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  • Silence Plateau | Belles Familles

     

     

    Si l’on fait abstraction de ce titre un peu tarte digne d’un téléfilm diffusé sur TF1 et de l’affiche qui va avec, « Belles Familles », le dernier film de Jean-Paul Rappeneau, nous renvoie pourtant au bon souvenir d’un cinéma français de belle facture et délicieusement populaire, dans le sens le plus noble du terme.

     

    Enfant légitime de Lubitsch, la musicalité dans les films de l’auteur de « La Vie De Château » ne se borne pas seulement à faire danser les acteurs comme des marionnettes sans vie tout en récitant du papier à musique. Non, cette marque de fabrique chez le cinéaste désormais octogénaire n’en finit pas de tracer des ronds et des spirales entre les comédiens embarqués, qui valsent, qui tourbillonnent entre légèreté, hésitation, gravité, coup de sang et bienveillance.

    Avec « Belles Familles », Jean-Paul Rappeneau nous offre donc un ballet où acteurs de l’ancienne et de la nouvelle génération viennent chacun leur tour nous proposer des pas de deux, en couple, en binôme, des retrouvailles, des mensonges, des secrets… Ce Feydeau en relief nous rejoue l’éternelle histoire des coeurs et des bras qui s’enlacent et se défont, mais avec de la gourmandise comme devant un buffet, où ici Viard, Dussolier, Garcia, Amalric… nous régalent. On y retrouve également des accents Sautériens lorsque, au détour d’une scène, on identifie Gilles Lelouch enfin devenu bon et touchant, et qui ne serait-ce que l’espace de quelques secondes nous rappelle le Montand de « César et Rosalie », brusquant une Marine Vacth, qui se révélera peut-être bientôt comme la nouvelle Romy Schneider.

    Un film hommage, donc, pétri de nostalgie et de mélancolie, et un Rappeneau qui réussit avec cette belle famille à justement réunir toutes ces familles éparses du cinéma français.

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dévoreur Hubertouzot

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images

     

     

     

  • Alien ou la Saga tuée dans l’œuf…

     

     

    C’est en 1979 que surgit dans les salles sombres des cinémas du monde entier « Alien, le Huitième Passager ». L’affiche du film montre un gros œuf qui se fendille par le dessous et d’où émerge une lumière verdâtre. On se souviendra aussi d’une phrase laconique qui accompagnait l’événement : « dans l’espace, personne ne vous entend crier ».

     

    Par son approche inédite du film d’horreur, qui mélange thriller et science fiction, « Home Invasion » et Lovecraft, « Alien, le Huitième Passager » de Ridley Scott va surprendre puis terroriser des millions de spectateurs. Ce public fraîchement habitué à l’univers de « Star Wars » pensait naïvement que dans l’espace, c’était forcément plus cool… Sur la terre ferme, on avait certes déjà eu droit à « Massacre à la Tronçonneuse » puis à « L’Exorciste » qui campaient sacrément le décor ; dans l’eau, aux « Dents De La Mer » et dans la forêt, à « Délivrance ». Des films qui avaient imposé leurs initiales au genre et qui restent gravés à tout jamais dans l’inconscient collectif… En revanche, dans l’espace, on avait plutôt affaire aux bases et aux vaisseaux spatiaux, aux pistolasers ou aux bons sentiments.

    Mais ça, c’était avant…

    La lumière s’éteint. Le film commence. La musique de Jerry Goldsmith propose, sur la base de quelques notes de cuivres, un thème aussi doux qu’inquiétant pour accompagner les premières images de l’espace infini, des étoiles, des planètes, puis des bâtonnets se regroupent au centre de l’écran pour finir par former le mot « Alien »…

     

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    Le vaisseau cargo Nostromo rentre sur terre. A son bord, l’équipage se trouve en cryo-sommeil. Alors qu’il passe non loin d’une planète inconnue, les ordinateurs captent un signal de détresse. Tout le monde est alors réveillé et décide d’organiser une mission de sauvetage. Ceux qui se rendent sur le lieu découvrent l’épave d’un gigantesque vaisseau spatial à la forme étrange. Après une petite visite à l’intérieur, l’un des protagonistes, plus curieux que les autres, tombe sur de gros œufs de Pâques.

    Pourtant, ce qui en sortira ensuite ne ressemble pas vraiment à un lapin en chocolat mais plutôt à une grosse bestiole repoussante, croisement improbable entre une araignée et une paire de testicules. Le gloumoute qui surgit telle une mauvaise blague va se ficher sur le visage du malheureux membre d’équipage qui en prenait soin, après avoir préalablement brûlé la visière du casque de sa combinaison spatiale. Dans la salle de cinéma, tout le monde est calmé…

    Le public va par la suite assister, médusé, à une autre scène qui restera probablement dans les annales comme l’une des visions les plus traumatiques du cinéma. Le truc en forme de main posé sur le visage de sa victime a visiblement eu le temps de pondre quelque chose dans son corps, mais personne ne s’en doute encore. Alors que l’homme placé en quarantaine, après avoir sombré dans le coma, reprend conscience sans la chose sur son visage, qui est retrouvé morte et toute desséchée, on est rassuré et déjà prêt à replonger dans un sommeil profond afin de continuer son voyage.

    Lors d’un dernier déjeuner où tout l’équipage est présent, avant de retourner dormir, tout avait pourtant bien commencé mais la digestion de la salade de pomme de terre va s’avérer plus difficile que prévue… La salle, cette fois-ci sidérée, va assister à l’éclatement de l’intérieur du ventre du pauvre type, qui aurait mieux fait ce jour-là de rester chez lui. Une nouvelle créature, à l’apparence cette fois d’un cornichon à mâchoires, lui sort du bide, salut tout le monde puis part à toute vitesse se cacher dans les recoins sombres du vaisseau spatial.

     

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    Avec ces deux scènes électrochocs, « Alien, le Huitième Passager » rentre instantanément dans le registre des standards de l’horreur, comme ses glorieux aînés cités précédemment. On avait peur sur terre, dans les campagnes, dans les villes, dans les océans et on aura désormais peur aussi dans l’espace. La suite de ce film est une course poursuite dans les méandres du vaisseau, au cours de laquelle on assiste, impuissant, à l’élimination méthodique de tout l’équipage par le fameux cornichon à mâchoires qui entre-temps sera devenu assez balèze…

    Pour la petite histoire cinéphilique, au risque de paraître tatillon, il faut savoir que les deux scénaristes du film, Dan O’Bannon et Ronald Shusett, avaient quelque peu repompé l’intrigue d’un film de Mario Bava datant de 1965, « La Planète Des Vampires », dans lequel il était également question d’un vaisseau spatial qui recevait un S.O.S. provenant d’une planète inconnue. L’équipage qui s’était rendu sur les lieux s’apercevait trop tard qu’il ne s’agissait pas d’un appel au secours mais plutôt d’une mise en garde. Voilà pour la petite séquence sodomie de mouche…

    Mais reprenons…

     

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    « Alien » premier du nom va donc propulser le jeune réalisateur britannique Ridley Scott en orbite. Avec ce seul succès à son actif, ce réalisateur venu de la publicité, qui n’avait produit auparavant qu’un seul film, « Les Duellistes », va désormais avoir toute la latitude requise à entreprendre ce qu’il souhaite. Il se lance ainsi dans son projet suivant, tiré d’une nouvelle de Philip K.Dick intitulée « Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? », et rebaptisé pour l’occasion « Blade Runner ».

    Aujourd’hui encore, « Alien, le Huitième Passager » est l’exemple parfait de ce que la conjonction entre plusieurs talents peut engendrer de plus créatif, depuis la direction artistique jusqu’à la réalisation, en passant par la musique, les visuels et bien-sûr le casting. La jeune actrice Sigourney Weaver qui campe le personnage du lieutenant Ripley va d’ailleurs devenir une marque de fabrique du film hollywoodien. La femme forte et intelligente, celle qui aura toujours le dernier mot…

    Mais la véritable vedette du premier volet de la saga « Alien » est bien évidemment le monstre lui-même. Dans un film qui se voulait hyper-réaliste, il était inenvisageable d’y exposer une créature issue d’un bestiaire déjà vu mille fois. Il fallait donc trouver un nouveau concept de xénomorphe qui aurait sa propre logique, un passif, une mythologie et qui soit plausible dans la réalité.

    C’est en Suisse que fût finalement déniché celui qui donnera naissance à la créature légendaire et pas très sympa : L.G. Giguer, un artiste peintre et sculpteur, aux visions cauchemardesques à base d’hommes et de femmes bio-mécaniques, dans lesquelles s’entrelacent et se fondent organismes, phallus, vagins, totems et diverses ornementations ; de parfaites illustrations pour agrémenter un univers Lovecraftien à souhait… Il crée ainsi pour les besoins du film le monstre insectoïde et bio-mécanique parfait. Une créature aussi élégante que répugnante…

    Malgré l’énorme profit que génère le premier opus de la future saga « Alien », La Fox ne va malheureusement pas pouvoir prévoir une suite de sitôt, d’abord parce que Ridley Scott ne souhaite pas revenir dessus. Il a son autre projet qui lui tient à cœur. Même si le potentiel est pourtant énorme, Il faudra attendre sept ans pour que sorte au cinéma une suite intitulée sobrement « Aliens ».

    C’est donc en 1986, sous l’impulsion de James Cameron qui vient de casser la baraque avec son « Terminator » que cette suite voit enfin le jour. Le futur réalisateur du succès hors norme « Avatar » ne prend pas les choses à la légère. Après le thriller spatial claustrophobe qu’avait réalisé son prédécesseur, Cameron voit les choses en bien plus grand. Car quitte à revenir sur cette histoire de monstre dans l’espace, autant y aller à fond…

    Le « S » rajouté au titre donne d’ailleurs le ton. Il n’y a plus un mais désormais plusieurs centaines de xénomorphes à combattre, et quoi de mieux pour tenter d’anéantir ces cancrelats géants que de leur envoyer les Marines. Mais James Cameron n’est pas non plus un bourrin à la Michael BayTransformers », « Armageddon »), il saura jouer sur différents tableaux et différentes échelles.

    Ripley (Sigourney Weaver) reprend du service et c’est évidemment elle qui aura le dernier mot à la fin. Non mais ! D’une femme forte et courageuse dans le premier opus, elle devient, sous la houlette du nouveau réalisateur, une combattante aussi dangereuse que tout un régiment de militaires endurcis. Cameron va pousser les curseurs très loin et offre un film furieusement guerrier. Il enchaîne les scènes d’anthologie, avec un duel final mano a mano entre Ripley et la reine des Aliens absolument homérique.

    Si la version de James Cameron perd certes en mystère, nuance et stylisation, elle y gagne en revanche nettement sur l’aspect spectacle à grande échelle et générosité en scènes d’action en tous genres. « Aliens » sera de nouveau un beau succès, même si les critiques ne goûtent pas totalement sa tonalité jugée trop belliqueuse. Et beaucoup lui préféreront finalement les atours méta de son illustre prédécesseur.

    Orgasmique…

     

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    Il faudra encore attendre six ans pour que la Fox trouve le nouveau réalisateur capable de continuer à entretenir le mythe « Alien ». C’est au tour du jeune David Fincher, issu du clip et de la publicité, de s’essayer à renouveler la franchise. L’idée est maintenant évidente… Il s’agit de changer de ton à chaque nouvel opus, avec comme seul fil rouge, le ou les xénomorphes et le personnage de Ripley.

    Pour ce troisième épisode tout aussi sobrement intitulé « Alien 3 », l’expérience va virer au cauchemar pour le réalisateur. En effet, Fincher, malgré son peu d’expérience en matière de réalisation, montre une appétence pour les idées originales et visionnaires. Ce qui n’est pas du goût du studio qui l’a engagé et qui voyait en lui seulement un bon faiseur surnommé à Hollywood « Yesman ». David Fincher, quant à lui, a une idée bien précise de la façon dont il compte aborder ce troisième chapitre.

    Après la furie martiale et XXL de James Cameron, le futur réalisateur de « Seven » souhaite aller dans une toute autre direction. Plusieurs versions du scénario vont être d’abord proposées, avec des concepts assez fous tels que cette option dans laquelle l’histoire se déroule sur une planète forestière habitée par des moines dépourvus d’armes et qui devraient combattre les monstres par d’autres moyens. David Fincher verrait en effet assez une rencontre entre Alien et une ambiance moyenâgeuse. Difficile à faire avaler aux executives de la Fox, en tout cas…

    Finalement, alors que le tournage commence sans que le scénario ne soit achevé, Fincher convainc en partie le studio de le laisser tourner ce qu’il a en tête. L’histoire va se situer dans un pénitencier à l’autre bout de la galaxie, dans lequel les anciens prisonniers vivent tels des moines et se servent du lieu comme d’un purgatoire, là même où ils ont trouvé la foi en créant une religion nouvelle issue du christianisme. C’est avec l’arrivée de Ripley dans sa navette, qui se crashe non loin de la communauté, que les ennuis vont commencer. Ayant fait vœu de chasteté, tous ces hommes ne sont pas forcément enclins à accueillir une femme, et encore moins lorsque celle-ci amène avec elle un de ces fameux œufs.

    Le film est aux antipodes tant du premier que du second chapitre de la Saga « Alien ». David Fincher propose une œuvre gothique et austère, mâtinée de références bibliques. En affichant le parti pris de pas faire figurer la moindre arme à feu dans le film, il crée un univers complètement inédit et offre au monstre une nouvelle lecture à la série. Ultime provocation, il tue Ripley qui portait elle aussi un Alien en elle et qui se sacrifie en se jetant dans une cuve de plomb en fusion, dans un final christique du plus bel effet, le tout illustré par le magnifique score d’Elliot Goldenthal.

    Cependant, à sa sortie, « Alien 3 » divise aussi bien le public que la critique. Les plus enthousiastes y voit un superbe objet sombre et fascinant, quand les plus fervents adeptes du premier volet le trouve trop éloigné du concept originel. Ce sera aussi le film de la saga qui marchera le moins bien en salle, car trop particulier, mais qui au fil des années deviendra culte. « Alien 3 » est censé clôre la saga en une trilogie aussi hétérogène que captivante…

     

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    Pourtant, en 1997 sort en salle un nouvel épisode de la Saga, « Alien, La Résurrection »…

    Depuis « Alien, le Huitième Passager », l’actrice Sigourney Weaver a pris beaucoup de poids à Hollywood. Non pas qu’elle ait considérablement grossi en se gavant de pizza et de banana split, mais plutôt qu’elle est devenue absolument incontournable. C’est aujourd’hui elle qui a le pouvoir de choisir les projets dans lesquels elle souhaite s’investir. Et ce sera le cas pour la mise en chantier d’un nouvel « Alien ». N’ayant pas été très convaincue par son sort à la fin d’« Alien 3 », elle décide de remettre le couvert et de faire revenir d’une manière ou d’une autre l’increvable Ripley.

    Co-productrice cette fois-ci, la Danna Barrett de « Ghostbusters » va s’enquérir elle-même du prochain réalisateur. Et son choix se portera sur un Français, Jean-Pierre Jeunet, le co-auteur de « Delicatessen » et de « La Cité des Enfants Perdus ». L’actrice-productrice aime son univers particulier et décalé et pense que cela collera parfaitement à cette renaissance.

    « Alien, La Résurrection », malgré une indéniable bonne volonté et des idées intéressantes, se soldera par un semi-échec au box office. Paradoxalement, le film n’a ni l’ampleur d’« Aliens », ni le côté mystérieux d’« Alien 3 » et comparé à « Alien, le Huitième Passager », ne fait plus peur du tout…

    En tentant d’injecter dans ce 4ème opus de l’humour et de la distanciation, le futur architecte du « Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » a réduit à néant toute forme d’intensité et de rythme. Le film relève parfois presque plus du pastiche que d’un simple premier degré. Et si « Alien, La Résurrection » peut toutefois séduire grâce à des trouvailles stylistiques et des idées intéressantes en exploitant la mythologie d’origine, jamais il n’offre le spectacle fort et intense que l’on était en droit d’attendre.

    C’est d’ailleurs l’un des films de la saga qui vieillira le plus mal et le revoir le ferait paraître assez anecdotique comparé à ses ainés.

    Cette tétralogie se clôt donc cette fois-ci bel et bien, sur un film bancal et embarrassant.

     

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    Nous n’allons pas nous étendre sur les deux tentatives avortées que furent « Alien vs Predator » (2004) et « Alien vs Predator: Requiem » (2007) pour des raisons d’éthique personnelle. En effet, ces deux « œuvres palimpsestes » qui, comme leurs titres l’indiquent, voient des Xénomorphes affronter des Predators, n’avaient comme unique but que de faire plaisir à une nouvelle génération plus sevrée aux jeux vidéo qu’au cinéma.

    On a longtemps cru que cette fois-ci le sort en était jeté et que la Fox laisserait tranquille une bonne fois pour toutes le xénomorphe le plus mignon de la galaxie. Pourtant, c’est bien le papa d’Alien en personne qui revient à la charge. Ridley Scott décide de réactiver la franchise, lui qui ne voulait plus en entendre parler, pour des raisons qui auraient curieusement un lien avec le décès de son frère réalisateur, Tony Scott.

    En 2012 sort donc en salle « Prometheus ». Le réalisateur de « Gladiator » va proposer cette fois-ci un prequel à son propre film sorti en 1979.

    A noter qu’à la même époque, le réalisateur sud-africain Neil BlomkampDistrict 9 ») travaille aussi sur un projet « Alien » qui aurait été, s’il avait vu le jour, une suite directe au « Aliens » de James Cameron, avec encore et toujours Sigourney Weaver dans le rôle de Ripley. Un reboot, en quelque sorte, qui aurait ainsi passé à la trappe tant la version de David Ficher que celle de Pierre Jeunet. Le projet était sur le point d’être lancé par la Fox. Des visuels comme le scénario était prêts et le film allait rentrer en pré-production…

    Sauf que ce vieux briscard de Scott coiffe tout le monde au poteau, en faisant valoir son ascendant sur l’œuvre complète, dont il devait toujours avoir les droits, balaie d’un revers de la main tout le travail déjà effectué par Blompkamp et son équipe pour imposer sa propre version. Tout est réuni pour qu’il pose alors sur la table avec autorité cette nouvelle histoire révisionniste-créationniste sur la genèse des xénomorphes et par la même occasion la nôtre aussi.

    Si l’on ne tient pas compte de l’énorme attente générée par ce nouveau volet de la Saga, entretenue de part et d’autre par une pluie de vidéos virales sur internet, de sites en tous genres, de forums et autres bandes annonces plus tapageuses les unes que les autres, il faut aujourd’hui considérer ce volet supplémentaire réalisé par Ridley Scott simplement comme ce qu’il est, au fond, à savoir un film peu cohérent dans l’ensemble de la série et au rendu bien inférieur à la somme de fantasmes et de croyances créés en amont de sa sortie.

    D’ailleurs, cette méthode de communication, cette forme de stratégie publicitaire employée afin de provoquer une attente et susciter une envie, n’est pas dénuée de risque et peut fortement desservir une oeuvre, car elle embarque tous ceux et celles qui attendent le film à l’aune de leur propre psyché. Chacun se construit son propre film, sa propre histoire, avec les fragments et les quelques éléments mis à sa disposition… Forcément, les attentes seront immenses et impossibles à combler.

    Pour « Prometheus », les images ou visuels lâchés au compte-gouttes dans l’année qui précéda sa sortie étaient à chaque fois alléchants. Les infos suggéraient beaucoup de mystère, de trouvailles démentes, le tout assorti d’une intrigue révolutionnaire.

    Ridley Scott est avant tout un créateur de l’image et de la forme. Ce n’est pas le scénario qui chez lui est le plus important, c’est le support qui prédomine. Ses films totems que sont « Alien », « Blade Runner » ou encore « Legend » sont devenus des oeuvres références, surtout pour ce qu’ils véhiculent comme force picturale. L’histoire en soi part d’une idée forte et l’intrigue est à chaque fois simple et directe. C’est pour cela que ces films étaient réussis : ils étaient évidents. Le sens du détail, par lequel chaque objet avait une histoire. Jusqu’aux costumes et décors, pour signifier que le monde qui nous était dépeint était tangible.

    « Prometheus », qui devait d’abord s’intituler « Paradise », se revendiquait comme une sorte de nouveau « 2001, l’Odyssée de l’Espace » ; une nouvelle référence ultime qui viendrait remettre les pendules à l’heure en matière de SF pure et dure. Cette énorme production de 150 millions de dollars, opulente et fière, nous fut livrée sur un char de Ben-Hur, au son des trompettes et hautbois… Pour qu’il n’en sorte finalement qu’un ridicule petit « pouet », tant l’intrigue est indigente…

     

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    Le film tente d’occuper plusieurs registres à la fois, dont celui qui renoue avec le premier « Alien » ; l’horreur viscérale, la peur, l’angoisse. « Prometheus », tel un mille-feuilles indigeste, superpose plusieurs couches de lignes directrices. On essaye de suivre tout cela jusqu’à la fin, sans jamais avoir réellement tout compris et surtout sans pouvoir appréhender où cela va nous mener. Au final, le film s’avère totalement nébuleux. Quant aux nombreux protagonistes, ils sont traités comme des personnages de sitcom, avec un petit détail simpliste pour définir tel ou tel caractère.

    Le scénario est à ce titre l’un des plus mauvais scripts agencés et structurés pour ce genre de productions, qui ait pu être proposé depuis bien longtemps. On a finalement l’impression de voir en « Prometheus » la somme des longs-métrages de SF parmi les plus médiocres de ces dernières années, entre « Supernova », « Event Horizon » ou encore « Sunshine ». Chacun de ces films présentait pourtant des pitchs intéressants empruntés à la littérature SF, avec des auteurs comme Isaac Asimov, Arthur C. Clarke ou Philip K.Dick, mais du fait de nombreux problèmes de production et de respect des délais, ils avaient dû se débarrasser en route de pas mal d’éléments pour en arriver finalement à une seule et unique intrigue convenue, à savoir des courses-poursuites entre héros et méchants dans des couloirs exigus, ou encore cet intenable compte à rebours avant que tout ne nous pète à la gueule…

    « Prometheus » nous promettait des merveilles et nous n’avons eu en retour qu’un début beaucoup trop long et ennuyeux ; « Prometheus » laissait augurer des révélations à nous en laisser bouche bée et nous avons trop vite sombré dans de banales scènes d’horreurs et d’effets spectaculaires obligés. Nous finissons par perdre pied en oubliant les tenants de l’histoire, ses enjeux. Quant au scénario, il est tellement mal fichu dans ses ressorts et l’interaction entre les protagonistes, que l’on a du mal à comprendre le ton réel du film. Le score de Marc Streitenfeld est à ce titre à la hauteur de ce qu’est le film ; une musique fade, sans profondeur, sans caractère ni identité.

    Au final, ce pénultième volet en date de la Saga « Alien » réalisé par Ridley Scott n’est ni viscéral, ni effrayant, ni sujet à réflexion, ni même étonnant. Il recèle néanmoins des images sublimes et des tableaux somptueux, à la manière d’un luxueux artbook à l’éloge de tous ceux qui ont contribué à son élaboration. Mais en tant que film, en tant qu’oeuvre, « Prometheus » est un produit sans âme et sans conviction. Un oeuf sans jaune…

     

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    Et Ridley Scott va encore enfoncer le clou et tenter de boucler la boucle, puisqu’il souhaitait réaliser une trilogie en 1979, avant de ne plus vouloir finalement réaliser une trilogie… Vous me suivez ? Avec « Alien: Covenant » sorti en 2017, il emploie de nouveau les mêmes méthodes de communication que pour « Prometheus », avec fausses publicités sur Youtube, teasers, etc… pour faire exister son film comme un univers plein et cohérent et surtout générer la même attente chez le public.

    Avec cet ultime opus, on ne touche même plus le fond, mais on creuse… En l’espace de deux films, Scott aura réussi à saborder complètement son œuvre matricielle, comme un dernier bras d’honneur à tous les fans de cette mythologie. En voulant apporter des réponses à ce qui faisait justement le mystère et l’étrangeté des épisodes originels, le réalisateur enterre la saga « Alien » une bonne fois pour toutes, pour l’éternité…

    Comme le chante Dominique A : « on ne souhaite pas la mort des gens, ce n’est jamais assez méchant ». Espèrons juste qu’après la disparition de Ridley Scott, un réalisateur plus inspiré et passionné pourra surgir de l’éternité et saura ressusciter notre monstre préféré et son si beau sourire de cornichon géant à double mâchoire…

     

     

     

  • Le Brunch by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui le cas épineux du Brunch.

     

    « – Donc on s’voit dimanche ? 13 h ?

       – Oui génial, on vient avec Garance, Gaspard et leurs enfants Clothaire et Cléophée.

       – Gé-nial, toute la tribu ! »

     

    Voici un bout de dialogue saisi au vol, comme ça, au hasard, dans le 9ème, 10ème ou 11ème arrondissement. Mais de quoi parlaient donc ces gens, au juste ?

    De ce sacré, de cet absolu et incontournable brunch, évidemment ! Bien plus qu’un rendez-vous, une messe, voire une échappatoire, le brunch est devenu pour beaucoup de citadins une bouée salutaire, lancée le septième jour de la semaine dans un océan de néant, face au vide et à l’ennui du week-end, contrastant avec l’activité intense du reste de leur vie.

    Cette invention anglo-saxonne, contraction de « breakfast » et de « lunch » (petit déjeuner et déjeuner), atterrit en France, notamment à Paris, à la fin des années 80, puis explose littéralement courant 2000. Bon, attention, rien à voir non plus avec Crunch, le chocolat qui croustille…

    D’abord organisé clandestinement à la maison par des expatriés américains en mal du pays, le brunch devient rapidement le rite dominical que tous ceux qui, sans cesse à la recherche de nouveauté, se doivent de pratiquer pour être dans le coup. Et naturellement, ce sont ensuite les restaurants, hôtels ou bars qui récupérèrent l’idée, flairant la bonne affaire et décelant les perspectives hautement lucratives de ce nouveau concept.

    En effet, pour une somme modique entre 20 et 50 euros par personne, selon le quartier et le prestige de l’établissement, il sera proposé à tout citadin qui se respecte une formule « all inclusive » à base de « Vas-y comme j’te pousse », en clair de tout ce qui tombe sous la main et que l’on n’aurait pas vendu dans la semaine. Aubaine… Le brunch, c’est donc une sorte de petit déjeuner amélioré, mais bien plus cher car labélisé « brunch », en fait…

    Sur une base d’œufs brouillés, un jus d’orange parfois pressé, ou pas… du café ou du thé, une corbeille de tartines de pain avec beurre, confiture, suivis d’une salade de fruit ou d’un fromage blanc pour tapisser le tout. Clic clac, l’affaire est dans le sac, on a là les éléments de base du fameux brunch.

    Au-delà de l’escroquerie souriante et du consentement tacite des clients, ce rendez-vous est un alibi pratique pour oublier ce non-jour qu’est le dimanche. 24 heures de vide cosmique… Ce funeste jour où Dieu et ses plus proches collaborateurs se sont dit : « c’est bon là, stop, on souffle un peu… plus d’idée ».

    Alors, plutôt que de rester chez soi à contempler son reflet dans le miroir de la salle de bain et se faire un débriefing introspectif pour savoir où on en est dans sa vie, avec les autres, en particulier, on préfère aller s’étouffer avec du pain sans gluten, du miel bio et du café cueilli par Pedro dans des endroits saturés de monde, de poussettes géantes avec des étudiants-serveurs proches du black-out, qui ne travaillent que le dimanche parce que les autres employés officiels refusent de cocher ce jour sur leur planning.

    Car, oui, le brunch est un non-sens, une hérésie aussi utile qu’un presse-ananas ou un médicament pour la connerie. Le brunch et toutes ses extensions, d’ailleurs… En effet, on a même vu à un moment une tentative de « Drunch », si si… Soit cette plage horaire encore disponible entre le « Dinner » et le « Lunch », donc plutôt vers 17h-18h. J’espère que vous me suivez…

    Et puis depuis cinq ou six ans, des esprits tant malades que diaboliques ont quant à eux relancé la mode du « Goûter ». C’est ainsi qu’on peut désormais lire ici et là, juste à côté de la pancarte « Brunch » et « Drunch », le panneau « Ici, Goûter à toutes heures » avec l’avantage de ne pas en restreindre la consommation uniquement aux seuls dimanches.

     

    « – Donc on s’voit mardi ?

       – Oui génial, on vient avec Melissa, son deuxième mari Eugenio et les enfants qu’elle a eus avec Horts, Dakota, Sombrero et Guacamole.

       – Gé-nial, toute la smala ! »

     

    Autour d’un chocolat chaud ou d’un thé vert tibétain au beurre de chamelle, on pourra vous proposer une banane ou une pomme avec des Choco BN, le tout servi sur une bonne vieille feuille de papier d’aluminium. Reste à savoir maintenant si bientôt, on ne va pas nous proposer, dans le cadre de la refonte perpétuelle de nos us et coutumes, des « DGoûners » ou encore des « Glunchs ».

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

  • Silence Plateau | Fargo (Policier, 1996)

     

     

    Au premier abord, Fargo, des frères Coen, est un film de série B complètement idiot, et ennuyeux au possible. Un vendeur de voiture financièrement aux abois fait appel à deux malfrats de seconde zone pour kidnapper sa femme, et demander une rançon à son riche beau-père. Ça, c’est le premier degré…

     

    Et puis on se dit que si « Fargo » fait probablement partie des cent meilleurs films de tous les temps, c’est sans doute qu’il y a une raison. Alors on se force à persévérer. Et en effet, on prend conscience que ce film est un petit bijou :  un vrai « exercice de style ». Le style Coen… Des personnages on ne peut plus ordinaires, plutôt loosers, sortis du fin fond du Minnesota, un déclencheur (ici, le kidnapping) qui tourne au fiasco, des psychopathes décérébrés, et un paysage d’horizons enneigés qui s’étendent à l’infini.

    Les frères Coen partent d’un fait divers, à la fois horrible et très banal. Grâce à un comique de situation fait de décalage, à la fois dans les personnages (une enquêtrice enceinte jusqu’au cou), comme dans les situations qui dégénèrent (la scène de kidnapping), ou dans les dialogues (dont on se demande « mais qu’est-ce que ça vient faire là ? », au beau milieu d’une scène dramatique), ils arrivent à transformer le pitoyable en jouissif.

    En fin de parcours, on comprend le génie des frères Coen : génie de création, pour l’imagination de chacune des scènes construites comme des sketchs humoristiques, génie des dialogues, dont l’absurdité et le décalage face à la situation nous coupe le souffle, génie du jeu d’acteurs, qui parlent et agissent avec placidité dans une situation pourtant stressante, génie de direction photo avec des plans images époustouflants, génie de la BO enfin, avec une musique efficace de Carter Burwell, fidèle parmi les fidèles.

    Face à tant de bêtise, « aurez-vous le courage d’en rire » ? C’est le message de l’affiche du film, et toute la philosophie du cinéma des frères Coen.

     

    Instant-City-Fargo-02

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Liens externes » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Ciné Cinéma Facebook

     

     

     

  • Silence Plateau | The Thing

     

     

    Il y a des films comme ça, parfaits, voire géniaux, mais qui souffrent d’un mauvais timing. « The Thing » en fait partie. Sorti entre « Rencontre du 3ème Type » et « E.T. », il n’a hélas pas tenu la contradiction, à une époque, en 1980, où la mode était aux extra-terrestres super sympas, les messages de paix intergalactiques et les enfants rêveurs.

     

    John Carpenter n’est pas le genre de réalisateur à surfer sur de quelconques vagues commerciales ou des opportunités du même acabit. Ce qu’il voulait à l’origine, c’est surtout faire le remake d’un film de 1951 de Howard Hawks, avec une de ses rares incursions dans le fantastique et l’horreur, « La Chose D’un Autre Monde ». Dans ce film d’exploitation, le réalisateur de « Fog » y voyait l’opportunité de pouvoir pousser beaucoup plus loin l’idée du péril et de l’invasion extra-terrestre, en mettant en image l’esprit de l’un de ses romanciers favoris, à savoir H.P. Lovecraft.

    Avec cette histoire simple et linéaire, son unique décor et sa poignée de personnages bien trempés, son maquilleur de grand talent, Rob Bottin, « The Thing » a tout d’un film à ranger sur la même étagère que « L’Exorciste », « Massacre à la Tronçonneuse » ou « Evil Dead ». Une maîtrise totale de son sujet, un traitement au premier degré, où l’on croit totalement à ce que l’on nous montre.

    A la grande différence de ses illustres modèles comparatifs, qui dans des mises en scène inspirées, illustraient cependant l’horreur en ne faisant que suggérer au lieu de nous montrer, laissant alors au spectateur le soin d’imaginer et de croire avoir vu, John Carpenter opte quant à lui pour la démonstration frontale. C’était là la grande idée folle qui enfin pouvait dire d’une certaine façon ce que l’inventeur de Cthulu et ses hordes de visions cauchemardesques exprimait à longueur d’écrits soixante-dix ans plus tôt.

    « The Thing » devait donc être un film avec un « méchant » extra-terrestre. Un méchant comme on ne l’avait encore jamais vu sur un écran de cinéma. Ce que les spectateurs à l’époque ne souhaitaient donc plus voir… Encore une fois, le film sort en salle trop tard puisqu’avec cette nouvelle décennie, voici l’avènement d’un cinéma plus mainstream, plus familial et où il faut des films qui se terminent bien, avec des héros positifs et des messages à visée universelle.

    Ce que raconte « The Thing », c’est tout bonnement la fin du monde, avec ce final nihiliste où l’on comprend donc que tout le monde va y passer. Tous les ingrédients étaient pourtant là pour aboutir à une réussite absolue. Ce qu’est de toute façon le film… Son acteur fétiche, Kurt Russell, un score atmosphérique et angoissant signé par Ennio Morricone, des effets spéciaux (en latex et animatronique) spectaculaires réalisés par Rob Bottin, et un scénario sans faille…

    Un bide…

    C’est au cours des décennies suivantes que « The Thing » va gagner ses galons. D’abord découvert en VHS par les ados de l’époque, puis de ressortie en ressortie, il est devenu le film le plus plébiscité de la filmographie de Carpenter. Il était réédité de nouveau en 2016 en version restaurée et force est de constater qu’il faisait toujours aussi peur. Cette peur viscérale aussi bien qu’irrationnelle. La peur du noir, de l’inconnu, mais aussi de toute sorte de psychose, de paranoïa, de l’autre, en fait.

    Hommage donc évident à Lovecraft, de par son ambiance gothique et malgré une histoire qui se déroule en Antarctique, des visions de cauchemars avec leurs diverses transformations physiques, son climat étouffant, paranoïaque et psychologique, « The Thing » crée aussi bien le malaise que la stupeur, en particulier lors des scènes d’attaque du monstre. Parce que oui, c’est là un superbe film de monstre, que l’on nous montre sous toutes les coutures, sous ses différents aspects, et Dieu sait s’il y en a beaucoup et que pas une scène où il intervient n’est identique aux autres.

    Il est amusant de voir de nos jours toute une palanquée de réalisateurs se revendiquant d’un cinéma 80 ; les plus illustres, tels J.J Abrams ou le dernier en date, Jeff Nichols avec son insipide « Midnight Special », nébuleux hommage à Spielberg. Tous hélas ne gardent que ce goût pour un merveilleux bleuté et évanescent, mais sans message ni empathie. Ou même encore une boursouflure comme « The Revenant » dans lequel Inarritu tente la pièce montée ultime en remplissant de force son gâteau avec trop d’ingrédients finalement inutiles.

    Plus attiré par les beaux plans et leurs cinégénies que par un fond et ce qui restera plus tard dans les tripes du spectateur, le réalisateur de « Birdman » ne s’intéresse qu’à l’œil et à l’instant, au lieu de penser à après et à ce que cela produira dans l’inconscient collectif. Comparer Inarritu et son film bourré d’infographie qui tente de singer Terrence Malick avec celui de Carpenter, pourquoi pas, puisque l’on y parle de la même chose finalement, soit la survie en milieu hostile et la loi du plus fort.

    Mais l’un est allé à l’essentiel, en privilégiant des scènes fortes parfaitement connectées avec le sujet. Quant à l’autre, il s’embourbe dans l’afféterie et des tas de références ou d’emprunts. Inarritu ne conçoit pas l’histoire mais seulement sa mise en scène, où tout est pensé sur le principe du dispositif et de la surenchère stylistique. Un comble puisque « The Revenant » est aussi gore que « The Thing » mais paradoxalement jamais viscéral.

    John Carpenter, réalisateur souvent mal aimé puis récupéré in extremis par une certaine intelligentsia, a toujours maîtrisé ce qu’il faisait et su ce qu’il avait envie de faire. Ses films, et surtout « The Thing », sont toujours d’une parfaite cohérence doublée d’une beauté tranchante et froide, comme la mort.

     

    [youtube id= »6FeI1eoowvo » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dévoreur Hubertouzot

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images

     

     

     

  • Rétrospective Michel Deville à la Cinémathèque Française

     

     

    Contemporain de la Nouvelle Vague mais suivant résolument une voie singulière, Michel Deville s’est amusé avec sérieux, en quelque trente longs métrages, à expérimenter et explorer les ressources infinies de l’imaginaire et du sentiment amoureux (« Ce soir ou jamais », « Benjamin ou les Mémoires d’un puceau »). Libre et inventif (« Le Paltoquet », « La Lectrice »), il donne libre cours à son pessimisme dans des films politiques (« Le Dossier 51 ») et des adaptations sombres et vénéneuses de récits policiers (« Eaux Profondes », « Péril en la Demeure »).

     

    LE JEU DE L’AMOUR ET DU CINÉMA

    Le lundi treize avril mille neuf cent trente et un
    Souriant je suis né
    Ce n’est pas vraiment
    Un événement Extraordinaire
    Pourtant j’étais fier
    De commencer ma vie par un alexandrin

     

    C’est dans « Vous désirez ? », un de la douzaine de recueils de poèmes publiés par Michel Deville, que l’on trouve ce faire-part de naissance dont le caractère ludique reflète un des aspects de son art.

    Il est donc l’exact contemporain de Chabrol, de Godard, de Truffaut, et a fait ses débuts à moins de trente ans avec « Ce soir ou Jamais », sans toutefois appartenir à la Nouvelle Vague. Il en partage néanmoins l’esprit, avec son tournage rapide, son refus de l’intrigue, sa révélation de jeunes comédiens, sa légèreté d’esprit et son goût des jolies femmes, comme s’il appliquait la définition de Jean-George Auriol souvent attribuée à Truffaut : « Le cinéma, c’est l’art de faire faire de jolies choses à de jolies femmes ».

    Deville, avec ses deux premiers films (le deuxième sera « Adorable Menteuse »), réussit l’exploit de réconcilier trois tendances affirmées de la critique française de l’époque. « Positif » avec Gérard Legrand, « Présence du Cinéma » avec Michel Déon, puis Claude-Jean Philippe, les « Cahiers du Cinéma » avec Jean Douchet, puis Luc Moullet, célèbrent le nouveau venu. Pour Douchet, « il réussit cette alliance réputée impossible : une comédie typiquement française dans un style de comédie américaine ».

     

    DE L’AUDACE, ENCORE DE L’AUDACE

    Deville se forme à l’assistanat aux côtés d’Henri Decoin à partir de « La Vérité sur Bébé Donge », quand il a tout juste vingt ans. Il apprécie l’éclectisme de son mentor, sa maîtrise technique, son admiration pour Hollywood et son goût des actrices. Il va pourtant construire une œuvre singulière, riche en expérimentations, d’une variété parfois déroutante et propre à interloquer certains commentateurs friands d’étiquettes. Il saura rallier les suffrages tant de ses confrères (Césars pour « Le Dossier 51 » et « Péril en la Demeure ») que de la critique (Prix Delluc pour « Benjamin ou les mémoires d’un puceau » et « La Lectrice » ; Prix des Critiques pour « Le Dossier 51 », « Péril en la Demeure » ou « La Maladie de Sachs ») et du public avec de grands succès comme « Benjamin… » ou « Eaux Profondes ».

    Il est d’usage, et non sans raison, de distinguer dans sa filmographie une dizaine d’œuvres écrites avec Nina Companeez, puis, après des collaborations diverses, une dizaine d’autres avec Rosalinde Deville, mais les motifs d’inspiration et la diversité des projets révèlent une création plus complexe que cette approche binaire. Chez Deville comme chez Resnais, la forme fait partie du propos et la façon de raconter l’histoire est aussi importante que l’histoire elle-même. Ce sont deux expérimentateurs qui éloignent le cinéma français de sa veine réaliste dominante (voire naturaliste) avec leur désir de surprendre, et avant tout de se surprendre eux-mêmes, qui est comme le moteur de leur créativité.

    Tous deux accordent une place primordiale au texte, à l’image, à la musique, en une concordance fructueuse avec les autres arts. Resnais privilégiait pour la musique des partitions originales, et Deville, le plus souvent, des œuvres déjà enregistrées en choisissant un ou deux musiciens pour chaque film dont l’œuvre est intimement liée à la tonalité du récit, sans être jamais pléonastique (Bellini pour « Raphaël ou le Débauché », Rossini pour « L’Ours et la Poupée », Schubert et Bartók pour « La Femme en Bleu », Saint-Saëns pour « Le Mouton Enragé », Bizet pour « L’Apprenti Salaud », De Falla pour « Eaux Profondes »).

     

    À CONTRE-PIED (DE NEZ)

    Ses premiers films sont placés sous le signe de Marivaux et de Musset, comme autant de jeux de l’amour et du hasard. Tous contemporains, ils évoquent les XVIIIème et XIXème siècles. Dans « Ce soir ou Jamais », les personnages s’aiment mais n’osent se le dire, alors ils font semblant de ne pas s’aimer. Dans « L’Ours et la Poupée », l’un des meilleurs rôles de Brigitte Bardot, brillante, désinvolte, écervelée, l’héroïne poursuit un homme (Jean-Pierre Cassel) de ses assiduités. Nulle surprise à ce que ses personnages se retrouvent en costumes du XVIIIème siècle (Benjamin) ou du XIXe (Raphaël). Avec ce dernier film, encore écrit avec Companeez, l’atmosphère se fait plus sombre, comme avec « Le Mouton Enragé » ou « L’Apprenti Salaud », où affleurent la cruauté et le cynisme comme si un contemporain plus dur faisait irruption dans l’univers du metteur en scène.

    Toujours en dehors des modes, des snobismes, des coteries, il va désormais organiser son travail autour de trois axes bien définis par le critique Yannick Mouren. D’abord les défis que lui présentent des œuvres apparemment inadaptables. « Le Dossier 51 », un récit de Gilles Perrault qui est un recueil de fiches, de notes de service, de rapports dans le monde de l’espionnage, sans possibilité d’identification ; « La Lectrice », mise en images de l’imaginaire d’une jeune femme lorsqu’elle est en train de lire le roman de Raymond Jean ; « La Maladie de Sachs », la fiction documentée de Martin Winckler, portrait diffracté d’un médecin vu par des narrateurs différents.

     

    EXPÉRIENCES ET JEUX DE L’ESPRIT

    Dans une autre série se retrouvent des films réalisés à partir de contraintes formelles comme on en trouve dans les œuvres de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) signées Perec, Calvino ou Roubaud. Ce sont tous des scénarios originaux, comme celui de « La Petite Bande », où le cinéaste se prive de la parole pour narrer l’escapade en France d’un groupe de jeunes Anglais ; ou celui du « Voyage en Douce », fugue de Géraldine Chaplin et Dominique Sanda dans le Midi de la France, à partir d’éléments proposés par quinze écrivains ; ou encore de « Nuit d’été en ville », huis clos où un couple (Marie Trintignant et Jean-Hugues Anglade) se débat avec ses problèmes ; et aussi de « La Femme en Bleu » avec son intrigue minimaliste : un homme à la recherche d’une femme vêtue de bleu (Michel Piccoli, Lea Massari).

    Un troisième groupe de films est constitué d’adaptations de polars qui tournent autour de la manipulation et du voyeurisme, de « L’Apprenti Salaud » au « Mouton Enragé », d’« Eaux Profondes » à « Péril en la Demeure », du « Paltoquet » à « Toutes Peines Confondues ». Par le biais de récits policiers, Deville retrouve son goût pour les mécanismes fictionnels et le principe de jeu. C’est son esprit ludique qui lui fait opter pour la fragilité des intrigues, pour le balancement entre frivolité et gravité, pour les ellipses et un rythme souvent allègre. Il l’avoue lui-même : « Je n’aime pas ce qui se prend trop au sérieux ; c’est un trait de mon caractère ».

    Est-ce ce balancement entre l’être, le paraître, entre la réalité et les apparences, qui le rend si proche des comédiens dont il tire le meilleur d’eux-mêmes ? En quarante-cinq ans de carrière, de 1960 à 2003, c’est tout le gotha du cinéma français (et nombre de découvertes) qui a donné chair aux rêves et aux fantasmes du cinéaste. Si le film de ses débuts, « Ce soir ou Jamais », était un modèle de musique de chambre, le magnifique antépénultième « Un monde presque paisible » fait montre de la même précision, de la même justesse, de la même simplicité pour évoquer le retour à la vie de rescapés des camps dans un atelier de confection parisien. Un maître de la sophistication peut être aussi celui du plus grand dépouillement.

     

    Michel Ciment

     

    [arve url= »https://vimeo.com/329093676″ align= »center » title= »Rétrospective Michel Deville à la Cinémathèque Française » description= »Michel Deville » maxwidth= »900″ /]

     

     

    « Rétrospective Michel Deville » à la Cinémathèque Française, du 09 au 26 mai 2019

     

     

     

  • Tuxedo is here ! Stay classy !

     

     

    En 2014, après une escapade sans lendemain et deux albums chez Universal Republic, Mayer Hawthorne rentrait au bercail, chez Stones Throw Records. Le natif du Michigan ne revenait pas la queue entre les jambes, mais avec un nouveau projet, nom de code « Tuxedo », en compagnie de Jake One, le producteur et auteur du très bon « White Van Music » sorti en 2008.

     

    En mars 2013, le duo nous avait déjà mis l’eau à la bouche avec leur Ep auto-produit éponyme, « Tuxedo Ep », et le titre « Do It », un premier aperçu très prometteur de l’étendue de leur talent et de leur capacité à faire groover même les pensionnaires d’un Ephad…

     

    Tuxedo : « Do It » (Official Video)

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    En 2015, le projet Tuxedo prend enfin forme, avec le premier album du duo, « Tuxedo », sorti chez Stones Throw Records. Et force est de constater que nous avons bien fait d’attendre. On y retrouve « Do It », bien-sûr, mais aussi d’autres titres qui sont depuis devenus des classiques, entre « So Good », « Number One » ou « The Right Time ». En somme, du pur groove à l’ancienne, qui nous renvoie à nos plus belles années, quand nous étions jeunes… et… jeunes. Et pour parfaire le tout, Tuxedo nous gratifiait d’un clip tourné en VHS, excusez du peu, pour le morceau « So Good ».

     

    Tuxedo : « So Good » (Official Video)

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    Printemps 2017, les deux comparses de Tuxedo ont décidé de se remettre sur leur 31. Deux ans après s’être lancés dans l’aventure, le chanteur soul Mayer Hawthorne et le producteur Jake One dévoilaient « Tuxedo II », la suite logique de leur premier album paru en 2015, toujours sur le label californien Stones Throw. Un album pétri de leur amour réciproque d’un R&B gonflé et produit avec les meilleures recettes de l’époque…

     

    Tuxedo : « Fux With The Tux »

    [youtube id= »vleyRSAuZtc » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    And now, back to 2017 ! Nous retrouvons nos deux groove masters pour une petite interview de derrière les fagots accordée à Ghislain Chantepie de Fip.

     

    Tuxedo est né quasiment dans l’anonymat, des mixtapes échangées et un projet qui ne se prenait pas trop au sérieux au départ. Avez-vous été surpris par le succès immédiat de votre formule funk ?

    « La feel good music ne se démode jamais, donc en fait, ça n’était pas vraiment une surprise. Nous n’avions pas d’objectif précis lorsque nous avons composé le premier album, et tout le succès qui a suivi a été une sorte de bonus pour nous. »

     

    En guise de nouveauté, on a surtout l’impression que votre nouvel album sonne plus vintage que le précédent, qu’il est plus dancefloor également. De quoi « Tuxedo II » est-il le numéro ?

    « II est le chiffre 2 en alphabet romain et c’est pour nous une forme de clin d’œil à nos groupes de funk favoris, comme Zapp et Windjammer, qui ont intitulé leurs albums avec ce même ordre numéraire. Sur ce disque, nous avons un peu accéléré le tempo par rapport au premier album et au final simplement amélioré la formule existante. »

     

    Vous aviez travaillé avec le grand producteur John Morales pour le premier album, rebelote pour « II » ?

    « En effet, c’est John qui a mixé nos deux albums. Et c’est vrai qu’il apporte à chaque fois l’authenticité de l’époque que nous cherchons nous-mêmes à capturer. »

     

    Tuxedo : « 2nd Time Around » (Official Video)

    [youtube id= »5OoZ83lqIbo » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Votre track « 2nd Time Around » reprend le titre d’un morceau des Shalamar, un autre fameux groupe de funk…

    « Shalamar est l’un de nos groupes favoris. Leon Sylvers a eu une grosse influence sur nos productions… et Jeffrey Daniel a appris à Michael Jackson le Moonwalk !!! »

     

    Andrew, comment Mayer Hawthorne influence-t-il le projet Tuxedo et réciproquement ?

    « Pour moi, c’est vraiment génial de faire partie d’un groupe. Tuxedo est quelque chose de plus léger que Mayer Hawthorne et j’y danse aussi beaucoup plus. »

     

    Quels sont les invités de cette nouvelle livraison ?

    « Kokane, la légende du G-Funk, nous fait l’honneur d’être dans les chœurs de deux titres du disque. Lester Troutman de Zapp joue également de la batterie sur un autre morceau. Gavin Turek, qui est la voix féminine de nos compositions, fait aussi un duo avec Mayer sur cet album. Et puis Snoop raconte des conneries… »

     

    On a l’impression que Snoop Dogg n’est jamais très loin de Tuxedo…

    « C’est vrai que Dogg est un ami mais c’est aussi un grand fan de funk. On a vraiment de la chance de l’avoir auprès de nous ! »

     

    « Tuxedo II » est sorti le 24 mars 2017 sur le label Stones Throw Records

     

     

     

  • Eric Reinhardt : « L’Amour et les Forêts » (2014)

     

     

    Contrairement à la première fois où j’ai dévoré « L’Amour et les Forêts » de l’esthète Eric Reinhardt, sorti en 2014 et couronné de nombreux prix, je n’ai pas pleuré comme une madeleine à la fin des quelque 500 pages.

     

    Le sujet du roman « L’Amour et les Forêts » d’Eric Reinhardt n’est pas sans rappeler celui fort médiatisé des derniers Césars avec le film « Jusqu’à la Garde », qui a distingué la frêle Léa Drucker et salué la proposition de l’imposant Denis Ménochet. Pour autant, la fiction romanesque dépeinte par l’auteur évoque, avec force descriptions et adjectifs colorés, l’inexorable descente aux enfers de Bénédicte Ombredanne. Rien que le nom de cette jeune agrégée de lettres, mariée, deux enfants, vivant à Nancy, n’a pas été laissé au hasard…

    En effet, il s’agit ni plus ni moins que d’une femme ordinaire, commune et humble, telle la voisine de palier parfaite, qui mène une vie sans histoires mais sait parfaitement exalter sa nature endormie en s’enthousiasmant sur les livres de l’auteur. Elle lui écrit son admiration. Contrairement à ses habitudes, il va la rencontrer et petit à petit, elle va s’ouvrir sur son quotidien morne, ses enfants à qui elle sacrifie tout… mais aussi et surtout son mari, qui a sur elle un ascendant morbide composé de vexations quotidiennes, d’humiliations verbales et de harcèlement moral, de jour comme de nuit.

    De fil en aiguille, elle se rebelle contre ce carcan qui l’étouffe, va s’encanailler sur les sites de rencontre, poussée à bout par un homme qui la dévalorise tant qu’elle a l’impression de faire partie du décor. Il est obsédé par le budget du ménage, consigne le moindre détail ; il a également des problèmes relationnels avec ses collègues, mais elle couvre tout pour sauvegarder les apparences d’une famille unie.

    Sa rencontre avec un antiquaire bourru mais délicat, un après-midi de février en lisière d’une forêt, va littéralement enflammer Bénédicte Ombredanne, mais elle devra en payer un lourd tribut durant les mois qui suivent. A la façon d’Emma Bovary, elle s’épanche avec passion, mais elle ne s’autorise pas le bonheur d’une nouvelle vie.

    On en apprend plus sur son environnement familial et ses jeunes années, entachées d’une violente peine de coeur, qui a véritablement brisé son élan de jeune femme enjouée. Finalement, ce choix, celui de se mettre à l’abri pour moins souffrir, va l’offrir à la merci d’un homme qui ne s’estime pas assez bien pour elle, et lui fait subir mille outrages, non par les coups mais par les paroles, qui l’agressent et la blessent plus sûrement, en la dévalorisant complètement.

    Cette vie, telle qu’aurait pu la décrire Maupassant à son époque, a été gâchée par un homme médiocre, sans ambition, alors que Bénédicte Ombredanne aurait pu avoir un magnifique destin. Ce qui touche particulièrement dans ce récit romanesque, qui a fait polémique pour cause de soupçon de plagiat à sa sortie, c’est qu’il dépeint précisément, comme s’il pénétrait dans l’intimité par un trou de souris, la vie de nos propres collègues ou de nos voisins.

    Comment peut-on arriver à sombrer de la sorte, en bernant son entourage, pour sauver les apparences ? les violences faites aux femmes peuvent prendre de multiples formes, mais assurément le martel psychologique des pervers manipulateurs est le plus insidieux et le moins visible d’entre tous.

    Comment combattre au quotidien, avec rage, ce qui marque et dévalorise durablement ? En étant plus à l’écoute, en alerte et toujours vigilant ? Mais est-ce suffisant, dans la mesure où il est impossible de quantifier le nombre des victimes ? Par peur du jugement méprisant de la société, ces personnes ne montrent rien, si ce n’est des stigmates qu’on appelle désormais la somatisation, signe que la fameuse charge mentale est au-dessus de leurs forces.

    Le magnifique livre d’Eric Reinhard se termine par un dialogue poétique (et fantasmé, car il ouvre le champ des possibles avec son amant…) d’une Bénédicte Ombredanne libérée de toute entrave, prête à vivre, tout simplement…

     

    Photo à la Une © Martin Bureau / AFP

     

     

     

     

     

  • Monsieur Comédie by Trust

     

     

    Afin de célébrer (ou pas…) le 40ème anniversaire de la révolution iranienne, il nous vient forcément à la mémoire les paroles du titre « Monsieur Comédie » du groupe de rock français Trust, extrait de l’album « Répression » sorti en 1980. Comme quoi la lucidité n’est pas forcément l’apanage du politique…

     

    C’est un peu facile de dicter des messages
    Quand on est au chaud à l’abri des assauts.
    Pendant que tout un peuple criait « démission » 
    Et tombait sous les balles.
    Le retour tant attendu est arrivé :
    Monsieur Comédie, l’avion, il l’a repris.
    Dans un bain de foule, il est rentré au pays.
    Ca sent l’épuration…

    Sous sa peau flasque,
    Blindé comme un tank,
    Il vivait sous une tente,
    Protégé comme une banque.
    Durant tout son exil,
    Il n’a fait que prières.
    Derrière le vieux croyant
    Se terrait le tortionnaire.

    De quoi est fait demain ? On l’a su assez tôt
    Le soleil ne brille plus à Neauphle-le-Château.
    Impotent le vieillard a relancé la bagarre 
    Et rempli les prisons.
    Nouvelles dictatures, exécutions sommaires
    Les femmes doivent se voiler, la musique prohibée.
    Ils massacrent leurs frères, tout devient absurde.

    Sous sa peau flasque,
    Blindé comme un tank,
    Il vivait sous une tente,
    Protégé comme une banque.
    Durant tout son exil,
    Il n’a fait que prières.
    Derrière le vieux croyant
    Se terrait le tortionnaire.

    Il a sa place à l’hospice, et non dans la police.
    L’être humain est repu, il est rassasié
    Dose d’atrocités.

    C’est un peu facile de dicter des messages
    Quand on est au chaud à l’abri des assauts.
    Pendant que tout un peuple criait « démission »

    Sous sa peau flasque,
    Blindé comme un tank,
    Il vivait sous une tente,
    Protégé comme une banque.
    Durant tout son exil,
    Il n’a fait que prières.
    Derrière l’ayatollah
    Se terrait le tortionnaire.
    Derrière l’ayatollah
    Se terrait le tortionnaire
    Derrière l’ayatollah
    Se terrait le tortionnaire
    Derrière l’ayatollah
    se terrait le tortionnaire

     

    [youtube id= »8kd1jbd17dI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    En 1964, l’Ayatollah Khomeiny est expulsé d’Iran. Il part d’abord en Turquie, puis en Irak, à Nadjaf et à Kerbala, la ville sainte du chiisme, où son discours se radicalise davantage. Son activisme pro-chiite indispose le pouvoir irakien et en 1978, il part pour la France et s’installe à Neauphle-le-Château. Le 2ème couplet de la chanson fait d’ailleurs référence à ce séjour.

    Le 1er février 1979, Khomeiny revient de manière triomphale à Téhéran, après 14 ans d’exil. Le 11 février, il prend le pouvoir en tant que Guide suprême (Rahbar en Persan) ou Guide de la Révolution islamique.

     

     

     

  • Le T-Shirt Propre : Un T-Shirt Made In France et Bio

     

     

    Parce que cela fait aussi partie de notre mission, même de notre devoir, de promouvoir des initiatives qui vont dans le bon sens et qui démontrent qu’il possible d’emprunter une autre voie en consommant différemment, nous suivons naturellement de près l’aventure du T-Shirt Propre. 

     

    En juin 2016, Mathieu Lebreton et son neveu Fabien Burguière lançaient le T-Shirt Propre en s’appuyant sur une campagne de crowdfunding via la plateforme de financement participatif Ulule. Une marque qui se veut éthique, locale, et surtout Made in France.

    Comme toutes les bonnes idées, celle du T-Shirt Propre est née un an plus tôt lors d’une discussion entre amis, de celles où on refait le monde. « On s’est rendu compte d’un manque d’éthique, mais aussi de bon sens, dans la fabrication des vêtements », raconte Fabien Burguière. Le jeune homme de 24 ans explique : «Un simple tee-shirt peut parcourir 48.000 kilomètres, entre l’endroit où il est fabriqué, et son arrivée dans nos armoires ».

     

    Le T-Shirt Made in France & Bio, c’est Propre !

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    L’industrie de la mode est en effet la deuxième industrie la plus polluante au monde, après l’industrie pétrolière. Selon la Banque Mondiale, elle est responsable à elle seule de 20 % de la pollution de l’eau dans le monde. Impact sur l’environnement, mais aussi absence de droits sociaux, conditions de travail dangereuses et travail infantile, ce secteur qui emploie 75 millions de personnes dans le monde est un symbole des excès de la mondialisation.

    Une sensibilité à laquelle adhère aussi son oncle, Mathieu Lebreton, éducateur à la vie scolaire du lycée Louis Querbes : « Fabien et moi partageons ces valeurs d’écologie, d’éthique dans la consommation, alors pourquoi ne pas se lancer ? ».

    Aujourd’hui, ce T-Shirt conçu Proprement par Fabien et Mathieu est en vente en ligne. Made in France, 100 % coton Bio, leur objectif est de re-placer l’éthique au coeur de la conception de leurs vêtements. Consommer autrement, localement, de façon responsable, c’est possible, et c’est Propre !

     

    Teasing LTP 2017

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Le T-Shirt Propre