Étiquette : Hubert Touzot

  • Hubert Touzot : « La Pudeur » (Episode 1)

     

     

    INTRODUCTION

     

    La photo du communiant

    Pendant des années, il y a eu ce portrait au format 60×90 accroché au mur de la chambre de mes parents, juste en face de leur lit.

    Question : que se passait-il dans leurs têtes à chaque fois qu’ils se couchaient et qu’ils se retrouvaient nez à nez avec cette vision improbable ?

    J’étais leur deuxième fils, le cadet, et j’étais là, jour et nuit, sur la tapisserie, arborant une aube blanche, un visage joufflu et circonspect, avec cette expression étrange, ce petit rictus à la Mona-Lisa.

    Mes doigts boudinés se cramponnaient à un missel que je ne lirai jamais. Un énorme crucifix en bois pendait à mon cou. Je me voyais imposer une coupe de cheveux que seules les mères peuvent approuver, ainsi qu’une paire de lunettes hideuses qui pourrait pourtant être aujourd’hui hyper tendance. Derrière moi, en fond, il y avait un ciel nuageux peint à la façon des Dix Commandements.

    Et c’est dans cette vision alliant l’univers de Pierre et Gilles à celui de David Lynch, figé à jamais par l’embarras et le malaise de l’enfant que j’étais, qu’allait alors se développer, se déployer, pour devenir protéiforme, une chose…

    Tout un corps pourtant respectueux et dédié à sa môman, qui elle ne voyait ici que le fruit de ses entrailles, certes, mais béni au Nesquik…

    La célébration sacrificielle du gros enfant, tel qu’il devait être et en espérant qu’il en serait toujours ainsi.

    Amen…

     

     

    PARTIE I

     « Niort, Niort… Niort, deux minutes d’arrêt, Niort ! »

     

     

    CHAPITRE I

     

    Des espérances

    Je m’imagine souvent sous un chêne gigantesque, sûrement cinq fois centenaire, symbolisant sagesse et opiniâtreté. Un décor rural, chatoyant, vrai, qui baigne dans une superbe lumière de coucher de soleil. Et moi, je suis debout, élancé et fort comme le cerf, fier comme Artaban, une main sur la hanche, l’autre en visière sur le front, contemplant un truc là-bas, au loin, je ne sais pas quoi mais qu’importe. Je le scrute en tout cas de manière concernée. Les yeux légèrement plissés, mon allure générale est altière, hiératique, probablement liée à ces bottes cavalières qui me donnent cet élégant maintien… Sous cet arbre qui me protège comme un père, une mère, un pape, j’exprime à moi seul le courage, la témérité, l’audace et un charme suranné mais cependant non feint.

    … Peut-être que je peux rajouter à ce moment précis une avancée de caméra en contre-plongée. Ça devrait rendre l’ensemble pas mal. Il y a aussi une musique qui monte, le thème de Max Steiner…

    Tout à coup, j’aperçois dans le ciel un nuage énorme et à la forme étrange. Qu’est-ce que c’est ? On dirait comme un, une… Mais… Mais c’est une bite ?!

    En fait non, je ne suis pas Rhett Butler. Je serais davantage Scarlett O’Hara, cette petite pimbêche qui se croit insubmersible, belle et irrésistible. Une petite capricieuse impertinente. Je pense en fait que nous sommes toutes et tous surtout ce genre de petite connasse.

    … Et la vie va d’une manière ou d’une autre, quand il le faudra, nous remettre les pendules à l’heure et s’il le faut, avec l’aiguille de la comtoise chauffée à blanc puis posée sur nos chairs tendres.

     

     

    CHAPITRE II

     

    La bonne aventure

    Je consacre beaucoup de mon temps à me répandre dans les sciences divinatoires. Tous ces signes qui vont peut-être m’aider, me guider en me prenant par la main.

    … Bon, en tout cas, j’ai toujours accordé énormément d’importance à la numérologie… Oui, une foi aveugle. Bien-sûr, je porte également beaucoup de crédit à l’astrologie, même si les signes chinois ne me laissent pas totalement indifférent. Quant aux calendriers aztèque ou Inca, j’avoue m’être déjà penché sur la question avec pertinence. Nous n’oublierons évidemment pas, dans ce précieux inventaire, les Runes, les osselets Mayas, le tarot de Marseille, les lois karmiques et les lignes de la main. Seront consultés également, mais dans une moindre mesure, les oracles, les énergies concentriques, le marc de café…

    Je ne citerai pas toutes ces femmes, comme Tanya, Katia, Muriella ou Gabriella, qui me font sans arrêt part et j’en suis sûr, dans un réel souci d’altruisme et de désintérêt, de toutes leurs visions me concernant. Toutes ces femmes donc, sortes de sosies de Julie Pietri période « Eve, lève-toi », qui jonglent avec les astres et le cosmos tout entier. Elles me bombardent de mails, de SMS pour m’alerter que bientôt, là, tout de suite, quelque chose d’incroyable va venir tout remettre en cause dans mon existence… Et donc que je dois réagir MAINTENANT… Action – réaction !… Mais avant tout, appeler au 08 quelque chose à 10 euros la seconde ou bien déposer une offrande par carte bancaire dans l’un de leurs nombreux sanctuaires qui ont tous la forme d’un site internet.

    Je veux un miracle, que ma vie change du tout au tout sans que je ne bouge un orteil, sans que je ne sorte de chez moi et que je ne me lève le cul… Alors pour cela, je dois sortir ma carte de crédit ! C’est en tout cas la condition souhaitée par toutes ces fées clochettes, afin qu’elles puissent mettre tout en œuvre pour que des éléments célestes, des puissances sacrées ou tout bonnement des forces extra-terrestres qui, après concertation, daignent peut-être réagir en ma faveur en m’accordant le bénéfice du doute.

    … Vous ai-je déjà parlé de toutes ces méthodes que l’on trouve sous forme de livres, signés par des mages, des universitaires, des psychologues, des sages un peu Indous, un peu orientaux, et que l’on présente toujours en commençant par dire « Docteur » suivi d’un nom à forte émanation spirituelle. Tous ces philanthropes arborant vestes en tweed et cols roulés, dont les multiples ouvrages remplissent des rayons entiers dans les libraires Hachette, les gares, les aéroports ou les stations-services. Ils tiennent tous à peu près le même discours sur l’espèce humaine.

    Cette formidable création de la nature, remplie d’amour et de lumière, qui doit toujours essayer d’être en harmonie avec l’infini. Ces concepts sur l’intention, des forces qui nous entourent et que l’on ne contrôle pas, mais que l’on peut en fait parfois contrôler quand même. Cela va dépendre du moment où on peut le faire ou pas, mais il faut lire le livre avant… Enfin, l’acheter. Positiver, sourire à la vie pour enfin devenir irrésistible, sans tâche et accessoirement millionnaire.

    Jusqu’à présent, j’ai toujours fait intégralement confiance à toutes ces formes de pronostics, ces baromètres nominatifs qui ne s’adressent rien qu’à vous, à vous seul, en vous regardant droit dans les yeux tout en prononçant votre prénom et en vous disant que vous êtes quelqu’un de formidable, de spécial aussi. Oui… de rare… mince, je…

    Avec toutes ces possibilités, si la vie n’est pas un triomphe, une suite ininterrompue de totales réussites… ?!

    On se sent gonflé à bloc. Une montgolfière prête à l’envol.

    … Mais cette possibilité de s’élever pour aller toucher les nuages est de courte durée. Cette impression d’euphorie, ce sentiment d’invulnérabilité qui rappelle les effets de la cocaïne, s’estompe rapidement et la joie se change en blues, un cafard visqueux et froid. Une main géante tenant une aiguille vient de percer la toile de mon embarcation volante.

    « Allez ! », nous dit la voix de la petite connasse, « on se réveille, on ouvre bien les yeux en grand et on respire un grand coup ! »

    Et c’est toujours la petite connasse qui a raison, finalement.

    La tragédie de la vie, c’est de rire de l’autre quand on s’aperçoit trop tard que cet autre n’était que notre propre reflet.

    Si vous avez suffisamment d’humour, vous prendrez alors tout pour une farce.

    Si vous n’en avez pas, vous deviendrez pontifiant et grotesque.

    Dans les deux cas, nous sommes de toute façon cernés.

     

    « Les héros forgent des épopées.

    Nous, nous ciselons des anecdotes. »

     

     

     

  • Le 11 Mai by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : Le 11 Mai.

     

    … Alors qu’hier après-midi, il faisait beau et chaud, je profitais de mon heure allouée pour promener mon chien. Ah non, je n’ai pas de chien, c’est vrai… Bon, reprenons. Je profitais de mon heure allouée pour faire un peu de footing… bah non, non plus, j’ai horreur de courir boudiné dans un pantalon de jogging et encore moins de devoir arborer cette tête hyper concernée par l’entretien de mon corps et de ses fonctions vitales. J’allais travailler, peut-être… Que nenni.

    Bon, je reprends… Alors que muni de mon attestation remplie, signée, certifiée sur l’honneur, croix d’bois, croix d’fer, si j’mens j’mange des vers de terre, je profitais de cette heure consentie pour faire un plein de courses et remplir à ras bord mon caddie de produits de première nécessité et de survie (principalement 16 paquets de papier essuyage de fesses triple épaisseur et parfumé au jojoba, 20 kilos de pâtes Barillazani et riz Oncle Benjamin, une palette de Choco BN, environ trois tonnes de yaourts en tous genres et fromage blanc au lait de cactus), tout cela en respectant un mètre de distance avec mes congénères dans la file d’attente, ainsi que partout dans les rayons, malgré le masque ffp3, les gants, la combinaison étanche, les lunettes et un comportement encore plus hostile et agressif envers mon prochain qu’en temps normal.

    Car oui, je vis à Paris et le Parisien a l’impression qu’est enfin arrivé le Jour J tant attendu où il peut montrer toute l’étendue de son talent, à savoir être une sacré tête de c*bip*n, mais en pire encore… Avant toute cette histoire de grippette qui aurait rencontré Hulk, ça n’était qu’une répétition, un entrainement, en perspective de ce fameux grand jour où il pourra enfin être un super gros co*bip*ard égoïste et l’assumer pleinement, eu égard aux circonstances. Quel bonheur !

    Mais ça n’était pas ça non plus, car j’avais déjà fait des courses la veille… Mon frigo et mes placards étaient pleins à craquer et je pouvais tenir ainsi aussi longtemps que tous les sièges d’Arras mis bout-à-bout. Bon alors, c’était quoi, au juste, la raison impérieuse qui pouvait justifier cette sortie ? Non rien, juste une petite ballade… Une simple marche tranquille sur les trottoirs de mon quartier, afin de respirer à pleins poumons un air moins chargé en particules fines et en gaz carbonique, entendre davantage les oiseaux qui chantent le printemps, sentir le soleil sur ma peau.

    Tout cela évidemment en prenant soin de m’écarter dès que je voyais un autre quidam comme moi arriver en face, tout en feignant de l’ignorer ; il l’a ? Il l’a pas ? Je ne sais pas pourquoi mais… mais je suis sûr qu’il l’a ! Je le sens ! Mais moi, d’ailleurs, l’ai-je ? Je ne sais pas, je n’ai pas encore été testé. Le serai-je un jour ? Et merde… Mais alors, comment va-t-on savoir ? Il n’en reste pas moins que tous ces potentiels contaminés, je ne pouvais m’empêcher de les regarder de manière suspicieuse, ces quelques rares passants qui me frôlaient pourtant… de bien deux mètres, m’sieur le commissaire ! Car j’étais même à deux doigts d’aller les dénoncer aux forces de l’ordre, pour qu’ils se prennent une prune à 135 euros dans leur face, tous ces fils de p*bip*e. Je suis sûr qu’ils trichent, comme moi. Salauds de confinés !

    Mais c’est alors que je me voyais soudain submergé par une vague de panique, de doute, de que sais-je encore, et me voilà rebroussant chemin, gravissant les marches quatre à quatre pour remonter chez moi, dans mon nid d’aigle ; le seul lieu sûr que je connaisse, finalement, cet idéal, ce bunker où je suis peut-être en train de vivre les derniers jours du monde. Haletant, je claque la porte et je m’enferme à double tour. J’ouvre mes placards et mon frigo, certes pour me rassurer, mais aussi pour évaluer combien de temps je peux tenir avant de devoir ressortir, slalomer entre les dangers potentiels, tandis que dehors, le Covid-19 choisit arbitrairement ses prochaines victimes (toi j’t’aime, toi j’t’aime pas, toi j’t’aime, non en fait, j’t’aime pas… allez, tiens, toi, toi, toi pis toi ! euh… moi ?)

    Pour faire un point précis sur ma situation, je me mets à compter très précisément le nombre d’objets dont je dispose dans mon bunker, dans le but d’évaluer au mieux la durée potentielle de mon autarcie culturelle… Avec mes milliers de DVD, auxquels on peut ajouter les fichiers de films qui attendent sagement sur mes nombreux disques durs externes ainsi que la flopée de séries en réserve (tiens, je pourrais me faire « L’Homme de Picardie » ?!), je calcule rapidement que je devrais pouvoir encore tenir comme ça jusqu’en 2029… Cette dernière pensée me rassure quelques instants, avant de muter insidieusement en vision cauchemardesque (à moins que ça ne soient les histoires d’écluses et Christian Barbier qui me foutent les boules, je ne sais pas…)

    Le confinement, confiner, confit… Cuisse de canard ?? Café, décaféiné, déconfinement… Je déconfine, tu déconfines, nous déconfinons, ils déconfinaient… Que je déconfinasse ? Un temps certain s’écoule avant que je parvienne à me calmer. je ferme les yeux et je relativise. Je me dis qu’il y a pire comme situation que la mienne, qui partage pour l’occasion ma quarantaine avec mon chat. Je pense à « celles et ceux » qui sont obligés de tenir le coup avec des personnes qu’ils ne supportaient déjà plus avant, mais qu’ils ne voyaient finalement que très peu dans une journée. Tous ces couples qui ne peuvent plus se blairer. Ces parents qui meurent d’envie de défenestrer leur progéniture… Oui, tous ces êtres mis pour la première fois dans un contexte inédit, seuls face à leurs pires travers, leurs plus grosses angoisses : les autres. Comme si d’un coup, toutes les pendules du monde se remettaient à l’heure et que les karmas sonnaient la fin de la récré…

    Heureusement, pour se rassurer et savoir où on en est, se succèdent sur les chaines d’information en continue, les mêmes spécialistes, les mêmes médecins, qui toutes les heures, et ça depuis le début de « ce petit pépin inopportun », viennent nous expliquer avec le plus grand des sérieux que tout est « blanc ». Le lendemain, les mêmes nous affirment désormais que c’est le « noir » qui prévaut. C’est alors que des fans du professeur Raoult, l’ayant confondu depuis le début avec Jeff Bridges période « Big Lebowski », viennent nous asséner  que ça n’est ni « blanc » ni « noir » mais plutôt « gris ».

    Là-dessus, v’la t’y pas que la porte-parole de notre cher gouvernement, Sibeth Ndiaye, pour ne pas la nommer, s’en mêle également ; une péronnelle utilisée comme pare-feu, qui vient nous gratifier de sa science infuse et de ses moues arrogantes, nous autres, sombres petites merdes fumantes, à qui on doit vraiment tout expliquer. D’ailleurs, à ce sujet, je me pose une question (en ces temps incertains, il nous vient à l’esprit de drôles de petits défis que l’on se lance à nous-mêmes…) : est-ce que je préférerais attraper le coronavirus (thiz iz ze rizzem of ze night, oh yeah !!) ou bien passer une seule journée dans le corps et l’esprit de la porte-parole de l’état (que ne nous envie pas le Sénégal, soit dit en passant…) ? Challenge intéressant, non ?

    Mais il nous reste un espoir ! Regardez dans le ciel ! It’s a bird ?!  No ! It’s a plane ?! No ! Superman ?! non plus, mieux ! It’s Emmanuel Macron (prononcez Immanouel Macwon) ! On se régale d’ailleurs de chacune de ses (loooongues…) interventions à base de prompteur et de mine contrite. On s’abreuve de ses mots qu’il aime tant prononcer en suivant à la lettre chaque phrase qui défile devant ses yeux vides, pour nous rassurer, nous cajoler. On se souvient du désormais célèbre « nous sommes en guerre », c’est la merde, c’est la chiasse, c’est pas d’bol, c’est pas moi c’est lui…

    Mais… Mais pourtant, tout est sous contrôle, Emmanuel a tout prévu ou presque, car à défaut de masques qui seraient tous partis sur la lune en 1969 avec les gars de la mission Apollo 11, de tests et d’idées, il nous dit que tout est néanmoins verrouillé et que même pas le petit Poucet ne sera laissé de côté, dans cette bataille qu’il livre seul contre l’ignoble virus ! Pardon ? Ah oui, avec bien-sûr aussi le personnel de santé qui file quand même un petit coup de main. Tous ces soldats apparemment prêts à mourir pour le général en chef Immanouel Macwon.

    Après le « nous sommes en guerre » scandé façon général Patton, avec en décor de fond un hôpital militaire sur le front de l’Est, le slogan super trendy est désormais « Le 11 mai »… Le 11 mai ! Le 11 mai… Le onzmèèè… Ça claque, ça pulse, ça déménage ! Je 11 mai, tu 11 mai, vous 11 mai… Que je 11 mai, 11 masse ?… 11 mai, le film (par les producteurs de « Youppie, tagada, tsoin tsoin !! »). 11 mai, The new Emmanuel Macron’s fragrance (prononcez fwaguince)… « 11 mai for her and him, Paris ». Le 11 mai, a new world, a new dimencheun (grosse voix de bande annonce de film américain)… Le 11, mais…

    … Oui bon, Emmanuel Macron, on l’aura compris, n’est définitivement pas Jupiter mais juste la lune, cet astre mort qui gravite autour de la terre (comme la France autour du monde). Cette lune qui nous fait entrevoir sa face pleine de cratères, sans atmosphère, mais autour de laquelle tous ces obscurs intermédiaires, experts, ministres et communicants (Pintard, Michonnet, Paimboeuf et Poulardin) lévitent en apesanteur. Allez, le 11 mai, fini le confinement, mais au-dessus de nos têtes, toujours et encore ces finement cons… Comme la lune ?

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

  • Madonna Vs Mylène

     

     

    Madonna affiche une carrière tellement dense qu’elle aurait pu s’arrêter en pleine gloire, il y a déjà plus d’une quinzaine d’années. Finir en beauté à 45 ans avec son chef d’œuvre, « American Life », et laisser derrière elle une pléthore de tubes, une armée d’amants, un monceau de pouvoir et d’argent. Tout ce qui représente une certaine idée du glamour, pour une femme érigée en idole absolue. Forte, obstinée, talentueuse, perfectionniste et de surcroît… bitch.

     

    Attention, à partir de maintenant, j’avance en terrain miné, avec le risque de me prendre une bonne fatwa de la part de la communauté LGBT… Allez, je me lance… Madonna ne s’est jamais embarrassée d’un quelconque amour propre quant à son originalité intrinsèque et sa capacité à créer du neuf. Elle n’a fait que surfer, certes plus qu’adroitement, sur ce qui flottait dans l’air du temps, voire même d’aller récupérer des concepts underground oubliés, de les remettre au goût du jour et finir par les transformer en hype universelle, comme le « Voguing », cette danse communautaire très codée, inventée dans les « Houses » au tout début des années 80 à New York.

     

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    Neuf ans plus tard, avec des danseurs émérites et le soutien indéfectible de Jean Paul Gaultier, à l’époque lui aussi au top, Madonna impose à la terre entière, sans forcer sa nature, cette façon de danser qui fédérera presque toute la communauté gay au sein de son club d’admirateurs et lui permettra accessoirement d’écouler des millions d’albums. En 1991, le documentaire « In Bed With Madonna » parachève l’oeuvre de grand ratissage, pour séduire toujours plus de gays à travers le monde.

     

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    Madonna poursuit dans cette même direction avec ses albums suivants et pousse les curseurs encore plus à fond, en exploitant à merveille l’imagerie homo tout en usant et abusant de références pointues, entre bondage et SM soft, en passant par les accessoires, la nudité, la gestuelle et les gros mots en concert, dans le seul but de séduire et flatter ce goût pour l’impertinence et l’interdit que tous les gays de la planète cultivent. La vulgarité, comme une délicieuse crème glacée, avec pleins de trucs croustillants dessus…

    Si Madonna est une artiste douée d’un talent certain, elle est de surcroît une femme d’affaires redoutable, dont le seul défaut est probablement de penser qu’elle a encore vingt ans, toujours autant irrésistible, dangereusement exclusive et sulfureuse. Et il n’y aura personne dans son entourage proche pour oser lui signifier qu’à un moment donné, pourtant… Car le temps fait son ouvrage et Madonna, avec ses 60 ans au compteur, s’est transformée ces dernières années en Mado, tenancière de maison close…

     

     

     

    Botoxée, figée, plastifiée, sous blister, la Madone continue aujourd’hui d’exhiber outrageusement son fessier et de se trémousser dans le cadre de prestations scéniques toujours plus embarrassantes. Et cela fait déjà plusieurs albums qu’elle tente de surfer sur les succès de ses rivales, mais le constat n’en est que plus pathétique… Ce qui hier paraissait cool et branché est devenu aujourd’hui peau tendue artificiellement et chagrin.

    Celle qui donna pourtant la vocation à Lady Gaga, Britney Spears, Miley Cyrus, Rihanna, Ariana Grande, en est réduite à tenter de se mesurer à cette armée de poupées luisantes, hyper sexuées et toujours plus jeunes. Et même si Madonna revient aujourd’hui avec un album et une tournée plus intimiste, il y a belle lurette que ses producteurs, musiciens et songwriters ne lui ont pas offert un tube en or massif, du niveau de « Vogue », « Justify My Love », « Frozen » ou encore « Open Your Heart », pour ne citer que ceux-là…

     

     

     

    Mylène Farmer, de son côté, est une exclusivité bien française et accessoirement, elle aussi, l’égérie de nos gays hexagonaux, que l’on retrouve plutôt dans des secteurs socio-professionnels tels que coiffure, coloriste et tout ce qui se rattache plus généralement au monde du maquillage. Mylène Farmer serait en quelque sorte la Madonna du pauvre, comme une cousine de province montée à Paris… Biiim ! Deuxième fatwa sur ma tronche !

    Même si ses chansons fleurent bien la mélancolie surannée, qui pourrait être liée à une adolescence entière passée en chambre de bonne à Cholet, avec toilettes sur le palier, lors de ses concerts, on a la nette impression que Mylène a toujours un peu louché sur ce que Madonna présentait, et il faut bien le reconnaître, avec nettement plus de hauteur et de professionnalisme au crédit de l’Américaine.

    Et malgré une armée de danseurs et une profusion d’effets pyrotechniques sur scène, avec costumes et câbles de remorquage en acier tressé pour léviter dans les airs, les chansons proposées par notre Mylène nationale semblent toujours sorties d’un autre âge, mal arrangées, assorties de beats incertains et de vagues mélodies technoïdes qui sonnent comme ce que l’on peut entendre sur les attractions de fêtes foraines.

    Mylène Farmer ou la Sabine Paturel en version « Darkly »…

     

     

     

  • The Body Snatchers, un cauchemar au cinéma qui dure depuis 60 ans

     

     

    Cela fait plus d’un demi-siècle que « The Body Snatchers » hantent les salles de cinéma, avec au total quatre films qui collent chacun à leur époque respective. De par le sujet commun et ce qu’il véhicule, chacun des producteurs ayant réalisé un des opus a pu y évoquer ses propres frayeurs et obsessions. C’est aussi pour cela que la richesse thématique de l’œuvre originelle reste inépuisable et fournira probablement encore dans vingt ans de nouvelles idées et d’autres angles à explorer, pour ceux qui voudront s’y frotter.

     

    « The Body Snatchers » est d’abord un roman écrit par Jack Finney et paru en 1955, en pleine purge anti-communiste aussi dénommée « Peur Rouge », initiée par le tristement célèbre sénateur américain Joseph McCarthy. En France, le livre sort bien plus tard, en 1977, sous le titre de « Graines d’épouvante », mais trouve finalement son titre définitif lorsqu’il est réédité en 1994 aux Editions Denoël : « L’Invasion des Profanateurs ».

    « The Body Snatchers » nous raconte donc l’histoire d’une invasion extra-terrestre dans une petite ville américaine. Alors que nous sommes en pleine mode de ces récits de Science-Fiction, où les attaques contre notre planète se font à grande échelle, avec soucoupes volantes et diverses créatures à l’aspect repoussant, l’auteur préfère traiter ici  cette aventure de façon plus intimiste, en mettant en avant surtout la paranoïa ambiante et en la plaçant au cœur de l’intrigue. En substance, un protagoniste, seul contre tous, remonte petit à petit le fil qui le conduira à une révélation finale radicale, mais il sera déjà trop tard…

    Ici, point de vaisseaux spatiaux ni d’humanoïdes verdâtres dégoulinants… La menace d’outre-espace prend plutôt l’aspect de petites graines inoffensives, puis de cosses déposées sous votre lit. Lorsque vous êtes endormis, des sortes de racines, ou de veines, se connectent à votre corps. Un doppelgänger va être ainsi créé et vous remplacer. Ce que vous étiez sera ensuite réduit en poussière, avant que votre double ne s’en débarrasse.

    La série chère au coeur des téléspectateurs de « La Une Est à Vous » dans les années 70, « The Invaders » (« Les Envahisseurs »), créée en 1967 par Larry Cohen, qui nous a quittés cette année, doit beaucoup à l’histoire de « The Body Snatchers », puisque là encore, un homme seul livre un combat perdu d’avance pour prouver au monde entier que le cauuuchemaaaar a déjà commencé… Pour l’anecdote, il est amusant de noter que l’acteur Kevin McCarthy qui tiendra le rôle du héros dans le premier film sorti en 1956, jouera dix ans plus tard un méchant envahisseur dans un des épisodes de la série.

     

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    Il n’aura donc pas fallu longtemps pour que cette histoire soit convoitée par les studios, pour l’adapter au cinéma. En 1956, Don Siegel est le premier à s’y coller… Il adapte le livre et réalise ce qui deviendra un gros succès en salle. Les Etats-Unis sont en pleine guerre froide avec l’Union Soviétique, et même si la chasse aux sorcières instaurée par l’ancien sénateur est terminée, les scénaristes surfent sur la psychose ambiante en imaginant leurs histoires d’invasions extra-terrestres, métaphore à peine voilée de l’aversion des Américains pour les Russes et le communisme, ce dogme politique étrange qui promeut les valeurs du collectivisme, tout en bannissant l’individualisme et le concept de l’être humain comme étant un et indivisible.

    Et c’est exactement ce que raconte en substance cette histoire qui nous dépeint la finalité du projet extra-terrestre, à savoir de nous rendre tous identiques. Ce cauchemar qui nous parle de « grand remplacement » durant notre sommeil, par des doubles identiques, comme autant d’avatars dénués de tout sentiment et de réaction, prend une résonance différente en fonction de l’époque et de ses mentalités. A chaque nouvelle décennie, les réalisateurs qui se sont emparés du matériau ont eu une totale liberté pour adapter ce thème à l’air du temps.

     

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    Dans les années 70, Philip Kaufman adapte donc à son tour le roman et son film résonne différemment ; la peur hystérique des Russes est retombée et les phobies ont déplacé leurs enjeux. Nous ne sommes plus ici dans une petite ville de province mais à New York, et l’action va se dérouler cette fois-ci dans un milieu d’intellectuels et de psychanalystes.

    La version livrée par Kaufman est beaucoup plus viscérale et effrayante, notamment avec certaines scènes aux visions bizarres et puissantes : le chien à tête humaine, le son qui sort de la bouche des infectés lorsqu’ils repèrent un humain et qu’ils veulent alerter leurs congénères, le ton du film plus réaliste et sa fin sans aucune issue possible. Nous sommes bien là dans ce cinéma des 70’s dit du « Nouvel Hollywood », dépressif et subversif à souhait.

    Le réalisateur de « L’Insoutenable Légèreté de l’être » et de « L’Etoffe des Héros » pointe du doigt la déshumanisation programmée, dans cette époque de début de nouvelle crise, avec tout ce que cela sous-entend du mal-être et de l’état schizophrénique de notre société. Un film d’une noirceur absolue…

     

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    C’est quinze ans plus tard que sort la troisième adaptation du livre « The Body Snatchers », sous la férule d’Abel Ferrara. Probablement une œuvre de commande pour ce réalisateur inclassable, mais il va pourtant y injecter sa vision toute personnelle sur le sujet. Nous sommes au début des années 90 et on a encore changé de paradigme. La société est bel et bien rentrée dans une crise structurelle partie pour durer, et tout le monde semble d’ailleurs s’être habitué à cette sinistre perspective. Nous n’avons plus une vision riante du futur et nous avançons tant bien que mal dans nos vies, sans réelle inspiration.

    La très bonne idée de Ferrara ou de ses scénaristes, c’est d’avoir déplacé cette fois-ci l’histoire dans une base militaire. Des militaires, donc, qui deviendraient des clones, sans émotion aucune. Cette idée totalement ironique et de prime abord plutôt tordue, fonctionne pourtant dès le début. Toute la dimension paranoïaque est ici insérée presque sournoisement dans des espaces neutres, comme un ton sur ton ou du bleu marine sur du noir… Le film devient un pur objet filmique et esthétique, avec une photographie où un soleil n’en finit plus de se coucher.

    Le réalisateur de « Bad Lieutenant » instaure un climat singulier et presque féerique. L’ambiance léthargique du film donne l’impression d’assister à un rêve ou une vision subjective de l’héroïne. Ferrara est probablement celui qui réussit le mieux à retranscrire cette peur de s’endormir, de s’abandonner et risquer de devenir à son réveil… un autre.

    Ferrara nourrit ses marottes, tout en laissant de côté cette fois l’aspect religieux, qui est pourtant prédominant dans son cinéma, pour se concentrer juste sur le sujet : l’identité. Avec « Body Snatchers, l’invasion continue », Il nous livre une série B conceptuelle et ludique, pleine d’angoisse et de poésie. Une sorte de mauvais rêve éveillé et cette phrase finale, distordue et prophétique : « Où veux-tu fuir, où veux-tu aller… Il n’y a plus personne nul part comme toi ».

     

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    Difficile de ne pas croire aux cycles, car ce sont encore quinze ans qui s’écoulent avant de découvrir une nouvelle adaptation de « The Body Snatchers », réalisée cette fois-ci par l’Allemand Oliver Hirschbiegel et produite par Joel Silver. Le tournage de cette relecture du roman de Jack Finney ne va pas bien se dérouler, car jugée trop lente par le producteur de « Piège de Cristal » ou de la trilogie « Matrix ». Silver va donc remercier sans ménagement le metteur en scène du film « La Chute », alors que le tournage n’est même pas terminé, et appeler à la rescousse une des sœurs Wachowski, pour rallonger le film inachevé de quelques scènes d’action, qui en manquait cruellement dans le premier montage.

    Mais il faut bien reconnaître que cette 4ème proposition appelée « Invasion » est tout bonnement ratée. Alors que le réalisateur Oliver Hirschbiegel avait imaginé une approche beaucoup plus psychologique, en se concentrant sur les doutes et les questionnements des personnages, le résultat final s’avère n’être qu’une pâle resucée de la version de 1978 de Philip Kaufman, bien loin de l’enjeu fort et original des deux remakes précédents, qui étaient parvenus à parler de leur époque au travers du prisme de cette histoire de science-fiction.

    Cette nouvelle variation sur le changement d’identité ne propose rien de neuf. Elle se contente simplement de piocher quelques idées déjà utilisées dans les précédents opus. Non pas que les acteurs principaux soient mauvais (Nicole Kidman et Daniel Craig), mais le scénario et les dialogues ne vont pas vraiment les aider à tirer leur épingle du jeu ; un jeu fort ou intriguant… Cette fois-ci, c’est un coup pour rien. Le film est un flop critique et public.

     

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    En 2013, Jonathan Glazer réalise l’anxiogène « Under The Skin » avec Scarlett Johansson. Un film fantastique singulier, où l’on pourrait y voir quelques passerelles avec l’histoire originelle de « Body Snatchers ». L’actrice américaine, brune pour l’occasion, incarne une extra-terrestre agissant seule, malgré l’intervention épisodique d’un motard mystérieux. Elle a déjà l’apparence humaine (une sorte de peau en guise d’enveloppe corporelle) et parcourt en camion les rues d’une ville d’Ecosse, la nuit, à la recherche de potentielles victimes masculines qu’elle séduit, pour les plonger finalement dans un bain huileux dans lequel ces dernières seront impitoyablement dissoutes. A la fin, il n’en restera qu’une peau flottant à la surface de ce liquide amniotique létal.

    Le réalisateur de « Birth » nous livre ici son interprétation de ce que pourrait être, selon lui, une invasion douce, intime, chuchotée, avec une vision du roman des années 50 ultra dépouillée, sans paranoïa ni questionnement, mais avec une terrible détresse humaine qui transpire à chaque plan.

     

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    Il se peut qu’un producteur avisé ressente un jour l’envie irrépressible de mettre en chantier un 5ème film adapté du roman de Jack Finney, « The Body Snatchers ».  Notre époque se prêterait d’ailleurs plus que jamais à une nouvelle relecture de l’histoire originelle, entre règne de la technologie, emprise totale des smartphones, des réseaux sociaux sur notre vie quotidienne et la tyrannie absolue de la parole unique. Comme si nous refusions obstinément de prendre conscience de la perte programmée de notre humanité…

    Ce nouveau « Body Snatchers » pourrait dépeindre parfaitement notre monde, et constituer la critique acerbe de ce que nous sommes devenus. Ce film pourrait d’ailleurs commencer par la fin, car si l’on devait tenter de mettre notre évolution terrifiante sur le dos de soi-disants extra-terrestres, on pourrait en déduire qu’ils ont déjà gagné…

     

     

     

  • C’est quoi, être Romantique en 2019 ?

     

     

    Celui qui ne retrouve plus le goût spécifique d’un Granola tel qu’il le savourait au goûter dans les années 80, en rentrant de l’école, est un romantique, et ça vaut d’ailleurs pour toute autre marque de biscuits toujours présente en rayon depuis près de 40 ans…

     

    La recette de ce petit biscuit chocolaté a été modifiée un certain nombre de fois au fil des décennies, tout ça pour de nébuleuses raisons économiques ou industrielles, mais le romantique se souvient de sa saveur première, de cette odeur et de tout ce qui allait avec. Car le romantique est un collectionneur de souvenirs, à l’heure où Alzheimer est devenu très tendance, comme maladie effective ou comme mal ultime de nos sociétés, où tout s’avale sans se mâcher, se digère (mal) et s’oublie.

    Le romantique est un fétichiste d’états, de sensations, de toucher, de surfaces, de sons, d’odeurs. Le moindre parfum de jasmin ou de bougainvillier et aussitôt il se téléporte dans la cour de son lycée, aux temps où ces fleurs agrémentaient encore les murs des établissements scolaires. Marcel et ses Madeleines n’aurait pas renié cette approche de l’existence où tout doit passer par le prisme de la mélancolie, de la nostalgie et des odeurs d’encaustique.

    C’est que notre époque est devenue, au même titre que ce que nous consommons au quotidien, fade, insignifiante, terne et uniforme. Alors pousser jusqu’à l’extase le moindre des petits détails qui composent nos jours est un privilège que seuls connaissent les romantiques. A défaut d’amour reçu ou donné, d’échange carné, de douceur prodiguée par les corps et la peau, les caresses et le goût des lèvres de l’autre, tout devient alors source de jouissance et d’attention, de puissance et d’inflexion.

     

    Il ne peut y avoir qu’un seul grand amour dans la vie d’un romantique. Qu’il soit accompli, avorté ou en jachère, celui-ci sera à jamais sacralisé, immortalisé en un écrin et son joyau en même temps. Un trésor enfoui, que l’on évoque tel une légende.

     

    Le romantique est souvent invivable, car lunatique, compliqué. Son ennemi, c’est l’habitude. Cette monotonie, qui envahit la vie de tous ces couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Cet aspect binôme du concept, où tout se concerte à deux, les projets comme les décisions. L’entité couple… La même voix, le même sourire, le même humour référentiel, les mêmes rires toujours en même temps. Cette association, ces deux étais qui finissent par former un triangle isocèle. La magie d’un jour qui va perdre très vite de son éclat, rattrapée par la corrosion, l’oxydation qui attaque la matière vivante.

    On ne peut refaire en boucle ce que l’on a aimé et retrouver la fibre de l’indescriptible, cette folie combustible qui sert à alimenter les passions. Cette petite flamme bleutée qui vacille et que l’on tente de raviver en allant chercher d’autres moyens pour l’entretenir : les voyages, le nouvel appartement, le bijou, l’animal de compagnie, puis le bébé, la descendance, comme autant d’objets, d’accessoires mis au même niveau pour aider à tenir bon.

    Ces amants, ces amoureux s’endorment dans un sommeil de glace, les yeux grands ouverts, le regard étonné, n’éprouvant plus rien. Ils oublient. Tout cela n’est que brindilles, papier d’Arménie pour alimenter coûte que coûte cette flammèche souffreteuse qui se mourait depuis le début. Parce que l’amour c’est ça, un grand malade incurable qui ne guérira jamais. Le romantisme n’est plus censé exister. Le monde n’a plus de place pour lui, ses incantations et ses mantra. Plus maintenant, en tout cas…

    Pourtant, tous les romantiques anonymes qui portent leur croix comme l’escargot sa coquille, ce secret au fond d’un coffre jeté au fond d’un océan, qui ressemble à un cœur rougeoyant, se frôlent tous les jours dans la rue, au détour d’un sourire, d’un regard. Toujours fugace mais qui pour le romantique dure une éternité.

    Dans des écrits, dans des films, des chansons, dans les vers des poèmes ou le bref instant d’une image, d’une lumière contemplée, les romantiques savent que l’on parle d’eux et qu’on leur rend hommage pour tous ces combats vains, toute cette énergie pour rien. Tout ce panache…

     

     

     

  • The Cure, 40 ans de musique et de laque

     

     

    En mai dernier, le tout premier album de The Cure, « Three Imaginary Boys », fêtait son 40ème anniversaire, avec son ambiance post-Punk minimaliste, sa pochette rose bonbon et ses appareils ménagers.

     

    Pour les fans les plus pointus ou les historiens du rock, la rencontre entre les trois membres fondateurs du futur groupe The Cure, Lol Tolhurst, Michael Dempsey et Robert Smith, qui en deviendra le leader charismatique, remonte à 1976. Après plusieurs formations successives aux doux noms de The Group, The Obelisks, Malice ou encore Easy Cure (on se rapproche…), les trois acolytes finirent par arrêter leur choix sur le nom qui leur permettra de traverser quarante années de musique. S’ensuivent des petits concerts ici et là et c’est finalement en 1978 que celui dont la coupe de cheveux fut copiée plus tard par Tim Burton bombarde les maisons de disques avec une maquette composée des quatre premiers titres originaux de The Cure.

    Chris Parry, l’ex-manager des Jam, directeur artistique chez Polydor, souhaite à l’époque fonder son propre label indépendant (Fiction Records). Il perçoit de suite avec The Cure l’opportunité de concrétiser son projet. Cette histoire d’amour et de fidélité durera jusqu’en 2001. Avec l’avènement du mouvement Punk à la toute fin de cette décennie, The Cure commence à s’inventer en se créant enfin une identité propre, tandis que l’Angleterre rentre dans une crise économique durable, implacable, qui laissera sur le carreau un bon nombre de Britanniques.

    Tandis que les Sex Pistols et surtout The Clash se font les nouveaux chantres de l’opposition à la première ministre Margaret Thatcher et à sa politique d’austérité, The Cure, même s’ils surfent dans un premier temps sur cette vague Punk, vont quant à eux privilégier les contenus plus littéraires et poétiques à la basique contestation politique. Et face au marasme général, Robert Smith, qui écrit tous les textes des chansons du groupe, distille plutôt un spleen romantique tout droit sorti des poèmes de Baudelaire ou d’Edgar Allan Poe.

    Tel un message subliminal, le premier single du groupe, « Killing an Arab », dont le thème est emprunté à un texte d’Albert Camus, offre d’ailleurs une lecture à peine voilée du racisme ambiant qui prévaut en Angleterre durant ces années de profonde mutation. Trois ans après leurs débuts dans la petite ville anglaise de Crawley, The Cure font leur toute première apparition télé en décembre 1979 au Théâtre de l’Empire à Paris, dans le cadre de l’émission « Chorus » d’Antoine de Caunes. On notera le pyjama rose du poupon Robert Smith qui n’avait pas encore adopté le fameux look curiste qu’il arborera ensuite.

     

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    Entretemps, Robert Smith fera quelques vacations en tant que simple guitariste au sein du groupe Siouxsie and The Banshees. Il en gardera dès lors cet esprit Glam-Rock en version dark (eye liner, rouge à lèvres baveux, tenue de corbeau, cheveux crêpés et fixés avec trois tonnes de laque), qui deviendra dans les années 80 une esthétique à part entière baptisée « Gothique », et la silhouette reconnaissable entre toutes de cet enfant-adulte à la mine narquoise originaire de Crawley dans le Sussex.

    Pour l’adolescent français tout juste sorti de l’enfance, The Cure s’impose ainsi comme une expérience sensorielle, vestimentaire et intellectuelle ; une empreinte qui façonnera durablement son ADN, avec une approche particulière du monde qui l’entoure, cette manière diffuse d’entretenir la flamme d’une éternelle mélancolie et ce grand écart entre réalité et imagination morbide.

    Pour toutes ces raisons, The Cure deviendra le groupe qui sous-tendra le mieux les doutes existentiels qui peuvent naturellement traverser cette période-clé chez l’adolescent, avant qu’il ne devienne un homme, un vrai… ou pas… En recherche permanente de repères et de modèles à singer, le jeune bien souvent en lutte avec l’autorité parentale et le monde qui l’entoure, se choisit alors cette panoplie et la posture qui va avec.

     

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    Et ça n’est pas avec le premier album « Three Imaginary Boys », ni même avec sa réédition agrémentée du premier single et futur classique du groupe, « Boys Don’t Cry », que la métamorphose se produit. Car tout est question de timing… Non, c’est surtout avec la trilogie sortie entre 1980 et 1982, « Seventeen Seconds », « Faith » et « Pornography », (les) trois (meilleurs) albums, peut-être un peu (ou sûrement) sous influence des quatre groupes majeurs de l’époque que sont Joy Division, Sisters of Mercy, Bauhaus et Killing Joke, que The Cure prend véritablement son envol pour devenir le groupe représentatif des errements de cette génération tiraillée entre la musique Punk qu’elle juge un peu trop violente à son goût, du Rock FM lavasse et du Funk joyeux et sautillant.

    Mais les influences et les citations, qu’elles soient en musique, au cinéma ou dans tout autre domaine artistique, sont des volutes et des boucles… Aujourd’hui, rétrospectivement, The Cure doit en effet en partie son son aux groupes cités plus haut, comme inversement d’autres groupes tels que The Smashing Pumpkins, Placebo ou plus récemment The XX se sont par la suite grandement goinfrés des accords et des tonalités du groupe toujours en noir.

    A commencer par ce fameux son de basse utilisé par toutes ces formations, comme un poids, une ombre, une menace latente qui revient sans cesse sur tous leurs morceaux et qui ici est distillé par le guitariste Simon Gallup, comme un poison moelleux ; une gravité, une mélancolie qui vous ensorcelle et qui sera la signature de The Cure pendant plusieurs années. On appellera ce nouveau genre musical la « Cold Wave ».

    Rester dans sa chambre des après-midi d’automne et d’hiver entiers, avec en fond musical « A Forest », « Secrets », « The Hanging Garden » ou « Primary », s’avérait être une expérience immersive assez saisissante. Le son lourd et amniotique qui vous enveloppait, la voix douce et lointaine de Robert Smith, caressante, qui accompagnait ces mélodies lancinantes et dépressives.

     

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    Avec le recul, la filiation entre le premier album « Three Imaginary Boys » sorti en 1979, qui s’inscrivait encore dans cette mouvance post-Punk, et ce que le groupe allait proposer par la suite, ne semblait pas si évidente que cela. Et même si, au premier abord, « Seventeen Seconds » fût difficile d’accès, il finit par trouver son public et ses fans. « Faith », enregistré dans la foulée, poussait plus loin encore les frontières de cet univers musical glacial et déprimant à souhait. Quant au troisième volet de la trilogie, « Pornography », il devait parachever l’oeuvre, avec ses batteries lourdes et martiales, ses textes morbides, cauchemardesques, et toujours ce son de basse qui vous enveloppe autant qu’il vous étrangle. De tous les groupes de l’époque, malgré ses spécificités, The Cure est celui qui va marquer le plus l’inconscient collectif.

    Alors, comme souvent, après une ascension à ce point fulgurante, The Cure va connaître ensuite une période plus décousue. Peut-être que Robert Smith ne souhaite pas non plus être enfermé dans un genre ; probablement pressent-il que ce succès si rapide risque de le condamner pour l’éternité à ces ambiances atmosphériques et quasi expérimentales. Toujours est-il que les fans de la première heure sont assez déconcertés à l’écoute des singles qui vont suivre…

    Tout en voulant goûter de nouveau à d’autres influences, Robert Smith opte pour le tout synthétiseur avec « Let’s Go to Bed », « The Walk » ou encore une heureuse anomalie et le son jazzy barré de « Love Cats ». Nous entrons en effet à ce moment précis en pleine révolution électronique, avec Depeche Mode, Soft Cell, Visage, XTC, New Order, Anne Clark, OMD, Ultravox, The Human League et bien d’autres groupes émergeants de l’époque.

     

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    En 1984, The Cure sort enfin un véritable nouvel album, psychédélique et déroutant : « The Top ». Plusieurs directions et autant de styles abordés. Mais une fois encore, pour les aficionados, cette livraison ne fait pas l’unanimité. Mis à part « The Caterpillar », « Birdmad Girl » ou peut-être « Shake Dog Shake », les autres morceaux du 33 tours nous laissent quelque peu dubitatifs. Le succès est relatif et les critiques musicaux restent sur leur faim. Mais Robert Smith ne se résigne pas et continue à chercher la recette gagnante. Il veut remporter le jackpot avec un album qui plaira au plus grand nombre.

    Deux ans plus tard, l’album « The Head On The Door » et ses tubes planétaires « In Between Days » et « Close To Me » déferlent sur toutes les radios. A l’heure du tout clip vidéo, chaque chanteur, chaque groupe, se doit d’avoir son clip pour illustrer et soutenir les ventes de disques. Celui réalisé pour « In Between Days » va marquer les esprits durablement. Le réalisateur Tim Pope deviendra d’ailleurs le directeur artistique attitré du groupe, affichant une liste impressionnante de clips produits entre 1982 et 1997. Dépositaire du style, il saura parfaitement retranscrire en image l’esprit de The Cure, comme une marque déposée doublée d’un concept fort.

     

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    The Cure entre ainsi dans la cour des grands. On les voit partout, en particulier en France, jusque chez Michel Drucker le samedi soir dans son émission de variétés Champs Elysées. Un succès cependant à double tranchant, car les fans de la première heure ne s’y reconnaissent plus du tout ; ce qui faisait le sel du groupe, son identité… Et ils n’aiment pas cette façon qu’a Robert Smith de se diluer pour essayer de plaire au plus grand nombre. The Cure perd certes une partie de ses fans parmi les plus radicaux, mais en conquiert quatre fois plus par ailleurs. The Cure devient mondialement connu…

    Là encore, l’album « The Head On The Door » n’est pas désagréable et l’on y retrouve parfois un peu de l’esprit sombre et dépressif des débuts, avec notamment deux morceaux, « A Night Like This » et « Sinking » qui clôt l’album. Mais les deux véritables tubes n’ont quant à eux rien de déprimant, et c’est probablement pour cette raison qu’ils deviennent de tels monuments. Ils s’inscrivent plutôt dans un registre Pop-Folk et même si les textes ne sont pas très portés sur la gaudriole, on sent que le divorce est désormais consommé avec leur première période musicale.

    Fort de cet énorme succès, The Cure publie son septième opus en 1987, « Kiss Me Kiss Me Kiss Me », un double album qui propulse définitivement le groupe en orbite, en se voulant encore plus gros et plus fort que le précédent, qui avait pourtant ouvert la voie à tous les records… Mais cette fois-ci, cette nouvelle salve de chansons fait l’effet d’un gavage d’oie. Les concerts qui vont suivre la sortie des deux singles qui seront eux aussi des tubes (« Why Can’t I Be You » et « Just Like Heaven », un morceau intégralement instrumental) se joueront cette fois dans des stades, à l’instar de Depeche Mode, INXS ou U2, ces groupes qui cartonnent à la fin de ces années 80.

     

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    The Cure est au firmament, à son apogée, en proposant une musique plus variée que jamais ; un son Rock et Folk qui enterre définitivement les ambiances Cold Wave des débuts. Pourtant, en 1989, prenant tout le monde à revers et surtout les fans de la première heure qui n’y croyaient plus, arrive « Disintegration ». De tous les albums confondus, Robert Smith tient enfin son chef d’œuvre absolu… Le disque qui réconcilie les anciennes et les nouvelles influences. Un album dense, puissant, sombre et magnifique, où chaque morceau est un diamant noir ciselé, aux multiples facettes.

    Sous ses abords rutilants de magnifique production promise au succès facile, se cachent dans « Disintegration », en deuxième écoute, des mélodies entêtantes et précieuses. Et hormis les tubes que l’on entend sans cesse sur les ondes (« Lullaby », « Fascination Street » et « Lovesong »), toutes les chansons s’avèrent essentielles à cet édifice grandiose, qui forme une cathédrale élevée à la gloire de Robert Smith et de la contre-culture. L’album dont rêvaient tous les admirateurs depuis « Pornography ». On retrouve d’ailleurs ce son lourd et ces guitares qui pleurent, comme la pluie battante.

    En cette année 1989 qui marque l’avènement des sons électroniques et de l’Acid House, il faut reconnaître que le pari de prendre le contre-pied des tendances émergeantes en revenant ainsi à ses fondamentaux, après dix années d’exposition et de succès, pouvait paraître quelque peu osé. Mais le pari de reprendre l’expérience Cold Wave laissée en friche sept ans plus tôt s’avère payant, car écouter à fond les douze morceaux qui composent « Disintegration », c’est sentir un vent puissant et mélancolique souffler dans les cheveux. Nous revoilà donc adolescents…

     

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    L’album qui suivra en 1992, « Wish », semble vouloir garder le même cap que son prédécesseur. Les dix morceaux qui le composent sont cependant moins inspirés et on sent bien que Robert Smith peine à réitérer le même exploit. Nous rêvions tous en secret d’une nouvelle trilogie mais le miracle n’aura pas lieu. Certes, « High » ressortira de l’ensemble mais hélas, le reste évoque plus le pot pourri que le disque qui marquera les esprits. Même si « Wish » est à ce jour, en terme de ventes, le plus gros succès national et international de The Cure, en se plaçant pour la toute première fois de l’histoire du groupe numéro 1 des charts en Angleterre, la fée de l’inspiration semble cette fois-ci bel et bien envolée…

    « Wild Mood Swings », le nouvel album qui sort quatre ans plus tard ne parviendra pas non plus à nous réveiller de notre profonde léthargie. Après des tensions au sein du groupe, des procès et des portes qui claquent, Robert Smith tente d’intégrer d’autres musiciens à ce nouveau projet. Le résultat final n’est que chansons banales, rythme général décousu, sans aucune ligne réelle qui pourrait donner de la cohérence à l’ensemble.

    En 2000, Robert Smith, toujours accroché à la barre du vaisseau contre vents et marées, sort « Bloodflowers » et tente une nouvelle fois de rééditer le miracle « Disintegration ». C’est peine perdue. L’album s’écoute sans que l’on ne retienne un seul des morceaux qui le composent. Il en ressort une énième redite paresseuse et l’on ne croit plus à cette mélancolie d’adolescent blafard ; indigeste et tout au plus bourratif.

    On aurait pu penser avec l’album éponyme « The Cure » sorti en 2004 qu’enfin, les compteurs allaient être remis à zéro et que nous allions assister à une vraie renaissance. Robert Smith & Co nous proposent cette fois-ci un album plus sec, moins produit et plus rock. Des riffs de guitare tonitruants pour des chansons paradoxalement sans véritable force… On n’y ressent ni la ferveur d’antan, ni le renouveau escompté, voire espéré. C’est comme si le logiciel « The Cure » avait été installé dans votre esprit et qu’il devait désormais en théorie façonner à l’infini les mêmes morceaux, même si dans la pratique, on s’éloignait de plus en plus de l’univers originel du groupe.

    Le dernier album paru à ce jour s’intitule « 4 :13 Dream ». Nous sommes en 2008, à savoir presque trente ans après la sortie de la graine originelle, « Three Imaginary Boys ». Tout ce qui pouvait nous ramener à ce qu’était The Cure vingt ans plus tôt n’est plus que vain espoir. On cherche sur chacun des morceaux ce qui pourrait ressembler à du Cure d’avant, neuf et débarrassé de tous les tics encombrants.

    Et pour la première fois, il faut se rendre à l’évidence : il est difficilement envisageable de parvenir à écouter les treize morceaux d’une seule traite, tant l’expérience est douloureuse pour les oreilles. Pathétiques ritournelles qui semblent encore avoir été créées par des algorithmes piochant ici et là dans la discographie du groupe, entre envolées pop, solos de guitare reconnaissables ou encore la façon de chanter de son leader. Tout sonne faux. Tout tourne à vide.

    Au point que certains en oublient que Robert Smith est un grand guitariste et un immense artiste, probablement un des musiciens parmi les plus influents du 20ème Siècle, qui a aussi consacré des Debussy, Rachmaninov, Ravel, Satie, Messiaen, Chostakovitch, Prokofiev, Bernstein, Riley, Cage, Villa-lobos, Morricone et bien d’autres encore. Conféré son passage télé chez Ardisson en juillet 2003, quand une bande d’idiots semblent ne pas avoir conscience qu’ils sont face à un artiste majeur, à l’immense culture et à la sensibilité exacerbée. On peut comprendre que Smith ait souvent fui les plateaux télé pour privilégier la scène, là où tout est vrai…

     

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    Depuis 2009, The Cure, réduit désormais à trois membres, se contente donc d’écumer les festivals à travers le monde. Sa popularité est pourtant restée intacte, malgré les errements artistiques des vingt dernières années. Robert Smith se cantonne à reprendre indéfiniment ses standards, en surfant depuis dix ans sur la vague de la nostalgie en tube. Tous les vieux dinosaures n’ont d’ailleurs jamais autant tourné dans ces festivals. Et chaque année, on ressort de son bocal telle ou telle célébrité d’un autre siècle…

    Quel étrange paradoxe, qui d’un côté montre l’accélération exponentielle de la technologie et des rapports froids et déshumanisés qui l’illustrent, et de l’autre, inversement, cette course effrénée à la nostalgie et au passéisme, où l’on n’a de cesse que de convoquer les fantômes et divers motifs d’antan. Que ce soit pour la musique ou pour le cinéma, du reste… Toutes ces vieilles badernes ont décidément encore de beaux jours devant elles, à ressasser leurs vieux titres ou se contenter comme Depeche Mode de continuer à enregistrer des disques ineptes, tandis que leurs concerts ne reposent pratiquement plus que sur leurs gloires passées.

    Alors, dans un futur plus ou moins proche, Robert Smith tentera-t-il une nouvelle fois de franchir le Rubicon en poussant la porte d’un studio d’enregistrement. ll sait au fond de lui que malgré l’érosion du temps, l’attente est restée intacte, pour les vieux fans de la première heure que nous sommes restés, qui passent toujours en boucle chez eux les morceaux qui ont tant compté pour eux, quand ils avaient 13 ans, qu’ils étaient dans leur chambre et qu’il pleuvait dehors…

     

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  • Porter des Baskets by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : Porter des Baskets.

     

    Il n’y a pas aujourd’hui un podium de Fashion Week où les mannequins hommes ou femmes ne défilent pas avec aux pieds des baskets dessinées pour l’occasion par les stylistes de la marque représentée. Et je vous laisse deviner le prix boutique qu’il vous faudra débourser pour un article de ce genre chez Givenchy, Balmain, Dries Van Noten ou Dior… Juste à titre d’exemple, la maison Margiella qui revisite les Fred Perry affiche des tarifs autour de 800 euros. 1200 euros chez Balenciaga, 2000 euros chez Rick Owens… Et tout cela évidemment fabriqué le plus souvent en Chine, en mode plastique et caoutchouc.

    Allo la terre ?? On les a perdus… Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Comment en est-on arrivé là ? Mais… Mais flûte, comment ??

    Conçue pour pratiquer des activités physiques, la basket était donc naturellement portée à l’origine, je vous le donne en mille, par des sportifs ; pour être ensuite adoptée dans les années 80 par une communauté dite « de banlieue » et par les rappeurs, assortie au total look survêtement. Et il faudra finalement attendre le courant des années 90 pour que cet article soit récupéré d’abord par la communauté LGBT, désireuse de s’encanailler en singeant les dites « caillera » et afficher ainsi les codes ostentatoires du parfait lascar. Soit…

    Au début des années 2000, c’est au tour du métrosexuel d’arborer la fameuse Fred Perry ou encore la All Star (Converse), avec un jean et la petite veste qui va bien, afin de casser les codes, paraître cool, free dans sa tête, et pouvoir en toute décontraction aborder tous les sujets, de l’art à la politique, en passant par les faits de société, tout en faisant des clins d’œil insistants à la jeunesse. C’est non seulement l’apparition du jeunisme (syndrome Peter Pan), mais aussi du phénomène des bobos. Cependant, à cette époque, la « fashion sphère » s’intéresse encore assez peu à cette nouvelle tendance. Ici et là, il y a bien quelques percées chez Gaultier ou Yamamoto, mais qui restent tout de même assez confidentielles.

    Les souliers en cuir, Derby, Richelieu et diverses bottines vont cependant sacrément prendre du plomb dans l’aile à la fin des années 2010… Car les Lanvin, Saint Laurent et même Berluti entrent dans la danse et commencent eux aussi à proposer leurs modèles de baskets, à des prix bien-sûr un peu plus « fou-fou ». L’étiquette assure à elle seule la plus-value…

    Alors, pour justifier ces tarifs prohibitifs, les plus imaginatifs des créateurs (Kris Van Assche, Raf Simons ou Rick Owens) vont redoubler d’efforts et de roublardise pour concevoir des modèles les plus tarabiscotés possible, à grand renfort de lacets dans tous les sens qui empêchent presque de rentrer le pied dans la chaussure, de semelles ou de languettes surdimensionnées qui ne permettent de toute façon pas de marcher correctement. En d’autres termes, pas confortables et qui vous donnent une allure assez improbable. Mais en même temps, qu’est-ce qu’on se marre !

    Aujourd’hui, la basket est ainsi devenue le signe de la fainéantise absolue, à l’instar de la paire de blue jeans enfilée avec fausse négligence, pour s’habiller sans se tracasser outre mesure… En substance, comment apparaître, paraître et finalement être. Un réflexe qui en dit long sur notre époque. Comme un uniforme pour se sentir en phase avec les autres, avec son milieu, sa communauté. Et ce qui distinguera le pauvre de celui qui a les moyens, ce sera la marque de la chaussure.

    Une chaussure élevée au rang de signe de reconnaissance ultime, et qui supprimerait comme par enchantement cet insupportable no man’s land entre les classes sociales. En fait non… Poussons encore plus loin l’absurdité de cette utopie, dans la mesure où ceux qui en ont les moyens seront prêts à débourser une coquette somme, tout ça pour un objet à l’obsolescence programmée, et ce depuis sa conception. Car les prix que j’indiquais plus haut à titre d’exemple sont clairement le marqueur sociétal absurde mais concret, pour bien délimiter la frontière entre ce qui est hype et ce qui ne l’est pas.

    Dans ce renversement des valeurs généralisé, il est amusant de constater que cet accessoire devenu incontournable dans tout vestiaire qui se respecte est désormais plus cher et prestigieux qu’un bon vieux soulier en cuir, robuste, solide, qui quant à lui vieillira bien. Eh oui, il faut se rendre à l’évidence, l’autre spécificité de la basket, c’est que cet objet vieillit extrêmement mal. Certes, neuf, il peut paraître séduisant et clinquant, mais après quelques mois voire quelques semaines, il commencera immanquablement à montrer des signes de fatigue, car souvent mal entretenu et trop porté. La forme s’affaissera et la fameuse basket finira par ressembler à une grosse Charentaise.

    A l’inverse, un vrai soulier de qualité va vieillir sagement, en évoquant à celui qui le regarde une histoire, des histoires… La chaussure en cuir va ainsi devenir un témoin du temps qui passe, en soulignant la personnalité de celui qui la porte. Un objet plein de poésie et de mélancolie. Quand la basket ne vivra qu’au présent et sera le miroir qui ne renvoie que l’image du vide et du néant. L’objet séduit et flatte l’instant, le moment donné. Mais dès le lendemain, il n’y a déjà plus rien car un nouveau modèle a déjà supplanté le précédent.

    La basket, c’est la laideur d’un monde sans âme, un imposteur, une usurpatrice.

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

     

  • L’Histoire du « Cédï-ion » by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : L’Histoire du « Cédï-ion ».

     

    Il y a bien des années, des pages dérobées dans des dossiers ultra-top-importants de l’armée américaine avaient circulé un court moment sur le Dark Net. L’Internet parallèle et clandestin n’en était qu’à ses balbutiements et la CIA n’avait pas pris le contrôle absolu de chacun des faits et gestes des pirates informatiques qui y sévissaient. Même Julian Assange n’était encore qu’un adolescent boutonneux qui jouait dans sa chambre à Space Invaders sur sa console Atari.

    Probablement la raison pour laquelle l’information n’avait finalement retenu l’attention que de quelques personnes, qui ont depuis disparu dans des circonstances mystérieuses, voire ballot(es). A cette époque, les armées US et québécoise fricotaient ensemble sur des expériences un peu étranges. Ces fameux documents ultra-top-importants évoquaient en fait une nouvelle arme chimique redoutable testée sur des rats puis sur des babouins et qui risquait de causer des dommages sans précédent sur ses cibles potentielles… Nous avons depuis compris, mais malheureusement trop tard…

    Cette arme en question, nom de code « Cédï-ion », était en fait un appareil de destruction massive sophistiqué, à usage sonore (ultrason) comme visuel, provoquant une perte des sens et des repaires, tels que le goût, le jugement de valeur et l’objectivité, suivie d’un saignement abondant des yeux et des oreilles. L’appareil fut ensuite monté et intégré sur des clones Cyborgs de type féminin. Lorsque le département concerné fut fermé pour cause de budget non-alloué, les prototypes furent désactivés. Vraiment ?

    Eh bien non, car plusieurs parvinrent à échapper à la destruction. A moins que nous ayons eu affaire à un cerveau assez malade pour laisser délibérément en liberté certaines de ces machines qui allaient semer ruine et désolation sur leur passage. Depuis ses tout premiers tests en laboratoire, le « Cédï-ion » fait des ravages partout dans le monde. Une autre arme toute aussi dangereuse, même si elle fut conçue à l’époque de la guerre froide, a comme nom de code le « Mi-Reï Ma-Tïeu », un droïde capable de faire exploser la moindre tête d’humain dans un rayon de 200 mètres, tout ça rien qu’avec ses cordes vocales aux infrasons destructeurs. Et des rumeurs persistantes courent sur la dissémination parmi la population d’un « Mar-ïa Ka-Raie » et plus récemment, du terrible « A-Del »…

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

  • J’ai 50 ans by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : Mes 50 ans.

     

    On est jeune. On s’en fout. Tout nous indiffère car on croit dur comme fer (et ça rime…) que tel sera notre état, immuable, permanent, et ce pour toute la durée de notre éternelle existence. Et puis un jour, en une ellipse, une perte de mémoire momentanée, on se retrouve dans un autre corps.

    Les signes de la vieillesse se manifestent par à-coups. On ne semble pas changer pendant des années et puis ça vous tombe sur le coin de la gueule, comme ça, un pauvre matin blême, alors que vous jetiez un regard encore endormi, mais pétri de certitudes, dans le miroir de la salle de bain.

    La surprise et l’étonnement font vite place à l’effroi. Et le constat est impitoyable… Vous avez des cernes et des plis qui n’étaient pas là avant, et qui ne semblent plus vouloir s’estomper depuis que vous les avez découverts… Oui, ceux-là, juste sous vos yeux qui ont d’ailleurs rétréci. Et au-dessus des yeux, on peut noter comme un affaissement des paupières, dans les coins. Tout votre regard paraît voilé… L’expression que vous affichiez encore hier soir, pétillante, arrogante, est aujourd’hui celle de quelqu’un qui exprime la lassitude, la fatigue comme nouvelle teinte de peau.

    Alors, on se calme et on se dit que c’est le temps, probablement, et cette petite grippe qui n’en finit plus de nous asticoter. Demain, un peu d’ U.V., de la crème Machin, des fruits bios… et il n’y paraîtra plus ! Les jours passent. Vous allez vaquer à vos occupations. Ces mois de merde, avec leurs journées qui se finissent en plein après-midi, se font racheter par le printemps. Le beau temps revient.

    Un matin, de nouveau devant ce satané miroir au dessus du lavabo, vous n’en croyez tellement pas ces yeux que vous ne reconnaissez plus. Les poches et les cernes, les rides et cette teinte sur votre visage, se sont accentuées. La fraîcheur a cette fois-ci bel et bien disparu. Et vous ressemblez de plus en plus à un portrait de Bernard Buffet.

    Mais bon dieu, qu’est-ce qui se passe pendant que vous dormez ? Ils ont les clés de chez vous, ça n’est pas possible autrement… Bande de fumiers. Ah, les salauds ! Dans la rue, les magasins, partout, on vous appelle désormais « monsieur ». On vous vouvoie. C’est immonde, inacceptable. Voilà, ça se passe comme ça, sans que l’on nous demande notre avis sur la question. Ni vote ni référendum !

    Il y aurait pu y avoir une autre manière de voir les choses. Par exemple, on accepte de mourir, ok, mais on reste jeune toute la vie et puis quand c’est l’heure de partir, « paf », on meurt. C’est tout… Net, simple, un peu comme quand votre ordinateur vous lâche.

    Mais celui ou celle qui a paramétré nos vies semble avoir prévu l’exact contraire. Il s’est dit un truc du genre : « tiens, ce qui serait plutôt sympa, ce serait de garder en forme le vivant dans son corps un quart de son existence et puis après, jusqu’à la fin, il n’en finirait plus de s’étioler, lentement mais sûrement, sur une durée restant à déterminer, mais qui pourrait aller jusqu’à 50 ans. Allez, 60, mais par pure gourmandise… Un peu comme une fleur qui se fane en slow-motion. Ce serait drôle, non ? ». Ben non, justement, pas drôle du tout !

    Parce qu’avoir 50 ans, c’est quand même tout un concept. C’est comme avoir la tête de Michel Piccoli. C’est se retourner sur sa vie passée pour ensuite regarder ce qu’il va rester, tout en pensant à ce que l’on va bien pouvoir en faire. Marié ou pas, enfants, chat, chien, perruche ou célibataire, 50 ans, on n’est pas à l’abri d’un petit touché rectal pour prévenir des laideurs à venir…

    Alors peut-être vaut-il mieux le prendre avec ce petit côté revenu de tout, en conservant précieusement les expériences acquises. Ces moments chouettos que tous les petits couillons nés après 2000 ne connaîtront jamais. Et un regard cauteleux à souhait jeté sur ces mouflets qui s’agitent dans leur puérilité joyeuse et béate.

    Bref, j’ai 50 ans et je vous emmerde.

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

  • Jerry Goldsmith : Puissance, Mélodie et Chaos

     

     

    Jerry Goldsmith pourrait être le pendant de cet autre grand compositeur et mélodiste qu’est John Williams, car lui aussi a tant œuvré pour le cinéma à Hollywood, en contribuant à rendre immortels de nombreux films, avec ses scores reconnaissables entre tous.

     

    Mais si John Williams l’Américain a d’abord reçu une formation de jazzman, pour Jerry Goldsmith, c’est plutôt du côté du classique qu’il faut aller chercher technique et musicalité. Ses origines juives ashkénaze de Roumanie auront été infusées au fil du temps dans des influences profondément ancrées du côté de la musique d’Europe de l’est, qu’elle soit classique ou populaire et folklorique.

    C’est donc ici que la comparaison avec son illustre homologue s’arrête, car si Williams, le compositeur de « Star Wars », a su avec brio rebondir de thèmes emblématiques en envolées légendaires, il est toujours resté confortablement calé entre jazz et orchestration néo-classique, hormis peut-être pour deux ou trois scores surfant parfois sur le sériel et la dissonance (« Rencontres du Troisième Type », « Images » ou même « La Guerre Des Mondes »).

    Quand Jerry Goldsmith fut capable tout au long de sa très longue carrière de se réinventer sans cesse… Le compositeur à la queue de cheval a exploré et expérimenté, en utilisant pour étoffer ses œuvres à peu près tout ce qui pouvait émettre un son ; de l’électronique, dont il fut l’un des précurseurs au cinéma (« The Illustrated Man » en 1969 ou « Logan Run » en 1976), au bol de cuisine, en passant par un sifflet d’enfant ou encore des croassements de corbeaux (« Damien : La Malédiction 2 »)

     

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    Avec les musiques de « Patton », « Gremlins », « Papillon », « Basic Instinct », « Star Trek », « Chinatown », « Alien », « Rambo », « Poltergeist », « Legend » ou « Le 13ème Guerrier », Goldsmith impose sa patte. Autant de genres et de styles différents pour un compositeur hautement prolifique…

    Arrêtons-nous un moment sur une de ses œuvres en particulier, « La Planète des Singes » de Franklin J. Schaffner sortie en 1968. Sûrement son score le plus fou, le plus ambitieux et le plus mémorable. C’est là où réside toute la versatilité de Jerry Goldsmith qui compose un an plus tôt, en 1967, pour le film « In Like Flint » avec James Coburn, une pop Jazzy et désinvolte, avant de faire un grand écart absolu l’année suivante avec la musique de « The Planet Of The Apes »…

    Jamais percussions furieuses, maelström de cuivres et de sonorités inquiétantes, brutes, n’auront aussi bien collé à des images. Plus que la simple illustration sonore du film, la musique de « La Planète des Singes » constitue une œuvre singulière et puissante, digne de Stravinsky, Ligeti ou Bartok. Si le film de Schaffner est une réussite totale et un véritable ovni dans le paysage cinématographique de l’époque, c’est sans conteste grâce à Jerry Goldsmith qui signe le plus génial des scores du 7ème Art.

     

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    Mais Jerry Goldsmith, ce furent aussi souvent des musiques magnifiques composées pour des films pas forcément tous bons…

    La trilogie de « La Malédiction » avec le fameux Damien, l’Antéchrist, en est le parfait exemple. Car ce ne sont pas forcément des chefs d’œuvre impérissables. Et ces succédanés s’inscrivent plutôt dans la vague opportuniste des films de l’époque qui ont surfé sur le carton mondial de « L’Exorciste ». Il n’en reste pas moins que même si les trois films sont moyens, ce que Jerry Goldsmith a composé pour les habiller nous fait véritablement tomber à la renverse.

    Si vous écoutez les trois scores dans l’ordre chronologique, vous vous apercevrez qu’ils recèlent en eux une logique musicale propre, qui rappelle à certains égards de grandes œuvres classiques, comme dans une symphonie, lorsque l’orchestre se déploie petit à petit pour finir par exploser, alliant la puissance des choeurs au gigantisme du son. Le célèbre thème principal « Avé Satani », scandé par ces chœurs lugubres, en dit long sur la ferveur et le premier degré qui habitaient le compositeur de « Outland ».

    En évoquant le grand Jerry Goldsmith, ce que l’on gardera en mémoire, au-delà de ses compositions mythiques, c’est évidemment cette faculté à sans cesse se renouveler, cette puissance musicale inimitable (« La Momie », « Total Recall », « Capricorn One »), ses inventions (« Logan Run », « The Illustrated Man »), ses fulgurances pour le Space Opera (« Star Trek », « The Last Starfighter », « Explorers ») et un souffle romanesque inégalable (« Chinatown », « L.A. Confidential », « Medecine Man »).

    En substance, l’infatigable inspiration d’un génie discret, artisan magique tant au service des films que des oreilles mélomanes… Et au vue des œuvres composées et de cette facilité à réinventer les poncifs, tout en les sublimant, Goldsmith volait décidément bien au-dessus de la mêlée.

     

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