Catégorie : Interview

  • Daniel et Charlotte Angeli : L’art, une affaire de famille…

     

     

    Daniel Angeli vient de publier un livre de photos, « Vies privées », un recueil de photos inédites. De renommée internationale, souvent surnommé « le roi des paparazzis » ou « le paparazzi gentleman », Daniel Angeli est un personnage hors du commun, une bible vivante des années Stones, Lennon, Piaf, Bardot, Taylor et autres grandes stars sur papier glacé. Pour Instant City, il a accepté de nous recevoir et de se raconter. Voyage au pays des people.

     

    Nous arrivons au pied d’un immeuble ancien. Nous n’avons pas le code. J’attrape mon smartphone pour l’appeler, mais inutile. Monsieur Angeli arrive de la boulangerie, cheveux et barbe blanches, son pain sous le bras. Il tape son code. La lourde porte en bois clair s’ouvre sur un hall d’entrée aux carreaux de ciment anciens. Daniel Angeli appelle l’ascenseur tout en s’excusant. Je m’y engouffre en premier. Il est minuscule et nous y tenons à peine à trois, collés les uns aux autres : contact établi. Daniel nous annonce une surprise : sa fille Charlotte et la maman de Charlotte, Elisa, seront là aussi. Sur le palier, trois portes doubles en bois de couleur vert-anglais. Sur celle de droite, une photo : le portrait d’une femme au grand sourire et au regard doux. « C’est mon père qui a fait la photo. C’est le portrait de la voisine. Elle avait mis une photo mais mon père ne la trouvait pas belle, alors il en a pris une autre et la lui a offerte. » nous expliquera Charlotte. Daniel ouvre la double porte du milieu. Nous voici chez lui… Il s’agit d’un très joli appartement ancien au parquet qui craque et aux murs blancs. Nous sommes dans l’entrée spacieuse. Face à nous, une porte-fenêtre en boiseries blanches et petits carreaux qui donne sur le double-séjour. A notre gauche, le couloir qui dessert la cuisine et une chambre. A notre droite, une autre chambre. Sur le mur, une photo de Daniel Angeli serrant la main de Jacques Chirac. Le préambule d’un livre de souvenirs que monsieur Angeli va nous faire l’honneur d’ouvrir pour nous.

    C’est très émouvant et nous sommes, Christophe et moi, extrêmement honorés d’entrer dans ce lieu intime, très touchés par la confiance qui nous est accordée. Les murs blancs sont ornés de ses photos : les Stones au mariage de Bianca et Jagger, Bardot allongée en maillot topless à la Madrague, Lennon à l’aéroport tenant la main de Yoko, Claudia Cardinale cernée par la foule et les photographes, Elizabeth Taylor..ils sont tous là, autour de lui, ceux qu’il a côtoyés et photographiés durant 30 ans. A gauche, le coin salon aux canapés et fauteuils en cuir marron type club et à droite une table carrée en bois exotique. D’immenses fenêtres laissent passer la lumière. Charlotte et Elisa nous accueillent avec un sourire chaleureux et nous proposent «  Un café, un thé, un jus d’orange.. ? ». Nous nous asseyons autour de la grande table. Charlotte part en cuisine et revient avec des cafés et de l’eau. Daniel a déjà commencé son récit. Il conte. Il raconte. Il déroule, intarissable, les milliers d’anecdotes qu’il a emmagasinées durant toutes ces années de planque et nous sommes comme le sultan Shahryar, hypnotisés par les contes des mille et une nuits, émerveillés.

     

    Daniel Angeli« Il faut que vous parliez de ma fille, elle est très talentueuse, c’est une peintre douée. Elle peint beaucoup depuis qu’elle est toute petite. Elle customisait des meubles pour des clients et on a eu une idée, après avoir vu l’exposition du Centre Pompidou de Metz : qu’elle s’exprime sur mes images, à sa manière. »

     

    Metz, Centre Pompidou, 2014. Le Centre consacre une exposition pluridisciplinaire sans précédent au phénomène et à l’esthétique de la photographie paparazzi, à travers plus de 600 œuvres. L’exposition se penche sur le métier de chasseur d’images en abordant les rapports complexes mais passionnants qui s’établissent entre le photographe et la célébrité shootée. On a ainsi souvent parlé du rapport ambigü qu’entretenait Lady Diana avec les paparazzi, tantôt rejetés, tantôt utilisés.

     

    Daniel Angeli« Je suis allé avec ma fille Charlotte au musée Pompidou à Metz. C’était incroyable pour moi : les paparazzi rentraient au musée ! Il y a eu un grand article dans Paris-Match dans lequel j’apparaissais en photo parmi tous les autres photographes de l’époque ». L’article faisait six pages. On rendait hommage à ceux qu’on qualifiait de « voleurs d’images ». C’était incroyable, un véritable tournant pour la photo de paparazzade, qui devenait une œuvre d’art et le paparazzi, un artiste. »

     

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    L’idée : utiliser les photos people de Daniel Angeli comme toiles pour sa fille peintre Charlotte. Première étape de ce projet familial, régler les problèmes juridiques. Direction le bureau d’avocat d’un ami de longue date de la famille, Gilles Hittinger-Roux qui se trouve être aussi un grand amateur d’art doublé d’un mécène. Cet homme a la passion, l’oeil et les compétences professionnelles. Ses conseils vont s’avérer précieux. Le premier : rassembler toutes les photos de Daniel Angeli, il y en a près d’un million, et protéger ce capital incroyable, à la fois pour la transmission à ses enfants et pour recenser l’ensemble de l’oeuvre. Après la faillite de son agence de presse, c’est l’agence Bestimages qui conserve les photos dans son fonds d’archives.

     

    Daniel Angeli : « Bestimages est dirigée par une amie à moi qui a repris mon fonds d’images et tout mon personnel, environ 80 photographes, après mon dépôt de bilan.Mon agence était dans les trois premières de Paris. Après mon accident (Daniel Angeli a fait un AVC), j’ai cherché à regrouper toutes mes photos pour garnir le Fonds de dotation. »

     

    Car Gilles Hittinger-Roux, leur ami et avocat, leur propose de créer un Fonds de Dotation, un mix entre la Fondation et l’Association. Il s’agit d’un cadre juridique dans lequel une personne morale (un individu ou un collectif), appelée aussi marraine si c’est une femme ou parrain s’il s’agit d’un homme, est utilisé comme outil de financement, de gestion et d’administration. Cette personne reçoit et gère les biens de manière désintéressée et non lucrative en les capitalisant dans le but de réaliser une œuvre, celle de Daniel Angeli, l’ensemble de son œuvre d’art photographique, 30 ans d’histoire people de 1966 à 1996.

     

    Daniel Angeli : « Comme je passais des heures, parfois seul, à attendre les stars, elles finissaient par m’accorder un rendez-vous. J »ai des millions d’images. Parfois je ne m’en souviens même plus. On sort des photos dont je ne me rappelle même plus. »

     

    C’est Mylène Demongeot qui acceptera d’en être la marraine, une amie de longue date que toute la famille adore, en particulier les enfants. La famille est grande et recomposée, Daniel Angeli s’étant marié quatre fois. Une première union dont il aura une fille, Rachel, aujourd’hui disparue. Une seconde union avec Elisa dont il a eu deux filles, Charlotte et Caroline. Une troisième, avec la journaliste Cécile Riboulet, la maman de César et Léo, 16 et 18 ans. Et un quatrième mariage qui n’aura duré que deux ans et dont le divorce tout frais date de trois mois. La famille, ses enfants, s’il n’a pas toujours été facile de les concilier avec sa vie de paparazzi, Daniel Angeli en parle aujourd’hui avec beaucoup de tendresse. Ses deux garçons, ses filles, il voudrait les protéger et leur léguer un héritage, ses photos, des centaines de milliers d’images, le travail de toute une vie. Cet homme souvent rejeté et dénigré pour son travail est flatté et honoré de se retrouver depuis peu au musée et de voir ses photos maintenant présentées comme des œuvres d’art. On ne peut qu’imaginer l’importance capitale de ce brusque changement de statut : on passe du « voleur d’image » montré du doigt à l’artiste montré dans des expositions. Ironie de la vie. Ce ne sont plus les magazines comme « Paris-Match » ou « Jours de France » qui vont s’arracher ses photos à prix d’or, mais le public des collectionneurs. Un retournement de situation que le gamin immigré de 15 ans d’origine italienne n’aurait jamais osé imaginer.

     

    Daniel Angeli, 1966 – 1996 : 30 ans de paparazzade

     

    Sa mère est décédée quand il avait cinq ans. Se décrivant comme un cancre à l’école, il poursuit tout de même jusqu’au lycée, à Buffon. Son père, maître d’hôtel, souhaitait le faire entrer dans le métier comme groom ou autre chose. Grâce à ses relations, il le fait embaucher comme assistant à « Jour de France » alors détenu par Marcel Dassault. Il y est stagiaire. Il a seize ans. Puis il change pour l’agence DALMAS, dans laquelle il travaillera d’abord au labo, au développement des photos, poste où il voit déjà défiler de nombreuses stars du Festival de Cannes sur papier, avant d’arriver enfin sur le terrain. Il est rapidement envoyé en reportage par le rédacteur en chef Claude Otzenberger, pour couvrir les soirées parisiennes . Il s’occupe des stars de la Rive Gauche comme Brassens, Léo Ferré, Jacques Brel. Edith Piaf.

     

    Daniel Angeli : « Jacques Brel était vraiment sympa. Il était à l’Olympia. Tous les soirs on allait au restaurant avec lui après le spectacle. Il amenait tellement de people dans la salle que ça m’a donné l’idée de faire Jacques Brel côté scène et côté salle. C’est un peu mes premières paparazzades. J’ai commencé ensuite à les suivre. Est né le groupe allemand « Voici » et on s’est mis à prendre des photos au téléobjectif. Etant très timide, je préférais me cacher derrière mon boitier. Ca me servait bien. »

     

    C’est aussi l’époque où Daniel s’occupe d’une succursale à l’aéroport d’Orly où il photographie les stars du monde entier arrivant dans la capitale française. Le 2 juin 1962, il est à l’aéroport quand survient le crash d’un avion d’Air France. Il se déguise en bagagiste et photographie le drame. Ses photos feront de nombreuses Unes. Sa carrière est lancée. Il raconte à ce sujet au micro de Philippe Vandel sur France Info :

     

    Daniel Angeli : « J’étais en train de draguer une hôtesse de l’air quand cet avion s’est écrasé à Villeneuve-le-Roi. C’était le premier grand accident d’avion. Je déjeunais dans un des restaurants en terrasse. Il y avait un monsieur dont tous les membres de la famille étaient dans l’avion. Il s’est évanoui. J’ai vite enfilé une cotte de l’Aéroport de Paris car il y avait un service de sécurité et j’ai pu aller faire des photos sur place, déguisé en bagagiste. J’ai eu du mal à m’en remettre. J’ai trimballé des cadavres dont les bras tombaient, grillés. Ca a été une épreuve très difficile pour moi. »

     

    Après son service militaire, il se met à son compte et fonde sa propre agence, l’agence de presse Angeli. On est en 1968. Daniel Angeli devient maître dans les photos dites « people ». Il calque son emploi du temps sur celui des stars, l’été à Saint- Tropez, l’hiver à Gstaad et entre les deux, sur le Rocher de Monaco et à Cannes pour le Festival,un rêve de gamin. « Aujourd’hui tout le monde est derrière une corde et personne n’a le droit de bouger » raconte t-il dans une interview de Benjamin Locoje à Paris-Match en 2015.

     

    Daniel Angeli : « J’ai vécu les premières époques en faisant des saisons : je louais une maison et j’emmenais ma famille. Ma femme et les enfants me suivaient. Mes filles sont nées à Saint-Tropez parce que c’était la saison et que ma femme accouchait où je me trouvais. Les filles ont grandi et on a toujours fait les saisons. Elles avaient des cours le matin avec un percepteur et elles skiaient l’après- midi.J’ai commencé à gagner ma vie grâce aux stars italiennes que je photographiais en France. En Italie la presse people était déjà développée, il y avait un vrai marché. En France c’est venu tardivement. Il y avait seulement « Jour de France » ou « Paris-Match. »

     

    C’est l’époque des années 1960, Saint-Tropez, Bardot, La Madrague…

     

    Daniel Angeli : « La Madrague… On était cinq photographes planqués dans l’eau à attendre qu’elle sorte pour la photographier. Elle savait très bien qu’on était là mais elle faisait semblant de ne pas nous voir. Elle s’étendait sur son ponton, seins nus. Parfois elle envoyait son chien pour qu’il nous morde mais le chien remontait très vite. »

     

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    Il noue des liens privilégiés avec les personnalités de l’époque. D’Aristote Onassis à Elizabeth Taylor en passant par John Lennon jusqu’à Gianni Agnelli qu’il photographie l’été 1977 nu sautant de son bateau. Cette photo fit scandale à l’époque car le PDG de Fiat venait d’être enlevé. Cette photo d’Agnelli est aujourd’hui l’une des plus connues et reste un symbole de la photo paparazzi.

     

    Daniel Angeli : « On me parle encore de la photo d’Agnelli qui saute de son yacht. Mais je n’ai pas fait que cette image-là ! A l’époque elle m’avait été payée par Match 1500 francs. Il fallait en faire pour gagner sa vie ! Cette photo a fait le tour du monde. Elle a été publiée je ne sais pas combien de fois ! Ce n’est pas une image volée pour rien. A cette époque-là on avait enlevé le PDG de Fiat France. Les ravisseurs demandaient une forte rançon et pendant ce temps-là le patron sautait dans la grande bleue à Saint Jean Cap Ferrat. Il a ensuite demandé à me rencontrer et on est devenus amis. La première grande star que j’ai été amené à suivre c’était Liz Taylor. Richard Burton montait dans ma voiture avec moi et me disait : emmène moi jusqu’au village boire un verre. On n’avait pas le sentiment de vivre dans leur ombre parce que pour faire ces images, on connaissait leur vie. On connaissait les habitudes de ces gens. Par exemple, Nicholson, avec qui on a eu tout le temps des rapports drôles nous a montré ses fesses un jour où on le photographiait sur le port de Saint-Tropez ! Ce que je voudrais dire, c’est qu’il y avait une complicité avec ces gens-là. C’est l’époque de ma vie que j’ai préférée. »

     

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    Sa photo la mieux vendue est celle de Grace de Monaco photographiée à côté de sa voiture sur le parking du Beach, une Rover, au volant de laquelle est décédera quelques semaines plus tard. La photo d’Aristote Onassis en compagnie de La Callas alors que le couple était censé être séparée, Onassis étant marié à Jacky, fit la Une de Paris-Match pour 1 million de francs. Sa plus belle prise ? Sarah Ferguson, l’épouse du prince Andrew, topless au bord d’une piscine dans le sud de la France, aux côtés d’un financier américain John Bryan, qui lui suce les orteils en 1992. Le divorce sera prononcé un an plus tard. Son plus gros ratage : la photo de Lady Diana sur le yacht avec Dodi Al Fayed. Sa femme était sur le point d’accoucher et il a envoyé un collègue italien sur le coup. Ce fut le plus gros coup de toute l’histoire de la photo à sensation : 3 millions d’euros. Le secret le mieux gardé ? Mazarine Mitterand. La rencontre la plus frappante ? Edith Piaf.

     

    Daniel Angeli : « J’étais arrivé en retard pour le rendez-vous shooting. Tous les photographes avaient déjà fait leurs images. J’étais devant le théâtre quand le marie d’Edith Piaf est venu me dire de partir. J’ai expliqué et je ne sais pourquoi, il m’a dit de venir. J’étais un gamin. J’avais à peine 20 ans. Je me suis retrouvé devant la scène, face à Edith Piaf, mon appareil photo à la main. J’étais très timide. Elle m’a regardé et m’a dit sur un ton fâché et agécé :

    • « Qu’est-ce que vous faites-là ? ».
    • J’ai répondu « Je voudrais faire une photo. Est-ce que vous pourriez faire semblant de chanter ? »
    • « Edith Piaf ne fait pas semblant de chanter »

    Elle a fait un signe de la main à ses musiciens. Tout l’orchestre s’est mis à jouer. Elle a chanté quelques notes, j’ai pris deux ou trois photos, elle a arrêté et je suis vite reparti ». Cette photo est unique. Il n’y en a aucune autre sur laquelle on voit Edith Piaf chanter pendant une répétition. »

     

    iCity : A Cannes, vous étiez à la fois le photographe officiel du Festival et paparazzi. Comment gère-t-on cette double casquette ?

     

    Daniel Angeli : « En tant que photographe officiel, on a des infos que le paparazzi peut utiliser. Par exemple, en 1972, j’ai su la date et l’heure d’arrivée de Paul Newman à Cannes. Il venait présenter son film « De l’influence des rayons Gamma sur le comportement des marguerites» dans lequel sa femme (Joanne Woodward) jouait le premier rôle. Je savais qu’il arrivait à 6 heures du matin en train. Il descend du train et je le photographie. J’avais toujours mes instincts de paparazzi. Aujourd’hui j’ai toujours ça dans la peau. Mylène (Demongeot) m’avait donné un rendez vous pour un reportage sur l’île de Porquerolles (où elle réside): au cours du séjour chez elle, elle me demande de l’accompagner au cimetière pour rendre visite à son mari . J’ai choisi de faire les photos au téléobjectif, à la manière des photos volées des paparazzi. La photo a été bien plus belle. »

     

    iCity : Vous racontez dans votre livre que Lennon vous aurait proposé de le photographier assis aux toilettes. Vous avez également photographié les Stones au mariage de Bianca et Jagger en bien mauvais état. Il semble que les stars vous aient laissé les photographier sans pudeur.

     

    Daniel Angeli : « Ce n’est pas de l’impudeur. Vous devez avoir connu les années 1968 pour comprendre. A cette époque soufflait un vent de liberté totale de la part de ces gens là. La proposition de Lennon, c’était un peu pour rire. D’ailleurs je ne l’ai pas faite, l’image. Lennon incarnait la liberté spirituelle. Cette année-là (1978), il présentait deux films à Cannes dont un à « La quinzaine des réalisateurs » qui montrait une mouche posée sur le sexe de sa femme en gros plan. Dans le second film, on voyait un ballon qui s’élevait depuis un parc dans le ciel, puis plus rien , juste le ciel, tout seul, filmé pendant presque un quart d’heure. C’était ça Lennon. Des clins d’oeil. L’anecdote du shooting dans les toilettes, c’était un clin d’oeil. Il a voulu m’embarquer dans l’avion ensuite, mais je n’avais pas un rond sur moi. Lui et Yoko partaient à Gibraltar. J’aurais dû monter quand même, et pourtant j’ai refusé parce que je n’avais pas mon portefeuille. Je le regrette vraiment aujourd’hui. Ces stars, Liz Taylor, Lennon qui constituaient les people connus, ça n’existe plus. Aujourd’hui, on n’a plus que des stars de téléréalité qui sont éphémères, c’est pas le même boulot ni le même contact. Ce que j’ai fait ne serait plus faisable car les stars ne sont plus aussi accessibles: il y a leurs agents et tout un tas de choses qui font barrière. Tout a explosé dans les années 1990. La situation s’est dégradée avec l’arrivée des groupes de presse allemands en France Ca a été la course à l’argent. Les prix ont flambé.On se retrouvait à dix voir à quinze sur un même coup. Il n’y avait plus de limites, les photographes devenaient agressifs .Et la « Star Academy » plus tard n’a fait qu’accentuer le phénomène. Des gamins devenaient des stars pour cinq à six semaines puis disparaissaient. »

     

    iCity : Avez-vous rencontré Serge Gainsbourg ? Je me rappelle cette photo de famille avec Serge, Jane et ses deux filles posant devant un hamac.

     

    Daniel Angeli : « Cette photo a été prise à Gassin, au Mas de Chastelas (un hôtel 5 étoiles de Saint-Tropez). Serge m’avait donné rendez-vous parce qu’on se connaissait. Je l’avais planqué avec Bardot, la seule photo qui existe d’eux d’ailleurs : les deux ensemble, dans la voiture. Il avait son appartement sur les quais, un truc donné par l’Etat avant l’ile Saint Louis, une chambre avec un piano. Je l’ai rencontré à maintes reprises. C’est Rostain qui était très pote avec lui. Gainsbourg est venu faire un jour l’émission de Sébastien sur la 5. Je me suis retrouvé avec lui à ramasser à la cuillère. On a fumé 6 paquets de clopes, on s’est bourré la gueule tous les deux, on s’est raconté des histoires de plateau comme celle de la femme de Le Pen à poil balayant le sol. Une fois que tu étais parti avec lui, tu finissais dans les roses. On a bu du mauvais vin. J’ai été malade. Tout ça parce que Patrick l’a fait attendre sur le plateau. On nous amenait du Côte-du-Rhône. J’ai dormi sur le plateau, je n’ai même pas pu rentrer chez moi. Ce soir-là, on a dû ramener Serge aussi. C’est le seul vrai contact que j’ai eu avec Serge. Je n’ai fait que le croiser.A l’époque de la photo de Saint-Tropez, il tournait un clip. Je lui demande un rendez-vous et il me dit de venir à Saint-Tropez. Là, j’ai fait cette photo avec toute la famille sur un hamac. J’ai des centaines de photos de Serge à une première ou sur un plateau. Mais pas de moments privilégiés ou de photos de paparazzi. Cet homme avait un charisme fou. »

     

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    iCity : Vous êtes dans l’appartement de François Mitterand. Vous le voyez étendu sur son lit de mort. Prenez-vous la photo ?

    (Sortie dans Paris-Match en 1996. Publiée par Roger Théron, patron de l’hebdomadaire. Le mystère demeure encore de savoir qui l’a prise. A lire sur le sujet l’article du Monde : François Mitterrand : le mystère de la dernière photo)

     

    Daniel Angeli : « J‘ai envie de la faire. Oui, je la fais. C »est très difficile de répondre à cette question. La seule photo que je n’ai pas faite, c’est celle du fils de Romy. Il y a un mec qui l’a faite… Une fois qu’on a fait la photo, on peut aussi décider de ne pas la diffuser… On a vu des photos horribles comme celle de Mc Queen sur son lit.

     

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    Je me souviens de l’enterrement d’Eddy Barclay. C’était la fête. Tous ses amis étaient là, Johnny, Carlos. Il y avait Collaro dans le salon qui rigolait. Tous les trois ont enterré Eddy. On a appelé ça «Les obsèques blanches». On m’a assis devant lui sur la table du salon avec une bouteille de très bon bordeaux. Il était étendu et j’ai eu peur de ce truc là. En fait c’était très bien : Eddy maquillé, en costume, j’ai eu une pensée pour lui. Carlos, était mon mailleur ami dans la profession. Puis il y a eu Anconina. »

     

    Le flot de paroles s’écoule, indomptable, ininterrompu, souvent décousu et difficile à suivre. On aimerait faire une pause, approfondir un sujet en particulier, mais impossible. Monsieur Angeli ne se laisse pas couper la parole ou bien se fâche, et il est intarissable. Quand il est parti à parler des anecdotes relatives à sa vie de paparazzi, on ne l’arrête plus. Le téléphone sonne. Elisa nous informe que Daniel a encore deux interview après la nôtre. Celui-ci l’interrompt.« elle attendra un peu. On est bien là. ».Et c’est vrai. On est bien. On fait un voyage dans le temps. La fumée des cigarettes envahit peu à peu la pièce. On ouvre la fenêtre du salon en grand. Charlotte et Elisa sont assises face à moi et dos à la fenêtre. Daniel est à ma gauche et Christophe à ma droite. Je le regarde poser ses questions, lui, le fan absolu de Gainsbourg et de ces années 1960. Nous n’en revenons pas d’être là, assis à écouter toutes ces histoires qu’on nous raconte. Mes yeux balaient les murs, passant d’une photo à une autre, de Lennon à Jagger, de Bardot à Claudia Cardinale ou Liz Taylor. J’imagine les scènes, j’entends les bruits de crépitement des flashs, les appels des photographes, les cris des fans qui réclament un autographe. J’essaie de ressentir l’atmosphère si particulière de ces années-là. 30 années à se cacher, à attendre tapi dans l’ombre, à manger des sandwichs, boire des bières, fumer pour s’occuper les mains et l’esprit. Ces journées entières d’attente interminable avec un matériel de plus de 15 kilos à portée de main. Deux appareils photos à l’époque de l’argentique, quand le numérique n’existait pas encore.

     

    Daniel Angeli : « On avait toujours deux appareils car on shootait beaucoup, on avait peur de rater LA photo parfaite et les pellicules défilaient à toute vitesse. Ce n’est pas comme aujourd’hui avec le numérique. On peut prendre autant de photos qu’on veut. On a des pouces de plusieurs gigas. Mais à l’époque, il fallait deux appareils. En cas de panne ou si la pellicule était finie, on pouvait attraper le second appareil d’urgence. On gardait toujours deux ou trois photos en bout de pellicule « au cas où », il se passerait quelque chose. »

     

    Daniel Angeli, 2010 – 2016 : de la rue au musée.

     

    En 2010, Daniel Angeli publie un livre de photos truffé d’anecdotes, « Vies Privées » (aux Editions Grund), préfacé par Raymond Depardon, dans lequel il revient en détails sur sa carrière. Et puis vient ce projet de fond de dotation. Daniel en est le fondateur.

     

    Daniel Angeli : « J’ai quatre enfants qui sont très proches. Les deux sœurs et les deux frères ne sont pas de la même fratrie mais ils s’entendent merveilleusement. Chacun a un rôle, président, secrétaire, ce qui créé une synergie et apporte un regard innovant de la part des enfants sur mes photos : Charlotte avec la partie artistique, César le fils aîné qui veut assurer la pérennité des images, Caroline qui dirige les expos. Ils ont tous des idées. C’est une force vive pour moi car mes enfants sont très actifs. Il y a une transmission qui se fait. »

     

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    Charlotte : « Si demain on perd notre père, on aura toujours les images qui parleront de lui. La photo de paparazzi est entrée au musée et de ce fait, étant désormais possiblement reconnue comme une œuvre d’art, notre projet était inattaquable. »

    Daniel Angeli : « Nous choisissons une photo. A chaque fois je raconte à Charlotte l’histoire qui entoure cette photo. Elle tient alors compte de cette histoire pour imaginer la façon dont elle va peindre par-dessus.Le but étant de faire une expo. »

     

    Le concept est le suivant : il s’agit d’offrir une seconde vie aux photos prises par le père. Père et fille sélectionnent des photos. Puis la fille prend ses pinceaux et habille la photo de peinture acrylique. Deux projets d’exposition sont en cours : l’une qui aura lieu à Saint-Bath dont le thème est celui des paysages inédits de l’île, l’autre autour des people.

     

    Daniel Angeli : « Ces photos qui ont été vues et revues prennent d’un seul coup une autre ampleur avec ce que ma fille fait dessus. »

    Charlotte : « C’est compliqué de reprendre une photo de papa et de peindre dessus : je ne me vois pas dans dix ans entendre mes enfants me dire « tiens maman je vais prendre une de tes toiles et peindre par-dessus » ! Il faut équilibrer ces deux arts qui se mêlent : l’art et la photo. Il y a un choix très long à faire. Le monde de l’Art est demandeur d’anecdotes et de légendes sur les stars. Cela permet d’offrir une nouvelle vie aux photos de mon père. »

     

    Charlotte nous montre une de ses toiles : sur une photo de Chagall et de sa femme prise par Daniel Angeli, elle a peint des éléments piochés dans les tableaux du célèbre peintre.

     

    Daniel Angeli : « C’est grâce à un coup de chance que j’ai pu prendre cette photo. Je travaillais sur Travolta et j’avais loué un bateau au Cap d’Antibes. J’entends des clapotis autour du bateau et je reconnais le peintre en train de nager autour de mon bateau. J’ai fait deux images. »

    Charlotte : « On a fait un tirage photo noir et blanc à partir d’ un négatif couleur à la base et j’ai encollé cette reproduction sur une plaque de zinc. »

    Daniel Angeli : « Ce sont des photos qui ont une histoire et elle les traite avec son art. »

    Charlotte : « Chagall mettait toujours un oiseau bleu sur ses peintures, alors j’en ai peint un sur la photo. J »ai un peu du culot de faire du Chagall sur du Chagall : il faut considérer ça non pas comme une copie mais comme un clin d’oeil. »

     

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    C’est exactement ça, l’idée du père et de la fille. Raconter l’histoire de la photo à travers la peinture.

     

    Photos de rue par la fenêtre…

     

    La fumée envahit de plus en plus la pièce. Je me lève pour faire une pause. Je me dirige vers la fenêtre ouverte côté salon et me penche pour voir la vue. De l’appartement on voit le haut de la Tour Eiffel et les toits de Paris. Au pied de l’immeuble, un arrêt de bus, une boite aux lettres, un passage-piétons. Au pied de la fenêtre, sur le parquet, le matériel photo de Daniel Angeli. C’est de là que, sur le petit balcon, il photographie la rue et ses passants anonymes.

     

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    Daniel Angeli : « J’ai besoin de faire des images. Je ne suis pas vraiment à la retraite. J’ai été photographe de plateau sur des films. Je fais l’actualité de Mylène Demongeot. Je me suis mis à faire des milliers de photos depuis la rue. J’en ai 10 000 dans mon ordinateur. Je photographie les gens dans la rue. J’ai l’impression de me prendre pour Cartier Bresson, mais avec un œil du 5ème. Ce que je fais là me permet de tuer l’ennui. Je photographie la solitude des gens âgés comme j’en fais un peu partie et des situations drôles quelquefois. Ma recherche est plus dans une confrontation. Il y a un risque, mais si quelqu’un se reconnaît, on retirera la photo. Le monde de l’art est une protection : c’est le cas des photographes de guerre. Ce que je fais est risqué mais ça me passionne. C’est la façon dont s’habillent les gens qui est fascinante. L’arrêt de bus est un truc très drôle car certaines fois on ne voit que les pieds qui dépassent et selon les saisons, les vêtements changent. J’ai un pêcheur qui est passé devant chez moi. En plein quartier de la Défense ! J‘ai fait « Vies privées », maintenant je fais « Vies publiques » : tout en volant des images. Ce que j’aime c’est voler des images. »

     

    19h30. Nous sommes arrivés à 15h00. Plus de quatre heures de partage à discuter comme de vieux amis autour d’un café. Il est temps de dire au-revoir. Nous sommes épuisés mais tellement heureux. On se quitte en s’embrassant, contents d’avoir partagé ce moment exceptionnel, accueillis avec tant de générosité. Daniel est au téléphone en interview. Nous papotons encore un peu sur le pallier avec Charlotte et Elisa que nous remercions du fond du cœur pour tout ce temps accordé à deux parfaits inconnus. Nous nous promettons de nous revoir, de dîner un soir tous ensemble. Nous sommes déjà deux étages plus bas dans l’escalier au tapis moelleux qui recouvre les marches en bois lorsque nous entendons Daniel Angeli nous appeler. Il a raccroché le téléphone. Nous remontons rapidement. « Alors, qu’est-ce que vous avez pensé des toiles de ma fille ? ». Daniel Angeli est photographe certes, mais avant tout un père.

     

    Mini questionnaire de Proust :

     

    iCity : Un endroit sur Terre ?

    Daniel AngeliSaint Bart…

     

    iCity : Le meilleur scoop de ces dernières années ? 

    Daniel AngeliHollande en casque sortant de chez Julie Gayet.

     

    iCity : La valeur la plus importante à vos yeux ?

    Daniel Angeli : Le respect de l’espace privé. Je n’ai jamais shooté quelqu’un chez lui ou un enfant. J’étais tout le temps dans un espace public : la rue, l’eau…

     

     

     

  • L’érection selon Jim

     

     

    Jim est un compagnon de route fidèle d’Instant City. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la lecture de « Une Nuit à Rome » et de « L’Invitation » dont Michael Cohen a tiré un long-métrage qui sortira à la rentrée prochaine. C’est donc avec plaisir et curiosité que nous avons découvert son dernier né : « L’érection ». La bande dessinée est parue le 1er juin 2016 aux éditions Bamboo, dans la collection Grand Angle. Une histoire de couple comme les aime l’auteur, qui retrouve Lounis Chabane au dessin avec lequel il avait déjà co-réalisé les deux tomes de « Héléna ». Le pitch : quelques jours avant Noël, Léa et Florent, la quarantaine, reçoivent un couple d’amis, Alexandra et Jean-Fabrice. Au cours du dîner, ces derniers annoncent leur intention de se séparer. Emue, Léa pose alors sa main sous la table sur la cuisse de Florent et découvre que celui-ci est en pleine érection. S’en suit une nuit de disputes et d’événements inattendus qui feront éclater toutes les vérités…

    Les dessins sont très beaux, la couleur est magnifique, avec ces bleus (qui rappellent la couleur de la pilule), ces vieux roses et parfois ces pointes de rouge qui font relief. Le lecteur se positionne comme un spectateur face à une scène de théâtre. Il assiste à une comédie de boulevard, un vaudeville. Jim s’amuse. Après le titre gentiment provocateur à la manière d’une blague de sale gamin, il joue avec les défis : économie de décors et de personnages, huis-clos, histoire en deux actes. Comme au théâtre. Souvenir d’enfance des soirées familiales le vendredi soir devant le poste de télévision et le rendez-vous incontournable de « Au Théâtre ce Soir ». On a tous en tête les fameux « costumes de Donald Cardwell » et les « décors de Roger Harth ». « L’érection », c’est aussi tout un tas de clins d’oeil placés ça et là : des détails de décors comme le petit robot de Star Wars près de la crèche en Playmobils, des prénoms, des anecdotes dont Jim vous livre le secret. Interview…

     

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    iCity : Bonjour Jim. Comment allez-vous ?

    Jim : Bien ! Mais si la question s’applique à ce jour précis, je dirais que j’enrage car rien n’avance aussi vite que voudrais. J’attends des réponses qui tardent, et ça me rend juste fou… Mais sorti de là, tout va bien ! C’est juste le quotidien d’un impatient…

     

    iCity : Justement, sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

    Jim : Je mélange moments de BD au dessin et écriture de films. Quand on est en phase d’attente de réponses comme en ce moment, on se sent un peu freiné dans son élan… Mais du coup, j’avance la BD, et dès que les réponses tombent, je saute sur mon clavier. Alors qu’en vérité, on aimerait avancer d’un même mouvement, sans la moindre coupure. Mais ces phases d’attente permettent aussi de laisser refroidir le projet pour avoir un peu de recul.

     

    iCity : Trois publications en 2015 : les Tomes 2 de « Un petit livre oublié sur un banc » et de « Héléna », encore avec Lounis Chabane. Puis aussi « De beaux moments ». Comment expliquez-vous cette boulimie de travail ?

    Jim : Les albums prennent du temps à se faire et parfois il y a des effets de cumul. C’étaient des albums sur lesquels je bossais depuis longtemps et de fait, il peut y avoir une légère impression d’embouteillage vu d’un oeil extérieur. J’aime beaucoup avoir une actualité et des livres en librairie, mais il y a aussi des moments où il ne se passe rien. Il m’est arrivé il y a quelques années d’avoir onze nouveautés sorties la même année, mais certaines d’entre elles avaient démarré trois ans plus tôt. Quand on est dessinateur, il faut parfois un an voire un an et demi pour faire un album, plus certains dont je suis seulement au scénario, et parfois on peut avoir une impression curieuse de cumul, ce qui n’est pas le cas.

     

    iCity : Pourquoi publiez-vous chez divers éditeurs (Vent d’ouest, Grand angle, Casterman) ?

    Jim : Ca dépend des projets. En ce moment, je ne suis que chez Grand Angle parce qu’on est bien ensemble, on a les mêmes envies, le dialogue est simple et positif.

    Chez eux, j’ai trouvé une réelle mise en avant du livre, ce qui n’est pas toujours le cas chez tous les éditeurs. « Une Nuit à Rome » a eu du succès aussi grâce à son éditeur. Un album peut être bien ou mal traité. Certains éditeurs, par manque d’ambition, peuvent freiner le développement d’un album, ou au contraire le pousser en avant. Grand Angle croyait dès le départ en « Une Nuit à Rome » et voulait l’aider à trouver son public. Il ne mettait pas de barrages à son expansion : cinéma, édition de luxe, par exemple. Quand on ne trouve par le bon éditeur, on peut être amené à en changer. Pareil si on ne veut pas s’encroûter, car hélas la relation à l’éditeur n’est pas éternelle, on est souvent contraint de tester de nouvelles relations pour se renouveler. Ça permet de changer de mode de fonctionnement et sans doute parfois est-il important de rappeler à un éditeur qu’on peut aussi papillonner ailleurs. C’est de bonne guerre, les éditeurs travaillent avec de nouveaux auteurs en permanence. On n’est pas enfermé l’un avec l’autre. Je suis un auteur médian : pour l’instant, je n’ai pas de souci pour me faire éditer, mais je ne peux pas non plus faire ma star. On ne peut rien imposer à son éditeur. Ce qui fait la différence lors du choix de mon éditeur, c’est l’honnêteté de la relation, la franchise, sa capacité à donner sa chance à un projet, de sentir qu’il sera porté par une réelle envie. Que tout ça se fasse dans le plaisir, simplement !

     

    iCity : A quoi correspond la collection Grand Angle chez Bamboo ?

    Jim : Bamboo était au départ sur de la bande dessinée humour. Ils ont voulu créer une collection, un label pour des albums plus sérieux et plus réalistes.

     

    iCity : C’est votre seconde collaboration avec Lounis Chabane : un choix de votre éditeur ?

    Jim : C’est Lounis qui a apprécié « Une Nuit à Rome » qui avait demandé à l’éditeur si on pouvait travailler ensemble. Il a lu plusieurs scénarii que j’avais écrits et a accroché sur celui d’« Héléna ». On a bossé sur l’album et on a eu envie de continuer notre collaboration. J’aime bien quand celle-ci perdure sur plusieurs albums. On a fait des progrès ensemble et on va plus loin que sur « Héléna ». Je crois qu’on est meilleurs. L’album « L’érection » est mieux dessiné et mieux écrit, même si c’est difficile d’en juger vraiment, en temps qu’auteurs. Mais je nous sens plus efficaces. Il existe une réalité très simple quand on créé une bande dessinée : parfois on est content, un peu ou moyennement de ce qu’on a réalisé, aucun de nous deux ne peut dire si à l’arrivée nous serons satisfaits du résultat final. Il se trouve que là, on est plutôt contents.

     

    iCity : Comment fonctionnez-vous ensemble, lui à Paris et vous à Montpellier ?

    Jim : Oh, ça se fait très naturellement. Je suis très investi dans le découpage : c’est une phase que j’adore. Je fais le story-board et Lounis fait le crayonné. Il me le montre et quand ça nous va à tous les deux, il attaque l’encrage, scanne les planches, les envoie par mail. Il faut être en phase pour travailler ensemble. Lounis est très bosseur et perfectionniste : il sait qu’à chaque fois qu’on pinaille ou retravaille une pose, c’est pour optimiser le résultat à l’arrivée. Il est très investi, on a une relation très franche et perfectionniste. Ca peut être contraignant pour un dessinateur d’avoir quelqu’un qui donne son avis sur les planches. Le fait que je dessine aussi est à la fois un avantage et un inconvénient. Avec nous, ça marche dans les deux sens : Lounis me propose aussi des modifications sur les dialogues quand il veut arranger certaines choses. Ce fut le cas par exemple avec les dialogues entre les jeunes de la fête du dessus. Je supervise aussi les couleurs que fait Delphine au fur et à mesure que l’album avance. Pour aller plus loin, j’aimerais un jour pouvoir faire un album sans rien voir du travail en cours et ne découvrir l’ensemble uniquement qu’une fois imprimé. Je donne mon scénario, le texte que j’ai écrit, l’histoire que j’ai créée et elle m’échappe, elle ne m’appartient plus. Quelques semaines ou mois plus tard, je découvre une œuvre totalement réappropriée. J’aimerais alors être surpris de voir de quelle manière elle a été restituée. Mais ça demande un lâcher prise que je n’ai pas encore, même si je cours après ça ! (Rires).

    Pour l’instant je pense qu’il y a une chose que je sais bien faire et qui imprime un ton à mon histoire, plus que le scénario, je crois que c’est le découpage. J’ai du mal à me priver de ça. On peut vraiment abîmer un scénario ou au contraire le mettre en valeur avec le découpage. Je suis sensible à cette phase-là et j’ai du mal à lâcher là- dessus. Je fais des croquis très rapides de chaque case. Cela me prend environ une à deux heures pour une page de découpage, trouver le bon rythme, la bonne narration. Lounis imagine alors tous les décors, les attitudes, les visages et leurs expressions, les vêtements etc… Il lui faut compter environ trois à quatre jours pour une page. Il faut que tout se tienne et que l’ensemble reste fluide. C’est Delphine, ma femme, qui met ensuite le tout en couleur. Elle n’apparaît pas en première de couverture mais sur la page du titre à l’intérieur, comme tous les coloristes. Il y avait eu des tentatives par le passé pour faire apparaître le nom du coloriste sur la couverture, mais cela n’a pas tenu. Le coloriste est hélas davantage considéré comme un technicien de la couleur que comme un artiste créateur au même titre que le scénariste ou le dessinateur, et il faut se battre parfois contre son éditeur pour qu’il ai un pourcentage de droits sur l’album. D’ailleurs, ce pourcentage, ce sont les auteurs qui le retirent de leur part la plupart du temps. Ce qui est injuste. Le coloriste est trop souvent à part dans le processus alors que c’est ici un travail qui met en valeur dessin et scénario. On y attache tous une vraie importance, et je suis heureux que dans quasiment chaque critique, le soin porté aux ambiances soit souligné.

     

    iCity : Pourquoi faites- vous certaines BD seul, scénario et dessins, et d’autres en collaboration avec un dessinateur ?

    Jim : Si je faisais tout, tout seul, je ne ferais qu’un album tous les deux ans. Ce qui serait un vrai problème car j’ai envie de raconter des histoires tout le temps ! En vérité, ça me plait plus de les écrire que de les dessiner. C’est agréable de donner son texte à un dessinateur et de voir ce qu’il va en faire, d’être surpris de la manière dont il va l’emmener ailleurs. J’ai pris des cours de dessin étant gamin. J’aime ça. Pourtant, je pourrais très bien ne pas du tout dessiner. Ce ne serait pas grave. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est de raconter l’histoire. Tous les jours, je vais noter un petit bout de dialogue alors que je ne dessine pas forcément tous les jours. Certains griffonnent en permanence sur des carnets de dessin. Pour ma part, je dessine uniquement parce que c’est ce qui me permet de raconter mes histoires. C’est un paradoxe. j’aime bien dessiner, c’est agréable mais ce n’est pas ma finalité. Seule exception, mais récente, Marie d’« Une Nuit à Rome » a rencontré du succès. Alors je m’amuse à la dessiner en dehors de sa BD, et c’est un lien intéressant qui m’aide à vivre en dehors de la BD à strictement parler. Je ne sais pas d’où vient cette envie d’écrire des histoires. Ecrire, c’est peut-être une insatisfaction à se contenter de vivre. C’est une envie de faire mieux que ce qu’offre la vie. Je trouve passionnant d’arriver à capturer les gens, à créer des personnages. J’aime faire rire et émouvoir des gens, enfermer des émotions dans un livre et qu’à l’autre bout du pays quelqu’un, chez lui, allongé dans son lit ou sur un coin de canapé, puisse ressentir des émotions fortes. Quel bonheur ! Ca a à voir avec le partage. Je ne supporte pas de voir un film seul : j’ai besoin de le partager. C’est fabuleux de chercher des idées, d’en trouver, de s’étonner soi-même, de ne pas savoir comment le personnage va s’en sortir, comment il va évoluer. J’écris en ne connaissant pas la fin des albums. J’aime trouver le chemin. Pour la dispute de « L’érection », cette longue engueulade qui est le noeud du récit, j’ai ressenti une espèce d’excitation à l’écrire. Sans jeu de mots – érection, excitation, mon dieu… ! – j’étais enfermé dedans, emporté et c’est venu d’un seul jet – le problème des jeux de mots qui viennent sans le vouloir, c’est qu’ils viennent par deux, désolé – d’un coup comme ça, dans le plaisir immédiat. C’est la seule fois où j’ai éprouvé autant de plaisir à écrire. Une idée me vient comme une évidence. Puis j’ai envie de la creuser. Pour « L’érection », j’avais envie de partir d’une situation minimaliste, sans effet, sans besoin d’un tas de décors ni de beaucoup de personnages. J’avais juste envie de m’amuser avec les dialogues, de creuser de ce côté-là.

     

    iCity : Comment vous est venue l’idée de cette « joyeuse dispute » ? Vous dites avoir d’abord eu « envie de ce titre » je vous cite : « C’est un bonheur rare d’avoir dans sa bibliographie un album s’appelant « l’érection ».

    Jim : Oui, au tout départ, j’ai eu l’envie de ce titre. Puis très vite m’est revenue en tête une soirée passée en festival avec un auteur de BD me racontant sa première nuit sexuelle avec renfort médicalisé. Mais s’il n’y avait eu que ça, le titre ne m’aurait pas intéressé. Ce titre m’a juste permis d’avoir un angle particulier d’attaque pour aller plus loin dans l’approche des rapports de couple. Ce qui est intéressant dans le travail d’écriture, c’est de tenir ce sujet-là, l’érection, et de trouver une suite puis une fin à l’histoire qui tiennent la route. C’est ça qui m’amuse. C’est un truc de sale gamin. L’aventure de « L’érection » est partie du désir totalement irrationnel de deux auteurs, et on a essayé de garder ce désir assez pur, cette envie première, de ne pas trop la corrompre avec les avis des autres. J’ai essayé de m’accrocher à une idée qui m’amusait. Il a été longtemps question de changer le titre car cela posait des problèmes de référencement. On a tout entendu sur l’album : que la FNAC, Amazone ne le référenceraient pas, que les ventes seraient catastrophiques, que les libraires ne pourraient pas le mettre en avant, qu’aucune femme n’oserait l’acheter… Il y a eu une sorte de pression pour ne pas que sorte un livre avec ce genre de titre. C’est un pari, on verra bien, il y a aussi ceux que ça amuse… Et puis, on est en 2016, non ?

     

    iCity : A nouveau une adaptation cinéma, comme pour « L’invitation » ?

    Jim : On a en effet signé l’adaptation cinéma de « L’érection ». Le titre de travail du film est « La Surprise » qui est beaucoup plus passe-partout. Je préfère n’en parler que plus tard, quand ça sortira, car les projets cinématographiques sont des projets très très longs. Je bosse le scénario pour des producteurs avec Bernard Jeanjean. Ca prend les 2/3 de mon temps mais je préfère n’en parler que lorsque ce sera du concret, avec des acteurs, un tournage… Je connais trop les aléas de ce métier et je préfère être prudent, mais nous en reparlerons dans quelques temps avec grand plaisir !

     

    iCity : La BD semble se prêter parfaitement au théâtre pourtant…

    Jim : J’aimerais beaucoup que l’on me fasse une proposition pour adapter « L’érection » au théâtre. Cependant, quand on est un auteur de BD comme moi et qu’on se met a écrire pour le cinéma, on a tout un réseau de connaissances à créer et je ne pourrais pas faire les mêmes recherches pour le théâtre. Je n’ai qu’une vie. Si quelqu’un est intéressé par contre et me contacte, quel régal. C’est la première vocation de l’album. Je ne peux être qu’à l’écoute de quelqu’un qui aurait envie de se lancer dans une adaptation…

     

    iCity : Combien de temps cela vous a t-il pris pour écrire le scénario de « L’érection » ?

    Jim : La version texte correspondant aux deux albums a été faite en dix jours. Après, c’est là que le vrai boulot commence, beaucoup de travail de peaufinage, de découpage, préparer les pages en BD, trouver le rythme en BD, mais le texte pur est venu assez facilement. J’étais à fond dans cette engueulade avec ces personnages, j’ai pris beaucoup de plaisir à l’écrire. C’est un super luxe de pouvoir ainsi se consacrer à l’écriture. On est hanté par un sujet et on ne fait plus que ça : écrire. On y pense à table, le soir avant de s’endormir… Je me lève tôt le matin pour retranscrire mes notes. On est complètement habité par les personnages, on ne pense qu’à ça et le but c’est d’avancer dans l’histoire. Je suis à fond dedans, c’est un vrai luxe que j’apprécie énormément. D’un point de vue social, il y a des absences : on est un peu parti avec ses personnages, mais tous ceux qui écrivent connaissent ça !

     

    iCity : Lorsque vous écrivez, est-ce que vous en parlez à votre femme, vos amis ? Est-ce que vous leur faites lire votre travail pour leur demander ce qu’ils en pensent ?

    Jim : Lorsqu’on part sur une idée, il faut que celle-ci nous plaise vraiment car nous allons y travailler durant de longues années. De l’idée de départ, à l’écriture du scénario, en passant par le dessin, la mise en couleur, sur deux tomes, puis le film qui ne sortira que dans deux ans… Quatre, cinq, voire six ans peuvent s’écouler… Il faut donc une idée sur laquelle on va s’accrocher et qui résistera aux avis et aux courants contraires. On a besoin d’avoir la foi pour porter ainsi une idée pendant aussi longtemps. Je parle de mes projets pour les tester, pour voir quel effet ils produisent sur les gens. Rien que de parler d’une idée, je vois de suite à la réaction des gens si elle est bonne ou pas,. Et une idée doit aussi te poursuivre : si l’idée s’envole au bout de deux ou trois jours, si elle ne reste pas accrochée à ton esprit, c’est qu’il ne faut pas la garder. Une vraie bonne idée est tenace.

    Ma femme est très partie prenante dans ce que j’écris, on se connaît tellement bien. Il y a aussi quelques copains : Arnaud, mon ancien agent de cinéma, qui a un très bon regard sur ce que j’écris, avec un avis très pertinent. Il ne laisse rien passer. Quelques copains que j’appelle « Les Chacals » car ils n’aiment jamais rien, il est donc difficile pour moi de les épater, pourtant c’est ce que j’essaie de faire. Je montre également mon travail à des personnes plus neutres, moins professionnelles, davantage « grand public ». Et bien entendu, je le montre à mon éditeur et à mon directeur de collection dont les avis sont primordiaux.

    Je travaille actuellement sur le scénario de « Une Nuit à Rome » Tome 3. J’ai passé la moitié des barrages d’un point de vue écriture, mais seulement la moitié… Je ne suis pas totalement convaincu. Je rebosse et je corrige… Parfois je choisis des personnes au hasard sur mon blog et je leur envoie mon scénario à lire pour voir quelles seront leurs réactions. Si plus de quatre personnes butent sur une même scène, alors je me dis qu’il y a un souci … Mais même si je prends l’avis des autres avant de me lancer, l’écriture reste une dictature car c’est une création personnelle et au final je n’en fais qu’à ma tête sur le texte. L’art n’est pas démocratique, si on commence à écouter chaque avis, on va dans le mur. Sur un projet perso, c’est donc moi qui enlève la décision ultime. Oui, c’est intéressant de prendre des avis, mais à un moment donné, il faut faire ce qu’on sent… et avoir une vraie tête de cochon.

     

    iCity : Est-ce que ça arrive en BD comme au cinéma que des éditeurs, comme des producteurs, vous imposent un point de vue, des coupures ?

    Jim : Ca m’est arrivé en effet : sur une page de « Nuit à Rome », Tome 2. J’ai été gentiment censuré sur une planche jugée trop sexe. L’éditeur a eu le dernier mot. J’ai demandé à être totalement libre sur les Tomes 3 et 4 (dont je ne sais pas s’ils seront très sexuels au final, de toute façon). Sinon, les interventions se passent simplement et touchent principalement la couverture, le titre ou l’approche commerciale, rarement le contenu puisque la décision de faire ou non le projet a déjà été prise en amont. Dans la BD, on est plutôt assez libre de faire ce qu’on souhaite, de s’adresser directement à ses lecteurs, sans barrage.

     

    iCity : Pourquoi avoir situé l’histoire en pleine période de Noël ? Un moment idéal pour une bonne engueulade ?

    Jim : Parce que c’était très visuel. J’aimais bien ce côté « enfermé à cause du froid dehors » alors que c’est bouillant à l’intérieur. Il y a quelque chose d’anachronique d’être en érection tandis qu’il fait froid. Ce fut intuitif, pas du tout raisonné. C’est souvent le cas d’ailleurs, et après coup, on peut trouver plein de raisons justifiants les choix instinctifs… Mais en l’occurrence, ils sont dans l’hiver de leur sexualité, et Florent essaie de passer une nuit brûlante.

     

    iCity : Avez-vous eu recours à l’aide ou à l’avis d’une femme, la vôtre par exemple, pour écrire les propos tenus par Léa ?

    Jim : En réalité, non, je ne crois pas. J’ai des personnages-femmes assez masculins et inversement. Je ne fait pas de distinguo, je ne les découpe pas comme ça. J’essaie de ne pas le penser comme ça non plus. J’ai pris l’avis de lectrices mais les critiques revenaient sur l’aspect hystérique de la femme, qui peut encore gêner, et je le comprends. mais avant tout, c’est une farce, une comédie. C’est tout l’avantage quand on passe d’un média à l’autre : on peut s’écouter, suivre notre voie jusqu’au bout sans tenir compte des avis de tout le monde.

     

    iCity : Léa est brune, Alexandra est blonde : y a t-il un sens derrière ce choix ?

    Jim : Non, c’était juste pratique pour distinguer les personnages. On avait fait une héroïne blonde dans « Héléna » avec Lounis, on s’est dit qu’on allait changer, c’est aussi simple que ça. D’instinct, selon le cliché, la blonde est plus écervelée, et comme ça en une case, le lecteur sait tout de suite de quelle manière elle va se comporter, quel type de personnage elle va être… quitte à surprendre au final ?

     

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    iCity : Une érection, ça fait plutôt marrer, non ? Pourquoi est-ce que Léa s’emballe comme ça jusqu’à même parler de « trahison ». Ce ne serait pas un peu exagéré ? Sa mauvaise humeur latente n’est-elle pas due en fait à sa contrariété de vieillir ?

    Jim : On ne peut s’empêcher de penser que si Léa fait tant d’histoires pour si peu, c’est parce qu’elle cache une culpabilité. On dirait qu’elle provoque volontairement cette dispute… qu’elle a besoin d’entrer en affrontement. En réalité, elle affronte sans doute plus le temps qui passe et l’inéluctable, c’est contre ça qu’elle est en colère…

     

    iCity : Pourquoi est-ce que Florent ne lui dit pas tout de suite la vérité ? Le viagra, ça peut être un joke assez fun « pour essayer » et se marrer un peu ?

    Jim : Il a un peu honte : il voulait montrer qu’il était en forme, qu’il assurait. Je pense qu’il ne l’aurait pas forcément dit. Je ne sais pas en fait, s’il l’aurait avoué à Léa ou non… Ce qui est sûr, c’est qu’il ne pensait absolument pas que cela finirait en dispute ! Il avait vu ça comme un plan un peu improvisé. Et puis ça a mal tourné…

     

    iCity : Vos personnages ont tous des failles. Vous ne racontez pas une histoire, mais des caractères, des personnalités, des humeurs, des périodes de bon ou de mauvais moral. Les histoires semblent secondaires. Elles semblent n’être là que pour planter un décor aux tempéraments et aux humeurs des personnages…

    Jim : Mes histoires sont des puzzles : je pars de petits bouts de dialogues, d’anecdotes, de notes que j’ai prises et j’essaie de les assembler de manière cohérente. J’essaie de raccommoder entre elles des idées qui paraissent bonnes. Il est vrai que je décris un peu toujours le même personnage masculin. Celui-ci est une sorte d’alter-égo. Il vit des histoires différentes au fil des albums et vieillit tout comme je vieillis. Il évolue, comme moi, au fil de la vie. J’aime raconter des choses proches de la vie des gens, à hauteur d’homme. Cela me fait penser au film avec Hippolyte Girardet, « Un Monde sans Pitié ». Il subit la vie. Il aimerait que tout soit merveilleux mais se cogne à chaque fois à la réalité. Florent avait imaginé une nuit géniale grâce à son subterfuge et la réalité est toute autre, ça tourne à la catastrophe. Pour les prénoms de mes personnages, j’aime piocher parmi ceux de mes amis : ce sont les prénoms de personnes de mon entourage que je connais bien… et qui se reconnaîtront… Des jokes persos !

     

    iCity : Léa a des mots très durs pour Alexandra : une femme parle vraiment comme ça de sa copine pour qui elle a, dites-vous, « une vraie tendresse » ?

    Jim : C’est pour une comédie. Je trouve amusant de voir Léa, bobo, un peu bourge, se mettre à cracher son venin à la moindre petite occasion. Ce contraste est comique. C’est un code qui renvoie au théâtre. C’était aussi un défi : je ne voulais pas faire une BD mettant en scène un couple de bourgeois dans un appartement chic. Je voulais faire ressortir des contrastes : c’est pourquoi il y a autant de tableaux rocks accrochés aux murs de cet appartement ancien, par exemple. Il y a aussi un contraste entre ce qu’ils laissent paraître à l’extérieur et ce qu’ils sont vraiment à l’intérieur. Florent a une érection mais au fond il manque de confiance en lui et a eu besoin de tricher. Léa semble sûre d’elle et vocifère, mais au fond, elle a peur de vieillir et de ne plus être désirable. Petit à petit, ça m’intéresse de voir « tomber les masques ».

     

    iCity : Pensez-vous comme Florent que « Toutes les femmes sont des hystériques » ?

    Jim : Du tout, ce n’est d’ailleurs même pas lui qui le dit, mais Léa qui l’accuse de penser ça. Je voulais jouer avec l’excès. J’ai deux points de départ : le titre, et l’envie de déplacer le curseur de l’engueulade, d’explorer cette facette du couple. Donc, à partir de là, je cherche comment et pourquoi une érection dans un couple pourrait donner lieu à une forte dispute : parce qu’elle n’est pas naturelle ! Ce que j’aime aussi, c’est me lancer des défis. Ici le challenge, c’est de tenir deux albums dans un seul appartement. C’est une contrainte difficile mais c’est cela qui m’amuse. Florent est la victime : il est faible et gêné alors qu’il devrait être un conquérant en érection, un héros. Léa elle, est la conquérante alors qu’elle aurait dû être la victime du désir sexuel de son mari. Je trouve ce renversement de situation comique. C’est la femme qui domine malgré l’érection de son mari.

     

    iCity : Ainsi les hommes penseraient à offrir ce genre de cadeau à leur femme ?

    Jim : L’un de mes très bons amis s’est inscrit sur Meetic après sa séparation d’avec sa femme. Il manquait de confiance en lui et s’est mis au viagra. Dans « L’érection », cette anecdote de départ tient vraiment à cela : un manque de confiance en soi de la part de Florent.

     

    iCity : Léa s’ennuie, dirait-on, dans cet appartement, dans son couple, dans sa vie : on dirait qu’elle reporte cette frustration sur Florent.

    Jim : Une partie de l’histoire parle de la volonté d’être désirée encore et l’érection est le symbole de ce désir. Léa se rend compte que cette érection n’est pas naturelle. Elle en conclut que son mari ne la désire plus. L’excuse de la prise d’une aide médicamenteuse au départ sert à appuyer sur cette faille-là.

     

    iCity : L‘histoire de la bonne vieille réconciliation sur l’oreiller : les hommes ne doutent de rien, on dirait…

    Jim : C’est mécanique, c’est assez masculin…

     

    iCity : On dirait qu’il y a un petit souci avec la place du sapin à travers les cases…

    Jim : J’avoue, je ne me soucie guère de ces préoccupations au découpage. Je privilégie l’esthétique et surtout l’efficacité de la mise en scène, sans tenir compte du plan de l’appartement. Je privilégie le déplacement des personnages et je rajoute un sapin de Noël où il me semble que ce sera le plus joli. Aviez-vous remarqué la place de ce sapin en première lecture ?

     

    iCity : Non, en effet. J’en ai eu la curiosité en lisant le commentaire de Lounis en épilogue.

    Jim : C’est exactement ça. Je ne m’en tiens qu’à cette première lecture parce que je fais ce que je trouve le plus efficace pour être happé par le récit, la logique des décors viendra après. Je préfère privilégier celle du sentiment des personnages. Je suis par contre très attaché à la compréhension du texte et de l’histoire : ceux-ci doivent être fluides et s’imposer comme une évidence. Je ne supporte pas que le lecteur soit obligé de relire une page parce qu’il a perdu le fil de l’intrigue. Je n’aime pas qu’une queue de bulle soit mal placée et gêne la lisibilité du dessin. Parfois il faut tricher sur certaines choses, comme des éléments du décor, pour rendre l’ensemble plus efficace et compréhensible.

     

    iCity : Il y a une dédicace toute petite en fin de livre qui passe presque inaperçue « à Philippe L. ». Pourquoi ne pas l’avoir mise en début de livre ?

    Jim : Oh, c’est un petit clin d’oeil perso adressé à une seule personne… En matière d’érection, restons discret.

     

    iCity : Apres « L’érection », quelle sera votre prochaine « bêtise de potache » ?

    Jim : Des albums plus matures… des titres un peu plus sérieux, je crois. « L’érection » sera-t-il mon dernier coup d’éclat en matière de gaminerie ? Je ne sais pas. Cinquante ans, que diable, n’y a t-il pas obligation à acquérir une certaine respectabilité ? Je pose la question… !

     

    iCity : Etes-vous satisfait des retours suite à la sortie de « L’érection » : de la part des lecteurs et en matière de ventes ?

    Jim : Pour ce qui est des ventes, aucune idée… Les retours des lecteurs sont très emballants, pas de souci là-dessus. J’ai même eu une lectrice hier qui m’a avoué avoir été toute émoustillée à la lecture… Je n’avais pas pensé un seul instant que cette phrase puisse aussi avoir un effet sur la libido ! Les joies de ce métier, vraiment…

     

    iCity : Vieillir, c’est pour l’homme avoir peur de ne plus bander et pour la femme celle de ne plus être désirée ?

    Jim : Ne plus être désirée et ne plus bander, ce sont les deux mêmes croix, mais je pense qu’il y en a bien d’autres. Vieillir, c’est surtout la peur que le temps qui reste soit moins amusant que le temps passé. Alors qu’on ne veut qu’une chose, au fond, dans ce monde trop grave : s’amuser…

    Merci à vous pour ce long entretien !

     

     

     

     

     

    « L’érection »

    Scénario de Jim & Dessins de Lounis Chabane

    Livre 1 (48 pages, 16,90 euros)

     

     

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  • Interview Exclusive | Michael Cohen

     

     

    Acteur, réalisateur et écrivain, né en 1970, étudiant au Cours Florent dès l’âge de 15 ans, Michael Cohen débute aux côtés de Francis Huster en 1992 au Théâtre Antoine, dans une pièce dédiée au compositeur Gustave Mahler : « Putzi ». Nommé aux Molière de la « révélation masculine » en 2016, il compte à son actif plus de 50 films, téléfilms ou séries tournés, huit pièces de théâtre et cela en 25 ans de carrière, ce qui témoigne d’un artiste très prolixe. C’est en 2010 qu’il réalise son premier long métrage : « Ca commence par la fin » dans lequel il joue le rôle principal, celui de Jean, qui vit une passion dévorante et destructrice avec Gabrielle, jouée par Emmanuelle Béart.

    Mais Michel Cohen n’est pas qu’un comédien, un réalisateur ou un acteur, c’est aussi un dramaturge talentueux, auteur de trois pièces : « Les abîmés » (1999), l’histoire de quatre jeunes gens abîmés, prêts à ré-apprendre et à aimer, « Le soleil est rare et le bonheur aussi » (1999), l’histoire d’un jeune couple qui vit ensemble depuis un an ou deux, mais dont chacun  malgré tout garde en lui un secret que l’autre ignore, et « Le sacrifice du cheval » (2013), sur une génération perdue et la difficulté d’aimer. En 2013, Michael Cohen publie son deuxième roman aux Editions Julliard : « Un livre », l’histoire de Thomas Milho qui découvre un matin que son ex-compagne a écrit un livre sur leur histoire. Disponible et chaleureux, il a accepté de répondre à quelques questions pour Instant City, à l’occasion de la sortie de son dernier film, « L’invitation », librement inspiré de la bande dessinée éponyme de JIM et Dominique Mermoux, parue en 2010 (Editions Vents d’Ouest).

     

    INTERVIEW

     

    IC : A 15 ans, vous vous êtes inscrit au Cours Florent ?

    Michael Cohen : J’ai rencontré quelqu’un qui allait aux cours tous les mercredis et qui m’a proposé d’y aller, ce que j’ai fait. A partir de là, j’ai assisté à tous les cours, pas seulement ceux du mercredi réservés aux étudiants. Je me suis mis à lire Tchékov, Molière, Corneille. J’ai lu et appris énormément de choses à travers les grands auteurs de théâtre. Etre comédien a été pour moi comme une vocation. Pourtant je n’étais pas dans une famille d’artistes et rien ne me prédestinait à ça. Personne ne pouvait imaginer que j’allais faire ce métier car je n’avais pas le profil pour. Dès l’âge de 10 ou 12 ans j’allais beaucoup au cinéma tout seul. Je me souviens avoir vu « Il était une fois en Amérique» ou « Le Père-Noël est une ordure ». J’aimais particulièrement Romy Schneider et Catherine Deneuve, deux actrices qui m’ont marqué très tôt. Je suis tombé amoureux des actrices. J’ai d’ailleurs par la suite  joué le fils de Catherine Deneuve dans «Le héros de la famille». C’était très émouvant. C’est une actrice qui se remet sans cesse en question, qui a le trac comme nous, qui a envie de bien faire. De fait on est face à elle comme face à une vraie partenaire et non face à une star. Je me disais :  « c’est incroyable ! »

     

    IC : Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?

    Michael Cohen : J’en garde le souvenir d’une époque magique, magnifique. J’ai fait des rencontres formidables, des amis que j’ai gardés. J’ai vécu des émotions incroyables : c’était un peu comme si tout s’ouvrait en moi, comme une seconde naissance. J’étais au bon endroit, exactement là où je devais être.

     

    IC : Quel est la plus forte impression que vous gardez de Francis Huster ?

    Michael Cohen : Je le croisais quand il donnait des cours magistraux auxquels on pouvait assister. J’ai eu la chance qu’il m’engage au théâtre Antoine à 19 ans pour la pièce « Putzi ». Il m’a mis le pied à l’étrier. C’est un metteur-en-scène et un professeur assez génial qui encourage à prendre des risques et à chercher une forme de liberté en permanence. C’est quelqu’un qui s’associe à une vraie folie douce dans la vie en général et dans ce métier. Avec des excès, de la flamboyance et du panache.

     

    IC : Pour quelle raison un comédien se met-il à écrire des pièces de théâtre ?

    Michael Cohen : Pour les mêmes raisons que je suis entré au cours Florent :  il y a beaucoup d’acteurs et je me suis dit « Pourquoi moi ? Il ne faut pas que j’attende qu’on vienne me chercher, il faut que j’écrive mes pièces ». J’ai commencé à écrire par nécessité avec l’envie de prouver quelque chose, de montrer ce que j’avais dans le ventre. Très vite j’ai eu l’impression que j’arrivais à raconter une histoire et des émotions qui m’étaient propres et que je pouvais en faire un spectacle.

     

    IC : Quels sont les thèmes qui vous sont chers ?

    Michael Cohen : Je parle un peu toujours du même thème : le couple, la vie à deux et le rapport à l’autre en amour,  ce que cela provoque, ce que ça construit, ce que ça détruit, comment on trouve une place dans son histoire d’amour et comment on se répare de notre enfance. La pièce « Les abîmés » que j’ai écrite,  parle  des jeunes adultes qui essaient de se réparer de leur enfance parce qu’on ne leur a  pas donné les armes pour s’aimer et pour aimer les autres. On apprend a faire beaucoup de choses dans la vie, mais on n’apprend pas à aimer les gens et à trouver sa place dans la vie à deux. Or, l’amour adulte vient de ce que nous avons vécu enfant, de ce que nous avons vu autour de nous, de notre expérience personnelle.

    Mon premier film, « Ca commence par la fin », est une conséquence plus extrême de l’amour racontée avec l’ironie du désespoir. Le tournage a été  éprouvant mais il fallait en passer par là. Je n’aurais pas pu  faire ce film  avec quelqu’un d’autre, quelqu’un avec qui je ne vivais pas car je voulais parler de cette intimité là dans le couple. La douleur devient une drogue, on est perdu on ne sait plus où on est. Jean, le personnage dans le film,  n’arrive pas a arrêter cette relation passionnelle parce que tout lui manque chez Gabrielle :  sa peau, son odeur et même la douleur qu’elle provoque chez lui. Quand on vit ce genre d’amour passion  on ne s’en rend pas compte. C’est un film brut et réel, fort et marquant. Soit le spectateur n’a jamais vécu ça et il passe à côté du film, soit il a vécu une histoire similaire et cela suscite des sensations fortes. Il m’est arrivé que des gens dans la rue m’en parlent et me disent merci pour avoir su retranscrire à l’écran ce qu’ils avaient vécu dans leur vie.

     

    IC : Pour quelle raison un acteur se met-il à réaliser des films ?

    Michael Cohen : Il y a l’envie au départ de ne pas attendre qu’on vienne vous chercher pour travailler. Mais il y a aussi le désir de raconter des histoires, de témoigner de certaines choses au sujet de la société dans laquelle je vis, du monde dans lequel je vis. Quand un comédien ne travaille pas pendant 2 ou 3 mois, il est en attente, souvent il a peur de ce qui va se passer « après » : Est-ce que ça va revenir ? On n’est jamais rassuré, à n’importe quel niveau qu’on soit, célèbre ou pas. Et s’il n’y a rien ?  Si on ne me rappelle pas ? On vit, on travaille, on existe à partir du désir de quelqu’un d’autre. Quand on fait ce métier, on doit accepter de n’être jamais serein, de vivre dans l’angoisse. C’est le prix à payer pour vivre de notre passion. On a cette chance de faire un métier qu’on a choisi, qu’on aime et ce malgré l’angoisse du lendemain. Pour ma part, je me mets à écrire. A la question « que feriez-vous si ça devait s’arrêter ? » je n’ai pas de réponse, donc je continue !

     

    IC : Parmi toutes vos casquettes (écrivain, dramaturge, réalisateur, acteur, comédien), avez-vous une petite préférence ou bien est-ce justement l’éclectisme qui vous plait ?

    Michael Cohen : C’est une question à laquelle je n’arrive jamais à répondre. A la base, mon premier désir était de devenir comédien. De là se sont rajoutées les différentes casquettes que je n’arriverais pas à dissocier.  Je ne fais pas de différence entre le théâtre et le cinéma.

     

    IC : « L’Invitation » est votre 2ème réalisation au cinéma ? Après un premier film, est-ce plus facile de monter un projet, de trouver un producteur, des financements, des distributeurs ?

    Michael Cohen : Pour les producteurs, oui. Mais pas pour les financements.  C’est très difficile. « L’invitation » est une comédie sur l’amitié, donc c’est un peu plus facile que pour mon premier film dont l’histoire était compliquée, c’est un peu plus calibré. Le sujet est assez fort avec un point de départ qui résonne chez beaucoup de gens et un budget relativement petit. Mais cela reste malgré tout extrêmement compliqué de financer les films en général. Beaucoup de films aujourd’hui s’arrêtent en cours de production à cause de cela. On a mis 2 ans à monter le film. Trouver l’argent, trouver des gens pour investir nécessite de faire des concessions comme ré-écrire certaines choses par exemple quand on vous dit :  « cette scène est trop bavarde » ou « il manque telle ou telle chose ». Cependant on ne m’a rien imposé. Pour faciliter les financements, j’avais aussi d’abord pensé à des  acteurs têtes d’affiche. Je n’aurais pas pu monter le film avec des inconnus mais il y a eu plusieurs refus. Alors j’ai pensé à Nicolas. Et là, tout est devenu tellement évident ! Dès que l’idée m’est venue, je n’ai cessé de me dire que ce rôle était pour lui. Il m’a d’ailleurs dit la même chose après la lecture du scénario : « c’est incroyable, ce rôle est fait pour moi ! ». Il se l’est un peu réapproprié, il a ré-écrit des choses. Il y a une adéquation, une communion entre nous sur ce projet.

     

    IC : Qu’est-ce qui a été plus facile du fait d’être « déjà passé par là » dans la réalisation du projet tout entier ?

    Michael Cohen : La seconde fois, je suis plus fort de l’expérience de la première fois mais il y a toujours des problèmes qu’on n’a pas anticipés. C’est comme gravir une montagne qui paraît insurmontable : une fois au sommet on se dit « voilà, on l’a fait ! ». c’est une expérience passionnante mais très compliquée. La phase la plus dure est la recherche de financement. Sur le moment on se décourage beaucoup, il y  a de nombreuses  remises en question. On ne sait jamais si on a raison ou si ce sont les autres qui ont raison. Une fois que le scénario est validé, on passe enfin à autre chose, à l’artistique et au concret.

     

    IC : Avez-vous été influencé par les critiques faites pour « Ca commence par la fin » ?

    Michael Cohen : je n’y ai pas pensé. Quand on fait les choses, quand on construit un nouveau projet, un nouveau film, l’objectif est de raconter une histoire du mieux possible. Inconsciemment, les choses que j’ai entendues sont restées en moi sans doute. Ce deuxième film est dans la continuité du premier, assez nerveux avec une énergie assez forte, il y a un vrai fil rouge entre les deux films. Pour le coup c’est mieux maîtrisé et l’expérience du premier m’a donné plus de savoir faire. Il y a une cohérence je trouve entre les deux films. En même temps, « L’invitation » est un film plus ouvert car l’amitié est un thème qui touche tout le monde, avec une relation qui a des hauts et des bas, avec des non-dits. Ce film est moins clivant que le premier.

     

    IC : Est-ce que vous retrouvez la même équipe technique de production ?

    Michael Cohen : Quelques uns mais beaucoup  n’étaient pas libres étant sur d’autres projets. C’est moitié/ moitié.

     

    IC : Comment êtes-vous tombé sur la BD de Jim ?

    Michael Cohen : On me l’a donnée à lire après la sortie de mon premier film. Ca a été un coup de foudre. J’ai eu envie tout de suite d’aller vers ce projet. J’ai même halluciné de voir que personne avant moi ne s’y était intéressé et  de pouvoir avoir les droits.J’ai rencontré Jim, je lui ai dit ce que je voulais faire. Jim est quelqu’un de curieux, ouvert, partant pour de nouvelles aventures. Je lui ai promis que je ne  gâcherai pas son travail. Quand il vend ses droits,  un auteur n’a plus de droit de regard sur l’oeuvre finale normalement, mais je lui ai toujours fait lire le scénario et il m’a donné chaque fois un retour très intelligent et très fin. Je n’étais pas tenu de le faire contractuellement, mais c’était un collaborateur avec un œil précis et des notes intéressantes.

     

    IC : Avez-vous hésité entre le rôle de Léo et celui de Raphaël ?

    Michael Cohen : Oui, tout à fait. Au début je cherchais des acteurs pour jouer le rôle de Raphaël et je pensais jouer celui de Léo et en pensant à Nicolas je me suis rendu compte que je me trompais complètement et qu’il serait un formidable Léo. Il a dit en lisant le scénario :  « Léo c’est moi » .

     

    IC : Auriez-vous une anecdote à nous raconter qui caractériserait un peu l’atmosphère sur le tournage ?

    Michael Cohen : On a tourné pendant 10 jours de nuit sur le bord d’une route en banlieue tout au début du tournage ce qui a créé  une certaine atmosphère dès le départ, un peu comme si on partait loin tous ensemble. Nous étions dans une bulle assez étrange et du coup on alternait moments d’euphorie et moments de fatigue comme si notre horloge interne avait changé de rythme. Cette sensation se retrouve dans le film. On a l’impression d’être dans un monde un peu à part. Le montage a été une autre étape de travail : j’ai redécouvert  le film. Je me suis posé en voyant les images et j’étais content. Je me disais qu’on avait réussi un pari assez fou de faire ce film, de parler de l’intime, de l’amitié, en essayant d’être un peu universel. J’aime parler de l’intimité dans l’universel, toucher à la part intime qu’on a tous et qui nous relie tous les uns avec les autres.

     

    IC : Parlez-nous de la BO du film.

    Michael Cohen : Il y a beaucoup de musiques existantes des années 90, du Gainsbourg, Balthazar, et une musique originale de Alexis Rault. La musique est ce qui coûte le plus cher dans un film.

     

    IC : « Le soleil est rare et le bonheur aussi » ce sont des paroles d’une chanson de Serge Gainsbourg : « Valse de Melody ». « L’amour s’égare au long de la vie – Le soleil est rare et le bonheur aussi – Mais tout bouge – Au bras de Melody »

    Michael Cohen : C’est quelqu’un qui a beaucoup compté dans ma vie artistique et dans ma vie tout court par ses chansons, ses films, ce qu’il était, son œuvre. Je l’ai rencontré très jeune et j’avais 20 ans quand il est mort. C’est quelque chose dont je me souviens très bien. Son style, ses chansons, son cynisme, sa clairvoyance sur la vie, sur les femmes, son ironie, comme un papa imaginaire avec sa folie, ses excès, sa façon de narguer un peu la vie, en flamboyance, avec du panache. Le personnage de l’invitation est un peu emprunt de ça, un petit côté « gainsbourien », cette impertinence avec un grand cœur. Le personnage de Léo avait déjà ce côté dans la BD et je l’ai amené plus loin dans cette direction. Un personnage aussi insupportable qu’attachant avec des répliques assez cinglantes. Même quand il « casse » son pote c’est avec tendresse et c’est pour lui dire, lui faire comprendre quelque chose, ce n’est jamais gratuit. A un moment de l’histoire, Léo doit réveiller ses amis et surtout son ami Raphaël en pleine nuit, à 3h du matin, pour lui demander de venir le chercher sur une route de campagne parce qu’il est en panne. Au début ça peut passer pour une blague de connard mais on se rend compte que Léo va faire beaucoup de bien à son meilleur ami.

     

    IC : Parlez-nous de Raphaël que vous jouez.

    Michael Cohen : Raphaël est un personnage auquel il est plus facile de s’identifier. Il n’est ni brillant, ni vraiment drôle, mais pas non plus le contraire. Il y a une forme de lâcheté dans sa vie sentimentale, il ne trouve pas sa place et c’est ça qui est touchant. Du coup il s’est renfermé intérieurement, s’est endormi, a perdu une forme de flamboyance dans sa vie. Il a besoin d’être réveillé. On peut tous passer par cette phase là :  un jour, on baisse la garde et on cesse de se battre pour se réveiller parce que la vie peut nous endormir, nous fatiguer, on peut être découragé. Raphaël ne s’en rend même pas compte, « il regarde passer les trains » comme dit sa compagne Hélène. Leo l’appelle en pleine nuit et le réveille concrètement et symboliquement.  Ca va être violent et ça va lui faire du bien. Raphaël refuse ce « test de l’amitié » , il le prend très mal. Il se cabre d’avoir été testé d’une part et d’autre part de ne pas être « le seul et l’unique » ami car Léo a appelé plusieurs amis ce soir-là afin de voir « qui » allait venir, et « qui » était un « vrai » ami. Raphaëll cherche sa place et n’arrive pas à dire les mots rassurants  qu’attend sa compagne Hélène. C’est quelqu’un qui après avoir été bousculé va retrouver son énergie interne, sa lumière. Les gens perdent un peu de cette lumière au fur et et à mesure que la vie avance, à cause des épreuves que nous traversons.

     

    IC : Est-ce vous qui avez choisi votre meilleur ami ou est-ce lui qui vous a choisi ?

    Michael Cohen : On s’est choisi tous les deux. On s’est rencontré quand j’étais à l’école parce qu’on séchait les cours sans se connaître et on se retrouvait dans les mêmes salles de cinéma pour aller voir des films. On avait la même passion pour le cinéma.

     

    IC : Quel est votre endroit préféré sur Terre ?

    Michael Cohen : Je suis un amoureux de Paris. J’adore cette ville, la plus jolie. Elle m’inspire car  on y découvre toujours des choses. J’adore la filmer, la regarder. Pourtant je suis né et j’ai grandi en banlieue mais je me sens très parisien. J’adore voyager, j’adore partir mais j’adore aussi revenir. J’aime beaucoup l’Italie pour sa nourriture et l’art.

     

    IC : Quel est la valeur qui a le plus d’importance à vos yeux ?

    Michael Cohen : La justice, être juste. Si mon fils pouvait me dire « tu as fait des erreurs mais tu as été juste » ce serait formidable.

     

     

    Bande Annonce « Ca commence par la fin » :

    [youtube id= »wpl4lTtMVmw » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Serge Gainsbourg : « Valse de Mélody » :

    [youtube id= »CEg_ek-Nnww » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

     

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  • Jim : Interview Exclusive | Les coulisses de la création

     

     

    Jim (de son vrai nom Thierry Terrasson) est un auteur de BD qu’on n’a plus besoin de présenter : 120 albums, 1,5 million d’exemplaires vendus, du théâtre, des courts-métrages, et un rêve, le cinéma. Parce que Jim nous fait rêver, nous avons voulu à notre tour nous intéresser à ses rêves.

     

    IC : Vous avez déclaré « rêver de cinéma depuis vos 18 ans » (interview « My little discoveries » – Mars 2013). Qu’est-ce qui vous attire dans le 7ème Art que vous ne retrouvez pas dans le 9ème ?

    Thierry Terrasson : Le monde de la BD et celui du cinéma sont différents : faire de la BD reste un travail solitaire. Parfois on est deux, trois, mais on jouit d’une liberté totale de création. Je peux imaginer un personnage, dire une phrase d’une certaine façon, le dessiner comme j’en ai envie, découper le texte comme il me semble et raconter ce qui me chante. Je peux jouer avec tous les éléments mis à ma disposition pour évoquer des choses, les faire ressentir ou créer un mouvement, et cela juste d’un coup de crayon. Ce sont les possibilités infinies que nous offre la BD.

    L’une des qualités du cinéma qui m’attire, c’est le travail en équipe. On se retrouve soudain plusieurs à projeter notre ressenti, nos idées sur le film. Chacun, selon sa compétence (réalisateur, metteur en scène, scénariste, responsable photo, acteurs…). Un acteur apportera au texte de la finesse, une certaine intensité, un sous-texte, autant de choses qui vont agrémenter la simple idée de départ. De la même façon, le lieu influe sur les idées qu’on avait, c’est pour cette raison que j’essaie de ne pas trop dessiner de story-boards. Ce sont souvent les plans les moins intéressants car les plus calculés. Je préfère les surprises, les accidents qui  donnent la sensation d’attraper la vie au vol.

     

    IC : Vous avez participé aux scénarios de sept courts-métrages : Comment se sont créées à chaque fois les rencontres et les opportunités ?

    Thierry Terrasson : Parfois, des gens sonnent à ma porte, mais la plupart du temps, c’est une envie très instinctive au démarrage, et je cherche alors qui le projet peut intéresser. Souvent en allant chercher dans mes connaissances, parfois en découvrant de nouvelles personnes. On parle là d’une majorité de courts métrages joyeusement amateurs. Seuls les tout derniers prennent un tournant plus professionnel. Je ne fais plus tout, tout seul, ou avec quelques copains. Mon dernier court-métrage, « Vous êtes très jolie, mademoiselle » a été réalisé en faisant appel à des professionnels. Ce n’est plus moi qui tiens la caméra, ce qui est une étape décisive : il s’agit de passer le relais à quelqu’un de calé en photo, en cadrage, qui saura faire bien mieux que ce qu’on ferait, et lui faire confiance ! Chacun son métier.

     

    IC : En 1986, vous réalisiez votre premier court métrage «Chipie St Jill». Quel était le pitch ? Quels étaient vos moyens ? 

    Thierry Terrasson : Les moyens ? Illimités ! (rires) En fait, «  Chipie St Jill » est mon tout premier court métrage, co-réalisé avec mon frère Philippe : il avait 17 ans et moi 19, on parle donc ici d’une histoire de gamins ! Le Crédit Agricole nous avait soutenus dans notre projet en nous faisant un don de 13 000 francs (2 000 euros). Le court parlait d’admiration, de la manière qu’a chacun d’admirer quelqu’un d’autre. On y sentait à plein nez les influences de « 37°2 le matin » et de « La lune dans le caniveau », deux film de Jean-Jacques Beineix. Nos moyens étaient très limités. Comme nous étions inscrits à un club photo et vidéo, un professionnel rencontré là-bas nous avait gracieusement prêté sa caméra et nous avons tourné en 16mm pendant les six mois qu’a duré le tournage. On a très vite réalisé qu’on pouvait faire des miracles à notre petit niveau. Je me souviens d’une anecdote : la scène se déroule sur un quai où sont amarrés des paquebots, dans le port de La Rochelle. Une DS devait être déchargée d’un des paquebots. Facile à écrire, ça prend deux minutes sur un coin de table, mais à tourner ? En discutant avec des hommes sur le chantier naval, contre un petit billet, ils ont accepté de monter et descendre le véhicule pendant une demie- heure, de quoi tourner nos plans. Ça parait tout bête, mais à l’âge qu’on avait, c’était un vrai moment magique pour nous. Pour finir, le court-métrage a fait le tour de quelques festivals et a eu le premier prix au festival du Futuroscope. C’était notre première projection publique, autant dire un régal !

     

    « Si je devais donner un conseil à tous ceux qui veulent démarrer, ce serait celui-là : ne restez pas dans votre coin. Il existe de nombreux clubs vidéos qui permettent de projeter sur écran ce que vous faites. C’est plus intéressant que de poster une vidéo sur YouTube, en tout cas, c’est complémentaire. La réaction du public dans une salle permet de voir très vite si ce que l’on a tourné fonctionne ou pas… et de se remettre en question. »

     

    IC : Votre frère en était co-réalisateur et acteur. La passion du cinéma, une histoire de famille ?

    Thierry Terrasson : Philippe a bifurqué vers l’architecture de son côté. Mais oui, c’était une vraie passion commune de gosse, comme beaucoup, d’ailleurs. On a grandi côte à côte à discuter des mêmes films. On venait d’une petite ville de province, c’était sans doute ça ou mourir d’ennui (rires)…

    Pour ma part, j’ai toujours adoré raconter des histoires, que ce soit à travers l’écriture, la bande dessinée ou la prise de vue réelle. Ce qui me passionne, c’est de prendre un bout d’histoire et de la faire évoluer en y ajoutant un drame, une rencontre, une situation un peu dingue… Ce qui m’intéresse, c’est de trouver des ponts entre tout ça. Prendre ce que la vie nous offre de plus piquant et de meilleur pour essayer d’en faire quelque chose. J’aime faire vivre des tas de choses à mes personnages, les surprendre, les secouer… Je suppose que c’est ma drogue !

     

    IC : Hubert Touzot est un acteur récurrent de vos courts-métrages. Pouvez-vous nous parler un peu de lui ?

    Thierry Terrasson : Hubert Touzot est un photographe qui a un vrai talent et mérite que l’on découvre son travail. Je lui rends d’ailleurs hommage dans l’un de mes derniers albums « De beaux moments ». C’est aussi un super ami, la personne la plus drôle que je connaisse. Il a un cerveau connecté je ne sais où, ce qui lui permet de constamment partir en vrille sur n’importe quel sujet. Il a fait un peu de scène à une époque… Il me conseille, je le conseille. Nous avons même fait un livre ensemble : « T’chat ». Nous nous faisions passer pour une fille et faisions tourner en bourrique des hommes avides de sexe sur les premiers réseaux sociaux. On en pleurait de rire ! L’éditeur un peu moins quand il a vu les chiffres de vente désastreux (rires). C’était il y a cinq ans environ. Hubert l’avait signé U’br. Il écrit toujours, le bougre. Mais son vrai virage est la photographie.

     

    IC : En 2001, vous recevez un 1er prix avec « Le Jeune » et en 2005 votre court-métrage « George » reçoit trois prix, puis se vend à trois chaînes de télévision. Les choses se sont accélérées durant ces quatre années ?

    Thierry Terrasson : Disons que ça a marqué une petite étape : je me suis dit qu’il était peut-être temps, maintenant, de tenter l’aventure du long. Ecrire, trouver le bon sujet, convaincre des producteurs, tout cela est indispensable pour franchir cette étape. C’est aussi pour ça que mes projets BD ont évolué, et ressemblent de plus en plus à des films sur le papier, car ce sont les mêmes périodes. Je suis de plus en plus régulièrement à Paris et j’apprends pas mal de la relation avec les producteurs. C’est d’ailleurs un paradoxe magnifique : si j’avais écouté les conseils des producteurs, je n’aurais pas écrit les scénarios de BD qu’ils souhaitent à présent adapter en film. Il y a quelque chose de très frais dans la création d’une BD.

     

     

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    « Les projets BD et ciné se mêlent donc de plus en plus. Maintenant quand j’écris, je ne sais pas toujours si je l’imagine d’abord en film ou en livre. »

     

    IC : De quoi ont été faites ces onze dernières années depuis 2005 ?

    Thierry Terrasson : J’ai écrit, imaginé des personnages, des situations. J’ai fait des lectures avec des acteurs, j’ai rencontré des réalisateurs et des producteurs. J’ai beaucoup travaillé à essayer de comprendre le fonctionnement du milieu du cinéma grâce aux rencontres : il s’agit là d’un travail sous-terrain pour parvenir à cerner le métier de scénariste de cinéma, ce qui n’est pas du tout la même approche que scénariste de BD. D’un côté c’est une industrie, de l’autre encore un artisanat.

     

    IC : Quel est votre technique pour écrire ?

    Thierry Terrasson : Au départ, je notais toutes mes idées dans des carnets, des feuilles volantes… Aujourd’hui je les intègre directement dans mon smartphone. Je prends ensuite du fil et une aiguille et j’essaie de coudre les idées ensemble. C’est, de l’avis de spécialistes bien informés, une très mauvaise méthode, car j’essaie d’intégrer la structure après coup. Ils ont sans doute raison mais c’est la méthode que je préfère, elle a le mérite d’être porteuse de vraies idées de scènes fortes. Après, c’est plus long, forcément… J’écris le weekend, la semaine, chez moi vers Montpellier, ou dans le train, ou chez belle-maman, un peu n’importe où. Chez moi, je suis infichu d’écrire dans mon atelier (consacré au dessin), j’ai donc une pièce dans laquelle j’aime écrire. Avoir un lieu ainsi dédié à l’écriture nous met en condition et donne un cadre, un cérémonial qui met le cerveau en position « écriture ». Même si, en vérité, j’écris vraiment n’importe où. Et je dois bien avouer que la plupart des nouveaux projets naissent en vacances, ou en trajet. Comme quoi, il n’y a pas de secret : il faut agiter son cerveau pour en sortir quelque chose ! C’est un processus physique, finalement.

     

    IC : De l’écriture à la réalisation, quelles sont les étapes à franchir ?

    Thierry Terrasson : Vous voyez ces militaires en camp d’entraînement, qui avancent à plat ventre dans la boue sous des barbelés ? Ecrire un film, ça m’évoque un peu ça (rires).

    Je n’ai aucun réseau et je sors de nulle part. Depuis des années, je commence à établir des ponts, à mieux connaître le fonctionnement interne.

     

    « Ma notoriété entre peu en ligne de compte : parfois, quelqu’un me connaît par la BD et accepte donc de lire mon travail plus facilement. Mais j’ai forcément tout à prouver chaque fois, ce qui est le jeu. »

     

    Ecrire un scénario de BD a au final si peu à voir avec écrire un scénario de long métrage. Il suffit de trouver un éditeur pour qu’une bande dessinée existe. Au cinéma, le producteur n’investit plus d’argent, il va démarcher des investisseurs : les chaînes de télévision, les distributeurs, les aides diverses… Pour les convaincre, le producteur essaie d’avoir un maximum d’atouts en main : des acteurs, un scénario, son passif… Il est bien loin le temps où les producteurs investissaient sur leurs fonds propres, sur leur seule foi en un projet…

     

    IC : Entre 2012 et 2015, vous avez connu plusieurs très grands succès d’édition avec « Une nuit à Rome » Tomes 1 & 2, avec « Héléna » Tomes 1 & 2, avec « Un petit livre oublié sur un banc » Tomes 1 & 2.

    Thierry Terrasson : Même si je m’essaie au cinéma, je resterai toujours attaché à la liberté que m’offre la BD. C’est un vrai bonheur de passer de l’un à l’autre. En ce moment, dès que j’ai un peu de temps, je me régale en BD de cette extrême liberté. Je dois bien avouer que je savoure ce bonheur-là tous les jours !

     

    IC : Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

    Thierry Terrasson : En BD, j’ai attaqué « Une nuit à Rome 3 », puis je ferai le 4… Il est très difficile de quitter certains personnages qui nous sont très proches… Au ciné, je travaille sur plusieurs projets en écriture, dont un en co-réalisation avec Stéphan Kot, un vieux complice talentueux. Et je peaufine des scénarios de comédie dont deux que je souhaite réaliser. Je ne m’étends pas encore trop sur le sujet car il reste encore beaucoup de travail dessus, mais j’ai bon espoir que 2017 soit l’année des tournages…

    En septembre 2015 a démarré le tournage de l’adaptation à l’écran de ma BD « L’invitation », réalisée par Michael Cohen, avec Nicolas Bedos. J’ai eu le sentiment que quelque chose se mettait en route. Je suis allé à plusieurs reprises sur le tournage, et j’ai pu découvrir un premier montage non définitif, qui m’a semblé être la meilleure adaptation possible de la BD. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, et j’ai été vraiment séduit par l’aspect humain du film de Michael. On sort du film avec l’envie d’appeler un de ses meilleurs amis pour lui dire d’aller voir le film, pour partager ça. Il y a quelque chose qui dépasse le récit pour nous toucher dans notre propre vie, j’ai l’impression.

    Pour revenir à la BD, nous avons achevé, Lounis Chabane (« Héléna ») et moi-même, le tome 1 d’une BD qui s’appelle « l’Erection ». Tout un programme ! Et je dois dire que ça a été un vrai bonheur à travailler. Pour preuve, nous sommes déjà sur le tome 2. En parallèle, avec le réalisateur Bernard Jeanjean (« J’me sens pas belle »), nous avons écrit l’adaptation cinématographique du film qu’il va réaliser, et nous en sommes à la phase du casting. Je crois qu’il est clair que tout se mélange effectivement entre ciné et BD…

     

    IC : Merci Thierry d’avoir accepté de répondre à nos questions.

    Thierry Terrasson : Mais c’est moi. Merci à vous !

     

     

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    Et en cadeau, le court-métrage de Thierry Terrasson : « Vous êtes très jolie Mademoiselle » :

     

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  • Makema Films

    Makema Films

     

     

    Il y a un an, nous découvrions la première Instant City Live Session, avec TheYellowBeats en maître de cérémonie, juste avant la sortie de son Ep « Echoes inD ». Et derrière la caméra, les trois compères de Makema Films, qui réaliseront trois mois plus tard le clip « Illusion » du même TheYellowBeats. A cette occasion, nous avions une petite discussion informelle avec Maxime Garnaud.

     

    ICity : Maxime, un petit brief sur Makema ? 

    M.G. : En substance, Makema, c’est un groupe de jeunes cinéastes montpelliérains, composé de trois membres : Martin Grillet, Kevin Fracchiolla et Maxime Garnaud. On s’est rencontré à la Fac à Montpellier. On a toujours travaillé ensemble.

     

    ICity : Et Recorderz, dans tout ça ?

    M.G. : C’est notre association. Makema, ce sont juste les deux premières lettres de nos trois prénoms. Un groupe quoi, mais rien de bien officiel.

     

    ICity : Ah, voilà, tu vois, tu lèves le voile…

    M.G. : On voulait pouvoir se démarquer des autres. Mais tout en sachant de qui on tient, et d’où on vient… Quand je dis les autres, je parle de nos amis chez Recorderz. Mais dans le fond, on signe Recorderz car c’est la mère patrie.

     

    ICity : La mère patrie… C’est bon, ça.

    M.G. : Faudra que tu t’arranges avec ce que je viens de te dire… Ahahaha !

     

    ICity : Non, mais écoute, je crois qu’on a bien avancé, là ! Sinon, il est bien cool, ce clip « Illusion ». Et toi, tu en penses quoi, d’ailleurs, de votre travail ?

    M.G. : C’est là où ce genre d’exercice est compliqué. « Illusion » reflète plus la vision de Manu, l’image y étant vraiment au service de sa musique. Et c’est bien car chacun imagine ce qu’il veut de cette course poursuite… Un fantôme, un souvenir, une histoire impossible… En même temps, je trouve un lien entre l’esthétique du clip « Illusion » et celle de « ADV & TLKS ». Et cette esthétique d’image, c’est ce qui attire l’oeil en premier lieu…

     

    ICity : Si tu devais mettre en avant un film parmi ceux que vous avez faits, ce serait lequel ?

    M.G. : Un court-métrage ?

     

    ICity : Oui…

    M.G. : « 21 Centimes », c’est le plus beau à l’image, pour moi. C’est Manu [TheYellowBeats] qui a fait la musique aussi.

     

    ICity : Vous en êtes à combien de films réalisés ?

    M.G. : Trois… « 716 », le premier vrai qu’on ait fait quand on était en 2ème année de Fac. En fait, non, c’est « Nono » le premier. Mais bon c’est vieux et pas top. Tout est sur notre page Vimeo. « Nono » puis « 716-353-617 » puis « 21 Centimes »… Après, on en a fait d’autres. C’est pas nous qui avons réalisé mais c’est tout comme. Par contre, on a fait beaucoup de clips.

     

    ICity : Pour un clip, vous préférez que le musicien vous oriente, ou vous pouvez faire un truc selon votre propre ressenti ?

    M.G. : On peut carrément faire un truc selon notre propre ressenti. Mais pas pour « Illusion ». Ca n’était pas l’objectif, d’ailleurs…

     

    ICity : Mais là, pour la peine, dans « 21 Centimes », c’est la musique qui est au service de l’histoire. Et ça le fait bien, d’ailleurs.

    M.G. : Carrément. ça rajoute vraiment un truc noir. un truc un peu lugubre.

     

    ICity : C’est clair… Tiens, listen to this et dis-moi si ça t’inspire…

    M.G. : J’écoute, là… C’est perché quand même… Ahahaha ! Ca fait penser à un long voyage, après ça ne m’inspire pas vraiment d’histoire pour le moment…

     

    ICity : Ahahaha ! Alors, comme ça, c’est perché, quand même ! Merci Maxime, et bonne chance pour « Illusion » demain. On adore.

     

     

    A suivre, « 21 Centimes », court-métrage réalisé dans le cadre du Nikon Film Festival 2015.
    Réalisé par Maxime Garnaud, Kevin Fracchiolla et Martin Grillet

     

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  • Floxyd : DJ mais pas que…

     

     

    Comment devient-on DJ ? La musique c’est une passion, un déclic et beaucoup, beaucoup de travail, car ce sont des heures passées à s’entraîner. Ensuite, il faut se lancer, un véritable défi ! Florian est un de ces passionnés qui a réussi à force de travail et de persévérance, mais aussi avec une bonne dose d’optimisme et de confiance en soi, à transformer cette passion en profession. Il a accepté de se livrer avec beaucoup de gentillesse et de disponibilité à Instant City afin de mieux nous faire comprendre comment Florian est devenu Floxyd. Une très belle rencontre avec un homme talentueux et éclectique.

     

    iCity : Quel a été votre tout premier contact avec la musique ?

    Mes parents et mon oncle écoutaient beaucoup de musique. A la maison, petit, mes parents écoutaient du jazz et de la variété française. Lorsque nous partions en vacances, mon père aimait faire des playlists que nous écoutions dans la voiture durant le trajet. J’ai toujours eu énormement de musique autour de moi.

     

    iCity : Quand avez-vous eu un déclic pour le mixage ?

    J’écoutais ce que je voyais à la télévision : beaucoup de hip-hop et rap. Et puis à l’adolescence, j’ai découvert Radio FG dont les compilations étaient vendues à la FNAC. J’ai tout de suite accroché. A 14 ans, je faisais les playlists quand il y avait une boum. Très vite, c’est devenu une habitude : on s’adressait à moi pour la musique. J’allais sur internet pour télécharger des musiques que je mettais sur le Mp3 que m’avaient offert mes parents, l’un des tous premiers avec une capacité de 256 mégas. C’est mon père qui m’a initié à internet, qui m’a appris à fouiller sur la toile, à télécharger. Entre copains, au collège, on parlait des grands qui sortaient en boite le week-end. Ce n’est qu’à 16 ans que je suis entré dans un club pour la première fois. Je m’en souviens parfaitement : c’était au Red Light à Montparnasse, une boite gigantesque pouvant accueillir près de 2.000 personnes. C’était très impressionnant. La musique était forte et il y avait tous ces gens qui dansaient. Tout de suite, je ne saurais dire pourquoi, j’ai été intéressé par le mix et fasciné par le DJ de la boite. Dans les années 2000, les DJ n’étaient pas encore les stars qu’ils sont aujourd’hui. J’ai eu alors ce « déclic » : je n’avais plus qu’une idée en tête, réussir à mixer, à passer d’un morceau à un autre exactement comme eux. Comme j’étais débrouillard, j’ai téléchargé le premier logiciel gratuit que j’ai réussi à trouver sur internet. On avait des ordinateurs, mais internet était très lent. Il n’y avait pas encore YouTube. J’étais obsédé par cette simple question : « Comment font-ils ? » et je n’ai plus cessé de m’entraîner, par défi.

     

    iCity : Ce fut le départ de votre apprentissage de DJ ?

    En effet. Mes parents m’ont offert ma toute première table de mixage mais il s’agissait plus d’un jouet. Je suis très vite arrivé au bout des capacités de la machine et j’ai compris qu’il me faudrait du matériel un peu plus sérieux. Pour cela j’avais besoin d’argent, donc d’un travail. J’en ai trouvé un et avec mon premier salaire, j’ai acheté ma première table de mixage. N’ayant aucune notion encore, j’ai juste pris le premier prix. De retour à la maison, je suis allé dans ma chambre et j’ai tout posé sur mon bureau à la place des cours et tout branché sur ma chaîne Hifi. C’était du bricolage, avec des câbles qui n’étaient pas forcément les bons, les platines n’étaient même pas au même niveau, l’une sur un dictionnaire, l’autre sur une pile de livres. J’ai dévoré le manuel de la platine et de la table de mixage. Je vivais encore chez mes parents. Ca ne les dérangeait pas de m’entendre m’entraîner des heures durant à essayer de caler deux morceaux. Je n’y connaissais rien et n’avais personne autour de moi pour m’apprendre. Pendant quatre à cinq mois, mes mix ont été inaudibles. Quand j’ai commencé, ce que j’entendais dans le casque était plus du raté que de la musique qui s’enchaine correctement. Je voulais que ce bruit-là devienne un enchainement de musique. Ca m’obsédait jour et nuit. Je rentrais vite fait de cours et il fallait que j’allume mes platines pour m’entrainer parfois trois ou quatre heures d’affilée.

     

    iCity : Et vous n’avez pas laissé tomber ?

    Non, parce que ça m’intriguait. Je voulais capter le truc. J’allais sur des forums sur internet pour voir ce que les gens disaient. J’ai remarqué que mon matériel était obsolète alors je l’ai revendu. J’ai fait ça des dizaines de fois pour avoir un matériel plus performant. Quand enfin j’y suis arrivé, je suis passé à la deuxième étape : devenir un bon technicien. J’arrivais à mixer dans ma chambre, mais dès que je me retrouvais dans une autre pièce face à du monde, le trac m’envahissait. Mixer devant des personnes qui parlent et font du bruit, c’est autre chose. Je me suis entraîné des heures durant pour essayer de trouver des techniques, arranger mes mix, prendre confiance en moi grâce à ma technique afin d’ôter le trac et d’être plus à l’aise. J’ai affiné ma sélection musicale. Je me suis forcé à sortir de mes repères confortables pour aller explorer des styles musicaux inconnus, ce qui me faisait progresser. Je galérais mais cela me permettait de repousser mes limites et de devenir meilleur. J’ai pris de l’assurance et j’ai mixé en public au bal de fin d’année du lycée, ma toute première soirée avec une scène et un public. J’avais 18 ans et du matériel à peu près potable. J’étais au lycée. C’était ma passion. Jusqu’au moment où j’ai été payé.

     

    iCity : Avez-vous immédiatement décidé d’en faire votre métier ?

    Non. Mes parents m’ont mis la pression pour que je passe le baccalauréat et que j’aie un diplôme de fin d’études. J’ai donc passé une licence de mathématiques à la faculté de Jussieu suivi d’un master d’école de commerce en événementiel. C’était plus rassurant pour eux. Tout en menant mes études, j’ai continué à mixer dans des soirées. J’ai énormement participé à la vie étudiante de ma fac qui, entre autres, organisait des soirées. J’ai donc cumulé deux fonctions : organisation et mixage. J’ai saisi cette opportunité pour me renseigner et sortir dans des soirées spécialisées au cours desquelles j’ai rencontré des patrons de clubs et des labels, ce qui m’a permis de commencer à créer mon réseau.

     

    iCity : Et vous avez commencé à composer vos propres morceaux ?

    Oui, la troisième étape a été de passer à la production. Ma production s’affine avec le temps et l’expérience, ce qui me permet d’avoir des sets tres personnels et originaux avec mes propres remix. J’ai des productions signées sur des labels. Floxyd a signé son second EP intitulé « Wildente » chez Jean Yann Records. Je fais partie de collectifs très actifs sur Paris.

     

    iCity : Etape suivante, vous passez au booking ?

    Ce fut, là encore, une nouvelle étape. Après le mixage, l’organisation de soirées, est venu le booking. En mixant dans des clubs ou en organisant des soirées, j’ai rencontré du monde, je me suis fait connaître. On me téléphonait pour me proposer un set. Si je n’étais pas disponible, je proposais un copain, puis le copain d’un copain ou un DJ que j’avais croisé une fois, puis je suis allé directement à la « chasse au DJ » pour me faire un carnet de contacts. Je travaille donc pour des agences de booking qui recrutent des DJ et les proposent à leurs clients. Je recrute, je gère les emplois du temps, je fais les plannings. Finalement, je me rends compte que cette constante évolution m’a permis de ne jamais m’ennuyer ni me lasser de ce métier. J’aime tout ce qui gravite autour du métier de DJ. J’ai eu la chance de faire toutes ces rencontres et de pouvoir, grâce à mon travail, prouver ma valeur pour décrocher de nouvelles opportunités. En variant les activités, j’ai pu constamment évoluer : d’abord les anniversaires, les boums, le bal du lycée, les soirées étudiantes, les clubs, les festivals puis la production, le booking… Je ne suis jamais tombé dans la routine. Je trouve ce métier créatif et j’aime ça.

     

    iCity : Comment concilier ce métier et la vie privée ?

    Je suis rarement aux 35 heures, alors la difficulté est en effet de trouver le bon compromis entre travail et vie privée car c’est un métier qui peut très vite devenir envahissant. Il y a en tout premier lieu le matériel : avoir dans son appartement des tables de mixage, platines, vinyles, et tout le reste, ça demande beaucoup de compromis. J’ai de la chance avec ma copine. Elle me motive et m’encourage dans mes projets. Elle est tres compréhensive.

     

    iCity : Quels sont vos projets ?

    J’ai monté une start-up : Soondy. Le projet a collecté 10.000 euros sur internet atteignant 100 % de son objectif avec 162 contributeurs. Le slogan, c’est : « Offrez-vous un vrai DJ on line ». Après la version Bêta, le lancement est prévu en mars 2016 en France, puis si ça fonctionne en Europe et aux Etats-Unis. L’argent a servi à créer un site professionnel, un logiciel, à payer les taxes. Il faudrait encore plus de fonds pour une application tablettes et smartphones (25.000 euros). Je donne aussi des cours à l’Ecole DJ Network à Paris (l’article que nous lui avions consacré en décembre 2015, c’est ici). Je me pose sans cesse des questions : est-ce que je suis bon ? Comment fait tel ou tel DJ ? Pourrai-je faire ce métier longtemps ? Mais par contre, je n’ai jamais peur. Je sais que si ça devait s’arrêter, je rebondirais et je ferais autre chose sans problème. Je n’en ai pas envie, bien-sûr. Ce que j’essaie de dire c’est que lorsqu’on me propose un nouveau challenge, je dis toujours « oui ». Je me dis que j’ai tout à y gagner. Au pire, j’aurai perdu du temps. Au mieux, j’aurai vécu une nouvelle expérience. J’ai cette philosophie de vie. Je fonce, et puis on verra. Il y a toujours une solution à tout problème.

     

    iCity : Le Graal pour un DJ, qu’est-ce que c’est ?

    C’est d’avoir un vrai public qui me suis et être reconnu dans mon style de musique. Devenir une référence dans le lieu, ça serait top et peut-être un exemple… (rires). Le but ultime c’est surtout de sortir LE morceau qui va faire le tour de la planète !

     

    iCity : Quels sont vos goûts musicaux et vos références ?

    J’écoute de tout avec plaisir mais je joue principalement de la tech house et de la techno (musique que je produis). En voiture, j’écoute du hip hop, de la variété et de la musique pointue, en fonction de mes humeurs. Le hip hop pour la technique : eskei83, Q-Bert, DJ Mehdi. Tous les grands DJ qui on percé sont des modèles pour moi en fait : Laidback Luke, Laurent Garnier, Carl Cox. Ils ont chacun un truc. Le top serait de rassembler toutes leurs qualités en une seule personne, moi de préférence… mais c’est compliqué… (rires).

     

    iCity : A quoi ressemble la journée de Floxyd ?

    En semaine, je suis formateur chez DJ Network : au programme, de la technique de mix, de la MAO, de la programmation musicale et de la communication. A la fin de ma journée, je rentre travailler sur mes projets personnels : mix, podcast, booking et prod. J’ai des loisirs également comme l’escalade et le VTT. Le week-end, je m’occupe comme tout le monde et je vais mixer le soir.

     

    iCity : Est-il facile de vivre de son métier aujourd’hui quand on est DJ ?

    Il faut savoir être polyvalent : je mixe, j’organise des soirées, je me produis en tant que guest pour jouer mes sons, je fais de l’événementiel et du management. Je vis de ma passion.

     

    iCity : Est-ce qu’un DJ va en boite pour danser ?

    Avec des amis pour des occasions spéciales, oui, ou lorsqu’un grand DJ passe dans un club généraliste. Quand je vais en soirée avec des amis, je danse, mais mon oreille va tendre vers la musique et je vais être plus concentré sur la musique qui passe. Déformation professionnelle. Je danse un peu derrière les platines quand il y a beaucoup d’énergie, je bouge disons. Comme je mixe en soirées dans des clubs, forcément je n’y retournerai pas pour m’amuser car les clubs sont devenus davantage des lieux de travail et de rendez-vous pour moi. Je suis plus à l’aise derrière les platines que sur une piste de danse et si le DJ est bon je préfère l’écouter que de danser. Quand j’écoute de la musique je suis dans une phase de recherche musicale.

     

    iCity : Qu’est-ce qui vous émeut et vous touche chez un DJ ?

    Quand je vais dans un festival et que je vois un DJ qui vit la musique, ça me touche beaucoup : il passe sa propre musique, il a les yeux fermés, il plane à 400.000 mètres et il y a une alchimie qui se fait avec le public. Tout le monde saute en l’air, lève les mains, ça fait chaud au coeur. Créer sa propre musique et se rendre compte qu’elle a un impact sur les gens, c’est prenant ! L’idéal serait de faire vibrer les gens du monde entier sur ma musique avec un tube planétaire. J’y travaille, j’y travaille dur.

     

    Vous pouvez retrouver Floxyd en Replay sur M6 dans l’émission “Kid et Toi” du 10 février 2016, lors d’un reportage sur le métier de DJ, interviewé par un reporter en herbe :

    [youtube id= »2N8AFSNgf0g » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Et dans un reportage de l’émission « Cultures Urbaines » sur France 3 :

    [youtube id= »eOLRrN0_ThM » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

     

    Video

    [youtube id= »61BWSXRWjdY » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

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  • DJ Network, premier Centre de Formation de DJ en France

     

    DJ Network est le premier centre de formation de DJ en France, présent dans quatre villes : Paris, Lyon, Cannes et Montpellier. L’école délivre un « Titre certifié de niveau 3 » reconnu par l’Etat. Son fondateur, Jean-Pierre Goffi, l’a ouvert en 1994. Si autrefois le DJ pouvait se former « sur le tas », avec juste une bonne oreille et un mentor, aujourd’hui cela ne suffit plus. L’avancée des nouvelles technologies liée à la multitude de nouveaux sons demande davantage de connaissances, en plus des secteurs de la production, de la diffusion, de la communication et des règles de droit qui y sont liées. Terminées les soirées payées en billets cash au jour le jour, les Mix et les Demos enregistrés dans la chambre ; la concurrence est rude et le métier de plus en plus technique et pointu. Le DJ ne se produit plus dans les vieux dépôts abandonnés mais dans des clubs, des centres de vacances renommés, des festivals, pour des soirées d’entreprises. La musique électronique a gagné ses galons. Elle n’est plus Underground mais fait désormais partie intégrante du paysage sonore dans les médias. Ce qui était une passion est devenu une profession, celle de « DJ Producteur de Musiques Actuelles ».

     

    INTERVIEW

     

    IC : Bonjour, quel est le profil des stagiaires de votre Centre de Formation ?

    Fl : Il est possible de s’inscrire dès l’âge de 17 ans et 2 mois car il est nécessaire d’atteindre la majorité pour faire le stage obligatoire qui clôt la formation de dix mois et se déroule dans le milieu de la nuit. La plupart du temps, les parents de mineurs suivent et signent sans difficulté le contrat de formation car ils savent que le centre est sérieux et délivre un Titre reconnu par l’Etat. Le Centre dispose d’une salle de cours multimédias pour les enseignements théoriques, d’une régie DJ individuelle pour chaque étudiant et d’espaces ouverts en libre accès pour les Travaux Pratiques.

    IC : Quelles formations propose l’école ?

    Fl :  

    ✓ des stages de vacances
    ✓ des ateliers en soirée
    ✓ des cours particuliers
    ✓ des formations courtes (Mixage – DJ – Production MAO – Communication – Program Programmation musicale) pour 960 à 1 840 euros
    ✓ des formations longues (DJ Producteur sur 10 mois ou DJ MAO sur 8 mois) pour 7 000 euros

    IC : Quel est ce titre que délivre le centre ?

    Fl : Il s’agit du Titre certifié de niveau 3. Notre centre délivre une formation professionnelle reconnue. C’est ce qui explique en partie son succès et sa notoriété. Pour répondre à votre question précédente, il y a deux types de stagiaires :

    ✓ Les jeunes qui veulent apprendre ce métier et toutes les facette de celui ci pour faire du club et ou de l’événementiel )
    ✓ Des DJ déjà pro mais qui souhaitent suivre un stage afin de redonner un coup de fouet à leur pratique, se former aux nouvelles technologies.

    Parmi eux, certains seront « DJ généralistes », passeront tous types de musiques en boîte de nuit, pour animer des soirées, en centres de vacances ou dans des soirées d’entreprises. Les autres souhaiteront passer à la création et la production de leurs propres morceaux. On peut aussi faire les deux. L’offre de Djing est très ouverte en ce moment en France.

    IC : Justement, quels sont les débouchés ?

    Fl : Ils sont nombreux : depuis trois ou quatre ans, l’offre d’embauche a explosé. 89 % des sortants entrent dans la vie professionnelle dans les six mois. On recherche de très nombreux DJ pour toutes sortes d’événements qui permettent même à celui qui le souhaite de ne travailler que le jour, pour des raisons familiales par exemple : du mach de foot (même l’Equipe de France a son propre DJ) aux festivals, en passant par une manifestation sportive, un gala, une soirée privée (anniversaire, mariage), une ouverture de magasin, un bar éphémère, une soirée d’entreprise (le lancement d’une voiture par exemple), un vernissage, une fête sur la plage. Le DJ est partout présent maintenant. Le DJ n’est plus seulement en club. c’est un métier qui a évolué et s’est diversifié.

    IC : Quelles sont les qualités d’un bon DJ ?

    Fl : C’est un métier qui demande de la rigueur et du travail, une bonne culture musicale pour la programmation, des qualités de créatif et des connaissances en matière de communication pour se vendre, la maîtrise de la MAO et des techniques du Mix. Mais en plus de tout cela, il faut aujourd’hui des connaissances solides en matière de droit, droits d’auteur et droit du travail. Le DJ est un chef d’entreprise.

    Il faut avoir la tête sur les épaules et mettre de l’argent de côté car il n’y a pas de caisse de retraite pour les DJ. Un DJ peut gagner de 100 à 5 000 euros pour un Set (une prestation) ou 40 0000 pour une star, tout dépend du nombre de personnes que vous drainez. Certains commencent en auto-entrepreneurs mais si les revenus dépassent 32.900 euros par an, alors ce statut ne suffit plus. Certains montent leur agence de booking, ou passent par une société de portage dont ils seront salariés, auront ainsi des fiches de paye et un CDI. Les DJ ont deux emplois : l’un, alimentaire et l’autre de DJ. Il appartient à chaque DJ de bien négocier son contrat afin qu’y soient inclus tous les frais : de déplacement, de bouche, l’hôtel si besoin etc…

    IC : Quel est le rêve de tout DJ ?

     

    « Le rêve du DJ, c’est de faire LE morceau qui va cartonner pour faire danser les gens, comme le dernier gros carton « Animals » de Martin Garrix en 2013. »

     

     

    [youtube id= »gCYcHz2k5x0″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    A 17 ans, il est probable qu’il a créé ce morceau dans sa chambre avant de le mettre sur une plate-forme comme YouTube. Il publiait des sons sur SoundCloud pour uploader ses créations. Quelqu’un d’une maison de disques a remarqué ce son et l’a embelli.

    IC : Martin Garrix est Hollandais. Il a été classé en 2015, seulement deux ans après la sortie de son tube « Animals » en 2013, 3ème meilleur DJ du monde par DJ Mag. Il a une base de musicien : il joue de la guitare depuis l’âge de six ans. Il dit avoir souhaité faire ce métier en voyant Tiësto mixer lors des Jeux Olympiques. Il s’achète alors un logiciel pour composer ses propres morceaux.

    IC : Peut-on parler de « chasseurs de talents » ?

    Fl : Le DJ créateur est important, mais le découvreur l’est tout autant, de même que l’étape du mastering audio. Un tube, c’est plusieurs étapes.

    ✓ Un DJ doit avoir des connaissances, l’oreille musicale et de la technicité pour mixer.
    ✓ Une maison de disque apporte au morceau tout le travail effectué par l’ingénieur du son car un son non masterisé va être plat. Même si l’idée du son trouvé est bonne, sans mastering, il ne percera pas.
    ✓ Il faut ensuite une bonne communication et une diffusion maximum sur les radios et sur internet.

    IC : On entend souvent parler de « nouveau son » . On parle du « son des Daft Punk ». Qu’est-ce que cela signifie ?

    Fl : Le métier de DJ ne dure pas que le temps d’un Set, 2 à 5 heures, le soir en boîte ou ailleurs. Ce sont aussi des heures à écouter de la musique sur internet, à chercher des nouveaux morceaux, des idées. Puis d’autres heures passées sur un logiciel à mixer des sons pour essayer de créer un morceau (c’est la production) . On utilise des synthétiseurs virtuels ou non qui peuvent être a modulation afin de créer un son en partant d’une onde.

    Le Dubstep est un exemple de « son » différent (distorsion). Backermat a lancé la mode de la Deep House avec un son saxophone et ça a marché. Aujourd’hui, le dernier « son » à la mode est la « Tropical House » avec un son flûte de Pan (Kygo : « Stole The Show »). Chaque nouveau courant s’éteint au fur et à mesure.

     

     

    [youtube id= »BgfcToAjfdc » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Kygo est un pianiste norvégien de 24 ans. Il s’est lancé dans la production de musique électronique à l’écoute de « Seek Bromance » d’Avicii qui le contactera pour composer des reprises officielles de ses morceaux et faire la première partie de son concert à Oslo en 2014. Il s’est fait connaître grâce au upload sur Soundcloud et YouTube : 80 millions de vues sur internet.

    Un son est nettoyé, travaillé pour qu’il ait du corps. A l’oreille, le son semble très simple et basique. Mais pour un professionnel, il est « plein » d’une centaine d’autres sons ajoutés en arrière-plan afin de le rendre plus riche et moins plat. On va par exemple augmenter les volumes, nettoyer les fréquences…

    IC : Est-ce donc la Technique qui différencie le Mix de 1990 et celui de 2015 ?

    Fl : Avant les années 1970, ce sont des orchestres ou des musiciens qui animent les soirées dansantes en boîte de nuit, dans les bals ou les clubs. Petit à petit, les DJ remplacent les orchestres et les musiciens car moins chers et jugés moins capricieux. Ils réussissent à faire danser le public de manière plus intense par la création d’une ambiance. Les tout premiers DJ sont apparus dans le milieu du hip hop. Les danseurs avaient besoin d’un DJ pour assurer la boucle musicale en fond.

    IC : DJ Kool Herc, un Jamaïcain émigré aux Etats-Unis, est un pionnier. Il fut le premier à introduire des coupures de rythme (breakbeat) et à mixer deux disques réglés sur le même tempo. Il remarque que le public réagit davantage aux passages où les instruments rythmiques jouent seuls. Cela lui donne l’idée du sample : il passe en boucle un même extrait de chanson sur lequel ne sont présentes que la basse et les percussions.

    Fl : Avant le mix était plus simple : il suffisait de passer d’un disque à un autre. Les gens ne possédaient pas beaucoup de disques. C’était le rôle du DJ que de se tenir au courant des nouveautés pour les diffuser et les faire découvrir au public.

    IC : C’est ainsi que Laurent Garnier a ramené l’électro de Manchester par exemple quand il était DJ Résident à l’Hacienda.

    Fl : Avant on allait en boîte pour écouter le son d’un DJ. Aujourd’hui on va y danser sur les tubes qu’on entend à la radio.

     

    « Aujourd’hui tout le monde télécharge de la musique du monde entier. Un bon DJ ne se reconnaît donc plus uniquement à l’originalité de sa programmation musicale. Le métier est aussi bien plus technique. »

     

    Avant, on avait deux platines et une table de mixage. On s’entraînait des heures pour trouver le tempo de création et mettre la musique A à la même vitesse que la musique B. Aujourd’hui on a des logiciels. De même, la musique électronique n’est plus un courant mais toute une famille musicale. Avant, on gravait des démos sur des vinyles. Aujourd’hui, tout est numérique : les DJ utilisent des plates-formes de téléchargement légales comme Soundcloud, YouTube, Amazone. Curieusement, on n’a jamais autant vendu de vinyles dans le monde depuis sa création qu’en 2014 !

    IC : Que reste t-il des pionniers des années 1990 ?

    Fl : Les vieux briscards sont toujours des mentors pour les jeunes un peu plus pointus qui se sont intéressés au mix et ont fait l’effort de connaître l’histoire du Djing à travers, par exemple, le livre de Laurent Garnier « Electrochocs » (qui a été réédité avec une suite prolongeant l’histoire jusqu’en 2015). On observe un grand retour des soirées type années 1990, mais dans un cadre légal, cette fois. Des tas de boîtes d’événementiel cherchent des lieux atypiques où recréer cette ambiance underground réservée à des initiés. C’est cet aspect « secret », réservé à quelques-uns, qui marche très bien. On a l’impression de faire partie d’une communauté restreinte et privilégiée. Le public visé a entre 20 et 30 ans. Cette nouvelle tendance rompt avec la jet set des clubs privés dans lesquels une tenue de soirée est exigée. Là, peu importe la tenue, l’âge, la classe sociale. On en revient à ce mélange de population des débuts qui faisait la réputation des fêtes.

    On observe également une nouvelle tendance dans les clubs privés. Ces dernières années, ils servaient de location de salle. Ces derniers temps, certains retrouvent l’envie de se doter d’une direction artistique avec des têtes d’affiche connues, comme ce fut le cas dans les années 1990 avec David Guetta au Palace par exemple. C’est le cas au Red Light. Certains clubs comme le Badaboum abandonnent les codes vestimentaires obligatoires et la parité homme/femme. Tout est une question de mode, de cycle. Ca va et ça vient. Ca change tous les dix ans.

    IC : Qui sont les DJ d’aujourd’hui ?

    Fl : Il y a deux mondes :

    ✓ Celui des grandes stars comme David Guetta ou les Daft Punk
    ✓ Celui plus underground de DJ très connus dans le milieu du Djing, mais peu médiatisés et pourtant tout aussi bons. Certains font le tour du monde et sont réclamés dans les plus grands clubs.

    Un nouveau courant, le « Boiler Room » est parti de Londres en 2010. Il s’agit d’organiser des sets à audience réduite, de les filmer afin de les diffuser ensuite sur le net via Ustream. Le DJ est au centre de la piste de danse et le public peut le voir, lui parler. Prenons l’exemple du DJ « Kink » : il est peu connu du grand public mais c’est un monstre dans le domaine du set de musique électronique technique : les fans peuvent observer comment il fait pour passer d’un morceau à un autre, ils peuvent voir sa sélection musicale et sa technique de mix. Il utilise des machines qu’on n’a pas l’habitude de voir. Il utilise des synthés en « Live ». Il a une platine vinyle pour la base rythmique, la table de mixage où toutes les sources audio arrivent (un mélangeur), puis des surfaces de contrôles pour gérer le logiciel de création musicale (séquenceur) et des synthétiseurs. Il fait tout en « Live », il recréé en live.

     

    Vidéo d’un set de Kink en mode « Boiler Room » :

     

    IC : Ce sont les fameux DJ Sets Live ?

    Fl : En effet. Soit le DJ vient au club avec sa clef USB sur laquelle il a préparé son set. Soit il joue en direct et fait de la création en live. La musique est créée face au public. C’est ce que fait Paul Kalkbrenner. Ces sets en Live se font souvent devant un public d’érudits peu nombreux d’environ 200 personnes dans des clubs comme le Panic Room. Il y a très peu de promo ; il faut se renseigner sur internet, s’abonner aux pages facebook. Ce sont souvent les fans eux-mêmes qui font la promo de ces soirées Live par le bouche-à-oreilles. Ce côté intimiste, réservé à une poignée d’initiés fonctionne très bien. Ca donne de l’attrait à la chose, un peu comme les raves autrefois.

    IC : Comment expliquez-vous que cette musique ait fédéré autant de monde ?

    Fl : Parce qu’elle est efficace et simple. Il n’y a pas de paroles, on peut danser. On trouve trois types de public :

    Les early adopters : ce sont des fans de musique, d’un courant ou d’un artiste. Ils vont écouter les nouveautés , s’impliquer et participer à leur diffusion. Ce sont des passionnés prêts à suivre leur artiste préféré partout.
    Les middle adopters : ce sont ceux qui vont en club, aiment la musique mais ne sont pas fans au point de suivre l’artiste. Ils vont écouter la musique en club, en festival, programmée en playlist ou en poadcast.
    Les late adopters : ce sont ceux qui écoutent la musique à la radio, 2 mois après sa sortie.

    La Tech-House a une rythmique très développée qui passe mal à la radio. Pour la radio et pour plaire au grand public il faut des sons moins techniques, plus mélodieux… Cela a pour conséquence le développement de pseudos. Certains DJ ont ainsi deux à trois pseudos derrière lesquels se cache en fait la même personne. Un DJ utilisera un pseudo pour le côté commercial, un second pour la production underground sur le net et un troisième encore plus confidentiel pour des mix très techniques réservés à un public averti sur des « webzine », des sites pour initiés early adopters. Ce système de pseudos permet à l’artiste qui commence à avoir du succès de pouvoir faire de la musique commerciale (qui se vend bien) avec des notes majeures formatées, avec toujours le même schéma, tout en continuant à produire de la musique électro plus difficile d’accès musicalement parlant avec des sons à tendance underground masterisés, gras et mélancoliques qui ne pourraient pas passer en radio et toucher ainsi un autre public.

    Un exemple : « Pryda ». Il a quatre pseudos :

    Eric Prydz pour le grand public (DJ suédois de 39 ans, 30ème au classement DJ Mag)
    ✓ « Pryda » pour ne pas se laisser enfermer par ses fans.
    ✓ Cirez D
    ✓ Sheridan

    Il est même capable de remixer un morceau d’un autre pseudo pour se faire de la pub. C’est l’un des rares artistes DJ à avoir eu l’autorisation de reprendre un morceau des Pink Floyd « Another Brick in the Wall » pour le remixer.

     

    Vidéo Eric Prydz / Pink Floyd

    [youtube id= »IttkDYE33aU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    IC : Après le Royaume-Uni puis la France et Berlin, où se trouve l’avenir de la Techno en Europe ?

    Fl : Dans le Nord ça bouge très bien, ils sont proches de l’Angleterre et de la Belgique où la musique est moins sectorisée qu’en France. On y trouve d’énormes fêtes. Beaucoup de Français montent là-bas faire des soirées. Les soirées belges et hollandaises sont très réputées.

     

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Reportage Arte : « Techno Story »

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] DJ Network

     

     

     

  • Bar à Mines : Interview Croisée

     

    Qu’est-ce que « Baramines » ? Un café-théâtre d’Abidjan ? Le nom d’une communauté de joueurs sur un fameux jeu vidéo ? Un blogueur basque fan de sport ? Pas du tout. « Baramines.com » est un site bourré de talents tous plus drôles les uns que les autres, où le dessin d’actualité est roi. C’est une ruche de génies doués pour la caricature, l’illustration, le dessin d’art ou la peinture. Instant City a eu la chance de pouvoir pousser la porte de ce collectif de seize dessinateurs, illustrateurs, graphistes et peintres. Ils auraient pu rester chacun dans leur coin, mais ils ont pris le parti de se regrouper. D’abord et sans doute, parce qu’à plusieurs, on se marre quand même plus que tout seul, et puis aussi sans doute pour partager :  des impressions, des contacts, des avis. Plus de 6 000 followers jouissent du bonheur de rire à leur côté, au fil de l’actualité sur leur page facebook. Seize humoristes rien que pour nous, regroupés sur une seule page pour nous faire rire tous les matins au réveil à l’allumage de notre ordinateur, que demander de plus ? Si vous cherchez une idée de cadeau pour un anniversaire, un mariage, ou plus, si vous êtes un professionnel à la recherche d’une collaboration artistique, vous êtes au bon endroit.

     

    Instant City : Bar à mines, qu’est-ce que c’est ? 

     

    Bar à Mines est un collectif de seize dessinateurs regroupés sous forme d’association loi 1901. C’est aussi un site internet géré par Florence Rapilly, la secrétaire du groupe. Enfin, c’est une page facebook sur laquelle chacun des membres publie, selon l’humeur et l’inspiration, ses dessins d’actualité. L’objectif de ce collectif est de faciliter les contacts extérieurs, d’additionner les savoirs-faire pour augmenter le potentiel d’impact car « à plusieurs, on est plus efficace que tout seul. »

     

    Hub : « Le collectif permet de rompre avec une forme d’isolement. C’est intéressant de pouvoir partager sur nos pratiques, de voir comment fonctionnent les autres dessinateurs. On découvre d’autres approches de l’actu et du dessin. »

    OG : « C’était important de mettre le collectif à l’honneur dans un métier parfois trop individualiste. »

     

    Bar à Mines est une belle palette de talents divers et variés unis par la passion du dessin mais également l’envie « de se marrer et de faire marrer les autres ». C’est « l’image de la diversité » et un peu, aussi, « une maison de fous ».

    Le groupe, quant à lui, permet de répondre plus rapidement à la demande en offrant un choix plus large au client, en fonction des disponibilités et des compétences de chacun et de relativiser les difficultés du métier. C’est une opportunité supplémentaire d’obtenir des contrats car au-delà de la passion, il s’agit d’une profession dans laquelle il est difficile d’exister.

     

    OG : « Le groupe nous apporte une émulation positive. »

    Man : « Il permet de voir plus haut. »

    SM : « Le groupe permet de sortir de son isolement. Il donne envie de faire LE bon dessin, celui qui va surprendre les camarades ou provoquer leur admiration (attention, je n’ai pas dit que j’y arrivais, juste que j’avais envie !) »

     

    Tous sont liés par des goûts et des couleurs communs, un besoin de partager et de transmettre une vision du monde, mais aussi, il ne faut pas l’oublier tout de même, car cela a aussi son importance, le besoin d’être plus efficace pour obtenir des commandes.

     

    Man : « Ce qui m’a poussé à entrer dans le collectif, c’est un goût démesuré pour l’aventure. »

    Le logo, en noir et jaune, « une association visuelle pertinente » (le soleil et la nuit, un œuf avec son noir d’oeuf) représente « un crayon électrique », « le danger que peut représenter le crayon pour certains », « une coccinelle vue par un daltonien »…

    OG : « Attention, panneau explosif ! »

    SM : « C’est un crayon survolté. »

    Man : « Je n’ai aucune idée de ce que ce logo représente. Celui qui l’a dessiné travaille vraiment comme un cochon ! »

     

    Pas de règlement, ni de ligne éditoriale ou de comité de rédaction. Ici la confiance règne.

     

    Hub : « Ce serait beaucoup trop compliqué de demander les avis de chacun avant la publication. Vous imaginez le nombre de mails croisés ? Le temps de mettre tout le monde d’accord sur un dessin d’actu, il ne serait plus d’actu depuis belle lurette… »

    Man : «  Pas de ligne éditoriale. Aucun de nous ne sait écrire d’ailleurs, c’est pour ça qu’on dessine. »

     

    La seule ligne éditoriale, on l’aura compris, c’est l’Humour. Tout juste Florence fait-elle un tri de façon à diversifier le plus possible le contenu du site. Chacun publie à son rythme :

    Man : « Moi, par exemple, je mets de la salsa quand je poste mes dessins ; c’est un rythme joyeux et entraînant. » 

    Et la censure ?

     

    Peut-on rire de tout ? La débat est lancé…

     

    Man : « Pas de politique ni de sexe ; non, je déconne ».

    Hub :  « L’autocensure est une réalité, elle est d’ailleurs nécessaire : ce n’est pas parce que la liberté d’expression est un droit qu’il faut systématiquement pousser le curseur à fond sans réfléchir pour tout et n’importe quoi. On peut et on doit prendre le risque de choquer par moment mais jamais gratuitement, jamais par simple culte de la provocation. »

    OG : « Absolument aucune censure, on peut et on se doit de rire absolument de tout, c’est l’arme absolue de la dédramatisation ! »

    SM : « On publie ce que l’on veut. L’essentiel est de s’amuser. Le seule censure présente vient de Facebook : si un dessin dérange et qu’il est signalé par un lecteur. »

     

    Outre les commandes et le travail d’actu au quotidien, quelques temps forts rythment l’année, comme les festivals ou des projets menés à plusieurs.

    C’est en tout cas une réussite puisque après seulement 1 an d’existence, le collectif « Bar à mines » traite déjà de nombreux contrats, commandes et versements de droits d’auteurs.

     

    « Bar à Mines c’est avant tout une bonne mine de barres de rire »

     

    Le collectif, au final, représente une bande de copains unis par la même passion parce qu’après tout, « mieux vaut tailler sa mine que casser sa pipe ». Vous l’aurez compris, il y a « une explosion de rires au bout de la mine ». Les seize compagnons du rire se sont trouvés en 2014. Ils auraient pu être « Les 16 nains de Blanche-Neige », « Les 16 mercenaires, parce que c’est mieux qu’à 7 », « une tribu de Cromagnon, peintres de grottes », « des mineurs de fond », « riches ? ». Mais non. Ils sont dessinateurs humoristes, pour notre plus grand bonheur.

    On leur souhaite bonne et longue route, sans embûches mais avec plein de beaux projets :

    OG : « produire un album collectif, on y réfléchit. » 

    Biz : « Ce qui serait génial, ce serait de se faire une bonne bouffe ! »

    Man : « Tout, sauf créer une équipe de foot ! »

    SM : « Ce qui serait génial à 16 ce serait… j’ai bien une idée mais je ne peux pas la dire ici, y’a du monde qui va nous lire… »

    Hub : « On pourrait créer un groupe qui s’appèlerait «Bar à Mines ». Ah ? C’est déjà fait ? Génial ! »

     

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Bar à Mines

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  • Dahu Production : itinéraire d’un enfant de la Terre

     

    « Dahu Production » est une entreprise bâtie de toutes pièces par un jeune savoyard passionné de montagne et de vin, Guillaume Bodin. Totalement néophite en matière de réalisation et de production, c’est un homme qui aime raconter des histoires d’hommes et de femmes passionnés de terroir comme lui. Autodidacte, il a su se donner les moyens, à force de courage et de ténacité, de réaliser son projet, un film documentaire sur les vignerons qui pratiquent la biodynamie. « La Clef des Terroirs » sort en 2011 et connaît un beau succès. Il remporte deux grands prix : « Oenovidéo » et le « Trophée Vin Santé Plaisir ». Il est également sélectionné pour partir en Californie, au « Santa Barbara International Films Festival » en 2012, avant d’être diffusé sur « Ushuaïa TV » en  2012 et 2013. Le film a connu un certain succès à travers le monde, avec plus d’une centaine de projections et une édition DVD au Japon, ainsi que des projections en Inde, en Chine, au Canada…

    Le deuxième film de Guillaume Bodin, « Insecticide Mon Amour », a lui aussi reçu deux prix en 2015 au festival Oenovidéo, celui du Public et le Prix Spécial du Jury. Il traite de l’impact des produits chimiques sur l’environnement, fruit d’une enquête de plus de deux ans. A noter que ce film est projeté au cinéma depuis le 4 novembre dans plusieurs salles françaises, l’occasion d’ouvrir le débat, d’échanger, de réfléchir et de se rencontrer.

    Instant City a souhaité en savoir plus sur ce qui anime Guillaume Bodin : est-ce son engagement en faveur d’un développement durable, la réalisation et le cinéma, ou tout simplement une volonté de militer, via le 7ème art, en faveur d’une agriculture plus respectueuse de la planète ? Pour mieux comprendre cet homme hors du commun, nous lui avons posé quelques questions auxquelles il a accepté de répondre.

     

     

    INTERVIEW

    ***

     

    IC : Bonjour, Guillaume Bodin, vous avez 28 ans. Vous êtes passionné de montagne et de vin. A 21 ans, après des études en œnologie dans la région de Mâcon, vous faites un break et partez vivre une année en Nouvelle-Zélande. A votre retour en France,  vous tournez un film « La Clef des Terroirs » qui sortira en 2011, est-ce exact ?

    GB : Je n’ai pas exactement fait un break en Nouvelle-Zélande car je travaillais dans les vignes (en bio et biodynamie) et en cave. Cette escapade de neuf mois m’a permis de voir que les vignerons néo-zélandais étaient bien mieux fédérés entre eux que les Français et qu’ils parlaient ouvertement de l’agriculture biologique et biodynamique. Certains d’entre eux étaient déjà en avance sur ce que nous faisions à l’époque en France. En rentrant, l’idée de réaliser un documentaire sur ce mode de culture a germé tranquillement et c’est ainsi que j’ai monté mon premier projet de film alors que je travaillais à l’année chez les frères Bret, des amis vignerons en biodynamie dans le Mâconnais.

    IC : Qu’est-ce qui a motivé la création de l’entreprise « Dahu Production » ? Avez-vous emprunté des fonds pour l’achat de matériel et pour tenir financièrement le temps du tournage ?

    GB : Dès le départ, j’ai effectué des démarches pour obtenir une bourse « Défi Jeune » du Ministère de la Jeunesse et des Sports. L’idée de cette bourse est de lancer des jeunes sur des projets et de les installer professionnellement dans ce secteur d’activité. Petit à petit, je me suis retrouvé double actif, les 3000 € de la bourse m’ont permis de décoller et comme les banquiers rigolaient à l’idée de me prêter de l’argent alors que je n’avais aucune formation dans ce milieu et qu’ils n’y connaissaient rien non plus, j’ai autofinancé « La Clef des Terroirs » grâce à mon activité d’ouvrier viticole et en créant des sites internet pour des amis vignerons.

    IC : Comment vous êtes-vous formé à la réalisation de documentaires ?

    GB : Le Défi Jeune m’a permis d’avoir une demi-journée de formation en tournage avec un réalisateur de vidéo institutionnelle et une autre demi-journée de montage avec lui. Ensuite j’avais ma propre caméra donc j’ai commencé à tourner, à regarder ce qui me plaisait le plus, à visionner quelques tutoriels sur internet et à monter mes premières vidéos à l’instinct… J’ai eu la chance de rencontrer à la fin du tournage de « La Clef des Terroirs » Jean-Noël Roy, un des réalisateurs des grands directs de la télé des années 60, avec qui je me suis lié d’amitié. Lors du montage, j’allais régulièrement à Paris lui montrer mes ébauches pour avoir son point de vue et il m’a permis de faire un documentaire beaucoup plus grand public que ce que j’aurais réalisé seul !

    IC : Occupez-vous un emploi actuellement ou bien vivez-vous uniquement des ressources de « Dahu Production » ? Quel est le chiffre d’affaire ? Quelles sont les ressources de l’entreprise ?

    GB : Je n’occupe plus d’emploi depuis bientôt 2 ans, le chiffre d’affaires de « Dahu Production » est très limité, heureusement que j’ai quelques droits d’auteurs de « La Clef des Terroirs » qui sont tombés à point nommé pour finir le tournage de « Insecticide Mon Amour » mais pour tout dire c’est mon RSA activité qui m’a permis de payer les archives de l’INA sur les insecticides. J’ai déposé cette année un dossier d’aide à l’écriture pour un film plus ambitieux d’alpinisme au Pérou et j’ai obtenu deux avis négatifs de la SCAM et du CNC. Le milieu du DVD traverse une crise sans précédent et pour m’assurer que mon film ait une bonne visibilité au cinéma, je le sors moi-même au cinéma, et c’est donc moi qui prends en charge tout l’investissement lié à la sortie en salle… Donc je dois dire que c’est une constante remise en question mais au moins je reste libre, ce qui n’a pas de prix !

     

    « Je me surprends même quelquefois à me dire comment est-ce possible de sortir un film au cinéma avec aussi peu de moyens, mais je redéconnecte mon cerveau aussitôt car le plus important reste qu’il sorte au cinéma et qu’il y ait des spectateurs dans la salle… »

     

    IC : 2011 à 2015, en quatre ans vous avez acheté du matériel, tourné deux films documentaires, géré et organisé leur projection en salles. Quel est aujourd’hui votre principal objectif ?

    GB : Entre temps j’ai également laissé de côté le documentaire et j’ai retravaillé 2 ans dans les vignes en 2012 et 2013. L’idée de tourner « Insecticide Mon Amour » est arrivé lors des traitements insecticides du vignoble en 2013 et je me demandais vraiment si j’allais avoir le courage de repartir dans cette galère de tournage où je n’ai jamais d’argent d’avance, où je fais des choix de vie qui ne correspondent pas exactement à mes rêves, notamment abandonner en partie la montagne pour concentrer mon énergie et mes finances sur des films que je fais surtout pour informer les autres (car finalement je suis personnellement déjà convaincu par les sujets que je traite). L’avenir reste encore assez incertain, j’ai de nombreux projets de documentaires dans la tête, des amis me poussent à continuer, en tout cas un moment dans cette voie, mais en même temps au quotidien, cela reste très lourd à porter surtout vu la conjoncture culturelle où le gratuit est devenu une norme difficilement compatible avec la réalisation de documentaires engagés !

    IC : Quel est votre moteur ?

    GB : C’est une grande question que je me pose souvent. Je pense que j’ai besoin de faire ma part à l’image du Colibri si bien expliqué par Pierre Rabhi. Est-ce que le monde changera selon ce que j’insuffle ? Je l’espère mais j’ai de gros doutes… Je sais que grâce à « La Clef des Terroirs » pas mal de vignerons ont vu la biodynamie d’un autre œil, ils ont commencé à faire leur première préparation biodynamique, des jeunes m’ont même dit qu’ils avaient enfin trouvé une orientation professionnelle… Je pense que c’est ça qui m’anime ! Que le maximum de personnes se convertisse vers plus d’amour de la nature et avant tout les personnes qui sont à la base de notre alimentation. Même si je fais également mes films pour le grand public, mon souhait le plus cher serait que le maximum de surface soit travaillée en agriculture biologique afin d’arrêter d’utiliser et de croire que la chimie est la seule voie possible pour nourrir la planète !

    IC : Comment obtient-on un visa d’exploitation pour le cinéma ?

    GB : Il faut dans un premier temps déposer le nom du film au RPCA, puis il faut déposer un dossier de visa complet au CNC qui le visionne pour donner son aval afin de dire s’il peut être projeté en « Tout Public » ou s’il a des restrictions. C’est beaucoup plus simple que ce que je pensais au départ !

    IC : Œnologue et viticulteur, vous pourriez produire un reportage ou un court métrage mettant en scène la BD de Davodeau « Les Ignorants »…

    GB : Richard Leroy est un ami qui est déjà présent dans « La Clef des Terroirs », c’est d’ailleurs assez drôle car Etienne Davodeau travaillait sur sa BD en même temps que je tournais mon film et Richard m’en avait pas mal parlé sans que je prenne conscience de la portée de la BD. Le jour où Richard m’a offert le « livre » en avant-première avec un autographe de Davodeau, je suis resté un peu con, car je n’imaginais pas une aussi belle BD. Elle a eu un succès bien mérité et j’ai depuis fait connaissance d’Etienne avec qui nous échangeons de temps en temps sur le net. Il y a un des bonus du DVD disponible sur lui en ligne d’ailleurs.

    IC : Un « fil d’actu », des photos de voyages, on est un peu perdus entre le blog et le site professionnel…

    GB : C’est un peu voulu de se perdre ! De se poser la question du « Qui se cache derrière tout ça ? ». C’est pas trop évident de simplifier mais pour aller à l’essentiel, le site « La Clef des Terroirs » traite des sujets autour de l’agriculture et des pesticides, « Dahu Production » devait être un site pour mon activité mais comme je communique un peu pour mon éditeur et qu’il y a de nombreuses choses dont j’ai envie de parler en dehors de l’agriculture, cela devient un site rempli de tout ce que je trouve d’inspirant sur le net. Quant à la boutique, elle est devenue depuis cet été mon propre site de vente en ligne (en cours de refonte de la page d’accueil car le crowdfunding est terminé). Mais ça n’est qu’une partie visible de l’iceberg… C’est beaucoup plus compliqué d’expliquer la logique de communication qu’il y a derrière et les raisons de tous ces choix. Mais pas d’inquiétude, tout est à sa place et prendra forme avec le temps.

    IC : Vous tournez actuellement une suite  à « La Clef des Terroirs » ?

    GB : Effectivement, l’idée de tourner une suite de « La Clef des Terroirs » a germé lors de la tournée cinéma avec le premier opus alors qu’une question revenant souvent était « Y a-t-il des femmes dans ce milieu biodynamique ? ».

     

    « Je me suis rendu compte à ce moment-là que je n’avais intégré aucune femme ! Donc pour rétablir la parité, je me suis dit que je pouvais faire un documentaire sur le même thème mais d’un point de vue féminin… »

     

    C’est très intéressant et cela fait plus d’un an et demi que j’ai commencé à tourner, il me reste encore un peu plus d’un an pour tout finaliser ce que j’ai envie de montrer.

    IC : Qu’en est-il de votre parenthèse en Inde ? Le projet d’y aller à pied en 2014 s’est-il réalisé ? En avez-vous tiré un film ?

    GB : L’Inde est un pays qui m’a toujours attiré, j’y suis allé une première fois en 2012 pour découvrir la communauté d’Auroville dans le Tamil Nadu, les bords du Gange à Varanasi et une magnifique plantation de thé en biodynamie à Darjeeling. Le projet d’y aller à pied depuis la France était le rêve de mon amie, elle avait ça dans la tête depuis toute petite. Un jour la décision a été prise de préparer ce voyage, nous sommes réellement partis de Paris mais les choses se sont rapidement compliquées entre nous et j’ai décidé de continuer une partie seul avant de me rendre compte que ce n’était pas mon projet de vie et que je préférais réaliser des documentaires en Europe. C’est d’ailleurs pendant cette période que nous avions commencé à réaliser « Insecticide Mon Amour » en passant par la Bourgogne puis je l’ai finalement fait seul. C’est lorsque je suis arrivé en Ardèche puis en Italie que j’ai commencé à réaliser la suite de « La Clef des Terroirs »  avec uniquement des femmes vigneronnes en biodynamie. Comme je l’ai dit plus haut, je suis encore en tournage de ce film.

    Si vous souhaitez aider Guillaume Bodin à réaliser et produire ses films, n’hésitez pas à partager le plus possible les liens de ses films, également disponibles en DVD (en vente sur son site), ainsi que le programme des passages en cinéma. Instant City remercie Guillaume Bodin pour cette très belle rencontre.

     

     

    « La Clef des Terroirs », la bande-annonce

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    « Insecticide Mon Amour », la bande-annonce

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    Rencontre avec Guillaume Bodin, réalisateur du film « La Clef des Terroirs »

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dahu Production

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] La Clef des Terroirs

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Insecticide Mon Amour – Evénements à venir

     

     

  • Interview Exclusive | Jim, de la bande dessinée au cinéma

    Interview Exclusive | Jim, de la bande dessinée au cinéma

     

    Jim (de son vrai nom Thierry Terrasson) est un auteur de BD qu’on n’a plus besoin de présenter : 110 albums, 1,3 million d’exemplaires vendus, du théâtre, des courts-métrages, et un rêve : le cinéma. Parce que Jim nous fait rêver, nous avons voulu à notre tour nous intéresser à ses rêves.

     

    IC : Vous avez déclaré « rêver de cinéma depuis vos 18 ans » (interview « My little discoveries » – Mars 2013). Qu’est-ce qui vous attire dans le 7ème Art que vous ne retrouvez pas dans le 9ème ?

    Thierry Terrasson : Le monde de la BD et celui du cinéma sont différents : faire de la BD reste un travail solitaire. Parfois on est deux, trois, mais on jouit d’une liberté totale de création. Je peux imaginer un personnage, dire une phrase d’une certaine façon, le dessiner comme j’en ai envie, découper le texte comme il me semble et raconter ce qui me chante. Je peux jouer avec tous les éléments mis à ma disposition pour évoquer des choses, les faire ressentir ou créer un mouvement, et cela juste d’un coup de crayon. Ce sont les possibilités infinies que nous offre la BD.

    L’une des qualités du cinéma qui m’attire, c’est le travail en équipe. On se retrouve soudain plusieurs à projeter notre ressenti, nos idées sur le film. Chacun, selon sa compétence (réalisateur, metteur en scène, scénariste, responsable photo, acteurs…). Un acteur apportera au texte de la finesse, une certaine intensité, un sous-texte, autant de choses qui vont agrémenter la simple idée de départ. De la même façon, le lieu influe sur les idées qu’on avait, c’est pour cette raison que j’essaie de ne pas trop dessiner de story-boards. Ce sont souvent les plans les moins intéressants car les plus calculés. Je préfère les surprises, les accidents qui  donnent la sensation d’attraper la vie au vol.

     

    IC : Vous avez participé aux scénarios de sept courts-métrages : Comment se sont créées à chaque fois les rencontres et les opportunités ?

    Thierry Terrasson : Parfois, des gens sonnent à ma porte, mais la plupart du temps, c’est une envie très instinctive au démarrage, et je cherche alors qui le projet peut intéresser. Souvent en allant chercher dans mes connaissances, parfois en découvrant de nouvelles personnes. On parle là d’une majorité de courts métrages joyeusement amateurs. Seuls les tout derniers prennent un tournant plus professionnel. Je ne fais plus tout, tout seul, ou avec quelques copains. Mon dernier court-métrage, « Vous êtes très jolie, mademoiselle » a été réalisé en faisant appel à des professionnels. Ce n’est plus moi qui tiens la caméra, ce qui est une étape décisive : il s’agit de passer le relais à quelqu’un de calé en photo, en cadrage, qui saura faire bien mieux que ce qu’on ferait, et lui faire confiance ! Chacun son métier.

     

    IC : En 1986, vous réalisiez votre premier court métrage «Chipie St Jill». Quel était le pitch ? Quels étaient vos moyens ? 

    Thierry Terrasson : Les moyens ? Illimités ! (rires) En fait, «  Chipie St Jill » est mon tout premier court métrage, co-réalisé avec mon frère Philippe : il avait 17 ans et moi 19, on parle donc ici d’une histoire de gamins ! Le Crédit Agricole nous avait soutenus dans notre projet en nous faisant un don de 13 000 francs (2 000 euros). Le court parlait d’admiration, de la manière qu’a chacun d’admirer quelqu’un d’autre. On y sentait à plein nez les influences de « 37°2 le matin » et de « La lune dans le caniveau », deux film de Jean-Jacques Beineix. Nos moyens étaient très limités. Comme nous étions inscrits à un club photo et vidéo, un professionnel rencontré là-bas nous avait gracieusement prêté sa caméra et nous avons tourné en 16mm pendant les six mois qu’a duré le tournage. On a très vite réalisé qu’on pouvait faire des miracles à notre petit niveau. Je me souviens d’une anecdote : la scène se déroule sur un quai où sont amarrés des paquebots, dans le port de La Rochelle. Une DS devait être déchargée d’un des paquebots. Facile à écrire, ça prend deux minutes sur un coin de table, mais à tourner ? En discutant avec des hommes sur le chantier naval, contre un petit billet, ils ont accepté de monter et descendre le véhicule pendant une demie- heure, de quoi tourner nos plans. Ça parait tout bête, mais à l’âge qu’on avait, c’était un vrai moment magique pour nous. Pour finir, le court-métrage a fait le tour de quelques festivals et a eu le premier prix au festival du Futuroscope. C’était notre première projection publique, autant dire un régal !

     

    « Si je devais donner un conseil à tous ceux qui veulent démarrer, ce serait celui-là : ne restez pas dans votre coin. Il existe de nombreux clubs vidéos qui permettent de projeter sur écran ce que vous faites. C’est plus intéressant que de poster une vidéo sur U Tube, en tout cas, c’est complémentaire. La réaction du public dans une salle permet de voir très vite si ce que l’on a tourné fonctionne ou pas… et de se remettre en question. »

     

    IC : Votre frère en était co-réalisateur et acteur. La passion du cinéma, une histoire de famille ?

    Thierry Terrasson : Philippe a bifurqué vers l’architecture de son côté. Mais oui, au départ, c’était une vraie passion commune. On a grandi côte à côte à discuter des mêmes films. On venait d’une petite ville de province, c’était sans doute ça ou mourir d’ennui…

    Pour ma part, j’ai toujours adoré raconter des histoires, que ce soit à travers l’écriture, la bande dessinée ou la prise de vue réelle. Ce qui me passionne, c’est de prendre un bout d’histoire et de la faire évoluer en y ajoutant un drame, une rencontre, une situation un peu dingue… Ce qui m’intéresse, c’est de trouver des ponts entre tout ça. Prendre ce que la vie nous offre de plus piquant et de meilleur pour essayer d’en faire quelque chose. J’aime faire vivre des tas de choses à mes personnages, les surprendre, les secouer… Je suppose que c’est ma drogue !

     

    IC : Hubert Touzot est un acteur récurrent de vos courts-métrages. Pouvez-vous nous parler un peu de lui ?

    Thierry Terrasson : Hubert Touzot est un photographe qui a un vrai talent et mérite que l’on découvre son travail. Je lui rends hommage dans l’un de mes prochains albums « De beaux moments ». C’est aussi un super ami, la personne la plus drôle que je connaisse. Il a un cerveau connecté je ne sais où, ce qui lui permet de constamment partir en vrille sur n’importe quel sujet. Il a fait un peu de scène à une époque… Il me conseille, je le conseille. Nous avons même fait un livre ensemble : « T’chat ». Nous nous faisions passer pour une fille et faisions tourner en bourrique des hommes avides de sexe sur les premiers réseaux sociaux. On en pleurait de rire ! L’éditeur un peu moins quand il a vu les chiffres de vente désastreux (rires). C’était il y a cinq ans environ. Hubert l’avait signé U’br. Il écrit toujours, le bougre. Mais son vrai virage est la photographie.

     

    IC : En 2001, vous recevez un 1er prix avec « Le Jeune » et en 2005 votre court-métrage « George » reçoit trois prix, se vend à trois chaînes de télévision. Les choses se sont accélérées  durant ces quatre années ?

    Thierry Terrasson : Disons que ça a marqué une petite étape : je me suis dit qu’il était peut-être temps, maintenant, de tenter l’aventure du long. Ecrire, trouver le bon sujet, convaincre des producteurs, tout cela est indispensable pour franchir cette étape. C’est aussi pour ça que mes projets BD ont évolué, et ressemblent de plus en plus à des films sur le papier. Je suis de plus en plus régulièrement à Paris et j’apprends pas mal de la relation avec les producteurs.

     

     

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    « Les projets BD et ciné se mêlent donc de plus en plus. Maintenant quand j’écris, je ne sais pas toujours si je l’imagine d’abord en film ou en livre. »

     

    IC : De quoi ont été faites ces  dix dernières années depuis 2005 ?

    Thierry Terrasson : J’ai écrit, imaginé des personnages, des situations. J’ai fait des lectures avec des acteurs, j’ai rencontré des réalisateurs et des producteurs. J’ai beaucoup travaillé à comprendre le fonctionnement du milieu grâce aux rencontres : il s’agit là d’un travail sous-terrain pour parvenir à cerner le métier de scénariste de cinéma, ce qui n’est pas du tout la même approche que scénariste de BD. D’un côté c’est une industrie, de l’autre encore un artisanat.

     

    IC : Quel est votre technique pour écrire ?

    Thierry Terrasson : Au départ, je notais toutes mes idées dans des carnets, des feuilles volantes… Aujourd’hui je les intègre directement dans mon smartphone. Je prends ensuite du fil et une aiguille et j’essaie de coudre les idées ensemble. C’est, de l’avis de spécialistes bien informés, une très mauvaise méthode, car j’essaie d’intégrer la structure après coup. Ils ont sans doute raison mais c’est la méthode que je préfère. J’écris le weekend, la semaine, chez moi vers Montpellier, ou dans le train, ou chez belle-maman, un peu n’importe où. Chez moi, je suis infichu d’écrire dans mon atelier (consacré au dessin), j’ai une pièce dans laquelle j’aime écrire. Avoir un lieu ainsi dédié à l’écriture nous met en condition et donne un cadre, un cérémonial qui met le cerveau en position « écriture ». Même si, en vérité, j’écris vraiment n’importe où. Et je dois bien avouer que la plupart des nouveaux projets naissent en vacances, ou en trajet. Comme quoi, il n’y a pas de secret : il faut agiter son cerveau pour en sortir quelque chose !

     

    IC : de l’écriture à la réalisation, quelles sont les étapes à franchir ?

    Thierry Terrasson : Vous voyez ces militaires en camp d’entraînement, qui avancent à plat ventre dans la boue sous des barbelés ? Ecrire un film, ça m’évoque un peu ça (rires).

    Je n’ai aucun réseau et je sors de nulle part.

     

    « Ma notoriété entre peu en ligne de compte : parfois, quelqu’un me connaît et accepte donc de lire mon travail plus facilement. Mais j’ai forcément tout à prouver chaque fois, ce qui est le jeu. »

     

    Ecrire un scénario de BD a au final si peu à voir avec écrire un scénario de long métrage. Je travaille de plus en plus avec des producteurs, mais les décisions ultimes appartiennent aux distributeurs et aux chaînes de télévision. Il suffit de trouver un éditeur pour qu’une bande dessinée existe. Au cinéma, le producteur n’investit plus d’argent, il va démarcher des investisseurs : les chaînes de télévision, les distributeurs, les aides diverses… Pour les convaincre, le producteur essaie d’avoir un maximum d’atouts en main : des acteurs, un scénario, son passif… Il est bien loin le temps où les producteurs investissaient sur leurs fonds propres, sur leur seule foi en un projet…

     

    IC : Entre 2012 et 2015, vous avez connu plusieurs très grands succès d’édition avec « Une nuit à Rome » Tomes 1 & 2, avec « Héléna » Tomes 1 & 2, avec « Un petit livre oublié sur un banc » Tomes 1 & 2.

    Thierry Terrasson : Même si je m’essaie au cinéma, je resterai toujours attaché à la liberté que m’offre la BD. C’est un vrai bonheur de passer de l’un à l’autre. En ce moment, je me régale en BD de cette extrême liberté. Je dois bien avouer que je savoure ce bonheur là tous les jours !

     

    IC : Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

    Thierry Terrasson : Je travaille sur plusieurs projets en écriture, dont un en co-réalisation avec Stéphan Kot, un vieux complice talentueux. Et je peaufine des scénarios de comédie.

    En septembre 2015 démarre le tournage de l’adaptation de ma BD «L’invitation», par Michel Cohen avec Nicolas Bedos. Le sentiment que quelque chose se met en route.

    Et en BD, j’achève un album dans la lignée de « Une Nuit à Rome », qui s’appelle : « De beaux moments », aux éditions Grand Angle, et va sortir fin août « Où sont passés les grands jours, Tome 2 » avec Alex Tefengki au dessin.

    Et avec Lounis Chabane (Héléna), nous sommes sur deux tomes d’une BD qui va s’appeler « l’Erection ». Tout un programme !

     

    IC : Merci Thierry d’avoir accepté de répondre à nos questions.

    Thierry Terrasson : Mais c’est moi. Merci à vous !

     

     

    Thierry Terrasson 004

     

     

    Et en cadeau, le court-métrage de Thierry Terrasson : « Vous êtes très jolie Mademoiselle » :

     

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