Catégorie : Culture

  • La Scala de Paris : un nouveau théâtre ouvre sur les ruines d’un ancien cinéma porno

     

     

    La naissance d’un nouveau lieu culturel à Paris est assez rare pour être signalée. La Scala renaît donc de ses cendres, sur les ruines d’un ancien cinéma porno, après 18 mois de travaux et 19 millions d’euros d’investissements privés.  

     

    Il y a dans Paris des lieux singuliers, aux destinées bien étranges, bien extraordinaires. C’est le cas de la Scala-Paris, sise Boulevard de Strasbourg. Sortie de terre en 1873, dans une capitale en pleine révolution européenne, elle est née d’un caprice, celui d’une riche veuve amoureuse du célèbre opéra milanais. Tentative égotique de rivaliser avec cet édifice de renommée mondiale, la salle, aux dimensions certes plus modestes, devient très vite un café-concert prestigieux, la coqueluche du Tout-Paris.

    De Fréhel à Félix Mayol, en passant par Mistinguett et Yvette Guilbert, tous se pressent à la Scala jusqu’en 1910, en ce lieu où politiques et artistes viennent se divertir jusque tard dans la nuit. L’après-guerre et la crise de 1929 entraînent une baisse de fréquentation et scelle le destin de ce haut lieu du cabaret parisien.

    Entré en léthargie, le lieu se réveille en 1935, flambant neuf, totalement modifié, suite au rachat par un exploitant de cinéma. Transformée en un cinéma « Art Déco » de toute beauté, la Scala-Paris redevient très vite à la mode, réunissant lors de nombreuses avant-premières tout le gratin du 7ème art jusque dans les années 1960. Puis, le quartier subissant de profondes mutations, les ateliers d’antan disparaissant les uns après les autres pour laisser place peu à peu à la prostitution, aux trafics de drogues et aux squats, l’endroit devient de moins en moins fréquentable.

     

     

     

    Abandonnée, vendue une nouvelle fois, la salle devient en 1977 le premier multiplex de cinéma porno. C’est le début d’une longue déchéance. Très vite, comme le dit le nouveau propriétaire, Frédéric Biessy, l’endroit devient de moins en moins recommandable, de plus en plus glauque, « un des plus grands lupanars de la capitale ».

    Véritable lieu de perdition, la Scala-Paris pense avoir tout vu… Suite à une succession de ventes, conséquence d’une spéculation immobilière féroce, l’ancienne salle mythique tombe en 1999 dans l’escarcelle de la secte « l’Église Universelle du Royaume de Dieu », qui compte bien faire du lieu sa succursale parisienne. Vent debout, les édiles parisiens se lèvent pour faire barrage à ce dessein, en imposant aux nouveaux et heureux propriétaires une affectation culturelle.

    La salle, dans un état pitoyable, se rendort à nouveau. En 2006, un détail architectural – un voisin obtient l’autorisation de s’agrandir en rognant sur la sortie de secours limitant ainsi le nombre de places possibles à une future salle de spectacle – va bloquer tout projet à venir. James Thierrée, un temps intéressé, va finir par abandonner l’idée d’en faire son théâtre.

     

    « Au cœur de Paris, une fosse éventre la capitale. Propre, nette, elle marque l’emplacement de la Scala-Paris, lieu légendaire de la fin du XIXème siècle, tombée en désuétude au fil du temps et des aléas de la vie des Grands Boulevards. Cette salle au destin chaotique, chargée d’histoires, devrait renaître de ses cendres à l’automne 2018 grâce au rêve fou des Biessy, un couple, amoureux de théâtre. »

     

    Après ces multiples vies, certaines plus glorieuses que d’autres, La Scala-Paris renaît enfin de ses cendres. Mélanie et Frédéric Biessy, respectivement associée-gérante du fonds d’investissement Antin Infrastructure Partners et producteur-tourneur privé de spectacle via sa société Les Petites Heures, en font l’acquisition, espérant redonner vie à la scène d’antan, la transformer en un lieu atypique, où l’art vivant pourra s’exprimer sans contrainte. La salle, imaginée par Richard Peduzzi, le scénographe de Patrice Chéreau et Luc Bondy, devra être astucieusement modulable.

    Avant d’investir plus de 15 millions d’euros, dont près de 9 millions apportés par le seul couple sur leurs fonds propres, nos deux passionnés de théâtre font une étude approfondie des lieux, sollicitent l’avis de différents corps de métiers pour évaluer la viabilité de leur projet, trouver une autre sortie de secours et améliorer la capacité d’accueil. Un petit tour sur Google Earth, une plongée dans les dédales de passages inter-immeubles, et une possibilité voit le jour en passant par la rue du faubourg Saint-Denis. Le rêve fou d’ouvrir un nouveau théâtre d’envergure en plein cœur de la capitale se concrétise.

     

    « La Scala est bleue des pieds à la tête, les loges, les murs. Le sol est gris-bleu. C’est le bleu, l’histoire de la Scala, le rêve. » (Richard Peduzzi, scénographe)

     

    En 2016, au moment de leur rachat, les lieux étaient improbables : « C’était une friche totalement abandonnée depuis plus de dix ans, en ruine, et habitée par 200 pigeons », se souvient Frédéric Biessy. Avec son épouse Mélanie, ils n’ont cependant pas reculé devant l’ampleur des travaux qui ont duré un an et demi. La scénographie du lieu a été confiée à Richard Peduzzi, qui a signé la plupart des décors de théâtre et d’opéra de Patrice Chéreau.

    Leur problématique est simple : que faire de cet immense bloc de béton de 25 mètres sur 15 ? Comment l’aménager en une salle moderne, attractive et totalement transformable, pour passer de 550 à 700 places ? Pas de souci, les Biessy font appel aux talents, aux réflexions de nombreuses personnalités du monde du spectacle pour avoir leurs avis et donner corps à leur utopie. Alors qu’il ne reste que les murs, les artistes de tous horizons se succèdent pour visiter le chantier – la plupart seront associés au spectacle à venir.

    Ainsi, Isabelle Huppert, Micha Lescot, les sœurs Labèque, Catherine Frot, Aurélien Bory, Jan Fabre, entre autres, viennent s’approprier les lieux, s’en inspirer, réinventer l’espace. En parallèle, le couple propose à Pierre-Yves Lenoir, l’ancien administrateur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Olivier Schmitt, écrivain et ancien journaliste, à Rodolphe Bruneau-Boulmier, compositeur et producteur à France Musique et enfin à Aline Vidal, galeriste, de rejoindre l’équipe. L’objectif : créer un lieu de vie singulier, unique, un théâtre transcendé, différent de ce qu’offre déjà la capitale, à l’économie alliant les avantages des modèles américains et français. Un pari audacieux, qui pourrait bien dépasser leurs espérances les plus folles.

     

    « C’est un lieu qui attire parce qu’il est nouveau, parce qu’il est un peu particulier dans l’environnement culturel parisien. » (Mélanie Biessy)

     

    Les travaux commencés, les fondations creusées, l’ouverture prévue pour septembre 2018, il est temps pour Mélanie et Frédéric Biessy de se pencher sur leur première programmation. Ils l’ont présentée en avant-première lors du dernier festival d’Avignon, au cours d’une mini-croisière sur le Rhône. Et elle sera exceptionnelle…

     

    Pour commencer, c’est Yoann Bourgeois, l’artiste circassien jouant des équilibres, qui essuiera les plâtres avec un spectacle inspiré par la magie des lieux, qui s’appellera tout simplement « Scala ».

     

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    Puis, Thomas Jolly reviendra avec l’un de ses premiers spectacles, « l’Arlequin Poli par l’Amour » de Marivaux.

     

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    Le réalisateur Jaco Van Dormael et sa complice Michèle Anne de Mey présenteront plusieurs de leurs spectacles dont « Cold Blood », « Kiss and Cry » et « Amor ».

     

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    Le metteur en scène, sociétaire de la Comédie-Française, Clément Hervieu-Léger montera « La Dame de la Mer » d’Henrik Ibsen courant 2018.

     

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    En parallèle, Alain Platel fera découvrir au public parisien son « Projet Bach », Bertrand Chamayou y jouera des pièces pour piano de John Cage. Enfin, en février-mars 2019, une carte blanche sera offerte à l’artiste plasticien Aurélien Bory pour investir les lieux à sa guise. Loin d’être exhaustive, cette liste d’événements a tout pour nous mettre l’eau à la bouche… Car il y aura aussi du nouveau cirque, du théâtre, des concerts, de la danse, soit une programmation plus proche du théâtre subventionné que du théâtre privé. Et l’objectif de fréquentation est ambitieux. Mélanie Biessy prévoit « une jauge de 80 à 90 % de remplissage ».

    Alors, y a-t-il encore de la place pour de nouvelles salles à Paris et suffisamment de spectateurs ? On peut s’interroger même si ces nouvelles salles font des efforts sur la politique tarifaire. Jean Robert-Charrier, le directeur du théâtre de la Porte-Saint-Martin, voisin de la Scala, se montre plutôt optimiste, même s’il faut tenir compte de l’enjeu financier : « Il est difficile de tenir économiquement une salle, en créer une est encore plus difficile. Mais, ajoute-t-il, il n’y a que le projet artistique qui compte ».

     

    « Plus on propose des spectacles exigeants, plus on a un public jeune. » (Jean Robert-Charrier, à la tête du théâtre de la Porte-Saint-Martin)

     

    Jean Robert-Charrier affirme que le renouvellement du public ne se fait pas avec « les vieux spectacles et les vieilles recettes » du théâtre privé, mais avec des affiches plus qualitatives. « Les jeunes se concentrent sur des spectacles exigeants. Et ça c’est très rassurant », conclut-il.

     

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    Source :  pour L’Oeil d’Olivier

     

     

     

  • Ennio Morricone, l’inventeur de la musique de film

     

     

    Aborder la carrière d’Ennio Morricone, c’est un peu comme avoir l’outrecuidance d’essayer de décrypter le travail de Dieu sur terre.

     

    Voyez-vous, en gros, l’échelle des valeurs, et où s’y situerait le compositeur et chef d’orchestre italien ? Oui, Ennio Morricone est un génie, un dieu, sans conteste le plus grand des compositeurs de musique de film. Souvent copié mais jamais égalé… Il est toujours vivant, et je me fiche de le savoir, en fait, car ses chefs d’œuvre sont bien installés dans l’imaginaire collectif depuis un demi-siècle déjà. Aujourd’hui, le maestro se contente certes de diriger des concerts pour le prestige poli de soirées de gala dans des salles remplies le plus souvent de messieurs et dames qui s’en tamponnent le coquillard de ce qu’ils écoutent. Certes, il a récemment composé un thème original pour faire plaisir à Quentin Tarantino, qui l’utilise dans pratiquement tous ses films. Il y a bien encore de temps en temps une composition pour tel ou tel film plus ou moins oubliable. Vieillard transformé en institution, bardé de récompenses et de médailles en tous genres, Morricone est l’un de ces derniers monstres vivants, à l’instar de Lalo Schifrin, Quincy Jones ou Herbie Hancock, qui ont dans leurs genres respectifs transformé et bouleversé le son des musiques de film, et plus généralement notre sensibilité musicale ainsi que notre goût pour le cinéma.

    C’est dans les années soixante qu’Ennio Morricone surgit, en même temps que John Barry et Lalo Schifrin, dans le paysage un peu routinier de l’habillage musical de film. De nouveaux noms, qui n’étaient pas prédisposés à emprunter cette voie, vont tous partir du même postulat pour accompagner un film et lui apporter une singularité, une identité, ce petit supplément d’âme qui fait la différence. C’est ce que ces nouveaux compositeurs vont justement mettre en œuvre pour faire avancer le cinéma vers une autre approche du ressenti et de l’implication émotionnelle des spectateurs. La musique ne sera plus là simplement comme accompagnatrice ou illustratrice d’une scène, d’un geste ou d’un sentiment, mais bel et bien un personnage à part entière qui influera sur l’histoire elle-même. La musique pourra devancer l’action, elle pourra exprimer beaucoup d’autres choses qu’on ne voit pas forcément à l’écran, mais qui sont censées faire partie de l’univers décrit par le réalisateur. La musique va devenir intuitive, ludique, interactive et installer un dialogue entre l’oeuvre et le spectateur. C’est bien dans les années 60 et encore davantage dans les 70 que le cinéma deviendra toujours plus immersif.

    Le plus souvent, la musique se composait après que le film ait été réalisé, monté et sonorisé. Le compositeur attitré devait se contenter, tel un peintre, d’accommoder ici et là la touche, la couleur et d’habiller les surfaces demandées. Suite à sa rencontre avec Sergio Leone, et la longue collaboration de toute une vie qui s’en suivit, Ennio Morricone allait prendre le problème à l’envers en composant la musique avant que le film ne soit produit. Le réalisateur du « Colosse de Rhodes » avait donc le score de son futur film déjà prêt sur le tournage et articulait ce qu’il avait écrit en fonction de la puissance émotionnelle de ce que Morricone avait composé, projetant ce que le film serait, une fois abouti… Avec « Pour une Poignée de Dollars » naîtra une collaboration qui allait durer huit films. C’est à la lecture de l’histoire ou du scénario que Morricone imaginait en quelque sorte son propre film et son propre ressenti. A l’arrivée, les films de Sergio Leone gagnaient en force, en puissance décuplée, ultra-iconographique et tout faisait sens.

    Au delà de cette approche qui n’appartient sans doute qu’à Morricone, c’est bien la magie exercée par tous ces grands noms de la bande originale de film qui est parvenue à rendre viscérale et entière leur musique, à l’instar d’un John Williams sur une quantité impressionnante de films et leurs thèmes légendaires (« Jaws », « Star Wars », « Superman », « Indiana Jones », « Harry Potter », « Jurassic Park »…), John Barry et les « James Bond », Lallo Schifrin et « Bullit », « Tango », « Mission Impossible », « Mannix ». Des identités musicales indissociables des films qu’elles représentent. Ainsi, la grande force de tous ces compositeurs de génie, à commencer par celle du plus génial d’entre eux, c’est qu’ils ont su évoluer avec les époques qu’il traversaient et s’y adapter.

     

    Jouer et composer à contre-courant d’une mode, comprendre le film et son auteur pour essayer de faire ressortir l’œuvre par l’emploi inédit d’instruments, de voix et de tout ce qu’il était possible de mettre au service de la création pure.

     

    Edda Dell’Orso, la grande chanteuse soprano, fut avec Sergio Leone et Bruno Nicolaï, une autre des contributions majeures au rayonnement de l’œuvre de Morricone. C’est avec « Le Bon, la Brute et le Truand » que leur collaboration démarre, et elle durera le temps d’une centaine d’autres titres qui suivront jusque dans les années 80, avec une des plus emblématiques B.O., celle de « Once Upon A Time In America ». Edda Dell’Orso, c’est cette voix féminine qui semblait descendre du ciel pour y remonter aussitôt et qui a toujours donné un avant-goût d’impalpable, de doux, de mélancolique et de céleste.

    Replongeons par exemple dans la scène d’ouverture de « Il était une fois dans l’Ouest », juste après l’intro et le massacre par une horde de tueurs de toute une famille qui se préparait à un mariage, cette scène dans laquelle Claudia Cardinale descend du train dans une petite bourgade de l’Ouest, en pleine construction. On est censé venir la chercher mais personne ne viendra. Elle attend. La musique commence, douce, cristalline, et constituera le thème récurrent du film, à chaque fois qu’apparait ce personnage : le thème de Jill. La voix d’Edda Dell’Orso fait son apparition. On comprend, avec juste quelques plans et cette musique, que cette femme devait se marier aujourd’hui. La musique continue et semble la suivre, comme une Louma, lorsqu’elle rentre dans la gare pour demander des indications. On la voit ensuite ressortir et la caméra s’envole avec la musique. C’est à ce moment précis, lorsque nos poils se dressent sur les bras et que nos yeux s’écarquillent, embués, que l’on sait que Sergio Leone et surtout Morricone nous feront aimer le cinéma inconditionnellement. La fameuse magie du cinéma…

    Avec sa formation de trompettiste puis de chef d’orchestre classique, ayant fait ses armes en passant par la radio et la télé où il composa des génériques, des jingles, Ennio Morricone saura donc manier toutes ces connaissances pour les fondre ensemble. Pas étonnant que sa musique soit aujourd’hui parmi les plus utilisées par les arrangeurs et divers Dj, pour être mixée et en faire de nouveaux morceaux. Morricone fut en quelque sorte le premier grand mixeur de l’histoire de la musique, un expérimentateur, un sorcier. Dans les années soixante, on assiste aux déferlantes Atonale, Dissonante et Bossa Nova, ce courant musical apparu dans les années 50 au Brésil. Utilisé partout ailleurs comme ce que l’on qualifierait de nos jours de « Musique Lounge », Morricone va quant à lui s’en servir pour composer ses premières musiques de film,  notamment pour des giallos ou des comédies sentimentales, en y injectant des sonorités plus angoissantes.

    Tandis que François de Roubaix, Michel Magne, Pierre Jansen ou Pierre Henry suivaient les traces de Ligeti ou de Stockhausen en France, sans trop savoir où aller avec cette musique dite répétitive et aux premières sonorités électroniques, outre-atlantique, Jerry Goldsmith avait quant à lui déjà bien compris l’utilité de cet héritage, en mélangeant ces sons atonaux produits par des machines avec un orchestre symphonique (« The Illustraded Man », « La Planète des Singes »). Ennio Morricone, plus radical encore et toujours plus moderne, poussait donc l’idée de mélanger tous ces sons et ces influences pour exprimer l’époque et cette ébullition permanente que l’on trouvait aussi bien dans le cinéma (La Nouvelle Vague) que dans la musique (tous les noms précédemment cités) ou dans la mode (Cardin, Paco Rabanne, Courrèges).

    Aujourd’hui, revoir bon nombre de ces films italiens de qualité toute relative souligne le fait que Morricone ne se moquait jamais du film qu’il devait illustrer, comme d’aucun l’aurait fait d’une commande alimentaire. A chaque fois, on est stupéfait de la richesse thématique, mélodique, de la sophistication des arrangements déployés. « Metti Una Sera A Cena », comédie polissonne italienne avec Jean-Louis Trintignant ou bien encore « Crescete E Moltiplicatevi », film d’exploitation italien du début des 70’s, avec histoire prétexte et jeunes femmes dénudées, sont deux exemples frappants de films passables soutenus par une musique assez dingue.

    Ennio Morricone était en fait à l’aise avec n’importe quel genre que l’on pouvait lui soumettre, alors qu’on a un peu trop tendance à le cantonner strictement au rôle de compositeur de musique de westerns spaghetti, et surtout à oublier qu’à l’époque, Bruno Nicolaï (qui oeuvra au côté de Morricone comme arrangeur et orchestrateur pendant plus de vingt ans), Luis Bacalov, Riz Ortolani, Piero Umiliani étaient eux aussi d’authentiques et talentueux compositeurs de musique de film, et que tous ont créé pour des genres très différents, du Giallo au Polar, en passant par le Western ou les films érotiques bon teint. C’est d’ailleurs ce qui fait la force et la richesse de la musique de film transalpine, si on la compare (mais peut-elle être comparée ?) à celle produite en France, en Angleterre ou aux Etats-Unis.

    L’autre force du cinéma Italien, c’est l’ouverture d’esprit qui a toujours fait tant défaut au cinéma français. Que ce soit pour la musique ou pour les thèmes abordés au cinéma, les compositeurs et réalisateurs n’ont pas de problème avec les étiquettes. Ainsi Morricone a pu passer du film bis d’exploitation à des œuvres à gros moyens et à renommée internationale, avec la même élégance et le même sérieux dans la manière de travailler.

     

    Durant les décennies 60 et 70, le cinéma offrait une totale liberté aux compositeurs. Ce n’est pas pour rien si les meilleurs B.O. de films ont été composées dans ces années-là.

     

    Morricone a tout d’abord collaboré à la production de films italiens dans les années soixante, avant de s’exporter en France dès les années soixante-dix, avec en particulier Henry Verneuil et ses polars louchant justement sur le cinéma italien (« Peur sur la Ville », « Le Clan des Siciliens ») ou américain (« Le Casse », « Le Serpent » ou « I Comme Icare »)… Mais s’il y a des œuvres plus prestigieuses que d’autres, que le public ou Morricone lui-même mettent hélas trop en avant, avec des concerts qui sentent le sapin et le syndrome Charles Aznavour, il y a pourtant d’authentiques chefs d’œuvre un peu passés à la trappe, qui pourtant n’ont jamais perdu de leur puissance, de leur modernité et de leur créativité. Pour faire court, les musiques de « Danger : Diabolik » de Mario Bava, « Le Venin de la Peur » de Lucio Fulci, « Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon » de Elio Petri, « La Dona Invisibile » de Paolo Spinola, « Photo Interdite d’une Bourgeoise » de Luciano Ercoli… Et je ne cite pas les films de Dario Argento, où Morricone a contribué grandement à l’univers torturé et expressionniste du réalisateur de « Profundo Rosso »…

    Ennio Morricone, l’homme aux cinq-cents musiques de film, et peut-être encore d’avantage, puisque l’on découvre tous les jours des musiques composées pour des films totalement oubliés, le stakhanoviste de la B.O., capable de travailler sur trois, quatre ou cinq films par an, n’a jamais démérité ou exercé son talent par dessus la jambe. Retravaillant, recréant, réinventant ou revenant sur des partitions qu’il avait jugées faibles au moment de leur création, pour mieux les faire aboutir sur un autre film des années plus tard, Ennio Morricone a façonné son œuvre comme un tout, avec cohérence et la satisfaction de laisser derrière lui un héritage digne, beau et intemporel.

     

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

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  • De La Soul Is Not Dead…

     

     

    Avec le documentaire « De La Soul Is Not Dead » sorti en 2016, nous reprenons le chemin d’Amityville, Long Island, une des banlieues de New York, la Mecque du hip-hop, avec les trois membres du groupe De La Soul, là-même où trente ans plus tôt, trois camarades de lycée à l’instinct créatif des plus aiguisés parvenaient à attirer l’attention de DJ Prince Paul en envoyant une cassette de démo au label Tommy Boy Records.

     

    Tommy Boy Records, le même label qui balançait à la face du monde le fameux « Planet Rock » d’Afrika Bambaataa quelques années plus tôt et contribuait à l’émergence internationale du hip-hop, s’apprêtait à connaître sa seconde révolution avec De La Soul et son « Me, Myself and I ». Mais les trois gamins étaient à cette époque bien loin d’imaginer ce que l’avenir leur réservait.

    Tandis que la nouvelle génération du rap s’appuie plutôt sur une musique agressive alliée à des textes radicaux dans cette fin des années 80, le style de De La Soul repose quant à lui essentiellement sur le groove et le sampling de sons plus pop, jazz, psychadéliques, voire folk. C’est d’ailleurs pour des histoires de droits que ces titres de la première heure, devenus pourtant des classiques, ne se trouvent plus sur les plateformes digitales, tant nos trois compères sont allés puiser dans le patrimoine musical mondial, des Whatnauts et leur classique « Help Is On The Way » dans le titre « Ring Ring Ring », extrait de l’album « De La Soul Is Dead » (1991), à Serge Gainsbourg sur leur troisième opus « Buhloone Mind State » sorti en 1993.

    Que de chemin parcouru, donc, depuis cette démo envoyée en 1988 à l’un des producteurs les plus iconiques de tous les temps, DJ Prince Paul, et le retour sur les terres de leurs débuts en 2016, à l’occasion du documentaire « De La Soul Is Not Dead » tourné au moment de la sortie de leur dernier album en date, « And The Anonymous Nobody ». 25 ans s’étaient écoulés depuis le mythique « De La Soul Is Dead » en 1991, et 20 ans depuis « Stakes Is High » en 1996, leur première production sans DJ Prince Paul aux commandes. Il n’en reste pas moins qu’avec ou sans le concours de leur mentor, ces deux opus auront définitivement placé De La Soul en orbite et maîtres de leur destin.

    A l’écoute de ce dernier album « And The Anonymous Nobody » jalonné de collaborations diverses et variées, de Snoop Dogg et l’irrésistible « Pain » à David Byrne avec « Snoopies », en passant par « Greyhounds » en duo avec Usher, on réalise rapidement que, contrairement à ce qu’ils clamaient à la face du monde en 1991, non, « De La Soul Is Not Dead »

     

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  • Web Design Museum : redécouvrez les sites web les plus populaires des années 1990-2000

     

     

    Vous êtes nostalgiques du web des années 1990 ? Bonne nouvelle : le Web Design Museum vous permet de redécouvrir les premières versions des sites les plus mythiques de l’histoire d’internet.

     

    Altavista, GeoCities et les GAFA…

    En visitant le Web Design Museum, on retrouve avec nostalgie les sites qui font aujourd’hui partie intégrante de notre vie quotidienne, de Google à Facebook, en passant par YouTube, Amazon ou Apple… Nous avons également plaisir à redécouvrir les sites qui dominaient le web dans les années 1990-2000, et qui ont depuis disparu. On pense bien sûr à Altavista (le Google de l’époque), Lycos (va chercher), ICQ, GeoCities…

     

     

     

     

     

     

    L’évolution du webdesign en images

    En tout, 900 sites web sont ainsi référencés et plusieurs classements sont possibles pour vous permettre de visualiser les designs de votre choix. Vous pouvez choisir l’année, de 1985 à 2005, et constater à quel point les tendances du webdesign ont évolué depuis trente ans. Il est également possible de consulter les sites web en fonction du secteur d’activité (musique, photographie, blogs, réseaux sociaux, sport…). Mais on peut aussi filtrer en fonction du style : noir et blanc, flash (!), dessiné, minimaliste, rétro… Un champ de recherche vous permet même d’accéder directement au site de votre choix.

     

     

     

     

     

    Le design des sites les plus populaires des années 1990-2000

    On termine cet article avec une sélection de douze designs représentatifs du web des années 1990-2000. Rendez-vous donc sur Web Design Museum pour faire un voyage dans le temps étonnant. Vous pouvez également lire l’interview du fondateur du site sur Speckyboy en cliquant ici.

     

     

     

    Allez, tiens, pour clore le sujet sur une note amusante, on se refait Norman et sa vidéo « Internet de l’époque » (musique composée et interprétée par PV Nova)… Tout un programme.

     

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    Source : Thomas Coëffé pour le Blog du Modérateur

     

     

     

  • Studio Interlude | Comme une pierre qui roule…

     

     

    En 2013, afin de célébrer la réédition complète des 41 albums officiels de Bob Dylan, le Studio Interlude nous concoctait la vidéo interactive « Like A Rolling Stone ». Ce petit bijou était nommé aux Webby Awards l’année suivante dans trois catégories : Meilleure utilisation de vidéo interactive, Meilleure vidéo musicale et Meilleur montage.

     

    Fondé par le musicien et tech geek auto-proclamé israélien Yoni Bloch, afin de répondre à son propre désir de réaliser un clip inspiré de l’univers du jeu vidéo ainsi que d’histoires « non-linéaires » telles que Donjons & Dragons, le Studio Interlude démarrait son activité en réalisant des clips vidéo interactifs pour des musiciens, des personnalités, des sociétés ou encore des marques.

    Le Studio Interlude développait alors sa propre application, Treehouse, basée sur le même principe, mais qui permet maintenant à tout utilisateur de créer lui-même ses propres vidéos interactives.

    Pour découvrir d’urgence ce petit bijou, c’est ici que ça se passe :

    Interlude : Like A Rolling Stone

    Et pour tout connaitre sur Bob Dylan, voire encore plus… Expecting Grain.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Interlude

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Bob Dylan Official

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Expecting Grain

     

     

  • Salut Salon : Girl Power

     

     

    Salut Salon est un quatuor féminin créé à Hambourg (Allemagne) en 2000 par deux amies d’enfance, Angelika Bachmann et Iris Siegfried (violonistes), associées à Sonja Lena Schmid (violoncelle) et à Anne-Monika von Twardowski (piano).

     

    Les quatre jeunes musiciennes de Salut Salon, par leur féminité éclatante, leur sensibilité, leur virtuosité et la diversité de leur répertoire, allant du classique aux airs populaires, en passant par le jazz ou la pop, contribuent à rendre accessible leurs instruments, sans toutefois les désacraliser.

    Mais Salut Salon, ce sont aussi des actions humanitaires et éducatives, qui viennent en aide à l’enfance, de par le monde. Comme à Viña del Mar, au Chili en 2011, dans le cadre du projet Escuela Popular de Artes soutenu par l’organisation caritative « Kindernothilfe ».

    Le nom du quatuor, « Salut Salon », a été choisi à l’occasion du 90ème anniversaire du Salon Littéraire et Musical de Hamburg-Eppendorf ; il évoque aussi l’oeuvre la plus connue d’Edward Elgar, « Salut d’Amour », qui deviendra un des premiers morceaux de bravoure du quatuor.

    A découvrir absolument…

     

    [youtube id= »BKezUd_xw20″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Liens externes » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Salut Salon Official

     

     

  • Lettre au grand Jacques

     

     

    « La mort, ce n’est désagréable que pour ceux qui restent… »

     

    Mon grand Jacques, voilà, tu t’en es allé. Tu as fini par partir, et probablement sans te retourner. Trop fier, peut-être, mais aussi trop sensible et modeste pour ne pas nous quitter, comme ça, l’air de rien, sur la pointe des pieds. C’est à peine si on ne t’a pas entendu siffler nonchalamment, pour nous faire croire que tu étais encore là. Alors, puisque tu ne t’es pas retourné, je le ferai à ta place, si tu me le permets.

    Car, pour moi, tu étais le dernier saltimbanque, de cette lignée d’artistes qui symbolisait tant la France d’avant, depuis Charles Trenet, que tu aimais tant, à Yves Simon et Georges Moustaki, en passant par Edith Piaf, Serge Gainsbourg, Leo Ferré ou Boris Vian. Je sais bien que tu tiquerais de m’entendre dire ça, alors que tu n’as finalement jamais été en décalage avec le monde dans lequel tu évoluais.

    Non, ce que je veux dire, c’est que tu as accompagné les changements du monde, le corps dedans et l’esprit ailleurs. Ailleurs comme au dessus, avec recul, distance et empathie. Mais toujours les pieds bien ancrés dans son temps, le grand Jacques…

     

    « Tu t’es passé

    Aux écouteurs

    Ce truc d’Higelin,

    Remember… »

     

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    Tu es né avec la guerre. De ton enfance, tu as gardé cet amour charnel de la musique, et du jazz en particulier. Comme ton alsacien de père, cheminot et musicien, te l’a inculqué, tu en feras de même plus tard avec tes propres enfants. A l’âge de 14 ans, tu passeras même une audition au Théâtre des Trois Baudets avec un autre grand Jacques, Canetti, qui remarquera ton talent précoce, mais qui ne te retiendra finalement pas du fait de ton jeune âge, tout en te donnant rendez-vous « dans dix ans ».

     

    « Môme, je voyais La Nouvelle-Orléans en rêve, par la musique. Je remontais le ressort du phonographe et je m’allongeais très vite pour pas rater le début. Crrr, crrr, je fermais les yeux… Et là, je recevais des images pendant trois minutes, des musiciens en train de jouer, les bars enfumés, les rues, les enseignes. Je me repassais toujours les mêmes 78 tours parce que je voulais VOIR. Ça me bouleversait parce que j’avais l’impression de faire un super saut dans le temps. »  (Interview donnée à Libération le 17.02.2010)

     

    Alors, comme Jacques Canetti t’avait donné rendez-vous dans dix ans, c’est vers le Cours Simon et l’Art Dramatique que tu te tournes à 16 ans. Ton premier petit rôle au cinéma, tu l’obtiens en 1959 avec « Nathalie Agent Secret ». En plus de 50 ans, à ton corps défendant, tu ne quitteras jamais vraiment le cinoche, avec une trentaine de films au compteur, quelques productions télé et diverses pièces de théâtre.

    Mais à ton retour de l’armée en 1962, tu prends les deux décisions les plus importantes de toute ta vie : tu ne veux plus être comédien et tu seras musicien. Tu retrouves le guitariste Henri Crolla, fils adoptif virtuel de Jacques Prévert et Paul Grimault, frère de rue de Mouloudji et accompagnateur d’Yves Montand, que tu avais connu en 1959 sur le tournage du film « Saint-Tropez Blues ». C’est Henri qui t’avait initié à la guitare avant l’armée…

    De ta correspondance avec la comédienne Irène Lhomme avec qui tu as joué sur le film d’Henri Fabiani, « Le bonheur est pour demain », tu as gardé le goût des mots, que tu cultives désormais en écrivant tes propres chansons. « Chanter une chanson, c’est raconter une petite histoire de trois minutes ».

    En 1962, tu deviens donc guitariste… Commence alors pour toi ton lent apprentissage du métier. Tu traînes les cafés-théâtres, tu te cherches mais tu n’oses pas encore chanter tes propres textes. Moustaki te prend sous son aile et tu vas l’accompagner sur ses tours de chant pendant quelque temps. Malgré les bonnes résolutions prises à ton retour de l’armée, tu referas tout de même quelques crochets par le cinéma, en particulier avec « Bébert et l’Omnibus » d’Yves Robert en 1963. « Faut bien bouffer… ». Tu n’as pas à te justifier, il était pas mal, ce film.

     

    « Il faut dire que Jacques a une silhouette assez romantique. Avec ses grands manteaux, ses cheveux un peu en bataille. En France, on avait cette nostalgie de Gérard Philippe, mort trop jeune. Tous ces rôles, Le Prince de Hambourg, Caligula, servis par cette figure magnifique d’acteur, voulant faire la révolution, avec cette volonté de rendre accessible le théâtre au plus grand nombre et toucher tous ces gens qui n’y vont jamais… Il y avait une parenté entre le jeune Higelin et Gérard Philippe… » (Rufus)

     

    Et là, comme quoi le destin est parfois écrit, tu retrouves par hasard Jacques Canetti en 1964, précisément dix ans après votre première rencontre… Comme convenu… Canetti travaille sur la première anthologie discographique des chansons de Boris Vian, « Boris Vian 100 Chansons », et il te propose d’enregistrer sept chansons de l’artiste aux mille facettes, dont certaines alors inédites. Tu mets même un texte de Vian en musique : « Je Rêve ». Ce titre sera d’ailleurs ton tout premier enregistrement en tant que compositeur interprète, et tu figureras sur cette anthologie aux côtés de Serge Reggiani, Pierre Brasseur, Catherine Sauvage, Cécile Vassort, Philippe Clay ou encore Lucienne Vernay. Excusez du peu…

     

    « C’est un disque qui est réalisé dans une allégresse folle. Je m’en souviens très bien car j’étais présente aux enregistrements, même si j’étais encore petite. Jacques Higelin était déjà extraordinaire. Il était gai, talentueux, avec cette folie en lui, cette gentillesse et cette tendresse qui le caractérisaient. Mais parmi toutes les qualités qu’on reconnaît à Higelin, on en oublie souvent une, et de taille : c’est un très grand musicien. Le disque paraît, dans une édition somptueuse, mais ne marche pas du tout… » (Françoise Canetti, la fille de Jacques)

     

    Jacques Canetti te présente alors le parolier Marc Moro, alias « Mac Ormor », et t’encourage à te lancer dans le grand bain. Ensemble, vous faites « Priez pour Saint-Germain-des-Prés ». C’est aussi à cette époque que tu rencontres des artistes qui deviendront pour la plupart de vieux compagnons de route : Marc’O, RufusBulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon, Georges MoustakiAreski Belkacem et bien-sûr celle qu’on prendra pendant si longtemps pour ta soeur, Brigitte Fontaine.

    En 1966, tu tombes raide dingue de Nicole Courtois, ta Nini, avec qui tu auras ton premier enfant, le petit Arthur. Il en aura fait du chemin, le p’tit Arthur, entre ses premiers pas dans la chanson en 1971 avec son « petit tambour du roi » sur ton album « Jacques Crabouif Higelin » et aujourd’hui…

    Avec Brigitte Fontaine et Rufus, à La Vieille-Grille puis au Théâtre des Champs-Élysées, tu crées la pièce « Maman j’ai peur » qui obtient un succès critique et public si important qu’elle restera plus de deux saisons à l’affiche à Paris et donnera lieu à une tournée européenne.

     

     

    Je fais ta connaissance en 1977, avec le film de Gérard Pirès sorti en 1973, « Elle court, elle court la banlieue ». Bon, faut dire ce qui est, pas forcément un chef d’oeuvre… Mais ce petit film sans prétention a toujours gardé une place particulière dans mon coeur. On venait tout juste de rentrer d’Afrique, et ce long-métrage dépeignait la vie à Paris, si étonnante pour de petits sauvages comme nous, et cette banlieue, fantasmée, empreinte de modernité, Orly, le périphérique (récemment ouvert et déjà bouché), Fip Radio, tout ça, quoi…

    En 1973, le « Métro-Boulot-Dodo » commençait ainsi sa carrière de leitmotiv à la mode. Une étude sociologique servit de point de départ et d’alibi scientifique au film, illustration légère et enlevée de l’odyssée urbaine de millions de Parisiens et de banlieusards.

    Au pas de charge aller-retour, Gérard Pirès (le futur réalisateur de Taxi) poursuivait les trépidantes cohortes des heures de pointe. Fort malicieusement, la satire sociale chatouille là où ça fait mal, mais sait s’arrêter aux limites de la fantaisie et de la farce vaudevillesque (Victor Lanoux s’attaquant à son rival au moyen d’un véhicule de chantier). Avec Marthe Keller, vous rivalisiez de jeunesse et de charme dans ce petit film joyeux, baigné de musique pop, sympathique instantané d’une époque qui semble aujourd’hui si lointaine.

     

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    Et puis, je commence à découvrir le musicien. Et quel musicien… Tu te tournes résolument vers le rock avec les albums « BBH 75 » puis « Irradié », auquel participe Louis Bertignac, futur guitariste de Téléphone. Avec l’album « Alertez les bébés ! » où alternent compositions rock et chansons, tu reçois d’ailleurs le prix de l’académie Charles-Cros. Quand même…

    Tu deviens alors, dans les années qui suivent, un des chanteurs rock parmi les plus populaires de France, notamment grâce à des prestations scéniques où tu donnes beaucoup de ta personne, dans une débauche d’énergie communicative avec le public. « No Man’s Land », avec « Pars » (ton premier tube en 1977), le double album « Champagne et Caviar » (initialement sorti en deux albums simples : « Champagne pour tout le monde » et « Caviar pour les autres… »), et l’album en public « Higelin à Mogador », font de toi l’égal de Bernard Lavilliers ou de Téléphone.

     

    « À l’époque, les choses étaient bloquées pour moi, je tournais en rond, ça n’allait pas. Alors j’ai pris une mitrailleuse […] Nous avions le sentiment d’être des perdants magnifiques, véhiculant un esprit combatif, une classe sauvage. J’étais une lame de couteau. »

     

    Dans les années 80, je te découvre aussi sur scène, et là, quelle claque… De l’intimiste Cirque d’Hiver en 1981, « un endroit qu’on peut prendre comme ça et serrer sur son coeur », à la démesure de Bercy en 1985, tu marques définitivement l’histoire de ton empreinte d’incroyable musicien et d’immense showman. On te voit et on t’entend partout, sur disque, en concert, chez les Carpentier, avec une programmation quelque peu inhabituelle pour l’émission, et toujours un peu au cinéma.

     

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    Pour graver dans la cire l’incroyable aventure de Bercy à l’automne 1985, tu sors ton triple album « Higelin à Bercy » et tu resteras un mois à l’affiche de cette salle immense, inaugurée l’année précédente. Tu chantes dans un décor de cinéma, avec scènes tournantes, plateaux mobiles, effets multiples, arrivée des musiciens en jeep ou en moto…

    Après le rock, c’est la world music qui pénètre ton monde, toi qui aimais tellement l’Afrique : tu invites Mory Kanté et Youssou N’Dour à venir t’accompagner, eux qui étaient encore complètement inconnus du grand public. Un soir, même, Barbara et Gérard Depardieu (en pleine préparation de leur spectacle commun, « Lily Passion ») te rejoignent également sur scène. Quel souvenir, mon Jacques…

     

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    « Je lis plus les journaux alors j’ai peur de rien, la télé, la radio, c’est du mou de veau pour les chiens. »

     

    Ah oui, je voulais aussi te dire que jamais je ne pourrais te reprocher tes prises de position ou tes engagements, que je n’ai pas toujours partagés, j’avoue, car toi, contrairement à beaucoup d’autres, tu l’as toujours fait avec sincérité, honnêteté et naïveté. C’est important, la naïveté. Comme disait Bashung – lui aussi, tu l’aimais bien : « Etre naïf, c’est être novateur, parce qu’il faut être vraiment naïf pour découvrir autre chose ». Et finalement, je tombe toujours d’accord avec toi…

     

    Désolé, mon grand Jacques, mais il m’aura fallu un peu de temps pour réaliser qu’avec toi disparaissait notre enfance… J’espère juste que tu seras parti fier du chemin accompli depuis tes premiers pas à Chelles, et de ce que tu auras transmis à tes enfants. So long, mon grand Jacques…

     

    © AFP / Olivier Laban-Mattei

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Jacques Higelin Wikipedia

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Jacques, Jacques Higelin

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Interview de Jacques Higelin à Libération en 2010

     

     

     

  • Le Clubbing Gay by Sexy Demain

     

     

    Le clubbing gay naît en Europe dans les années 1920, avec le Magic City à Paris, et le quartier de Schöneberg à Berlin. Enfin, les gays peuvent se rassembler pour autre chose que de la drague interdite, mais pour s’amuser et danser.

     

    Les émeutes de Stonewall en 1969 à New York lancent le grand mouvement de libération gay, et l’année suivante voit la naissance des gay prides où les LGBT marchent par milliers, drapeaux à la main, pour l’égalité des droits.

    Dans les années 70, le clubbing gay voit émerger sa musique hédoniste et folle, la Disco, et pour la première fois, les clubs gay deviennent des lieux de mixité sociale, comme au Loft et au Paradise Garage, à New York.

     

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    Le Palace et le Studio 54 deviennent mythiques, autant pour le chaos de la queue à l’extérieur que pour la fête sans limite à l’intérieur. On y transpire beaucoup et les drogues n’y sont pas pour rien.

     

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    [arve url= »https://www.dailymotion.com/video/x7w914″ align= »center » title= »Les années Palace (Partie 2) » description= »Le Palace » maxwidth= »900″ /]

     

    La Disco s’affirme comme un genre musical majeur, Donna Summer en est la reine, mais le backclash survient avec la campagne « Disco Sucks », mouvement homophobe déguisé qui brûle par milliers les vinyles de Disco dans des stades géants.

    La Disco se réinvente alors avec la House de Frankie Knuckles, dans son temple, The Warehouse, boîte gay de Chicago d’abord fréquentée par les blacks et les latinos. C’est la période des hymnes utopistes comme le prophétique « Promised Land » de Joe Smooth.

     

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    A Londres, dans les années 80, pour échapper à l’hécatombe du sida, les gays se réfugient dans un clubbing de carnaval où le déguisement outrancier est de rigueur, avec les soirées « Taboo » puis « Kinki Gerlinky », et aujourd’hui « Sink The Pink ». Aux Etats-Unis, on mélange le déguisement et la danse, et ça donne le « Vogueing ». Les gays latinos et blacks de New York s’exhibent dans des chorégraphies hyper codées, spectaculaires, jambe en l’air, où la performance compte autant que les marques de respect du public. Oui, enfin, se faire respecter…

     

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    Dans les années 90, c’est l’explosion des super clubs gays commerciaux, le Queen sur les Champs-Elysées, le Heaven à Londres ou le Tunnel à New York. Des sanctuaires avec leurs rituels, comme quand le Dj Junior Vasquez braque le projecteur sur le meilleur danseur de la piste, lui conférant un statut de légende pour la communauté.

    Heureusement, il reste des poches underground à Berlin ou à Paris, avec les filles du « Pulp » de 1997 à 2007, dont l’énergie n’est toujours pas dissipée. Et puis il y a l’exubérance des « Circuit Parties » géantes, à Miami, Miconos, Barcelone et Ibiza, avec apologie aliénante des corps parfaits.

    Aujourd’hui, on se retrouve à la « Flash Cocotte », à la « Horse Meat Disco », au « Smart Bar » et au « Laboratory », ces bulles où on vient se sentir protégé, libre, exister sans discrimination, tout ce qui fait que le clubbing gay est… Sexy Demain !

     

     

     

  • Une réplique culte de « La Nuit du Chasseur » mise en scène par Typorama

     

     

    Chaque semaine, Arte nous distille avec délicatesse les scènes et les répliques parmi les plus cultes du cinéma, mises en dessin par Typorama.

     

    Typorama est un « objet visuel non identifié » qui anime les répliques cultes du cinéma. De « Blade Runner » à « Amadeus », en passant par « L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux » ou « La Nuit du Chasseur », les auteurs de Typorama mettent en image, à leur sauce, ces répliques qui ont sublimé le 7ème Art et rendent ainsi hommage à ces films qui ont marqué à jamais l’imaginaire collectif.

     

    [youtube id= »cP7xFGLYlqc » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Ah mon petit gars, tu regardes mes doigts ! Aimerais-tu que je te raconte l’histoire de la droite et de la gauche ? L’histoire du bien et du mal. Ca, c’est la haine. C’est avec cette main gauche que le frère Caïn tua Abel, qui était aimé de Dieu. Ca, c’est l’amour. Voyez ces doigts, cher coeur ? Ces doigts ont des veines qui les relient à l’âme humaine. L’amour, c’est cette main, c’est la main droite. Regardez, c’est là l’image de la vie. Ces doigts, cher coeur, sont toujours en lutte les uns contre les autres. Regardez-les ! »

     

    La réplique culte de « La Nuit du Chasseur », le seul et unique film de Charles Laughton, datant de 1955, mise en image dans Typorama, ça donne ça…

     

    [youtube id= »t3-sT0UUBEI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Avec Typorama, nos auteurs mettent en dessin les scènes et les répliques cultes du cinéma. A retrouver chaque semaine sur la chaîne YouTube ARTE Cinéma.

    Répliquée animée par : Angèle Chiodo

    Production exécutive : Darjeeling

    Abonnez-vous !

     

     

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    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Productions Numériques Typorama – Arte

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Arte Cinéma

     

     

     

  • Touche Française : Quand Arte décrypte la French Touch (Episodes 1 + 2)

     

     

    Touche Française : les principaux acteurs de la French Touch reviennent sur les secrets de cette musique, leurs influences et décryptent le phénomène.

     

    Arte vous propose une plongée visuelle et sonore au cœur d’un mouvement qui a su replacer la France sur la carte du divertissement international. Du pionnier Laurent Garnier aux influences métissées de Motorbass, des révolutionnaires Daft Punk aux électrons libres et pop Sebastien Tellier ou Air, en passant par l’electroclash de Vitalic, Touche Française revisite la French Touch, qui a fait danser et rêver la planète, à travers une playlist de douze morceaux emblématiques de la musique électronique française de 1995 à aujourd’hui.

    Une websérie documentaire de 12 x 6’ écrite par Jean-Francois Tatin, réalisée par Guillaume Fédou et Jean-Francois Tatin, et coproduite par Arte France et Silex Films.

     

    Episode 1/12 : « Black Chimie », les « Flying Fingers » de Motorbass

     

    Les ex-Motorbass Philippe Zdar et Etienne de Crécy reviennent sur la création de l’album « Pansoul » (1996), entre les synthés de leur coloc à Montmartre et les rencontres en studio, quand un certain Jimmy Jay, producteur de MC Solaar, a posé ses « Flying Fingers ». Considéré par beaucoup comme l’album fondateur de la French Touch, « Pansoul » est révélateur du son métissé de l’époque, un « Son » house influencé par le Hip-Hop et le Funk. C’est aussi le temps des raves mémorables qui ont contribué au succès de la Techno, où l’on danse encore ensemble et pas encore devant le DJ…

     

    [youtube id= »WLnyHjBz12g » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Episode 2/12 : « Techno Combat », le « Flashback » de Laurent Garnier

     

    Le pionnier de la « House » Laurent Garnier raconte comment « Flashback » a réussi à faire entrer la culture Techno sur la bande FM – jusqu’aux Victoires de la Musique ! – tout en respectant les quotas de chanson française imposés par le gouvernement, à une époque où la musique électronique a pour ennemie sa propre image, celle d’une musique de voleurs et de drogués. Un succès qui croit avec le développement des soirées comme les « Wake Up » qu’il organise alors au Rex Club à Paris.

     

    [youtube id= »Z-kA7s2zbKQ » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Touche Française » est à découvrir dans son intégralité sur Arte, et c’est ici !