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  • Il y a 40 ans, Goldorak débarquait en France

     

     

    Goldorak, le célèbre robot de combat japonais, est apparu pour la première fois à la télévision française le 03 juillet 1978, dans l’émission « Récré A2 » sur Antenne 2.

     

    Lundi 3 juillet 1978, donc… Il est 16h sur le service public : ce jour-là, Antenne 2 lance une nouvelle émission d’été destinée aux enfants, « Récré A2 ». À sa tête, une jeune animatrice, Dorothée. La jeune femme n’est pas encore connue : elle n’est speakerine sur la chaîne que depuis un an, et c’est la toute première émission qu’elle présente.

     

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    Le programme de ce Récré A2 est marqué par l’arrivée d’une série animée inédite en provenance du Japon : « Goldorak ». Pour la première fois, la télé française propose un produit issu de la culture manga. Jusqu’ici, les programmes pour enfants étaient des productions françaises (« Chapi Chapo », « Bonne Nuit les Petits », « L’Ile aux Enfants »…) ou importés des Etats-Unis (« La Panthère Rose », « Félix le Chat », « Casper »…)

    « Goldorak », le dessin animé devenu culte, est adapté de l’oeuvre du dessinateur japonais Gō Nagai. Il raconte l’histoire du Prince d’Euphor, Actarus, un extra-terrestre qui trouve refuge sur terre.

    « Goldorak » est donc le tout premier manga diffusé à la télévision française. A l’époque, il sera choisi car il coûte moins cher qu’une production nationale. Et très vite, Goldorak et son fulguropoing enregistre des records d’audience. En tout, 74 épisodes seront diffusés en France.

    Car il y a bien un avant et un après Goldorak… Succès immédiat, le dessin animé draine avec lui un merchandising colossal, inhabituel pour un programme télé à l’époque. Disques, figurines, bandes dessinées, mais aussi puzzles, jeux de cartes et même bateaux pneumatiques, garnissent les rayons de jouets. Une mécanique bien huilée qui sera appliquée à l’identique à l’autre série animée japonaise phare lancée par Récré A2, « Candy ».

    « Goldorak » et « Candy » ouvrent ainsi la voie au succès phénoménal de l’animation japonaise en France. « Albator », mis à l’antenne un an plus tard, connaîtra le même succès. À la fin des années 1980, avec le départ de Dorothée pour TF1, la génération suivante se passionne pour de nouvelles séries en provenance de Tokyo : « Dragon Ball », « Juliette je t’aime », « Ranma 1/2 », « Ken le Survivant »

    Véritable phénomène de société, Goldorak a même fait… la couverture de Paris-Match ! Le numéro 1547 du 19 janvier 1979 consacre la « folie Goldorak », avec ce robot « devenu le Messie des enfants français ». 40 ans plus tard, Goldorak continue à passionner. En témoigne sa récente sortie en coffret Blue Ray (AB Vidéo), destinée à conquérir les enfants de la génération 78.

     

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  • Nico Pusch revoit ses classiques

     

     

    Avis aux amateurs de minimal, deep house, techno ou encore techno house ! L’Allemagne nous régale de son dernier phénomène en date, Nico Pusch, DJ aux mille inspirations et mélodies, toutes aussi dynamiques qu’alternatives.

     

    Très jeune, Nico Pusch plonge dans le monde de la musique, et s’y impose rapidement grâce à l’originalité et la fraicheur de ses morceaux. Le DJ mixe, mais remixe surtout ; il touche à tout et s’approprie chaque sonorité, chaque langue, et chaque style.

    Pusch revoit ses classiques, nos classiques, et les met au goût du jour, il modernise, rajeunit, « Another Day in Paradise » de Phil Collins ou « Live Your Life » d’Otis Taylor. Il dynamise nos titres favoris, « We Are the People » d’Empire of the Sun, « I Follow Rivers » de Lykke Li, accélère ce qui lui semble lent, « Free » de KlangKluenster, et va même jusqu’à retravailler la fameuse « Una Mattina » de Ludovico Einaudi.

    Mais il crée aussi, invente, expérimente, et de là naissent des featurings impressionnants, comme « Around the World » avec Chris Valentino, ou bien des sons décalés qui semblent venir de très loin… « Children ».

    Bref, Nico Pusch revendique une liberté musicale à toute épreuve, joue avec ses platines, transforme, change, coupe, ajoute. Véritable artisan de la musique, laissons-nous séduire par son imagination débordante.

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Nico Pusch Official

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Nico Pusch on Soundcloud

     

     

     

  • The Loft by David Mancuso

     

     

    Après le Paradise Garage, auquel nous avons récemment consacré un article, nous nous devions d’évoquer un autre club mythique de New York : The Loft.

     

    En 1966, David Mancuso passe des disques pour ses amis, leur faisant découvrir les dernières nouveautés du moment. Devant le succès rencontré par ses soirées « By Invitation Only », organisées un peu partout à New York, lui vient alors l’idée d’institutionnaliser ces fêtes, sur base hebdomadaire, et dans un lieux plus adapté.

    Le 14 février 1970, il inaugure The Loft, au 647 Broadway, à l’angle de Broadway et Bleecker Street (Chelsea). Le lieu en question est en fait le domicile de Mancuso, un vrai loft de 220 m2, converti en club privé, qui réunira rapidement plus de 300 personnes dans le cadre des fameuses parties « Love Saves The Day ». Sur le modèle des « Rent Parties » organisées à Harlem dans les années 20, autour de musiciens de jazz qui viennent jouer dans des appartements privés, les soirées « Love Saves The Day » de David Mancuso ne sont accessibles que sur invitation, et on n’y vend ni alcool ni nourriture.

    Suite à l’effondrement d’un hôtel voisin en 1975, les soirées du Loft migrent au 99 Prince Street, à Soho. C’est à cette époque que surviennent les premiers problèmes avec la municipalité de New York, probablement sur « suggestion » d’autres lieux de fête plus conventionnels. David Mancuso est accusé à tort de vendre de l’alcool dans un lieu public sans la fameuse « Cabaret Licence », et il se voit contraint de suspendre l’organisation de ses fêtes pendant une année. Cette interruption permet à d’autres clubs new-yorkais d’émerger, comme le Paradise Garage, The Gallery ou le Studio 54.

    A la fin des années 70, David Mancuso abandonnera le beatmatching pur et dur, pour se consacrer à la diffusion musicale sur un sound-system unique pour l’époque, inspiré du son dub jamaïcain.

    En dix ans d’existence, le Loft « originel » aura vu défiler la crème des Djs new-yorkais, de Larry Levan à Franckie Knuckles, en passant par David Morales, Francois Kevorkian, Nicky Siano ou Tony Humphries, qui s’illustreront tous par la suite dans les meilleurs clubs de la ville.

    Quant à David Mancuso, il disparaît le 14 novembre 2016, à l’âge de 62 ans. Il est de ceux qui ont fait basculer le clubbing dans la modernité. David Mancuso, celui à qui « tous ceux qui ont dansé ou enfilé un casque doivent quelque chose » selon Bill Brewster, l’auteur de « Last Night A DJ Saved My Life », était en effet de ces promoteurs qui ont su imposer une idée. Ou mieux, un mode de vie…

    « L’idée centrale du Loft, c’était le progrès social. Et ce n’est pas le genre de choses qu’on trouvait à l’époque dans un night-club standard », résumait-il dans une interview accordée à Daily Red Bull, fier comme jamais du concept de ses fameuses soirées lancées le 14 février 1970 et uniquement accessibles par cooptation.

     

     

     

    « Pour moi, ces soirées sont une façon de progresser socialement, parce que je ne suis pas limité par les lois. Payer 5 dollars ou 10 dollars pour une boisson est parfois difficile. Au Loft, il y a à manger, tu amènes ta propre bouteille, tu n’as pas à payer pour poser ton manteau. C’est une communauté d’entraide, en quelque sorte. Ici, tant que tu agis comme un être humain, tu peux faire ce que tu veux. »

     

    A redécouvrir l’ambiance irrésistible du Loft sur les compilations « David Mancuso Presents The Loft Vol. 1 & 2 » (sorties en 1999 et 2000 sur le label londonien Nuphonic). A signaler d’ailleurs sur le volume 1, plage E2, un morceau intitulé « Yellow Train » composé par un certain… Pierre Bachelet… Ainsi que le fameux « Soul Makossa » de Manu Dibango.

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] The Loft Facebook

     

     

     

  • Paradise Garage : La bande-son d’une époque bénie

     

     

    Le Paradise Garage peut avoir fermé ses portes en septembre 1987, son héritage est encore vivace auprès des nouvelles générations de New-Yorkais.

     

    Pour preuve, le 11 mai 2014, ce qui ne devait être qu’une simple fête de quartier organisée au 84 King Street, à Soho, face à l’entrée de l’ancien club, s’est spontanément transformée en énorme dance-floor, réunissant des milliers de participants venus rendre hommage au Paradise Garage, ainsi qu’à son DJ mythique Larry Levan.

     

    Bill Bernstein Disco Utopia © Bill Bernstein 1979
    DJ Larry Levan at the Paradise Garage, 1979 (Bill Bernstein Disco Utopia © Bill Bernstein)

     

     

    Durant ses dix années d’existence, ce club mythique a défini les règles de la dance music pour imprégner tous les genres musicaux actuels, du garage à la house, en passant par la neo-soul, la funk ou la disco, voire même le hip-hop. Au Paradise Garage s’est composé la bande-son de plusieurs générations de clubbers. Et c’est au Paradise Garage que, pour la toute première fois, le DJ est au centre du show, fixant l’attention des danseurs. Ainsi, Larry Levan deviendra le premier DJ moderne, et la référence pour beaucoup de DJs actuels.

    Larry Levan nous a quittés en 1992, à 38 ans.

    L’ambiance du Paradise Garage à redécouvrir avec le double album enregistré live en 1979, et mixé par maître Larry Levan himself : « Live At The Paradise Garage ».

     

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    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Paradise Garage @ Facebook

     

     

     

  • Ella & Pitr, pour ceux qui rêvent

     

     

    Ella & Pitr, tous deux originaires de Saint-Etienne, se sont rencontrés par hasard en 2007. Tandis qu’Ella collait des affiches, Pitr cherchait une suite logique et cohérente à dix ans de graffiti. Ils se sont très vite « mis à la colle », et depuis, ils ne se sont plus quittés, se forgeant peu à peu une réputation solide dans le monde du street-art.

     

    Ella & Pitr, aka « Les Papiers-Peintres », forment un duo d’artistes urbains bien singulier. Depuis quelques années déjà, ils peuplent les métropoles du monde entier de géants charismatiques reconnaissables à des kilomètres… d’altitude. Si vous ne connaissez pas encore leur travail, c’est le moment de le découvrir. En 2016, ils frappaient un grand coup en donnant vie à l’un de leurs colosses ensommeillés, au cœur du quartier d’affaires de La Défense. L’œuvre monumentale et éphémère s’intégrait à l’espace public du parvis. Tout un symbole…

     

    « Pendant qu’Ines rêve de camping… » by Ella & Pitr (Parvis de la Défense, 2016)

     

    « Sur le parvis de la Défense, le personnage représente une femme d’affaire qui dort. Son titre : « Pendant qu’Inès rêve de camping… ». A quoi rêvent les autres ? Et à quoi rêvent ceux qui doivent camper tout l’hiver rue de Flandre à Paris ? Inès est un hommage à ceux qui dorment dans les sous-sols de la Défense ou sous le métro aérien de Paris, car sous le flux des salary men grouille une fourmilière étrange de laissés pour compte. Inès est un pont entre ceux qui rêvent… et ceux qui rêvent. »

     

    L’histoire d’Ella et Pitr débute par une rencontre, à Saint-Etienne, en 2007. « Une nuit, elle réalisait ses premiers collages dans la rue et moi j’affichais des trucs pour un rassemblement de hip-hop », raconte Pitr (prononcez « pitre »). « On a échangé nos numéros de téléphone, enchaîne Ella. Il est venu chez moi quelques jours plus tard, et on a dessiné toute la soirée ». A 4 h du matin, ils partent à la recherche du mur idéal et composent leur première oeuvre commune. La sortie nocturne se solde par l’escalade du Mont Pilat, juste pour voir le soleil se lever sur la ville.

    L’amour au premier collage… et la naissance d’un couple artistique : Les Papiers Peintres. « On a commencé par fabriquer des bonshommes en papier et puis… des vrais ! », plaisante Pitr. Aujourd’hui parents de deux garçons de neuf et six ans, ils multiplient les paroles ou gestes tendres. Dans leur appartement situé sur les hauteurs de « Sainté », une grande pièce claire leur sert d’atelier. Ils travaillent ensemble, mais n’ont pas de règles. « Parfois, c’est Ella qui prend en main une maquette pendant que je prépare la logistique, ou inversement ».

     

     

     

    Boulimiques de création, Ella et Pitr passent sans cesse d’un projet à l’autre, variant les techniques (peintures à l’acrylique, à l’huile ou à la bombe, sérigraphie, collage…) et les surfaces : toiles ou pistes d’aéroport, rideaux de fer des magasins ou coquillages… rien ne les arrête ! Et ils voient les choses en très, très grand. En témoignent ces colosses assoupis au milieu des grandes villes de la planète, sur les toits ou les murs de Montréal, Valparaiso, en passant par Saint-Etienne, bien sûr.

    Leur géant en short de 21.000 m2, qui a trouvé le sommeil au sommet d’un entrepôt, à Klepp en Norvège, est d’ailleurs considéré comme le plus grand graffiti du monde ! (mais ne les qualifiez surtout pas de street artists, ils détestent). « On cherche toujours à dépasser nos limites et les murs ont aussi les leurs. Ce qu’il y a de plus imposant, ce sont les surfaces au sol. On a donc basculé à l’horizontal… », explique Ella, qui refuse toutefois « tout discours intellectuel » pour justifier cette démarche. « On tient quand même à dessiner des personnages endormis contrastant avec le chaos des villes », selon Pitr.

     

     

     

    Ces gigantesques figures à l’esthétique enfantine sont généralement exécutées à l’acrylique. Elles constituent « une famille de témoins silencieux et éphémères en milieu urbain ». Elles sont inspirées de leurs proches (oncles et tantes) ou sont issues de l’imagination de leur progéniture, de leurs carnets de voyage… Pour leur donner vie, il faut prendre de la hauteur. Ils utilisent ainsi Googlemap ou des drones. Les spots sont choisis ensemble : « Soit on prépare les croquis en fonction d’un endroit qui nous plaît, soit on marche des heures dans les rues à la recherche du support adéquat », détaille Pitr.

     

     

     

    En peignant ce monumental migrant sur le barrage abandonné du Piney, près de Saint-Etienne, Ella et Pitr ont réinvesti la dimension verticale. « Avec un accès à un mur pareil, on n’allait pas dessiner une petite fille tenant un ballon en forme de coeur », ironise Pitr, en référence à une célèbre pièce de Banksy. Alors, pourquoi ce sujet ?

    Pas de message, « mais plutôt une idée générale, sans se montrer moralisateurs. C’était une façon de rendre visible un drame bien réel et que tout le monde fait semblant de ne pas voir. Avec un réfugié géant de 47 m de haut, en plein milieu du paysage, on ne peut plus nier le problème… ». « Le Naufrage de Bienvenu » (c’est son petit nom) est aussi synonyme de prouesse technique, avec son lot « de frayeurs lors de la descente en rappel » se souvient Ella, en tendant une photo de ses deux fils suspendus à des cordes. L’aventure, c’est l’aventure…

     

     

     

    Depuis maintenant près de six ans, Ella et Pitr ont donc basculé dans la démesure, parcourant le monde en peignant les géants qui apparaissent vus du ciel dans leur vidéo « Par Terre ». la première oeuvre de cette série a été peinte sur une piste de décollage d’un aéroport désaffecté de Santiago de Chile en 2013.

    A découvrir…

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Ella et Pitr Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Propos recueillis par Elisabeth Blanchet pour LM Magazine

     

     

     

  • « Renoir Père et Fils » : Rencontre au Musée d’Orsay

     

     

    Honneur aux Renoir père et fils au Musée d’Orsay. L’exposition met en regard l’oeuvre du peintre, Auguste Renoir, et celle du cinéaste Jean Renoir.

     

    Entre deux artistes, père et fils, entre un peintre et un cinéaste, la relation a toutes les chances d’être féconde. C’est ce que nous montre l’exposition consacrée à Auguste et Jean Renoir au Musée d’Orsay, « Renoir Père et Fils », jusqu’au 27 janvier 2019. Il ne vous reste donc plus que quelques jours pour découvrir ces tableaux, photographies, extraits de films, affiches ou costumes.

    Le peintre Pierre-Auguste Renoir a 53 ans lorsque naît son fils, Jean. Il est déjà un maître incontesté de l’Art français. Quant au réalisateur de « La Grande Illusion », il n’a que 25 ans lorsque son père disparaît en 1919, il y a cent ans. Tous deux partagent une profonde humanité et un goût affirmé de la liberté.

    Le Musée d’Orsay propose une exposition familiale inédite, un dialogue entre un père et son fils. Retour sur une filiation artistique unique… Auguste Renoir, le célèbre peintre impressionniste, à qui l’on doit, entre autres, « Le Déjeuner des Canotiers », et Jean Renoir, le réalisateur de quelques uns des plus grands classiques du cinéma français, comme « La Règle du Jeu » en 1939.

     

     

     

    « Les relations entre Jean Renoir et son père évoluent au fil du temps. Il dira d’ailleurs qu’il a passé sa vie entière à déterminer l’influence de son père. Il alternait, dit-il, des périodes durant lesquelles il se gavait de formules qu’il croyait tenir de lui, et d’autres périodes où il a rejeté en bloc cet héritage. » (Sylvie Patry, Commissaire de l’Exposition)

     

     

     

    « Jean fut assez vite mis en pensionnat, et il voyait assez rarement son père. Il conservait néanmoins un contact privilégié à la création, puisqu’il a posé à une soixantaine de reprises pour son père. » (Sylvie Patry, Commissaire de l’Exposition)

     

    Jusqu’à la mort d’Auguste Renoir en 1919, les modèles défilent dans son atelier, notamment Catherine Hessling. Jean Renoir tombe sous son charme et l’épouse en 1920.

     

     

     

    « Jean Renoir a vu Catherine Hessling poser pour son père quand il était jeune homme, et il a pu effectivement la désirer. La voir là, avec cette manière de capter la lumière, quelque chose de si important pour son père et qui deviendra tout aussi important pour lui… Rien d’étonnant que Catherine Hessling devienne ensuite sa muse inspiratrice, celle pour qui finalement Jean Renoir aura envie de faire des films… » (Matthieu Orléan, collaborateur artistique de la Cinémathèque de France)

     

     

     

     

    Il prétendra plus tard qu’il est venu au cinéma uniquement car il voulait faire de sa femme une vedette, simplement parce qu’elle était passionnée de cinéma. Mais il se trouve que lui aussi était tout aussi passionné. Ils allaient d’ailleurs voir beaucoup de films ensemble, d’Erich Von Stroheim, de Chaplin. Le cinéma fut un trait d’union entre eux, pour devenir ensuite un projet commun, avec en toile de fond un besoin profond de créer.

     

    « On a du mal à voir la même femme, entre les tableaux la représentant, peints par Auguste, et les films dans lesquels elle joue ensuite, car d’un côté, elle tend vers l’idéal pictural renoirien, avec cette beauté presque « antique », quand de l’autre, elle se métamorphose dans les films de Jean, pour devenir un corps moderne, différent, presque grotesque, qui a du beaucoup surprendre le spectateur de l’époque. » (Matthieu Orléan, collaborateur artistique de la Cinémathèque de France)

     

    De 1924 à 1928, Jean et Catherine tournent six films ensemble, notamment « Nana » en 1926, tiré du roman d’Emile Zola, dont Auguste Renoir était très proche. Jean Renoir reste encore très influencé par les références culturelles paternelles, ainsi que par les nombreux dialogues qu’il a pu nouer avec les amis de son père, ou dans son entourage proche, parmi les peintres ou les écrivains.

     

    « La Fille de l’eau », Jean Renoir (1924)

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    Mais Jean s’intéresse aussi beaucoup à l’art de son propre temps… Sa grande culture s’est éminemment forgée au contact d’artistes plus contemporains qu’il rencontrera sur sa route, tels que le photographe Henri Cartier-Bresson ou l’écrivain Georges Bataille. Renoir a su en tout cas catalyser toutes ces influences dans ses films.

    Jean Renoir s’émancipe enfin de l’influence paternelle, et va réaliser en l’espace de trois ans, entre 1937 et 1939, ses trois grands chefs d’oeuvre, rentrés depuis au panthéon du cinéma français : « La Grande Illusion », « La Bête Humaine » et « La Règle du Jeu ».

    Dans cette partie plus « politique » des années 30, on est assez loin de l’impressionnisme renoirien… Au début du  second conflit mondial, fort de son succès d’avant-guerre, Renoir décide de rejoindre les Etats-Unis, où il tournera sept films.

     

     

     

    Jean Renoir rentre en France en 1946, pour « un retour aux sources » justifié par un certain nombre de raisons, la maturité, la vieillesse, la douleur de l’exil, et c’est un peu comme s’il ressentait de nouveau le besoin de remettre ses pas dans ceux de son père. Avant la guerre, « Partie de Campagne » sorti en 1936 en était déjà probablement le symptôme le plus visible, avec certaines scènes du film en résonance avec les tableaux d’Auguste. Après la guerre, c’est avec « French Cancan » en 1954, et le Montmartre de son père qui resurgit sur le plateau de cinéma, que le dialogue reprend…

     

    « Et de nouveau, l’approche de la création les réunit ; le fait que l’artiste soit avant tout un artisan, cet attachement au modèle, une certaine conception de la nature, dans une forme de panthéisme. Et puis, évidemment, ce travail autour de la couleur et de la lumière, et cette volonté de donner une impression de naturel… » (Sylvie Patry, Commissaire de l’Exposition)

     

    En deux siècles, donc, les Renoir père et fils auront révolutionné la peinture et le cinéma. De grandes familles d’artistes, il y en eut, mais chez les Renoir, la singularité, c’est que nous avons affaire à l’un des plus grands peintres de l’histoire, comme à l’un des plus grands cinéastes… Et que chacun ait apporté une pierre significative à l’édifice de leur art respectif.

     

     

     

  • Paul Bocuse, une vie de cuisine

     

     

    « Il faut travailler comme si on allait vivre cent ans, et s’amuser comme si on allait mourir demain. »

     

    Il était l’un des chefs français les plus célèbres au monde, Paul Bocuse nous quittait il y a un an précisément, à l’âge de 91 ans. Figure de la gastronomie et du patrimoine français, il avait bâti un véritable empire. Paul Bocuse a dédié sa vie à la cuisine, et sa carrière fut consacrée par trois étoiles au Guide Michelin, restées accrochées à son uniforme durant plus de cinquante ans. Un record… Portrait de Monsieur Paul, en compagnie de l’un de ses disciples, Yannick Alléno.

     

    « Comme on dit à Lyon, tous nos plats sont gourmands… Gourmands de crème, gourmands de beurre… » (Paul Bocuse)

     

    Le Chef vous propose ce soir une soupe aux truffes, un loup en croute sauce Choron, et pour finir, une tarte au citron… Tous ces plats sont signés par celui que l’on surnomma « Le Cuisinier du Siècle », Monsieur Paul Bocuse. Originaire de la région lyonnaise, berceau de la gastronomie française, il porta haut l’étendard de la cuisine française. Un an après sa disparition, revenons sur la carrière de ce révolutionnaire culinaire.

     

    « Paul Bocuse a joué un rôle social important pour tous les cuisiniers, dans la mesure où il leur a permis de sortir de leur cuisine. Ce qui était important à l’époque, on pense d’ailleurs à Louis de Funes dans « Le Grand Restaurant », c’était l’homme de la salle. Le cuisinier était quant à lui relégué dans l’ombre. » (Eve-Marie Zizza-Lalu, Auteur de « Paul Bocuse, le Feu Sacré », Ed. Glénat)

     

    En 1973, Paul Bocuse, entouré des critiques gastronomiques Henri Gault et Christian Millau, veut moderniser l’art culinaire et lance « La Nouvelle Cuisine ». A l’époque, on avait toujours un peu la même manière de dresser, avec la sempiternelle peluche de persil au même endroit de l’assiette, sur le poisson ou sur la viande, et c’était la règle respectée scrupuleusement depuis des décennies.

    Paul Bocuse casse les codes, et un vent de liberté commence à souffler sur la cuisine. On parle alors de « Nouvelle Cuisine » comme on parle de « Nouvelle Vague » au cinéma, la caméra à l’épaule… On a désormais une façon plus naturelle de présenter les plats.

     

    « La plus grande qualité d’un cuisinier, c’est la sobriété. Et avec ça, on va très loin… » (Paul Bocuse)

     

    « Paul Bocuse a su avant tout s’adapter au monde qui l’entourait. Il est parti dans un délire de Nouvelle Cuisine, et il s’est finalement aperçu qu’à Lyon, les clients ne voulaient pas forcément manger un petit pois, posé là sur le côté gauche de l’assiette. Il a donc allégé la cuisine bourgeoise. » (Yannick Alléno, Chef étoilé)

     

    « Il s’est lancé dans ce travail de cuisine à l’assiette qui n’existait pas. Avant Paul Bocuse, on envoyait tout en plat. Il est le premier à construire une assiette, à être attentif à son équilibre et son harmonie. » (Alain Le Cossec, Meilleur Ouvrier de France et Enseignant à l’Institut Paul Bocuse)

     

    En 1975, Paul Bocuse est fait Chevallier de la Légion d’Honneur par le Président Valéry Giscard d’Estaing. Spécialement pour cette cérémonie, il crée la fameuse soupe aux truffes « VGE ». Et Paul Bocuse s’est évidemment saisi de cette occasion pour en faire une redoutable opération marketing : « Le Chef d’aujourd’hui est un chef qui fait de la relation publique, qui va voir ses clients en salle, qui ne reste plus dans ses cuisines, qui regarde ce qui se passe ailleurs… » (Paul Bocuse)

     

    « Paul Bocuse est quelqu’un qui a toujours accordé une grande importance à son image, et qui a travaillé dur pour que sa maison rayonne. Il connaissait parfaitement les tendances du moment. » (Yannick Alléno, Chef étoilé)

     

    Et Dieu sait si Paul Bocuse rayonna, en France mais aussi partout dans le monde. Il acquit une dimension internationale, en partant faire la promotion de la gastronomie française sur tous les continents. De cette renommée mondiale acquise dans les années 70 et 80 naîtra l’Institut Paul Bocuse, situé à Ecully, près de Lyon, où des élèves de plus de cinquante nationalités différentes viennent y apprendre non seulement la méthode et le style Bocuse, mais aussi un savoir-être et un savoir-vivre à la Française.

    Ainsi, alors que l’objectif premier était de faire rayonner la gastronomie française à l’étranger, grâce à Paul Bocuse, c’est l’étranger qui a commencé à venir en France. Il a permis de créer des flux dans les deux sens, et à ce que chaque pays commence à s’intéresser à son propre terroir et mettre en application l’enseignement de Bocuse afin de révéler ses propres racines. Paul Bocuse a partagé avec le monde une méthode, une vision…

     

    « Il avait cette curiosité et surtout une envie énorme d’aider tous ces chefs. Quand il arrivait en cuisine, il serrait la main du plongeur comme du chef, et tout le monde l’appelait Monsieur Paul… C’était un rassembleur, toujours dans le partage. » (Alain Le Cossec, Meilleur Ouvrier de France et Enseignant à l’Institut Paul Bocuse)

     

    « Il faut toujours mettre sa toque. C’est le chapeau que l’on n’enlève pas, même devant le Président de la République… » (Paul Bocuse)

     

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  • Robert Mapplethorpe | Arena (1988)

     

     

    Le photographe Robert Mapplethorpe nous quittait il y a presque trente ans, le 09 mars 1989, à l’âge de 42 ans. Retour sur la carrière de celui qui fut tout et son contraire en même temps, naviguant entre bisexualité et polygamie dans sa vie personnelle, et dont l’oeuvre aborda tous les thèmes, de l’ésotérisme à la dévotion, en passant par la magie.

     

    Portrait d’un des photographes américains parmi les plus controversés, Robert Mapplethorpe, figure iconique du milieu artistique new-yorkais des années 70 et 80, qui illustra l’exposition de son oeuvre à la National Portrait Gallery organisée en 1988, l’année précédant sa mort.

    Ce portrait contient des interviews de Mapplethorpe lui-même, les témoignages du critique et auteur Edmund White, ainsi que de plusieurs des sujets du photographe.

    Durée : 52 min.
    Réalisateur : Nigel Finch (BBC)
    Featuring : Robbert Mapplethorpe, Patti Smith, Kathy Acker, Lynn Davis, Robert Miller, Louise Bourgeois, Leo Castelli

     

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     Robert Mapplethorpe by John Swannell
    Robert Mapplethorpe by John Swannell

     

     

     

  • Nicolas Jaar change le plomb en or

     

     

    Quand Nicolas Jaar change le plomb en or, ça donne quelque chose comme ça…

     

    Alors voilà, quand on s’appelle Nicolas Jaar, on va dénicher un obscur morceau de soul gospel, « Jesus Is My Friend », du groupe The Helen Hollins Singers, extrait de leur album « He Gave It To Me » sorti en 1982 sur le label Savoy Records, un morceau bien dans son jus que l’on pourrait qualifier de « back in the days ». Mais quand on s’appelle Nicolas Jaar, on y décèle immédiatement l’efficacité redoutable des vocals, empreints de cette ferveur propre aux artistes gospel à sans cesse proclamer leur amour de Jesus.

     

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    Un remix bien groovy et Soul 80’s à souhait, lâché sur fond de Coupe du Monde, servi à la sauce américano-chilienne…

     

    Nous remontons donc à l’année 2014, en pleine Coupe du Monde au Brésil. Nicolas Jaar avait promis d’offrir en téléchargement gratuit un morceau inédit si le Chili remportait son 8ème de finale contre le Brésil, justement, mais le petit génie américano-chilien est bon joueur, et malgré la défaite de son équipe le 28 juin à Belo Horizonte, il postait quand même via la page Soundcloud de son label Other People cet édit au titre évocateur, « Consolation »…

    Il nous livre ainsi une version revisitée du « Jesus Is My Friend » de The Hellen Hollins Singers, groupe de gospel/soul ayant sévi dans les années 80, que le compositeur électro a ressorti de ses cartons en guise de lot de consolation. Un concentré de fraicheur groovy et de good vibes, qui s’achève sur un sample d’harmonica emprunté au western culte « Il Etait Une Fois Dans l’Ouest », pour un track finalement assez loin des ambiances housy et chamaniques auxquelles Nicolas nous avait habitués cette année-là avec son projet Darkside

     

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  • Et si le sac à main se portait sur la tête ?

     

     

    Dans la série « Hubert a de gros gros problèmes dans la vie », aujourd’hui une question fondamentale est posée : « Et si le sac à main se portait sur la tête ? »

     

    C’est un phénomène culturel et comportemental qui existe depuis l’invention de cet accessoire de maroquinerie, destiné en théorie à la gente féminine. On a tout de suite en tête les années 50-60, avec ces femmes coquettes, façon Mad Men, ou bien ces héroïnes hitchcockiennes qui exhibaient des micro-sacs munis de anses, accrochés à l’avant-bras légèrement infléchi, avec à son extrémité, la main tenant nonchalamment une paire de gants. Ce maintien relevait toute la silhouette, avec la robe coordonnée et le chapeau inclus. C’était structuré, géométrique, sophistiqué, imparable. Autant d’images caractéristiques et surannées que l’on se plaît toujours à revoir aujourd’hui, dans tout ce qui exploite cette époque.

    Depuis quelque temps, soit un demi-siècle plus tard, cette manière désuète de tenir un sac à main que j’appellerais donc pour l’occasion, « Le Porté Main », a refait son apparition. Stupeur et surprise générale. Oui, quoi, pourquoi, comment, pardon, qui ? Nostalgie d’une époque ultra-codifiée, quand la différence entre les femmes et les hommes était donc surlignée à tout point de vue, mimétisme temporel singé ou bêtement réévalué ? Il se trouve que ce qui était anodin, standard dans ces années-là pour les femmes citadines, est réinterprété de nos jours en toute désinvolture, et ce, malgré toute cette eau qui entre-temps a coulé sous nos ponts.

    Je parle de la femme émancipée de cette fin des années soixante, puis de la femme qui avorte, de celle qui prend la pilule, qui travaille, qui vote, de la femme qui divorce et qui n’a donc plus besoin de ce colifichet, ne pouvant contenir de toute façon qu’un tube de rouge à lèvres, un fard à paupière et un micro porte-monnaie. Pour tous ces féministes courroucés, l’objet incriminé est le symbole abject de l’avilissement, de la stigmatisation et l’enfermement de la femme dans le rôle d’une potiche guindée.

    Ce même objet qui pour certains autres messieurs aussi est à jamais indissociable de la femme. Cette femme, qu’ils idéalisent en la conceptualisant jusqu’à l’abstraction, l’alignant parmi d’autres mots clefs de leur propre moteur de recherche. Séduction, coiffure, sein, escarpin, jambe, rouge à lèvres, blonde… Analogie suggestive, fantasmée et fétichiste. Vision définitive de ce que doit être une femme… Ou leur maman ?

    Relayé pendant trois décennies à l’usage exclusif des grand-mères ou de Madame de Fontenay, le sac à main redevient d’un seul coup furieusement tendance courant 2000. Un ou deux panneaux publicitaires plus tard, il suffira d’une happy few aperçue dans la rue avec, pendouillant à son bras, l’un de ces articles de la marque OhLaLaCéboCécher, ainsi qu’un affolement général dans toutes les rédactions des magazines de mode, et Hop La ! Le rouleau compresseur de la fatalité se met en marche. Ce qui est d’abord un désir, une envie, devient caprice puis se change en nécessité, en obligation et enfin, le stade ultime de la névrose, l’obsession morbide, un but dans la vie. Si la Rolex pour le mâle était le signe incontestable de sa réussite (avec gros pénis en option), le sac griffé inabordable en serait l’équivalent pour la femme.

    Mais revenons sur l’attitude et la façon de tenir le dit objet. Mal arboré, cela peut s’avérer désastreux pour celles ou ceux qui tenteraient d’en faire une attitude chic. Premier problème de taille, avec le temps, les sacs à main se sont agrandis tandis que les cerveaux, eux, rétrécissaient. On peut donc à loisir croiser dans les rues des jeunes filles qui semblent s’être jetées avidement sur ce qu’elles ont cru être la nouvelle tendance ou le comble du swagg, sans réfléchir au préalable au le sens même d’une telle démarche.

    Dès que toutes celles qui ont obtenu une longueur de cheveux suffisante et assimilé après un long travail de recherche devant leur miroir les mouvements adéquats pour faire vivre leur double capillaire… ou d’autres encore qui ont appris le maintien, l’élégance et la sobriété en regardant studieusement à la télévision Les Anges Ch’tis de Marseille à Miami, peuvent donc déjà passer à un stade supérieur et s’exercer avec n’importe quel genre de placébo, qu’il soit en plastique, en toile ou autre, petit ou démesuré, en attendant d’avoir un vrai. Elle le laissent ainsi pendre à l’avant-bras toujours infléchi, et à la place de la paire de gants dans la main, désormais, un smartphone dans sa coque protectrice aux mille couleurs de l’arc en ciel.

    Notre époque en est rendue à un tel niveau d’absurdité en tout genre et d’ignorance crasse que sur ce seul exemple du sac à main, il est aisé, par exemple, de voir une jeune fille en survêtement qui, à défaut de posséder un de ces coûteux sacs, n’en exploite que le maintien avec un simple sac en plastique rempli des achats effectués dans un magasin. En province, on dit poche : « je peux avoir une poche pour mettre mes courses, s’il vous plait ?! »… Y en a qui disent aussi pochon… Oui, c’est comme chocolatine, là… Mais bon…

    Cette caricature involontaire où l’on joue à la « madame » a pourtant un avantage évident, celui de muscler le long supinateur, biceps et triceps, avec au bout d’un mois, comme résultat, un bras hypertrophié… (cocasserie). Alors, forcément, à un moment donné, ce phénomène exponentiel va dépasser le cadre fillette-fifille-dadame pour se retrouver aussi chez certains jeunes hommes (oh), envieux sans doute de cette exclusivité féminine. Et là, l’ineptie monte encore d’un cran. Allez, deux…

    Avec le petit Trench ceinturé jusqu’à l’asphyxie, le cheveu court plaqué sur le côté, la silhouette slimmy, les joues creusées et la démarche rapide et saccadée de celui qui n’a pas que cela à faire dans la vie, tous ces vendeurs de grandes enseignes ou de boutiques de luxe, qui ont dégoté tous ces gros sacs en cuir de marque pour une bouchée de pain à des soldes presse ou à des ventes privées, arborent donc leur Prada, Gucci et autres Tom Ford au bout du bras en équerre, abolissant ainsi tout critère de jugement et définitivement toute limite.

    Mais non, il y a sûrement une autre explication, une vérité plus terrible encore. Peut-être qu’ils ne peuvent pas faire autrement parce qu’on les y a tout bonnement obligé. Qui ? Eh bien ces malfaisants qui retiennent leur mère en otage, avec comme seule condition pour leur remise en liberté l’obligation de porter dans la rue, à la vue de tous et de sotte façon, un gros sac à main encombrant, sachant que s’ils ne coopèrent pas, les mamans seront torturées, violées puis exécutées de la pire manière (l’ordre de cette horrible description peut être bien entendu inversé).

    Petit rappel sur l’évolution de l’aspect de cet ustensile sur trois décennies, ainsi que son déplacement géographique sur le corps de son ou sa propriétaire. Tout d’abord, les années 80, avec le sac à dos qui comme son nom l’indique, se positionne… Et oui sur le dos. Dans les années 90, il va se porter en bandoulière et migre alors sur le devant du corps ou sur le côté. Il est communément appelé DJ Bag dans le Marais (à Paris) et Besace (à Saint-Cloud)… Pouvions-nous imaginer que dans les années 2000, ce sac finirait son périple anatomique pendu de manière aussi saugrenue au bout des avant-bras ? « NOOOOON !!! » (foule en colère ralliée à ma cause). Quoi qu’il en soit, on sait maintenant que le ridicule ne tue pas, car si c’était vrai, cela ferait belle lurette que la terre serait devenue un vaste désert.

    Il resterait bien une dernière possibilité pour porter son cabas, sa gibecière, son bagage, son sacotin ou que sais-je encore… Mais je ne suis pas sûr de pouvoir le dire. Allez d’accord, si vous insistez… Là, maintenant, en avant-première, pour peut-être une prochaine mouvance, une nouvelle attitude cool à adopter, une façon, « La Façon » qui ferait que, Ah oui, c’est ça ! Le porter… sur la tête ! Bah, c’est une technique que j’ai en fait chipée à ces femmes ou à ces hommes qui dans certains pays du monde transportent de l’eau ou des choses lourdes ainsi. Un moyen traditionnel, immuable et efficace qui offre paradoxalement à celle ou celui qui l’utilise, une silhouette particulière, une allure altière et gracieuse.

    Imaginez ce spectacle dans les rues de nos villes, femmes et hommes avec leurs vies sur la tête, leurs nécessités, leur but. Et enfin, l’élégance…

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

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