Catégorie : Culture

  • Bonjour, je suis Niki de Saint-Phalle…

     

    Du 17 septembre 2014 au 2 février 2015, le Grand Palais présente la Rétrospective Niki de Saint Phalle, l’une des artistes les plus populaires de la seconde moitié du XXe siècle. Depuis l’exposition qui lui fut consacrée au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 1993, aucun événement important n’avait plus mis en avant son travail.

    Plasticienne, peintre, sculptrice et réalisatrice de films, Niki de Saint-Phale (1930 – 2002) a d’abord été mannequin, puis mère de famille, avant d’aborder l’art en autodidacte. Elle commence à peindre en 1952, s’inspirant de l’Art Brut, Dubuffet en particulier, mais aussi de Gaudi ou Pollock, pour peu à peu installer à partir de la fin des années 50 un univers personnel, original et singulier, libre de toute tendance ou mouvement.

    Plus de deux-cents œuvres et archives, beaucoup inédites, ponctuent un parcours chronologique et thématique sur plus de 2000 m2, assorti d’écrans sur lesquels l’artiste commente son travail. Des maquettes de projets architecturaux et une sculpture-fontaine (L’Arbre de Vie) devant l’entrée du Grand Palais, permettront d’évoquer l’ampleur et la diversité de son œuvre publique.

    Artiste franco-américaine, Niki de Saint Phalle ne cessera de voyager entre ses deux pays d’adoption, et d’en réconcilier les tendances artistiques. Connue comme la seule artiste femme du Nouveau Réalisme en France (avec CésarChristoYves Klein…), c’était aussi une artiste américaine, dont les œuvres sont à replacer dans une histoire des Combine Paintings Néo Dada, au côté de Jasper Johns et Robert Rauschenberg, mais aussi à l’origine du Pop Art dont son approche renouvelle la lecture.

    Ses œuvres comportent plusieurs niveaux de lecture et d’interprétation dont on a souvent omis le caractère politique, au profit d’une lecture décorative et superficielle. Aller au-delà, c’est reconnaître par exemple aux Tirs toute leur puissance subversive. Ces performances, où des tableaux étaient détruits à la carabine par elle-même, par ses amis artistes ou par le public invité, furent à la fois fondatrices dans l’histoire du happening et particulièrement scandaleuses car orchestrées par une femme.

    Dirigés contre une vision de l’art, une idée de la religion, une société patriarcale, une situation politique où guerre froide et guerre d’Algérie s’entremêlent, un pays, les États-Unis, où le port d’arme est légalisé, les Tirs sont à l’image de son œuvre ultérieure, qui se nourrit presque toujours de questionnements sociétaux.

    On en découvrira la violence, exprimée dans l’audace de ses performances, l’engagement et la radicalité du contenu politique et féministe de son travail, même si l’on se souvient peut-être avant tout des couleurs vives et gaies de ses personnages, de leurs formes si pleines et de leur si petite tête.

    Une de ses oeuvres les plus célèbres, La Cabeza Grande, sera quant à elle exposée aux mêmes dates au 104, et une sculpture de Niki de Saint Phalle sera installée en écho au Jardin flottant des berges de la Seine.

    Une biographie récente et très vivante de l’artiste : Niki de Saint Phalle, la révolte à l’œuvre, très documentée, a été écrite par Catherine Francblin et publiée chez Hazan. Elle vous permettra de compléter l’approche qui est faite ici. Les amis, les influences, les feelings apportent beaucoup à la compréhension du personnage.

    Cette exposition est organisée par la RMN – Grand Palais avec l’aimable participation de la Niki Charitable Art Foundation, et co-organisée avec le Guggenheim Museum de Bilbao. Elle bénéficie de prêts exceptionnels des musées de Hanovre et de Nice, qui ont reçu d’importantes donations de l’artiste. Elle sera présentée au musée Guggenheim de Bilbao du 27 février au 29 juin 2015.

    Niki de Saint Phalle, du 17 septembre 2014 au 2 février 2015. Grand Palais, entrée Champs-Élysées. Métro Champs-Élysées-Clemenceau ou Franklin-D.-Roosevelt. Tlj sauf le mardi de 10 à 22h. Fermeture à 20h les dimanche et lundi. 13 ou 9€ (16-25 ans, demandeurs d’emploi, famille nombreuse). Gratuit pour les moins de 16 ans, bénéficiaires du RSA et du minimum vieillesse.

     

     

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    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Niki de Saint-Phalle

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Grand Palais

     

     

     

  • Réouverture du Musée Picasso | Hôtel Salé, Paris

     

    Après cinq années de fermeture pour travaux, et quatre mois de retard sur la date de réouverture initialement prévue, les 5000 oeuvres de la Collection Picasso retrouvent enfin leur écrin originel, à savoir l’Hôtel Salé dans lequel le Musée est installé depuis 1985. La totalité de cet hôtel particulier du Marais, datant de 1659, est à présent consacrée, des caves aux combles, à la collection publique la plus importante au monde. Ce sont dorénavant 37 salles dont dispose le Musée Picasso, et qui constituent une surface d’exposition doublée.

    Anne Baldassari, la présidente de la Collection Picasso, vous propose un parcours magistral sur trois niveaux, durant lequel elle retrace l’ensemble de la carrière de Pablo Picasso, depuis ses premiers tableaux en 1895, à l’âge de 14 ans, aux dernières œuvres réalisées en 1972, quelques mois avant sa mort. Cette présentation chronologique est ponctuée de séquences thématiques : les autoportraits, le cubisme, les peintures de guerre… Dans les combles, le visiteur découvre la collection personnelle de Pablo Picasso : des peintures de Degas, Matisse, Cézanne, Braque, Le Douanier Rousseau ou Modigliani. Enfin, les anciennes caves de l’Hôtel Salé sont consacrées aux différents ateliers de l’artiste, ainsi qu’à son processus de création.

    Ce sont donc environ cinq-cents oeuvres sélectionnées parmi la totalité de la Collection, qui seront exposées au public à compter de ce week-end, après avoir parcouru le monde durant la durée des travaux. « Mon grand-père avait dit « donnez-moi un musée, je le remplirai ! ». Il faut savoir qu’il y a un peu moins de 500 œuvres qui sont exposées, sur un total de presque 5000 ! C’est un dixième de ce que le musée Picasso possède » déclare Olivier Picasso, le petit-fils de l’artiste. Il y expose d’ailleurs au dernier étage une partie de la collection personnelle de son grand-père.

    Car Pablo Picasso collectionnait lui-même ses amis, ses maitres, ou encore l’art africain. « Ce sont nous, les peintres, les vrais héritiers, ceux qui continuent à peindre. Nous sommes les héritiers de Rembrandt, Vélasquez, Cézanne, Matisse… Un peintre a toujours un père et une mère, il ne sort pas du néant ». Ainsi, le cocon intimiste du dernier étage de l’Hôtel Salé met en exergue ce dialogue qui s’instaure entre les oeuvres qu’il collectionnait et ses propres oeuvres présentes aux niveaux inférieurs. « Je peins contre les tableaux qui comptent pour moi, mais aussi avec ce qui leur manque », dit Picasso. Avec Matisse, on est dans le domaine de la joute artistique, tandis que les masques africains (dont le très important masque Nimba, de Guinée, grand fétiche de la maternité) dialoguent avec le Douanier Rousseau. Avec Renoir, on est plutôt dans le rapprochement sensuel.

    Ce samedi 25 octobre, Pablo Picasso aurait eu 133 ans.

    Courez-y ce week-end, c’est gratuit et c’est beau !

     

     

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    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Musée Picasso

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pablo Picasso

     

     

     

  • 200 000 Syriens | Laurent Van Der Stockt

    200 000 Syriens | Laurent Van Der Stockt

     

     

    Deux-cents mille, c’est le nombre de victimes depuis le début du conflit syrien en mars 2011. Le photographe Laurent Van Der Stockt investit la Cathédrale de Bayeux, à l’invitation du Prix Bayeux – Calvados des correspondants de guerre, afin de témoigner de ce conflit meurtrier qui met à feu et à sang le Proche-Orient, avec des implications dramatiques dans toute la région.

    Le photographe cherchait un lieu pour exposer ces témoignages précieux rapportés de Syrie, et c’est finalement ce cadre prestigieux de la Cathédrale de Bayeux qu’il choisit pour y agrandir, découper et redimensionner ses clichés, afin de les incruster dans la structure même de l’édifice, et faire corps avec les voutes, les piliers, les structures.

    « J’ai pensé à la cathédrale. J’ai été étonné du bon accueil fait à cette idée par le curé, l’évêque. Les monuments historiques ont été un peu plus tatillons. On m’a dit tout ce que je ne pouvais pas faire. Je ne voulais pas de panneaux, moches… J’ai beaucoup cherché, réfléchi. Finalement, je me suis immiscé dans ce qu’ils ne m’avaient pas dit que je ne pouvais pas faire ! », témoigne-t-il, non sans un certain humour.

    Par cette exposition, Laurent Van Der Stockt met des visages et de l’humanité sur ce chiffre irrationnel, comptabilité macabre d’un conflit aujourd’hui presque oublié, face à l’accélération de l’actualité internationale.

    Le résultant interpelle, et on se surprend à chercher, dans ce cadre solennel et divin, au milieu des vitraux ou des statues, les visages de ces 200 000 Syriens…

    Exposition prolongée jusqu’au 02 novembre 2014.

     

     

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    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Laurent Van Der Stockt

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Prix Bayeux – Calvados

     

     

  • Man Ray | 400 oeuvres en vente chez Sotheby’s

     

    400 oeuvres de Man Ray vont être proposées le 15 novembre par Sotheby’s à Paris lors d’une vente présentée comme la plus importante de cet artiste depuis 20 ans. Provenant directement de la succession de Man Ray, le Man Ray Trust, la majorité de ces créations n’ont jamais été vues du grand public. Cet événement fait écho à la vente Man Ray organisée par Sotheby’s à Londres en 1995, où plus de six cents lots s’étaient vendus pour quatre millions de livres.

    Toutes les facettes de la carrière du photographe seront représentées, avec des images surréalistes, des solarisations, des photos de mode, des portraits de grands artistes tels Picasso, Braque, Cocteau, Giacometti, Miro, mais aussi de ses muses, Kiki, Lee Miller et sa femme Juliet). Elles figureront aux côtés des icônes du spectacle et du cinéma, dont Ava Garner, Juliette Gréco, Yves Montand et Catherine Deneuve. Un portrait de Picasso sera également mis aux enchères, estimé entre 25 000 et 35 000 euros.

    Au programme enfin des objets surréalistes, dont le célèbre « Ce qui manque à nous tous », une pipe en argile surmontée d’une bulle de verre, proposé entre 25 000 et 30 000 euros. Cette vente sera riche en bijoux et objets de joaillerie, dont une broche en or à l’effigie des lèvres de Lee Miller et inspirée du célèbre tableau de l’artiste « A l’heure de l’observatoire, les amoureux » (1932-1934), ou encore de surprenantes boucles d’oreilles en forme d’abat-jours déstructurés.

    Suite au décès de l’épouse de Man Ray, un nombre significatif des oeuvres de l’artiste, dont des archives photographiques, ont fait l’objet d’un don au gouvernement français et ont rejoint les collections permanentes du Centre Georges Pompidou.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Man Ray

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Sotheby’s

     

     

     

  • Exposition Sade | Attaquer Le Soleil – Musée d’Orsay (du 14 octobre 2014 au 25 janvier 2015)

     

     

    « Combien de fois, sacredieu, n’ai-je pas désiré qu’on pût attaquer le soleil, en priver l’univers, ou s’en servir pour embraser le monde ? » (Les Cent vingt journées de Sodome, 1785)

     

    A compter du 14 octobre 2014, le Musée d’Orsay consacre une exposition au Marquis de Sade, en réunissant dans ce lieu prestigieux des peintures, sculptures, objets et diverses photographies, tout en ponctuant ce parcours initiatique de citations de Sade qui viennent dialoguer avec les oeuvres exposées.

    Alphonse Donatien de Sade (1740-1814) a bouleversé, sans pour autant l’avoir conceptualisé de son vivant, l’histoire de la littérature, comme plus généralement celle des arts, avant de devenir un véritable mythe après sa mort.

    Le « Divin Marquis » passa le tiers de son existence enfermé, avant de mourir obèse et malade en 1814, et son oeuvre fut condamnée à la censure, la clandestinité et l’oubli, jusqu’à sa réhabilitation en 1957.

    C’est finalement son patronyme qui sauvera probablement le Marquis de l’oubli éternel, après sa mort, et jusqu’à la reconnaissance ultime de son influence sur les arts que constituera la parution de ses oeuvres complètes à la Bibliothèque de la Pléiade en 1990. Quant au néologisme « sadisme », il apparait pour la première fois en 1834 dans le Dictionnaire Universel de Boiste comme « aberration épouvantable de la débauche : système monstrueux et antisocial qui révolte la nature ».

    De « Justine » aux « Cent-vingt journées de Sodome », l’oeuvre de Sade met en exergue une liberté et une audace sans doute jamais atteintes par aucun autre auteur, des fantasmes vécus jusqu’aux limites, un style énergique et puissant, et bien entendu la beauté de la langue française, en remettant en cause de manière radicale les questions de limite, de proportion et de débordement, les notions de beauté, de laideur, de sublime, et l’image du corps. En débarrassant de manière radicale le regard de tous ses présupposés religieux, idéologiques, moraux, sociaux, Sade nous amène à nous questionner sur les raisons qui ont pu nous pousser à nous débarrasser de toutes ces thématiques pendant plus de deux siècles…

    En préambule à cette exposition, David Freymond et Florent Michel nous livrent leur vision de l’écrivain, en réalisant ce clip magnifique.

    En ce qui me concerne, c’est de Sade que me vient cette addiction immodérée aux bonbons à l’anis…

     

     

    [youtube id= »z4eDdjIiIaI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Musée d’Orsay

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] La Pléiade

     

     

  • Focus | Romain Gary et François Truffaut, résonances entre deux auteurs et leurs œuvres

    Focus | Romain Gary et François Truffaut, résonances entre deux auteurs et leurs œuvres

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS »: un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

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    L’année 2014 commémore à la fois le centenaire de la naissance de Romain Gary (1914-1980) et le trentième anniversaire de la mort de François Truffaut (1932-1984). Entre les deux auteurs, apparaissent des symétries, des parallèles, des points de convergence, à commencer par leur amour partagé de la littérature et du cinéma.

    Nommé consul général à Los Angeles en 1956, Romain Gary côtoie le tout Hollywood, épouse l’actrice Jean Seberg (pressentie par Truffaut pour le rôle de Jacqueline Bisset dans La Nuit Américaine), s’essaye à la mise en scène (1), et plusieurs de ses romans sont adaptés au cinéma (2). Quant à Truffaut, d’abord critique dans Arts et dans Les Cahiers du Cinéma, auteur d’un livre d’entretiens avec Alfred Hitchcock, il aurait certainement embrassé une carrière de romancier s’il n’avait été cinéaste. Passionné de littérature, il s’inspire de romans pour plusieurs de ses films (3), dont certains passages sont commentés d’une voix off, celle de Madame Jouve, par exemple, dans La Femme d’à Côté (1981). Et il n’est pas rare de voir les héros truffaldiens lire ou taper à la machine à écrire.

     

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    SOMMAIRE

    Le schéma familial
    Le poids du manque et celui du trop plein
    Je me suis toujours été un autre
    Les femmes, précieuses alliées
    Enquête d’identités

    Le rapport de la judéité
    Deux esprits libres
    De la fiction, faire une réalité
    C’est la fin
    Encore aujourd’hui
    Notes

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    Le schéma familial

    Leur destin d’auteurs prend naissance dans un même schéma familial : un père absent et une figure maternelle déterminante.

    Dans son premier film Les 400 Coups (1959), Truffaut fait le portrait à charge d’une mère autoritaire, volage, encombrée par un fils qui trouve refuge dans les livres et les salles obscures. Dans La Promesse de l’Aube (4), Romain Gary rend hommage à sa mère juive qui «n’était qu’amour” et voyait en lui un héros en devenir.

    “Avec l’amour maternel, la vie vous fait, à l’aube, une promesse qu’elle ne tient jamais. Chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus”.

     

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    Le poids du manque ou celui du trop plein

    Le cinéma de Truffaut comble un vide. “Le cinéma m’a sauvé la vie” déclare-t-il (5). Ferrand, le metteur en scène de La Nuit Américaine (1973), joué par Truffaut, sermonne son acteur Alphonse, interprété par Jean-Pierre Léaud : “Ne fais pas l’idiot, Alphonse. Tu es un très bon acteur, le travail marche bien. Je sais, il y a la vie privée, mais la vie privée est boiteuse pour tout le monde. Les films sont plus harmonieux que la vie, Alphonse. Il n’y a pas d’embouteillages dans les films, il n’y a pas de temps morts. Les films avancent comme des trains, tu comprends ? Comme des trains dans la nuit”.

    Pour Romain Gary, l’écriture libère d’un trop plein. Un besoin qu’il qualifie de “physiologique” le pousse à écrire dix heures par jour ! “L’écriture est un processus d’élimination, indispensable à mon équilibre psychique. Après je sors soulagé”. (6) Se libérer des espoirs – voire de la mythomanie – de sa mère.

    Ambassadeur de France ! C’est ainsi qu’elle le rêvait. La France, patrie des Droits de l’homme, le paradis sur terre, aux yeux de Mina, juive polonaise, acharnée dans sa lutte pour survivre. En 1928, cette francophile invétérée quitte Vilnius et émigre à Nice avec son fils de 14 ans … Toute la vie de Gary est conditionnée par l’exigence maternelle. “Il me fallait tenir ma promesse, revenir à la maison couvert de gloire, après cent combats victorieux, écrire Guerre et Paix, devenir Ambassadeur de France, bref, permettre au talent de ma mère de se manifester” (4). Il s’engage dans les Forces aériennes françaises libres, rejoint De Gaulle à Londres, Leclerc en Afrique du Nord, risque sa vie plus d’une fois, est nommé Compagnon de la Libération, Commandeur de la Légion d’honneur, devient Consul Général de France en Californie et obtient deux fois le prix Goncourt (7) !

     

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    « Je me suis toujours été un autre »

    Né Roman Kacew, il s’invente un premier pseudonyme, Romain Gary, pour L’Education Européenne (1945, Prix des Critiques). Gary veut dire “brûle” en russe. Après trois autres prête-noms, Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat (le “vagabond opulent” ou selon les sources, “le riche Satan” en russe) et Lucien Brûlard, Gary s’efface derrière Ajar, qui signifie “braise” en russe (8).

    Brûle, brûlard, braise… Faut-il y voir un hommage à Blaise Cendrars ( de son vrai nom Frédéric Louis Sauser), avec la fille duquel il eut une courte liaison, qui comme lui, vit un temps en Russie, combat dans l’armée française, se passionne pour l’Afrique, est naturalisé Français, fait Commandeur de la Légion d’honneur, signe une oeuvre prolifique… ? Il ne serait pas étonnant que Gary se soit trouvé des affinités avec le poète dont l’oeuvre mêle autant réel et imaginaire.

    Pas plus qu’à Truffaut qui s’imagine un double cinématographique en Antoine Doinel, la vie ne suffit à Gary… au point qu’il s’en invente plusieurs. ”Je lisais au dos de mes bouquins : plusieurs vies bien remplies… Aviateur, diplomate, écrivain… Rien, zéro, des brindilles au vent, et le goût de l’absolu aux lèvres. La vérité est que j’ai été très profondément atteint par la plus vieille tentation protéenne de l’homme : celle de la multiplicité. Une fringale de vie, sous toutes ses formes et dans toutes ses possibilités, que chaque saveur goûtée ne faisait que creuser davantage”. Le vrai, le faux s’emmêlent et s’alimentent comme des vases communicants. Gary travestit sa vie dans La Promesse de l’aube, qualifiée pourtant d’autobiographique, et fait de sa vraie vie une oeuvre romanesque dans laquelle il s’amuse à changer souvent de rôle. “Je me suis toujours été un autre” écrit-il dans Vie et mort d’Emile Ajar.

    Gary écrit la légende, s’invente “un mélange de sang juif, cosaque et tartare”, une naissance dans un wagon aux confins des steppes russes. Et dit se souvenir ”des coups de feu, de la Révolution de 1917… Ma mère était comédienne au théâtre. Elle jouait pour les soldats, pour les comités d’ouvriers, pour les Soviets. On allait d’usine en usine, en traîneau, en plein hiver. Ma mère m’emmenait partout. Je me souviens des soldats de l’Armée Rouge qui étaient tous très gentils avec moi…” (4).

    “La vie, c’était l’écran” (5) pour Truffaut, tout autant attaché à fuir le monde réel. “Mon cinéma est un prolongement de la jeunesse avec un refus de voir la vie telle qu’elle est, le monde dans son état réel, et, en réaction, le besoin de créer quelque chose qui participe un peu du conte de fées.”

     

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    Les femmes, précieuses alliées

    La vie ne suffisant pas à Gary, les femmes vont lui être utiles. ”Chaque fois que vous aimez une femme, vous changez de peau” (9). Comme Truffaut qui tombe amoureux de la plupart de ses actrices, qui se projette dans L’homme qui aimait les femmes (1977) en un Charles Denner obsédé par les jambes féminines, Gary multiplie les conquêtes et les aventures à un rythme quasi obsessionnel. Si bien que l’âge venant, il est terrorisé à l’idée de perdre sa vigueur sexuelle. Il traduit sa crainte dans l’un de ses plus savoureux romans, L’Angoisse du roi Salomon (1979, Mercure de France) et prévient dans plusieurs interviews : “Je ne connaîtrai jamais la vieillesse. D’une manière ou d’une autre, je ne veux connaître cet état absolument effrayant où l’on devient vraiment vieux… Je crois que je peux prendre cet engagement devant vos spectateurs” (9).

     

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    Enquête d’identités

    A 36 ans, François Truffaut décide de rechercher l’identité de son père, qu’il n’a jamais connu. Il s’en remet à Albert Duchenne, patron de l’agence de détectives Dubly, rencontré pour Baisers Volés (1968). Après quelques semaines, l’enquêteur lui révèle le nom de son père, Roland Lévy, son origine juive, son métier, chirurgien-dentiste, son adresse. En septembre 1968, Truffaut se rend à Belfort observer discrètement son père sortir de son immeuble pour sa promenade du soir. Truffaut découvre un homme d’une soixantaine d’années, seul, de corpulence assez forte. Truffaut reste caché et repart avec ses questions sans réponses… finir la soirée dans une salle de cinéma.

    L’identité paternelle ? Gary préfère s’en amuser. Il affirme que son père est Ivan Mosjoukine, plus grande star russe du cinéma muet, un bel homme à fière allure que sa mère adulait, et en qui il se trouve une certaine ressemblance… Information formellement démentie par Myriam Anissimov dans sa remarquable biographie (10) : le père de Gary, Arieh-Leïb Kacew, s’avère être en réalité un polonais juif, propriétaire d’un magasin de fourrures à Vilnius.

     

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    Le rapport à la judéité

    Apprenant l’origine juive de son père, Truffaut s’en émeut mais ne s’en étonne pas. Le cinéaste “s’est toujours senti juif. Cette judéité, il l’associe à son penchant pour les proscrits, les martyrs, les marginaux, à l’affirmation de cet autre qu’il dit avoir été tout au long de sa jeunesse”. (11)

    Le rapport à la judéité est aussi complexe chez Gary qui l’a tour à tour assumée, littérairement exploitée (Gros-Câlin ; La Vie devant soi…) et cachée, notamment en temps de guerre. “Tout ce que je leur avais dit à Paris lorsqu’on m’a interrogé… c’est que j’étais demi-juif. Je ne renie pas mes origines, je prends simplement des précautions pour l’avenir” (12)

    Aucun des deux n’est croyant, cela n’empêchant pas une certaine forme de mysticisme. Julien Davenne, joué par Truffaut, dans La Chambre Verte (1978), rejette la présence du prêtre et se construit sa propre liturgie dans un culte rendu aux morts, si intense qu’il prend le pas sur la vie.

    “Mes rapports avec la vie sont très mystiques, mais les religions organisées, les dogmes me sont totalement étrangers, confie Romain Gary. Je me sens épouvanté par le rituel. Ceci dit, je suis incapable de croire qu’il n’y ait rien d’autre que nous…”(6)

     

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    Deux esprits libres

    Les deux hommes sont des esprits libres, tendres et cruels, critiques à l’égard de leur oeuvre, tourmentés, d’une sensibilité tendant à la mélancolie, d’une indépendance confinant à la solitude, et paradoxalement, inlassables curieux de la nature humaine. Alors que Truffaut en explore souvent les ressorts dans l’espace triangulaire de la passion amoureuse (Jules et Jim, Le Dernier Métro…), qu’il n’a jamais vraiment milité que pour la défense du cinéma, Gary est agité de questionnements plus politiques.

    Gary est un combattant acharné ; “même si aucun livre au monde ne pourra briser le cou à la haine”, il porte en lui un grand ”espoir de fraternité “, pilier de toute son oeuvre. Dans Les Racines du Ciel, le personnage principal se bat contre le massacre des éléphants en Afrique. Morel est l’allégorie de Gary, révolté par la privation de liberté, l’abus de pouvoir, l’injustice, le racisme, le fanatisme, la lâcheté… “Tous mes personnages sont des contestataires. C’est peut-être le seul fil conducteur de toute mon oeuvre. Il n’existe pas un roman de moi qui ne soit une protestation… C’est mon rôle d’écrivain de gueuler comme un écorché” estime Gary (6), toujours fidèle aux idéaux de sa mère. “Quand on pense à l’histoire de l’homme, on s’aperçoit que la plus grande puissance spirituelle humaine, c’est la Connerie, avec un C majuscule“. Ecœuré par l’indignité, la fin de la grandeur européenne, la médiocrité humaine…, Gary ne renonce pas. “Mes airs amusés et ironiques ne tromperont personne : le phénomène humain continue à m’effarer et à me faire hésiter entre l’espoir de quelque révolution biologique et de quelque révolution tout court” (13). Gary assouvit sa soif de changer le monde et les hommes dans ses romans, où in fine l’humour et l’innocence triomphent.

     

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    De la fiction, faire une réalité

    En 1975, Gary porte la mystification à son paroxysme, en organisant l’escroquerie littéraire du siècle. Il change de nom pour signer La Vie Devant Soi. “Il y avait la nostalgie de la jeunesse, du début, du premier livre, du recommencement… C’était une nouvelle naissance. Tout m’était donné encore une fois. J’avais l’illusion parfaite d’une nouvelle création de moi-même par moi-même” (12)

    La duplicité va plus loin. Dans un mouvement contraire au processus créatif classique, qui va du vrai à la fiction, Gary fait de son invention, une réalité et trouve l’idée géniale de donner vie à son identité virtuelle. Il choisit Paul Pavlowitch, son petit cousin, pour endosser le rôle d’Emile Ajar. Duperie mémorable qui lui vaut, à ce jour, d’être le seul détenteur de deux prix Goncourt. Mais la mystification dépasse l’auteur. Gary enrage d’être enfermé dans “la combine métaphysique infernale” qu’il a lui-même échafaudée, et ne supporte pas de voir Paul Pavlowitch tirer gloire de sa propre création. Gary n’est plus maître de l’histoire et n’arrive plus à tirer les fils de sa marionnette.

     

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    C’est la fin

    La vie échappe à Gary et ne lui suffit définitivement plus. Reste à écrire le mot fin. Le 1er décembre 1980, dans son appartement parisien, il se tire une balle dans la bouche… Ce n’est qu’à titre posthume que Gary tombe le masque.

    L’imposture est révélée dans Vie et Mort d’Emile Ajar, publié le 17 juillet 1981. Mais là encore, le 3 juillet 1981, sa doublure, Paul Pavlowitch, préempte le devant de la scène et lui grille la vedette dans un témoignage lumineux d’intelligence, sur le plateau d’Apostrophes, pour la parution de son livre L’homme que l’on croyait. Paul Pavlowitch s’interroge : “Je ne sais pas si Gary était vraiment, je ne sais pas s’il a vécu par lui-même. J’ai tendance à croire qu’il n’existait pas “… (14)

    Quatre ans plus tard, Truffaut succombe d’une tumeur au cerveau.

     

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    Encore aujourd’hui

    De leur vivant et encore aujourd’hui, l’un et l’autre obtiennent un succès international. Truffaut obtient l’Oscar du meilleur film étranger pour La Nuit américaine en 1974. Il est admiré de Spielberg qui, en 1977, lui confie un rôle dans Rencontres du troisième type. Gary est un écrivain adulé en Allemagne, en Pologne et aux Etats-Unis.

    Leurs films et romans se relisent et se revoient avec un plaisir changeant à mesure que nos vies passent. Et quand l’un et l’autre s’amusent à faire résonner l’écho d’une oeuvre à l’autre, qu’on reconnaît des répliques déjà prononcées, comme fiers d’avoir saisi le clin d’œil, on a cette délicieuse impression de les avoir approchés.

     

    Auteur: Anne Rohou

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Notes » class= » » id= » »]

     

    1. Les Oiseaux vont mourir au Pérou, titre d’une de ses nouvelles, (Folio Gallimard, 1962); Kill! (1972).
    2. Les Racines du ciel de John Huston (1958); Clair de femme de Costa-Gavras (1979); Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable de George Kaczender (1981) ; La Vie devant soi de Moshé Mizrahi (1977); Les Cerfs-volants de Badel (1984) et de Jérôme Cornuau (2007); Adaptation de La Tête coupable, The impostors réalisé par Frédéric Blum.
    3. Tirez sur le pianiste de David Goodis, 1960; Jules et Jim de Henri-Pierre Roché 1961; Farenheït 451 de Ray Bradburry, 1966; La mariée était en noir 1967 et La Sirène du Mississipi, 1969, de William Irish
    4. La Promesse de l’Aube (1960, Gallimard)
    5. Les films de ma vie de François Truffaut, Flammarion, 1975.
    6. Romain Gary, Le Nomade multiple, 2 CD, entretien avec André Bourin, Archives sonores, Les grandes heures Ina/France culture, diffusées sur France Culture en mai et juin 1969.
    7. Les Racines du ciel de Romain Gary en 1956 et La vie devant soi d’Emile Ajar en 1975.
    8. Il signe Emile Ajar Gros-Câlin 1974, La Vie devant soi, 1975 et L’Angoisse du roi Salomon, 1979, Gallimard
    9. Entretien télévisé avec Jacques Busnel dans l’appartement parisien de Romain Gary, archives Ina.
    10. Romain Gary, le caméléon de Myriam Anissimov. Ed. Denoël
    11. François Truffaut d’Antoine de Baecque et Serge Toubiana, Biographies, Ed. Gallimard, 1996.
    12. La Nuit sera calme, 1974, Gallimard.
    13. Citation de Romain Gary, au sujet du recueil de nouvelles Les oiseaux vont mourir au Pérou (Gloire à nos illustres pionniers), Folio, 2009
    14. Apostrophes, interview de Paul Pavlowitch, 1981, Antenne 2, archives Ina

     

     

     

  • Man Ray | Trois-cents oeuvres exposées à la villa Manin (Provincia di Udine)

     

     

    Plus de trois cents oeuvres de Man Ray sont exposées à la Villa Manin depuis le 13 septembre 2014, et ce jusqu’au 11 janvier 2015, dans le cadre d’une grande rétrospective consacrée à un des créateurs majeurs du 20ème Siècle. Cette exposition balaie les grandes passions de l’artiste américain, naturalisé Français, de la peinture, son premier amour, à la photographie, en passant par le cinéma. Man Ray, chercheur visionnaire et grand explorateur, aura associé son nom à diverses techniques photographiques telles que le photogramme ou encore la solarisation. Ami de Duchamp, Breton, Dalì et Picasso, pour ne citer que les plus célèbres, Man Ray aura sûrement été un des personnages les plus influents de l’histoire de l’art.

     

    Villa Manin, Passariano, Codroipo, Provincia di Udine

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Man Ray Trust

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Villa Manin

     

     

  • Banksy | Au secours du Broad Plain Boys’ Club !

    Banksy | Au secours du Broad Plain Boys’ Club !

     

    A Bristol, une oeuvre du street artist Banksy sauve un cercle culturel pour garçons de la fermeture. Mobile Lovers, peint sur une paroi en bois d’une des pièces du club, représente deux amants dont l’étreinte se trouve perturbée par la consultation intempestive de leurs téléphones portables. En juin, cette oeuvre avait dû être enlevée de son support originel, afin d’éviter d’éventuels actes de vandalisme. Banksy avait alors décidé de faire don de Mobile Lovers au Broad Plain Boys’ Club. Dans une lettre adressée à Dennis Stinchcombe, le propriétaire des lieux, afin d’expliquer les raisons ayant pu justifier ce don, Banksy déclare « être très admiratif du travail accompli par le club, et qu’il serait fantastique que la vente de cette peinture puisse aider à le sauver ».

    C’est chose faite aujourd’hui, la vente de Mobile Lovers ayant rapporté plus de 500.000 Euros. Pour remercier l’artiste d’avoir sauvé cette institution vieille de 120 ans, les membres du club ont décidé de décorer eux-mêmes un autre mur, en y apposant l’inscription « Merci Banksy. »

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Mobile Lovers

     

     

     

  • Pier Paolo Pasolini | La disparition des Lucioles

    Pier Paolo Pasolini | La disparition des Lucioles

     

    Neuf mois avant son assassinat, survenu le 1er novembre 1975, Pier Paolo Pasolini publie l’article « La disparition des Lucioles » dans le Corriere.

    Ce texte désormais célèbre trouve écho à la lettre à son ami Franco Farolfi, du groupe littéraire Eredi, formé quand il vivait à Bologne 25 ans plus tôt : « Au début des années 60, à cause de la pollution atmosphérique, et surtout à la campagne, à cause de la pollution de l’eau (fleuves d’azur et canaux limpides), les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et fulgurant. Après quelques années, il n’y avait plus de lucioles. (Aujourd’hui, c’est un souvenir quelque peu poignant du passé : un homme de naguère qui a un tel souvenir ne peut se retrouver jeune dans les nouveaux jeunes, et ne peut donc plus avoir les beaux regrets d’autrefois). Ce « quelque chose » qui est intervenu il y a une dizaine d’années, nous l’appellerons donc la « disparition des lucioles ».

    Quand on relit ce texte fondateur de la culture sociale, esthétique et politique de l’Italie des années 70, les Lucioles, chères au cinéaste italien, y symbolisent les derniers résistants à l’égarement de notre société moderne, éclairant le monde tels des veilleurs de nuit. Les lucioles disparaitront bientôt, avec les derniers scintillements d’une civilisation, celle d’une culture qui, partout en Europe, allait être dévorée par la société du spectacle.

    Durant les travaux d’agrandissement du lieu d’exception qui l’accueille habituellement en Avignon, La Collection Lambert, constituée de 556 oeuvres d’art contemporain léguées par Yvon Lambert à l’Etat français, investit l’ancienne prison Sainte-Anne. Dans ce lieu patrimonial datant de la fin du XVIIIe siècle, situé derrière le Palais des Papes, des oeuvres issues de la collection privée d’Enea Righi prennent place dans les couloirs, les cellules, les cours… Il y est question d’enfermement, bien sûr, mais aussi du temps qui passe, de la solitude et de l’amour !

    Le texte de Pasolini imprégne le cheminement du visiteur, pas après pas, si bien que l’exposition se vit comme une expérience sensible dans laquelle les lieux si chargés de mémoire et les oeuvres s’imbriquent parfaitement. Pour que le dialogue attendu entre les œuvres et le bâtiment ait du sens, le parti pris a été de laisser en l’état la Prison Sainte-Anne. Exposée dans sa cellule, chaque oeuvre deviendra ainsi luciole, élément poétique à la douce lumière résistante, offrant au spectateur la possibilité d’un nouveau champ d’expérimentation !

    Ce grand projet est complété d’une riche programmation culturelle. Vidéo projections, lectures, performances ou rencontres autour de l’histoire du lieu et de l’exposition, seront organisées pendant toute la durée de l’exposition, ainsi que des projets pédagogiques avec les scolaires, mais aussi les associations travaillant en milieu pénitentiaire.

    A noter : La Collection Lambert, en partenariat avec la section cinéma du lycée Mistral, propose une balade numérique, « Le Parcours des Lucioles ». Les quinze arrêts du parcours, matérialisés chacun par un QRcode, proposent des contenus historiques sonores ainsi que de courtes vidéos sur le thème de l’enfermement.

    Document disponible à l’Office de tourisme.

    Du samedi 17 mai au mardi 25 novembre. En mai et juin : du mardi au dimanche de 11h à 18h. En juillet, août et septembre : tous les jours de 11h à 19h. En octobre et novembre : tous les jours de 11h à 18h.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Collection Lambert

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Avignon Tourisme

     

     

     

  • Focus | Antoine Danon

    Focus | Antoine Danon

     

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS »: un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

    Antoine Danon se définit lui-même comme un néo-photographe, s’appuyant sur le fait qu’il n’est assidu dans la pratique de la photo que depuis 2010. Si malgré tout, considérant son travail, on parvient à accepter ce postulat, on peut alors parler de débuts plus que prometteurs… Et on lui souhaite tout le succès possible.

     

    Enseignant-chercheur en biologie végétale à l’UPMC, il est très sensible à la notion d’environnement, et aux droits des animaux. Mais là où il excelle et nous montre tout son talent, c’est dans la photo « urbaine ». Ainsi, au travers de son travail, il tente de retranscrire sa vision de la ville, et sa perception des matières, des textures ou des structures. Dans ses photos, la vision du matériel urbain s’en trouve presque « humanisée », et ces « habitants » inertes et immobiles sont mis en scène, prennent vie, et nous parlent. Vous trouverez notamment sur son site une série consacrée aux lampadaires, « Street Lamps », dans laquelle, du décor ambiant, surgissent des formes humaines, qui souvent, par contraste, apparaissent comme des ombres, des spectres et des silhouettes. Des êtres pressés, de passage…

    Ce phénomène est encore exacerbé dans une autre série, « Half A Second« , où il s’astreint à utiliser une exposition de 0,5 seconde, tout en bougeant suivant différents axes, afin d’imprimer un mouvement artificiel à des objets, ou à des scènes originellement figées. Dans sa série « Mirrors« , il s’emploie à créer des symétries, au travers de jeux de reflets ou de réflexions.

    Antoine Danon a aussi un goût prononcé pour les voyages. Si Paris est son terrain de jeu privilégié, beaucoup de ses photos proviennent de villes plus exotiques. Une de ses séries les plus récentes est issue d’un récent voyage en Californie (Californian Mood).

    Il n’a pas encore exposé ses photos, si ce n’est grâce à des concours gagnés, comme celui du Concours SNCF / Festival de Marne (exposition dans toutes les gares RER du Val de Marne en septembre 2012), du Salon de la Photo 2010 (Concours Nikon), ou dans des parutions comme «Le Monde Magazine» (09/2011), ou le blog de Libération.

    En attendant le succès, qui ne saurait tarder, ses photos sont visibles sur son site internet, ou sur quelques sites photo tels que Critique Photo  ou Prime 5OOpx, et évidemment l’incontournable Facebook.

    Antoine Danon travaille depuis le début avec un Nikon D300s.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Antoine Danon Officiel