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  • Histoire d’un Hit : Discoteca

     

     

    En 2006, le moustachu David Carretta mettait le pied à l’étrier à Exchpoptrue en publiant leur titre-phare « Discoteca » sur son label. Auparavant, le trio arpentait les scènes parisiennes avec ses étranges sons et lumières.

     

    Les membres du projet pop-electro Exchpoptrue, les chanteuses Chloé Fabre et Radha Valli, accompagnées du musicien et producteur Christian Bouyjou, se sont connus au sein d’un collectif de spectacles vivants, la « Mobile Boutique ». Il subsiste de cette expérience théâtrale une aspiration à représenter, tout en la critiquant, la société de consommation. Qui finit toujours par avoir le dernier mot et offrit à un de leurs titres, « Lost And Found », l’illustration sonore d’une campagne publicitaire.

    Les mises en scène grotesques et autres chorégraphies télévisuelles masquaient cependant les faiblesses d’une musique electro chiche. Si le début de leur album « Autofan » sorti en 2006 nous ramenait au temps de la synth-pop ludique d’Elli & Jacno, la suite remplissait stricto sensu le cahier des charges du petit groupe electro clash : des textes choc et toc déclamés par une voix désincarnée, sur fond de boîte à rythmes en pilotage automatique et de claviers Bontempi niveau première séance.

    Mais lorsque le rythme s’emballait enfin sur « Coeur de France », on pensait à un correspondant sincère de Stereolab. Du coup, ce que l’on se surprenait à apprécier sur l’album « Autofan », c’était ces motifs répétitifs qui peuplaient les silences des deux chanteuses, comme sur leur titre « Discoteca », qui aura été probablement leur seul morceau à être vraiment passé à la postérité…

     

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    En 2019, à la faveur de la diffusion sur Canal+ d’un épisode de la saison 01 de la série « Vernon Subutex » tirée du roman de Virginie Despentes, nous redécouvrions pour notre grand bonheur ce titre « Discoteca » du groupe electro clash Exchpoptrue, ressorti des limbes de la grande histoire de la musique pour les besoins d’une scène de l’épisode.

     

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  • Silence Plateau | Mes Meilleurs Copains

     

     

    Sorti en 1989, « Mes Meilleurs Copains » de Jean-Marie Poiré a été victime d’un mauvais timing… Les films de type « Bromance » ou « week-end à la campagne entre amis » n’étaient pas encore à la mode et on peut même dire que « Mes Meilleurs Copains » fut précurseur dans le genre.

     

    Mais le fait est que ce film fut vraiment un bide à sa sortie en salle et qu’il ne gagna ses galons d’oeuvre-culte qu’au fil de ses maintes diffusions à la télévision, à l’instar du « Père Noël est une Ordure ». Pourtant, « Mes Meilleurs Copains » est probablement le film le plus sincère et le plus touchant de Jean-Marie Poiré, comme une invitation introspective à l’amitié, aux souvenirs et aux histoires d’amour foireuses.

     

    « J’ai failli crever, moi, avec ce film ! Je suis resté deux ans sans travailler après. J’aimais bien le film, je le trouvais sympa mais j’aurais bien aimé qu’il marche un peu mieux, parce que j’étais au bord de changer de métier, là, pour le coup ! » (Jean-Marie Poiré)

     

    « Mes Meilleurs Copains » est un appel du pied à tout ce qui peut nous renvoyer à une nostalgie pétrie de souvenirs collectifs et de situations jumelles à nos propres jeunesses. Tous les acteurs sont parfaits, employés de manière juste. Le film ne se contente pas d’être drôle, avec ses scènes de flash back, mais la tendresse et les moments qui embuent les yeux sont aussi nombreux. Gérard Lanvin en contre-emploi de bourgeois ringard, le regretté Philippe Khorsand en metteur en scène jaloux et vindicatif, Jean-Pierre Bacri en publicitaire gay amer, Christian Clavier… en Christian Clavier, et enfin une découverte enchantée avec Jean-Pierre Darroussin en guitariste perché sous Xanax.

     

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    « Mes Meilleurs Copains », c’est à la fois le « Péril Jeune » de Cédric Klapisch et le « Vincent, François, Paul et les Autres » de Claude Sautet ; ce genre de films choraux, si bien écrits et si simplement filmés, où tout est évident dès le début, qui nous embarquent dans un monde parallèle dans lequel on voudrait aussi se trouver et pouvoir partager ces moments-là avec les personnages.

    Sur un canevas assez simple, Poiré nous présentent des potes d’enfance amoureux dans le passé de la chanteuse de leur groupe d’adolescents, qui se retrouvent tous lors d’un week-end en Normandie, dans la maison de l’un d’eux, où est également conviée la fameuse muse qui vit désormais au Québec et qui, quant à elle, est devenue une star de la chanson. Les souvenirs vont très vite remonter à la surface, avec les règlements de compte habituels, les déceptions, les regrets et les petites mesquineries qui collent en général à ce type de situations.

    Alors oui, Il n’y a peut-être pas tout à fait la magie des dialogues de « Clara et les Chics Types » sous la houlette de Jean-Loup Dabadie, ou encore la mise en scène ample à souhait d’un Sautet pour « Vincent, François, Paul et les Autres », mais la générosité des situations et des anecdotes qui remplissent l’histoire de ces meilleurs copains, comme un album de photos trop rempli, fait que le film se voit et se revoit, en y découvrant toujours de nouvelles répliques et de nouveaux regards dans les yeux de ces acteurs, au diapason, qui les rendent à chaque fois encore plus crédibles dans leurs rôles respectifs.

     

     

     

  • Lars von Trier : du lard, de l’art, du Lars… ou du cochon

     

     

    Parmi la longue liste des réalisateurs clivants qui aiment entretenir cette image immorale et extrême de leur art, on peut dire que Lars von Trier y tient une place de premier choix. En France, dans le même registre, on pense tout de suite à Gaspard Noë, le maître étalon de ce qui se voudrait un cinéma révolutionnaire et extrême.

     

    « Element of Crime », « Epidemic » et « Europa », les trois premiers vrais films du cinéaste danois Lars von Trier, après qu’il eut réalisé moult courts-métrages, possédaient pourtant un certain parfum de nouveauté, entre expérimentation, travail sur l’image et le son. Ici, il re-visitait le polar, la SF ou la fable politique avec personnalité et audace. De 1984 à 1991, il aura en tout cas tracé les sillons d’un cinéma nouveau, formel et étonnant. La noirceur était également déjà au rendez-vous, mais plus comme une figure de style et une volonté anticonformiste de ne pas être confondu avec l’esthétique de l’époque.

    A partir de « Breaking the Waves » (1996), sorti après son incursion furtive dans le fantastique pur avec sa mini-série « The Kingdom » (« L’Hôpital et ses Fantômes »), produite pour la télévision danoise et distribuée en salle en France sous la forme d’un film en deux parties, assez indigeste, la dépression qui semblait couver depuis toujours se manifeste au grand jour.

    Le réalisateur des « Idiots » et co-inventeur du concept pipo « Le Dogme » part très loin dans un délire hystérico-judeo-chrétien-pensum à base de relecture de la Bible, mais à l’envers, d’un cynisme déguisé en princeps philosophique assorti d’un nihilisme gothique et d’actrices marionnettes qu’il se plaît tant à malmener. Tout cela à grand renfort de tout ce qui choque et qui pourrait, voire qui se doit, d’ulcérer les âmes bien pensantes.

    Seulement, ce cinéma-là ne s’adresse pas pour autant aux bonnes personnes. Le public qui le suit est constitué globalement de tous ceux qui ont envie de briller dans le noir de l’inculture cinématographique générale, en se calant dans les angles aigus de ce cinéma hermétique et bien au creux d’un soit-disant rejet de l’humanité. « Breaking the Waves », le chemin de croix d’une femme (de toutes les femmes ?), dans le but de retrouver, ou de perdre, ce qui lui restait d’humanité. Une vision de la femme comme éternelle martyre face à l’homme, pudride, lâche et érotomane.

    N’est pas misanthrope qui veut, et même Maurice Pialat, haï et craint de son vivant, savait raconter des histoires, avec des personnages forts qui nous enveloppaient de leur trajectoire jusqu’à son terme. L’empathie restait tout de même un vecteur primordial pour que l’on puisse adhérer.

    La filmographie de Lars von Trier prend donc un virage à 90 degrés précisément à partir de « Breaking the Waves » et la critique le couvre aussitôt de louanges. Même si on ne saisit pas vraiment où il veut en venir, les festivaliers de tous poils pressentent le potentiel du réalisateur danois, surtout s’il persévère dans ce sens, en choquant le bourgeois et en nous proposant cette description à la hache de la femme, élevée au rang d’éternelle pécheresse.

     

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    Alors, on prétendra forcément que c’est là toute la force de l’humour protestant des gens du nord. Soit… Mais là aussi, n’est pas Pasolini qui veut. Et il ne suffit pas de montrer des horreurs, le tout agrémenté d’une réalisation convulsive et parkinsonienne pour savoir exposer froidement sa vision du monde et sa haine de l’humain.

    La liste des actrices qui rêvent alors d’être « secouées » par cet artiste hautement névrosé et qui acceptent, comme Nicole Kidman, Björk ou Charlotte Gainsbourg, de « jouer » un peu à ces laborieuses constructions conceptuelles aussi prétentieuses que malsaines, s’allonge… Des cimes seront atteintes avec notamment « Antichrist » et « The House that Jack Built ».

    Le réalisateur de « Dancer in the Dark » empile les visions les plus subversives et les plus dérangeantes, avec comme seul et unique but à atteindre, celui de nous retrouver la tête dans la cuvettes des toilettes. Ses obsessions morbides aux relents de bile, toujours confites de judéo-christianisme, n’évoquent en réalité plus grand-chose de très en phase avec notre époque.

    Tout n’est cependant pas à jeter dans sa filmographie… Parmi ses oeuvres les plus ludiques ou les plus regardables, dans l’approche originale de leur sujet, on peut noter « Dog Ville » et le diptyque « Nymphomaniac ». Sans doute car Lars von Trier nous y démontre qu’il peut parfois laisser de côté ses obsessions sur le martyr du Christ et de l’éternelle culpabilité judéo-chrétienne.

    Mais le summum du lavement à la façon von Trier sera atteint avec « Melancholia », qui ne déroge pas à la règle et nous impose une enfilade de scènes interminables mettant en scène des personnages qui se balancent des saloperies à la figure, un peu à la manière d’un film de Patrice Chéreau, mais sans la manière et sans qu’à aucun moment, on en comprenne réellement les enjeux. Il y a ce vague concept de fin du monde, avec pourtant cette assez belle idée d’une planète géante qui viendrait percuter notre bonne vieille terre, et par la même occasion balayer nos petites mesquineries, notre pénible égocentrisme, nos minables problèmes d’égo, notre humanité moribonde et exténuée…

     

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    Et il faut bien avouer que sur le papier, l’idée donnait envie, avec ces premiers plans et le prélude de l’opéra « Tristan et Yseult » en fond musical, qui sonne comme une installation grandiose à la Fondation Cartier ou au Palais de Tokyo… Mais seulement, on est assis dans une salle de cinéma ou dans son salon, tout cela dure des heures et Wagner, au bout d’une quinzième écoute sur des ralentis d’une planète mauvâtre qui se rapproche inexorablement de notre terre, finit par nous saouler dans les grandes largeurs en nous dégoûtant du compositeur allemand, avec comme dirait Woody Allen, « l’envie irrépressible d’envahir la Pologne »…

    « Melancholia » est un film malade, dans le sens où il est réalisé par un homme qui peut faire à peu près ce qu’il veut, sans qu’aucune voix ne s’élève à la ronde, pour lui suggérer que peut-être que cette grande liberté artistique, cette audace créative, cette folie domptée et libératrice qui caractérisent un artiste, qu’il soit cinéaste, musicien, plasticien ou photographe, se sont ici muées en une sorte de vide embarrassant. Au-delà de toute considération esthétique, formelle ou de fond, la vision de ce « film » ne vaut peut-être que par ses quinze premières minutes et ses cinq dernières…

    Alors on peut aussi renvoyer dos à dos Lars von Trier et un autre cinéaste qui a aussi sa carte et qui, quoi qu’il fasse, aura l’assentiment d’une certaine presse quand, dans le même temps, il sera décrié par un large pan du public : David Lynch. Et j’en suis féru… Mais c’est comme ça ! Lynch me touche et fait vibrer une part de mon être et de mon inconscient, tandis que Lars von Trier me révulse lorsque qu’il est, pour d’autres cinéphiles, une source infinie de réflexion et de plaisir. Une façon de se faire violence et d’aimer tremper les mains dans un dissolvant…

    Sur un plan gustatif, en ce qui me concerne, j’ai toujours préféré la chair du poisson à celle du porc…

     

     

     

  • Insiders : une saga haletante en 10 volumes

     

     

    « Insiders » – Bartoll (scénario) + Garreta (dessin) – 10 tomes – Editions Dargaud – 2002/2011

     

    Un Conseil qui comprend tous les membres mafieux du monde et dirige la planète en sous-terrain. Des gouvernements corrompus et marionnettes. Deux présidents en quête de vérité et une femme, agent spécial, prête à devenir le bras armé de cette vérité.

     

    Avec la saga « Insiders »,  on est dans la BD d’action, entre espionnage et guerre, politique et mafia. Le texte est extrêmement dense, ainsi que le scénario qui demande beaucoup de concentration au départ pour entrer dans l’intrigue. On aimerait que les dessins soient plus lents, avec davantage de gros plans et moins de plans larges ou panoramiques qui passent trop rapidement d’un instant à un autre sans prendre le temps de souffler ou d’apprécier le détail, ou encore de réfléchir davantage à une situation donnée avec plus de zooms.

    On trouve dans certaines planches, des cartouches avec des informations réelles : le scénario est présenté comme une œuvre de fiction, mais plusieurs références renvoient à des faits ou des instances réelles qui donnent envie au lecteur d’aller y voir de plus près et de faire quelques recherches sur le net pour vérifier les informations. On sent derrière l’histoire à grosses ficelles, des parcelles de vérité glissées entre les vignettes.

    On est entre « XII » et « Mission Impossible » version féminine. En première lecture, on a du mal à croire à cet agent à qui tout réussit, façon James Bond. Mais en seconde lecture, on est happé petit à petit par le texte, le contexte et les références un peu mystérieuses et complotistes. On sent l’influence journalistique de l’ancien grand reporter qui en a vu de belles et le laisse entendre en décryptant des rouages secrets visibles à travers certains grands événements du monde.  Dans la série « plus c’est gros, plus ça passe », de l’Afrique à l’Afghanistan, puis de la Russie à la Chine, on se laisse entraîner dans cette grande saga de 10 volumes sur les pas de Najah.

    Jean-Claude Bartoll est espagnol. Il est né en 1962 (57 ans). C’est un ancien grand reporter qui a travaillé pour des agences de presse internationales. Renaud Garreta (54 ans) est diplômé de l’Ecole Supérieure d’Arts Graphiques, auteur de la trilogie « Fox One » et de la série « Le Maître de Benson Gate » avec Fabien Nury.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Insiders @ Editions Dargaud

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Insiders @ Humanoïdes Associés

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Interview de Renaud Garreta

     

     

     

  • Channel Zero, la Peur In… American Horror Story, la Peur Out…

     

     

    Allez, rendons-nous à l’évidence, depuis combien de temps n’avons-nous pas eu peur au cinéma ? Cette peur viscérale, irrationnelle, celle que l’on ramène ensuite chez soi et qui nous saisit jusque dans notre lit…

     

    Vous allez me dire que tout est une question de subjectivité… Certes. Car chacun possède son propre bagage émotionnel et ne réagit pas de la même façon en fonction de la situation donnée. Je mettrai donc tout le monde d’accord si je cite la mort et la souffrance comme vecteurs incontournables de ce qui peut engendrer la véritable peur originelle, même si cette perception est désormais souvent galvaudée par un surplus de représentation graphique gérée par le biais d’images virtuelles. Mais on confond hélas bien souvent gore et peur, dégoût et imagination.

    Ces thèmes sont pourtant bien présents dans tout ce que l’on nous propose en salle depuis longtemps, mais la mode des « Jump Scares » a peu à peu supplanté ce qui était auparavant élaboré tout au long du récit pour nous faire ressentir au maximum les craintes des protagonistes. On a désormais tout au plus affaire à des trains fantômes, des attractions de fête foraine qui nous provoquent un petit frisson, mais qui s’oublient dès que nous avons quitté la salle.

    Les « Conjuring », « Anabelle », « Insidious » et autres « Dame Blanche » ne sont que de petits goûters à grignoter, avec ça et là quelques idées intéressantes et des mises en perspective nous rappelant les phobies de notre enfance. On joue avec nos nostalgies et nous sommes des peureux consentants…

    Mais pour un véritable festin tel que « L’Exorciste » premier du nom, dans sa version d’origine avec surtout le doublage français, « Massacre à la Tronçonneuse », « Henry, Portrait of Serial Killer » et même le premier « Amytiville », il nous faudra désormais nous tourner vers la télévision pour savourer et regarder la terreur dans les yeux. Renouer avec cette peur qui vous étreint, vous enveloppe et vous met mal à l’aise…

    L’avantage indéniable qu’il y a avec les séries, c’est que les scénaristes peuvent déjà élaborer leur histoire et peaufiner les personnages, en prenant le temps qu’il faut. Ainsi, la peur n’est plus un prétexte ou une simple nécessité cosmétique pour masquer l’indigence d’un scénario bâclé et parvenir sur une heure trente de métrage à essayer de contenir un suspense artificiel.

    Nous allons à présent nous pencher sur deux séries télévisées américaines récentes qui partagent la même ambition, à savoir : terrifier. Cependant, si l’une réussit son pari, l’autre, en revanche, si elle n’avait pas trop mal commencé, s’est ensuite asphyxiée, ne sachant tout bonnement pas comment se renouveler, restant tellement accrochée à son idée de départ qu’elle en a oublié ses principales motivations.

     

    American Horror Story

    Ambitieuse, opportuniste ou éclairée, cette série tout d’abord séduit. En admettant que la plupart des téléspectateurs ont la mémoire cinéphilique plutôt courte et que les autres qui découvriront ce spectacle ont une culture comblée en références prestigieuses, on peut alors s’amuser et prendre beaucoup de plaisir à suivre les aventures de cette première saison sur le thème de la maison hantée.

    Les créateurs de ce show affichent des inspirations des plus pointues, du « Sixième Sens » à « Rosemary’s Baby », en passant par « Beetlejuice », « Le Loup-Garou de Londres » ou « The Day of the Locust »… Autant de grands films qui ont servi de modèles à cette première salve d’épisodes. Et il en sera de même pour les huit saisons qui suivront, chacune partant d’un postulat et d’une thématique forte. Après la maison hantée, l’asile psychiatrique avec en bonus des nazies, des tueurs en série et même des extra-terrestres pour la Saison 2. Pourquoi pas…

    Pour la troisième saison, on plonge dans l’univers de la sorcellerie, avec son lot de magiciens, de sorts jetés, de vaudou et d’animaux fabuleux issus de folklores en tout genre. La quatrième saison ravive quant à elle l’âme du film mythique de Tod Browning, « Freaks », et le monde du cirque, avec forcément en bonus un serial killer sous les traits d’un clown maléfique.

    Dans la cinquième saison, on aborde les vampires dans le cadre étrange d’un hôtel à la sauce « Shining » ; la sixième saison, le survival campagnard mâtiné de cultes païens et de sacrifices humains. La septième saison a tout naturellement pour contexte l’élection de Donald Trump, en référence au titre même de la série, et montre une réelle prise de position des auteurs. La huitième et dernière saison à ce jour a pour thèmes l’Apocalypse et le Diable, et marque le retour en force des sorcières de la Saison 3.

    Tel un shaker géant que l’on aurait rempli de tout ce qui a cours depuis près de 60 ans, en clichés ou autres idées sur la question, le cocktail obtenu est parfois un peu épais, un peu riche. Mélangeant des traumatismes et faits divers ayant secoué l’Amérique ces dernières années à d’autres légendes urbaines, le tout agrémenté par des ambiances de Soap Opera façon « Desperate Housewives », « American Horror Story » devient ainsi le rejeton (im)parfait, qui justifie son existence en commentant les névroses dont souffre la société américaine depuis toujours, à savoir ses divers complexes de culpabilité vrillés par la religion et son manque, voire son absence, de culture et d’histoire.

    Avec cette galerie de personnages, mortels et fantômes, qui se confondent, s’affrontent, s’aiment et se déchirent, et même si le résultat est parfois confus, des épisodes nous réservent tout de même, à défaut de vrais frissons, des images, des idées formelles sublimes, des acteurs inspirés et surtout, le clou, la cerise, une Jessica Lange impériale.

    Si « American Horror Story » n’est pas la série effrayante et malsaine que l’on espérait (trop d’humour, de décalage et d’enrobage esthétique léché, qui donnent parfois plus l’impression de feuilleter un art book qu’une histoire filmée), on apprécie tout de même l’audace de l’entreprise et sa générosité.

     

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    Channel Zero

    « Channel Zero » est une série qui ne va pas chercher à faire jolie avec de faux concepts et un casting à répétition. On pense tout d’abord à une autre série anglaise intitulée « Black Mirror ». Ici on ne surfe pas sur la mythologie classique ; sorcières, vampires, fantômes, monstres en tout genre, psychopathes actuels pour faire joli et revendications queers sur le dessus, en un fourre-tout façon fête foraine. On s’intéresse davantage à notre société et l’évolution de nos us et coutumes.

    Si « Black Mirror » s’appuie sur notre rapport à la technologie et les dérives que cela entraîne, conséquence et fatalité, dans des récits d’anticipation où chaque point de départ est une projection de ce que l’on vit au présent, « Channel Zero » va plutôt utiliser l’époque actuelle et la tordre façon « Twilight Zone », avec des préoccupations bien ancrées dans le réel.

    Pour l’ambiance générale, on navigue dans des réminiscences très « Lynchiennes ». Les protagonistes vont constamment être confrontés à des situations remettant leur équilibre mental et leur existence même en doute. Il y est question de légendes urbaines remaniées et agrémentées de concepts assez fous. Les visions, les situations que vivent tous les personnages, sont dans leur genre assez inédites. La peur fonctionne systématiquement grâce à l’empathie des personnages, suffisamment neutres, pour que l’on puisse se projeter assez rapidement en eux.

    Que ce soit une émission pour enfants qui ne peut être vue que par les enfants eux-mêmes et qui les transforme en monstres, une maison noire qui apparaît et disparaît à sa guise dans une banlieue pavillonnaire quelconque et qui renferme un monde inversé, une famille ayant pactisé avec une divinité funeste pour obtenir la vie éternelle ou une femme capable de faire surgir ses amis invisibles de son enfance afin de se venger, ce sont autant de thématiques passionnantes dont on peut aimer avoir peur, mais tout en réfléchissant sur notre existence et notre rôle à jouer dans cette vie qui nous est allouée.

    L’inventivité des scénaristes conjuguée au talent indéniable des réalisateurs et producteurs apportent tout le sel à ce programme brillant, innovant et totalement dérangeant. Chacun de ses thèmes tient sur une saison de six épisodes, au cours de laquelle les concepteurs de la série prennent vraiment le temps de développer l’intrigue.

    Avec « Channel Zero », nous avons indubitablement affaire à la série la plus aboutie, la plus moderne et définitive dans ce registre, avec toujours cette peur en filigrane, qui ne se cache plus derrière la porte ou dans un recoin sombre pour nous faire sentir sa présence ; mais une peur qui ne joue plus avec des références empruntées aux classiques de la littérature, ni avec les codes en vigueur ou les règles usitées.

    Et force est de reconnaître que les séries sont aujourd’hui de précieux laboratoires pour nos imaginaires et notre appétit insatiable de nouveauté…

     

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    Quant à la prochaine Saison 9 de la série « American Horror Story », elle se dévoile dans un teaser sombre et mystérieux…

     

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  • Retour sur la série anglaise mythique des 90’s : Absolutely Fabulous ou Ab-Fab

     

     

    A l’aune des années 80, les gays n’avaient pas encore vraiment trouvé leur série télé fétiche. Attention, pas l’un de ces programmes où l’on essaierait de singer cette communauté et ses représentants par le truchement d’infâmes caricatures démagogiques pour familles lyophilisées qui ne devraient surtout pas vaciller devant leurs postes, mais une série qui viendrait bousculer les codes. Et puis explosa sur nos écrans la bombe « Absolutely Fabulous »…

     

    Car dans tous ces programmes, de manière éparse et incongrue, on y secouait des ersatz d’homosexuels, tels des épouvantails, sans que l’on saisisse vraiment le but avoué de la manoeuvre. L’initiative, au bout du compte, se révélait souvent maladroite, en verrouillant toujours et encore les idées reçues par des stéréotypes éculés, rances.

    Dans les années 2000, il y eut bien quelques tentatives à la télé, pour essayer d’illustrer en image la culture « Gay » et décrypter le mode de vie de ces hommes ou ces femmes homos. Bof, bof, bof… Toujours trop lisse. Des séries anglaises ou américaines ont aussi tenté de séduire les spectateurs, mais en vain. Les plus connues, de « Queer As Folk » à « Angels in America », en passant par « The L World » ou la dernière en date, « Looking », essaient depuis une quinzaine d’années de braquer les projecteurs sur des microcosmes LGBT urbains, de petites bulles dans lesquelles frétillent des panels représentatifs de ce que serait la communauté Gay aujourd’hui. Bref, de la discrimination positive en infusion servie dans un joli service en porcelaine…

    Avec ces séries, on peut donc assister à de bien gentillets enfilages de perles et d’anecdotes sur la vie de tous les jours et les états d’âme de tous ces métrosexuels qui s’aiment entre eux. Le problème, qui rend l’exercice en général peu crédible, c’est qu’ils sont tous jeunes, beaux, blancs (avec ici et là peut être un Latino ou un Afro pour donner cette petite touche Benetton qui fait encore mouche…), parfaitement sculptés dans ce moule à fantasmes d’une représentation qui n’existe pas vraiment dans la vraie vie… Bref, tout cela sonne hélas parfaitement faux…

    Alors que ces séries conçues spécialement pour la télé et le câble, toujours plus nombreuses, accessibles et généralement de bonne facture, devraient en toute logique entacher sérieusement la crédibilité des films réalisés pour le cinéma, on constate paradoxalement que c’est plutôt au cinéma que les gays sont le mieux représentés, avec originalité, audace et le souci de s’accompagner de véritables questionnements, en tentant d’éviter le piège de la sempiternelle version gay de « Sex and the City ».

    On se souviendra ainsi de « Maurice » de James Ivory, ou vingt ans plus tôt de « Reflet dans un Œil d’Or » de John Huston, deux films qui parlaient à deux époques différentes de la difficulté d’être ou de vivre en tant qu’homosexuel dans une société aveugle et sourde, toute entière trempée dans un bain amniotique d’hypocrisie complaisante.

     

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    Plus récemment, « Moonlight » de Barry Jenkins retraçait le parcours d’un jeune garçon afro-américain dans une banlieue de Miami, à trois époques différentes de sa vie, durant lesquelles, se découvrant gay, il devra essayer d’exister tel qu’il est ; une histoire sur l’identité, sur ce que nous sommes et comment le savoir et l’accepter. Un film réalisé par un noir, avec uniquement des acteurs noirs au générique et comme sujet central la perception de l’homosexualité chez les Afro-Américains. Autant dire, une sacrée révolution…

    Mais revenons à présent au sujet premier… Car paradoxalement, et c’est probablement là où réside toute l’ingéniosité de son concept, la série anglaise « Absolutely Fabulous », diffusée sur BBC Two entre 1992 et 2004, n’a jamais mis en avant des personnages ouvertement gay ou évoluant dans cet univers.

    Avec Ab Fab (diminutif du titre de la série, employé pas les aficionados), on avait plus affaire à une ambiance, un ton, mais surtout à la fibre même, l’ADN de ce que pouvait être le gay de ces années 90 et ce à quoi il aspirait, en référence à un mode de vie, de la musique à la culture, en passant par le relationnel, le vocabulaire ou encore la situation propre à l’époque.

    Les deux héroïnes de ce feuilleton, Patsy et Edina, ne renvoyaient pas à une image policée et constructive qui tendait à dire : « regardez, on est pareil, on veut la même chose, on souhaite être en couple, adopter des enfants et passer des week-ends à la campagne avec un gros chien pleins de poils ». On était en effet bien loin, en ce début des années 90, des sermons en camaïeu de ce simulacre de « Mariage Pour Tous » qu’on a tenté de nous vendre récemment…

     

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    Ces deux nanas, qui évoluaient dans le milieu de la mode et de l’évènementiel, étaient complètement déjantées ; des quadras bien tassées, refusant de vieillir et de se plier aux normes de la société. Elles menaient des vies totalement à rebrousse-poil du tout un chacun, égoïstes et hédonistes à souhait. Et c’est en toute désinvolture qu’elles pratiquaient l’alcoolisme, la toxicomanie, la chirurgie esthétique à toute heure de la journée… Ces deux pouffiasses hystériques ne reculaient devant aucun excès, dans le seul but de contenter leur appétit de clinquant et d’éphémère.

    Le gay, en ce début des années 90, se reconnaît immédiatement dans cette ode à la liberté et à l’individualisme. Plus qu’une série gay ou une série Queer, c’était un hymne décomplexé à la vacuité, au plaisir sous toutes ses formes, à la vulgarité et tout un tas d’autres éléments pouvant se raccrocher au chapelet de l’insouciance et ce luxe si rare que l’on tente désespérément d’enfermer dans un flacon à l’abri du temps qui passe : la jeunesse… Mais « Absolutely Fabulous » était avant tout une série ultra drôle scénarisée et produite par Jennifer Saunders, la créatrice et actrice principale de ce show, moitié du duo « French & Saunders ».

    Pourtant, l’idée d’ouvrir les esprits à un peu plus de tolérance est un combat qui pourrait même remonter aux années soixante. Cette décennie avait déjà proposé bien des programmes assez subversifs… A commencer par la série « Les Mystères de L’Ouest », dans laquelle James West arborait ses petits futals hyper moulants lui dessinant bien les fesses, ou ses vestes spencers lui arrivant au-dessus des hanches… Sans parler des rapports intrigants qu’il entretenait avec son acolyte Artemus Gordon, adepte du travestissement sous toutes ses formes… Ou à ces scènes de bagarres avec des marins musclés dans des bars uniquement fréquentés par des hommes, tout droit sortis des illustrations de « Tom of Finland ».

    Mais « Absolutely Fabulous » reste indiscutablement la série la plus proche de ce qu’était il y a encore vingt ans le mode de pensée de quiconque se revendiquait « Gay ». Comme le dernier rempart avant l’uniformisation des esprits…

     

    25 ans après la première diffusion française sur Canal+ de la série « Absolutely Fabulous », retrouvons avec délectation la VOST jusqu’alors introuvable de cet épisode culte de la saison 3 datant de juin 1996 (Canal Jimmy).

     

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  • Le D-Day par Robert Capa

     

     

    Le 6 juin 1944, à Omaha Beach, Robert Capa prend plus de 100 clichés au péril de sa vie. Une maladresse dans un laboratoire les détruira presque tous. Récit…

     

    A 6h30 du matin, quand les barges américaines acheminent les premiers soldats vers Omaha Beach au rythme des remous et des vomissements, un photojournaliste est présent. Un seul… Robert Capa. En effet, en dehors du futur cofondateur de l’agence Magnum, aucun autre photographe civil n’est assez fou pour débarquer avec les Boys, non seulement au Jour J, mais aussi à l’Heure H, dans la salve d’assaut inaugurale. De fait, le témoignage livré par Capa dans la grisaille du 6 juin 1944, entre les balles et les obus, est historique, unique, précieux.

    Ce témoignage photographique, personne ne l’a jamais vu dans son intégralité. Et personne ne le verra jamais… Sur les 106 clichés pris par Robert Capa ce jour-là à Omaha Beach, 95 n’ont jamais vu le jour, purement et simplement détruits. 11 seulement nous sont parvenus, dont celui, mythique, du « visage dans les vagues ». Récit d’un épisode parmi les plus rocambolesques de l’histoire de la photographie.

     

    « Si tes photos ne sont pas bonnes, c’est que tu n’es pas assez près. »

     

    Robert Capa va bien devoir s’appliquer son célèbre conseil à lui-même lorsqu’il choisit, à la veille du D-Day, de se joindre à la Compagnie E du 116ème régiment d’infanterie américaine. Destination : Easy Red, l’un des secteurs d’Omaha, plage surplombée par les blockhaus allemands. « Le correspondant de guerre a son sort – et sa vie – entre ses mains, il peut parier sur ce cheval-ci ou ce cheval-là, ou remettre sa mise dans sa poche à la dernière minute », déclare Capa dans ses mémoires. « Je suis un joueur. Je décidais de partir avec la Compagnie E dans la première vague ».

    La flotte alliée mouille à Weymouth, dans le sud de l’Angleterre. Dans la nuit du 5 au 6 juin, Capa et 300.000 Alliés traversent la Manche dans une opération logistique d’ampleur inédite. Atteint par la tension ambiante, le reporter écrit une dernière lettre à ses proches (il ne la postera jamais), joue au poker avec des soldats, néglige enfin son petit déj’ « pré-débarquement », composé de petits pains, d’œufs et de saucisses. Au ventre, rien d’autre que la peur…

    « Le soleil, ignorant que ce jour serait différent de tous les autres, s’est levé à l’heure habituelle », décrit Capa. Les vedettes sont alors mises à l’eau, avec à bord les premières centaines de soldats voués à participer à la boucherie. 15 kilomètres plus loin, à l’approche du mur de l’Atlantique érigé par les Allemands, une pluie de plomb les accueille en Normandie. Lorsque les barges de débarquement touchent le fond, les hommes sautent pour parcourir les 100 derniers mètres à pied. Robert Capa commence à mitrailler – non avec une arme, mais avec l’un de ses Contax.

     

     

     

     

    « Ma belle France était repoussante et horrible. […] Les hommes de mon bateau pataugeaient dans l’eau jusqu’à la taille, leurs fusils prêts à tirer, les poteaux jaillissaient de la mer et la plage fumait en arrière-plan – tout cela était parfait pour la photographie. » (Robert Capa)

     

    Cerné par les projectiles, et bientôt par les cadavres, Robert Capa trouve refuge derrière l’un des pieux d’acier de la défense nazie. Ainsi adossé, il photographie les combattants américains alourdis par leur équipement, qui tentent péniblement, parfois vainement, de maintenir la tête au-dessus de la surface de l’eau. Le soldat de première classe Huston « Hu » Riley est l’un d’eux. Ironie du sort : l’homme occupe dans sa compagnie le poste d’instructeur pour la natation. Seulement voilà, il vient de recevoir quatre balles à l’épaule.

     

     

     

    « Deux gars m’ont aidé à sortir de l’eau, un sergent et un photographe avec un appareil autour du cou. Ce devait être Robert Capa. Il n’y en avait pas d’autre. Je me souviens très bien m’être dit : mais que diable ce dingue de photographe fait-il ici ? » (Huston Riley, via « Slate »)

     

    Le Private First Class, ensuite pris en charge par un infirmier, est alors à mille lieues nautiques de soupçonner que son visage deviendra « The Face in the Surf » (« le visage dans les vagues »), l’icône du Débarquement, à l’aura d’autant plus légendaire qu’il faudra un demi-siècle pour déterminer son identité avec exactitude. En effet, un autre soldat, Edward Regan, a affirmé être le héros immortalisé par Capa, avant de se faire contredire par des vérifications approfondies.

    Pour l’heure, à Omaha Beach, Robert Capa continue d’employer toute son énergie à se maintenir en vie… Abandonnant finalement son pieu d’acier, le photoreporter s’abrite derrière un tank amphibie. L’opération Neptune lui rappelle un autre enfer, la guerre d’Espagne. « Es una cosa muy seria. Es una cosa muy seria » (« la situation est grave »), répète-t-il comme un mantra.

     

     

     

    D’après son récit, Capa abandonne ensuite son imperméable Burberry, qui pèse une tonne. Il rejoint la plage en se plaçant dans le sillage de deux militaires. Tente brièvement de creuser un trou avec une pelle. Tremble tellement qu’il n’arrive plus à changer de pellicule. Fait marche arrière, s’engouffre dans un bateau dans lequel un obus fait exploser les gilets de sauvetage. C’est à bord de cette barge, en fin de compte, que le photographe épuisé est ramené vers l’USS Chase. Il fait partie des 10 % qui ressortent indemnes de la première vague d’assaut sur Omaha la sanglante. Les 90 % restants sont blessés ou tués.

     

    « Les légendes expliquaient que les photos étaient floues parce que les mains de Capa tremblaient trop. »

     

    De retour dans le sud de l’Angleterre, le photojournaliste expédie sa production au bureau londonien du magazine « Life » : 4 rouleaux de 36 poses qui contiennent le plus grand moment de sa carrière. Faisant confiance à sa baraka, Robert Capa reprend le premier bateau militaire en partance pour la France, rejoint la tête de pont, où on le croyait mort, puis commence à couvrir la campagne de Normandie.

    Parallèlement, à Londres, ses négatifs atterrissent entre les mains d’un laborantin nommé Dennis Banks. Dans la précipitation, ou l’excitation, le jeune homme commet une erreur. Il ferme la porte du séchoir à films. Témoignage historique ou pas, la chaleur fait implacablement son effet sur les pellicules : elles fondent.

    Le directeur photo de « Life », John G. Morris, parvient à sauver en catastrophe 11 négatifs d’un des quatre rouleaux (il n’en reste aujourd’hui plus que 8). Les pertes s’élèvent à environ 90 %. Le même chiffre que les pertes de la première vague américaine à Omaha Beach ! Lorsqu’il est informé de la catastrophe, Capa se lamente : « Le peu qui reste imprimable n’est rien par rapport au matériel gâché ».

     

    FRANCE. Normandy. Omaha Beach. The first wave of American troops lands at dawn. June 6th, 1944.

     

     

    L’accident de laboratoire n’empêche pas « Life Magazine » de publier le 19 juin les images épargnées. Épargnées… mais défigurées. « Les légendes expliquaient que les photos étaient floues parce que les mains de Capa tremblaient trop », note placidement le photographe d’origine hongroise.

    Le rescapé du Débarquement n’a pas tout perdu. Outre les négatifs sauvés de la destruction, qui deviendront avec la postérité les « Magnificent Eleven » (« Les Onze Magnifiques »), Robert Capa se fait embaucher définitivement par « Life ». En compagnie du rédacteur Christian Wertenbaker, il suit la progression des Alliés en France, voit la Libération de Paris, « le plus beau jour du monde ».

    En 1947, Robert Capa prend la plume – il s’est toujours rêvé écrivain – et raconte sur un ton détaché ses aventures de reporter de guerre. Il choisit un titre symbolique : « Slightly Out of Focus », « Juste un peu flou »…

     

     

     

    Source : Cyril Bonnet pour le Nouvel Obs (06 juin 2014)

    Crédit Photos : Robert Capa / Magnum

     

     

     

  • Mémoires de Respect par Jérome Viger-Kohler

     

     

    J’ai parfois l’impression que ma vie de noctambule est derrière moi : j’ai trente-cinq ans, je suis papa.… Mais pour être honnête, il arrive encore que la nuit m’ouvre ses bras – et même “plus que jamais”. Il y a quinze jours, par exemple, nous étions à Ibiza avec un de mes frères d’armes de Respect. Et nous étions toujours les derniers couchés. Rassurant ? Inquiétant ? C’est selon…

     

    Reprenons. J’écris ici pour témoigner de mes dix ans de night clubbing avec « Respect », soirée que nous avons fondée, David Blot, Fred Agostini et moi-même, à l’âge de 25 ans. Soit en quelques clichés : la French Touch, la fin des années 90, les breakdancers sur la piste, la vie de DJs stars, les hôtels de luxe à Miami, la Playboy Mansion…… Tous ces Polaroïds qui sentent bon l’avant onze septembre, l’avant crise de l’industrie musicale, l’avant réchauffement climatique, l’avant néo-conservatisme, bref le revival d’insouciance discoïde qu’ont connu les dernières années du vingtième siècle. « Party like it’s 1999 » dit Prince ? Nous l’avons suivi au pied de la lettre…

    Sauf que cette période-là est finie depuis belle lurette. Et pour la séquence nostalgie, faudra vous adresser ailleurs. Pas envie de tout reprendre à zéro – ou si, tiens, juste histoire de poser une pierre blanche : première « Respect » le mercredi 2 octobre 1996 au Queen. Entrée gratuite sur les Champs Elysées. 1700 personnes sur la piste. La première nuit d’une saga qui nous emmènera jusqu’à Hollywood.

    Imaginez maintenant qu’il y a un mur devant vous, celui qui me fait face, dans notre bureau de Belleville. Et scotchés dessus : des flyers, des photos, des cartes postales et quelques babioles……

     

     

     

    Souvenir Un. Une carte postale du fanzine eDEN, avec ce slogan : « La tension monte” ». eDEN était le fanzine du début des années 90 consacré à la House Nation, l’un des seuls médias français à soutenir ce courant musical. Avec eDEN, deux radios faisaient du bon boulot : Nova et FG et un seul magazine : Coda. Mais pour le reste, c’était affligeant. Il faut croire que tous les autres médias musicaux et généralistes s’étaient ralliés contre la House et la Techno. Résultat : “La tension monte” ! Un milieu underground de musiciens, DJs, labels, clubbers, ravers, fait de la résistance contre l’adversité mainstream, et disons-le, rock. Difficile à imaginer aujourd’hui. Et pourtant, c’est dans ce contexte que « Respect » voit le jour.

     

     

     

     

    Souvenir Deux. Un flyer du Twilo, énorme club new-yorkais fermé en 2001 suite aux pressions policières. C’est une soirée Respect. Vous lisez bien, nous avons tenu une résidence parisienne à Manhattan pendant plus de trois ans, soit une trentaine de soirées en tout, rien qu’à New York, dont la moitié au musée d’art contemporain PS1. Plateau de cette soirée : Dimitri from Paris et Junior Vasquez. Anecdote : chaque DJ avait une cabine séparée – les deux se faisant face. A 6h00 du matin, quand Junior a posé son premier disque, notre cabine s’est mise à trembler. Un frisson : cinq ans après notre première au Queen, nous vivons l’apogée de la croisade Respect à l’étranger.

     

     

     

    Souvenir Trois. Le flyer “Daft Club” doré, format carte de visite. Les Daft Punk jouaient toujours gratuitement pour la Respect, le patron devait juste arroser les potes de tickets consos. Entrée gratuite, file d’attente qui remonte les Champs sur quelques centaines de mètres. Et le feu à l’intérieur. Des dizaines de breakers. Un mélange de looks et de générations comme on ne l’avait plus vu depuis… les années 80. Des racailles à la cool, des vogueurs en action, Monsieur Calvin Klein qui retarde son retour à New York pour être là, et tout ce que Paris comptait de DJs et de producteurs à buzz.… La date ? Mercredi 15 avril 1998. C’est une autre date culminante, celle des Respect au Queen. La résidence sur les Champs s’arrêtera en juillet 1999… Ennui, lassitude, formatage musical. D’autres résidences nous attendaient à New York, Bruxelles, Copenhague. Et d’autres fêtes partout ailleurs : de Caracas à Sydney en passant par Kuala Lumpur.

     

     

     

    Souvenir Quatre. Un flyer « Kill the DJ »  photocopié avec cette mention : « Ton avis nous intéresse : comment ferais-tu pour tuer un DJ ?” ». On peut le dire, Kill the DJ, c’était la dark side de Respect. La force obscure. D’ailleurs, un secret : le nom “Respect”, c’est Ivan Smagghe (résident de KTD) qui nous l’a soufflé. Respect pour « Respect the DJ ». À un moment, il faut bien tuer ses héros, surtout quand ils se prennent pour des idoles. À force de voyager, notre retour à Paris en 2002 ne sera pas facile. Perte de repères : le Paris branché veut la peau du DJ. On s’y fera, et on passera de très bonnes nuits au Pulp.

     

     

     

    Souvenir Cinq. Un bracelet rose, “été d’Amour”. En 2002, Respect ouvre sa résidence saisonnière sur un bateau au coeur de Paris. Un “été d’Amour” qui vient de clôturer sa cinquième édition le 21 septembre dernier. Mots d’ordre : éclectisme musical, mélange des bandes, et une fête grand écart de la fin d’après-midi au lever du jour. Des DJs historiques, des selectors qui n’en font qu’à leur tête, des lives à gogo, mais pas (encore) de révolution musicale à l’horizon. En revanche, des dizaines de nouveaux couples et des millions de baisers. Sans exagérer.

     

     

     

    On arrêtera là pour aujourd’hui. Des madeleines comme ça, il y en aurait autant que de soirées. Des questions pour finir ? Non, non, on n’a pas fait fortune, loin de là. Non, nous n’avons pas révolutionné les nuits mondiales. Ni même les nuits parisiennes. Mais oui, on s’est bien amusé. Le futur ? On verra bien. Nous avons tenu dix ans – ça vaut bien une fête d’anniversaire, non ?

     

     

     

     

     

    5 Titres en Bande Sonore :

    ✓ Aretha Franklin : « Respect »
    ✓ Norma Jean Bell : « Baddest Bitch (Motorbass Mix) », extrait de la compilation « Respect Is Burning vol.2 ».
    ✓ Stetasonic : « Talking All That Jazz (Dimitri from Paris Remix) », extrait de la compilation « A Night At The Playboy Mansion ».
    ✓ Kimara Lovelace : « Misery (Lil Louis Extended Club & Harmony Mix) », extrait de la compilation « Respect to DJ Deep ».
    ✓ Grace Jones : « Feel Up (Danny Tenaglia Remix) », extrait de la compilation « After the Playboy Mansion ».

     

    Souvenirs de Jérome Viger-Kohler sur des Photos d’Agnès Dahan, pour Brain Magazine (05 juin 2007)

     

     

     

     

     

  • Léonard de Vinci : Les 1119 pages du Codex Atlanticus désormais consultables en ligne

     

     

    C’est à la bibliothèque Ambrosienne de Milan que vous pourriez, si l’occasion se présentait, découvrir cet intrigant recueil de dessins, créés par Léonard de Vinci en personne. Le « Codex Atlanticus » et ses fameuses notes écrites en miroir contient plus de 1100 feuillets, noircis entre 1478 et 1519. Après avoir numérisé en totalité les 12 volumes qui le composent, le site codex-atlanticus.it le rend accessible gratuitement.

     

    L’ouvrage qui inspira le célèbre « Da Vinci Code » de Dan Brown regroupe en tout 1 119 planches en grand format (64 x 43 cm). Son nom, « Codex Atlanticus », évoque la similarité de format entre cette œuvre et les grands atlas de l’époque. Il parcourt tous les champs de réflexion que le génie italien explora : anatomie, architecture, plans de machines complexes… Débuté en Toscane, il fut achevé en France, interrompu par la mort de Léonard de Vinci.

    Pour la première fois numérisé, fruit d’un partenariat entre la société The Visual Agency et la Bibliothèque Ambrosienne, le « Codex Atlanticus » est à découvrir par le biais d’une application web, offrant au visiteur une classification globale, par date, sujet ou thématique.

    On constate ainsi que géométrie et algèbre constituent la majeure partie du livre, suivis de la physique et des sciences naturelles — 1141 occurrences contre 1004. Viennent ensuite les instruments et machines, avec 906 occurrences, puis l’architecture et les arts appliqués, avec 496 documents, et enfin les sciences humaines avec 429 références.

     

     

     

    Il est cependant regrettable que l’application n’offre pas un moteur de recherche pour explorer différemment les entrées – et une meilleure fluidité de répartition (entre notes et dessins, par exemple, quand cela est possible). Le classement permet également de déterminer des périodes de création, mettant en lumière que c’est probablement entre 1507 et 1508 que Léonard fut le plus productif, avec plus d’une centaine de pages réalisées.

    Mais le Codex ne se contente pas de proposer des dessins d’une impressionnante précision ; on y retrouve également des fables, maximes, aphorismes, et divers commentaires, inspirés par la littérature florentine. Et par-dessus tout, le fameux « curriculum vitae » de Léonard de Vinci, envoyé au Duc de Milan, détaillant en neuf points ses qualifications pour le poste d’ingénieur militaire.

     

     

     

    Ce 2 mai 2019, on célébrait le 500ème anniversaire de la mort du peintre, ingénieur, penseur et immense génie de la Renaissance. De nombreuses célébrations partout dans le monde sont organisées à cette occasion, et la diffusion de ce manuscrit dématérialisé s’inscrit donc dans cet ensemble.

    Pour découvrir l’ensemble des pages, c’est ici, et vous pourrez y observer un véritable travail d’analyse de données…

     

     

     

     

  • La jeunesse d’Yves Saint Laurent

     

     

    Yves Saint Laurent nous quittait le 1er juin 2008. On ne saura jamais vraiment qui était Saint Laurent, derrière ses robes, ses tissus, ses soirées, ses amants. Il était le héros d’un roman, de sa propre histoire… Un être de papier qui grâce à Pierre Bergé put devenir l’un des plus grands couturiers de l’histoire de la mode. En 2017, neuf ans après le disparition du créateur, deux musées éponymes ouvraient à Paris et Marrakech.

     

    Le 3 octobre 2017, plus de quinze années après la fermeture de la maison de haute couture, s’ouvrait le Musée Yves Saint Laurent Paris. Il occupe l’hôtel particulier historique du 5 avenue Marceau, là-même où naquirent durant près de trente ans, de 1974 à 2002, les créations de Saint Laurent. Sur plus de 450 m2, une présentation sans cesse renouvelée, alternant parcours rétrospectif et expositions temporaires thématiques, nous offre à voir la richesse du patrimoine unique conservé par la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent.

    Le musée rend compte aussi bien du génie du couturier que du processus de création des collections de haute couture. Mais plus qu’un simple lieu monographique, il se veut également le témoin de l’Histoire du XXème Siècle et d’une haute couture qui accompagnait un certain art de vivre aujourd’hui disparu.

    La scénographe Nathalie Crinière et le décorateur Jacques Grange, qui ont tous deux collaboré à de nombreux projets de la Fondation, ont repensé ses espaces d’exposition dans l’ambiance originelle de la maison de haute couture. Le Musée Yves Saint Laurent Paris est le premier musée de cette ampleur consacré à l’œuvre d’un des plus grands couturiers du XXème siècle à ouvrir ses portes dans la capitale de la mode.

     

    Le Musée Yves Saint Laurent Paris expose l’œuvre du couturier dans le lieu historique de son ancienne maison de couture, à travers un parcours rétrospectif et des expositions temporaires thématiques présentées successivement.

     

    En septembre 2018, le Musée Yves Saint Laurent à Paris mettait ainsi en lumière plus d’une soixantaine de dessins réalisés par le créateur lorsqu’il était encore adolescent, mais aussi des clichés exceptionnels. Ces oeuvres, pour la plupart inédites, reflètent la jeunesse d’Yves Saint Laurent, de son adolescence bercée par le soleil d’Oran à son arrivée à Paris en septembre 1954. On y découvrait également une série de clichés du créateur jeune, mais aussi des archives issues de ses voyages à Marrakech.

    Cette exposition fut une occasion en or de découvrir les débuts prometteurs d’Yves Saint Laurent, et notamment son intérêt pour les Arts, comme la littérature, le théâtre, le ballet et bien-sûr, la mode. Ces oeuvres, sondant toutes les passions du designer, préfiguraient l’émergence de l’un des couturiers français parmi les plus emblématiques.

     

     

    Yves Saint Laurent avec ses parents, Lucienne et Charles (1938) © Droits réservés

     

    Yves Saint Laurent, dans les années 1940 © Droits réservés

     

    Dessin d’Yves Saint Laurent, programme de collection de Paper Doll, entre 1953 et 1955. Musée Yves Saint Laurent Paris. © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Livre d’enfance, « Madame Bovary », d’après le roman éponyme de Gustave Flaubert, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Livre d’enfance, « Merlin ou Les Contes Perdus », d’après le roman éponyme d’Andrée Pragane, 1952. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Paper Doll Bettina et trois vêtements de sa garde-robe, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour Madame de Vermont, dans la pièce « La Reine Margot », d’après le roman éponyme d’Alexandre Dumas, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de décor (non réalisé) pour La chambre de la Reine de Navarre dans la pièce « La Reine Margot », d’après le roman éponyme d’Alexandre Dumas, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour la pièce « Sodome et Gomorrhe » de Jean Giraudoux, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour La Reine dans la pièce « L’Aigle à Deux Têtes » de Jean Cocteau, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de décor (non réalisé) pour le ballet « Les Forains » d’Henri Sauguet, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Yves Saint Laurent à Marrakech © Pierre Bergé

     

    Pierre Bergé et Yves Saint Laurent à Marrakech, 1977 © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

    Yves Saint Laurent à Marrakech © Pierre Bergé

     

    Pierre Bergé et Yves Saint Laurent au Château Gabriel © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

    Yves Saint Laurent, Anne-Marie Muñoz et Pierre Bergé, 1977 © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau