Catégorie : Culture

  • Gainsbourg et Rouget de l’Isle : Aux armes etc…

     

     

    Le 14 décembre 1981, les feuillets originaux de la Marseillaise rédigés de la main de Rouget de l’Isle et datés de 1783 sont mis en vente à Versailles. Serge Gainsbourg est dans la salle…

     

    Il souhaite se porter acquéreur de ce que Rouget de l’Isle appelait « une de mes vieilles sornettes ». Les enchères s’ouvrent à 40.000 francs. Serge Gainsbourg est assis au premier rang. Il a les cheveux gris mi-longs, porte des lunettes de soleil, un jean, un imperméable beige et tient une cigarette dans la main droite. Il est mal rasé mais porte la cravate, passage obligé pour accéder à la salle de vente.

    Au fur et à mesure que les enchères montent, sa jambe bat le vide. Il enlève l’enchère pour 135 000 francs. Il est heureux, souriant. La salle applaudit. Reste à signer le chèque (avec un simple stylo Bic transparent !) tandis que les flashs crépitent et qu’une autre enchère a déjà démarré. « J’étais prêt à me ruiner » déclare-t-il en quittant la salle sous les huées et les sifflements.

    Sur le manuscrit original, à partir du deuxième refrain, Rouget de l’Isle écrit : « – Aux armes, Citoyens ! etc… ».

     

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    Une revanche sur les parachutistes qui avaient chahuté sa Marseillaise version Reggae une année plus tôt ? La chanson « Aux Armes etc », composée en 1979, avait provoqué une vive réaction des militaires à Strasbourg en 1980. Les premiers rangs de la salle sont occupés par des parachutistes qui distribuent des tracts tandis que le chanteur explique au public parfois en larmes que le concert devra être annulé en raison de menaces et d’alertes à la bombe à l’encontre de l’hôtel, mais aussi à cause de la présence de près de 300 parachutistes et de nombreuses forces de l’ordre qui ont fait fuir les musiciens jamaïcains.

    « Je suis un insoumis qui a redonné à la Marseillaise son sens initial » clame-t-il, avant d’entonner a capella le premier couplet de la Marseillaise en version originale, le poing levé. On sent à l’image les regards gênés de ces hommes coiffés d’un béret rouge qui, pris à contre-pied sur leur propre terrain et de manière totalement inattendue, ne savent pas quel comportement adopter. C’est finalement au garde-à-vous qu’ils chanteront aussi. Serge Gainsbourg quitte ensuite la scène en leur adressant un bras d’honneur. Grand Seigneur, il paiera tous les frais d’annulation.

     

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Gainsbourg.net

     

     

  • Silence Plateau | Eden

     

     

    « Eden », chronique d’un mouvement underground des années 1990 : les musiques électroniques

    Un père traducteur, une maman professeur de philosophie. Mia Hansen-Løve débute dans un premier temps une carrière d’actrice, avec « Fin août début septembre » (1998) et « Les Destinées Sentimentales », tous deux d’Olivier Assayas, avant d’y mettre un terme pour devenir critique aux « Cahiers du Cinéma » jusqu’en 2005, puis réalisatrice : « Tout est pardonné » (2007), « Le père de mes enfants » (2009) et « Un amour de jeunesse » (2010). « Eden » est son 5ème film. Il permet de revivre l’ambiance des années 90 à travers la vie d’un DJ. C’est la première fois qu’un film de fiction est réalisé sur l’émergence en France des musiques électroniques. Le scénario a été écrit à quatre mains par Mia et son frère de sept ans plus âgé, Sven Hansen-Løve, lui-même DJ. « Eden » retrace donc le parcours de Sven (Paul dans le film), DJ, co-fondateur avec Greg Gauthier (Stan) des soirées électro « Cheers » dans les années 1990.

     

    1989 – 1996 : l’émergence des DJ français et de la « French Touch »

    Le film balaie de manière méthodique et chronologique la vie de Paul de 1990 à 2013. A 17 ans, il embarque dans le mouvement de la musique électronique tout droit venu de Chicago et de Détroit. Il se rend à des « rave-parties » dans des endroits secrets car interdits par la police, souvent en forêt, dans des champs perdus au milieu de nulle part, de vieux blockhaus (le Fort de Champigny) ou des  entrepôts désaffectés (Mozinor).  Sven Løve s’y rend avec un copain qui habite le même immeuble.

    « Quand j’étais ado, Greg Gauthier, qui est devenu mon partenaire aux platines, habitait à côté de chez moi et nous avions sympathisé avec un autre voisin, un peu plus âgé, homo et très fêtard. (…) Je suis devenu DJ moi-même puis organisateur de soirées. Je suis tombé dedans la tête la première. » (interview de Sven Løve à Tsugi Magazine).

    Les soirées sont organisées par Manu Casana sous son  label « Rave-Age ». Les coordonnées des lieux sont dévoilées à la dernière minute via des numéros d’infolines imprimés sur des flyers. On appelle, on tombe sur un répondeur. Un message pré-enregistré fournit les infos permettant de se rendre aux soirées. Ces flyers étaient disponibles chez les disquaires ou  distribués lors d’une soirée précédente.

    «On pouvait aussi consulter le 36-15 Rave, service minitel mis en place par le journal Libération, à la pointe de ces musiques grâce au journaliste Didier Lestrade, l’un des fondateurs du fanzine eDEN. » (Télérama – Jérémie Couston + Odile de Plas)

    Très vite, les raves deviennent des laboratoires de la culture underground. S’y retrouvent des centaines puis des milliers de jeunes pour des nuits entières de danse et de transe aux sons de musiques électroniques générées grâce à l’utilisation de synthétiseurs et de samplers. C’est la grande époque de la House, de la Techno et du Garage qui intègre les sons disco ou soul avec une partie chantée (du nom du club new-yorkais « Paradise Garage » où se produisait Larry Levan).

    Les réseaux sociaux n’existent pas. Seules quelques radios diffusent ces nouveaux sons, comme Radio FG (Fréquence Gaie), Rue de Rivoli, créée en 1981 au moment de l’explosion des radios FM. Elle est la première radio à dédier intégralement sa programmation aux musiques électroniques et la première à éditer des compilations technos (mixées par Didier Sinclair) à destination du grand public. De nombreux DJ, comme Laurent Garnier, se succèdent à l’antenne. Sven Løve et Stan y animeront une émission de trois heures tous les dimanches pendant dix ans (1996 – 2006). Il y a aussi Radio Nova qui accompagne l’émergence de la French Touch, le magazine CODA et le fanzine eDEN qui paraît entre 1992 et 1996, fondé par le musicien Christophe Monier et le journaliste Christophe Vix de radio FG (Hervé dans le film). A la télévision, l’émission Mégamix, créée en 1997 par Marc Nivesse et un temps animée par… Virginie Efira, capte l’attention de tous les adolescents.

    Le public des raves est varié, entre homos et hétéros, en passant par jeunes de banlieue, parisiens, ados ou quadras, toutes sortes de tribus se retrouvent pour faire la fête. Bière, cigarette, joints, extasy chauffent un peu l’ambiance. La fête peut durer toute la nuit, jusqu’au moment où les danseurs décident de rentrer chez eux, parfois le lendemain après-midi.

    En 1994, le milieu de la house parisienne émergente tourne plus ou moins en circuit fermé et tout le monde se connaît. C’est lors de la soirée organisée par un DJ anglais, Nicky Holloway, dans une grande salle du Parc Eurodisney que Thomas et Guy-Manuel, alors Daft Punk débutants, rencontrent le groupe Slam, aux commandes du label écossais SOMA, à qui ils donnent une cassette de ce qui allait devenir leur premier maxi.

    « On a rencontré les types de SOMA en tant que DJ à la fête à Eurodisney. (…) Ils ont trouvé ça bien. Après c’est sorti sur leur label en avril 1995. »

    Une scène du film raconte la fameuse soirée donnée en 1996 par Thomas Bangalter des Daft Punk dans l’appartement de son père à Montmartre, alors qu’il passe un extrait de son premier single afin de le tester (Da Funk). Ils ont alors 21 et 22 ans. Le disque sortira en 1997 et s’écoulera à 1 million d’exemplaires dans le monde entier. Thomas et Guy-Manuel apparaissent en filigrane, de manière régulière, dans le film car les destins de tous ces protagonistes s’entrecroisent depuis 20 ans et encore aujourd’hui…

    « Les nombreuses reconstitutions de scènes de club avec de nombreux figurants rendent le film forcément cher. On a passé un an à chercher quel rôle exact aurait la musique. Et quand on a donné une liste de titres à un spécialiste de la négociation des droits musicaux, il nous a donné une première estimation d’un million d’euros pour la quarantaine de titres dont nous avions besoin. Une somme totalement hors budget. Heureusement, les Daft Punk ont lu le scénario et accepté de nous aider. On entend trois de leurs morceaux dans le film, sans leur accord, le projet ne pouvait aboutir. Le film raconte l’histoire d’une génération qui est aussi la leur. Ils ont cédé leurs droits pour une somme symbolique et leur soutien a entraîné celui des autres musiciens et éditeurs. » (Sven Løve pour Tsugi Magazine)

     

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    1996 – 2005 : Le passage aux soirées clubbing

    En 1996, La presse et les partis conservateurs fustigent les raves parties. Des interdictions préfectorales, parfois de dernière minute, obligent les organisateurs à annuler  les soirées, ce qui leur fait perdre beaucoup d’argent. Elles quittent les hangars et la forêt sous la pression policière pour s’installer à Paris dans les Clubs. Les ravers deviennent peu à peu des clubbers. L’entrée n’est plus libre mais sélective : il faut désormais être « sur une liste » (celle des potes des DJ qui mixent aux platines) ou payer. Le public est plutôt VIP et bourgeois, le joint est remplacé par la cocaïne. Chacun trouve son club, pour la plupart dans le quartier de Pigalle.

    Frédéric Agostini investit tous les mercredis le Queen sur les Champs-Elysées. Il y organise les soirées Respect. On recrute pour distribuer les flyers et pour pimenter les soirées VIP. La soirée marche si bien qu’elle est exportée à New-York où elle tourne pendant trois ans au Twilo avec en DJ résidents aux platines Dimitri from Paris et Junior Vasquez. Jérôme Viger-Kohler raconte :

    « Première Respect le mercredi 2 octobre 1996 au Queen. Entrée gratuite aux Champs-Elysées. 1 700 personnes sur la piste. La première nuit d’une saga qui nous emmènera jusqu’à Hollywood. (…) Souvenir trois : le flyer Daft Club doré format carte de visite. Les Daft Punk jouaient toujours gratuitement pour la Respect, le patron devait juste arroser les potes de tickets consos (référence dans le film « Eden »). Entrée gratuite. File d’attente qui remonte les Champs sur quelques centaines de mètres et le feu à l’intérieur. (…) La date ? Mercredi 15 avril 1998. » (Brain Magazine)

    Au même moment, David Guetta organise les soirées «Scream» aux Bains-Douches.

    Sven Løve organize quant à lui les soirées « Cheers » :

    « Elles ont existé, d’abord au What’s Up Bar, près de la Bastille, haut lieu de la house music à Paris, puis pendant trois ans (2001 – 2004) au dancing de La Coupole, la célèbre brasserie de Montparnasse que l’on voit tout au long du film. (…) Les Cheers étaient à Paris le rendez-vous des amoureux de la garage, cette version vocale de la house music, héritière directe du Disco et du Rn’B, où les divas (homme ou femme) tiennent une place centrale. (…) Les dernières Cheers se sont tenues au Djoon, un bar-club du 13ème. » (Télérama)

    La Diva dans « Eden », c’est India (mariée un temps à l’un des DJ du Duo «Masters at Work») qui joue là son propre rôle sur un titre culte « With You Was Everything » sorti en 1997.

    Les DJ font la  fête du jeudi au dimanche, bricolant sur leurs machines dans leur appartement le reste du temps pour trouver de nouveaux sons et faire des disques.

    Laurent Garnier (qui anime les «Gay Tea Dance» au Palace) témoigne dans son livre « Electrochoc » :

    « Le dimanche matin, lorsque le Palace s’apprêtait à fermer, je prenais le micro, et m’adressant aux dix personnes naufragées dans le club, je lançais : j’ai ma bagnole, j’ai mes disques, je pars en Angleterre pour le week-end dans 10 minutes. Qui veut venir avec moi ? (…) Le dimanche soir, épuisés, nos tee-shirts délavés par la sueur et les taches de bière, nos cheveux collés par les effets conjugués de la transpiration et de la fumée (…), nous remontions dans la voiture (…) direction Paris. »

     

    2001 : La conquête des Dance Floors de New-York 

    En 2001, c’est le grand bond au cœur de la Grande Pomme. Paul s’envole avec Stan pour vivre au rythme des soirées du MoMA PS1 données sur le patio du Musée d’Art Contemporain et organisées les dimanches après-midi par Agnès B. Dans le livre « French Touch » de Stéphane Jourdain, David Blot raconte :

    « Durant cette période, on vivait comme des rock stars. On faisait les branleurs, on rentrait en limousine, on se battait pour être surclassés dans les avions (…) mais en attendant, ta carte bleue ne marche pas car tu n’as plus une thune sur ton compte. C’était une vie complètement absurde mais bien marrante. »

     

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    De retour en France, Sven Løve et Stan deviennent résidents à La Coupole pour trois ans. Pour la première fois, ils ont un statut de salarié et leur salaire n’est plus versé au noir comme cela fut toujours le cas auparavant. Les Cheers ont enfin un comptable. On peut se demander pourquoi ils se sont retrouvés criblés de dettes. L’une des raisons est le paiement en liquide, plus volatile. On flambe les billets plutôt que d’économiser, on paye la coke, les bouteilles de champagne. Ensuite, de nombreux  habitués font le siège des soirées : ils ne payent pas car ils sont inscrits sur une «Guest List». Leur nombre atteint parfois 300 personnes, ce qui représente un fort manque à gagner. Dans une scène du film jouée par le vrai David Blot dans le rôle du patron de La Coupole, celui-ci demande aux Cheers d’évoluer vers un nouveau public plus moderne et leur reproche le trop grand nombre d’invités et l’impact sur le chiffre d’affaires (un CA de 350 000 euros par soirée). Enfin, il faut aussi payer les DJ avec des cachets allant de 1 000 à 2 000 dollars, sans oublier les caprices des stars :

    « Quand on a fait Little Louie Vega qui était une star à l’époque, cela nous a coûté 20 000  dollars. Et puis, il y avait les caprices, je me souviens d’India, la chanteuse des Masters At Work, qui refusait de chanter si on ne lui trouvait pas un coiffeur avant de monter sur scène. Du coup, elle a chanté avec une heure et demie de retard. On est loin de l’utopie des premiers temps de la techno où il n’y avait pas de star, ni de barrière entre artiste et public… Les abus et les caprices, il y en a eu très vite. Surtout du côté des Américains qui se rendaient bien compte qu’ils avaient un prestige énorme en Europe, bien plus qu’aux États-Unis. Certains artistes faisaient monter les enchères et finissaient par ne même pas venir… À New York, Junior Vasquez, le DJ résident du Twilo, un des plus gros clubs des années 90, avait son appartement dans le club même. Il voyait la piste de danse de son salon, derrière une vitre sans tain avec un accès direct à la cabine de DJ. Le Twilo a fini par fermer après une histoire de meurtre et beaucoup de ces DJ-stars des années 90/2000 ont disparu depuis. » (Sven Løve pour Tsugi Magazine)

     

    2008 :  Le passage de la trentaine

    Après la fête, le réveil est brutal…

    Il y a d’abord le suicide de Cyril en 2001 (le dessinateur Mathias Cousin), co-auteur avec David Blot au scénario (Arnaud dans le film) de la bande dessinée « Le Chant de la Machine » qui raconte la saga du disco et de la house. Aujourd’hui devenue culte, la BD a été rééditée avec en bonus une préface dédicacée des Daft Punk. Il y a aussi les problèmes de drogue et d’argent. En 2008, Paul n’a plus un sou en poche. Trop de cocaïne et de frais d’organisation. Il se retrouve à Marrakech à mixer dans des hôtels de luxe pour 600 euros le set. A 34 ans, il sent qu’il est passé à côté de sa vie : pas de femme, pas d’enfant, des dettes, une carte bleue bloquée, plus de sets ni de soirées, et la cocaïne.

    « Nous avions le sentiment de participer à un mouvement quasi politique. Impossible de continuer à vivre de la même manière après avoir été dans une rave. On y recevait un tel concentré d’amour et de musique que la vie nous paraissait plus intense. Métro, boulot, dodo avec une petite famille par-dessus, ce n’était plus possible. » (Sven Løve pour Tsugi).

    Dans une scène poignante, il craque et se réveille après un burn-out chez sa mère à qui il avoue être au bout du rouleau à cause de ses problèmes d’argent et de drogue. En 2013, les DJ des premières raves ont tous la quarantaine passée. Leurs vies de noctambules et de fêtards sont parfois derrière eux. Ils sont mariés, ont des enfants, continuent parfois de faire la fête à Ibiza. Mais ils ont surtout leurs souvenirs : de l’âge d’or, de la fête et de la découverte de la musique. Même si ce Paradis qu’ils ont découvert adolescents s’est transformé pour certains en paradis perdu. Et Sven Løve de conclure :

    « J’ai mis beaucoup de temps à me rendre compte que la musique n’était pas vraiment ma vocation. Je ne suis pas musicien. (…) C’est sans doute pour cela que je ne suis jamais devenu un producteur professionnel de soirées. La house et le garage ont été un moment très fort de ma vie, mais seulement un moment. Aujourd’hui j’ai découvert à quel point l’écriture est importante pour moi. Ces années ont été un tourbillon. Le film est arrivé au bon moment. »

     

     

    La bande-annonce de « Eden » réalisé par Mia Hansen-Løve en 2014 :

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Interview intégrale de Sven Løve à Tsugi Magazine

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  Interview des Daft Punk au magazine eDEN en 1996

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  « Mes années Respect » par Jérome Viger-Kohler pour Brain Magazine

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  Article Télérama : 10 clefs pour comprendre « Eden » et son époque

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  Article Télérama : « Homework de Daft Punk : se souvenir de nos raves »

     

     

     

  • Projet Musique : Karolina Pop / Haiku EP

    [vc_row][vc_column][vc_empty_space][vc_progress_bar values= »100|Mission Accomplie » options= »striped » title= »Projet Terminé »][vc_empty_space][vc_tta_tabs][vc_tta_section i_icon_fontawesome= »fa fa-archive » title= »Le projet Collaboratif » tab_id= »1437715604091-90d05849-0d35″ add_icon= »true »][vc_column_text]

    Karolina Pop ( @karolinapop ), jeune auteur compositeur d’origine polonaise, travaillait sur son nouveau mini-album « Haïku » et cherchait un photographe et un graphiste pour sa pochette.

    Elle demande à Sacha ( @sachafed ), photographe et graphiste justement, de lui réaliser.

    Voici le résultat ! Très belle musique en plus. Et bientôt la video !

     

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    [bc_member name= »sachafed »][/vc_column_text][/vc_tta_section][vc_tta_section i_icon_fontawesome= »fa fa-external-link » title= »Les liens » tab_id= »1437715819267-d535479c-a7b0″ add_icon= »true »][vc_column_text]La page Bandcamp de Karolina Pop

    La page officielle de Sacha Federowsky[/vc_column_text][/vc_tta_section][/vc_tta_tabs][vc_empty_space height= »10px »][/vc_column][/vc_row][vc_row padding_top= »60″ padding_bottom= »60″][vc_column][vc_progress_bar values= »50| Musique,50|Photographie, » bgcolor= »bar_blue » title= »Domaine du projet »][/vc_column][/vc_row]

  • La Revue XXI | Un petit miracle

     

    A l’origine de la Revue XXI, il y a une rencontre : entre Laurent Beccaria, un éditeur indépendant (fondateur de la maison d’édition Les Arènes) et un grand reporter, prix Albert Londres, Patrick de Saint Exupéry.

    Depuis 2007, leur objectif est de « rendre compte du réel au plus près, au plus juste, en totale liberté pour ouvrir des portes sur le monde ».

    Les auteurs sont des dessinateurs de BD, des journalistes, des photo-reporters, des écrivains. En tout, 200 pages de bonheur : 30 pages d’actualités, puis 60 pages d’un dossier complet sur un thème précis et 80 pages de reportages à la manière d’Albert Londres justement, enquêtes au long cours, entretiens ou histoires vécues. Et pour finir, 30 pages de BD de reportage, tout cela sans aucune publicité.

    Instant City vous livre un petit panel d’avis des lecteurs :

    Paul : « La revue XXI a répondu à mes attentes et m’a redonné confiance dans un journalisme de presse qui se situe, non pas dans le scoop, mais dans la véritable information ».

    Matthieu : « La revue XXI est une revue intelligente, humaine et ouverte sur le monde ».

    Guillaume : « XXI : de l’information sans publicité ni marketing, ça fait du bien !».

    Julie : « Riche est le mot qui qualifie le mieux cette revue : les articles, les dessins et de vrais reportages. Longue vie à XXI ».

    Hugo : « Pour Noël, ma fille m’a offert un abonnement d’une année à la revue. Je suis ravi de ce choix car j’y découvre d’excellents articles. »

    Monfraide : « Merci d’avoir créé ce livrazine ou peut-être ce magalivre. »

    Hey Joe : « J’avoue être tombé totalement amoureux de la revue. C’est travaillé, précis, joliment illustré, beau… Tout simplement excellent. »

    Revue de Presse :

    Télérama : « C’est le journal dont on rêvait tous un peu ».

    XXI est un petit miracle : le premier numéro s’est vendu à 40 000 exemplaires pour un équilibre des comptes à 30 000 (465 000 euros de chiffre d’affaire par numéro).

    Le N°31 de XXI, « La France au village », est actuellement en vente : 15,50 euros.

    Où trouver la revue ?

    ✔ En librairie, dans les surfaces culturelles (FNAC, Cultura, etc…)

    ✔ Via le site internet : ici.

    ✔ Sur Facebook (36 250 followers) : ici.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Revue XXI

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Revue XXI Abonnement

     

     

  • Michael Heizer, Créateur du « Land Art »

     

     

    Né en Californie en 1944, Michael Heizer a enseigné l’anthropologie à l’Université de Berkeley pendant 30 ans et publié plusieurs livres, notamment sur la naissance de la culture américaine de l’Ouest.

     

    En 1967, à l’âge de 23 ans, il participe à la création d’un nouvel art : le « Land Art ». Il s’agit d’une tendance de l’art contemporain utilisant les matériaux de la nature. C’est dans les paysages désertiques de l’Ouest américain qu’apparaissent les premières œuvres à la fin des années 60. Chez Michael Heizer, il faut plutôt parler de « Earth Art ». Lui-même écrit : « Je pense que la Terre est le matériau ayant le plus fort potentiel car elle est à l’origine de tout matériau ».

    Les œuvres de Michael Heizer sont gigantesques. Celle qui fit sa notoriété, en 1969, « Double Negative », dans le Nevada, lui apporta une reconnaissance internationale. Elle est la propriété du Musée d’Art Contemporain de Los Angeles. Il s’agit d’une tranchée dans la terre de 10 mètres de largeur sur 15 mètres de profondeur et 457 mètres de long, ayant nécessité le déplacement de 244 000 tonnes de roche. La double tranchée symbolise le « négatif », c’est-à dire ce « qui n’est pas présent », donc ce qui a été enlevé, déplacé, à savoir les roches de grès manquantes.

     

    « Je pense que la Terre est le matériau ayant le plus fort potentiel car elle est à l’origine de tout matériau »

     

    Or, en Californie où travailla Heizer, il y a une zone géologique de 440 000 km² appelée « Basin and Range ». Il s’agit d’une succession de petites chaînes de montagnes parallèles séparées par  des bassins au fond plat. On y trouve des déserts et des écorégions, du pétrole, de l’or, de l’argent et du cuivre. Mais surtout, c’est là que des projets de construction de lignes ferroviaires destinées à transporter des déchets nucléaires pour enfouissement menacent une sculpture de Heizer (merci monsieur Bush). L’oeuvre dont il est question, c’est « City » (un temps appelée « Complex city »), une sculpture longue de 1,5 km et considérée comme étant la plus vaste du monde.

    Digne d’un décor de Star Wars, elle fut le projet d’une vie pour Michael Heizer. Il s’agit d’une sculpture monumentale en terre, inspirée de l’architecture précolombienne et construite sur un terrain qu’il a acheté : 800 hectares dans Garden Valley, désert du Nevada. Habitant dans une caravane, puis dans un ranch construit à proximité, l’artiste, qui pensait n’en avoir que pour quelques années, mettra 40 ans pour en venir à bout avec un budget de 23 millions de dollars.

    Pour sauver cette œuvre, les Musées américains comme le MoMA de New-York ou le LACMA de Los-Angeles se battent en faisant campagne sur le net.

    Actuellement, et ce depuis 2004, tous les déchets nucléaires du pays convergent vers le Nevada. Défendre ce cadre naturel unique et cette sculpture incroyable, c’est défendre la jeunesse, l’artiste et celle des générations futures. L’Art est une chance, un outil d’éducation. Il peut aussi devenir une arme symbolique de défense de l’environnement.

     

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Protect Basin and Range

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Take Action

     

     

     

  • Anish Kapoor | Un vagin à Versailles

     

     

    A l’heure où de nombreux festivals doivent fermer leurs guichets faute de subventions des pouvoirs publics, on voit fleurir sur les réseaux sociaux de drôles de choix artistiques qui laissent perplexe…

     

    D’abord il y a eu le Pont des Arts qui s’est mis au Street Art, nous dit-on. Qu’est-ce que le « Street Art » ou « Art Urbain » ? C’est un mouvement artistique qui regroupe toutes les formes d’art réalisées dans les espaces publics ou dans la rue. Par exemple, les graffitis, les pubs, les pochoirs, les stickers ou encore la mosaïque et le yam bombing (des vêtements en tricot pour habiller les objets urbains). Il s’agit donc d’un art éphémère, et c’est tant mieux dans le cas particulier qui nous intéresse.

    On nous dit qu’il a fallu faire appel à quatre artistes internationaux pour décorer notre patrimoine français. Comme à Versailles… Anish Kapoor est anglo-indien. Pourquoi ne pas, sans être chauvin ni protectionniste, subventionner des artistes français pour compenser les suppressions de dotations ? D’autant que Kapoor avait déjà été embauché par l’Etat français en 2011 pour habiller la Nef du Grand Palais. Bref, 700 000 verrous ont été récoltés et 45 tonnes de métal recyclées, remplacés par des panneaux rose fluo. Pardon, par « des calligrafittis mauves qui courent telles des arabesques » (Le Parisien).

    On est loin, très loin de l’emballage réussi du Pont Neuf par Christo en 1985, qui ne souffre absolument pas la comparaison, me semble-t-il.

    Et après ? Des parapets en verre… approuvés par les architectes des Bâtiments de France. Ouf ! On est sauvés. Le verdict du public est quant à lui très sévère : les panneaux sont déjà tagués. Nul doute que les panneaux de verre le seront aussi. On aura alors droit, encore, à du Street Art, mais en version populaire, sûrement plus inventive, originale et pour bien moins cher.

    Après Paris, ex plus belle ville du Monde depuis le 1er juin, allons faire un petit tour au château de Versailles, futur – ex – plus beau château mondialement copié. Bientôt les touristes Chinois viendront photographier le Parc de Le Nôtre «dialoguant » avec les sculptures géantes de Kapoor. Quelle jolie expression (Libération). Plusieurs milliers de tonnes d’acier, de terre et de pierres sur la pelouse du Parc, comme c’est écologique ! Je n’ose même pas imaginer en termes de transport, le coût d’un tel voyage de matières premières. L’artiste donne au journal, en exclusivité, une « définition mystérieuse » de son œuvre :

    • « Ma sculpture est semblable à un corps gisant sur le sol avec les jambes ouvertes, dont on ne sait pas s’il est un objet masculin ou féminin. Avec un vaste orifice intérieur, comme une oreille ou un vagin, on ne sait pas au  juste. Un long tuyau qui pourrait être masculin, un phallus/vagin ».
    • Avant de rajouter : « Il s’agit du vagin de la reine qui prend le pouvoir ».

    On a hâte !

    L’expo a ouvert mardi 9 juin. La Com est déjà une réussite : rien de tel qu’une bonne polémique à caractère sexuel.

    Mais qu’en est-il exactement de l’oeuvre en elle-même, au delà de son titre ?

    A en voir la photo, rien de choquant. L’oeuvre s’appelle « Dirty Corner », est en acier et mesure 10 mètres de haut. On dirait plutôt une énorme corne d’abondance qui nous fait penser aux pubs de  « La voix de son Maître ».  Ce qui dérange plus, ce sont les énormes pierres en béton enchevêtrées comme un tas de gravas dans une décharge publique.

    Mais bon. Il y a six sculptures monumentales en tout. Seule l’une d’entre elles porte à discussion. Et la discussion, c’est plutôt pas mal. Les autres dont le cube, le panneau d’acier incurvé au pied de la Galerie des Glaces qui reflète la façade du château et le parc, l’antenne géante qui reflète le ciel, le typhon qui ressemble à une fontaine ou une galaxie et les nuages sont jolies et intéressantes.

    Enfin, il y a « Shooting in the corner » : située dans la salle du Jeu de Paume, en face du tableau du peintre David, cette sculpture est un canon qui tire de la cire couleur sang pour évoquer des corps en bouillie. Sexy.

    • « Cette installation controversée interroge sur la violence de notre société contemporaine. La présidente de Versailles, Catherine Pégard,  fait preuve de courage et de générosité car c’est une provocation ».

    Chacun a sa  propre définition du courage et de la générosité…

    Finalement, ce qui choque le plus, ce ne sont pas les sculptures, mais les propos qui les accompagnent. Les sculptures et les œuvres de Anish Kapoor sont magnifiques. C’est un grand créatif.  Mais qu’il arrête de nous gâcher notre plaisir de contemplation avec ses commentaires : à moins que ce ne soit un fait exprès, un autre coup de génie pour faire parler de lui..

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Liens externes » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Anish Kapoor Official

     

     

     

  • « La Fantaisie des Dieux » | Interview exclusive de Patrick de Saint-Exupéry

     

    « La Fantaisie des Dieux » est une excellente BD reportage sur le génocide rwandais de 1994. Elle figure dans le Top 10 des meilleures BD de l’année 2014.  Patrick de Saint-Exupéry est aux commandes du scénario et Hippolyte au dessin. Publiée en 2014 aux Editions « Les arènes », la BD raconte le génocide sous l’angle plus précis du rôle de la France. L’acteur principal en est le silence : celui des autorités françaises, celui des morts, celui des survivants qui se cachent ou de la nature privée à nouveau de toute présence humaine.

    L’histoire : Patrick, journaliste raconte, 20 ans après, le déroulement du génocide rwandais à un ami (le dessinateur  Hippolyte) en l’emmenant sur les lieux où se sont déroulés les événements.

    Le ton s’efforce d’être soft, objectif, de s’en tenir aux faits, sans partis pris. L’horreur suffisant à elle-même, il n’était en effet pas nécessaire d’en rajouter. Pas de femmes qui pleurent, pas de corps mutilés, on n’est absolument pas dans le voyeurisme ni dans le cru du réalisme. Le génocide, on en parle de manière journalistique, en exprimant les faits. Tout simplement.

    Les dessins d’aquarelle relevés d’un trait d’encre de chine et les couleurs pastelles très diluées apportent une douceur au propos. L’humour permet de détendre l’atmosphère en relevant l’absurde de la situation, le décalage entre la beauté du paysage et le sordide des massacres, le déphasage entre les propos des assassins et l’infâmité de leurs actes.

    Les mots sont rares mais choisis. On reconnaît l’oeil du photographe dans certaines prises de vues. Des photos noir et blanc sont d’ailleurs parcimonieusement distillées dans le texte montrant les lieux ou les personnages tels qu’ils sont aujourd’hui, 20 ans plus tard. C’est très émouvant. Cela donne du coffre à l’histoire, permettant au lecteur de bien prendre conscience qu’il s’agit de faits réels et pas d’une fiction,  que ces gens-là ont bien existé, démontrant une fois de plus que bien souvent, la fiction dépasse la réalité.

    A moto, les deux personnages principaux remontent la chronologie des événements. Le ton des dialogues est bref, clair, allant à l’essentiel. Les aquarelles du lac Kivu sont magnifiques. Il y en a plusieurs, qui reviennent en leïtmotiv, comme un instant de pause, de méditation. Un temps nécessaire pour souffler et digérer les informations. Mais les pages bleues cassent parfois un peu le rythme. Elles nous réveillent trop brusquement de notre plongée dans l’histoire et on s’interroge parfois de leur utilité, même si l’on comprend qu’il s’agit d’une introspection.

    La fin est comme le début : scotchante !… A peine croyable pour qui découvre l’envers du décor. La sidération causée par la révélation finale est extrêmement bien rendue à travers les dessins en zoom des yeux du gendarme adjudant chef au GIGN, Thierry Prungnaud.

    Né en 1962, Patrick de Saint-Exupéry est un journaliste français ayant couvert de nombreux pays d’Afrique et du Moyen-Orient en tant que correspondant à l’étranger. Lauréat du Prix Albert Londres en 1991 pour ses reportages sur la guerre du Libéria et l’apartheid en Afrique du Sud, il a fondé sa propre revue de grand reportage appelée « XXI » en 2008. Présent au Rwanda lors de l’opération Turquoise, il écrit toute une série d’articles pour faire connaître les événements de Bisesero dont il fut l’un des témoins directs.

    Hippolyte avait déjà réalisé dix BD reportage avant « La Fantaisie des Dieux » . C’était la première fois en 2013 qu’il se rendait au Rwanda.

    Pour aller plus loin :

    ✓ « Silence Turquoise » Editions Don Quichotte, 2012, Laure Vulpian et Thierry Prungnaud

    ✓ « Complices de l’inavouable, la France au Rwanda », 2004 Patrick Saint Exupéry

     

    Instant-City-La-Fantaisie-des-Dieux-01

     

    Pour Instant City, Patrick de Saint -Exupéry a accepté de répondre à nos questions :

    iCity  : Bonjour Patrick de Saint-Exupéry, pourquoi une BD en plus des livres ?

    PdSE : Parce qu’elle nous a semblé nécessaire, à Hippolyte et à moi-même. Hippolyte avait 18 ans au moment des faits. Lorsque nous avons discuté du projet, il me disait se souvenir des images alors passées à la télévision mais « n’avoir rien compris » à cette histoire dont il ne gardait en tête qu’une impression confuse d’extrême violence et d’effroi. Revenir vingt ans plus tard en bande dessinée sur le génocide des Tutsis du Rwanda, c’est offrir un nouveau point d’accès à cette page d’histoire qui nous concerne et nous interroge, tant sur les mécanismes du génocide que sur le rôle de la France..

    iCity  : Pourquoi ce sujet est-il davantage présent dans vos écrits que d’autres (le Libéria ou l’apartheid ) ?

    PdSE : Un génocide est un défi à la compréhension. Son marqueur n’est pas la furie, mais le silence qui s’ensuit. Ce silence n’est pas acceptable. Un génocide est un crime contre l’humanité. Ce crime et sa possibilité doivent être interrogés. C’est une exigence morale.

    iCity  : Quelle technique Hipolpolyte utilise-t-il ? Est-ce bien de l’aquarelle + encre de chine ? Ce choix d’outils est-il délibéré par rapport à un objectif précis ?

    PdSE : Oui, Hippolyte travaille en aquarelle avec des traits en encre de chine.

    iCity  : Les pages bleues : pouvez-vous nous en parler ?

    PdSE : Ces pages bleues sont une respiration. Elles nous ont semblé nécessaires, pour balancer le rythme et poser des éléments de réflexion. Entrer dans une compréhension des mécanismes du génocide suppose d’accepter de se confronter à sa propre humanité. C’est l’objet de ces pages qui sont des moments vécus par Hippolyte : tous les soirs, celui-ci éprouvait la nécessité de se « laver » dans les eaux du lac Kivu de ce qu’il avait entendu et compris dans la journée.

    iCity  : Quel accueil avez-vous eu à la publication de vos articles en rentrant du Rwanda ? Avez-vous été menacé ? Moqué ?

    PdSE : Ca n’a pas toujours été facile. Il a surtout fallu affronter une réticence générale au questionnement, à l’interrogation. En gros : « Pourquoi reparler de tout cela alors que c’est passé ? »…

    iCity  : Top 10 de la meilleure BD en 2014, avec un sujet aussi dur et sensible, une vraie fierté ?

    PdSE : Je ne sais pas si cela est motif à fierté. Je pense que cette BD était nécessaire. Qu’elle ait été bien accueillie est bien sûr une satisfaction. Hippolyte a réalisé un très beau travail et le public a bien compris la démarche. Mais il reste tant encore à faire…

    iCity  : Le Rwanda est-il derrière vous maintenant, ou y aura-t-il une suite, peut-être un film ?

    PdSE : Cela fait plusieurs années que je me dis que le Rwanda est maintenant derrière moi et, à chaque fois, je me trompe. Alors que vous dire ?… Peut-être, peut-être pas, je ne sais pas. Tout ce que je puis vous dire, c’est que cette histoire n’a pas fini de m’interroger.

    iCity  : Merci à vous.

    PdSE : Merci à vous également

     

     

     

  • Festival du Film d’Animation d’Annecy 2015

     

     

    Teaser du 39ème Festival International du Film d’Animation d’Annecy :

    [youtube id= »fAi9FuAsRAY » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Cristal d’honneur pour Florence Miailhe !

    Le Festival International du Film d’Animation d’Annecy 2015 met en avant les femmes dans l’animation. À cette occasion, Florence Miailhe recevra le Cristal d’honneur. Tant son style atypique, baptisé « Le Film Peint », que son univers poétique, ont régulièrement été récompensés par des prix prestigieux.

    En 1999, elle réalise « Au premier dimanche d’août », présenté en sélection officielle à Annecy en 2000, nominé pour le Cartoon d’or en 2001 et César du meilleur court métrage en 2002.

    Son court métrage « Conte de Quartier » est quant à lui distingué par une mention spéciale du jury au festival de Cannes en 2006.

    L’affiche confiée à une animatrice de renom : Regina Pessoa

    Toujours dans le cadre de la thématique du Festival 2015 liée aux femmes, la réalisation de l’affiche officielle a été confiée à une réalisatrice reconnue dans le monde du cinéma d’animation, Regina Pessoa.

    L’animatrice portugaise connaît bien la manifestation, puisqu’elle y a reçu le Cristal du court métrage d’Annecy en 2006 pour son film « Histoire tragique avec fin heureuse ». Aujourd’hui, Ce film reste le court métrage d’animation portugais le plus récompensé dans le monde.

    Bon festival à tous !

     

     

    [youtube id= »KQXK–BppJU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • Focus | Interview exclusive de Patrick de Saint-Exupéry

     

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes »]          « FOCUS »: un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

    Né en 1962, Patrick de Saint-Exupéry est un journaliste français ayant couvert de nombreux pays d’Afrique et du Moyen-Orient en tant que correspondant à l’étranger. Lauréat du Prix Albert Londres en 1991 pour ses reportages sur la guerre du Libéria et l’apartheid en Afrique du Sud, il a fondé sa propre revue de grand reportage appelée « XXI » en 2008. Présent au Rwanda lors de l’opération Turquoise, il écrit toute une série d’articles pour faire connaître les événements de Bisesero dont il fut l’un des témoins directs.

    Pour Instant City, Patrick de Saint -Exupéry a accepté de répondre à nos questions :

    iCity  : Bonjour Patrick de Saint-Exupéry, pourquoi une BD en plus des livres ?

    PdSE : Parce qu’elle nous a semblé nécessaire, à Hippolyte et à moi-même. Hippolyte avait 18 ans au moment des faits. Lorsque nous avons discuté du projet, il me disait se souvenir des images alors passées à la télévision mais « n’avoir rien compris » à cette histoire dont il ne gardait en tête qu’une impression confuse d’extrême violence et d’effroi. Revenir vingt ans plus tard en bande dessinée sur le génocide des Tutsis du Rwanda, c’est offrir un nouveau point d’accès à cette page d’histoire qui nous concerne et nous interroge, tant sur les mécanismes du génocide que sur le rôle de la France..

    iCity  : Pourquoi ce sujet est-il davantage présent dans vos écrits que d’autres (le Libéria ou l’apartheid ) ?

    PdSE : Un génocide est un défi à la compréhension. Son marqueur n’est pas la furie, mais le silence qui s’ensuit. Ce silence n’est pas acceptable. Un génocide est un crime contre l’humanité. Ce crime et sa possibilité doivent être interrogés. C’est une exigence morale.

    iCity  : Quelle technique Hipolpolyte utilise-t-il ? Est-ce bien de l’aquarelle + encre de chine ? Ce choix d’outils est-il délibéré par rapport à un objectif précis ?

    PdSE : Oui, Hippolyte travaille en aquarelle avec des traits en encre de chine.

    iCity  : Les pages bleues : pouvez-vous nous en parler ?

    PdSE : Ces pages bleues sont une respiration. Elles nous ont semblé nécessaires, pour balancer le rythme et poser des éléments de réflexion. Entrer dans une compréhension des mécanismes du génocide suppose d’accepter de se confronter à sa propre humanité. C’est l’objet de ces pages qui sont des moments vécus par Hippolyte : tous les soirs, celui-ci éprouvait la nécessité de se « laver » dans les eaux du lac Kivu de ce qu’il avait entendu et compris dans la journée.

    iCity  : Quel accueil avez-vous eu à la publication de vos articles en rentrant du Rwanda ? Avez-vous été menacé ? Moqué ?

    PdSE : Ca n’a pas toujours été facile. Il a surtout fallu affronter une réticence générale au questionnement, à l’interrogation. En gros : « Pourquoi reparler de tout cela alors que c’est passé ? »…

    iCity  : Top 10 de la meilleure BD en 2014, avec un sujet aussi dur et sensible, une vraie fierté ?

    PdSE : Je ne sais pas si cela est motif à fierté. Je pense que cette BD était nécessaire. Qu’elle ait été bien accueillie est bien sûr une satisfaction. Hippolyte a réalisé un très beau travail et le public a bien compris la démarche. Mais il reste tant encore à faire…

    iCity  : Le Rwanda est-il derrière vous maintenant, ou y aura-t-il une suite, peut-être un film ?

    PdSE : Cela fait plusieurs années que je me dis que le Rwanda est maintenant derrière moi et, à chaque fois, je me trompe. Alors que vous dire ?… Peut-être, peut-être pas, je ne sais pas. Tout ce que je puis vous dire, c’est que cette histoire n’a pas fini de m’interroger.

    iCity  : Merci à vous.

    PdSE : Merci à vous également.

     

     

     

  • Bande Dessinée | « La Fantaisie des Dieux »

     

     

    « La Fantaisie des Dieux » est une excellente BD reportage sur le génocide rwandais de 1994. Elle figure dans le Top 10 des meilleures BD de l’année 2014.  Patrick de Saint-Exupéry est aux commandes du scénario et Hippolyte au dessin. Publiée en 2014 aux Editions « Les arènes », la BD raconte le génocide sous l’angle plus précis du rôle de la France. L’acteur principal en est le silence : celui des autorités françaises, celui des morts, celui des survivants qui se cachent ou de la nature privée à nouveau de toute présence humaine.

    L’histoire : Patrick, journaliste raconte, 20 ans après, le déroulement du génocide rwandais à un ami (le dessinateur  Hippolyte) en l’emmenant sur les lieux où se sont déroulés les événements.

    Le ton s’efforce d’être soft, objectif, de s’en tenir aux faits, sans partis pris. L’horreur suffisant à elle-même, il n’était en effet pas nécessaire d’en rajouter. Pas de femmes qui pleurent, pas de corps mutilés, on n’est absolument pas dans le voyeurisme ni dans le cru du réalisme. Le génocide, on en parle de manière journalistique, en exprimant les faits. Tout simplement.

    Les dessins d’aquarelle relevés d’un trait d’encre de chine et les couleurs pastelles très diluées apportent une douceur au propos. L’humour permet de détendre l’atmosphère en relevant l’absurde de la situation, le décalage entre la beauté du paysage et le sordide des massacres, le déphasage entre les propos des assassins et l’infâmité de leurs actes.

    Les mots sont rares mais choisis. On reconnaît l’oeil du photographe dans certaines prises de vues. Des photos noir et blanc sont d’ailleurs parcimonieusement distillées dans le texte montrant les lieux ou les personnages tels qu’ils sont aujourd’hui, 20 ans plus tard. C’est très émouvant. Cela donne du coffre à l’histoire, permettant au lecteur de bien prendre conscience qu’il s’agit de faits réels et pas d’une fiction,  que ces gens-là ont bien existé, démontrant une fois de plus que bien souvent, la fiction dépasse la réalité.

    A moto, les deux personnages principaux remontent la chronologie des événements. Le ton des dialogues est bref, clair, allant à l’essentiel. Les aquarelles du lac Kivu sont magnifiques. Il y en a plusieurs, qui reviennent en leïtmotiv, comme un instant de pause, de méditation. Un temps nécessaire pour souffler et digérer les informations. Mais les pages bleues cassent parfois un peu le rythme. Elles nous réveillent trop brusquement de notre plongée dans l’histoire et on s’interroge parfois de leur utilité, même si l’on comprend qu’il s’agit d’une introspection.

    La fin est comme le début : scotchante !… A peine croyable pour qui découvre l’envers du décor. La sidération causée par la révélation finale est extrêmement bien rendue à travers les dessins en zoom des yeux du gendarme adjudant chef au GIGN, Thierry Prungnaud.

    Né en 1962, Patrick de Saint-Exupéry est un journaliste français ayant couvert de nombreux pays d’Afrique et du Moyen-Orient en tant que correspondant à l’étranger. Lauréat du Prix Albert Londres en 1991 pour ses reportages sur la guerre du Libéria et l’apartheid en Afrique du Sud, il a fondé sa propre revue de grand reportage appelée « XXI » en 2008. Présent au Rwanda lors de l’opération Turquoise, il écrit toute une série d’articles pour faire connaître les événements de Bisesero dont il fut l’un des témoins directs.

    Hippolyte avait déjà réalisé dix BD reportage avant « La Fantaisie des Dieux » . C’était la première fois en 2013 qu’il se rendait au Rwanda.

     

    Pour aller plus loin :

    ✓ « Silence Turquoise » Editions Don Quichotte, 2012, Laure Vulpian et Thierry Prungnaud

    ✓ « Complices de l’inavouable, la France au Rwanda », 2004 Patrick Saint Exupéry