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  • Jean-Loup Dabadie, l’horloger de nos cœurs

     

     

    Comme dans la loi des séries, l’effet domino, ou finalement pour une simple question générationnelle, dimanche dernier, c’était au tour de Jean-Loup Dabadie de partir…

     

    Partir loin ? Non, juste la première à droite et puis tout droit et ensuite à gauche, oui, là, cette grande maison avec le jardin. On pousse la grille en fer forgé, puis on traverse une allée bordée d’un parterre de fleurs. Il y a la porte d’entrée restée ouverte pour l’occasion ; « rentre ! On est là, dans la cuisine. C’est plus grand pour mettre la table. on est trop nombreux ». Ils sont tous attablés. Claude, Yves, Lino, Philippe, Michel, qui vient juste d’arriver lui aussi, et puis l’autre Claude, Jean et encore Yves… Oui, ils sont tous là, à manger, boire et surtout bien se marrer.

    Jean-Loup Dabadie était ce dialoguiste précieux, à la hauteur de sa pudeur naturelle et de son humilité. Il a fait parler au cinéma des personnages plus vrais que nature, débordant d’humanité et de justesse. Toujours en essayant d’être au plus près de la vérité, il a confectionné, sans que l’on en voit les ficelles, des échanges pourtant simples mais qui sont devenues des évidences et des modèles du genre.

    Toujours loin de l’emphase et des effets d’épate, Jean Loup Dabadie a su marquer durablement le paysage du cinéma français, par ses saillies tour à tour drolatiques ou émouvantes, parce qu’elles ont toujours sonné vrai.

     

    « C’est toujours mieux entre copains. on se sent moins seul, moins con… »

    Et puis nous qui restons là dans notre coin, à les voir ainsi un à un disparaître, tous ceux qui nous ont tellement apporté en humanité, en évidence, en douceur et en joie. Jean-Loup Dabadie, ce dialoguiste hors pair, ce ciseleur, ce peintre impressionniste, le psy que l’on aurait voulu connaître, pour apaiser nos névroses. Jamais plus, jamais moins, jamais trop, juste là, posé, à peine, simplement, évidemment, inconditionnellement.

     

    « Ce n’est pas ton indifférence qui me tourmente, c’est le nom que je lui donne, la rancune, l’oubli. David, César sera toujours César, et toi, tu seras toujours David, qui m’emmène sans m’emporter, qui me tient sans me prendre et qui m’aime sans me vouloir… » 

    Voilà, c’était aussi ça, Jean-Loup Dabadie…

     

     

     

  • Vladimir Cosma, la petite musique de notre enfance

     

     

    Cette enfance… Pour toutes celles et ceux qui ont grandi, biberonnés à Pierre Tchernia, Jacques Rouland et leurs émissions « Monsieur Cinéma » puis « Mardi Cinéma », « La Séquence du Spectateur » ou « Le Film du Dimanche Soir », dont le jingle en préambule, composé justement par Cosma, déroulait une musique aux accents disco et tonitruants, avec ces étoiles qui semblaient traverser la lucarne du téléviseur et annonçaient une super soirée en perspective… Cette enfance avait ce parfum doux et sucré qu’ont les desserts et la crème fouettée.

     

    Car ces émissions constituaient des rendez-vous incontournables, en mettant à l’affiche tous ces films populaires et grand public sortis à cette époque bénie. Tout au plus une quinzaine d’années, comme une parenthèse enchantée, durant laquelle Jean-Paul Belmondo, Pierre Richard et Louis de Funès tenaient invariablement le haut du pavé. Chacune de leurs apparitions au cinéma, puis à la télévision, attirait ainsi les foules dans les salles ou devant leur poste. Des noms qui devenaient magiques, à leur seule évocation par les speakerines ou Michel Drucker…

    « Les Aventures de Rabbi Jacob », « L’Aile ou la Cuisse », « L’Animal », « Le Distrait »… On se souvient de tous ces films, qu’ils eussent été bons ou médiocres, déjà pour leur générique ; une musique, un ton, ces mélodies accrocheuses dès la première écoute, et souvent le même nom derrière toutes ces compositions : Vladimir Cosma. Avec ces films, c’était toujours la promesse d’une fête, d’une irrésistible joie conférée, un moment où notre rire devenait un antidote.

     

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    Vladimir Cosma, violoniste d’origine roumaine, issu de surcroît d’une grande famille de musiciens, aurait pu se contenter d’exercer une activité plus prestigieuse et surtout moins hasardeuse… Il avait en effet entamé sa carrière comme compositeur-musicien, avec déjà à son actif un certain nombre de contributions tant au classique qu’au jazz. Mais en 1968, Yves Robert le sollicite pour composer la musique de son nouveau film, « Alexandre le Bienheureux », d’abord proposée à Michel Legrand, que celui-ci décline finalement, trop accaparé par moult autres projets ; Michel Legrand, qui jouissait déjà à l’époque du même prestige que des Georges Delerue ou Antoine Duhamel

    Pour Vladimir Cosma, il s’agit bien à ce moment précis de prouver beaucoup, au risque de tout perdre. Ce qui frappe, à la première écoute du score de ce film avec Philippe Noiret et Marlène Jobert, c’est que Cosma s’inspire assez des musiques de Michel Legrand et du chemin créatif que ce dernier aurait probablement emprunté pour illustrer les images du film. Le ton romanesque, positif et clair de la musique de cet « Alexandre le Bienheureux » rappelle en effet immédiatement d’autres partitions du compositeur d’« Un Été 42 », « Les Mariés de l’An II » ou « La Vie de Château ».

    Mais lorsque Michel Legrand puise souvent dans le jazz et s’avère toujours plutôt audacieux dans ses créations, Vladimir Cosma préfère quant à lui miser, dans le cadre de cette première expérience pour le cinéma, sur un certain classicisme, avec des tonalités vives, simples et fraîches comme le cour d’un ruisseau.

     

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    « Alexandre le Bienheureux » marque en tout cas le début d’une collaboration fructueuse entre Cosma et Yves Robert, qui durera autant qu’ils s’apprécieront. « Clérambard », « Le Grand Blond avec une Chaussure Noire », « Salut l’Artiste », « Un éléphant ça trompe énormément », « Nous irons tous au paradis », « Courage, Fuyons », « Le Bal des Casse-pieds », « La Gloire de mon Père », « Le Château de ma Mère », autant de films qui scelleront l’amitié entre les deux compères. Mais « Alexandre le Bienheureux » marque surtout, pour celui qui commença par écrire des partitions pour Chet Baker ou Marie Laforêt, des débuts prometteurs dans la composition de musique de films, avec plus de 300 œuvres au compteur cinquante ans plus tard.

    Longtemps cantonné au simple rôle d’aimable illustrateur de comédies familiales sans réel relief, Vladimir Cosma, qui deviendra également le compositeur attitré de Francis VeberLe Jouet », « La Chèvre », « Les Compères », « Les Fugitifs », « Le Dîner de Con »…), a pourtant excellé dans bien d’autres registres que celui de la seule comédie. Car nous avons vite oublié ou sommes simplement passés à côté de bon nombre d’œuvres aussi différentes les unes que les autres. Mieux prêter l’oreille, c’est alors se rendre compte de la grande diversité dont il a pu faire preuve tout au long de sa carrière, mais aussi de cette propension à toujours se réinventer.

     

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    Pour s’en convaincre, dès 1973, avec le film « L’Affaire Crazy Capo » (avec Maurice Ronet et Jean-Pierre Marielle), Vladimir Cosma compose la musique d’un polar fiévreux, d’une telle qualité intrinsèque que son intérêt dépasse de loin celui du film même. Au premier abord, en ignorant qu’il en est l’auteur, on pensera plutôt à Ennio Morricone, voire même à John Barry. C’est pour dire si l’aisance naturelle de Cosma s’affiche éhontément sur ce film, avec une orchestration ample que l’on retrouvera dans bien d’autres musiques de films qu’il composera, comme pour « Le Jaguar » de Francis Veber. Là encore, son travail sur l’écriture ou sur la direction d’orchestre supporte aisément la comparaison avec ses illustres confrères.

     

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    Si Vladimir Cosma enchaîne dans les années 70 et 80 tous les grands succès publics du cinéma français, avec des mélodies plus ou moins inoubliables et des collaborations à répétition avec Edouard Molinaro, Pascal Thomas et surtout Claude Zidi, il ne faut cependant pas occulter les musiques qu’il compose également pour la télévision (génériques de feuilletons, téléfilms et émissions).

    Dès 1969, le compositeur rentre ainsi dans le cercle très fermé des compositeurs de musiques de films à succès. Et c’est d’ailleurs lui qui ouvre les portes d’un nouvel univers avec l’avènement des années 70. Il va y régner de manière quasi monopolistique. Un règne sans partage… Sa musique deviendra un genre en soi, immédiatement reconnaissable.

    En 2010, François Ozon (réalisateur français entre autres de « Huit Femmes », « Sous le Sable », « Grâce à Dieu »…) n’hésite pas à demander à son compositeur Philippe Rombi de lui écrire pour les besoins de son nouveau film « Potiche » une musique et des arrangements que Vladimir Cosma aurait très bien pu composer lui-même à l’époque où se situe l’histoire du film. Dès le générique, lorsqu’on aperçoit Catherine Deneuve faire son footing dans une forêt et que retentissent les premiers accords de la mélodie, avec le sifflement, on est persuadé qu’il s’agit d’un emprunt, extrait tel quel d’un film que Vladimir Cosma aurait illustré musicalement.

     

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    Vladimir Cosma a bel et bien créé un courant musical spécifique qui s’impose tout au long de ces années 70 ainsi que sur une partie des années 80, comme ce fut déjà le cas dans les années 60 avec Raymond Lefèvre ou Gérard Calvi, compositeurs des musiques de certains des plus gros succès de la décennie, entre « Les Grandes Vacances », « Le Gendarme de Saint-Tropez » ou « Le Petit Baigneur » ; que des comédies populaires avec à l’affiche l’indéboulonnable Louis de Funès. Sauf que pour tous ces films, ils sont en fait plusieurs à se partager le gâteau : Lefèvre, Calvi, évidemment, mais encore Jean-Michel Defaye, Georges DelerueLe Corniaud ») ou Alain Goraguer.

    Vladimir Cosma, quant à lui, ne partagera pratiquement rien. Sa filmographie est hallucinante, lorsque l’on se met à égrener la liste de tous les réalisateurs qui ont loué ses services pour un ou plusieurs films, toutes générations confondues. On peut ainsi citer Gérard Oury, Ettore Scola, Jean-Jacques Beinex, Yves Boisset, Claude Pinoteau et Jean-Pierre Mocky, avec qui il travaillera sur la quasi totalité de tous ses derniers films, et ce depuis les années 90. A noter que ce sont à chaque fois des univers et des films différents.

    On peut s’arrêter un instant sur le diptyque d’Yves Robert, constitué des deux adaptions consécutives de livres de Marcel Pagnol. Pour ces deux films, Cosma convoque toute l’entièreté de son talent et de son imagination, dans le but de concevoir une œuvre symphonique qui existe en tant que telle. Sa musique y regorge ici de prouesses et d’envolées d’une très grande richesse mélodique. Les thèmes au piano y sont magnifiques. Pour le deuxième film, l’accent est d’ailleurs encore davantage porté sur la mélancolie. Le thème principal avec en fond le son des cigales est un pur bonheur musical. C’est sans nul doute l’œuvre de Vladimir Cosma la plus accomplie.

     

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    À propos de mélancolie… Si on prend le temps d’écouter (ou de réécouter…) ces musiques, qui pour la plupart d’entre elles ont marqué notre enfance, telles des bornes, des repaires jalonnant une époque où tout nous semblait forcément plus léger et primesautier, nous ressentirons alors une impression diffuse, qui semblait nous avoir échappé de prime abord dans ces temps doucereux.

    Je vous parle de cette mélancolie sourde… Car même sous des dehors rutilants et enlevés, très souvent, les mélodies du compositeur du « Père Noël est une ordure » sont conçues comme des mini-symphonies ou de petits concertos, avec un premier mouvement enjoué (allegretto) puis une seconde partie plus nuancée (adagietto), adoucie, durant laquelle on ressent comme un léger pincement. C’est là toute la force et surtout la longévité que l’on accorde aux créations de ce compositeur, forcément empreint de culture slave.

    À l’instar d’un Morricone, d’un Barry ou des autres grands compositeurs français (François de Roubaix, Michel Magne, Georges Delerue…) ayant reçu tous les lauriers car leur musique était jugée plus ambitieuse ou bénéficiant d’une plus grande exposition à l’international, Vladimir Cosma n’a pourtant pas démérité, dans ses perpétuelles recherches et remises en question.

    Certes, beaucoup de ses musiques garderont toujours ce parfum suranné et un peu toc, surtout lié aux films qu’elles illustraient, mais il n’empêche que Vladimir Cosma est rentré dans notre ADN comme un composant chimiquement pur, qui nous a préservés d’une certaine arrogance, d’un certain instinct de supériorité, soucieux de sentiments à transmettre et du travail toujours bien fait.

     

     

     

  • Michel Piccoli, 94 ans de vie

     

     

    Presque cent ans… Et dire que c’est à peine suffisant pour y faire entrer toute la carrière hors normes de Michel Piccoli. Car il aura tout joué, tout essayé, lui qui a autant embrassé la scène que les plateaux de cinéma, aura toujours su choisir les projets qui le motivaient le plus.

     

    Exigeant et politiquement engagé, sans pour autant mettre sans cesse en avant ses accointances, Il préférait laisser ses rôles et ses personnages s’en charger. D’une élégance rare, Michel Piccoli symbolisait cette génération d’acteurs français nés avant la guerre, entre tact et intelligence ; ce mélange subtil de génie et d’humilité. Car rien ne l’amusait plus que de brouiller les pistes et faire affleurer les fêlures humaines, les zones d’ombre, ces moments où tout bascule.

    Michel Piccoli avait tant de génie en lui qu’il pouvait se glisser dans tous les rôles avec la même grâce. Au théâtre, son domaine de prédilection, là où beaucoup se sont cassé les dents en ânonnant leur texte, lui pouvait être aussi bien le Roi Lear, Léonid dans « La Cerisaie » ou bien Hippolyte dans « Phèdre », avec toujours cette même constance, cette incroyable facilité à s’exprimer et passer des classiques aussi sublimes que difficiles.

    Au cinéma, Michel Piccoli n’était pas le héros flamboyant, celui qui pourfend, qui fonce et qui retombe sur ses pieds, non… Il n’était pas non plus celui que l’on croit reconnaître au détour d’un mot, d’une phrase. Il était plutôt celui qui ne cesse de surprendre et de désarçonner. Celui par qui le doute arrive. Il incarnait cet être pourtant robuste, fort, mais qui tangue puis s’effondre, parce qu’il n’est qu’un homme, finalement. Piccoli n’a en fait jamais été aussi beau que lorsqu’il échouait, qu’il se trompait…

    Très souvent, il interpréta des personnages tortueux, bizarres, malsains ou capables de colères blanches fulgurantes. Piccoli était celui que l’on adorait détester. Une sorte de méchant domestique… Chez Sautet, il fut tour à tour une ordure, un pervers manipulateur qui finit par s’enferrer lui-même dans le piège qu’il avait tendu à Romy SchneiderMax et les Ferrailleurs »), un salaud pathétique (« Vincent, François, Paul et les Autres »).

    « Vincent, François, Paul et les Autres » et cette inoubliable scène du gigot qui symbolise tant la France d’alors et ces personnages pleins de contradictions que campait si bien Piccoli, un homme lâche qui doute dans « Les Choses de la Vie » et « Mado », ou bien juste une voix fugace mais chaleureuse à la fin de « César et Rosalie » : « Ils prirent des avions, ils prirent des trains… ».

     

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    Chez Godard, Buñuel, Varda ou Ferreri, il aima prendre des risques en épousant complètement le projet des films (« Le Mépris », « La Grande Bouffe », « Belle de Jour »).

    Parmi ses rôles au cinéma les plus emblématiques, il est également Bertrand Malair, ce personnage mémorable, inquiétant, envahissant et tyrannique dans « Une Étrange Affaire » de Pierre Granier-Deferre. il y interprète le nouveau patron de Gérard Lanvin. Un de ces rôles faits sur mesure pour l’acteur du « Prix du Danger ». Dans cette étrange affaire, chacune de ses apparitions, chacun de ses mots, se dégustent comme un fruit rouge un peu acide ou un vin de Pinot Noir. On ne se lasse pas de chacun de ses échanges, du moindre de ses gestes ou de ses sourires. Et cette voix avec laquelle il savait jouer et dont il savait moduler le timbre pour rendre encore plus inquiétants les personnages qu’il incarnait.

     

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    Il s’amusera d’ailleurs de ce genre de personnages, au point de presque en faire sa marque, sa griffe, surtout vers la fin de sa carrière. On se souvient de ses deux seules scènes marquantes dans « Rien sur Robert » de Pascal Bonitzer en 1998 où il donne la réplique à un Fabrice Luchini terrorisé devant cet ogre, sorte de démiurge des milieux littéraires parisiens, entouré d’une cour de flagorneurs, qui joue avec les mots et la peur de ses victimes.

    On pourrait alors lui trouver un équivalent féminin en la personne d’Isabelle Huppert, tant les deux acteurs ont toujours su jouer pleinement avec leur corps, le son de leur voix. Des comédiens complets et caméléons qui se rejoignent également sur leur goût prononcé pour les planches et le terrain de l’étrangeté des rapports humains.

    Enfin, Michel Piccoli, qui aura interprété tant de personnages exigeants, complexes, jusqu’à un pape qui renonce à le devenir, n’était certes pas le comédien préféré de tous. Il renvoyait cette image un peu détestable forcément, un peu convexe et avare en représentation publique et effusions d’usage. Sa prose était précise et concise, tout le contraire de certains qui se répandent et dont la faconde déborde bien inutilement pour combler le vide.

    Michel Piccoli nous a donc quittés à 94 ans. Une vie sacrément pleine et où pourtant rien ne dépasse… Il a joué les plus grands textes mis en scène par des metteurs en scène audacieux et inspirés, tourné avec des réalisateurs éclectiques, différents et passionnés.

    S’il ne devait en rester qu’un…

     

     

    Et pour finir… C’est quoi, Michel Piccoli ? (Arte, janvier 2017)

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  • Florent Touchot et sa petite musique

     

     

    Artiste plasticien et photographe, Florent Touchot travaille le papier, la matière brute et urbaine, mais aussi le plexiglass qu’il utilise comme support photographique. Ses pièces sont exposées en France, en Chine, aux Etats-Unis, en Angleterre ou encore en Allemagne.

     

    Florent Touchot trouve son inspiration dans la diversité et le mouvement incessant de la vie urbaine. Ses sujets de prédilection : les perspectives du métro aérien parisien, les gares, l’architecture française, les rues de Paris, Marseille et New York, mais aussi les icônes pop. Ses créations sont influencées par la culture urbaine et populaire, entre tradition et modernité.

    Sa technique de création est mixte, entre collage, marouflage, photographie et acrylique sur toile. Florent Touchot utilise comme base des morceaux d’affiches récupérés dans le métro parisien, les brocantes ou directement sur les murs de Marseille et Paris, au gré de ses déambulations.

    Son travail consiste ensuite à superposer ces compositions de collage avec des tirages photographiques sur plexiglass. Son approche novatrice allie le « désordre » des morceaux de lacérations urbaines extraits de leur « milieu naturel » à la rigueur de la composition de l’image photographique.

    L’univers de Florent Touchot est dynamique et coloré. En arrachant les couches de papier au fil de ses pérégrinations urbaines, il dévoile des histoires, ses histoires… On entre dans le coeur même de l’œuvre, par un jeu de reflet et de transparence. La profondeur des superpositions, entre publicités froissées, grattées, déchirées, sculptées afin de leur donner un relief, une dynamique visuellement cohérente et les impressions photographiques, se trouve accentuée par le noir sur des plaques de plexiglass.

    C’est alors qu’apparaissent des jeux d’optique, d’ombre et de lumière sur les murs de la ville, qui mettent à l’épreuve notre propre ressenti comme nos souvenirs les plus enfouis. On y retrouve des sensations, des images, des couleurs, des typographies, des mots et des souvenirs familiers, mis en scène et partagés par l’artiste. Les toiles de Florent Touchot parlent à chacun de nous et nous offrent une vision chaotique dans laquelle l’ordre se fait finalement au gré de notre mémoire personnelle et intime.

    Nous ne pouvions pas évoquer le travail de Florent Touchot sans préciser qu’aujourd’hui, les expositions sont annulées, les salons repoussés et les ateliers fermés. Il ne reste donc que le web pour offrir de la visibilité aux artistes. La situation que nous connaissons depuis deux mois est inédite. Alors saisissons cette occasion unique de nous arrêter un moment, de prendre un peu de recul et de repenser à ce qui constitue les fondamentaux de notre vie, entre famille, nourriture du corps comme de l’âme…

    Certes, une oeuvre d’art, quelle qu’elle soit, n’a jamais changé le monde, mais elle participe à notre équilibre intérieur. Eh oui, évidemment, lorsque les temps sont durs et que nous ne sommes pas le patron de LVMH, nous pouvons être réticents à nous offrir une oeuvre qui nous murmure à l’oreille, à chaque fois que nous la voyons, mais ça ne nous empêche pas de donner tout l’écho possible à l’artiste qui l’a créée.

    Jusqu’au moment où, dans des jours meilleurs, nous ne sommes (évidemment…) toujours pas le patron de LVMH, mais nous décidons néanmoins de nous lancer, car nous avons besoin des artistes, ceux qui nous susurrent leur petite musique à l’oreille, comme ils ont besoin de nous, dans des périodes troubles comme celle que nous connaissons aujourd’hui… Après tout, une oeuvre nous est probablement plus essentielle que vingt jeans estampillés « Made in Bangladesh » à 135 euros pièce chez G Star, vous ne pensez pas ?

     

    « Sous la plume, sous le pinceau, sous le burin, toute vérité se réduit seulement à une vérité artistique. » (Romain Gary)

     

     

    « Orchestration » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (100 x 100 cm)

     

    « Lacérations Parisiennes » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (100 x 100 cm)

     

    « Ciel de Traîne » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (100 x 100 cm)

     

    « Brut » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (130 x 89 cm)

     

    « Matts Grill » (Pièce unique, 2020) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (130 x 97 cm)

     

    « Smith’s Bar » (Pièce unique, 2017) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (65 x 92 cm)

     

    « Piccadilly Circus » (Pièce unique, 2020) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (130 x 89 cm)

     

    « Fifth Avenue » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (89 x 130 cm)

     

    « Au Revoir Paris » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (92 x 60 cm)

     

    « Départ en Vacances » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (130 x 81 cm)

     

    « London Eye » (Pièce unique, 2020) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (89 x 130 cm)

     

    « La Tamise » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (81 x 130 cm)

     

    « Un Pez » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (60 x 92 cm)

     

    « Coca » (Pièce unique, 2017) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (46 x 33 cm)

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

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  • Romain Gary : La Promesse de l’Aube (1960)

     

     

    Le 29 avril 1960, il y a soixante ans, paraissait le chef d’oeuvre de Romain Gary : « La Promesse de l’Aube ». L’auteur aux deux prix Goncourt et aux multiples identités se donnait la mort vingt ans plus tard, en 1980.

     

    Ce récit coïncide sur bien des points avec ce que l’on sait de l’auteur des « Racines du Ciel », et Romain Gary s’est expliqué là-dessus : « Ce livre est d’inspiration autobiographique, mais ce n’est pas une autobiographie. Mon métier d’orfèvre, mon souci de l’art s’est à chaque instant glissé entre l’événement et son expression littéraire, entre la réalité et l’œuvre qui s’en réclamait. Sous la plume, sous le pinceau, sous le burin, toute vérité se réduit seulement à une vérité artistique ».

    Le narrateur raconte son enfance en Russie, en Pologne puis à Nice, le luxe et la pauvreté qu’il a connus tour à tour, son dur apprentissage d’aviateur, ses aventures de guerre en France, en Angleterre, en Éthiopie, en Syrie, en Afrique Équatoriale… Mais il nous raconte surtout le grand amour que fut sa vie. Cette « promesse de l’aube » que l’auteur a choisie pour titre est une promesse dans les deux sens du mot : promesse que fait la vie au narrateur à travers une mère passionnée ; promesse qu’il fait tacitement à cette mère d’accomplir tout ce qu’elle attend de lui dans l’ordre de l’héroïsme et de la réalisation de lui-même.

    Le caractère de cette Russe chimérique, idéaliste, éprise de la France, mélange pittoresque de courage et d’étourderie, d’énergie indomptable et de légèreté, de sens des affaires et de crédulité, prend un relief extraordinaire. La suprême preuve d’amour qu’elle donne à son fils est à la hauteur de son cœur démesuré. Mais les enfants élevés par ces mères trop ferventes restent toujours, dit l’auteur, « frileux » de cœur et d’âme, et chargés d’une dette écrasante qu’ils se sentent incapables d’acquitter.

    Rarement la piété filiale s’est exprimée avec plus de tendresse, de sensibilité, et cependant avec plus de clairvoyance et d’humour. Et rarement un homme a lutté avec plus d’acharnement pour démontrer « l’honorabilité du monde », pour « tendre la main vers le voile qui obscurcissait l’univers et découvrir soudain un visage de sagesse et de pitié ».

    A redécouvrir d’urgence…

     

    Source : Gallimard

     

    Romain Gary : La Promesse de l'Aube

     

     

     

  • Le 11 Mai by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : Le 11 Mai.

     

    … Alors qu’hier après-midi, il faisait beau et chaud, je profitais de mon heure allouée pour promener mon chien. Ah non, je n’ai pas de chien, c’est vrai… Bon, reprenons. Je profitais de mon heure allouée pour faire un peu de footing… bah non, non plus, j’ai horreur de courir boudiné dans un pantalon de jogging et encore moins de devoir arborer cette tête hyper concernée par l’entretien de mon corps et de ses fonctions vitales. J’allais travailler, peut-être… Que nenni.

    Bon, je reprends… Alors que muni de mon attestation remplie, signée, certifiée sur l’honneur, croix d’bois, croix d’fer, si j’mens j’mange des vers de terre, je profitais de cette heure consentie pour faire un plein de courses et remplir à ras bord mon caddie de produits de première nécessité et de survie (principalement 16 paquets de papier essuyage de fesses triple épaisseur et parfumé au jojoba, 20 kilos de pâtes Barillazani et riz Oncle Benjamin, une palette de Choco BN, environ trois tonnes de yaourts en tous genres et fromage blanc au lait de cactus), tout cela en respectant un mètre de distance avec mes congénères dans la file d’attente, ainsi que partout dans les rayons, malgré le masque ffp3, les gants, la combinaison étanche, les lunettes et un comportement encore plus hostile et agressif envers mon prochain qu’en temps normal.

    Car oui, je vis à Paris et le Parisien a l’impression qu’est enfin arrivé le Jour J tant attendu où il peut montrer toute l’étendue de son talent, à savoir être une sacré tête de c*bip*n, mais en pire encore… Avant toute cette histoire de grippette qui aurait rencontré Hulk, ça n’était qu’une répétition, un entrainement, en perspective de ce fameux grand jour où il pourra enfin être un super gros co*bip*ard égoïste et l’assumer pleinement, eu égard aux circonstances. Quel bonheur !

    Mais ça n’était pas ça non plus, car j’avais déjà fait des courses la veille… Mon frigo et mes placards étaient pleins à craquer et je pouvais tenir ainsi aussi longtemps que tous les sièges d’Arras mis bout-à-bout. Bon alors, c’était quoi, au juste, la raison impérieuse qui pouvait justifier cette sortie ? Non rien, juste une petite ballade… Une simple marche tranquille sur les trottoirs de mon quartier, afin de respirer à pleins poumons un air moins chargé en particules fines et en gaz carbonique, entendre davantage les oiseaux qui chantent le printemps, sentir le soleil sur ma peau.

    Tout cela évidemment en prenant soin de m’écarter dès que je voyais un autre quidam comme moi arriver en face, tout en feignant de l’ignorer ; il l’a ? Il l’a pas ? Je ne sais pas pourquoi mais… mais je suis sûr qu’il l’a ! Je le sens ! Mais moi, d’ailleurs, l’ai-je ? Je ne sais pas, je n’ai pas encore été testé. Le serai-je un jour ? Et merde… Mais alors, comment va-t-on savoir ? Il n’en reste pas moins que tous ces potentiels contaminés, je ne pouvais m’empêcher de les regarder de manière suspicieuse, ces quelques rares passants qui me frôlaient pourtant… de bien deux mètres, m’sieur le commissaire ! Car j’étais même à deux doigts d’aller les dénoncer aux forces de l’ordre, pour qu’ils se prennent une prune à 135 euros dans leur face, tous ces fils de p*bip*e. Je suis sûr qu’ils trichent, comme moi. Salauds de confinés !

    Mais c’est alors que je me voyais soudain submergé par une vague de panique, de doute, de que sais-je encore, et me voilà rebroussant chemin, gravissant les marches quatre à quatre pour remonter chez moi, dans mon nid d’aigle ; le seul lieu sûr que je connaisse, finalement, cet idéal, ce bunker où je suis peut-être en train de vivre les derniers jours du monde. Haletant, je claque la porte et je m’enferme à double tour. J’ouvre mes placards et mon frigo, certes pour me rassurer, mais aussi pour évaluer combien de temps je peux tenir avant de devoir ressortir, slalomer entre les dangers potentiels, tandis que dehors, le Covid-19 choisit arbitrairement ses prochaines victimes (toi j’t’aime, toi j’t’aime pas, toi j’t’aime, non en fait, j’t’aime pas… allez, tiens, toi, toi, toi pis toi ! euh… moi ?)

    Pour faire un point précis sur ma situation, je me mets à compter très précisément le nombre d’objets dont je dispose dans mon bunker, dans le but d’évaluer au mieux la durée potentielle de mon autarcie culturelle… Avec mes milliers de DVD, auxquels on peut ajouter les fichiers de films qui attendent sagement sur mes nombreux disques durs externes ainsi que la flopée de séries en réserve (tiens, je pourrais me faire « L’Homme de Picardie » ?!), je calcule rapidement que je devrais pouvoir encore tenir comme ça jusqu’en 2029… Cette dernière pensée me rassure quelques instants, avant de muter insidieusement en vision cauchemardesque (à moins que ça ne soient les histoires d’écluses et Christian Barbier qui me foutent les boules, je ne sais pas…)

    Le confinement, confiner, confit… Cuisse de canard ?? Café, décaféiné, déconfinement… Je déconfine, tu déconfines, nous déconfinons, ils déconfinaient… Que je déconfinasse ? Un temps certain s’écoule avant que je parvienne à me calmer. je ferme les yeux et je relativise. Je me dis qu’il y a pire comme situation que la mienne, qui partage pour l’occasion ma quarantaine avec mon chat. Je pense à « celles et ceux » qui sont obligés de tenir le coup avec des personnes qu’ils ne supportaient déjà plus avant, mais qu’ils ne voyaient finalement que très peu dans une journée. Tous ces couples qui ne peuvent plus se blairer. Ces parents qui meurent d’envie de défenestrer leur progéniture… Oui, tous ces êtres mis pour la première fois dans un contexte inédit, seuls face à leurs pires travers, leurs plus grosses angoisses : les autres. Comme si d’un coup, toutes les pendules du monde se remettaient à l’heure et que les karmas sonnaient la fin de la récré…

    Heureusement, pour se rassurer et savoir où on en est, se succèdent sur les chaines d’information en continue, les mêmes spécialistes, les mêmes médecins, qui toutes les heures, et ça depuis le début de « ce petit pépin inopportun », viennent nous expliquer avec le plus grand des sérieux que tout est « blanc ». Le lendemain, les mêmes nous affirment désormais que c’est le « noir » qui prévaut. C’est alors que des fans du professeur Raoult, l’ayant confondu depuis le début avec Jeff Bridges période « Big Lebowski », viennent nous asséner  que ça n’est ni « blanc » ni « noir » mais plutôt « gris ».

    Là-dessus, v’la t’y pas que la porte-parole de notre cher gouvernement, Sibeth Ndiaye, pour ne pas la nommer, s’en mêle également ; une péronnelle utilisée comme pare-feu, qui vient nous gratifier de sa science infuse et de ses moues arrogantes, nous autres, sombres petites merdes fumantes, à qui on doit vraiment tout expliquer. D’ailleurs, à ce sujet, je me pose une question (en ces temps incertains, il nous vient à l’esprit de drôles de petits défis que l’on se lance à nous-mêmes…) : est-ce que je préférerais attraper le coronavirus (thiz iz ze rizzem of ze night, oh yeah !!) ou bien passer une seule journée dans le corps et l’esprit de la porte-parole de l’état (que ne nous envie pas le Sénégal, soit dit en passant…) ? Challenge intéressant, non ?

    Mais il nous reste un espoir ! Regardez dans le ciel ! It’s a bird ?!  No ! It’s a plane ?! No ! Superman ?! non plus, mieux ! It’s Emmanuel Macron (prononcez Immanouel Macwon) ! On se régale d’ailleurs de chacune de ses (loooongues…) interventions à base de prompteur et de mine contrite. On s’abreuve de ses mots qu’il aime tant prononcer en suivant à la lettre chaque phrase qui défile devant ses yeux vides, pour nous rassurer, nous cajoler. On se souvient du désormais célèbre « nous sommes en guerre », c’est la merde, c’est la chiasse, c’est pas d’bol, c’est pas moi c’est lui…

    Mais… Mais pourtant, tout est sous contrôle, Emmanuel a tout prévu ou presque, car à défaut de masques qui seraient tous partis sur la lune en 1969 avec les gars de la mission Apollo 11, de tests et d’idées, il nous dit que tout est néanmoins verrouillé et que même pas le petit Poucet ne sera laissé de côté, dans cette bataille qu’il livre seul contre l’ignoble virus ! Pardon ? Ah oui, avec bien-sûr aussi le personnel de santé qui file quand même un petit coup de main. Tous ces soldats apparemment prêts à mourir pour le général en chef Immanouel Macwon.

    Après le « nous sommes en guerre » scandé façon général Patton, avec en décor de fond un hôpital militaire sur le front de l’Est, le slogan super trendy est désormais « Le 11 mai »… Le 11 mai ! Le 11 mai… Le onzmèèè… Ça claque, ça pulse, ça déménage ! Je 11 mai, tu 11 mai, vous 11 mai… Que je 11 mai, 11 masse ?… 11 mai, le film (par les producteurs de « Youppie, tagada, tsoin tsoin !! »). 11 mai, The new Emmanuel Macron’s fragrance (prononcez fwaguince)… « 11 mai for her and him, Paris ». Le 11 mai, a new world, a new dimencheun (grosse voix de bande annonce de film américain)… Le 11, mais…

    … Oui bon, Emmanuel Macron, on l’aura compris, n’est définitivement pas Jupiter mais juste la lune, cet astre mort qui gravite autour de la terre (comme la France autour du monde). Cette lune qui nous fait entrevoir sa face pleine de cratères, sans atmosphère, mais autour de laquelle tous ces obscurs intermédiaires, experts, ministres et communicants (Pintard, Michonnet, Paimboeuf et Poulardin) lévitent en apesanteur. Allez, le 11 mai, fini le confinement, mais au-dessus de nos têtes, toujours et encore ces finement cons… Comme la lune ?

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

  • Luis Sepúlveda : « Raconter, c’est résister »

     

     

    « Raconter, c’est résister »… La vie de Luis Sepúlveda oscille entre ces deux actes, qu’il voulait aussi engagés l’un que l’autre. L’écrivain chilien, auteur du best-seller mondial « Le Vieux qui lisait des romans d’amour », est mort jeudi 16 avril du Covid-19, à l’âge de 70 ans.

     

    Il avait trouvé refuge à Gijon, paisible ville côtière des Asturies : vingt-trois ans que l’écrivain chilien y résidait avec son épouse, la poétesse Carmen Yanez, savourant ici plus qu’ailleurs, cette « tradition de lutte politique instaurée par les mineurs » et cet « esprit de fraternité » qui le rassérénait. Il rentrait d’un festival littéraire qui s’était tenu non loin de là, au Portugal, lorsqu’atteint d’une féroce pneumonie, le diagnostic est tombé, le 29 février dernier. A l’hôpital d’Oviedo, il a lutté pendant un mois et demi contre le coronavirus, avant de succomber à la maladie, jeudi 16 avril. Ce sera le dernier combat du révolutionnaire, qui avait arpenté d’autres terrains, autrement plus périlleux, minés ceux-là par les dictatures.

    De l’Espagne au Chili, on pleure « Le Vieux qui lisait des romans d’amour », titre de son premier succès planétaire, publié en 1992. Il n’était pas si « vieux », Luis Sepúlveda : il avait 70 ans. Et comme son héros, il avait vécu de bouleversantes découvertes : celle, dans sa jeunesse, de la forêt amazonienne et celle à ses vieux jours, de la lecture, puissant « antidote contre le venin de la vieillesse », assurait-il. Parce que « raconter, c’est résister », mantra emprunté au Brésilien Joao Guimaraes Rosa, des romans, il en écrira une vingtaine, traduits dans 50 langues et couronnés de prix, du Pégase d’or italien au prix chilien de la critique. En France, on l’avait nommé chevalier des Arts et des Lettres.

     

    La voix des oubliés

    Ses « romans d’amour », il les dédie d’abord à son pays, le Chili. Il a beau l’avoir quitté en 1977, contraint à l’exil, il ne perdra rien de son militantisme : menant des actions au sein de la Fédération internationale des droits de l’homme et portant dans ses romans la voix des oubliés. Toujours ces mêmes héros fragiles et vacillants, brisés par l’histoire et l’exil, des perdants ou des vaincus qui, épris de rêves collectifs, refusent la défaite. Leur destin, leurs combats et désillusions n’ont rien de romanesque : c’est son vécu qu’il nous conte, lui qui sera, comme tant d’autres, condamné et torturé par le régime de Pinochet.

    Sa peine ? Vingt-huit ans de prison en 1973, pour « trahison » et « conspiration ». Son crime ? S’être rangé du côté du président Allende, dont il appartenait à la garde rapprochée. On critique, dans ses romans, son sensationnalisme ? Il l’assume. Chez lui, ça fait partie du processus créatif : « Je suis entièrement ému par l’histoire que je raconte, j’aime être très fidèle à mes personnages, tomber amoureux d’eux, car je sais que le lecteur, en lisant, ressentira une émotion très similaire à ce que je ressens en écrivant. Pouvoir partager ses émotions et ses sensations, c’est ce qu’il y a de plus beau dans la littérature », confiait-il.

     

    Le sentiment de l’exil

    Le sentiment de l’exil, ce natif d’Ovalle, qui se disait « profondément rouge » et qui avait rejoint à 12 ans les Jeunesses communistes, l’a hérité d’un grand-père anarchiste qui avait fui avant lui l’Andalousie. Dans ses veines coulait aussi le sang d’un chef indien, auquel il dédiera un roman, « Histoire d’un chien Mapuche », pénétré par son esprit de rébellion. En 1977, Amnesty International le sort au bout de deux ans et demi des sordides geôles de Temuco. Pas question d’accepter en échange cet exil de huit ans en Suède ; il gagne les territoires reculés de l’Amérique du Sud : l’Equateur, d’abord, où il monte sa compagnie théâtrale, avant de s’immerger en 1978 dans la vie des Indiens Shuars, sur lesquels il scrute pendant un an pour l’Unesco l’impact de la colonisation.

    De ses recherches sur les ethnies, il découvre les idiosyncrasies régionales, « le plus grand trésor de l’esprit humain », dira-t-il. Et puis, le Nicaragua où en 1979, il passe à la lutte armée aux côtés des Sandinistes de la brigade Simon Bolivar. Depuis l’Allemagne où il devient grand reporter, il embrasse une autre cause : l’écologie. Et c’est à bord d’un bateau de Greenpeace, sur lequel il embarque dans les années 80, qu’il alerte sur les désastres qui menacent notre planète. Son Moby Dick à lui, ce sera cette « Histoire d’une baleine blanche » qu’il publie en 2019.

    Reste qu’au Chili, il n’y retournera qu’après la chute de la dictature. Dans son recueil « Histoires d’ici et d’ailleurs », il dévoile ce cliché, dont il ne s’est jamais séparé : celui d’une bande de gamins de La Victoria, banlieue pauvre de Santiago, qu’il s’était promis un jour de réunir. Avec l’avènement fragile de la démocratie, c’est un autre pays qu’il retrouve, ravagé par les macs qui charcutent les jeunes filles au scalpel et par ces parvenus de millionnaires, escroqués par des Madoff en série.

     

    La lutte contre le fléau de l’oubli

    Tout a changé, sauf les visages de ses camarades qui portent à jamais les stigmates de l’horreur. Le pire fléau ? L’oubli, pour ce révolutionnaire, habité par la nostalgie des combats d’autrefois, consacrés à la défense des idéaux et de ce temps qui ne sera plus. Dans « L’ombre de ce que nous avons été », il faut les voir, ces anciens militants de gauche, sexagénaires, prêts à renouer, 35 ans après le coup d’Etat de Pinochet, avec l’action révolutionnaire.

    Le secret des lendemains qui chantent ? Pour ce poète et conteur hors pair, il est dans notre capacité à croire aux rêves. Relisez donc son « Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler », fable enchanteresse, vendue à 5 millions d’exemplaires et adaptée au cinéma. Il l’a écrite avec le cœur et les tripes, pour toucher, amuser et faire réfléchir.

     

    Article © Audrey Lévy pour Marianne

     

     

     

  • Histoire d’un Hit | Minnie Riperton : « Inside My Love »

     

     

    Minnie Riperton était une chanteuse de soul et une compositrice incroyable, qui nous quittait malheureusement beaucoup trop tôt, le 12 juillet 1979, à l’âge de 31 ans. Vous la connaissez évidemment pour son immense hit « Lovin’ You » sorti en 1975, mais ça n’est pas le morceau que nous avons choisi aujourd’hui.

     

    Notre choix s’est donc plutôt porté sur « Inside My Love », extrait de l’album « Adventures in Paradise » datant lui aussi de 1975 ; un morceau soulful à souhait qui traite… de sexe et d’amour charnel. Cette chanson nous raconte l’histoire de deux inconnus qui viennent tout juste de se rencontrer, et qui vont éprouver le besoin irrépressible de se connaître aussi intimement et intérieurement que deux êtres normalement constitués peuvent l’envisager.

    You can see inside me.
    Will you come inside me?
    Do you want to ride inside my love?

    Composée par Minnie Riperton, Leon Ware et Richard Rudolph, « Inside My Love » oppose clairement un texte plus qu’explicite et suggestif à l’innocence de la voix de son interprète. Minnie Riperton s’y fait pourtant chatte, langoureuse, tandis qu’elle vous susurre cet appel à l’amour au creux de l’oreille…

    Cette chanson est devenue un tel standard, qu’on ne compte plus les reprises ou les samples extraits du morceau, à commencer par Quentin Tarantino qui l’utilisait en 1997 dans sa B.O. de « Jackie Brown ». Mais aussi A Tribe Called Quest, 2Pac, Donell Jones, Aaliyah, pour ne citer qu’eux…

    En clair, si cette chanson ne vous donne pas envie d’allumer des bougies, d’ouvrir une bouteille de champagne et de vous glisser dans quelque chose de plus confortable et moelleux qu’un canapé Ikea… alors soit vous êtes sapiosexuel, soit vous devriez peut-être vérifier la qualité de vos enceintes.

     

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  • Christophe, parti pour une nuit éternelle

     

     

    Le chanteur Christophe s’en est allé… L’étrange univers qu’il avait façonné avec soin depuis des lustres, et qui mua sans cesse au fil de ses nouvelles chansons, reste unique, comme pourrait l’être celui de David Lynch au cinéma. 

     

    Traversant les surfaces, arrondissant les angles et faisant fi des lois de la gravité, les chansons de Christophe, à l’instar des films du réalisateur de « Lost Highway », se singularisent avant tout par le ressenti. En l’écoutant, quelque chose d’indéfinissable nous caresse et on le sent, puis ça nous prend par la main et nous emmène pour un voyage qui abolit les principes terrestres comme toutes les petites phrases.

    Christophe était le chanteur de l’air, même si lui aimait rouler la nuit dans des voitures de collection, pour ressentir le danger de la vitesse, être James Dean et se moquer de l’oubli. Une sensation vertigineuse et en même temps douce de flottement, de lévitation. Il aurait pu aussi piloter des avions et contempler le monde la nuit. Toutes les petites lumières au-dessous de lui…

    Mais Christophe, c’est surtout Daniel Bevilacqua, qui avec un nom pareil, tellement romanesque, tellement cinématographique, a préféré au début de sa carrière se choisir un prénom simple, pour s’exprimer d’abord comme chanteur « yéyé ».

    Plus ses albums prenaient de la hauteur et plus ses chansons devenaient des mantras pour nos nuits sans sommeil. Christophe, tel un chaman motorisé filant au volant de ses bolides sur les routes nationales, pendant que nous cherchions le sommeil, chantait de sa sinueuse voix, avec ce timbre de beau bizarre.

    La mélancolie en amulette autour du cou, la nostalgie telle une cape, portée un peu sur le côté ; celle de ces seigneurs nocturnes, un peu vampires, un peu mythos, qui hantent les bars et les lieux lambrissés. Des boules à facettes qui tournent et qui projettent leurs éclats sur des parquets vides, des murs jaunis par le tabac. L’éternel dernier soupirant à prendre congé, celui qui pleure sans discontinuer des amours évaporés ou chimériques. Toutes celles qu’il n’a pas eues ou qu’il a vues dans les bras des autres…

    Car c’est ce qu’il savait faire le mieux, laisser exalter ses chagrins et ses peines. Christophe était l’un de ces rares artistes dont les chansons nous travaillent et nourrissent notre imaginaire. Ce qu’il proposait, c’était d’abord des films mentaux, des expériences intimes et sensorielles qui impressionnaient la pellicule de nos esprits. D’un petit chanteur de variété cultivant une image de loser flamboyant, il s’était peu à peu construit celle d’une pop star venue d’un monde parallèle, jonché de juke box, de Cadillac bleu turquoise ou rose bonbon, de pin-up au goût de réglisse.

    Contrairement à David Bowie qui avait commencé sa carrière avec les frasques vestimentaires qu’on lui connaissait, affublé à outrance de make up et de teinture, pour ensuite devenir plus neutre, Christophe a pris le chemin inverse. Il a compris que c’est le mystère qui est le sel de toute chose et qui permet de tenir et de créer.

    L’éternel amoureux transi, le représentant ultime de tous les cœurs frêles, s’est éteint dans une chambre d’hôpital, loin de son monde secret et de ses repaires. C’est injuste et cruel, certes, mais cela lui confère désormais l’image du martyr, du saint, le patron des causes perdues et du cimetière des éléphants. Avec sa musique toujours plus sophistiquée, toujours plus hypnotique, ses allures de maître de la nuit, gardien de nos petits espoirs souffreteux et son talent à mille lieux d’un autre dernier des Mohicans, Alain Chamfort (un peu trop sage) ou encore Benjamin Biolay (un peu trop prévisible), Christophe a su décrire en faisant vaciller « Les Paradis Perdus », « La Dolce Vita », « Minuit Boulevard », « Le Héros Déchiré » ou « La Route de Salina ».

    Après Alain Bashung, vient de disparaître le dernier des dandys de la chanson française, le dernier des Bevilacqua…

     

    Dans ma veste de soie rose
    Je déambule morose
    Le crépuscule est grandiose
    Peut-être un beau jour voudras-tu
    Retrouver avec moi
    Les paradis perdus…

     

     

     

  • Retour sur « Art », la brillante comédie de Yasmina Reza

     

     

    L’art n’a pas de limite, n’a pas de fin et encore moins d’utilité pratique. Ce n’est plus à démontrer, la sensibilité dans l’art n’est que subjectivité, et la création balaie les dogmes et diktats d’un souffle intolérant et vertigineux. À l’art moderne succède l’art contemporain, cet obscur inconnu à la fois admiré et incompris, courtisé et rejeté.

     

    Né après 1945, l’art contemporain est plus que toute autre création éminemment insaisissable : 1994, Balloon Dog de Jeff Koons, une immense sculpture représentant un chiot qui semble gonflé à l’hélium, une boite de ketchup Heinz peinte par Warhol en 1962, des toiles aux allures d’inachevés d’Antony Gormley en 2000… L’art contemporain repousse sans cesse ses limites. Mais en a t-il vraiment ?

    En 1994, Yasmina Reza compose « Art », pièce phare de son œuvre qui rencontrera un succès international. Il faut tout d’abord vous imaginer un tableau blanc, entièrement blanc, avec des liserés blancs. Une toile donc, d’environ 1m60 sur 1m20, qui porte le nom d’Antrios.

    Yvan (Pierre Arditi), Marc (Pierre Vaneck) et Serge (Fabrice Luchini) sont trois amis de longue date. Dans un décor très sobre et minimaliste, Serge présente à Marc sa nouvelle acquisition de quelques 41.000 euros (200.000 francs à l’époque). Sceptique sur l’art et sur bien d’autres choses, Marc se moque de l’achat couteux de son ami qu’il qualifie de simple « merde blanche ». Serge, amoureux d’art, est étonné de sa réaction, car lui voit dans cette toile quelque chose « d’évident et de paradoxal ». Yvan, le troisième protagoniste, apparaît relativement tolérant, et s’avoue même ému par les couleurs du tableau, au grand dam de Marc. Ne connaissant pas le domaine de l’art, il demande la côte du peintre pour juger du prix. Bien qu’il reconnaisse la beauté de l’oeuvre, il n’y mettrait pas ce prix.

    Toute la pièce tourne ainsi autour de la sensibilité dans l »art, de la valeur d’une œuvre, du génie d’un artiste, et de l’absurdité que cela peut atteindre. Trois hommes représentent trois catégories de réactions face à l’art. Serge parle « d’une éducation à l’art », comme si le luxe d’apprécier ou non une œuvre n’était pas à la portée de tout le monde. Comme si l’art s’apprenait, se domestiquait. Le prix d’une œuvre n’est qu’un détail, c’est la réception qui fonde sa valeur. Pour lui, l’Antrios n’est pas blanc, mais bleu, rouge, jaune. Il voit plus loin que ce qu’il perçoit.

    Marc, ingénieur et rationnel, blâme son ami de l’hypocrisie hideuse dont il fait preuve en achetant l’Antrios et critique sa volonté de faire partie d’une élite artistique snob et ignorante. Marc dénonce le piège de l’art et de l’argent, la pédante idée de se prendre pour un collectionneur, la suffisance de Serge à vouloir leur faire croire qu’il aime profondément son tableau. Yvan, salarié dans une épicerie, se distingue de ses deux compères par son milieu social plus modeste et s’écrase face à ses amis bourgeois et aisés, qui évoluent eux dans un cercle plus intellectuel que le sien. Il ne nie pas être sensible au tableau, et trouve séduisante la poésie qu’il y a dans le fait même d’acheter une oeuvre si sobre et si neutre. Il décrit une certaine idée, insaisissable mais bien réelle derrière la création de l’Antrios.

    « Art » est une critique diffuse de l’art contemporain, et plus que tout de la beauté. Il y a une incompréhension profonde pour le prix si élevé d’une toile si simpliste. Cela voudrait-il dire que plus l’oeuvre est riche, plus sa valeur est grande ? Mais au final qu’est ce que la beauté ? Serge est amoureux de son tableau blanc dans lequel il voit une originalité sans précédent. Il parle même d’un chef-d’oeuvre conçu par un génie, une divinité qui s’élève au dessus des mortels. Le même débat encore et toujours sur la prépondérance de l’oeuvre ou de l’artiste. Si Picasso peignait un point bleu sur une toile blanche, le tableau aurait-il la même valeur que si n’importe qui en faisait de même ? Peut on considérer une toile blanche comme une création artistique à part entière, au même titre qu’un chef d’oeuvre intemporel de la peinture ?

    Le débat est ouvert…

     

    Photo à la Une © Christian Tiffet

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Art @ Theatrart