Auteur/autrice : Patricia

  • Brigitte Kernel | Agatha Christie, Le Chapitre Disparu (Edition Flammarion, 2016)

     

     

    Aujourd’hui, je suis rentrée dans une capsule temporelle et je n’en suis sortie que quatre heures plus tard avec le mot fin.

     

    Agatha Christie vient de finir son autobiographie mais, entre les chapitres 5 et 6, il y a une histoire (vraie), celle de la disparition d’Agatha pendant dix jours, en 1926. Personne ne sait si elle morte, vivante, peut-être kidnappée et l’Angleterre entière vit suspendue aux nouvelles plus ou moins documentées des journaux. Elle est triste, sa mère vient de mourir et son mari veut divorcer pour épouser une danseuse. D’abord elle veut disparaître au sens propre, puis avec la complicité de sa meilleure amie, elle va disparaître au yeux des hommes. Elle va le faire en puisant dans toute son imagination d’auteur de romans policiers, en distillant des indices pour que son mari ne sache pas si elle est morte ou vivante, pour qu’il souffre. Elle se déguise, masque sa voix. Même le grand Hercule Poirot ne saurait la trouver, perdue dans l’hiver écossais. Elle fait la une des journaux, et elle si discrète d’habitude, voit sa vie privée étalée en première page, suivie de ragots plus loufoques les uns que les autres. Les hypothèses vont bon train : suicide, meurtre commandité par son mari, coup de pub de la romancière…

    15.000 personnes vont donc participer aux recherches, une prime est même annoncée ! Dans la chambre d’un hôtel thermal, elle va sombrer dans un premier temps, inconsolable, puis elle va rencontrer Joan et commence à remonter la pente, mais toujours dans la peur qu’on la reconnaisse, elle qui est immensément connue. L’inspiration revient, elle écrira en trois jours un roman sentimental, « Loin de vous ce printemps », sous le pseudo de Mary Wesmacott (afin de ne pas changer son image d’auteur de romans policiers). Elle va y déverser sa tristesse, sa colère contre Archie, son mari, à travers une histoire d’amour et d’aventure. La fugue n’aura duré que dix jours avant qu’elle ne soit reconnue par un musicien et que son mari ne la rejoigne.

    Brigitte Kernel s’est inspirée de ce que l’on sait de cette parenthèse méconnue de la vie de la romancière, et a imaginé pour nous le reste de l’histoire. Agatha Christie n’a jamais donné de détails sur ce qu’elle a réellement fait durant son étrange disparition.

    A dévorer d’urgence.

     

     

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  • Je voulais juste vivre | Yeonmi Park (Editions Kero 2016)

     

     

    J’ai pris une claque ! Une grosse claque, en lisant l’histoire de la vie de Yeonmi, nord-coréenne née en 1994, dans le nord du pays où l’électricité n’est disponible qu’occasionnellement et où les enfants font des heures de queue pour un peu d’eau. Un pays où toute la vie est gérée par le grand Kim Jung Il, qui choisit le conjoint, les études, le métier, et où la délation est reine. Un pays où la nuit est noire et le jour silencieux car il n’y a pas d’avion, peu d’usines et de voitures… Yeonmi nait en pleine période de famine, elle a une sœur, des parents aimants et mène sa vie de petite fille dans la crainte d’avoir de mauvaises pensées que Kim Jung Il pourrait, à coup sûr, lire en elle.

    La fuite de la sœur de Yeonmi en Chine précipite la sienne ainsi que celle de sa mère en 2007, la traversée de la rivière séparant la Corée de la Chine, et soudain le début des drames, le piège du trafic d’êtres humains, les mariages forcés avec des chinois âgés ou handicapés en panne d’épouse chinoise. Suivent les années en Chine entre petits bonheurs et gros drames, la vie de clandestins sans papiers. Puis les Jeux Olympiques arrivant, et le besoin de donner une meilleure image, les contrôles de plus en plus fréquents, la clandestinité et la peur permanente d’être renvoyée en Corée du nord. Yeonmi a 14 ans et elle a déjà vécu plus de choses affreuses que la plupart des gens dans une vie entière. Puis, enfin une main tendue, celle de missionnaires chrétiens de Qingdao, qui vont initier Yeonmi et sa mère a un nouveau dieu. Pour les deux femmes, louer Kim Jong Il ou un autre ne fait pas de grande différence, et Yeonmi se met à croire.

    Là, la fuite vers la Corée du Sud s’organise. Il faudra traverser le désert de Gobi de nuit, en plein hiver, par moins 30°, jusqu’à la frontière de la Mongolie. Une épreuve de plus. Un nouveau camp de rassemblement. Les interrogatoires du personnel de l’ambassade de Seoul qui espère faire le tri entre les transfuges et les espions, et enfin la Corée du sud, mais pas la liberté. Comment peut-on lâcher, dans la nature des gens qui n’ont aucune connaissance du monde moderne, les distributeurs de billets, les centres commerciaux… Quand un « formateur » lui demande quelle est sa couleur préférée, elle répond : « que faut-il répondre ? ». Durant cette période, le plus grand défi de Yeonmi fut d’apprendre à penser par elle-même… Cela peut paraître tellement incroyable ! Après une période d’intégration difficile, Yeomi s’est lancée à corps perdu dans les études, s’est fait sa place dans le monde moderne, donne des conférences sur son pays, son expérience, et est désormais sous surveillance permanente des services de renseignements nord coréens.

    Un témoignage rare, captivant et édifiant à dévorer d’urgence.

     

     

     

     

     

  • Guillaume Musso | La Fille de Brooklyn (Avril 2016)

     

     

    Une idée de lecture ? La Fille de Brooklyn de Guillaume Musso (Avril 2016)

     

    Que dire à part… Chapeau Monsieur Musso pour « La Fille de Brooklyn » ! Un suspense, avec des chutes qui n’en sont pas vraiment, jusqu’à celles que l’on n’attend pas. Je commencerai avec l’idée reprise dans toutes les critiques : est-on prêt à pardonner n’importe quoi à l’être aimé ? Vous êtes sûrs ? Alors partons sur les traces d’Anna qui vient de disparaître, suivons Raphaël, son fiancé et Marc, son ami, ancien flic de la BRB rompu à toutes les vieilles ficelles du métier, sur les traces de petits cailloux semés il y a bien longtemps par une jeune fille apeurée. On frôle même avec un frisson dans le dos le suspense glaçant des histoires de Jean-Christophe Grangé, grand ami de Musso par ailleurs.

    L’histoire rebondit vers une piste inédite et nous partons à New York pour la deuxième partie du livre, l’une des villes fétiches de l’auteur. Autre univers, le passé se mêle à un présent très « actuel », en pleine campagne présidentielle. Nous allons découvrir qui est réellement Anna, la fille de Brooklyn qui en fait ne l’était pas, qui est sa famille, et pourquoi un vieux secret de vingt ans a pu mettre en faillite le bonheur de Raphaël et Anna. On rebondit de non-dits en fausses vérités, d’histoires cachées en meurtres, jusqu’à la dernière chute, la plus inattendue. Plus noir qu’à l’habitude, mais avec toutes les ficelles qui nous tiennent en haleine, un final digne des grands maîtres du suspense, et des personnages complexes, de l’amour, de l’amitié, le tout dans le cadre d’une histoire solide.

    A dévorer d’urgence…

     

     

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  • Sarah Lark | Le Pays du Nuage Blanc

     

     

    Une idée de lecture ? Le Pays du Nuage Blanc (Tome 1), Le Chant des Esprits (Tome 2), Le Cri de la Terre (Tome 3) de Sarah Lark

     

    Cette grande fresque, entre « Les oiseaux se cachent pour mourir » pour la saga familiale et « La leçon de piano » pour le cadre, nous entraîne durant presque une centaine d’années sur les traces de deux familles. La Nouvelle Zélande du temps des pionniers, quand tout est à construire, nous explose à la figure avec des airs de Far West. Mais revenons en Angleterre, en 1852, là où tout a commencé.

    Gwyneira, jeune aristocrate fougueuse à l’esprit trop libre pour l’époque, n’imaginant pas faire face aux contraintes d’une vie d’épouse anglaise rangée, accepte face aux difficultés financières de son père de suivre un homme charismatique, propriétaire d’un grand élevage de moutons, et père d’un jeune homme plutôt difficile à marier, dont elle va bientôt devenir la femme. De son coté, Helen, jeune préceptrice, répond à la petite annonce d’un homme soit-disant nanti vivant en Nouvelle Zélande, à la recherche d’une (bonne) épouse anglaise.

    Pour financer la traversée, elle accepte d’accompagner de jeunes orphelines jusqu’à Christchurch. Helen va rencontrer Gwyneira sur le navire, au cours des trois longs mois de traversée, et l’amitié qui va se nouer liera la destinée de leurs familles sur des générations. Dès l’instant où les jeunes femmes vont apercevoir ce grand nuage blanc accroché à la montagne de cette île lointaine, un nouveau personnage à part entière apparaît lui aussi : La Nouvelle Zélande.

    Dans ce pays, la vie va s’avérer difficile pour l’une et pour l’autre, pour des raisons différentes. L’auteur décrit si bien les couleurs, les lumières et son peuple maori, que l’on se retrouve pris entre réalité et magie des esprits, entre immenses territoires et huis clos. Les deux femmes vont devoir affronter les hommes, pionniers ou maoris, mais aussi la terre elle-même. On découvre la vie d’Helen mariée à un homme pauvre et violent, qui en dépit de tout trouvera sa paix intérieure dans l’éducation d’enfants maoris, et celle de Gwyneira mariée à un homosexuel, qui devra quant à elle, affronter la violence de son beau père, perdue dans un immense domaine.

    Nous partons au fil de paysages majestueux à la découverte de la faune et la flore endémique, de traditions maories méconnues, du rôle des guérisseurs aux plantes miraculeuses, comme une sorte de documentaire, un instantané de la vie au début du 20ème siècle, de l’autre côté de la terre. Entre tradition et modernisme, les villes grandissent, les moyens de transport raccourcissent les distances, et les familles s’agrandissent entre bonheurs et drames.

    Le fil rouge du deuxième tome, le chant des esprits, nous raconte la vie de Kura, jeune métisse et petite fille de Gwineyra, et une fois encore le destin des deux familles d’Helen et Gwyneira va s’entremêler. Nous allons voyager cette fois dans tout le pays, sur les pas de Kura, et la difficulté d’être métisse tiraillée entre deux cultures.

    Dans le troisième tome, le cri de la terre, nous accompagnerons cette fois Gloria, l’arrière petite-fille de Gwineyra libre et sauvage, de Londres à San Francisco, pour le pire et le meilleur. Je ne vous en dévoile pas plus, à vous de découvrir des personnages complexes, au fil d’une très belle histoire.

    A dévorer…

     

     

     

  • Une idée de spectacle ? Novecento…

     

     

    Une idée de spectacle ? Novecento, avec André Dussollier et quatre musiciens talentueux. Tiré du texte d’Alessandro Baricco, publié en 1994.

     

    D’abord l’histoire : un bébé est abandonné sur un transatlantique, de ceux qui à cette époque déversent des flots d’immigrants venus de partout faire fortune en Amérique. Comme il est dit dans le spectacle, le premier qui voit l’Amérique, il a ça dans les yeux depuis tout petit, et il sera le premier à crier, en voyant la Statue de la Liberté : «  America ! ». Revenons à notre bébé, baptisé du nom de l’année en cours, Novecento. Découvert par un mécanicien sur le piano de la salle de bal des premières classes, il va grandir caché dans les cales, élevé par le personnel du bord, sans descendre à terre puisqu’il n’a jamais été déclaré et donc n’a pas de papiers. Puis, vers huit ans, un soir de traversée, il s’assoit derrière le clavier d’un piano, et une assistance médusée découvre un génie de la musique, passant du ragtime au blues ou au jazz, au gré de son humeur, ou de ce que les personnes, le temps ou la mer, lui inspire.

    Cette histoire, c’est un ancien trompettiste de l’orchestre de bord, joué par André Dussollier, qui nous la raconte. Au moment où le Virginian va être démantelé, il nous raconte les cinq ans qu’il y a passé à bord au côté de Novecento, qui n’a jamais finalement mis un pied à terre de toute sa vie. Des salles de bal où il joue pour la clientèle huppée de la première classe à la salle commune de la troisième classe où il termine la nuit au son des tarentelles, on découvre un pianiste émouvant, innocent dans le bon sens du terme, comme s’il avait été préservé des perversités de la terre ferme.

    André Dussollier nous raconte donc cette histoire, parfois sur un rythme effréné, tout en faisant des pas de danse ou de claquettes, dans une forme olympique ! Un spectacle vivant, à la musique parfaite, à ne pas manquer. Pour ceux qui ne pourraient pas voir le spectacle, un film est sorti en 1998, avec Tim Roth dans le rôle de 1900, « La légende du pianiste sur l’océan », sur une bande son d’Ennio Morricone, non moins talentueuse.

    La tournée en province se termine, le spectacle reprendra à Paris en fin d’année.

     

     

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  • Une idée de lecture ? L’horizon à l’envers de Marc Levy (Mars 2016)

     

     

    Fan de la première heure, je guette avidement LA sortie annuelle de Marc Levy. Cependant, sans dire que les deux derniers livres étaient « Bof », il m’a fallu du temps pour rentrer dans l’histoire… Là, avec « L’horizon à l’envers », dès le début, on fonce avec les trois protagonistes, Hope, Josh et Luke, trio d’étudiants surdoués en neurosciences, pas boutonneux à lunettes pour deux sous, plutôt le genre à fumer des cigarettes illicites sur la pelouse du campus. Dès les premières pages, on comprend que cela va mal finir pour Hope, on nous le dit, c’est là… Puis le flash-back commence, et on repart au moment de la rencontre du trio un peu à la « Jules et Jim », afin de comprendre pourquoi cette pauvre Hope en est arrivée là.

    Les deux garçons, en collaboration avec un labo ultra secret dont on peut douter des intentions humanistes, travaillent sur la cartographie d’un cerveau. Pour être plus clair, comment cloner un cerveau humain dans un ordinateur, un peu comme l’une de ces applis qui transfèrent d’un smartphone à un autre les contacts, mais aussi toutes les photos, les fichiers cachés et même l’historique de connexions sur des sites pourris. On parle de cartographie complète, y compris les souvenirs d’enfance qu’on a complètement oubliés ! Ils vont réussir, et je ne vais pas vous gâcher le plaisir de découvrir la suite.

    Le temps de faire quelques balades sur les plages du Massachusetts en hiver, en petites touches revigorantes, qui donnent envie de continuer la lecture devant la cheminée dans un gros pull en laine bien chaud, avec un thé bien chaud et un chat sur les genoux (vous avez l’image ?) ; et les nouvelles s’amoncellent, bonnes ou mauvaises. On est avec eux, on a envie de leur dire : ne lâchez pas ! Le final est inattendu, une chute comme on les aime dans les livres de cet auteur, avec un soupçon d’amour, une petite larme et une pincée de magie. On se laisse prendre, on se laisse porter… Et dire qu’il va falloir attendre un an pour le prochain… Bonne lecture.