Blog

  • Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait…

     

     

    « Les Tontons Flingueurs », comédie franco-germano-italienne réalisée par Georges Lautner en 1963, sur un scénario d’Albert Simonin et des dialogues de Michel Audiard, sera éreinté par la critique à sa sortie en salle avant de devenir au fil du temps un incroyable succès populaire.

     

    Albert Simonin, né à Paris en 1905 et mort en 1980, est un écrivain et scénariste français, auteur de romans policiers illustrant l’usage de l’argot dans le milieu. Sa trilogie à succès consacrée à un truand vieillissant, « Max le Menteur », a été adaptée à l’écran : « Touchez pas au Grisbi ! » réalisé par Jacques Becker en 1954, « Le Cave se Rebiffe » de Gilles Grangier sorti en 1961 et « Les Tontons Flingueurs », les deux derniers sur des dialogues du grand Michel Audiard.

    Auteur d’un dictionnaire d’argot publié en 1957, Albert Simonin reproduit dans ses romans le parler des voyous avec un grand souci d’exactitude et de précision. Si ce style est sujet aux effets de mode ainsi qu’à l’obsolescence intrinsèque du langage de la rue, il en a légitimé l’emploi en littérature et ouvert la voie à des Frédéric Dard ou Jean Vautrin.

     

     

    Dans « Les Tontons Flingueurs », le personnage récurrent de la trilogie d’Albert Simonin, « Max le Menteur », devient Fernand Naudin (incarné par Lino Ventura), un ex-truand reconverti dans le négoce de matériel de travaux publics, à Montauban. Le film qui s’ouvre sur son départ, en pleine nuit, pour Paris, donne tout de suite le ton : pastiche des films noirs américains, l’humour sculpte l’ensemble des dialogues.

     

     

    La petite vie tranquille de Fernand va basculer lorsque son ami d’enfance, Louis, dit le Mexicain, un gangster notoire, de retour à Paris, l’appelle à son chevet. Celui-ci, mourant, confie à Fernand avant de s’éteindre la gestion de ses « affaires » ainsi que l’éducation de sa petite Patricia (Sabine Sinjen), au mécontentement de ses troupes et sous la neutralité bienveillante de Maître Folace (Francis Blanche), son notaire, qui ne s’émeut pas trop de la querelle de succession à venir, pas plus que Jean (Robert Dalban), l’ancien cambrioleur reconverti en majordome.

    Fernand Naudin doit affronter les frères Volfoni – Raoul (Bernard Blier) et Paul (Jean Lefebvre) – qui ont des visées sur les affaires du Mexicain, parmi lesquelles un tripot clandestin, une distillerie tout aussi clandestine, une maison close… D’autres « vilains » vont se révéler être très intéressés par la succession, dont Théo et son ami Tomate. Pour se défendre contre ce petit monde, Fernand pourra compter sur Pascal (Venantino Venantini), fidèle première gâchette.

     

    [youtube id= »EeO1JqBZ6kI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

  • Chroniques de la Coupe du Monde : Le match entre la RFA et la RDA le 22 juin 1974

     

     

    Le 22 juin 1974, nous assistions à une opposition unique, inédite et historique entre les deux Allemagne, la RFA et la RDA. Un match sans enjeu, certes, puisque les deux équipes étaient déjà qualifiées pour le second tour de la Coupe du Monde 74 organisée en Allemagne, justement, mais une rencontre lourde de symbole…

     

    Avez-vous déjà vu un match de Coupe du Monde de la FIFA entre Brésiliens et Brésiliens, entre Français et Français ou entre Italiens et Italiens ? Certainement pas et c’est bien ce qui fait de ce duel du 22 juin 1974 une rencontre au caractère unique. Lors du premier tour de l’édition 1974 de l’épreuve suprême en Allemagne, la République Fédérale d’Allemagne (RFA) et la République Démocratique Allemande (RDA) se sont affrontées au Volksparkstadion de Hambourg.

    Ce match a été la seule rencontre entre les équipes nationales des deux états nés de la division de l’Allemagne à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Mais ce jour-là, rares sont ceux qui se doutent que ces 90 minutes occuperont une place à part dans l’histoire du football mondial et pas seulement en raison du caractère particulier de ce duel entre Allemands.

    Au Volksparkstadion de Hambourg, 60 000 spectateurs, dont 1 500 citoyens est-allemands, suivent le match, qui sera la première et la dernière rencontre entre les équipes d’Allemagne de l’Est et d’Allemagne de l’Ouest sur un terrain de football. Les rôles sont clairement attribués : d’un côté se trouve la RDA, nouvelle venue dans la course au titre mondial, et de l’autre la RFA, championne du monde de 1954 et championne d’Europe en titre.

     

     

    L’ambiance pendant le match est explosive, comme en témoigne l’anecdote suivante : pour ne pas heurter les sensibilités politiques, les joueurs n’osent pas procéder au traditionnel échange de maillots sur le terrain après le coup de sifflet final. C’est seulement une fois dans les vestiaires que Paul Breitner (RFA) va trouver l’auteur du but de la victoire, Jürgen Sparwasser (RDA), pour lui proposer de procéder au fameux échange. Ces deux maillots tomberont dans l’oubli pendant 28 ans, jusqu’à ce que les deux joueurs les mettent à disposition pour une vente aux enchères en faveur d’une œuvre de charité.

    Les agents de la Stasi, la police politique est-allemande, accompagnent même les joueurs de l’équipe nationale de RDA jusque dans le couloir, avant leur entrée sur la pelouse, afin de contrôler que les joueurs est-allemands ne puissent pas communiquer d’une quelconque manière avec les joueurs ouest-allemands.

     

     

    Quant aux supporters est-allemands, ils ont pris un train sans arrêt entre leur pays et Hamburg, de l’autre côté du Mur, encadrés eux aussi par les agents de la Stasi, afin d’éviter qu’ils puissent profiter de l’occasion pour passer à l’Ouest.

    Les deux équipes sont certes déjà qualifiées pour le deuxième tour, mais ce duel fratricide a pour enjeu la première place du groupe et, bien sûr, le prestige. Pour la RFA, qui s’est imposée face au Chili (1:0) et à l’Australie (3:0), un match nul serait suffisant pour prendre la tête de la poule. Pour la RDA, en revanche, il faut absolument gagner. La sélection de Georg Buschner a en effet battu l’Australie (2:0) mais n’a ramené qu’un nul (1:1) de sa rencontre avec le Chili.

     

    « Si un jour il y a écrit sur ma tombe Hambourg 74, tout le monde saura qui se trouve en dessous. » (Jürgen Sparwasser)

     

    La RFA domine le match mais sera finalement battue par sa rivale orientale sur le score de 1-0. Le héros du match, Jürgen Sparwasser est le joueur est-allemand qui inscrit le but de la victoire. Jürgen Sparwasser est ainsi entré dans l’histoire pour toujours en faisant trembler les filets lors de ce duel unique. Sa réalisation face aux Allemands de l’Ouest a fait de lui l’un des sportifs les plus connus de RDA. L’apprenti constructeur de machines âgé de 26 ans en 1974 a disputé en tout 53 matches sous le maillot de la sélection est-allemande (15 buts). Lors de l’exposition universelle de Hanovre en 2000, l’attaquant s’est même vu dédier un buste.

    Cette édition est restée la seule participation de la RDA à la Coupe du Monde de la FIFA, tandis que la République Fédérale d’Allemagne a toujours réussi à se qualifier pour le tournoi jusqu’à ce jour. Depuis, elle a remporté un troisième titre mondial en 1990, peu de temps avant que l’Allemagne ne soit réunifiée.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Sources » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Les Archives Officielles de la FIFA

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] La Coupe du Monde à travers l’Histoire

     

     

     

  • La Coupe du Monde du Général Videla : Argentine 78

     

     

    Il y a des Coupes du Monde qu’on aimerait oublier parce que le jeu était médiocre, comme par exemple celle jouée en Italie en 1990, et il y a des Coupes du Monde qu’on aimerait oublier pour d’autres raisons…

     

    C’est le cas de la Coupe du Monde de 1978 en Argentine, pour des raisons politiques, en l’occurence. Car nous avons certes assisté à de beaux matchs, mais à la tête du pays organisateur trône une sordide dictature militaire, celle des généraux Videla et Galtieri. Ce même Galtieri qui entraînera plus tard son pays dans une guerre anachronique contre l’Angleterre, la Guerre des Malouines.

    En 1978, il est donc exclu pour le pouvoir argentin de ne pas gagner sa Coupe du Monde. Cela constitue d’ailleurs une question de vie ou de mort pour la junte militaire alors aux commandes du pays. Tous les moyens vont ainsi être mis en oeuvre par les généraux à Buenos Aires pour parvenir à leurs fins, et pas seulement des moyens sportifs.

    Cette épisode de l’histoire du foot, Stéphane Benhamou nous le fait revivre dans son documentaire « La véritable Histoire des Coupes du Monde » sorti en juin 2014.

    Replongeons donc dans le contexte de cette année 78, avec un mot qui était sur toutes les lèvres (ou presque…) avant le début de la compétition : boycott.

     

    « C’est effectivement la première fois qu’on défile dans la rue pour demander le boycott d’une coupe du monde, et plus particulièrement en France, où un comité s’est constitué, à l’initiative de personnalités telles que François Gèze, fondateur des Editions de la Découverte, Marek Halter, Louis Aragon ou le philosophe occidentaliste Jean-François Revel. Face à ces gens qui disent « on ne peut pas y aller », on trouve l’entraineur et certains joueurs de l’équipe de France, comme Michel Hidalgo ou Michel Platini, qui eux affirment qu’ils se rendront en Argentine pour participer au Mundial, fût-ce à la nage. »

     

    La France ne s’est pas qualifiée à une Coupe du Monde depuis 1966, et l’attente est immense. En Argentine, lorsque la junte s’installe à la tête du pays en 1976, sa toute première préoccupation est de savoir de quelle façon instrumentaliser au mieux l’événement, dans le but évident de se racheter une conduite et de faire taire les critiques. Car le peuple argentin attend de pouvoir organiser son Mondial depuis si longtemps, en fait depuis la première édition en 1930, et à chaque fois, l’argument avancé par les instances internationales du foot pour ne pas lui attribuer est que le régime politique en place n’est pas assez stable. Le pays connait en effet des coups d’état à répétition depuis 1966 et le début de la « Révolution Argentine ».

    Mais l’organisation de la Coupe du Monde 1978 est finalement attribuée à l’Argentine, quelques années avant l’arrivée de la junte militaire au pouvoir en 1976. Les généraux vont donc confier leur communication à une agence de publicité new-yorkaise, la Burson Marsteller, afin de les aider à apporter toutes les garanties de réussite dans l’organisation de l’événement aux instances ainsi qu’à l’opinion publique internationale.

    Cette campagne de communication s’appuiera sur toutes les personnalités argentines célèbres à l’étranger, telles que le boxeur Carlos Monzon ou le coureur automobile Manuel Fangio, avec comme but celui de séduire les médias internationaux, et en particulier ceux plutôt dans le camp du boycott.

     

    « Et puis il faut cacher les crimes et les exactions commis par la junte, responsable de la disparition de plus de 30.000 supposés opposants entre 1976 et 1978. Il n’y a pas une famille argentine, en particulier à Buenos Aires et Mendoza, qui n’ait pas à déplorer la perte ou la disparition d’un de ses membres. Tout le monde sait qu’il se passe des choses épouvantables en Argentine, mais la junte va parvenir à les cacher aux yeux du monde. Il faut que la politique reste étrangère à tout ça… »

     

    A présent, c’est bien beau d’organiser cette Coupe du Monde mais il va falloir absolument la gagner. C’est alors que les Argentins vont employer les moyens les plus scandaleux pour parvenir en finale, notamment contre l’équipe du Pérou que les Argentins devaient battre 6 à 0, score qui n’existe pas en Coupe du Monde à ce niveau-là. Le match était évidemment truqué. Contre une large victoire lui permettant d’accéder en finale, l’Argentine efface une partie de la dette péruvienne, livre 30.000 tonnes de céréales et octroie au Pérou des avantages commerciaux substantiels. Il est question aussi de libération de prisonniers politiques…

    Mais le Pérou est aussi récompensé par l’arrestation de treize supposés opposants au régime de Francisco Morales Bermúdez, réfugiés en Argentine, et que la junte militaire argentine fera disparaître. Dans le cadre de l’Opération Condor (Coordination des différentes dictatures d’Amérique latine afin de traquer et éliminer leurs opposants), l’Argentine et le Pérou conviennent d’un accord concernant le match les opposant au second tour. L’Argentine, qui devait l’emporter avec une différence d’au moins quatre buts pour se qualifier, se charge de faire exécuter par sa police politique les treize opposants péruviens en échange de l’assurance d’une large victoire lors de la rencontre sportive. L’Argentine s’imposera effectivement sur un glorieux 6-0 alors que les treize opposants seront tués au cours d’un tristement célèbre « vol de la mort ».

    L’Argentine finit donc par remporter sa Coupe du Monde face aux Pays-Bas le 25 juin 1978. Le capitaine hollandais Ruud Krol déclarera : « la mafia nous a eus. » L’arbitre fut changé au dernier moment car il ne convenait pas aux Argentins. L’arbitre italien finalement choisi pour la finale sifflera tout au long du match en faveur des Argentins. Une telle tension planait sur cette rencontre que les acteurs et les témoins du match déclareront des années plus tard que « les Hollandais ne pouvaient pas gagner dans un tel contexte ».

    L’Argentine remportera une deuxième Coupe du Monde de façon plus « sportive » et glorieuse au Mexique en 1986.

    40 ans après ces événements, la France rencontre de nouveau l’Argentine aujourd’hui en Russie. Souhaitons-lui de l’emporter et de conjurer le sort…

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Les Archives Officielles de la FIFA

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] La France au Mundial 78

     

     

     

  • Danse à Mort

     

     

    12 juillet 1518. Frau Toffea ouvre le bal. Elle ne le sait pas, mais elle est le « patient zéro » d’un mal étrange : la « manie dansante ». Elle se trémousse, seule dans les rues, pendant six jours et six nuits, jusqu’à en avoir les pieds en sang et malgré les supplications de son mari. « Elle était en proie à une détresse absolue » (p. 77). Dix jours plus tard, ce sont près de 400 danseurs qui emboitent son pas.

     

    La vue d’autres danseurs, pris par cette transe angoissée, suffit à propager le mouvement. Au départ, on crée un espace pour ces danseurs étonnants. On recrute même un orchestre de professionnels chargés de les faire danser. Mais très vite, l’angoisse monte. L’anxiété croît à la hauteur de l’impuissance des observateurs de cet étrange spectacle. On se met à parler de châtiment divin, de sortilège de sorcière. Alors on change son fusil d’épaule : les estrades sont démontées, les musiciens interdits et les danseurs envoyés à Saverne, assister dans sa chapelle à une cérémonie en l’honneur de Saint Guy, protecteur des épileptiques et des malades atteints de chorée. Les danseurs fous sont chaussés de rouge et disposent d’une petite croix. Après cette procession, l’épidémie décroît.

    Déjà au IXème siècle, on parlait de guérisons miraculeuses à Kolbeck en 1017 et on compte une vingtaine de cas entre 1200 et 1600. Mais celui de Strasbourg, sans doute parce qu’il a eu lieu après l’invention de l’imprimerie, est le mieux documenté. Cette maladie, la chorée de Sydenham, est identifiée par Thomas Sydenham, l’hyppocrate anglais, un médecin britannique du 17ème siècle. Il s’agit d’une maladie infectieuse aux streptocoques qui atteint le système nerveux central, une infection avec fièvre et mouvements involontaires des muscles et des extrémités dus à des contractions. Aujourd’hui, la chorée de Sydenham est répertoriée par la médecine comme une infection survenant après une angine à streptocoques non traitée.

     

     

    En 2008, un historien, John Waller, propose une autre lecture du phénomène. Selon lui, il s’agit d’une hystérie collective liée au contexte historique de famine. Une manifestation géante d’un ras-le-bol social après des années de famine. Une danse furieuse aux raisons psychologiques… Avant de sortir dans la rue et de se mettre à danser, Frau Toffea avait jeté son bébé dans la rivière à la demande de son mari : la période d’allaitement étant terminée, ils n’avaient plus les moyens de le nourrir.

    D’autres personnes, elles aussi dans des situations effroyables, s’approchent, la regardent et se mettent comme elle à danser. En février 2018, l’écrivain Jean Teulé décrit et explique les faits dans son ouvrage « Entrez dans la danse ». Il dépeint cette misère en citant des exemples, comme ce couple mangeant leur enfant ou des habitants errant autour des hôpitaux pour récupérer les excréments des lépreux, « pour avoir quelque chose à bouffer. Ils en étaient là. ». Danser aurait été pour eux une façon de craquer, d’exprimer leur extrême détresse, rendus fous par la misère et la mort de leurs proches.

     

     

    Certains osent un parallèle entre ces manies dansantes et les rave parties monstres d’aujourd’hui, au cours desquelles les danseurs peuvent se déhancher dans un état second, au risque de tomber d’épuisement. Il existe cependant des différences fondamentales : l’usage de drogues récréatives, même si Jean Teullé évoque l’hypothèse d’une intoxication à l’ergot de seigle, « la moisissure de seigle, du LSD à l’état pur ». Mais les clubbers sont probablement plus euphoriques que les choréomaniaques terrifiés du Moyen-Âge et « on ne peut pas danser avec ça parce que ça diminue l’afflux sanguin » précise l’écrivain dans une interview à Europe 1.

     

    Référence électronique

    ✓ Jérôme Lamy, « John Waller, Les danseurs fous de Strasbourg. Une épidémie de transe collective en 1518 », Cahiers d’Histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 134 | 2017, mis en ligne le 26 mai 2017. Lien : Cahiers d’Histoire

    Danse macabre de Strasbourg en 1518 : Jean Teulé s’attelle à l’une des plus étranges épidémies recensées

     

     

     

  • La vraie histoire de Jacques Mayol

     

     

    Il y a trente ans, « Le Grand Bleu » de Luc Besson était présenté au festival de Cannes, avant d’enchanter plus de neuf millions de spectateurs en France. Un film devenu culte, et qui nous livrait une évocation très romancée de l’histoire de Jacques Mayol. Un documentaire revient aujourd’hui sur la vraie vie du célèbre plongeur.

     

     

    Trente ans après le succès du « Grand Bleu » de Luc Besson, Jean-Marc Barr prête à voix au documentaire « L’homme dauphin, sur les traces de Jacques Mayol » de Lefteris Charitos, sorti en salle mercredi 30 mai. Le film nous propose ainsi un voyage sur les traces de ce précurseur de la cause écologique et raconte la vraie vie de cet homme qui aura tout sacrifié à sa passion pour la mer.

    Jacques Mayol a suscité bien des vocations, fait rêver avec ses plongées dans les abysses, tout en nous ouvrant les yeux sur la beauté et la fragilité des océans. Mais le Jacques Mayol du « Grand Bleu » n’est pas le bourlingueur, bohème, né à Shanghai en 1927 et qui s’est donné la mort en 2001, dans sa maison de l’île d’Elbe.

    Ce documentaire rétablit la vérité, celle d’un homme qui se rêvait dauphin, avec ses parts d’ombre, le premier à franchir la barre des 100 mètres en apnée en 1976. Quand sort le film de Luc Besson en 1988, Mayol a 61 ans, il est d’une autre époque et vit mal le succès du « Grand Bleu » qui éclipse sa propre vie. Jean-Marc Barr qui a joué son personnage à l’écran, prête sa voix au documentaire, dans lequel il lit des extraits du livre de Mayol, « Homo Delphinus ».

     

    « La mer est à l’origine de la vie. A la contempler, on éprouve un sentiment d’harmonie. »

     

    « Personne ne s’attendait à un tel succès pour « Le Grand Bleu », à tel point que lorsque les gens évoquaient Jacques Mayol, ils voyaient ma gueule et plus la sienne, tant le succès du film a éclipsé l’identité du vrai bonhomme… Le documentaire remet les pendules à l’heure, car l’histoire de ce vrai bonhomme est bien plus intéressante que celle du personnage que j’ai incarné. » (Jean-Marc Barr à propos de Jacques Mayol)

    « Jacques m’a fait un cadeau exceptionnel en me permettant de camper son personnage. J’ai appris l’apnée mais le film m’a surtout aidé à choisir mon chemin, ma route, en tant qu’acteur. Aujourd’hui, après trente ans de métier, je pense que « Le Grand Bleu » est un film qui inspire toujours autant, qui continue à faire vibrer en nous ces émotions que nous avons ressenties à l’époque en le faisant, mais qui surtout célèbre un homme qui a encore un message très important à faire passer. » (Jean-Marc Barr à propos du « Grand Bleu »)

    « Soudain, cette chose si sensuelle qu’est la mer nous ouvre les portes d’une forme de spiritualité, quand on est dans ses profondeurs. Et là, ça n’est plus l’intellect qui nous guide, mais l’esprit… Ce qui restera quand on sera mort, en quelque sorte. Cette chose qui devient physique et poétique à la fois, quand on surplombe ce bleu immense, qu’on y plonge et qu’on entre dans cet univers qui nous emporte, c’est vraiment me mettre au contact de ma propre insignifiance… D’un coup, je peux imaginer ma mort. Ca n’est peut-être qu’un fantasme, mais l’expérience est tellement sensuelle et spirituelle. » (Jean-Marc Barr à propos de la mer)

     

    Et c’est un personnage insaisissable qu’on découvre dans « L’homme dauphin, sur les traces de Jacques Mayol ». Un homme libre, qui a vécu en Chine, au Japon, en Suède, aux Etats-Unis, qui a abandonné femme et enfants quand il découvre les dauphins, qui a connu un immense chagrin d’amour lorsque sa compagne Gerda a été assassinée en 1975 en Floride. Mayol a été chauffeur pour stars à Hollywood, il a joué de son charme, s’est initié passionnément au yoga, un personnage hors norme qui a souffert de la solitude, alors qu’il fuyait le monde dans les grandes profondeurs des océans.

     

    « Chaque être humain, mais plus particulièrement quelqu’un comme Jacques Mayol, a en lui sa part de génie et en même temps d’horreur. Jacques a décidé d’assouvir sa passion, jusqu’au bout, mais il a fait beaucoup de dégâts autour de lui. Il a sacrifié sa femme, son garçon et sa fille. Il a vécu par instinct, comme un jeune homme de 20 ans, jusqu’à 70 ans… You can beat everybody but not father time. On peut leurrer tout le monde, sauf le père-temps. »

    « Et il s’est retrouvé à un moment avec le corps qui ne suivait plus. Et surtout seul… La liberté a un prix. Se retrouvant ainsi, soit il assistait à sa lente décomposition, soit il se plongeait lui-même dans cet état qu’il avait recherché toute sa vie. Il s’est pendu, peut-être pour ressentir une dernière fois cette ivresse des profondeurs. On s’est parlé deux semaines avant sa mort, j’écoutais ce qu’il me disait, mais je n’avais pas de solution à lui apporter…. » (Jean-Marc Barr à propos de Jacques Mayol)

     

    « Imaginez à présent que vous êtes un dauphin… Libre de vivre au gré de vos besoins. Il y a un dauphin qui dort en chacun de nous. »

     

    « L’homme est à la recherche de ses origines. Et depuis une vingtaine d’années, il me semble avoir découvert que l’homme est finalement beaucoup plus aquatique qu’on ne le pensait. » (Jacques Mayol)

     

    [youtube id= »PdALhAaZe4g » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • L’Instant Gainsbourg avec Tony Frank

     

     

    Tony Frank n’est pas un simple photographe de stars. Il a toujours su saisir l’âme des célébrités pour mieux les raconter. En mai 2016, l’artiste s’exposait à la Galerie de l’Instant pour commémorer le 25ème anniversaire de la disparition de Serge Gainsbourg. Par les clichés intimes et léchés de Tony Frank, Gainsbourg n’aura jamais été aussi vivant. « Ça vous étonne, mais c’est comme ça »… Une rencontre suspendue dans le temps et bercée par les notes de Melody Nelson.

     

    Vous présentez jusqu’au 31 mai des clichés de Serge Gainsbourg à la Galerie de l’Instant. Quelle est l’histoire de cette exposition ?

    A l’occasion des 25 ans de la mort de Serge Gainsbourg, j’ai été contacté par de nombreuses galeries afin de lui rendre hommage. Je connais Julia Gragnon depuis très longtemps, elle avait déjà exposé au sein de sa galerie des photographies de Serge Gainsbourg. C’était donc une occasion de se retrouver.

     

     

    Vous l’avez évoqué : nous commémorons cette année les 25 ans de la disparition de Serge Gainsbourg. Comment expliquez-vous qu’il fascine toujours autant aujourd’hui ?

    Je dirais même qu’il fascine encore plus aujourd’hui que par le passé. Je me souviens que lorsque « Melody Nelson » est sorti, nous étions tous comme des fous à l’idée de découvrir cet album-concept. Le disque a cependant été boudé par le public, ce qui a vraiment affecté Gainsbourg. En tant qu’interprète, il a bien marché seulement à la fin de sa carrière. Je me souviens notamment de sa joie quand il est remonté sur scène après plus de dix ans, avec Bijou, le groupe de rock. Ensemble, ils se sont produits au Théâtre Mogador avec une reprise de la chanson « Les Papillons Noirs ». Et j’ai eu la chance d’assister à ce beau moment.

    Aujourd’hui « Melody Nelson » est reconnu comme un album majeur et a influencé de nombreux musiciens comme Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, les deux membres du groupe Air. Ils l’écoutent religieusement tous les ans ! Serge est également devenu mythique grâce à tous les titres qu’il a écrits pour les autres, et notamment pour les femmes. J’imagine qu’au fil des années, son talent a enfin été reconnu. Le public a compris à quel point il était rock’n’roll, dans le fond…

     

    Parmi les photos mythiques de cette exposition, celle de la pochette du concept-album « Melody Nelson ». Comment s’est déroulé la séance ?

    J’ai l’habitude de discuter avec les artistes avant de réaliser leurs pochettes d’albums. Mais en ce qui concerne « Melody Nelson », je n’en avais aucune idée, même si j’avais entendu quelques bribes lorsque Serge composait l’album à Londres. Il m’a demandé de venir en studio afin de prendre la photo de l’album. Jane Birkin, alors enceinte de trois mois, était seule quand je suis arrivé. Serge était en retard. J’ai donc commencé à tout installer et à faire les premiers réglages sans vraiment savoir ce que cela allait donner. Puis Serge est arrivé : il était parti chercher une perruque car le personnage de Melody, qu’il avait créé, avait les cheveux rouges. J’ai dirigé Jane de manière générale. Serge, lui, savait ce qu’il voulait. La photo est née de cette manière.

     

     

    Quel rapport Serge Gainsbourg avait-il avec la photographie et en particulier vos portraits de lui ?

    Serge adorait l’image. Il a même mis en scène des clips et des moyens métrages. Il a également publié un livre de photos, « Bambou et les Poupées ». Il avait une idée assez précise de ce qu’il voulait et m’a souvent demandé des conseils techniques.

    En ce qui concerne les portraits que j’ai faits de lui, il était en général assez content du résultat, je crois. Certains clichés figuraient d’ailleurs parmi ses préférés. Il me demandait d’immortaliser des moments de vie. Et nous choisissions les photos ensemble.

     

     

    De Frank Zappa à Sammy Davis Junior, en passant par Alain Bashung ou Léo Ferré, vous avez photographié beaucoup de célébrités. Pourquoi avoir choisi de les photographier eux, plutôt que des inconnus ?

    Je ne suis pas fasciné par les célébrités, je n’ai jamais été un fan. J’ai plutôt été ami avec les personnes que je photographiais, sinon je n’aurais pas pu travailler avec eux. Au début, j’ai fait des photos de jazzmen, car j’adorais le jazz. Puis j’ai commencé à photographier les artistes sur scène comme Louis Armstrong, Modern Jazz Quartet ou Gerry Mulligan. J’avais la passion de la photo et de la musique.

    Avec l’arrivée du rock’n’roll, j’ai commencé à sortir au Golf Drouot, fréquenté à l’époque par Johnny Hallyday ou Eddy Mitchell. C’est là que je les ai rencontrés et j’ai commencé à bosser avec eux, puis avec James Brown, les Who… J’ai également travaillé sur les tournages de films où j’ai pu photographier Alain Delon ou Jean-Paul Belmondo.

     

     

    En plus de cinquante ans de carrière, quelle célébrité auriez-vous aimé immortaliser ?

    Je regrette de ne pas avoir pu photographier Frank Sinatra et Elvis Presley.

     

    Vous êtes également l’auteur de la photo de Michel Polnareff qui a tant fait scandale à l’époque. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette affaire ?

    A l’époque, nous avions fait cette photo comme un gag potache. J’ai été convoqué à la brigade des moeurs et nous avons été condamnés à payer une amende. Je peux vous dire que je n’en menais pas large lorsque j’ai atterri Quai des Orfèvres… Ma photo a été saisie au même titre que de vulgaires magazines pornos, alors qu’elle n’avait rien à voir avec cela.

    Avec le recul, je pense qu’il en faudrait plus aujourd’hui pour choquer les gens. Quand je vois les magazines affichés sur les devantures des kiosques à journaux, je ne trouve d’ailleurs pas toujours cela de bon goût. Je me rends compte aussi que dès que l’on parle de Polnareff, on fait référence à cet épisode, ce qui, à l’époque, avait le don de l’agacer. Aujourd’hui, je crois qu’il est assez content que l’on en parle, finalement.

     

     

    Pour reprendre notre « baseline », en quoi êtes-vous un photographe « not like the others » ?

    Parce que j’ai eu les cheveux longs avant les autres, peut-être… Plus sérieusement, c’est une question difficile. De quels autres parle-t-on ? Je crois que j’ai toujours respecté les gens. J’ai toujours essayé de parler avec eux avant de faire une photo pour savoir dans quel contexte ils vivent, quelles sont leurs racines… j’ai à cœur de ne pas trahir leur esprit. Cette confiance est importante à mes yeux. C’est peut-être ce qui me différencie des autres.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size=« large »] Tony Frank Official

    [kleo_icon icon= »link » icon_size=« large »] Tony Frank à la Galerie de l’Instant

     

     

     

  • Manifesto de Julian Rosefeldt, au cinéma le 23 mai

     

     

    Manifesto rassemble aussi bien les manifestes futuriste, dadaïste et situationniste que les pensées d’artistes, d’architectes, de danseurs et de cinéastes tels que Sol LeWitt, Yvonne Rainer ou Jim Jarmusch. A travers treize personnages dont une enseignante d’école primaire, une présentatrice de journal télévisé, une ouvrière, un clochard, Cate Blanchett scande ces manifestes composites pour mettre à l’épreuve le sens de ces textes historiques dans notre monde contemporain.

     

    [MANIFESTE] n. masc. : déclaration écrite, publique et solennelle, dans laquelle un artiste ou un groupe d’artistes expose une décision, une position ou un programme. Voilà donc toute une littérature dont le cinéma ne s’était, jusqu’à présent, pas emparé. Réalisé par l’artiste et vidéaste allemand Julian Rosefeldt, enseignant à l’Académie des beaux-arts de Munich, « Manifesto » redonne vie à treize textes fondateurs de l’histoire de l’art et des idées, incarnés par Cate Blanchett.

    Devenant tour à tour une tradeuse, une punk ou une présentatrice TV, l’actrice donne un visage contemporain à ces textes de cinéastes, d’architectes mais également d’artistes dadaïstes, futuristes ou surréalistes, pour mieux nous faire entendre leur inépuisable modernité.

    A l’origine, « Manifesto » n’était pas un film. Ce film est une exposition. Une exposition où les treize portraits incarnés par Cate Blanchett étaient joués simultanément. Une à une, les vidéos représentent un manifeste, de penseurs, artistes, architectes, cinéastes.

    Si elle a déjà été transformée pour des rôles emblématiques (Hela dans « Thor Ragnarok », Galadriel dans « Le Seigneur des Anneaux »…), c’est la première fois que l’actrice dévoile autant de facettes en si peu de temps. Et c’est un véritable challenge. Dans chacun des manifestes, elle est la seule à s’exprimer à l’écran, malgré la présence d’autres acteurs. Déjà visible dans la bande-annonce, la talent de Cate Blanchett transparaît pour faire de ces manifestes complexes un terrain de jeu.

     

    [youtube id= »WPeczpZd34I » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Manifesto, Official Trailer

    [youtube id= »sOA6ramO1aw » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

  • Ulysse Terrasson, un auteur « Plein de Promesses »

     

     

    Ulysse Terrasson est un auteur « Plein de promesses ». Le format autant que l’écriture, les personnages et leur histoire contribuent à la réussite de ce premier roman dont le succès à venir est sans nul doute assuré. Car ce n’est pas un petit livre anecdotique.

     

    Dans ce roman, il y a plusieurs niveaux de lecture. Le plaisir, d’abord : le ton est à l’humour, omniprésent, aux phrases choisies, travaillées pour être percutantes. Les chapitres sont très courts, rythmés. L’émotion ensuite, produite en grande partie par une tendresse infinie qui émane de l’écriture. La verve transpire de chaleur et de bienveillance à l’égard des ces personnages parfois malmenés par les mots, mais pour lesquels on sent une immense affection. Et enfin l’histoire, dont on a tant envie de connaître l’issue.

    Qui remportera les suffrages d’Ulysse, ce jeune homme de presque vingt ans dans quelques jours, qui navigue entre Ingrid et Claire, Victor et Marius, son appartement et L’Esprit Vin, Paris et Montpellier, Nicolas Rey et Frédéric Beigbeder ? Car, au-delà du passage à l’âge adulte, l’auteur nous raconte un parcours amoureux. On est surpris de manière assez globale, qu’un jeune de dix-neuf ans parle en ces termes du couple, de la paternité, des enfants. Et il en est beaucoup question. Le père, ou plutôt le papa, prend une place assez importante dans le livre. Le papa qu’on a eu et celui qu’on va devenir. Les enfants, ceux des autres, celui qu’on a été, ceux de la fratrie, ceux que l’on regarde par la fenêtre, un des thèmes forts du livre avec la relation amoureuse et la maturité.

    Pour Instant City, Ulysse Terrasson a accepté de répondre à nos questions. De cet échange a émergé la partie cachée de l’iceberg, une comparaison qui lui est chère. Les personnages en première lecture égoïstes ou narcissiques eu égard à leur jeune âge, un peu immatures aussi, apparaissent en fin de roman transformés. On sent qu’une prise de conscience a eu lieu. Le passage de dix-neuf à vingt ans, comme la traversée d’une rive à l’autre, de l’état d’enfant à celui d’adulte, s’accompagne d’une compréhension du monde adulte. Il s’agit de faire des choix, de comprendre la relation à l’autre, de vouloir en toute conscience tirer parti des événements plutôt que de les subir.

    Explications par l’auteur lui-même, riche d’un univers déjà bien construit.

     

    Instant City : Bonjour Ulysse, comment est-ce qu’on se sent à trois jours de la sortie de son premier livre ?

    Ulysse Terrasson : On se sent comme un type qui est interviewé pour la première fois de sa vie. C’est très excitant. Depuis un mois, je m’amuse à faire un compte à rebours sur Facebook et Instagram. Chaque jour, hop, un petit post. Des choses évidentes comme la couverture du livre, deux-trois citations, les dédicaces prévues… Mais aussi d’autres choses plus intimes, plus personnelles. Quand j’ai tenu « Plein de Promesses » pour la première fois dans mes mains, par exemple. Et là, aujourd’hui, c’est cette interview que je veux partager. Ce moment. Ce jour historique qu’est J-3, pour moi.

     

    Instant City : Comment imaginez-vous les jours, les semaines qui vont suivre cette sortie ?

    Ulysse Terrasson : Je les imagine comme des jours qui se suivent mais ne se ressemblent pas. Il y a cette chose incroyable qui apparaît en même temps qu’un livre : les dédicaces. Et il y a cette chose encore plus incroyable : la complicité entre les dédicaces en question et mon cheminement personnel. À Montpellier, par exemple. Je bosse parfois en intérim à la Fnac de Montpellier. Et bim, où vais-je dédicacer vendredi 19 mai ? À la Fnac de Montpellier. De même, j’ai travaillé quatre années de suite à la Comédie du Livre. Je faisais partie de l’équipe des bénévoles qui s’occupent des écrivains, les amènent sur leurs stands pour dédicacer, à tel ou tel café pour qu’ils soient interviewés… Et bim, où vais-je dédicacer le week-end du 25 au 27 mai ? À la Comédie du Livre. Je trouve ça magique. Les semaines qui vont suivre et ne pas se ressembler seront pour moi une gigantesque enquête, à découvrir et comprendre l’arrière du spectacle…

     

    Instant City : Si vous deviez vous présenter à vos futurs lecteurs ?

    Ulysse Terrasson : D’abord, je leur dirais bonjour. Parce que la politesse, c’est essentiel. En tout cas, le grand philosophe Vald semble de cet avis… (Rires). Et puis, ensuite, je ne sais pas, je leur parlerais de l’éternelle difficulté pour la jeunesse d’exister par elle-même. De « La Confession d’un enfant du siècle » chez Musset, devenue 150 ans plus tard le « Monde sans Pitié » d’Eric Rochant. Peut-être aussi des « 37°2 le matin » de Philippe Djian et de Jean-Jacques Beinex. Parce que « Plein de promesses », c’est un peu tout ça à la fois. C’est essayer de sauvegarder sa jeunesse tout en jouant le jeu du réel autour de soi. Comment survivre à l’éloignement de nos plus proches ? Comment s’aimer quand la magie des rencontres est remplacée par les algorithmes de Tinder ? Et surtout : comment rester jeune quand la publicité nous interdit de vieillir, et en même temps comment vieillir quand le monde du travail nous interdit de rester jeune ?

     

    Instant City : Selon vous, qu’est-ce qui vous définit ?

    Ulysse Terrasson : Je dirais : l’intimité. Mon but ultime, c’est d’être l’écrivain de l’intime. Mais une intimité qui se mêle à une ambiance un peu rock. Mes lectures préférées sont toutes comme ça : elles allient l’émotion des grands moments au fun des plus petits. Et plus que mes lectures, on peut dire que mes histoires préférées sont toutes comme ça. Ce que j’aime, au fond, c’est le genre de la comédie dramatique. S’il y a autant de dialogues dans mes écrits, c’est parce qu’il y a énormément de séries TV parmi mes influences. Je pense à « Californication », mais aussi à « How I Met Your Mother », « Friends »…

     

    Instant City : Racontez-nous la genèse de votre roman.

    Ulysse Terrasson : Au début, c’était très intime. Je piochais dans mon vécu pour en faire des nouvelles. Mon but, c’était de traduire mes émotions le plus fidèlement possible, en les transposant sur la page le plus sincèrement possible. Et, idéalement, de dégoter une petite vérité universelle là-dedans. J’étais très attiré par le romantisme américain des Bukowski, John Fante, Kerouac, Henry Miller… Ce mélange entre la vie insérée dans l’écriture et l’écriture insérée dans la vie. Et un jour, j’ai sauté le pas. J’en ai envoyé une à Nicolas Rey. Et il l’a aimée. Je me souviendrai toujours de ce moment-là. Dans la nuit, le téléphone sonne. Et c’est Nicolas Rey. Je me demande si je ne suis pas en train de rêver. Après tout, c’est la nuit. Et il me dit que ce n’est pas une nouvelle, ce que je lui ai envoyé. Que c’est le début d’un roman. Qu’il me faut écrire le roman. Et voilà. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Vous vous seriez recouchée ? (Rires)

     

    Instant City : Comment avez-vous travaillé ?

    Ulysse Terrasson : En interrogeant beaucoup mes amis. C’est ensemble qu’on a convenu d’une « crise de la vingtaine ». Dans un monde qui va toujours plus vite, où les plus jeunes obtiennent plus tôt les choses des plus grands, ça nous est apparu comme une évidence : on vieillit de plus en plus jeune. D’abord, il y a eu la crise de la cinquantaine. Ensuite, celle de la quarantaine. Enfin, celle de la trentaine. Et maintenant, voili voilou : la crise de la vingtaine. Bon, ça ne veut peut-être pas dire grand-chose. Mais quand j’imagine un monde où tout est devenu à portée de main, de doigts, de clics, quand je pense à la génération de mes parents, poireautant pendant des heures dans l’espoir d’un appel, le téléphone fixe sur les genoux, rêvant à l’intonation d’une voix, aux choses qui seront dites, et quand je me rappelle avec quelle précipitation la mienne de génération a eu accès à tout ça, et encore plus, je me dis : ça a tué l’attente, la magie de l’attente. Même au cinéma, on peut réserver nos places à présent. Pour le prochain Star Wars, je n’aurai pas à patienter trois plombes dans une queue interminable : j’ai juste à être au Gaumont Multiplexe, place M17, à 13h20. Sauf que l’imagination vient justement de cette attente, de cette frustration, de cette incompréhension.

    Bref, c’est comme ça que j’ai écrit « Plein de Promesses » : en reprenant goût à cette attente, cette frustration, cette incompréhension. En débranchant Internet, d’abord. En éteignant mon portable, ensuite. Et en m’enfermant chez moi ou dans un café (l’Esprit Vin), enfin. Pour écrire vraiment. C’est-à-dire : en essayant de piger les choses par moi-même, plutôt qu’en les googlisant. Mais j’interrogeais aussi beaucoup mes potes sur leur rapport au couple, aux amis, aux parents, à l’avenir – à la vie, quoi. Parce que je voulais savoir ce qu’il y avait de commun à cette génération, au-delà de mon petit cas personnel. Je voulais embrasser la vie d’un jeune homme de presque vingt ans et en saisir les rêveries, les fantasmes, les émotions, sans les étouffer tout de suite par l’immédiateté des technologies. Ça a tout déclenché. Les chapitres sont très courts, mais c’est une rapidité qui va de paire avec l’époque. C’est une suite d’épisodes avec les mêmes personnages, mais c’est comme ça qu’est faite la vie. C’est encore parfois très naïf, mais c’est une naïveté qui va de paire avec l’âge décrit. Enfin, j’aime à le croire… Ça me rassure de penser que c’est fait exprès… (Rires)

     

    « Le meilleur café de Montpellier – et donc du monde – se situe au 3 place Chabaneau. Cette place est si merveilleuse que Francis Ponge en personne a décidé d’y naître, le 27 mars 1899. Ça n’est nullement une coïncidence. L’Esprit Vin est à côté. » (p. 14)

     

    Instant City : Vous êtes chez vous maintenant à l’Esprit Vin (auquel un chapitre est consacré) ?

    Ulysse Terrasson : C’est mon Q.G. ! D’ailleurs, à ce sujet, une petite anecdote que je trouve rigolote. J’étais censé recevoir quelques exemplaires du livre avant sa sortie. Plusieurs fois par jour, j’allais voir du côté de ma boîte aux lettres si le colis était arrivé. Avec mon père, on s’appelait souvent : « Tu l’as reçu, toi ? Dis, est-ce que tu l’as reçu ? », « Non, pas encore. », « T’es sûr ? Tu ne me mens pas afin de le garder pour toi ? », « Non, je t’assure. », « Ouais, c’est ça, je veux une preuve ! » (Rires). Bref, j’avais hâte de tenir l’objet dans ma main. Et puis, un jour, je reçois un appel. Mon père. « Va faire un tour à l’Esprit Vin, une surprise t’y attend ». Curieux, je suis son jeu de piste. Et sitôt arrivé, le serveur me sort un petit colis et, vlan ! Je me retrouve à tenir le livre dans mes mains, l’objet, la matérialisation d’un rêve, pour la première fois de ma vie. C’était le bonheur ! J’aime cette idée d’avoir un petit endroit pour soi, pour venir écrire, pour rejoindre ses potes, comme le prolongement de son propre appartement – et de soi, un peu, par la même occasion. Philippe Jaenada a son Bistrot Lafayette ; Frédéric Beigbeder a son Café de Flore ; j’ai mon Esprit Vin. J’aime cette idée d’un écrivain dont la vie intime est accessible à tout le monde. Et je continue d’y aller. Plusieurs fois par semaine, même…

     

    Instant City : Comment s’est fait le choix de l’éditeur « Bamboo Edition » ?

    Ulysse Terrasson : Ça s’est fait en deux temps, en fait. Comme Bamboo publiait seulement des BD, je n’avais pas pensé à leur envoyer un manuscrit. C’est mon père qui, auteur chez eux, curieux de savoir ce qu’ils en penseraient, leur en a envoyé un Long story short, ce qu’ils ont lu leur a plu et ils ont voulu l’adapter en BD. Je n’étais pas contre, mais je faisais la fine bouche parce que je voulais le publier en roman – d’abord. Si je me permettais de faire le compliqué comme ça, c’était parce que, au même moment, Flammarion s’intéressait à moi. Pendant une année, Robert Macia des éditions Flammarion et moi avons rebossé le manuscrit comme des malades mentaux. Voilà pour le premier temps. Sauf que, au bout de la dix-neuvième version, ça ne lui plaisait toujours pas et on a laissé tomber. Et puis, pouf : le deuxième temps. Par je ne sais quel miracle, Bamboo a fait : « Bon, rien à foutre, on ouvre une section littérature ! Ulysse, tu te joins à nous ? » J’étais tellement honoré, je me suis empressé d’accepter.

     

    Instant City : Qu’est-ce que vous appelez « rebosser sur un manuscrit » ?

    Ulysse Terrasson : Ce petit enfer qu’est la grande minutie. Hemingway racontait que le premier jet de n’importe quoi était de la merde. Je ne sais pas pour lui, mais pour moi, c’est sûr à 100 %. D’ailleurs, c’est ce que m’a raconté Robert Macia lorsque mon manuscrit a atterri sur son bureau : « Le potentiel n’est pas suffisamment exploité. Allez, au boulot ! ». J’ai eu de la chance. Il a réussi, par je ne sais quel miracle, à dégoter un peu de potentiel derrière le fouillis de mon texte. Il me l’a ensuite renvoyé, raturé au possible – de notes pertinentes, avec du rouge partout, j’avais l’impression de retourner à l’école. Il m’a donné de nombreuses pistes de travail et de réécriture : passages à modifier, passages à rajouter, passages à laisser tomber. Au tout début, il y a eu une intuition : le premier jet était la tentative d’exprimer cette intuition dans une forme romanesque. J’ai énormément écrit. Le plus souvent, tôt le matin ou tard la nuit ; j’étais en classe prépa, je venais de me faire larguer, je manquais de temps. Par je ne sais quel miracle, j’ai réussi à écrire 800 pages en une année. Ces 800 pages furent cette tentative. Ensuite, il a fallu tout retoucher et retourner à l’intuition initiale, revenir à l’émotion première. Robert Macia m’y a sacrément aidé. En fait, quand j’y pense, ce livre n’est pas si éloigné de la première version. C’est la première version qui s’éloignait du livre, plutôt…

     

    Instant City : Dans quelle mesure votre roman est-il autobiographique ?

    Ulysse Terrasson : Aïe, la question qui fâche ! (Rires). Je me rappelle Nicolas Rey me donnant un superbe conseil, une fois : « Quand tu écris et que tu penses : « Oups, non, ça c’est trop perso, pas moyen de révéler ça, c’est mon secret », eh bien, c’est très simple : tu vires tout ce qu’il y avait avant et tu commences là. Parce que c’est là que ça devient intéressant. ». Et je crois qu’il a raison. Je pense comme lui que, si ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, ce qui nous tue un peu nous rend plus vrai. C’est pourquoi le livre est autant autobiographique. Parce que c’est dans les secrets, dans ce qu’on cache habituellement, que le lecteur se retrouve vraiment – enfin, je crois. Céline disait qu’il fallait « mettre sa peau sur la table ». Et c’est aussi un peu ça, « mettre sa peau sur la table », pour que le lecteur ensuite se glisse dedans…

     

    Instant City : Que ressent-on au moment de donner à lire le contenu à son entourage ?

    Ulysse Terrasson : On fait les cent pas dans son appartement, en se posant mille questions. Oui, quelque chose dans le genre : un pas, dix questions. Mais ce n’est pas aussi angoissant qu’on peut le croire. Au contraire. Bon, je suis peut-être maso sur les bords, mais je crois que j’aime carrément ça. J’aime que mon entourage me connaisse vraiment, comme j’aime à le connaître tout à fait. J’ai une bande d’amis qui sont pour moi une véritable famille, avec qui on déconne pas mal, mais avec qui on se dévoile beaucoup aussi. Et je refuse de leur cacher quoi que ce soit, parce que c’est très désagréable d’être aimé pour ce que l’on n’est pas. C’est tricher. Et les décevoir parfois fait partie du jeu. Même si, bien sûr, les décevoir parfois n’arrive jamais…! (Rires)

     

    Instant City : Quelle a été leur réaction ? Dans le livre, vous décrivez celle de Claire qui le prend plutôt mal…

    Ulysse Terrasson : Oh oui, Claire… Je m’en veux toujours, pour Claire… Au fond, il y a eu quelque chose comme trois sortes de réactions. La réaction style Claire : « Adios, tu n’es plus mon amigos ! ». La réaction qui n’en est pas vraiment une : « Je n’arrive pas à croire que tu aies écrit un roman entier, c’est dingue ! ». Et la réaction plus positive : « J’ai l’impression de te connaître davantage, et pour ça j’ai l’impression de t’aimer davantage. ». Aussi étrange que ça puisse paraître, je préfère cette dernière sorte de réaction. Avec mon amoureuse, par exemple, c’est ce qui s’est passé : on se draguait un peu, et puis je lui ai mis mon manuscrit dans les mains. Et elle a eu l’impression de me connaître davantage. Et juste pour ça, je suis l’écrivain le plus heureux du monde !

     

    Instant City : Quels retours avez-vous de votre livre ?

    Ulysse Terrasson : Il y a votre retour, qui me fait extrêmement plaisir… En fait, il n’y en a pas encore vraiment. Pas assez, du moins. J’attends la sortie du livre ! Même les critiques, celles qui m’enfonceront six pieds sous terre, je les attends de pied ferme. Bien sûr, je veux écrire des livres que j’aimerais lire. Mais je veux aussi écrire des livres que les autres aimeraient lire. Et pour ça, je veux absolument progresser. M’améliorer. Bon, je ne rechignerai pas non plus sur les compliments, hein… Je ne sais pas pourquoi, je les trouve globalement supportables… (Rires)

     

    Instant City : Quelles valeurs vous sont les plus chères ?

    Ulysse Terrasson : Je dirais l’amour et la communication. Toutes les histoires commencent avec un manque de communication. Ça marche aussi bien avec les livres, les films, qu’avec la réalité. Quelqu’un cache quelque chose à un autre quelqu’un, et c’est parti pour les quiproquos, les malentendus, les disputes. Au fond, je crois que tous les problèmes du monde sont liés à l’ego : parce qu’on veut avoir un coup d’avance sur l’autre, parce qu’on cherche le contrôle plus qu’on ne s’abandonne, la communication vient à manquer. Et ainsi l’intimité. Et ainsi l’amour. Mais pourquoi a-t-on si peu confiance en soi qu’on craint pour notre sécurité intime ? C’est sûrement très naïf, voire carrément utopique, mais si, là maintenant, tout le monde osait se dire ce qu’il avait sur le cœur, franchement, que se passerait-il ? Les gens se comprendraient, non ? Et peut-on haïr quelqu’un qu’on comprend, quand ses lâchetés sont des failles déguisées en frimes ? Qu’est-ce qu’on a à perdre, en gagnant à redevenir humain ? Ah, euh, oups ! Pardon d’être devenu sérieux, tout à coup ! (Rires)

     

    Instant City : Parlez-nous du choix du format : des chapitres très courts.

    Ulysse Terrasson : Ça va de paire avec les séries TV que je regarde, et un conseil que m’a donné Nicolas Rey. Les séries TV, d’abord. J’ai remarqué un truc : quand je me mate un film, je le regarde jusqu’à la fin et puis voilà. Quand je me mate une série, je suis poussé par le désir de binge-watcher. Et le soir, je me retrouve à passer plus de temps devant l’écran. Alors, je me suis demandé pourquoi, sachant que les épisodes de séries sont plus courts. Et j’ai réalisé ceci : justement, ils sont plus courts. Suffisamment longs pour faire avancer la narration, et suffisamment courts pour fabriquer une petite frustration. C’est comme avec les cigarettes : à peine le temps d’en savourer une qu’elle est déjà finie. Alors, pourquoi ne pas s’en griller une autre ? Le chapitre court, c’était le moyen de créer l’équivalent de la série TV en littérature : en recréant cette petite frustration qui pousse au chapitre suivant. Le rêve de tous les écrivains, c’est que le lecteur ouvre son bouquin à 22 ou 23 h, pensant : « Je vais lire dix-quinze pages et dormir », et puis qu’il le referme à 3 h du matin en maudissant l’auteur. Ensuite, le conseil de Nicolas Rey. Il m’a dit : « L’essentiel d’un chapitre, c’est son accroche et sa chute. Ce qu’il y a à l’intérieur, au fond, le lecteur s’en fout. Ça l’emmerde. Et retiens ceci, Ulysse : il est absolument interdit d’emmerder le lecteur. » La parole de Nicolas Rey est une parole biblique, pour moi. Alors, j’ai fait tous mes efforts pour retenir ce conseil…

     

    Instant City : L’inclusion de six chapitres « mon enfant » : leur rôle, leur rédacteur ?

    Ulysse Terrasson : Là aussi, ça vient de deux choses. Il y a eu la chanson de Benjamin Biolay : « Ton héritage ». Et ensuite, il y a eu un mot écrit par mon père pour mes vingt ans. Ma sœur m’avait fait un truc formidable, pour mes vingt ans. Elle avait rempli un livre vierge d’un tas de photos de nous, de moi, de tout, quoi. Elle avait demandé à tous mes proches d’écrire un quelque chose à mon sujet, et elle avait tout glissé à l’intérieur. Parmi ces proches, forcément, il y a eu mon père. Et il m’avait écrit un quelque chose sur le temps qui passe, mon premier appartement, et pourquoi je ne retournais pas vivre chez mes parents. Ce petit mot m’a tellement ému que j’ai voulu l’insérer dans le livre. C’est le premier chapitre « mon enfant ». Et j’aimais tant le principe que j’en ai écrit cinq autres dans la même veine. Les chapitres « mon enfant » étaient pour moi l’occasion de faire le point sur ma vie, mon passé, mais également le moyen de parler à l’enfant qu’hypothétiquement j’aurai un jour. Que j’ai cru être sur le point d’avoir – mais je n’en dirai pas plus, pour ne pas spoiler. Au fond, je crois que « Plein de Promesses » ne raconte pas tant le passage à la vingtaine que le passage en général. L’idée du passage. Passage du temps, passage à la vie adulte, passage d’une génération à une autre… La transmission, si on veut. Et qu’est-ce que l’écriture, sinon une forme de transmission ?

     

    Instant City : Nicolas Rey et Frédéric Beigbeder sont vos mentors dans le livre : qu’est-ce qui vous plait chez eux ?

    Ulysse Terrasson : Dans son bouquin « Ardoise », Philippe Djian note un truc intéressant : que tous les livres qu’on lit, on les lit pour retrouver l’émotion du tout premier. Celui qui nous a ouvert les portes de la lecture. Il va encore plus loin : cette émotion originelle, c’est celle que tous les écrivains, ensuite, tentent de reproduire dans leurs écrits. Et pour moi, le tout premier livre, celui qui m’a donné le déclic, c’est « L’amour est déclaré » de Nicolas Rey. J’avais déjà pris quelques claques, avant ça. Je me rappelle « Sur la Route » de Kerouac, « Le Petit Prince » de Saint-Exupéry, « L’amour dure trois ans » de Beigbeder. Mais avec ce livre, Nicolas Rey ne s’est pas contenté d’une claque. Il m’a giflé si fort que ma vie entière s’en est retrouvée chamboulée. Je me souviens avoir ouvert le livre, m’être dit : « Bah, je vais lire dix-quinze pages et refermer le truc », puis m’être pris la première phrase dans la tronche, puis m’être pris toutes les autres aussi. J’avais l’impression d’une rencontre, pas tant avec un livre, qu’avec une âme. Une vraie personne. Un frère. J’aime cet homme. J’aime sa sincérité et ses déguisements empruntés, sa mélancolie, ses joies, son romantisme excessif comme ses confidences pudiques.

    Je me souviens, après deux-trois pages, avoir pensé : « Eh mais ça claque ! Moi aussi, je veux faire ça ! » C’est pourquoi il a autant d’importance pour moi. Parce qu’il en a eu une immense sur ma vie. Parce que c’est lui qui m’a donné envie d’écrire. Au début, bien sûr, j’ai eu envie de « faire comme ».  J’ai passé des heures à recopier sur mon ordi mes livres préférés, intégralement, afin d’en comprendre la structure, pourquoi tel chapitre est placé à tel endroit, comprendre comment tout cela est construit, et puis le style, les mots, les phrases, les paragraphes, apprendre, apprendre, apprendre. Chez Beigbeder, c’est son don pour l’aphorisme qui m’épate. « L’amour dure trois ans », « 99 francs », ce sont deux suites ininterrompues d’aphorismes déguisées en romans. Tout un tas de petites phrases que j’ai envie d’apprendre par cœur. Comme si elles avaient été écrites pour se retrouver sur Evene ou Babelio. J’adore. Et puis, il y a ses titres. « L’amour dure trois ans », par exemple. Ça fait partie du top trois de mes titres préférés. Définitivement. Avec « J’aimerais que quelqu’un m’attende quelque part » et « Quelques uns des cent regrets ». J’adore !

     

    Instant City : Parmi vos influences, vous citez « Californication », la série de Tom Kapinos jouée par David Duchovny.

    Ulysse Terrasson : Ça mêle intime et rock : ça aussi, j’adore. C’est du Bukowski mis à l’épreuve du format série. Par contre, Tom Kapinos n’est pas le seul derrière les manettes. Jusqu’à la saison 5 – il me semble –, il travaillait sur le scénario avec Gina Fattore. Et son aide à elle était essentielle : à la seconde où elle est partie, la série a tout perdu de ses envoûtements. Tom Kapinos, solo, s’est mis à se répéter, à devenir un cliché de lui-même, à faire et refaire du sous-Bukowski invraisemblable. Mais avant, ah la la, avant ! C’était un riff de Jimmy Page enrôlé autour d’un poème de Raymond Carver. C’était profondément léger, et romantique, et drôle, et triste, et humain. C’était, et c’est toujours, une gigantesque source d’inspiration pour moi.

     

     

     

     

    Instant City : Traitons de ces thèmes qui se dégagent de votre roman. Tout d’abord, la paternité. On sent bien la transformation entre l’avant et l’après vingt ans. Au départ, un jeune plutôt ado, enferré dans le reproche vis-à-vis de son père, puis cet adulte qui prend conscience qu’il y a un homme derrière ce père.

    Ulysse Terrasson : Ce qui m’intéressait dans le traitement d’une « crise de la vingtaine », c’était toutes les petites transformations qui changent un enfant en homme. Qui dans son entourage est le mieux placé pour lui filer un conseil, sinon son papa ? Sauf qu’Ulysse ne le voit pas de cet œil-là. Sur le moment, il préfère se chercher un nouveau père, en quelque sorte un mentor, dans ces figures d’écrivains qu’il adule. Sauf que, tous ces écrivains s’avèrent de la même trempe que son père : une génération d’hommes qui sortent, voient leurs amis, font la fête, souvent travaillent, ne sont donc pas forcément disponibles ou partent du principe qu’il vaut mieux laisser la jeunesse grandir par elle-même – en les laissant faire leurs propres choix, leurs propres erreurs. Toute sa vie, le héros a vu son papa comme ce type inaccessible alors que, en réalité, c’était seulement lui qui le rendait inaccessible. Il l’a tellement idéalisé qu’il en veut à présent à ce père d’être une version idéalisée de lui-même. Parler du père, c’est parler d’une version idéalisée de soi. Or, il faut accepter que le père soit juste un être humain. Derrière la fonction, il y a un homme qui a vécu et qui a plein de choses à nous apporter. Il faut sortir de l’idéalisation.

     

    Instant City : Vous avez écrit cette phrase magnifique : « Freud avait tort. Il ne s’agit pas de tuer le père, mais de lui donner naissance. » (p. 83)

    Ulysse Terrasson : Oh, merci ! Oui, c’est une de ces petites phrases que j’apprécie beaucoup dans le roman. Ça arrive justement au moment où le héros réalise qu’il a fait le con. Et puis, que la relation père-fils se déroule en deux temps : d’abord, le père permet la naissance du fils ; ensuite, le fils permet celle du père. Il découvre l’homme caché derrière la représentation qu’il s’est faite du père : un homme, juste un homme, qui fait de son mieux au quotidien, un homme comme lui-même en est un.

     

    Instant City : Le second thème, c’est la relation amoureuse des jeunes vingtenaires. On ressent à nouveau cette dualité objet du  livre : rester enfant ou devenir adulte,  la liberté sexuelle ou la quête d’un bonheur durable en couple, la parentalité ou l’avortement. Le ton utilisé pour parler des femmes oscille entre sexe et romantisme. On retrouve là beaucoup l’univers de Beigbeder et de « L’amour dure trois ans ». La femme à la fois considérée comme un partenaire sexuel et comme une Vénus transformée en Graal. Le héros oscille entre le bad boy et l’hyper romantique.

    Ulysse Terrasson : C’est vrai, il y a un peu de ça. Cette attitude a peut-être à voir avec le travail solitaire de l’écrivain qui plonge dans son intériorité. Quand on a passé le cul vissé sur une chaise pendant de longues semaines, à s’efforcer de traduire en mots ce qui nous anime à l’intérieur, eh bien, ça nous éteint un peu à l’extérieur. Alors, quand enfin on redécouvre le dehors, c’est avec l’envie d’en récolter tous les fruits ! Et puis, il y a aussi peut-être une lutte entre deux conditionnements : celui de la jeunesse, plus insouciant, avec sexe, drogue, déconne, et celui plus petit-bourgeois, avec cet autre à trouver, à chérir jusqu’à la nuit des temps, à aimer jusqu’à l’épreuve de la grande mort. Derrière ça, c’est la lutte entre le jeune et l’adulte qui est racontée. La lutte entre le boulot à trouver, le fric à gagner, les meubles Ikea à acheter, et cette sensation que, au fond, quatre murs et un toit, un frigo pour ranger la bière, et un lit aussi peut-être, ça suffit. C’est l’éternelle lutte entre la réalité et le rock ‘n’ roll. Entre la lumière et le côté obscur de la Force. Le Bien et le Mal…

     

    Instant City : « La fidélité, j’ai essayé » dit Victor. La relation plurielle semble acceptée : un phénomène visible chez les 20 ans ?

    Ulysse Terrasson : Ce sont des personnages à la recherche d’un plaisir faux, par défaut, par faiblesse un peu, par refus des responsabilités permettant le vrai bonheur. Des personnages qui essayent de s’en sortir à plusieurs, pour moins souffrir tout seul. Et puis, à plusieurs, il y a moins d’intimité : c’est plus un jeu qu’un dévouement sérieux. Si je parle autant de « crise de la vingtaine », c’est parce qu’il y a justement une crise dans ce choix à faire, entre jouer ou être. Mais je m’égare… Ce que je veux dire, c’est que ce sont des personnages blessés, aux cœurs brisés, qui tentent d’en recoller les morceaux à travers l’autre. En remplaçant la personne absente par une autre présente. Comme si ça leur suffisait pour récupérer ce quelque chose qui leur manque. Comme si c’était une solution. Enfin, du moins, ils agissent comme ça jusqu’à comprendre que, finalement, la solution est en eux. Et ce qui leur manque, ce n’est pas tant une personne que le courage d’affronter le passage du temps.

     

    Instant City : Les femmes de vingt ans prennent le contrôle et semblent plus libérées encore que leurs homologues masculins; Ingrid va jusqu’à proposer la vie à trois…

    Ulysse Terrasson : Elles sont libres. Elles sont belles. Elles veulent s’amuser, être heureuses. Pourquoi devraient-elles attendre jusqu’au mariage si elles en ont envie ? Pourquoi devraient-elles se soucier de ce que pensent la voisine, la famille, tous les qu’en-dira-t-on ? Heureusement, nous ne sommes plus dans un monde où les hommes sont les maîtres de maison. En tout cas, presque plus. En tout cas, je l’espère. Le rapport homme/femme me paraît complètement faussé. C’est seulement un rapport de personne à personne. On doit s’ôter de la tête toutes ces conneries que sont les préjugés. Pourquoi la sensibilité serait-elle l’apanage des femmes et l’adultère celui des hommes ?

    Quant à Ingrid, son comportement a plus à voir avec sa fragilité qu’avec sa sexualité – je pense. Ingrid, c’est le personnage que je trouvais le plus intéressant, quoique peut-être le plus discret. Elle est à la fois mystérieuse, fascinante, manipulatrice, et blessée, vivante, libre. Elle est bien plus libre que le narrateur, par exemple. Et cette proposition de vie à trois, ça traduit son état d’esprit : elle est tiraillée entre Ulysse et Guillaume, entre deux histoires d’amour. Elle sait que choisir engendrera une insatisfaction, alors, pourquoi choisir ? Ce n’est pas vraiment une revendication de liberté sexuelle. C’est davantage lié à sa psychologie personnelle. Les personnages sont excessifs, mais c’est peut-être parce qu’ils craignent le vide qui les attend : ce qu’ils considèrent comme la vie adulte. En fait, au fond, ils sont juste des personnages en manque d’amour. Ils demandent à être aimés, sans savoir eux-mêmes le faire. Mais dans leurs choix, on se rend compte qu’ils ne réfléchissent pas aux conséquences de leurs actes.

     

    Instant City : Le risque de grossesse fortuit est-il un vrai sujet pour les jeunes de vingt ans, l’avortement, l’alcoolisme ?

    Ulysse Terrasson : C’est vrai, c’est une question qui se pose. Dans mon entourage, ça s’est répété plusieurs fois. On picole, on couche ensemble, on avorte : ce sont des choses qui arrivent. Je me suis souvent demandé pourquoi il y a autant d’alcool dans les soirées. J’imagine que ça a toujours été le cas. Mais peut-être que la mort du Coca-Cola a joué un rôle là-dedans. Une amie de cinquante ans m’a raconté qu’avant, dans un bar, elle avait le choix entre boire un Coca ou un verre d’alcool. Qu’on pouvait boire du Coca et être cool. Aujourd’hui, dans les bars, il suffit qu’un jeune commande un Coca pour qu’on le harcèle de questions : « T’es sûr ? Tout va bien ? T’as une pancréatite aiguë, c’est ça ? Ton foie t’a lâché ? Tu as décidé de changer de camp ? Tu nous lâches pour devenir un sportif végétarien ? Vas-y, explique-nous pourquoi tu t’en vas méditer dans un monastère tibétain pendant trois ans ! Mec, je ne te reconnais plus ! ». Et c’est triste. Même si, bon, j’exagère peut-être un peu… (Rires)

     

    Instant City : La maturité : Le ton oscille entre jeunesse et maturité.

    Ulysse Terrasson : C’est ce qui m’amusait dans le livre, justement. Tout cela découle du concept initial : la crise de la vingtaine. Ce passage entre l’avant et l’après vingt ans. Les personnages, et le héros tout particulièrement, jonglent entre ces deux états d’esprit : la jeunesse insouciante, la vieillesse plus sérieuse. Et comme le passage n’est pas évident, Ulysse est sujet à quelques égarements. Avec son père et sa petite sœur, par exemple. S’il est dans le jugement, s’il regarde tout ce beau monde de haut, c’est parce qu’il ne se sent proche d’aucun d’eux. Il n’est pas encore un adulte comme son père, il n’est plus vraiment un jeune comme sa sœur. Il est perdu, complètement perdu. « Plein de Promesses », j’ai essayé d’en faire l’histoire d’un peu tout le monde. De ces gens qui, comme moi, ont enclenché le pilotage automatique une fois entré dans le système scolaire. Ces gens qui sont passés, sans réfléchir, de l’école primaire au collège, du collège au lycée, du lycée à la fac. Ces gens qui, d’un coup, au moment où il faut trouver un boulot, regardent avec nostalgie le passé, les anniversaires surprises, les premiers amours, le temps où c’était plus simple. Quand ils mouraient d’impatience d’avoir 18 ans pour quitter leurs parents, pour enfin être libres, et qui découvrent, quand ça arrive, quand enfin ils ont atteint le stade de liberté qu’ils croyaient absolu, que ce n’étaient rien d’autres que des fantasmes, des attentes cristallisées sur un chiffre, que les choses ne seront pas aussi simples que prévues…

     

    « Mon avenir est chaque jour un peu plus tracé. » (p. 102)

     

    Instant City : L’appartement et la fin des études : deux symboles forts du passage à l’âge adulte.

    Ulysse Terrasson : Carrément. Avant, il y a les journées de cours et le dodo chez les parents. C’est inscrit en soi, parce que ça a toujours été comme ça. Et puis après, boum ! Plus de journées de cours, plus de dodo chez les parents ! Plus rien. Et dans le livre, Ulysse souffre de ce plus rien. Il pensait que sa vie démarrerait à ce moment-là. Et il découvre qu’en réalité, elle s’arrête. Ses amis partent dans d’autres villes, pour leurs études. Son amoureuse veut qu’ils emménagent ensemble. Il n’a jamais vraiment décidé de ce qu’il fera quand il sera grand : et voilà qu’il l’est, grand. C’est vraiment un passage, un pont, entre deux mondes que sont la jeunesse et l’âge adulte. Et si Ulysse refuse de traverser ce pont, il voit aussi tout le monde s’occuper à le franchir. Et même lui dire : « Hé, mec ! Tu viens ? ». Et il comprend que rester jeune, ce sera peut-être rester seul. Et il n’en a pas tellement envie, finalement…

    Ulysse est quelqu’un d’un peu passif. Il attend que le monde lui apporte le bonheur plus qu’il ne part lui-même à sa recherche. Il est enchaîné à tellement de choses, quand on y pense : son pote, ses parents, sa chérie. Il a besoin d’apprendre à transcender tout ça. Il a besoin d’apprendre à devenir lui-même. Et c’est ce que raconte le roman : comment il y est parvenu. Comment il a perdu beaucoup de choses : des amis, des amours, des emmerdes. Mais aussi comment il en gagné d’autres : un père, un livre, une meilleure compréhension de lui-même. Bref, comment il est devenu adulte. C’est-à-dire : comment il a traversé le pont, vers une nouvelle vie pleine de promesses…

     

    Instant City : Vous avez répondu à beaucoup de questions. Quelle question n’aimez-vous pas que l’on vous pose ?

    Ulysse Terrasson : Je suis comme tout le monde. Quand j’entends : « T’as l’air fatigué, aujourd’hui. Tout va bien ? », ça n’est pas vraiment du miel pour mes oreilles… Mais sinon, je ne sais pas. Je n’ai absolument aucune idée. Euh, celle-ci peut-être ? (Rires)

     

    Instant City : Quelle question ne vous pose-t-on jamais alors que vous auriez aimé y répondre ?

    Ulysse Terrasson : J’aimerais bien qu’un jour quelqu’un vienne me voir pour me demander : « Tu veux boire une bière avec Dieu ? » Alors je répondrais : « Ouais, grave. » Et on me dirait : « C’est bon. Il t’attend dans son bureau. ». Je serais curieux d’avoir une conversation avec le Grand Bonhomme. Enfin, s’il existe. Enfin, même s’il n’existe pas, je serais curieux… Ah, vous vouliez dire : au sujet de mon livre ? Oh, mince… (Rires)

     

    [arve url= »https://www.facebook.com/editions.grandangle/videos/10156540173984345/?hc_ref=ARQBl8B0e8PacihpUI9yyhWN4xTR5pI_OB14zf8CjKKpXF7TN3t5ge0xqu8D0z4DBfc » align= »center » description= »Ulysse Terrasson » maxwidth= »900″ /]

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size=« large »] Ulysse Terrasson Facebook

    [kleo_icon icon= »link » icon_size=« large »] Ulysse Terrasson Instagram

     

     

     

  • Jeremy Ellis, le rythme dans la peau

     

     

    Jeremy Ellis est un monstre… Il est aujourd’hui considéré comme un des maîtres incontestés du « finger drumming », technique de production musicale visant à jouer séparément chaque élément, rythmique ou mélodique, au pad, sur une machine de type sampleur-séquenceur.

     

    Jeremy Ellis grandit à Detroit, dans une famille d’instrumentistes qui l’initie dès son plus jeune âge au piano. Il découvre le tambour et les percussions en fréquentant la fanfare et tombe amoureux des boîtes à rythmes à l’adolescence…

    Reconnu pour sa technique hors du commun et son impressionnante dextérité, Jeremy Ellis partage la scène avec The Roots en 2015 au cours d’une tournée et devient l’égérie commerciale de Native Instruments pour la promotion de « Maschine », concurrent de la MPC d’Akai. À son contact, n’importe quelle machine à boutons ou à pads se transforme en un orchestre de latin-funk-voodoo digital qui suscite un émerveillement proche de la transe…

    Le voir jouer, c’est avoir l’impression que des doigts lui poussent… Incroyable !

     

    Retrouvons Jeremy Ellis & The Roots lors d’un concert à Philadelphie le 04 juillet 2015.

    [youtube id= »K5qln3j2otY » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Et pour le plaisir au Café Dodo en 2013, durant le Beat Fighter Tour.

    [youtube id= »g3eXQg8uREE » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • « Red Sparrow » de Francis Lawrence, entre manipulation et séduction

     

     

    « Red Sparrow » de Francis Lawrence avec Jennifer Lawrence, Jeremy Irons et Charlotte Rampling, est probablement le meilleur film d’espionnage de ces dernières années, après les mythiques « Spy Game », « Zero Dark Thirty », « Jason Bourne » ou encore « Les Trois Jours du Condor ».

     

    On n’avait pas eu un tel plaisir à regarder un film d’espionnage aussi bien ficelé depuis « La Taupe » en 2011. Ca fait long à attendre… On peut donc dire que « Red Sparrow » est vraiment réussi, tant le film parvient à garder le spectateur sur le qui-vive « presque » jusqu’au bout, incapable de dire clairement quel camp la protagoniste va choisir, comment elle va se sortir de tout ça et par quel stratagème (même s’il m’a été possible de le deviner dans les dix dernières minutes), ce qui laisse tout de même 2h10 de pur bonheur.

    Le casting est réussi, de la belle Jennifer Lawrence à un Jeremy Irons impérieux, avec une mention toute particulière à Charlotte Rampling, parfaite dans ce rôle de formatrice soviétique froide. La réalisation crue, descriptive, chirurgicale, qui ne cache rien, prend son temps et ne recule pas devant la cruauté, est excellente. Au moins ici, et sans doute pour une rare fois, les bagarres laissent des traces. Contrairement à « Spy Game », on n’est pas dans l’aventure, l’exotique ou le voyage. On est, même si les pays changent, davantage dans l’enfermement étouffant et la source d’angoisse d’un Empire Soviétique oppressant, véritable machine à broyer. Les décors sont soignés et ajustés à l’atmosphère.

    L’une des raisons de ce succès est sans doute liée au livre dont est tiré le scénario, premier volet d’une trilogie « Palace of Treason » et dont l’auteur, Jason Matthews, est un ancien agent de la CIA pour laquelle il a travaillé durant 33 ans. Pas de gadget à la James Bond, ni d’effets spectaculaires à la « Mission Impossible ». On est sur le terrain, avec une jeune fille presque ordinaire (une ballerine quand même, avec tout ce que cela implique d’efforts, de travail, de courage, de force et de sacrifice) soumise à un destin extraordinaire : l’espionnage. Chaque situation est à ce point réaliste qu’il est facile de s’y projeter. Le héros masculin est accessible, il a du ventre, un physique ordinaire, presque banal. C’est ce réalisme qui pimente le suspense de situations indénouables. Ne boudons pas notre plaisir d’avoir, après « Salt », une héroïne féminine pour succéder à Angelina Jolie.

     

    D’après un livre de Jason Matthews et un scénario de Justin Haythe (« Les Noces Rebelles » en 2009, « A Cure for Life » en 2017, « Infiltré » et « Lone Ranger » en 2013)

     

    [youtube id= »bAc5oVB9eeI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    [youtube id= »jVgvkB5aOlY » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]