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  • Retour sur « Art », la brillante comédie de Yasmina Reza

     

     

    L’art n’a pas de limite, n’a pas de fin et encore moins d’utilité pratique. Ce n’est plus à démontrer, la sensibilité dans l’art n’est que subjectivité, et la création balaie les dogmes et diktats d’un souffle intolérant et vertigineux. À l’art moderne succède l’art contemporain, cet obscur inconnu à la fois admiré et incompris, courtisé et rejeté.

     

    Né après 1945, l’art contemporain est plus que toute autre création éminemment insaisissable : 1994, Balloon Dog de Jeff Koons, une immense sculpture représentant un chiot qui semble gonflé à l’hélium, une boite de ketchup Heinz peinte par Warhol en 1962, des toiles aux allures d’inachevés d’Antony Gormley en 2000… L’art contemporain repousse sans cesse ses limites. Mais en a t-il vraiment ?

    En 1994, Yasmina Reza compose « Art », pièce phare de son œuvre qui rencontrera un succès international. Il faut tout d’abord vous imaginer un tableau blanc, entièrement blanc, avec des liserés blancs. Une toile donc, d’environ 1m60 sur 1m20, qui porte le nom d’Antrios.

    Yvan (Pierre Arditi), Marc (Pierre Vaneck) et Serge (Fabrice Luchini) sont trois amis de longue date. Dans un décor très sobre et minimaliste, Serge présente à Marc sa nouvelle acquisition de quelques 41.000 euros (200.000 francs à l’époque). Sceptique sur l’art et sur bien d’autres choses, Marc se moque de l’achat couteux de son ami qu’il qualifie de simple « merde blanche ». Serge, amoureux d’art, est étonné de sa réaction, car lui voit dans cette toile quelque chose « d’évident et de paradoxal ». Yvan, le troisième protagoniste, apparaît relativement tolérant, et s’avoue même ému par les couleurs du tableau, au grand dam de Marc. Ne connaissant pas le domaine de l’art, il demande la côte du peintre pour juger du prix. Bien qu’il reconnaisse la beauté de l’oeuvre, il n’y mettrait pas ce prix.

    Toute la pièce tourne ainsi autour de la sensibilité dans l »art, de la valeur d’une œuvre, du génie d’un artiste, et de l’absurdité que cela peut atteindre. Trois hommes représentent trois catégories de réactions face à l’art. Serge parle « d’une éducation à l’art », comme si le luxe d’apprécier ou non une œuvre n’était pas à la portée de tout le monde. Comme si l’art s’apprenait, se domestiquait. Le prix d’une œuvre n’est qu’un détail, c’est la réception qui fonde sa valeur. Pour lui, l’Antrios n’est pas blanc, mais bleu, rouge, jaune. Il voit plus loin que ce qu’il perçoit.

    Marc, ingénieur et rationnel, blâme son ami de l’hypocrisie hideuse dont il fait preuve en achetant l’Antrios et critique sa volonté de faire partie d’une élite artistique snob et ignorante. Marc dénonce le piège de l’art et de l’argent, la pédante idée de se prendre pour un collectionneur, la suffisance de Serge à vouloir leur faire croire qu’il aime profondément son tableau. Yvan, salarié dans une épicerie, se distingue de ses deux compères par son milieu social plus modeste et s’écrase face à ses amis bourgeois et aisés, qui évoluent eux dans un cercle plus intellectuel que le sien. Il ne nie pas être sensible au tableau, et trouve séduisante la poésie qu’il y a dans le fait même d’acheter une oeuvre si sobre et si neutre. Il décrit une certaine idée, insaisissable mais bien réelle derrière la création de l’Antrios.

    « Art » est une critique diffuse de l’art contemporain, et plus que tout de la beauté. Il y a une incompréhension profonde pour le prix si élevé d’une toile si simpliste. Cela voudrait-il dire que plus l’oeuvre est riche, plus sa valeur est grande ? Mais au final qu’est ce que la beauté ? Serge est amoureux de son tableau blanc dans lequel il voit une originalité sans précédent. Il parle même d’un chef-d’oeuvre conçu par un génie, une divinité qui s’élève au dessus des mortels. Le même débat encore et toujours sur la prépondérance de l’oeuvre ou de l’artiste. Si Picasso peignait un point bleu sur une toile blanche, le tableau aurait-il la même valeur que si n’importe qui en faisait de même ? Peut on considérer une toile blanche comme une création artistique à part entière, au même titre qu’un chef d’oeuvre intemporel de la peinture ?

    Le débat est ouvert…

     

    Photo à la Une © Christian Tiffet

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Art @ Theatrart

     

     

     

  • Steve Reich, tout est bruit pour qui a peur

     

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS »: un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    « City Life » est une œuvre du compositeur américain Steve Reich. Très bien. Mais encore ?

     

    Partie intégrante d’un large mouvement artistique venu tout droit des États-Unis, nommé « Musique Minimaliste », l’œuvre de Reich, inscrite dans ce que l’on appelle la « Musique Répétitive », est en elle-même originale dans le sens où depuis la fin des 60’s, le compositeur a inventé, développé, perfectionné un style qui lui est propre : le « Phasing ». Le déphasage, in French. Non pas que le monsieur soit lui-même déphasé, bien au contraire, et encore que, mais comme tout artiste qui se respecte ou se trouve respecté, Steve Reich conçoit et pense la musique, (les arts en général), dans sa réalité sociale.

    Déphasage et réalité sociale, donc. Une interprétation. La mienne. Mais il n’y a pas que cela… D’autres œuvres peuvent différer, un peu, pas trop non plus, faut pas exagérer.

    Steve Reich a mis de coté ses études en philosophie pour se consacrer à la musique. Musique qu’il a toujours connue. Papa est compositeur à Broadway, maman est chanteuse. Le fiston, féru de jazz, deviendra batteur, dans un premier temps. Depuis sa plus tendre enfance, il navigue entre New-York, où vit son père, et San Francisco, où vit sa mère. Il en fera état dans son œuvre « Different Trains ». Premiers déphasage ? Pour ses études en musique, pareil. La Julliard School of Music de New-York et le Mills College à Oakland, près de S.F.

    Bon. Mais encore ? Eh bien, ses rencontres. Celles de Philip Glass, d’abord, puis de Terry Riley. L’un sur la coté Est, l’autre sur la cote Ouest… Le grand écart, encore. Autre chose, il participe en 1964 à la musique « In C », l’œuvre fondatrice du mouvement minimaliste répétitif, composée par Riley. Et puis, hop, c’est parti. Il fonde son propre ensemble en 1966, le « Steve Reich and Musicians » et ainsi commence sa carrière.

    « City Life », pour revenir au sujet, est une œuvre majeure dans la musique de Reich. Elle date de 1995. Steve Reich a presque cinquante ans. C’est une œuvre de pleine maturité, donc. Maturité artistique, maturité philosophique, maturité spirituelle, maturité humaine. Elle met en œuvre le mélange de musique instrumentale et de sons préenregistrés. On nomme cela « Musique Mixte ». Elle met aussi en scène la ville de New-York et plus précisément un univers sonore de Manhattan.

     

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    Dans la note de programme, le compositeur nous dit ceci : « contrairement à mes précédentes compositions, Different Trains (1988) et The Cave (1993), les sons préenregistrés sont joués ici en direct sur deux claviers échantillonneurs. Il n’y a pas de bande magnétique dans la performance, ce qui ramène à cette petite flexibilité habituelle de tempo, caractéristique de la performance live ». Tiens ! J’ai déjà lu quelque chose comme cela lorsque Beethoven parlait du métronome…

    On y entend ainsi, mélangés aux instruments, des sons de klaxons, claquements de porte, carillon de métro, des alarmes de voiture, des battements de coeur, sirènes de bateau et de police, des discours (notamment les échanges entre pompiers lors du premier attentat du World Trade Center le 26 février 1993). Tout ceci faisant partie intégrante du tissu générateur de la pièce.

    « City Life » s’ouvrant sur : « Check it out » et se concluant par : « Be careful », il est souvent écrit dans les différentes analyses que l’œuvre est à la fois reflet et rejet de la société. Qu’en nous plongeant dans un premier temps au centre de Manhattan, traduisant ainsi la vie trépidante, fourmillante qui y règne ; puis, en assombrissant peu à peu le ciel new-yorkais, Steve Reich cherche à mettre l’accent sur une vie citadine de plus en plus stressante, correspondant à une vision plus sombre qu’il aurait de la ville. Preuve à l’appui, le « Attention » concluant la fin de l’œuvre. Qu’en outre le regard du compositeur nous montre sa fascination/aversion pour la ville. Et pour finir qu’il s’agit en quelque sorte d’un documentaire sonore sur New York.

     

    City Life part. 1 :

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    Ce n’est pas mon interprétation de l’œuvre… Steve Reich n’est pas, à mon avis, dans cette forme de démonstration. Certes, la dualité existe en lui (ce fameux phasing). Certes, des forces opposées s’affrontent. Non seulement en nous, mais également dans notre monde (consonance/dissonance). Certes il expose, il figure mais il ne démontre pas (une forme en arche) *. Il témoigne, s’interroge et nous laisse à notre propre compréhension. L’homme est philosophe, spirituel. En cela, il n’impose pas, ne résout rien, nous laisse dans l’ambiguïté.

    Dans ses œuvres, Reich utilise des matériaux volontairement réduits, musique minimaliste oblige : répétition continuelle de courtes phrases musicales (ostinato), écriture en canons rapprochés (déphasage graduel en boucle). Il y adjoint l’insertion de bruits plus ou moins musicalisés. En fait, souvent musicalisés.

    Sa recherche sur les cycles rythmiques infinis, le sens de toute son œuvre (il a étudié les percussions à l’Institut des Études Africaines à l’Université d’Accra, au Ghana ; puis de retour aux Etats-Unis, il a étudié la technique des gamelans balinais) témoigne non seulement d’un goût prononcé pour le rythme (son coté batteur de groupes de jazz – il a aussi une prédilection pour Parker Charlie et Davis Miles) mais aussi d’une vision circulaire du temps. Un peu comme dans la philosophie Bouddhiste (j’dis çà, j’dis rien non plus).

     

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    Pourtant, c’est là que réside la clef de son œuvre. Tous les compositeurs n’ont pas cette vision temporelle. Tu parles ! Nos sociétés occidentales ont une vision du temps… linéaire. En cela, dans leur musique, il devient difficile de se séparer de ce que nommait John Cage « la colle ». Comment se séparer de cette colle qui colle aux notes ? Un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock… Reich à sa réponse. Les minimalistes de sa génération ont tous peu ou proue la même. Un compositeur comme Morton Feldman en a une autre. Ça me fait penser qu’il faudrait que j’aille réécouter James Brown.

    D’autres musicologues font état, comme pour essayer de nous rassurer, d’une logique dans cette volonté d’inscrire des bruits dans la musique instrumentale ; et ils nous disent que Reich a repris l’idée de Gershwin dans « Un Américain à Paris ». Pour le klaxon. Ah… Ouf ! Si Gershwin l’a fait… Peut-être. Mais que ne parle-t-on alors de Varese, Satie, Berlioz, Mozart (le père, pas le fils) ou bien Janequin (compositeur de François 1er) ? De tous temps, les compositeurs qui inscrivent leur œuvre dans leur réalité sociale, dans la vie, dans la ville, ont abordé le sujet. Il y en a bien d’autres sous d’autres formes.

    « Tout est bruit pour qui a peur », nous dit Sophocle. Steve Reich ? A pas peur, lui… Il prend des risques. En sculptant la matière brute, il fait état du tumulte de la ville, de la vie. Ses « bruits », musicalisés, suggèrent des réponses instrumentales en contrepoint des klaxons, freins pneumatiques, dérapages et autre pile-driver. Le bruit n’est pas traité comme une simple illustration, il est la matrice de la pièce. En cela, « City Life » n’est pas un documentaire sonore, elle est le reflet d’une part de notre vie, de ce que nous engendrons. Et si maux il y a, dans Manhattan ou ailleurs, ils sont le miroir des nôtres, Inside us. Les battements de cœur qu’il nous fait entendre, notre pulsation à nous, notre musique, est aussi cette pulsation urbaine sur laquelle nous évoluons. En contrepoint, vous dis-je… Pour Reich, c’est à nous de réfléchir, voire d’agir sur notre environnement.

     

    Auteur: Vincent Dacosta

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

     

    Pour une connaissance plus technique sur le plan harmonique, par exemple, quoi de mieux que de se référer aux mots du compositeur. On peut trouver cette analyse sur le site de l’IRCAM.

    * Une forme en arche : une forme musicale qui symbolise le cycle de la vie. Elle se présente ainsi : ABCB’A’ (ABC étant des thèmes et développements musicaux).

    En 1998, l’album « Reich Remixed » est un hommage rendu par le gratin des artistes de la musique électronique. DJ Spooky, Tranquility Bass, Mantronix, Nobukazu Tekamara et autres Coldcut, ont créé à partir d’une ou plusieurs pièces de Steve Reich, un nouveau morceau. En écoute ici :

     

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    Entre 1996 et 1999, le groupe Sonic Youth, par l’intermédiaire de son propre label SYR, sort une série de quatre albums expérimentaux. Avec SYR4, datant de 1999 : « Good Bye 20th Century », Sonic Youth donne la parole aux compositeurs américains du vingtième siècle en reprenant des morceaux de Cage, Cardew, Reich, Wolf, etc.

     

    SYR1 / Anagrama :

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    SYR4 / Good Bye 20th Century :

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    L’un des grands maîtres du chant polyphonique, Clément Janequin, Chantre du Roy François 1er, écrit en 1530 « Les Cris de Paris ». Point de samplers, mais une ambiance, celle de Paris et de ses camelots.

     

    Les Cris De Paris :

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    Steve Reich : Influences (Entretien avec Bloc.)

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  • C’est quoi, être Romantique en 2019 ?

     

     

    Celui qui ne retrouve plus le goût spécifique d’un Granola tel qu’il le savourait au goûter dans les années 80, en rentrant de l’école, est un romantique, et ça vaut d’ailleurs pour toute autre marque de biscuits toujours présente en rayon depuis près de 40 ans…

     

    La recette de ce petit biscuit chocolaté a été modifiée un certain nombre de fois au fil des décennies, tout ça pour de nébuleuses raisons économiques ou industrielles, mais le romantique se souvient de sa saveur première, de cette odeur et de tout ce qui allait avec. Car le romantique est un collectionneur de souvenirs, à l’heure où Alzheimer est devenu très tendance, comme maladie effective ou comme mal ultime de nos sociétés, où tout s’avale sans se mâcher, se digère (mal) et s’oublie.

    Le romantique est un fétichiste d’états, de sensations, de toucher, de surfaces, de sons, d’odeurs. Le moindre parfum de jasmin ou de bougainvillier et aussitôt il se téléporte dans la cour de son lycée, aux temps où ces fleurs agrémentaient encore les murs des établissements scolaires. Marcel et ses Madeleines n’aurait pas renié cette approche de l’existence où tout doit passer par le prisme de la mélancolie, de la nostalgie et des odeurs d’encaustique.

    C’est que notre époque est devenue, au même titre que ce que nous consommons au quotidien, fade, insignifiante, terne et uniforme. Alors pousser jusqu’à l’extase le moindre des petits détails qui composent nos jours est un privilège que seuls connaissent les romantiques. A défaut d’amour reçu ou donné, d’échange carné, de douceur prodiguée par les corps et la peau, les caresses et le goût des lèvres de l’autre, tout devient alors source de jouissance et d’attention, de puissance et d’inflexion.

     

    Il ne peut y avoir qu’un seul grand amour dans la vie d’un romantique. Qu’il soit accompli, avorté ou en jachère, celui-ci sera à jamais sacralisé, immortalisé en un écrin et son joyau en même temps. Un trésor enfoui, que l’on évoque tel une légende.

     

    Le romantique est souvent invivable, car lunatique, compliqué. Son ennemi, c’est l’habitude. Cette monotonie, qui envahit la vie de tous ces couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Cet aspect binôme du concept, où tout se concerte à deux, les projets comme les décisions. L’entité couple… La même voix, le même sourire, le même humour référentiel, les mêmes rires toujours en même temps. Cette association, ces deux étais qui finissent par former un triangle isocèle. La magie d’un jour qui va perdre très vite de son éclat, rattrapée par la corrosion, l’oxydation qui attaque la matière vivante.

    On ne peut refaire en boucle ce que l’on a aimé et retrouver la fibre de l’indescriptible, cette folie combustible qui sert à alimenter les passions. Cette petite flamme bleutée qui vacille et que l’on tente de raviver en allant chercher d’autres moyens pour l’entretenir : les voyages, le nouvel appartement, le bijou, l’animal de compagnie, puis le bébé, la descendance, comme autant d’objets, d’accessoires mis au même niveau pour aider à tenir bon.

    Ces amants, ces amoureux s’endorment dans un sommeil de glace, les yeux grands ouverts, le regard étonné, n’éprouvant plus rien. Ils oublient. Tout cela n’est que brindilles, papier d’Arménie pour alimenter coûte que coûte cette flammèche souffreteuse qui se mourait depuis le début. Parce que l’amour c’est ça, un grand malade incurable qui ne guérira jamais. Le romantisme n’est plus censé exister. Le monde n’a plus de place pour lui, ses incantations et ses mantra. Plus maintenant, en tout cas…

    Pourtant, tous les romantiques anonymes qui portent leur croix comme l’escargot sa coquille, ce secret au fond d’un coffre jeté au fond d’un océan, qui ressemble à un cœur rougeoyant, se frôlent tous les jours dans la rue, au détour d’un sourire, d’un regard. Toujours fugace mais qui pour le romantique dure une éternité.

    Dans des écrits, dans des films, des chansons, dans les vers des poèmes ou le bref instant d’une image, d’une lumière contemplée, les romantiques savent que l’on parle d’eux et qu’on leur rend hommage pour tous ces combats vains, toute cette énergie pour rien. Tout ce panache…

     

     

     

  • L’Histoire du « Cédï-ion » by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : L’Histoire du « Cédï-ion ».

     

    Il y a bien des années, des pages dérobées dans des dossiers ultra-top-importants de l’armée américaine avaient circulé un court moment sur le Dark Net. L’Internet parallèle et clandestin n’en était qu’à ses balbutiements et la CIA n’avait pas pris le contrôle absolu de chacun des faits et gestes des pirates informatiques qui y sévissaient. Même Julian Assange n’était encore qu’un adolescent boutonneux qui jouait dans sa chambre à Space Invaders sur sa console Atari.

    Probablement la raison pour laquelle l’information n’avait finalement retenu l’attention que de quelques personnes, qui ont depuis disparu dans des circonstances mystérieuses, voire ballot(es). A cette époque, les armées US et québécoise fricotaient ensemble sur des expériences un peu étranges. Ces fameux documents ultra-top-importants évoquaient en fait une nouvelle arme chimique redoutable testée sur des rats puis sur des babouins et qui risquait de causer des dommages sans précédent sur ses cibles potentielles… Nous avons depuis compris, mais malheureusement trop tard…

    Cette arme en question, nom de code « Cédï-ion », était en fait un appareil de destruction massive sophistiqué, à usage sonore (ultrason) comme visuel, provoquant une perte des sens et des repaires, tels que le goût, le jugement de valeur et l’objectivité, suivie d’un saignement abondant des yeux et des oreilles. L’appareil fut ensuite monté et intégré sur des clones Cyborgs de type féminin. Lorsque le département concerné fut fermé pour cause de budget non-alloué, les prototypes furent désactivés. Vraiment ?

    Eh bien non, car plusieurs parvinrent à échapper à la destruction. A moins que nous ayons eu affaire à un cerveau assez malade pour laisser délibérément en liberté certaines de ces machines qui allaient semer ruine et désolation sur leur passage. Depuis ses tout premiers tests en laboratoire, le « Cédï-ion » fait des ravages partout dans le monde. Une autre arme toute aussi dangereuse, même si elle fut conçue à l’époque de la guerre froide, a comme nom de code le « Mi-Reï Ma-Tïeu », un droïde capable de faire exploser la moindre tête d’humain dans un rayon de 200 mètres, tout ça rien qu’avec ses cordes vocales aux infrasons destructeurs. Et des rumeurs persistantes courent sur la dissémination parmi la population d’un « Mar-ïa Ka-Raie » et plus récemment, du terrible « A-Del »…

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

  • Histoire d’un Hit : « Der Kommissar » de Falco (1982)

     

     

    1982. Johann Hölzel a 25 ans. Né à Vienne en Autriche, il sort son premier album solo « The Einzelhaft » (le mitard). Celui-ci compte dix chansons, parmi lesquelles « Der Kommissar », le second morceau de la tracklist.

     

    Durant 3 minutes 52, Falco parle de drogue, de rap, de descentes de police, de dealers, de gangs et de murs tagués, le tout en allemand teinté d’un très fort accent autrichien, avec quelques mots et expressions anglaises ou italiennes. Un vrai charabia… Et pourtant ! Très vite, « Der Kommissar » sort en single et grimpe jusqu’à la première place en Autriche avant de passer les frontières pour atteindre la France. En quelques mois, il gagne le Royaume-Uni, franchit l’Atlantique et en mars 1983 se positionne en tête des charts aux Etats-Unis.

    Du jamais vu ! « Der Kommissar » fait le tour de la planète et devient un succès international. Inspiré par la new-wave et le rap américain, le morceau se vend à plus de 7 millions d’exemplaires dont 1 million en France, où la chanson est reprise en français sous le titre « Clair commissaire » par Matthew Gonder. Surnommé « le premier rappeur blanc », Falco est aussi le premier à aligner un titre en allemand au classement du Billboard et le seul germanophone à avoir été n°1 aux Etats-Unis. Une légende.

    Falco (en hommage au skieur sauteur à ski Falko Weisspflog, médaille de bronze aux championnats du monde épreuve grand tremplin en 1978) sortira un second album en 1984 qui fera un flop, puis un troisième en 1986, « Rock me Amadeus » qui sera à nouveau un grand succès, numéro 1 du Hit-Parade aux USA pendant trois semaines. Il décède à 40 ans dans un accident de voiture en République Dominicaine, percuté par un bus. Le film « Verdammt wir leben noch » auquel participe Grace Jones, retrace sa vie et sa carrière fulgurante et incroyable.

    A noter également que Falco compte parmi ses fans les plus inconditionnels le groupe Metallica qui reprend certains de ses titres assez régulièrement en concert…

     

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    Music video by Falco performing Der Kommissar (Original Video)

    © 1982 GIG Records, Markus Spiegel Ges.m.b.H.,Vienna, Austria

     

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    Music video by Falco performing Der Kommissar (U.S. Official Video)

    (C) 1982 GIG Records, Markus Spiegel Ges.m.b.H.,Vienna, Austria

     

     

     

     

     

  • Marion Gervais : « Louis, c’est nous »

     

     

    Après « Anaïs s’en va-t’en guerre » et « La Belle Vie », Marion Gervais nous donne à voir son nouveau documentaire « Louis dans la Vie », en replay sur France TV jusqu’au 4 août.

     

    Louis fête ses 18 ans, l’entrée dans l’âge adulte et dans le monde du travail, comme apprenti en CAP peinture. Premier amour, premier appart, premier job, premier argent propre…  L’amorce d’une vie rangée, après les coups durs, la violence, les déviances. Mais ça cogne dans la tête de Louis. Il étouffe. Ces maisons vides dont il peint les murs pour un salaire de misère, c’est pas pour lui ! Louis rêve de tailler la route au volant de son camion, partir loin. Sans bien savoir où. Il se fait tatouer une boussole sur le torse. Mais le nord c’est où, c’est où le sud ?

    Pendant un an, la caméra de Marion Gervais suit Louis qui avance dans la vie comme un funambule aux gestes brusques, sous le regard de sa mère, son amoureuse, sa tutrice… et Marion elle-même, qui ont peur pour lui.

     

    Connais-tu Louis depuis longtemps ?

    J’ai rencontré Louis avec « La Belle Vie », au Skate Park. J’ai tout de suite eu un rapport très fort avec ce môme. J’ai été saisie par sa puissance de vie et son énergie rare. Après « La Belle Vie », j’ai dit à Juliette (ndlr : Juliette Guigon, productrice, Squaw Productions) que j’aimerais tellement filmer Louis, sa façon d’être sur un fil, comme ça, sa façon de trébucher et de se relever. De chercher son issue… C’était un petit combattant de la vie, il n’avait que 15 ans à l’époque !

    Son truc, c’était de jouer à piquer la casquette des flics, de voler une barre de Crunch au supermarché, ou un barbecue aux bonnes sœurs qu’il allait rendre après l’avoir utilisé. Il y avait de l’espièglerie, on n’était pas du tout dans la délinquance. Et puis, sa route a pris une voie plus dure. A un moment, je craignais pour sa vie, il a fait partie d’un gang. Il me semblait en danger, j’avais vraiment peur qu’il meure. Il allait avoir 18 ans. Il risquait la prison. Il m’a dit : « Marion, si je vais en prison, je deviens fou ! ». C’était le moment de prendre ma camera et d’accompagner Louis dans ce combat. Quand je lui ai demandé s’il voulait faire le film, il m’a dit « Pour toi, Marion, je le fais. Allez go go go ! ».

     

    Tu filmes et tu es là pour tes personnages…

    Ma caméra, c’est comme je suis aussi dans la vie. On est là les uns pour les autres. Cette caméra, elle prend, elle observe, elle enregistre, mais elle peut soutenir, elle peut aider. Louis vient chez moi régulièrement, comme les skateurs, comme Anaïs. Je ne vais pas filmer avec ma vie qui reste à côté. Tout est imbriqué, en définitive.

     

    Quel lien fais-tu entre tes documentaires ?

    Je filme les rites de passage, cette façon de passer d’une rive à une autre. Louis, il quitte l’adolescence pour devenir un jeune adulte, avec les choix et les renoncements que cela implique. Des choix cruciaux, dans un univers chaotique. Il renonce à l’argent facile de la délinquance et à l’adrénaline, pour devenir apprenti peintre chez Saint Maclou.

    Alors se posent à lui des questions brutales : Comment faire pour rentrer dans ces clous, lorsqu’on rêve de surf, de mer et d’espace ? Au-delà de l’amour que je lui porte, je voulais être là pour Louis, pour comprendre, pour assister à cette transition. Comme « La Belle Vie », comme « Anaïs », le tournage creuse toujours le terrain fragile, fébrile, de ces êtres qui cheminent sur des sentiers caillouteux et pentus, à la recherche d’eux mêmes.

     

    Et qui peinent à trouver leur place…

    Oui, parce qu’en définitive, on a toujours de la peine à trouver sa place dans la société. Ce n’est pas au sein d’une société qu’on trouve sa liberté, c’est avec sa propre intériorité. Long cheminement… C’est à eux de trouver cette place, c’est beaucoup plus compliqué, mais plus vibrant. Ils cherchent, ils cherchent. Pour Anaïs, elle a réussi, grâce à sa détermination et sa rage, à se construire sa place. Pour Louis, le combat commence. Sortir de la délinquance, apprendre un métier pour gagner « de l’argent propre » puis partir, peut-être, avec son surf…

     

    Ils y arrivent ?

    Je ne sais pas encore pour Louis. Il doit s’apaiser. Il y a de la souffrance chez lui, mais sa puissance de vie est hors norme. Si « Anaïs » et les garçons de « La Belle Vie » finissent par réaliser leurs rêves, Louis se sert du rêve pour rester vivant. Je ne sais pas si Louis réussira à partir à l’autre bout du monde avec sa planche de surf… En tout cas, les cartes sont entre ses mains, mais il lui faut du temps, grandir encore. Son instinct est fort. Il me fait penser à l’un de mes héros, Neal Cassady, alter ego et compagnon de route de Jack Kerouac, qui lui inspira son héros de « Sur La Route » et qui avait cette énergie semblable. Ce sont des êtres qui ont la vie qui déborde de partout. Presque trop vivant pour les possibilités de ce monde.

    A côté de Louis, les autres semblent être à l’arrêt, les piles à plat ! Les hyperactifs comme Louis sont des êtres condamnés au mouvement permanent, avec des crises d’angoisse qui montent. Il lui arrivait régulièrement de monter dans les tours. « Arrête avec ta camera, ça me casse les couilles ! ». Et quelques secondes après, c’est terminé, tout est effacé par le présent. Louis a des valeurs fortes. Il est romanesque, c’est une sorte de gentleman. Il est droit dans ses bottes.

     

    Tu as une responsabilité énorme vis-à-vis de ce jeune homme dont la vie est rendue publique. Comment vit-il cela ?

    On l’a fait venir à Paris pour le visionnage du film monté, avec Louis, Juliette, ma productrice, Ronan Sinquin, le monteur de mon film, son petit frère et moi. On était tous bouleversés. A la fin, Louis m’a regardée et m’a dit « C’est stylé Marion ! ». Il était content, mais il était aussi angoissé de la sortie du film. Il ne sait pas trop ce que tout cela veut dire. C’est pour cela que je ne veux pas l’exposer, l’emmener aux projections. C’est un sauvage, il a besoin de ses repères.

     

    Louis est dans son monde mais il nous renvoie à nous mêmes…

    Oui, il touche à quelque chose d’universel, qui est de l’ordre de l’humain dans cette société, cette brutalité du monde où l’on doit courber l’échine, où la place de l’homme passe par son asservissement, d’une manière ou d’une autre. Là où il travaille, dans le bâtiment, c’est très apparent, mais à plein d’autres endroits, cette soumission existe, plus édulcorée, moins visible mais bien là. Je trouve que Louis nous permet de réfléchir sur nos vies et je le remercie pour ça. C’est fort, notamment dans les scènes avec sa tutrice, sur les chantiers. Lui du haut de ses 18 ans, elle, de ses 50 ans. Avec cette question en toile de fond, « que faisons-nous de nos existences ? Ça veut dire quoi choisir sa vie ? ».

     

    Ce film l’a-t-il changé ?

    Ils sont très contents de lui dans sa nouvelle entreprise. Je ne sais pas si c’est lié au film, mais j’observe qu’il est plus posé, il donne des leçons aux gars de la bande du Skate Park maintenant, comme un grand frère. Il est en train de réparer les blessures d’une enfance… Louis est toujours accompagné de ses rêves, passer son permis, avoir son camion et partir. J’espère de tout mon cœur qu’il arrivera à les réaliser. Je lui ai dit l’autre jour « N’éteins pas ta flamme, Louis. Dans deux ans, avec un métier dans la poche, tu traces ta route ! ». Il a juré, craché !

     

    Propos recueillis par Anne Rohou pour Instant City.

    « Louis dans la Vie » de Marion Gervais, à revoir en Replay sur France-Tv jusqu’au 04 août

     

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  • J’ai 50 ans by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : Mes 50 ans.

     

    On est jeune. On s’en fout. Tout nous indiffère car on croit dur comme fer (et ça rime…) que tel sera notre état, immuable, permanent, et ce pour toute la durée de notre éternelle existence. Et puis un jour, en une ellipse, une perte de mémoire momentanée, on se retrouve dans un autre corps.

    Les signes de la vieillesse se manifestent par à-coups. On ne semble pas changer pendant des années et puis ça vous tombe sur le coin de la gueule, comme ça, un pauvre matin blême, alors que vous jetiez un regard encore endormi, mais pétri de certitudes, dans le miroir de la salle de bain.

    La surprise et l’étonnement font vite place à l’effroi. Et le constat est impitoyable… Vous avez des cernes et des plis qui n’étaient pas là avant, et qui ne semblent plus vouloir s’estomper depuis que vous les avez découverts… Oui, ceux-là, juste sous vos yeux qui ont d’ailleurs rétréci. Et au-dessus des yeux, on peut noter comme un affaissement des paupières, dans les coins. Tout votre regard paraît voilé… L’expression que vous affichiez encore hier soir, pétillante, arrogante, est aujourd’hui celle de quelqu’un qui exprime la lassitude, la fatigue comme nouvelle teinte de peau.

    Alors, on se calme et on se dit que c’est le temps, probablement, et cette petite grippe qui n’en finit plus de nous asticoter. Demain, un peu d’ U.V., de la crème Machin, des fruits bios… et il n’y paraîtra plus ! Les jours passent. Vous allez vaquer à vos occupations. Ces mois de merde, avec leurs journées qui se finissent en plein après-midi, se font racheter par le printemps. Le beau temps revient.

    Un matin, de nouveau devant ce satané miroir au dessus du lavabo, vous n’en croyez tellement pas ces yeux que vous ne reconnaissez plus. Les poches et les cernes, les rides et cette teinte sur votre visage, se sont accentuées. La fraîcheur a cette fois-ci bel et bien disparu. Et vous ressemblez de plus en plus à un portrait de Bernard Buffet.

    Mais bon dieu, qu’est-ce qui se passe pendant que vous dormez ? Ils ont les clés de chez vous, ça n’est pas possible autrement… Bande de fumiers. Ah, les salauds ! Dans la rue, les magasins, partout, on vous appelle désormais « monsieur ». On vous vouvoie. C’est immonde, inacceptable. Voilà, ça se passe comme ça, sans que l’on nous demande notre avis sur la question. Ni vote ni référendum !

    Il y aurait pu y avoir une autre manière de voir les choses. Par exemple, on accepte de mourir, ok, mais on reste jeune toute la vie et puis quand c’est l’heure de partir, « paf », on meurt. C’est tout… Net, simple, un peu comme quand votre ordinateur vous lâche.

    Mais celui ou celle qui a paramétré nos vies semble avoir prévu l’exact contraire. Il s’est dit un truc du genre : « tiens, ce qui serait plutôt sympa, ce serait de garder en forme le vivant dans son corps un quart de son existence et puis après, jusqu’à la fin, il n’en finirait plus de s’étioler, lentement mais sûrement, sur une durée restant à déterminer, mais qui pourrait aller jusqu’à 50 ans. Allez, 60, mais par pure gourmandise… Un peu comme une fleur qui se fane en slow-motion. Ce serait drôle, non ? ». Ben non, justement, pas drôle du tout !

    Parce qu’avoir 50 ans, c’est quand même tout un concept. C’est comme avoir la tête de Michel Piccoli. C’est se retourner sur sa vie passée pour ensuite regarder ce qu’il va rester, tout en pensant à ce que l’on va bien pouvoir en faire. Marié ou pas, enfants, chat, chien, perruche ou célibataire, 50 ans, on n’est pas à l’abri d’un petit touché rectal pour prévenir des laideurs à venir…

    Alors peut-être vaut-il mieux le prendre avec ce petit côté revenu de tout, en conservant précieusement les expériences acquises. Ces moments chouettos que tous les petits couillons nés après 2000 ne connaîtront jamais. Et un regard cauteleux à souhait jeté sur ces mouflets qui s’agitent dans leur puérilité joyeuse et béate.

    Bref, j’ai 50 ans et je vous emmerde.

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

  • La Taupe, espion, rendors-toi…

     

     

    L’espionnage au cinéma se scinde en deux genres bien distincts.

     

    Vous avez le premier genre, le plus populaire, à savoir la vulgarisation de l’essence même de ce qu’est une histoire de roman d’espionnage (James Bond, Mission Impossible, Jason Bourne ou Jack Ryan), où l’on y préfèrera les scènes d’action spectaculaires, les méchants charismatiques et les femmes fatales, et l’autre, pendant plus fidèle à ce que propose ce genre littéraire, dépeignant les arcanes du pouvoir, les faux-semblants, les enjeux, où fourmillent des tas de contradictions et de paradoxes, s’en tenant en tout cas à une approche beaucoup plus réaliste et bien moins glamour, forcément, depuis « L’Affaire Cicéron » de Joseph L. Mankiewicz (titre original : « Five Fingers » sorti en 1952), l’illustration brillante de ce qu’est un véritable film d’espionnage, jusqu’au « Bureau Des Légendes », probablement une des meilleures séries françaises qu’on ait pu voir depuis bien longtemps. « La Taupe » de Tomas Alfredson sorti en 2012 fait ainsi partie de cette deuxième catégorie.

    Le succès du fabuleux « Morse » sorti quatre ans plus tôt, parlant de vampires et d’amours adolescents en milieu enneigé, tout en affichant un style âpre, brut et si peu évident, donnait à penser que fort de cette réussite totale, le réalisateur suédois allait de nouveau nous régaler avec « La Taupe », en abordant cette fois un autre cinéma de genre qu’est le film d’espionnage. Si l’on plonge donc la tête la première dans ce film, sans être un lecteur assidu d’histoires d’espionnage, ou encore féru de ces ambiances de guerre froide, de ces univers à dominante de gris propres aux romans de John Le Carré, l’auteur du livre dont est adapté le film, mais que l’on se dit qu’au vu des images nous rappelant ce cinéma 70’s à la Alan J. PakulaA Cause d’un Assassinat », « Klute »), Sydney PollackLes Trois Jours du Condor ») ou Sidney LumetThe Offence »), on va pouvoir se délecter de ces ambiances froides et viciées sous-tendues par une intrigue tordue et abyssale…

    Eh bien non… On devra tout juste se contenter de contempler cette fois-ci un objet empesé et mort, de cette facture qui se rattacherait plus à de la taxidermie qu’à un travail cinématographique où l’on guide son inspiration par des impulsions imaginatives et nouvelles, comme cela avait été justement le cas avec « Morse » et sa relecture du cinéma de genre fantastique et son approche aussi bien frontale qu’inédite du vampirisme. Ces relents, ces miasmes que distille « La Taupe » découlent d’un fantasme morbide conçu par Tomas Alfredson, comme s’il s’agissait d’un bibelot précieux chichiteux, posé sur une étagère, bien à la vue de visiteurs impressionnables.

    Si un soin tout particulier est apporté à la lumière, aux cadrages, aux costumes et à cette reconstitution singeant un ton, une époque, un style, avec des acteurs chevronnés, impeccables, une musique inspirée, oui, de loin, on croit reconnaître un film formellement abouti, éblouissant même, dans cette pose parfaite que seuls les faussaires ont le mérite d’obtenir.

    Seulement, le réalisateur se regarde filmer. Il s’enivre de sa propre création et de ce monde qu’il réinvente, ou plutôt qu’il exhume, puisqu’il tente de tout reconstruire avec un ciment qui ne prend pas. On pense au travail d’un maquilleur des pompes funèbres essayant et réussissant souvent à redonner une ultime lueur de vie au visage du mort. Tout est pesant dans ce film, lourd, alors qu’avec un tel sujet, il aurait suffit de se laisser glisser et d’aller à l’essentiel. Tous les personnages expriment ces mêmes mines contrites, ces allures corsetées et ces gestes de pierre. Cette longue visite du musée poussiéreux de l’espionnage provoque à la longue une sorte d’étouffement.

    Dans les années 70, justement, un film français, « Espion, lève-toi » d’Yves Boisset, proposait aussi une histoire similaire de taupe, d’intrigue en entonnoir, avec son lot de personnages tordus, le tout baignant dans le milieu du contre-espionnage, et démontrait qu’avec des sujets aussi peu grisants, on pouvait obtenir un film qui créait autre chose que de la contemplation servile.

     

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    Instant-City-La-Taupe-Affiche

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dévoreur Hubertouzot

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images

     

     

     

  • Indiana Jones, retour sur l’archéologue le plus célèbre du cinéma

     

     

    « Indiana Jones & Les Aventuriers de l’Arche Perdue » sort en 1981. Spielberg, Lucas, John Williams, Harrison Ford, comme un quarté gagnant, une martingale… Exactement ce dont rêvait un public avide de ce nouveau cinéma que propose Hollywood depuis 1977 avec « Star Wars », et qui portera un coup fatal à ce que l’on appelait Le Nouvel Hollywood. 

     

    Avec « Les Dents de la Mer » en 1975 (titre original « Jaws »), Steven Spielberg entérine un cinéma qui se veut plus adulte, dépressif et sombre. Voici donc venu le temps de ce qu’on allait désormais appeler les « Blockbusters »… Car il faut bien reconnaître qu’à partir de ce film, les compteurs du box office américain et mondial allaient sacrément s’affoler. Mais c’est probablement la Saga « Indiana Jones » qui va le plus contribuer à propulser le réalisateur et producteur au rang de cinéaste le plus rentable de l’histoire du cinéma.

    C’est George Lucas qui apporte ce projet sur un plateau à son ami Steven Spielberg. Lucas est depuis sa plus tendre enfance un fan de ces séries télévisées appelées « Serials », et suite au triomphe de la « Guerre des Etoiles », il voudrait créer une nouvelle franchise de ce type. De son côté, Steven Spielberg vient d’essuyer un refus pour acheter les droits d’adaptation de la bande dessinée « Tintin ». En outre, il rêve également de réaliser un épisode de James Bond mais là encore, fin de non-recevoir de la famille Broccoli

    Pour Spielberg, frustré et amer suite à ces deux refus consécutifs, la proposition de Lucas tombe à point nommé et pourrait constituer un beau lot de consolation… D’autant que Spielberg vient pour la première fois de sa courte carrière de mordre la poussière avec le film « 1941 », qui est un flop retentissant. Le tandem va ainsi concocter une relecture du serial et du cinéma à l’ancienne en y injectant de la vitesse, des nazis, de la magie et le savoir-faire inimitable du réalisateur de « Duel ». C’est ainsi que dès sa sortie en 1981, « Indiana Jones & Les Aventuriers de l’Arche Perdue » devient le film d’aventure ultime par excellence.

     

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    Son triomphe absolu au box-office appelle donc une suite. Mais Spielberg traîne la patte… Il n’aime pas particulièrement le concept de la franchise, et le principe de devoir revenir sur ses œuvres, surtout s’il considère avoir tout donné dès le premier essai, tant en terme de spectacle que d’émotion. Entretemps, en 1982, sort ce qui ne devait être qu’un petit film intimiste tourné relativement vite et qui deviendra contre toute attente son plus gros succès : « E.T., l’Extra-Terrestre ».

    Pourtant, « Indiana Jones et le Temple Maudit », qui sort en 1984, sera aussi un énorme succès, malgré le ton plus cynique et désabusé de l’histoire. L’ambiance plus sombre et anxiogène peut surprendre un temps mais parvient à donner au film une certaine patine et un statut d’œuvre culte, avec ses scènes de gore totalement décomplexées, tout droit inspirées de deux films de genre et d’aventure de Fritz LangLe Tombeau Hindou » et « Le Tigre du Bengale »), en plus glauque encore. En tout cas, ce « Temple Maudit » constitue un bel exemple de cinéma borderline qui contrebalance avec le premier volet, extrêmement tenu.

     

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    Pour des tas de raisons qui vont probablement du contractuel aux desiderata de George Lucas, un nouvel Indy voit le jour et sort en 1989. Un troisième épisode, « Indiana Jones et la Dernière Croisade », censé être d’ailleurs le dernier, qui vient un peu tardivement et n’a déjà plus le bon parfum, ni dans l’énergie ni dans l’envie, du plaisir de cinéma. On a plutôt affaire à un film à la limite du remake du premier volet, dans lequel Spielger a remplacé l’Arche par le Saint Graal…

    Les nazis y font leur grand retour et on y retrouve à peu de choses près les mêmes scènes, poursuites et péripéties incluses. Personne ne semble y croire, même pas John Williams… Le film va cependant pas trop mal marcher, mais son succès ne repose plus que sur de la pure nostalgie.

     

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    En 2008, presque vingt ans après le premier opus, sort en grande pompe, en ouverture du Festival de Cannes, « Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal »… A l’annonce de ce 4ème volet, nous pouvions raisonnablement être quelque peu dubitatifs, mais en même temps, force était de reconnaître que cette bonne vieille fibre nostalgique titillait encore notre curiosité malsaine…

    Voir un Indiana Jones vieillissant, accompagné cette fois-ci de son fils dans cette nouvelle aventure. Allez, pourquoi pas… Cet ultime volet pouvait laisser présager quelques belles et surtout inédites idées dans le scénario. Sachant qu’avec le chemin parcouru par Spielberg depuis « Les Dents de la Mer » et les films qu’il avait enchaînés depuis, on pouvait s’attendre à un vrai concentré d’aventure, d’humour, d’ironie, un mélange de références et de gros morceaux de bravoure. Mais le résultat fût bien pire que tout ce que l’on aurait pu imaginer…

    Le spectacle auquel on assiste devient vite dérangeant, tant Spielberg, Lucas, Williams, Ford et les autres, ont de toute évidence renoncé dès les premières minutes à cette entreprise. Mais le doigt déjà bien pris dans l’engrenage infernal, ils vont devoir aller jusqu’au bout… Car ce dernier volet d’Indiana Jones est une longue agonie sinistre. Les scènes dites d’action sont tellement boursouflées, recouvertes d’effets numériques pour masquer tant bien que mal l’effondrement interminable de l’ensemble, qu’elles n’ont plus rien de cohérent.

    Catastrophe paroxysmique du film, la scène dans la jungle, lors de la fuite des trois protagonistes qui se font finalement rattraper très vite par la méchante, est à l’image du reste de ce bien piteux Royaume du Crâne de Cristal. Tournée dans un décor minable, on assiste médusé à un échange entre Harrison Ford, qui tente de sauver les meubles, et Karen Allen, toute momifiée, fronçant les sourcils et levant les bras au ciel… Un spectacle pathétique et vexant pour tous les fans, qui ne voient en ce dernier volet qu’une sombre histoire de contrat arrivant à échéance et la nécessité absolue d’achever la bête agonisante. Bien curieuse façon pour Spielberg de remercier son public…

     

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    … Et pour les plus masochistes, rien n’est encore perdu car même au fond du trou et de la boue jusqu’à la taille, l’entreprise de démolition Lucas, Spielberg & Co creuse encore à la recherche d’un hypothétique filon encore inexploité à ce jour, en annonçant pour 2021 un Indiana Jones 5 ! Alors, elle est pas belle la vie ?

     

     

     

  • Hipster, le mot est lancé…

     

     

    Au début, une couverture de Vogue Homme International, un défilé Margiela, un Norvégien croisé à un brunch Quai de Valmy puis dans un rêve, un lutin qui vous aborde dans une forêt Colette… Paf, boule de neige ! C’est parti. « Hipster », le mot est lancé…

     

    « Hipster », soit cette mode qui consiste pour tous ces métro-sexuels en mal d’égo à arborer une pilosité du menton pendante et savamment entretenue façon Landru, Jaures, Hugo, Rodin, à savoir une mode capillaire datant donc de plus d’un siècle… Et comme toutes les modes, ça photocopie, ça se propage de manière exponentielle à la World War Z… Conchita Saucisse ne fait pas partie du mouvement…

    En tout cas, plus une rue, un bar, un WC, une mosquée (euh…) sans qu’il n’y ait à croiser un de ces mecs portant une barbe de quinze centimètres, avec souvent une allure générale qui serait le mix improbable entre Stromae et Sébastien Chabal.

    Moi Président, mais qui en fait deviendrais rapidement Tyran, je transformerais toutes ces têtes poilues et à claques en gigantesque élevage à poux, puces et morpions mutants, pour mon armée secrète et deviendrais ainsi LE MAÎÎÎÎÎTRE DU MOOOOONDE !!! (là normalement, il y a aussi un rire sardonique).

     

     

     

    A découvrir l’évolution du hipster mâle & femelle de 2000 à 2009 dans le numéro de novembre 2009 du magazine Paste, et c’est ici. Merci au photographe Josh Meister, au hair & make-up designer Lani Martz, à l’artiste tatoueur Bryan Reynolds pour Ink & Dagger, ainsi qu’aux modèles Michael Saba et Allie Tsavdarides.

     

     

    Instant-City-Hipster-021

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dévoreur Hubertouzot

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] The Evolution of the Hipster 2000-2009 @ Paste