Auteur/autrice : Instant-Chris

  • 200 000 Syriens | Laurent Van Der Stockt

    200 000 Syriens | Laurent Van Der Stockt

     

     

    Deux-cents mille, c’est le nombre de victimes depuis le début du conflit syrien en mars 2011. Le photographe Laurent Van Der Stockt investit la Cathédrale de Bayeux, à l’invitation du Prix Bayeux – Calvados des correspondants de guerre, afin de témoigner de ce conflit meurtrier qui met à feu et à sang le Proche-Orient, avec des implications dramatiques dans toute la région.

    Le photographe cherchait un lieu pour exposer ces témoignages précieux rapportés de Syrie, et c’est finalement ce cadre prestigieux de la Cathédrale de Bayeux qu’il choisit pour y agrandir, découper et redimensionner ses clichés, afin de les incruster dans la structure même de l’édifice, et faire corps avec les voutes, les piliers, les structures.

    « J’ai pensé à la cathédrale. J’ai été étonné du bon accueil fait à cette idée par le curé, l’évêque. Les monuments historiques ont été un peu plus tatillons. On m’a dit tout ce que je ne pouvais pas faire. Je ne voulais pas de panneaux, moches… J’ai beaucoup cherché, réfléchi. Finalement, je me suis immiscé dans ce qu’ils ne m’avaient pas dit que je ne pouvais pas faire ! », témoigne-t-il, non sans un certain humour.

    Par cette exposition, Laurent Van Der Stockt met des visages et de l’humanité sur ce chiffre irrationnel, comptabilité macabre d’un conflit aujourd’hui presque oublié, face à l’accélération de l’actualité internationale.

    Le résultant interpelle, et on se surprend à chercher, dans ce cadre solennel et divin, au milieu des vitraux ou des statues, les visages de ces 200 000 Syriens…

    Exposition prolongée jusqu’au 02 novembre 2014.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Liens externes » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Laurent Van Der Stockt

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Prix Bayeux – Calvados

     

     

  • Man Ray | 400 oeuvres en vente chez Sotheby’s

     

    400 oeuvres de Man Ray vont être proposées le 15 novembre par Sotheby’s à Paris lors d’une vente présentée comme la plus importante de cet artiste depuis 20 ans. Provenant directement de la succession de Man Ray, le Man Ray Trust, la majorité de ces créations n’ont jamais été vues du grand public. Cet événement fait écho à la vente Man Ray organisée par Sotheby’s à Londres en 1995, où plus de six cents lots s’étaient vendus pour quatre millions de livres.

    Toutes les facettes de la carrière du photographe seront représentées, avec des images surréalistes, des solarisations, des photos de mode, des portraits de grands artistes tels Picasso, Braque, Cocteau, Giacometti, Miro, mais aussi de ses muses, Kiki, Lee Miller et sa femme Juliet). Elles figureront aux côtés des icônes du spectacle et du cinéma, dont Ava Garner, Juliette Gréco, Yves Montand et Catherine Deneuve. Un portrait de Picasso sera également mis aux enchères, estimé entre 25 000 et 35 000 euros.

    Au programme enfin des objets surréalistes, dont le célèbre « Ce qui manque à nous tous », une pipe en argile surmontée d’une bulle de verre, proposé entre 25 000 et 30 000 euros. Cette vente sera riche en bijoux et objets de joaillerie, dont une broche en or à l’effigie des lèvres de Lee Miller et inspirée du célèbre tableau de l’artiste « A l’heure de l’observatoire, les amoureux » (1932-1934), ou encore de surprenantes boucles d’oreilles en forme d’abat-jours déstructurés.

    Suite au décès de l’épouse de Man Ray, un nombre significatif des oeuvres de l’artiste, dont des archives photographiques, ont fait l’objet d’un don au gouvernement français et ont rejoint les collections permanentes du Centre Georges Pompidou.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Man Ray

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Sotheby’s

     

     

     

  • Marc Chagall | Retrospective 1908-1985 | Milano

     

    Il s’agit de la plus grande rétrospective jamais dédiée à Marc Chagall en Italie. En six sections, cette exposition revient sur les premières années en Russie, le premier séjour en France, le retour en Russie, le premier exil en France, puis le second en Amérique, avant l’ultime retour sur la Côte d’Azur, où l’artiste retrouva son langage poétique, rasséréné par les couleurs et l’atmosphère du Midi.

    les visiteurs pourront ainsi contempler plus de deux-cents oeuvres, principalement des peintures, depuis la toute première toile de Marc Chagall, le Petit Salon (huile, 22 X 29 cm, 1908), aux dernières oeuvres monumentales des années 80, dont certaines proviennent de collections privées, et sont donc exposées au public pour la première fois.

    Tout au long de cette rétrospective consacrée à l’oeuvre de Chagall, on retrouve toutes les influences successives qui ont façonné l’oeuvre de ce peintre inclassable, du judaïsme à la rencontre avec la peinture française d’avant-garde, du fauvisme au cubisme.

    A découvrir au Palazzo Reale, à Milan, du 17 septembre 2014 au 1er février 2015.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Mostra Chagall

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Comune di Milano

     

     

     

  • Révolutions… Et Marketing

    Révolutions… Et Marketing

     

     

    Qu’est-ce que les révolutions des années 2000 ont en commun ? Et qu’est-ce qui fait qu’elles ont toutes été couronnées de succès ? Elles se vendent à l’International, elles s’exportent. Des roses en Georgie au jasmin en Tunisie, en passant par les tulipes au Kirghizistan ou la couleur orange en Ukraine, ces révolutions populaires du début du 21ème Siècle se sont parées de fleurs et de couleurs.

     

    Ce qui semble aujourd’hui évident, c’est que le succès et la réussite de ces mouvements ont été rendus possibles par l’application de concepts publicitaires et marketing, afin d’assurer tout d’abord leurs promotion auprès des médias internationaux, qui eux-mêmes serviront ensuite de vecteur de viralité auprès du grand public. Il faut ainsi trouver un symbole, un titre, un slogan… Une marque, en fait…

    A présent, peut-on raisonnablement penser que tout ceci est le fruit du hasard ? Que l’on assiste à des mouvements spontanés, qui conduisent un peuple tout entier à s’élever d’une seule voix pour destabiliser, voire renverser le pouvoir en place dans ces pays ?

    Manon Loizeau, dans un documentaire réalisé en 2005, « Les Etats-Unis à la conquête de l’Est », revient sur les prémices de la Révolution Orange en Ukraine. Ou comment un Serbe conseille les futurs révolutionnaires ukrainiens, tel un commercial export en tournée. Et lorsque Manon Loizeau gratte un peu, elle s’aperçoit que derrière notre commercial serbe, il y a la main de l’Oncle Sam… En effet, le point commun entre ces révolutions, c’est qu’elles ont été planifiées, organisées et financées par le gouvernement américain à travers une série de structures : Freedom House, USAID, National Endowment for Democracy (NED), Albert Einstein Institution, ou encore l’Open Society Institute de George Soros.

    Mais c’est aussi grâce à un livre, « De la Dictature à la Démocratie », de Gene Sharp. Publié en 1993 et largement diffusé par la CIA, cet ouvrage est le parfait petit manuel pour mener avec succès une révolution.

    La dernière révolution en date, à Hong Kong, a trouvé son symbole, sa marque, comme toutes les précédentes : le parapluie…

     

    [youtube id= »Jpwjkh6kVco » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Les Révolutions de Couleur

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Albert Einstein Institution

     

     

  • Exposition Sade | Attaquer Le Soleil – Musée d’Orsay (du 14 octobre 2014 au 25 janvier 2015)

     

     

    « Combien de fois, sacredieu, n’ai-je pas désiré qu’on pût attaquer le soleil, en priver l’univers, ou s’en servir pour embraser le monde ? » (Les Cent vingt journées de Sodome, 1785)

     

    A compter du 14 octobre 2014, le Musée d’Orsay consacre une exposition au Marquis de Sade, en réunissant dans ce lieu prestigieux des peintures, sculptures, objets et diverses photographies, tout en ponctuant ce parcours initiatique de citations de Sade qui viennent dialoguer avec les oeuvres exposées.

    Alphonse Donatien de Sade (1740-1814) a bouleversé, sans pour autant l’avoir conceptualisé de son vivant, l’histoire de la littérature, comme plus généralement celle des arts, avant de devenir un véritable mythe après sa mort.

    Le « Divin Marquis » passa le tiers de son existence enfermé, avant de mourir obèse et malade en 1814, et son oeuvre fut condamnée à la censure, la clandestinité et l’oubli, jusqu’à sa réhabilitation en 1957.

    C’est finalement son patronyme qui sauvera probablement le Marquis de l’oubli éternel, après sa mort, et jusqu’à la reconnaissance ultime de son influence sur les arts que constituera la parution de ses oeuvres complètes à la Bibliothèque de la Pléiade en 1990. Quant au néologisme « sadisme », il apparait pour la première fois en 1834 dans le Dictionnaire Universel de Boiste comme « aberration épouvantable de la débauche : système monstrueux et antisocial qui révolte la nature ».

    De « Justine » aux « Cent-vingt journées de Sodome », l’oeuvre de Sade met en exergue une liberté et une audace sans doute jamais atteintes par aucun autre auteur, des fantasmes vécus jusqu’aux limites, un style énergique et puissant, et bien entendu la beauté de la langue française, en remettant en cause de manière radicale les questions de limite, de proportion et de débordement, les notions de beauté, de laideur, de sublime, et l’image du corps. En débarrassant de manière radicale le regard de tous ses présupposés religieux, idéologiques, moraux, sociaux, Sade nous amène à nous questionner sur les raisons qui ont pu nous pousser à nous débarrasser de toutes ces thématiques pendant plus de deux siècles…

    En préambule à cette exposition, David Freymond et Florent Michel nous livrent leur vision de l’écrivain, en réalisant ce clip magnifique.

    En ce qui me concerne, c’est de Sade que me vient cette addiction immodérée aux bonbons à l’anis…

     

     

    [youtube id= »z4eDdjIiIaI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Musée d’Orsay

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] La Pléiade

     

     

  • Focus | Romain Gary et François Truffaut, résonances entre deux auteurs et leurs œuvres

    Focus | Romain Gary et François Truffaut, résonances entre deux auteurs et leurs œuvres

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS »: un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

     

    L’année 2014 commémore à la fois le centenaire de la naissance de Romain Gary (1914-1980) et le trentième anniversaire de la mort de François Truffaut (1932-1984). Entre les deux auteurs, apparaissent des symétries, des parallèles, des points de convergence, à commencer par leur amour partagé de la littérature et du cinéma.

    Nommé consul général à Los Angeles en 1956, Romain Gary côtoie le tout Hollywood, épouse l’actrice Jean Seberg (pressentie par Truffaut pour le rôle de Jacqueline Bisset dans La Nuit Américaine), s’essaye à la mise en scène (1), et plusieurs de ses romans sont adaptés au cinéma (2). Quant à Truffaut, d’abord critique dans Arts et dans Les Cahiers du Cinéma, auteur d’un livre d’entretiens avec Alfred Hitchcock, il aurait certainement embrassé une carrière de romancier s’il n’avait été cinéaste. Passionné de littérature, il s’inspire de romans pour plusieurs de ses films (3), dont certains passages sont commentés d’une voix off, celle de Madame Jouve, par exemple, dans La Femme d’à Côté (1981). Et il n’est pas rare de voir les héros truffaldiens lire ou taper à la machine à écrire.

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    [kleo_grid type= »2″ animation= »yes »][kleo_feature_item]

     

    SOMMAIRE

    Le schéma familial
    Le poids du manque et celui du trop plein
    Je me suis toujours été un autre
    Les femmes, précieuses alliées
    Enquête d’identités

    Le rapport de la judéité
    Deux esprits libres
    De la fiction, faire une réalité
    C’est la fin
    Encore aujourd’hui
    Notes

    [/kleo_feature_item][/kleo_grid]

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    Le schéma familial

    Leur destin d’auteurs prend naissance dans un même schéma familial : un père absent et une figure maternelle déterminante.

    Dans son premier film Les 400 Coups (1959), Truffaut fait le portrait à charge d’une mère autoritaire, volage, encombrée par un fils qui trouve refuge dans les livres et les salles obscures. Dans La Promesse de l’Aube (4), Romain Gary rend hommage à sa mère juive qui «n’était qu’amour” et voyait en lui un héros en devenir.

    “Avec l’amour maternel, la vie vous fait, à l’aube, une promesse qu’elle ne tient jamais. Chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus”.

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    Le poids du manque ou celui du trop plein

    Le cinéma de Truffaut comble un vide. “Le cinéma m’a sauvé la vie” déclare-t-il (5). Ferrand, le metteur en scène de La Nuit Américaine (1973), joué par Truffaut, sermonne son acteur Alphonse, interprété par Jean-Pierre Léaud : “Ne fais pas l’idiot, Alphonse. Tu es un très bon acteur, le travail marche bien. Je sais, il y a la vie privée, mais la vie privée est boiteuse pour tout le monde. Les films sont plus harmonieux que la vie, Alphonse. Il n’y a pas d’embouteillages dans les films, il n’y a pas de temps morts. Les films avancent comme des trains, tu comprends ? Comme des trains dans la nuit”.

    Pour Romain Gary, l’écriture libère d’un trop plein. Un besoin qu’il qualifie de “physiologique” le pousse à écrire dix heures par jour ! “L’écriture est un processus d’élimination, indispensable à mon équilibre psychique. Après je sors soulagé”. (6) Se libérer des espoirs – voire de la mythomanie – de sa mère.

    Ambassadeur de France ! C’est ainsi qu’elle le rêvait. La France, patrie des Droits de l’homme, le paradis sur terre, aux yeux de Mina, juive polonaise, acharnée dans sa lutte pour survivre. En 1928, cette francophile invétérée quitte Vilnius et émigre à Nice avec son fils de 14 ans … Toute la vie de Gary est conditionnée par l’exigence maternelle. “Il me fallait tenir ma promesse, revenir à la maison couvert de gloire, après cent combats victorieux, écrire Guerre et Paix, devenir Ambassadeur de France, bref, permettre au talent de ma mère de se manifester” (4). Il s’engage dans les Forces aériennes françaises libres, rejoint De Gaulle à Londres, Leclerc en Afrique du Nord, risque sa vie plus d’une fois, est nommé Compagnon de la Libération, Commandeur de la Légion d’honneur, devient Consul Général de France en Californie et obtient deux fois le prix Goncourt (7) !

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    « Je me suis toujours été un autre »

    Né Roman Kacew, il s’invente un premier pseudonyme, Romain Gary, pour L’Education Européenne (1945, Prix des Critiques). Gary veut dire “brûle” en russe. Après trois autres prête-noms, Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat (le “vagabond opulent” ou selon les sources, “le riche Satan” en russe) et Lucien Brûlard, Gary s’efface derrière Ajar, qui signifie “braise” en russe (8).

    Brûle, brûlard, braise… Faut-il y voir un hommage à Blaise Cendrars ( de son vrai nom Frédéric Louis Sauser), avec la fille duquel il eut une courte liaison, qui comme lui, vit un temps en Russie, combat dans l’armée française, se passionne pour l’Afrique, est naturalisé Français, fait Commandeur de la Légion d’honneur, signe une oeuvre prolifique… ? Il ne serait pas étonnant que Gary se soit trouvé des affinités avec le poète dont l’oeuvre mêle autant réel et imaginaire.

    Pas plus qu’à Truffaut qui s’imagine un double cinématographique en Antoine Doinel, la vie ne suffit à Gary… au point qu’il s’en invente plusieurs. ”Je lisais au dos de mes bouquins : plusieurs vies bien remplies… Aviateur, diplomate, écrivain… Rien, zéro, des brindilles au vent, et le goût de l’absolu aux lèvres. La vérité est que j’ai été très profondément atteint par la plus vieille tentation protéenne de l’homme : celle de la multiplicité. Une fringale de vie, sous toutes ses formes et dans toutes ses possibilités, que chaque saveur goûtée ne faisait que creuser davantage”. Le vrai, le faux s’emmêlent et s’alimentent comme des vases communicants. Gary travestit sa vie dans La Promesse de l’aube, qualifiée pourtant d’autobiographique, et fait de sa vraie vie une oeuvre romanesque dans laquelle il s’amuse à changer souvent de rôle. “Je me suis toujours été un autre” écrit-il dans Vie et mort d’Emile Ajar.

    Gary écrit la légende, s’invente “un mélange de sang juif, cosaque et tartare”, une naissance dans un wagon aux confins des steppes russes. Et dit se souvenir ”des coups de feu, de la Révolution de 1917… Ma mère était comédienne au théâtre. Elle jouait pour les soldats, pour les comités d’ouvriers, pour les Soviets. On allait d’usine en usine, en traîneau, en plein hiver. Ma mère m’emmenait partout. Je me souviens des soldats de l’Armée Rouge qui étaient tous très gentils avec moi…” (4).

    “La vie, c’était l’écran” (5) pour Truffaut, tout autant attaché à fuir le monde réel. “Mon cinéma est un prolongement de la jeunesse avec un refus de voir la vie telle qu’elle est, le monde dans son état réel, et, en réaction, le besoin de créer quelque chose qui participe un peu du conte de fées.”

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    Les femmes, précieuses alliées

    La vie ne suffisant pas à Gary, les femmes vont lui être utiles. ”Chaque fois que vous aimez une femme, vous changez de peau” (9). Comme Truffaut qui tombe amoureux de la plupart de ses actrices, qui se projette dans L’homme qui aimait les femmes (1977) en un Charles Denner obsédé par les jambes féminines, Gary multiplie les conquêtes et les aventures à un rythme quasi obsessionnel. Si bien que l’âge venant, il est terrorisé à l’idée de perdre sa vigueur sexuelle. Il traduit sa crainte dans l’un de ses plus savoureux romans, L’Angoisse du roi Salomon (1979, Mercure de France) et prévient dans plusieurs interviews : “Je ne connaîtrai jamais la vieillesse. D’une manière ou d’une autre, je ne veux connaître cet état absolument effrayant où l’on devient vraiment vieux… Je crois que je peux prendre cet engagement devant vos spectateurs” (9).

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    Enquête d’identités

    A 36 ans, François Truffaut décide de rechercher l’identité de son père, qu’il n’a jamais connu. Il s’en remet à Albert Duchenne, patron de l’agence de détectives Dubly, rencontré pour Baisers Volés (1968). Après quelques semaines, l’enquêteur lui révèle le nom de son père, Roland Lévy, son origine juive, son métier, chirurgien-dentiste, son adresse. En septembre 1968, Truffaut se rend à Belfort observer discrètement son père sortir de son immeuble pour sa promenade du soir. Truffaut découvre un homme d’une soixantaine d’années, seul, de corpulence assez forte. Truffaut reste caché et repart avec ses questions sans réponses… finir la soirée dans une salle de cinéma.

    L’identité paternelle ? Gary préfère s’en amuser. Il affirme que son père est Ivan Mosjoukine, plus grande star russe du cinéma muet, un bel homme à fière allure que sa mère adulait, et en qui il se trouve une certaine ressemblance… Information formellement démentie par Myriam Anissimov dans sa remarquable biographie (10) : le père de Gary, Arieh-Leïb Kacew, s’avère être en réalité un polonais juif, propriétaire d’un magasin de fourrures à Vilnius.

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    Le rapport à la judéité

    Apprenant l’origine juive de son père, Truffaut s’en émeut mais ne s’en étonne pas. Le cinéaste “s’est toujours senti juif. Cette judéité, il l’associe à son penchant pour les proscrits, les martyrs, les marginaux, à l’affirmation de cet autre qu’il dit avoir été tout au long de sa jeunesse”. (11)

    Le rapport à la judéité est aussi complexe chez Gary qui l’a tour à tour assumée, littérairement exploitée (Gros-Câlin ; La Vie devant soi…) et cachée, notamment en temps de guerre. “Tout ce que je leur avais dit à Paris lorsqu’on m’a interrogé… c’est que j’étais demi-juif. Je ne renie pas mes origines, je prends simplement des précautions pour l’avenir” (12)

    Aucun des deux n’est croyant, cela n’empêchant pas une certaine forme de mysticisme. Julien Davenne, joué par Truffaut, dans La Chambre Verte (1978), rejette la présence du prêtre et se construit sa propre liturgie dans un culte rendu aux morts, si intense qu’il prend le pas sur la vie.

    “Mes rapports avec la vie sont très mystiques, mais les religions organisées, les dogmes me sont totalement étrangers, confie Romain Gary. Je me sens épouvanté par le rituel. Ceci dit, je suis incapable de croire qu’il n’y ait rien d’autre que nous…”(6)

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    Deux esprits libres

    Les deux hommes sont des esprits libres, tendres et cruels, critiques à l’égard de leur oeuvre, tourmentés, d’une sensibilité tendant à la mélancolie, d’une indépendance confinant à la solitude, et paradoxalement, inlassables curieux de la nature humaine. Alors que Truffaut en explore souvent les ressorts dans l’espace triangulaire de la passion amoureuse (Jules et Jim, Le Dernier Métro…), qu’il n’a jamais vraiment milité que pour la défense du cinéma, Gary est agité de questionnements plus politiques.

    Gary est un combattant acharné ; “même si aucun livre au monde ne pourra briser le cou à la haine”, il porte en lui un grand ”espoir de fraternité “, pilier de toute son oeuvre. Dans Les Racines du Ciel, le personnage principal se bat contre le massacre des éléphants en Afrique. Morel est l’allégorie de Gary, révolté par la privation de liberté, l’abus de pouvoir, l’injustice, le racisme, le fanatisme, la lâcheté… “Tous mes personnages sont des contestataires. C’est peut-être le seul fil conducteur de toute mon oeuvre. Il n’existe pas un roman de moi qui ne soit une protestation… C’est mon rôle d’écrivain de gueuler comme un écorché” estime Gary (6), toujours fidèle aux idéaux de sa mère. “Quand on pense à l’histoire de l’homme, on s’aperçoit que la plus grande puissance spirituelle humaine, c’est la Connerie, avec un C majuscule“. Ecœuré par l’indignité, la fin de la grandeur européenne, la médiocrité humaine…, Gary ne renonce pas. “Mes airs amusés et ironiques ne tromperont personne : le phénomène humain continue à m’effarer et à me faire hésiter entre l’espoir de quelque révolution biologique et de quelque révolution tout court” (13). Gary assouvit sa soif de changer le monde et les hommes dans ses romans, où in fine l’humour et l’innocence triomphent.

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    De la fiction, faire une réalité

    En 1975, Gary porte la mystification à son paroxysme, en organisant l’escroquerie littéraire du siècle. Il change de nom pour signer La Vie Devant Soi. “Il y avait la nostalgie de la jeunesse, du début, du premier livre, du recommencement… C’était une nouvelle naissance. Tout m’était donné encore une fois. J’avais l’illusion parfaite d’une nouvelle création de moi-même par moi-même” (12)

    La duplicité va plus loin. Dans un mouvement contraire au processus créatif classique, qui va du vrai à la fiction, Gary fait de son invention, une réalité et trouve l’idée géniale de donner vie à son identité virtuelle. Il choisit Paul Pavlowitch, son petit cousin, pour endosser le rôle d’Emile Ajar. Duperie mémorable qui lui vaut, à ce jour, d’être le seul détenteur de deux prix Goncourt. Mais la mystification dépasse l’auteur. Gary enrage d’être enfermé dans “la combine métaphysique infernale” qu’il a lui-même échafaudée, et ne supporte pas de voir Paul Pavlowitch tirer gloire de sa propre création. Gary n’est plus maître de l’histoire et n’arrive plus à tirer les fils de sa marionnette.

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    C’est la fin

    La vie échappe à Gary et ne lui suffit définitivement plus. Reste à écrire le mot fin. Le 1er décembre 1980, dans son appartement parisien, il se tire une balle dans la bouche… Ce n’est qu’à titre posthume que Gary tombe le masque.

    L’imposture est révélée dans Vie et Mort d’Emile Ajar, publié le 17 juillet 1981. Mais là encore, le 3 juillet 1981, sa doublure, Paul Pavlowitch, préempte le devant de la scène et lui grille la vedette dans un témoignage lumineux d’intelligence, sur le plateau d’Apostrophes, pour la parution de son livre L’homme que l’on croyait. Paul Pavlowitch s’interroge : “Je ne sais pas si Gary était vraiment, je ne sais pas s’il a vécu par lui-même. J’ai tendance à croire qu’il n’existait pas “… (14)

    Quatre ans plus tard, Truffaut succombe d’une tumeur au cerveau.

     

    [kleo_divider type= »short » double= »yes » position= »center » text= » » class= » » id= » »]

    Encore aujourd’hui

    De leur vivant et encore aujourd’hui, l’un et l’autre obtiennent un succès international. Truffaut obtient l’Oscar du meilleur film étranger pour La Nuit américaine en 1974. Il est admiré de Spielberg qui, en 1977, lui confie un rôle dans Rencontres du troisième type. Gary est un écrivain adulé en Allemagne, en Pologne et aux Etats-Unis.

    Leurs films et romans se relisent et se revoient avec un plaisir changeant à mesure que nos vies passent. Et quand l’un et l’autre s’amusent à faire résonner l’écho d’une oeuvre à l’autre, qu’on reconnaît des répliques déjà prononcées, comme fiers d’avoir saisi le clin d’œil, on a cette délicieuse impression de les avoir approchés.

     

    Auteur: Anne Rohou

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Notes » class= » » id= » »]

     

    1. Les Oiseaux vont mourir au Pérou, titre d’une de ses nouvelles, (Folio Gallimard, 1962); Kill! (1972).
    2. Les Racines du ciel de John Huston (1958); Clair de femme de Costa-Gavras (1979); Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable de George Kaczender (1981) ; La Vie devant soi de Moshé Mizrahi (1977); Les Cerfs-volants de Badel (1984) et de Jérôme Cornuau (2007); Adaptation de La Tête coupable, The impostors réalisé par Frédéric Blum.
    3. Tirez sur le pianiste de David Goodis, 1960; Jules et Jim de Henri-Pierre Roché 1961; Farenheït 451 de Ray Bradburry, 1966; La mariée était en noir 1967 et La Sirène du Mississipi, 1969, de William Irish
    4. La Promesse de l’Aube (1960, Gallimard)
    5. Les films de ma vie de François Truffaut, Flammarion, 1975.
    6. Romain Gary, Le Nomade multiple, 2 CD, entretien avec André Bourin, Archives sonores, Les grandes heures Ina/France culture, diffusées sur France Culture en mai et juin 1969.
    7. Les Racines du ciel de Romain Gary en 1956 et La vie devant soi d’Emile Ajar en 1975.
    8. Il signe Emile Ajar Gros-Câlin 1974, La Vie devant soi, 1975 et L’Angoisse du roi Salomon, 1979, Gallimard
    9. Entretien télévisé avec Jacques Busnel dans l’appartement parisien de Romain Gary, archives Ina.
    10. Romain Gary, le caméléon de Myriam Anissimov. Ed. Denoël
    11. François Truffaut d’Antoine de Baecque et Serge Toubiana, Biographies, Ed. Gallimard, 1996.
    12. La Nuit sera calme, 1974, Gallimard.
    13. Citation de Romain Gary, au sujet du recueil de nouvelles Les oiseaux vont mourir au Pérou (Gloire à nos illustres pionniers), Folio, 2009
    14. Apostrophes, interview de Paul Pavlowitch, 1981, Antenne 2, archives Ina

     

     

     

  • Celebrating 20 Years of Friends

     

    Intitulée “The One with the 236 seconds”, en hommage à tous les titres des épisodes de Friends, cette rétrospective de la Warner Bros revient sur le meilleur des 236 épisodes de la sitcom culte qui fête ses 20 ans cette semaine. De l’armadillo de Noël aux claques sur les fesses du boss de Chandler, en passant par le pire des expériences pro de Joey… 236 secondes de bonheur.

    Série humoristique : 1er épisode diffusé en 1994 sur NBC -> dernier épisode diffusé en 2004.

    Acteurs principaux : Courtney Cox, Jennifer Aniston, David Schwimmer, Matthew Perry, Matt LeBlanc, Lisa Kudrow

    Titre original : Friends

    Durée : 26mn par épisode / 10 saisons / 489 épisodes

     

     

    [youtube id= »DHVGOD8VPyU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Friends

     

     

     

  • iGlide | Dragon House Tipper Dreamsters

    iGlide | Dragon House Tipper Dreamsters

     

    iGlide du collectif Dragon House, de retour avec une nouvelle vidéo postée en septembre, nous démontre encore l’étendue de son immense talent.

    Check it out !

    Dancer : Julius iGlide Chilsom
    Sept. 1st, 2014

     

     

    [youtube id= »LXoBnri7kA0″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dragon House

     

     

     

  • iDiots | L’obsolescence de la pomme

    iDiots | L’obsolescence de la pomme

     

     

    Depuis le lancement de l’iPhone en 2007, Apple a déjà accouché de sept générations du célèbre smartphone, soit un modèle par an…

     

    A l’heure où sort le modèle de dernière génération, l’iPhone 6, dont dix millions d’exemplaires se sont vendus en trois jours, nous pouvons nous demander si cette succession effrénée de nouveaux modèles est le fruit de réelles avancées technologiques, d’un modèle à l’autre, ou découle du simple calcul économique… A savoir, plus le rythme de sortie est rapide, plus on en parle, et plus on en vend.

    C’est justement le message du court-métrage « iDiots », réalisé par le studio Big Lazy Robot. Dans cette vidéo, on y voit des robots (d’ailleurs disponibles dans le commerce) se ruer vers le magasin où est vendu le nouvel iDiot 4 (parodiant même jusqu’au design l’iPhone d’Apple), qui permet de « liker » des photos de chats, acheter des applications inutiles ou partager des vidéos abrutissantes. Et lorsque l’iDiot 4 devient très rapidement obsolète, heureusement l’iDiot 5 vient tout juste de sortir…

    « iDiots » évoque bien entendu le phénomène de l’obsolescence programmée, mais aussi ces besoins que nous nous créons continuellement, instillés par une société de consommation toujours plus agressive.

     

    [youtube id= »NCwBkNgPZFQ » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Geeks And Com

     

     

  • Jean Roupech @ The Control | Electronic Music Improvisation 01 (« Analog Minimalistic Walk »)

    Jean Roupech @ The Control | Electronic Music Improvisation 01 (« Analog Minimalistic Walk »)

     

    Electronic Music Improvisation 01 by Jean Roupech with:

    • Doepfer, Dark Time
    • Novation, Bass Station KB
    • Korg, Monotribe V2
    • Moog, Moogerfooger MF-102 Ring Modulator
    • Moog, Moogerfooger MF-108 Cluster Flux
    • Moog, Moogerfooger CP-251
    • Eventide, Space
    • Line 6, Pocket Pod

     

     

    [youtube id= »sPbPWju8BsE » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Jean Roupech Soundcloud