachcomber brille à Tahiti, à Moorea, à Bora-Bora (deux adresses), ainsi que sur deux paquebots de croisières dont le fameux Paul Gauguin.

    A partir de 1999, il croise Brando ici, là-bas, ailleurs. Ensemble, ils parlent nature, hôtel, innovation, héritage polynésien. C’est décidé, son graal sera Tetiaroa.

     

    « Lorsque nous évoquions l’avenir de son atoll, nous avions la même vision : la protection absolue et non négociable de sa nature (14 espèces d’oiseaux, 158 espèces végétales dont 38 indigènes, 167 familles de poissons, etc.), son ouverture aux chercheurs et aux visiteurs, l’invention d’un site touristique à l’impact proche de zéro. Marlon avait mille idées sur la question. Je me suis engagé à en respecter l’esprit. » (Richard Bailey)

     

    Brando s’éteint le 1er juillet 2004, et une partie de ses cendres est dispersée sur l’atoll. Dick rentre à Tahiti avec le dossier The Brando ficelé et financé. Passons sur les embûches. Les neuf héritiers qui se chamaillent, les écologistes locaux qui hurlent à la trahison, l’absence de passe qui complique l’arrivée des engins de construction, l’évacuation des fosses dont Brando faisait ses décharges, la nécessité de rectifier l’angle de la piste d’atterrissage, les ministères tahitiens qui rechignent…

    Le 1er juillet 2014, dix ans jour pour jour après la mort de Marlon, Dick et Philippe Brovelli, son bras droit depuis toujours, avec Silvio Bion, nommé directeur, inaugurent l’hôtel The Brando. Mission accomplie.

     

     

     

    Deux des fils de la star sont présents. Teihotu, 46 ans, fils de Tarita et père de Tumi. Il est resté longtemps le seul habitant de Tetiaroa, préférant la chanson des vagues s’abattant sur le récif aux lumières de la ville. Et Miko, né d’une autre épouse, son contraire, adorant les micros, détaillant ses trente années passées à Los Angeles aux côtés de Michael Jackson.

    Il est venu avec un flacon d’Eau Sauvage, aussitôt donné à Dick Bailey : « Il a appartenu à Marlon. Tu asperges les différentes parties de l’hôtel, pour que papa soit encore là ». Tumi a souri. Elle préfère cette intimité familiale à l’idée hollywoodienne un temps caressée d’accueillir ici la caste du Parrain, avion piloté par Travolta avec à bord Brad et Angelina, de Niro et Nicholson, Madonna et Beyoncé, Barbra, Sean, Leonardo…

     

    Les paillettes, peut-être, mais l’héritage Brando exigeait aussi de la sincérité et de la profondeur. Bailey portait le devoir de bâtir un microcosme inspiré, pensé pour remporter la bataille de l’énergie. Trois sources ont été retenues afin d’alimenter le domaine et ses 35 villas servies par 150 membres du personnel.

     

    En premier, le SWAC (Sea Water Air Conditioning), une géniale idée de Brando. Son principe : puiser l’eau du Pacifique à grande profondeur (ici, 935 mètres) là où elle est à 4°C, grâce à un tuyau de 2,5 kilomètres de long, afin d’assurer la climatisation du domaine et d’alimenter le spa en eau à la pureté millénaire. Coût : 6,5 millions d’euros et zéro émission.

    Deuxième source d’énergie, le soleil. Quelque 2.400 panneaux solaires sont installés le long des 775 mètres de la piste d’atterrissage de l’atoll. C’est assez pour éclairer les villas, les lieux communs (deux restaurants, deux bars, des salons) et les logements du personnel.

    Enfin, par sécurité, une petite unité de transformation d’huile de coprah (extraite de la noix de coco). Sans oublier la récupération des eaux de pluie, une station de dessalement d’eau de mer et le recours parcimonieux à la nappe phréatique.

    Le diktat vert génère une répartition quasi militaire des ressources : la désalinisation est réservée aux salles de bains, le potager hors-sol est arrosé avec les eaux usagées retraitées, la buanderie puise dans la nappe, etc… Et, pour les déplacements, c’est  en mode voiturettes électriques à l’heure du ménage ou du service en villa et bicyclette quand les résidents veulent faire le tour de l’atoll en suivant le chemin glissé sous la cocoteraie ou bien juste se rendre au bar, au restaurant, au spa (2.000 m²) ou sur le court de tennis tapissé de moquette façon gazon anglais.

    A Tetiaroa, une seule règle de vie édictée par Philippe Brovelli et Silvio Bion : « L’envie du moment. Chacun mange quand il le souhaite, boit ce qu’il veut, fait ce qui lui plaît ». On ne saurait inventer plus belle équation du bonheur. Du coup, certains clients ne sortent jamais de leur villa. Avec 95 mètres carrés pour deux (chambre au lit de star, salle de bains et salon), une vaste terrasse solarium, une piscine privée, un kiosque idéal pour une dînette les yeux dans les yeux, un écran connecté au monde entier, le service permanent d’un majordome et un accès direct à la plage des Sirènes (généralement déserte) tapissée par un lagon au bleu unique. On les comprend…

    Pourtant, impossible de ne pas succomber au charme des installations du Brando. Le restaurant de plage et sa déclinaison gastronomique, « Les Mutinés », 20 couverts seulement, réservation obligatoire, une carte courte, un délice inclus dans le tarif de base et une cave aux références aussi grandioses qu’inattendues sous ces latitudes (en supplément). Guy Martin a délégué ici Antoine Gonzalez, un trentenaire passionné, pour réinventer la cuisine des îles avec le mahi-mahi, le thon ou la bonite, avec aussi des saint-jacques à peine saisies enveloppées de jus de yuzu et céleri, des crevettes rôties à l’huile de chorizo, bouillon aux saveurs de paella…

    Les bars ensuite, pieds dans le sable au milieu des pandanus ou bien perché sur la terrasse dominant la vaste piscine. Architecte et décorateur ont retenu l’idée du nid, joli tressage en alvéoles de bois locaux. Une réussite qui inspire Aurélien, chef barman inventeur d’une vingtaine de cocktails dédiés à Tetiaroa. Entre autres, le « Dirty Old Bob » (en hommage à l’assistant de Marlon) : bourbon, ananas, miel des ruches installées à l’abri de la cocoteraie, citron vert et bitter. Ou le « Tetiaroa Waters », référence au bleu unique du lagon : vodka dans laquelle ont infusé des fleurs de tiare, jus de pamplemousse, eau de coco glacée, trait de curaçao.

    Le « Spa Deep Nature », enfin, niché dans la palmeraie, à l’écart des villas. Un soin quotidien est inclus dans le séjour. Ses concepteurs promettent les recettes du bien-être telles que les inventa la tradition polynésienne.

     

     

     

    Brando avait exigé que ces basiques hôteliers soient complétés par une sorte d’université des îles, un centre d’études pour experts et scientifiques. Deux entités complètent donc le dispositif. La Tetiaroa Society, présidée par Hinano Bagnis, est l’organisme de recherche installé sur l’atoll. Son laboratoire high-tech peut accueillir une douzaine de chercheurs, qui travaillent aussi bien sur l’acidité de l’océan que sur la migration des baleines à bosse (juillet et août), le développement du corail, la nidification des sternes blanches, la population des requins et des raies manta.

     

     

     

    Quant à l’association Te Mana o te Moana, elle fait le lien entre la préservation de ce fragile écosystème et la clientèle. Sa présidente, la vétérinaire Cécile Gaspar, est une experte des tortues vertes. Ses observations montrent qu’elles font un périple de trois mois et 4.500 kilomètres, jusqu’aux îles Fidji, avant de revenir pondre à Tetiaroa, entre octobre et mars. Les hôtes du Brando peuvent accompagner les chercheurs, qui deviennent alors semeurs de savoirs. Pareillement, ils partent à la découverte des motus en compagnie des guides de Te Mana o te moana. Côté ciel comme dans l’eau, pour admirer les damzelles, ces mini-poissons bleu Klein qui bécotent les bouquets de corail. Approcher, oui ; admirer, certainement ; altérer, pas question.

    Quand elle accompagne les curieux jusqu’à Tahuna Iti, le motu aux oiseaux, Tumi raconte, jumelles à la main, le bulbul à ventre rouge, la frégate ariel, la marouette, la sterne à dos gris. Jamais elle ne révèle sa filiation, encore moins sa fierté d’être la gardienne d’un trésor. Son grand-père le promit un jour : « Si j’en ai le pouvoir, Tetiaroa restera toujours un endroit qui rappellera aux Tahitiens ce qu’ils sont et ce qu’ils étaient des siècles auparavant ». Tumi regarde le ciel, ouvre grands les bras pour s’offrir au vent du large et aux parfums d’océan. Elle est le mana de Tetiaroa.

     

    C’est bel et bien Marlon Brando lui-même qui a voulu Tetiaroa telle qu’elle est aujourd’hui, dans ses moindres détails. Car cette vision qu’il eut de son île correspond point par point à ses valeurs, à sa conception du positionnement de l’homme au sein de cette nature qu’il se doit de respecter, ainsi qu’aux positions fortes que l’acteur a toujours défendues, au risque de se mettre à dos une partie de l’industrie du film, comme ce fut d’ailleurs le cas.

    Mais Tetiaroa est aussi la preuve qu’un projet de cette ampleur nécessite la conjonction parfaite du rêve et du pragmatisme. Et lorsque ces deux visions cohabitent dans le respect, tout semble possible. 

     

     

     

    Source : Jean-Pierre Chanial pour Le Figaro