Catégorie : Société

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 05 : « Le Forum des Halles »

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Cette année 2019 est ponctuée de deux anniversaires. Il y a 50 ans, du 28 février au 2 mars 1969, les « Halles Centrales » partaient à douze kilomètres de Paris, à Rungis. Dix ans plus tard, le 4 septembre 1979, était inauguré le Forum des Halles, en présence de Jacques Chirac, Maire de Paris. 

     

    Il y a soixante ans, le 6 janvier 1959, au terme de longs débats, le Conseil des Ministres décide par ordonnance de transférer les Halles de Paris à Rungis et à la Villette. Malgré la mobilisation d’une partie de l’opinion en faveur du maintien des pavillons de Baltard in situ, leur démolition commence en 1971, deux ans après le déménagement des Halles Centrales et l’ouverture du nouveau marché de Rungis, au sud de Paris, devenu le plus grand marché de produits frais au monde en approvisionnant plus de 18 millions de personnes.

    Pour mieux appréhender ce microcosme et ses usages avant qu’il ne disparaisse à jamais, Daniel Karlin partait en 1969 à la rencontre de ces travailleurs du marché des Halles Centrales, aussi surnommées par Zola « le Ventre de Paris ». On y croisait ces témoins de métiers aujourd’hui disparus : une approvisionneuse qui vendait les produits qu’elle achetait aux maraîchers, un tasseur qui montait des tas de légumes sur le carreau des Halles, Marius dont le bistrot était face au Pavillon de la Marée ou encore le plus ancien mandataire de viande, arrivé aux Halles en 1915.

     

    Mémoires d’un vieux quartier | ORTF | 08/10/1969 (Images d’archive INA)

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    Suite au déménagement en 1969 des Halles de Paris, installées depuis le 12ème siècle en plein coeur de la capitale, dans l’actuel 1er arrondissement, vers la banlieue de Rungis (Val-de-Marne), des habitants du quartier, d’anciens commerçants, vendeurs et « Forts des Halles » témoignent, avec nostalgie, de cette époque révolue où, du fait de sa localisation au centre de Paris, il existait une réelle ambiance et confraternité entre les résidents des Halles. Commentaire sur images factuelles et d’archives, interviews, témoignages et explications de ce qui sera construit à la place des anciennes Halles, sur fond de travaux publics, d’ouvriers, de chantier des nouvelles Halles et d’images du quartier, constituent la base de ce reportage tourné en 1977.

     

    Images d’archive INA | 19/12/1977

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    Ce déménagement permet ainsi de concevoir une vaste opération d’urbanisme au cœur même de la capitale, pour redynamiser le centre de la rive droite. Le projet du Forum des Halles voit le jour, afin de créer une véritable ville souterraine, liée aux transports en commun et comportant des équipements commerciaux, culturels, sportifs et de loisirs. Cette orientation est confirmée par la décision gouvernementale d’y réaliser le point central d’interconnexion du RER, le Réseau Express Régional, situé à plus de 20 mètres sous terre.

    Durant l’été 1971, la démolition des Halles Baltard est donc rendue nécessaire afin de créer, à ciel ouvert, la gare souterraine du RER. Le vide et l’espace vacant laissé sur la partie ouest du site reçoivent rapidement le surnom de « Trou des Halles ». Au cinéma, le site sert, en 1973, à la transposition en plein Paris des aventures de Buffalo Bill, du général Custer et des indiens dans « Touche pas à la Femme Blanche », interprété par Marcello Mastroianni et Philippe Noiret. On l’aperçoit également dans « Les Gaspards », ayant pour thème les grands travaux de cette époque.

    Ce « Trou des Halles » symbolisera durant plusieurs années cette France en pleine mutation, entre traditions séculaires et modernité, et marquera l’entrée du pays dans la société de consommation et des loisirs. Malgré les résistances, c’est un monde qui disparaît avec la fin des « Halles Centrales ». La faune du quartier des Halles dans ces années 70, entre petits maquereaux, receleurs, dealers et punks, s’accroche à ses dernières chimères…

     

    Aujourd’hui Magazine | Antenne 2 | 19/12/1977 (Images d’archive INA)

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    A partir de 1979 et l’inauguration du Forum des Halles, le quartier des Halles verra déferler massivement, grâce à l’interconnexion du RER, une jeunesse en mal de consommation et de loisirs, fuyant l’ennui des cités-dortoirs. Les petites frappes de la décennie précédente se voient supplantées peu à peu par la nouvelle délinquance à la mode « banlieue », bâtissant la triste réputation du quartier jusqu’à sa nouvelle réhabilitation dans les années 2010.

    L’inauguration du Forum des Halles a lieu le 4 septembre 1979, en présence de Jacques Chirac, maire de Paris. 190 enseignes s’installent sur 43.000 m2 répartis sur quatre niveaux. L’ensemble de cette première tranche comprend 70.000 m2, auxquels il faut ajouter 50.000 m2 de parcs de stationnement.

     

    Sources : Wikipedia / Ina Vintage

     

     

     

  • C’est quoi, être Romantique en 2019 ?

     

     

    Celui qui ne retrouve plus le goût spécifique d’un Granola tel qu’il le savourait au goûter dans les années 80, en rentrant de l’école, est un romantique, et ça vaut d’ailleurs pour toute autre marque de biscuits toujours présente en rayon depuis près de 40 ans…

     

    La recette de ce petit biscuit chocolaté a été modifiée un certain nombre de fois au fil des décennies, tout ça pour de nébuleuses raisons économiques ou industrielles, mais le romantique se souvient de sa saveur première, de cette odeur et de tout ce qui allait avec. Car le romantique est un collectionneur de souvenirs, à l’heure où Alzheimer est devenu très tendance, comme maladie effective ou comme mal ultime de nos sociétés, où tout s’avale sans se mâcher, se digère (mal) et s’oublie.

    Le romantique est un fétichiste d’états, de sensations, de toucher, de surfaces, de sons, d’odeurs. Le moindre parfum de jasmin ou de bougainvillier et aussitôt il se téléporte dans la cour de son lycée, aux temps où ces fleurs agrémentaient encore les murs des établissements scolaires. Marcel et ses Madeleines n’aurait pas renié cette approche de l’existence où tout doit passer par le prisme de la mélancolie, de la nostalgie et des odeurs d’encaustique.

    C’est que notre époque est devenue, au même titre que ce que nous consommons au quotidien, fade, insignifiante, terne et uniforme. Alors pousser jusqu’à l’extase le moindre des petits détails qui composent nos jours est un privilège que seuls connaissent les romantiques. A défaut d’amour reçu ou donné, d’échange carné, de douceur prodiguée par les corps et la peau, les caresses et le goût des lèvres de l’autre, tout devient alors source de jouissance et d’attention, de puissance et d’inflexion.

     

    Il ne peut y avoir qu’un seul grand amour dans la vie d’un romantique. Qu’il soit accompli, avorté ou en jachère, celui-ci sera à jamais sacralisé, immortalisé en un écrin et son joyau en même temps. Un trésor enfoui, que l’on évoque tel une légende.

     

    Le romantique est souvent invivable, car lunatique, compliqué. Son ennemi, c’est l’habitude. Cette monotonie, qui envahit la vie de tous ces couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Cet aspect binôme du concept, où tout se concerte à deux, les projets comme les décisions. L’entité couple… La même voix, le même sourire, le même humour référentiel, les mêmes rires toujours en même temps. Cette association, ces deux étais qui finissent par former un triangle isocèle. La magie d’un jour qui va perdre très vite de son éclat, rattrapée par la corrosion, l’oxydation qui attaque la matière vivante.

    On ne peut refaire en boucle ce que l’on a aimé et retrouver la fibre de l’indescriptible, cette folie combustible qui sert à alimenter les passions. Cette petite flamme bleutée qui vacille et que l’on tente de raviver en allant chercher d’autres moyens pour l’entretenir : les voyages, le nouvel appartement, le bijou, l’animal de compagnie, puis le bébé, la descendance, comme autant d’objets, d’accessoires mis au même niveau pour aider à tenir bon.

    Ces amants, ces amoureux s’endorment dans un sommeil de glace, les yeux grands ouverts, le regard étonné, n’éprouvant plus rien. Ils oublient. Tout cela n’est que brindilles, papier d’Arménie pour alimenter coûte que coûte cette flammèche souffreteuse qui se mourait depuis le début. Parce que l’amour c’est ça, un grand malade incurable qui ne guérira jamais. Le romantisme n’est plus censé exister. Le monde n’a plus de place pour lui, ses incantations et ses mantra. Plus maintenant, en tout cas…

    Pourtant, tous les romantiques anonymes qui portent leur croix comme l’escargot sa coquille, ce secret au fond d’un coffre jeté au fond d’un océan, qui ressemble à un cœur rougeoyant, se frôlent tous les jours dans la rue, au détour d’un sourire, d’un regard. Toujours fugace mais qui pour le romantique dure une éternité.

    Dans des écrits, dans des films, des chansons, dans les vers des poèmes ou le bref instant d’une image, d’une lumière contemplée, les romantiques savent que l’on parle d’eux et qu’on leur rend hommage pour tous ces combats vains, toute cette énergie pour rien. Tout ce panache…

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 02 : London Calling

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Never Mind The People

    Du côté de l’Angleterre, l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en mai 1979 laisse présager des lendemains bien douloureux. Le pays se débat en effet dans une crise économique et sociale terrible, ultime convulsion d’un monde en pleine mutation. Les usines et les mines de charbon ferment les unes après les autres, laissant sur le bord de la route deux générations de Britanniques, condamnés au chômage de masse et à une inéluctable paupérisation.

    « L’hiver du mécontentement », le roman de Thomas B. Reverdy, dont le nom a figuré sur la liste du Goncourt en 2015, a pour cadre cette Grande-Bretagne de 1978-1979, paralysée par des grèves monstrueuses qui vont finir par propulser à la tête du gouvernement une inconnue, Margaret Thatcher, femme inflexible.

    Le pays entre dans une nouvelle ère, celle des jeunes loups aux dents aiguisées, bientôt connectés à l’ensemble de la planète, sans morale, sans dieu, vénérant le fric plus que leur propre mère. Ils préparent la grande révolution à venir, celle qui n’a pas besoin de grand soir, de rêves romantiques, d’idéaux en stuc… Ils veulent prendre les commandes de la City, devenir banquiers, actionnaires, hommes d’affaires, assureurs, courtiers, avocats fiscalistes… Et les ouvriers qui crèvent dans leurs bâtiments de briques insalubres, ils s’en foutent, à vrai dire…

     

    « Le reste, on va le liquider. Privatisations, faillites en série, licenciements massifs. Ce sera les grands soldes d’hiver, avant changement de collection (…). Les chômeurs seront de plus en plus nombreux. Mais au moins, ils seront de droite. »

     

    C’est dans ce contexte que sort l’album « London Calling » des Clash  : un album dont la chanson-titre est un appel à la révolte des laissés-pour-compte dans une Angleterre qui a vu le rock devenir punk dans la foulée des tensions sociales. Quarante ans après, l’hymne punk « London Calling » fait partie de la légende du rock.

     

    Punk, la musique de la colère

    Les Beatles sont séparés depuis moins de dix ans et l’époque du Peace & Love et des bed-in semble désormais bien lointaine. La situation économique et sociale a fait surgir de nulle part le Punk, la musique du désespoir et de la colère portée telle un étendard par des groupes comme les Sex Pistols. « Le mouvement punk arrive. C’est un grand coup de pied dans la fourmilière. On ne sait pas bien jouer mais on a une énergie… On va vous montrer. On est là pour défoncer la porte et c’est ce que l’on va faire. » (Alain Lahana, producteur de festivals)

    Et puis un jour de décembre 1979 explose sur les ondes le titre « London Calling ». Un appel à la résistance qui ramène les Anglais quarante ans en arrière, quand ils écoutaient Radio Londres. Un hymne subversif signé The Clash, un groupe punk né en 1976 dans la banlieue londonienne de Ladbroke Grove, sous l’impulsion du duo Joe Strummer et Mick Jones, tous deux à la guitare et au chant.

    Avec ce troisième album studio, The Clash nous livre un instantané saisissant de l’époque et un chef-d’œuvre qui marquera l’histoire de la musique en devenant l’un des meilleurs albums de rock de tous les temps. « London Calling » est un mélange de styles musicaux extrêmement convaincant, animé par une passion pour l’action et un désir féroce de justice sociale, hurlant des paroles qui restent finalement très actuelles.

     

    « London calling to the faraway towns
    Now war is declared, and battle come down
    London calling to the underworld
    Come out of the cupboard, you boys and girls
    London calling, now don’t look to us. » 

     

    Le premier couplet est sans équivoque :

    « L’appel de Londres aux villes lointaines
    Maintenant la guerre est déclarée et la bataille approche
    L’appel de Londres au monde souterrain
    Sortez du placard, vous tous garçons et filles. » 

     

    Et les icônes en prennent un coup…

    « Phoney Beatlemania has bitten the dust » 
    « Toute cette Beatlemania bidon a mordu la poussière »

     

    Le regard sur le monde est désabusé, sans illusion :

    « The ice age is coming, the sun’s zooming in
    Engines stop running, the wheat is growing thin
    A nuclear error, but I have no fear
    ‘Cause London is drowning, and I live by the river. »

    « L’âge de glace arrive, le soleil se rapproche de plus en plus
    Les machines s’arrêtent, les récoltes de blé sont maigres
    Une erreur nucléaire, mais je n’ai pas peur
    Car Londres est en train se noyer et je vis près de la Tamise. »

     

    L’album « London Calling », The Clash l’ont voulu double mais vendu au prix d’un simple, avec déjà dans l’idée d’en faire tant un manifeste social qu’un appel à la résistance. Et sa pochette reprend la police de caractères et la mise en page du premier album d’Elvis Presley sorti 23 ans plus tôt. Déjà 23 ans… Juste 23 ans, on ne sait plus bien comment le dire. En tout cas, les deux covers semblent vouloir exprimer la même énergie et la même rage, entre un Paul Simonon fracassant sa basse sur scène et Presley qui fait souffler avec son album un vent délibérément nouveau sur la musique américaine. Le monde change, de plus en plus vite…

     

     

     

    « Ils se permettent de dire : on vient de là mais on le réinterprète et on a le droit de faire ce qu’on veut. C’est une manière de dire on vous emmerde ! » (Manuel Rabasse, auteur de « Anarchy in the UK » publié aux Editions Camion Blanc)

     

    The Clash ont gravé dans le marbre de la légende du rock un hymne punk qui a secoué le monde bien au-delà des frontières de la vieille Angleterre. Le magazine Rolling Stone a d’ailleurs classé « London Calling » à la 8ème place dans la longue liste des 500 plus grands albums de tous les temps. Avant leur séparation en 1986, Joe Strummer et ses acolytes nous livreront encore deux monuments, « Should I stay or Should I Go? » et « Rock The Casbah ».

     

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    « London Calling » fête donc ses quarante ans, et c’est l’occasion rêvée pour rendre hommage à l’album culte de The Clash, avec une exposition événement dans la capitale britannique.

     

    Le carnet d’un tout jeune Joe Strummer, sa machine à écrire, la basse cassée par Paul Simonon sur la scène du Palladium à New York, le brouillon des paroles de « London Calling », les baguettes de Topper Headon, des tenues portées sur scène, des photos, des films… Du 15 novembre 2019 au printemps 2020, le Museum of London accueillera une exposition gratuite consacrée à l’une des figures de proue du mouvement Punk outre-Manche.

    Le mythique troisième album de The Clash « London Calling » a eu, dès sa sortie le 14 décembre 1979, un impact déterminant. « Un cri de ralliement pour les Londoniens et à travers le monde. Les paroles de l’album reflètent les problématiques de l’époque, dont beaucoup sont encore d’actualité », affirme Beatrice Behlen, conservatrice principale du département Mode et Arts Décoratifs du Museum of London. Une contemporanéité renforcée par l’émancipation du Punk « traditionnel » pour des influences musicales plus diverses.

    Un livre célébrera également l’anniversaire de l’album. Les fans y trouveront des reproductions de manuscrits, des photos et du contenu inédit… à feuilleter avec la réédition de « London Calling » en CD incluse. Et les plus nostalgiques ont jusqu’au 11 octobre pour explorer leur grenier à la recherche de leur bon vieux magnétophone, afin de profiter de la réédition de l’album sur cassette (également disponible en CD et vinyle).

     

    Sources : eil.com / Wikipedia / Causeur

     

     

     

  • Porter des Baskets by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : Porter des Baskets.

     

    Il n’y a pas aujourd’hui un podium de Fashion Week où les mannequins hommes ou femmes ne défilent pas avec aux pieds des baskets dessinées pour l’occasion par les stylistes de la marque représentée. Et je vous laisse deviner le prix boutique qu’il vous faudra débourser pour un article de ce genre chez Givenchy, Balmain, Dries Van Noten ou Dior… Juste à titre d’exemple, la maison Margiella qui revisite les Fred Perry affiche des tarifs autour de 800 euros. 1200 euros chez Balenciaga, 2000 euros chez Rick Owens… Et tout cela évidemment fabriqué le plus souvent en Chine, en mode plastique et caoutchouc.

    Allo la terre ?? On les a perdus… Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Comment en est-on arrivé là ? Mais… Mais flûte, comment ??

    Conçue pour pratiquer des activités physiques, la basket était donc naturellement portée à l’origine, je vous le donne en mille, par des sportifs ; pour être ensuite adoptée dans les années 80 par une communauté dite « de banlieue » et par les rappeurs, assortie au total look survêtement. Et il faudra finalement attendre le courant des années 90 pour que cet article soit récupéré d’abord par la communauté LGBT, désireuse de s’encanailler en singeant les dites « caillera » et afficher ainsi les codes ostentatoires du parfait lascar. Soit…

    Au début des années 2000, c’est au tour du métrosexuel d’arborer la fameuse Fred Perry ou encore la All Star (Converse), avec un jean et la petite veste qui va bien, afin de casser les codes, paraître cool, free dans sa tête, et pouvoir en toute décontraction aborder tous les sujets, de l’art à la politique, en passant par les faits de société, tout en faisant des clins d’œil insistants à la jeunesse. C’est non seulement l’apparition du jeunisme (syndrome Peter Pan), mais aussi du phénomène des bobos. Cependant, à cette époque, la « fashion sphère » s’intéresse encore assez peu à cette nouvelle tendance. Ici et là, il y a bien quelques percées chez Gaultier ou Yamamoto, mais qui restent tout de même assez confidentielles.

    Les souliers en cuir, Derby, Richelieu et diverses bottines vont cependant sacrément prendre du plomb dans l’aile à la fin des années 2010… Car les Lanvin, Saint Laurent et même Berluti entrent dans la danse et commencent eux aussi à proposer leurs modèles de baskets, à des prix bien-sûr un peu plus « fou-fou ». L’étiquette assure à elle seule la plus-value…

    Alors, pour justifier ces tarifs prohibitifs, les plus imaginatifs des créateurs (Kris Van Assche, Raf Simons ou Rick Owens) vont redoubler d’efforts et de roublardise pour concevoir des modèles les plus tarabiscotés possible, à grand renfort de lacets dans tous les sens qui empêchent presque de rentrer le pied dans la chaussure, de semelles ou de languettes surdimensionnées qui ne permettent de toute façon pas de marcher correctement. En d’autres termes, pas confortables et qui vous donnent une allure assez improbable. Mais en même temps, qu’est-ce qu’on se marre !

    Aujourd’hui, la basket est ainsi devenue le signe de la fainéantise absolue, à l’instar de la paire de blue jeans enfilée avec fausse négligence, pour s’habiller sans se tracasser outre mesure… En substance, comment apparaître, paraître et finalement être. Un réflexe qui en dit long sur notre époque. Comme un uniforme pour se sentir en phase avec les autres, avec son milieu, sa communauté. Et ce qui distinguera le pauvre de celui qui a les moyens, ce sera la marque de la chaussure.

    Une chaussure élevée au rang de signe de reconnaissance ultime, et qui supprimerait comme par enchantement cet insupportable no man’s land entre les classes sociales. En fait non… Poussons encore plus loin l’absurdité de cette utopie, dans la mesure où ceux qui en ont les moyens seront prêts à débourser une coquette somme, tout ça pour un objet à l’obsolescence programmée, et ce depuis sa conception. Car les prix que j’indiquais plus haut à titre d’exemple sont clairement le marqueur sociétal absurde mais concret, pour bien délimiter la frontière entre ce qui est hype et ce qui ne l’est pas.

    Dans ce renversement des valeurs généralisé, il est amusant de constater que cet accessoire devenu incontournable dans tout vestiaire qui se respecte est désormais plus cher et prestigieux qu’un bon vieux soulier en cuir, robuste, solide, qui quant à lui vieillira bien. Eh oui, il faut se rendre à l’évidence, l’autre spécificité de la basket, c’est que cet objet vieillit extrêmement mal. Certes, neuf, il peut paraître séduisant et clinquant, mais après quelques mois voire quelques semaines, il commencera immanquablement à montrer des signes de fatigue, car souvent mal entretenu et trop porté. La forme s’affaissera et la fameuse basket finira par ressembler à une grosse Charentaise.

    A l’inverse, un vrai soulier de qualité va vieillir sagement, en évoquant à celui qui le regarde une histoire, des histoires… La chaussure en cuir va ainsi devenir un témoin du temps qui passe, en soulignant la personnalité de celui qui la porte. Un objet plein de poésie et de mélancolie. Quand la basket ne vivra qu’au présent et sera le miroir qui ne renvoie que l’image du vide et du néant. L’objet séduit et flatte l’instant, le moment donné. Mais dès le lendemain, il n’y a déjà plus rien car un nouveau modèle a déjà supplanté le précédent.

    La basket, c’est la laideur d’un monde sans âme, un imposteur, une usurpatrice.

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 01 : Mad Max

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, qui ont marqué la face du monde et dont on sent encore les conséquences aujourd’hui.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

    Au cinéma, un film va cristalliser les peurs de l’humanité face à un avenir bien incertain qui semble lui être promis : « Mad Max ». Dans un futur dystopique, l’essence est devenue une denrée rare et des hordes motorisées terrorisent la population sur les routes et dans les campagnes. L’état a créé une force spéciale, la MFP (Main Force Patrol), afin de tenter d’endiguer ce phénomène. Max est policier au sein de la MFP. Avec son ami et collègue Goose, ainsi que quelques autres, il tente de faire respecter la loi dans un monde en proie au chaos.

    Un dangereux criminel s’évade d’une prison et tue un policier avant de lui voler son véhicule. Le Nightrider met en échec ses poursuivants avant d’être pris en chasse par Max, au volant de son Interceptor. S’ensuit une course poursuite effrénée qui se terminera par la mort du criminel. Quelques jours plus tard, une bande de motards arrive pour venger le Nightrider. Ils vont s’en prendre aux amis et à la famille de Max, et dès lors ce dernier va prendre la route et les armes afin de rendre la justice.

    « Mad Max », réalisé par George Miller en 1979, se positionne à la croisée de deux genres très en vogue aux USA dans les années 70 et 80 : le « Road Movie » et le « Vigilante Flick ». L’un pour son message de liberté et l’autre pour l’exorcisation des pulsions meurtrières d’une nation au bord du gouffre. Si « Mad Max » s’inspire de ses illustres prédécesseurs, comme « Easy Rider » (1969), c’est surtout au « Vanishing Point » (1971) de Richard C. Sarafian que le film de Miller emprunte le plus.

    Mais si Kowalski, le héros de « Vanishing Point », est un hors-la-loi épris de liberté face à une autorité toujours plus restrictive, le héros de « Mad Max » est de l’autre côté de la barrière : un policier face à une horde sauvage motorisée. Fini le temps des gentils motards tourmentés, tels Marlon Brando dans « L‘Equipée Sauvage » (de László Benedek en 1953)… Non, les criminels de « Mad Max » sont quant à eux de véritables tueurs, violant, assassinant et pillant tout sur leur passage.

    George Miller réalise donc le pendant négatif du film de Sarafian, avec un héros policier, mais surtout, il enfonce le clou avec une mise en scène totalement folle. Car « Mad Max » est filmé au ras de la route et au plus près des véhicules, monstres de puissance, dans des scènes d’action spectaculaires se terminant le plus souvent par des cascades éblouissantes.

    Si la route est le personnage principal du film, le policier incarné par Mel Gibson va devenir peu à peu (aux yeux du public) ce qu’il ne souhaitait surtout pas, à savoir un héros, vengeur et implacable. C’est là que le film de Miller rejoint en partie le genre « Vigilante Flick », popularisé à partir de 1974 avec « Un Justicier dans la Ville » interprété par Charles Bronson, et quelques années plus tard dans le film de John Flynn, « Rolling Thunder » (1977). Une fois la frontière passée, Max n’aura plus qu’un seul compagnon : la route.

    Les désillusions politiques dans le monde ont toujours amené le cinéma à se renouveler, à aller plus loin. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les années 70 ont été la décennie la plus riche en terme de création cinématographique (pour l’essentiel aux Etats-Unis). La guerre du Vietnam, les trahisons des chefs d’état (Nixon en tête), les crises pétrolières… Le bouleversement arrive avec des films comme « La Dernière Maison sur la Gauche » (1972), « L’Exorciste » (1973), « Massacre à la Tronçonneuse » (1974), « Taxi Driver » (1975), « Apocalypse Now » (1979) et bien sûr « Mad Max ».

    Les metteurs en scène innovent et repoussent sans cesse les limites, pour accoucher d’oeuvres violentes et radicales s’attirant souvent les foudres de la censure, notamment en France. Pendant presque dix ans, certains films resteront ainsi invisibles en dehors de certains festivals, et encore étaient-ils le plus souvent projetés avec des copies tronquées. L’exemple le plus flagrant reste le film de Tobe Hooper, « Massacre à la Tronçonneuse », qui n’arrivera sur nos écrans qu’en 1982, tout comme « Mad Max ». En effet, le film de George Miller, interdit pendant trois ans dans l’hexagone, n’obtient son visa qu’en 1982. Il sortira donc sur les écrans la même année que sa suite « Mad Max 2 »…

     

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    Sources : unidivers.fr / Wikipedia

     

     

     

  • Le vendeur d’une boutique de prêt-à-porter de luxe by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : le vendeur dans une boutique de prêt-à-porter de luxe.

     

    Il ne s’agit là évidemment que d’un point de vue très subjectif sur ce sujet précis, puisqu’il vous faudra déjà posséder une bonne dose de snobisme pour détecter toutes ces apparences en trompe-l’œil. Vous devrez également avoir digéré tous les romans de Jane Austen, Edward Morgan Forster ou Kasuo Ishiguro, suivi de l’intégralité de la série « Downton Abbey », afin de mieux comprendre les attitudes cryptées chez tout ce beau monde, entre la Upper Class et ceux qui oeuvrent à son service et qui, en toute logique, doivent reprendre les mêmes tics et divers autres protocoles, entre savoir-vivre et étiquette, pour pouvoir évoluer même à titre d’ombre dans ce milieu.

    Comprenez que si jadis personne n’était dupe du jeu de chacun et de sa place respective dans la société, l’égalité ou le nivellement des classes quelles qu’elles soient ont au fil du temps fini par mélanger les cartes et brouiller les pistes, pour en arriver à cette inversion des codes et des valeurs, mais cela serait un tout autre débat d’ordre civilisationnel, en ces temps nouveaux où s’affirme cette idiocratie patentée.

     

    Safari Urbain

    Tout d’abord, à titre expérimental et en tant que première immersion, vous pourrez vous rendre dans ces grands magasins, tels que les Galeries Lafayette, le Printemps ou autre Bon Marché, pour tomber nez à nez avec ce genre de spécimen. Alors bien-sûr, ce n’est pas au rayon fromages que vous le débusquerez mais plutôt du côté des corners dédiés aux vêtements couteux et trendy.

    Et là, vous aurez en général affaire à un individu de type caucasien, pas très grand et extrêmement mince. On peut le repérer car il se trouve souvent devant le stand d’une marque dite « de prestige ». Approchez-vous sans faire de bruit, sur la pointe des pieds. Evitez de porter des vêtements trop voyants ou trop banals car cela risquerait de le faire fuir. Si au contraire vous êtes habillé de manière branchée et cool, cela va attirer son attention, voire même le tétaniser tel le lièvre pris dans les phares d’une voiture.

    Ce démonstrateur peut avoir entre 20 et 40 ans. Il ne vous sourira jamais, mais en revanche ne manquera pas de s’esclaffer avec d’autres individus de son espèce, qui semblent tous issus du même moule, à chaque fois qu’ils verront passer un client qui ne rentrerait pas dans le cadre étriqué des normes instaurées entre eux par ces petits majordomes. Cette catégorie d’humain n’existe que pour le principe futile de pouvoir porter, parce que c’est leur passion, des vêtements onéreux qu’ils ne pourraient jamais s’offrir en temps normal, ce qui génère forcément frustration et colère au bout de l’allée…

    Vous connaissez sans doute le proverbe, « Il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que de sottes gens ». Il se trouve que dans ce cas précis, justement, non seulement le métier est sot mais ces gens-là sont sottes, ou finissent inmanquablement par le devenir. Appréciant la mode mais jamais pour les bonnes raisons, les spécimens en question confondent hype et luxe, tout en arborant une insupportable arrogance, afin de masquer une petite vie mesquine, sans éclat et sans panache. Ces êtres constamment énervés ne se voient qu’en deux dimensions, alors qu’ils tentent de remporter sans cesse le vain combat des égos. Retirez juste les beaux atours et il ne restera plus que vulgarité, avec comme fond musical, non pas le hit dance du moment mais un simple bruit de pet…

    Mais il existe encore le stade supérieur… Une sorte d’Olympe de cette activité de niche ; en l’occurence, le vendeur qui officie dans la boutique principale, le show-room, la maison-mère. Au terminus des prétentieux, toujours plus près des étoiles, il est l’élu ! Sans oublier qu’il y a marques… et marques. Plus qu’une griffe, un nom, une renommée qui s’inscrit dans le temps, tels certaines légendes, vous avez la mode et puis les créateurs. Là, c’est encore autre chose. Le pinacle, le Nirvana, une adresse rue du Faubourg Saint-Honoré, rue Cambon ou encore la galerie de Valois au Palais Royal. Oui, vous l’aurez compris, à ce niveau-là, on tutoie les anges, on caresse la joue de Dieu.

    Imaginez… Un autre monde, une dimension parallèle où le temps semble suspendu, voire même lyophilisé… Oui c’est ça, du temps en poudre. Une grande boutique blanche, immaculée, à l’abri de toute souillure terrestre, un lieu où les lois de la gravité n’ont plus d’effet, loin de tous ces primates, ces barbares renâclant sur ces trésors d’hyper-tendance, qui devancent, qui transcendent de mille ans la naissance même de la mode. Que dis-je, de l’espèce humaine… Composée principalement d’infâmes personnages perclus de grossièreté, ne pouvant comprendre, percevoir et encore moins ressentir ce que le « Maîîîtrrr » a voulu exprimer avec sa dernière collection (tout simplement suuuupeeeerbb), aussi loin que les barrières Vauban le permettent de ces groins putrides et humides, condamnés par Mère Nature à se gaver, s’empiffrer jusque mort s’ensuive de Zara ou de H&M. Mais quelle horrreurrr !

    THE Boutique est donc posée là, élégante mouche sur une joue à la teinte d’albâtre, perdue dans cet univers urbain hostile. Sur la rue s’étirent ainsi ces grandes vitrines, avec derrière… rien… ou si, plutôt, Le Rien. En approchant plus près le visage de la paroi du bocal, vous aurez peut-être la chance d’apercevoir à l’intérieur des vendeurs immobiles, figés, flottant dans l’espace tels le spermatozoide dans le liquide séminal ; tableau étrange, en y regardant de plus près, comme s’ils évoluaient au gré de l’indicible, du merveilleux, parmi les habits-rares-installés sur de sobres cintres métalliques ou sur des meubles minimalistes.

    Nous voici donc au cœur de la nef, car ça n’est pas une simple boutique. Le lieu est religieux. Un temple voué à des rites qui nous sont sûrement pour toujours inconnus, nous, les profanes. Il faut rentrer dans ce lieu d’exception pour comprendre ce qui s’y passe vraiment. Et voici les vendeurs. Ils bougent un peu, à peine, en fait. Ils sont trois, observant chacun une posture très étudiée. Les bras sont croisés ou le long du corps, une main sur la hanche, l’autre légèrement surélevée et suspendue dans le vide, la tête un peu de biais, moue de la bouche, yeux hagards… Ou alors le bras passant entre les deux jambes dont l’une, croisée, passe par dessus la tête…

    Lorsque vous aurez l’outrecuidance de vous diriger vers eux, ils vous gratifieront peut-être d’un regard distant, pourront éventuellement se laisser aller à vous faire un signe de la tête, voire même articuler un « bonjour », que vos modestes ouïes percevront comme une sorte de « bowjaune ». Ce « bowjaune » devrait être accompagné d’une moue des lèvres accentuée, qui pourrait vouloir signifier : « bienvenue dans le royaume triomphant des exceptions vestimentaires, qui ne sont plus de simples assemblages de tissus et d’ingéniosités, mais toute bonnement… des vérités ». Quant à moi, je crois que… que je viens juste de… jouir…

     

    « Ici, tout n’est que luxe, rareté, beauté, perfection. Mais même si vous achetez quelque chose, nous ne sourirons pas davantage. »

    Allez, faisons fi de ce satané instinct d’infériorité qui nous colle à la peau depuis que nous avons passé la porte et hasardons-nous à nous rapprocher, afin de contempler de plus près certaines pièces, tout en respectant le silence monacal du sanctuaire. Vestes, manteaux et chemises défilent sous nos yeux ébahis. Nous sommes marqués à la culotte par l’un des vendeurs-cénobites-cerbères qui replace aussitôt, dans un alignement que lui seul maîtrise, et selon des règles que lui seul comprend, ces augustes vêtements sur lesquels nous avons osé poser nos vilains gros doigts boudinés.

    Nous contemplons ensuite de magnifiques pulls, en l’occurence au nombre de trois, qui se battent en duel sur une gigantesque table en métal mat à 10.000 dollars. Juste à côté, deux ceinturons enroulés, trois porte-monnaie et quatre paires de chaussettes alignées. Ces objets, accessoires et divers artéfacts auraient-ils appartenu à Napoléon Bonaparte ? Ou à Marilyn Monroe qui, selon la rumeur, portait des chaussettes pour dormir ?

    Nous esquissons alors une ébauche de dialogue avec l’un de ces archanges non-répertoriés par les Saintes Ecritures : « Veuillez m’excuser, auriez-vous ce modèle en médium ? ». L’être en deux dimensions s’approche de nous, comme s’il flottait dans les airs. En effet, je regarde à ce moment précis ses pieds et force est de constater qu’ils ne touchent pas le sol. L’être vaporeux qui défie la gravité ne manque cependant pas de se contempler au passage dans un grand miroir. Il doit avoir été assez satisfait de ce qu’il y a vu pour arborer ensuite une sorte de sourire, même si l’image renvoyée par la glace est restée étrangement impassible. Il nous lance alors, dans un chuintement singulier : « en mîdiôm, m’avez-vous dit ? »

    C’est avec une grande dextérité et la plus extrême souplesse dans les doigts, mouvement que nos grosses paluches roturières ne pourraient en aucun cas reproduire, que l’ectoplasme à deux dimensions extrait une petite étiquette de l’intérieur du pull que nous venons de lui désigner, posé au beau milieu de la table en métal mat à 10.000 boules. Une rotation de la tête à 180 degrés et un geste souple de la main plus tard, il interroge un autre xénomorphe : « Eugenio, y a-t-il encore le modèle B en… Mîdiôm ? ».

    L’autre marque un temps d’arrêt (Attention : la scène d’action du film !), puis disparaît derrière une petite porte dérobée, comme happé par la réserve du magasin, pour en ressurgir quelques minutes plus tard. Il semble effondré (il vient probablement d’apprendre un décès dans sa famille) : «  Nooooon, nous n’avons plus ce modèle, hélaaaas ». Et là, réaction en chaîne ! Le premier xénomorphe semble lui aussi soudainement gagné par une tristesse sans bornes. Les deux se regardent en dodelinant de la tête. Nous parvenons finalement à sortir de cette torpeur quelque peu angoissante en demandant à essayer un autre modèle dans un autre coloris. « … Oui c’est très joli aussi en noir. Vous pouvez le porter comme ça, avec le petit chose, là, voilà, avec le petit chemise aussi ou alors avec le petit maille. C’est très joli aussi avec le petit maille… ». Mais… Mais qu’est-ce qu’y dit ?

     

    Bon, nous prendrons celui-ci…

    Le vendeur, extatique, prend notre vêtement comme s’il tenait le petit Jésus, puis se dirige religieusement vers la caisse. Nous emboîtons ses pas, dans une lente procession sur ce chemin pavé de dalles en béton brossé aussi grises que notre âme, résignés à donner l’extrême-onction à notre carte bancaire.

    Voici maintenant venu le moment de l’emballage du vêtement susnommé. Pas simple, pour tout dire… Devant nos yeux ébahis, les deux moines trappistes se mettent à plier avec un soin infini l’article, le tout dans un silence teinté de sacralité et d’absolu. Le premier enveloppe le pull dans un immense papier de soie. L’autre, presque collé au premier, attend fébrilement, un second emballage cartonné à la main. L’ensemble est introduit dans un grand sac. Le cérémonial s’achève par la délicate mise en place d’un petit lacet ciré pour fermer le tout. J’ai cru un instant entendre chanter des anges juste au-dessus de nos têtes. Pour l’encaissement, nous assistons à une mise en scène à peu près identique. L’un des vendeurs nous jette alors de petits sourires complices…

    On nous remet le paquet et nous nous retirons enfin, sur la pointe des pieds, sans bruit. La grâce nous accompagne jusqu’à la porte. Les vendeurs, eux, sont restés plantés à la même place. Sans doute sont-ils branchés sur des socles, derrière le comptoir, pour se régénérer. Ils se contentent avec le peu d’énergie qui leur reste de nous dire au revoir (attention, prononcez « awu-voy »). A peine la porte franchie, nous voici replongés dans le maelström de la vulgarité crasse. C’est fini, tout reprend son rythme et le sentiment d’immortalité nous quitte peu à peu. Nous venons ainsi de goûter quelques moments à l’essence même de ce que vivent tous les jours ces garçons pétris d’extase. Au-delà de la mode et au-delà du temps.

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

  • Les Réseaux Sociaux by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : ceux qui vivent des réseaux sociaux.

     

    Ah, s’esbaudir de ce monde actuel qui n’en finit plus de nous épater et de nous faire rêver… Andy Warhol a dit un jour « A l’avenir, chacun aura son quart d’heure de célébrité mondiale ». S’agirait-il de l’ultime représentation de nos vanités, où vont se conjuguer talent pour le néant, savoir-faire du vide et accessoirement délire mégalomaniaque à tendance schizophrénique ? Voici venu le temps des Influenceuses, des YouTubeurs, des rires et des chants. Avec Internet, c’est tous les jours le printemps. C’est l’univers joyeux des ados heureux, des débiles gentils, oui… oui, c’est un paradis…

    Depuis l’avènement de ce que l’on appelle aujourd’hui « La Toile » et l’émergence de toutes ces nouvelles manières de communiquer, avec l’arrivée des smartphones et de leur capacité en perpétuelle évolution, pléthore d’égos ont pu enfin enfler en toute liberté, sans se voir écartés, bâillonnés, censurés. De façon exponentielle, on a vu fleurir comme narcisses au printemps (métaphore consensuelle, plutôt que d’avoir à évoquer des boutons blancs sur le visage puis sur tout le corps, avec du pue et des asticots en prime…), de parfaits inconnus hier qui, du jour au lendemain, ont envahi ces territoires virtuels.

    Les Youtubeur(ses), les Influenceur(ses), se sont donc auto-proclamés un beau matin, à leur réveil, détenteurs de la simple et pure vérité. Ils seraient le fer de lance, l’étendard de toute une génération en parlant uniquement… D’eux, juste d’eux… D’elles, d’eux, ou encore de leur point de vue, Moi, Je… Je, moi… Moi-Je.

    Alors bien-sûr, on peut concevoir différents angles d’attaque pour aborder le « MOI-JE », comme les secrets de beauté, de minceur, le domaine de la mode, le bon vieux coup de gueule sur n’importe quel sujet dont on ignore à peu près tout, des crottes de caniches sur les trottoirs à la dernière collaboration de la marque H&M avec un célèbre styliste. Des critiques de cinéma ou de jeux vidéo, des apprentis-comiques, des divers complotistes aux geeks en tout genre… Une faune sans limite peut désormais s’exprimer sans avoir à demander ni conseil ni autorisation. Se côtoient ainsi l’à peu près comme plus souvent le pire. De Norman à Soral, choisis ton camp, camarade…

    Grâce au nombre de vues de leurs vidéos, les plus suivis vont toucher des émoluments directement de la publicité, qui est venue se coller comme la vérole sur le bas-clergé à cette manne inopinée. Une nouvelle façon de gagner sa vie qui crée tous les jours des vocations dans ce domaine.

    Mais encore faut-il avoir alors quelque chose de vraiment pertinent à déclamer aux autres simples mortels restés dans l’ombre. Les Grecs comme les Romains avaient bien l’Agora ; un lieu purement démocratique où l’on pouvait venir exprimer ce que l’on voulait, mais à visage découvert.

    Je ne parlerais donc pas de tous ceux restés dans l’anonymat feutré, au chaud, qui à chaque seconde rebondissent sur l’actualité ou sur tout ce qui peut défiler sous leurs yeux, avec comme unique but de se défouler et d’afficher leur morgue, leur frustration, leur appétence à la méchanceté et à la bêtise. Les commentaires zélés, qui à base d’émoticons et d’injures, réduisent la parole et le sens du mot débat au rang de celui du plus pathétique des Facebook Lives.

    Pour ce qui est des Influenceuses, elles aussi sorties de nulle part, mais qui grâce au concours des réseaux sociaux (Instagram, Youtube, Facebook, Twitter…), apparaissent tous les jours, telles de futiles speakerines ou des évangélistes galvanisés par la forme de leur nombril, squattant les interfaces pour répandre leur érudition de « Moi-Je ».

    Sur le principe d’une téléboutique achat 2.0, les Influenceuses vantent les mérites de telle crème à se tartiner sur la tronche, du rouge hyper-rouge gloss à tendance poupouf, et divers autres produits de beauté, en n’oubliant surtout pas de bien mettre en avant la marque qui les sponsorise. Se déclinent ainsi sur le même principe, chaussures, sacs à main, chatons broyés au Magimix pour en faire des masques pour la peau, recettes de cuisine…

    Sans aucune expérience, aucune légitimité, toutes ces chères petites têtes à claques revendiquent de façon schizophrénique le fait d’être en mesure de parler à leur génération, car elles en font partie intégrante, tout en flottant à des kilomètres au-dessus, parce que sinon elle n’auraient pas atteint un tel stade de notoriété. Si au tout début, l’entreprise pouvait paraître amusante, ludique, honnête, voire même intéressante, il y a aujourd’hui des litres de lait pour le corps et de parfums rances qui ont coulé sous les ponts…

     

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    Toutes récupérées par des marques prestigieuses et des sponsors, ces Denise Fabre du net ne font plus que rabâcher sur un ton monocorde ce que le marketing leur a donné (ou plutôt offert) à promouvoir. Et c’est sans compter sur les dizaines de milliers de followers qui justifient chaque jour l’utilité de ces petites VRP en herbe des produits Avon (vendus à l’époque en porte à porte), au prix d’une terrible hypertrophie du pouce droit…

    Croulant sous les cadeaux, les invitations aux fashion weeks (pour les plus hype d’entre elles) ou les séjours dans les hôtels les plus prestigieux, ces influenceuses sont devenues les nouvelles icônes de notre époque, qui déclenchent de véritables scènes de guerre à chaque apparition publique. De l’hystérie collective, des hurlements, des évanouissements et des pipis dans la culotte comme s’il en pleuvait…

    … Sans avoir produit le moindre album de musique, écrit le moindre livre, réalisé le plus petit film ou la moindre série TV… Non. Juste un tutoriel, une webcam dans une chambre pour parler d’un dentifrice génial, de la housse protectrice à oreilles de panda pour téléphone ou encore du gel au wasabi pour les fesses. De bien mauvaises langues ajouteraient que la plupart de ces petites écervelées ultra-connectées gonfleraient le nombre de leurs fans en les achetant à des sociétés basées en Chine, spécialisées dans ce domaine.

    Il se trouve que les « Suiveurs » qui nous servent de gosses ont bien souvent le même âge que leur gourou, entre 13 et 25 ans en moyenne. Une grande partie sont d’ailleurs des adolescents qui à priori n’ont pas les ressources suffisantes pour se payer les articles que promeuvent leurs idoles. Eh oui, nous ne vivons pas forcément une période des plus opulentes… Face à ce constat, certaines marques seraient d’ailleurs déjà en train de rétro-pédaler. On aurait ainsi dernièrement vu durant des fashion weeks des Influenceuses se faire refouler des shows. Il en résulte retour à la triste réalité, eau dans le gaz, indigestion de paillettes, humiliation, frustration, ricanements, pleurs… VDM, quoi…

    Et évidemment, nous n’avons ici abordé que le cas de ces Influenceuses qui vantent les mérites de tel ou tel produit, mais qui ont eu l’occasion de l’essayer, qui se sont tout de même documentées ; bref, qui ont un peu bûché le sujet… Car il y a le degré encore inférieur, une sorte d’infini abyssal empli de vide et constellé de fautes de Français…

    Et puis il y a les blogueuses qui ne proposent en pâture rien de plus que leur propre personne. C’est possible ? Oui, bien-sûr. Pour cela, il faudra tout de même posséder au moins un joli petit minois de poupée maquillée comme une voiture volée. Le plus souvent mineures, voici des lolitas qui ne font que nous exposer leur quotidien d’adolescentes incomprises tellement qu’elles sont belles de trois-quarts, tellement qu’elles arborent bien le duck face, tellement qu’elles sont fortes en selfie. Elles peuvent parfois pousser la chansonnette, glousser comme des dindes ou raconter des inepties. Tout ça pour dire, ça fout quand même les jetons.

    Voilà, on en est là…

    Une autre mouvance rencontre également un incroyable succès, érigée en modèle à suivre par des milliers de petites gonzesses et de petits jean-foutre, dans la continuité des émissions « Anges de Marseille » et autres joyeusetés télévisuelles pas du tout vulgaires et vraiment très très, mais alors très enrichissantes.

    Pour cette catégorie-ci, c’est évidemment à la télé-réalité que l’on pense, vous vous souvenez, quand un jour une petite quiche, sans autre attribut que deux magnifiques lobes cervicaux portés hauts comme un étendard et maniant le couteau comme personne, a prononcé cette sentence propulsée depuis au pinacle de la langue de Molière : « Non mais allo quoi… ! ». Bon, la quiche en question, même avec son araignée au plafond, est devenue célèbre et accessoirement millionnaire ; et le but ultime à atteindre pour celles et ceux qui ne peuvent supporter leur existence que par ce prisme déformant et criard. Etrange renversement des valeurs et d’un syncrétisme jusqu’à présent fragile mais qui fonctionnait. Peut-on en rire plutôt que d’en pleurer ? Ok, mais en se bouchant le nez…

    Enfin pour terminer, permettons-nous tout de même de faire un grand écart trivial, et relativiser à défaut de juger, à l’aune d’un monde uniformisé et devenu tartignole. D’un côté, nous avons les sapeurs-pompiers qui sacrifient leur vie aux autres, avec abnégation et sans aucune reconnaissance ni considération en retour. Bon, ne grossissons pas le trait démesurément non plus ; dans certaines banlieues, on leur renvoie quand même des frigos, certes, sur le coin de la tronche depuis les toits…

    Et de l’autre côté, toutes ces créatures bi-dimensionnelles à la réalité aléatoire, mi-humaines, mi-photoshopées, qui se voient offrir des fortunes, de la gloire et tout l’amour de foules finalement pas si sentimentales, qui ont enfoui aux tréfonds d’elles-mêmes leurs dieux originels, leurs rêves et leurs espoirs, pour les remplacer par ces ersatz gonflés à l’hélium. Etre coûte que coûte connu ne serait-ce qu’une minute, reconnu, célébré comme les héros naguère, juste pour un sourire de l’autre, qui pourtant ne signifie plus rien. Ô insondable tristesse…

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

  • KissKissBankBank a 10 ans !

     

     

    Le 06 mai 2019, KissKissBankBank fêtait ses dix ans ! Dix ans de créativité, de solidarité et d’innovation. Vincent Ricordeau, cofondateur et président de KissKissBankBank, revient sur la création du site, sa construction et son développement. Bienvenue dans les coulisses !

     

    2007. « Tu connais Myspace ? » Cette question a changé le cours de ma vie. Deux ans plus tard nous lancions KissKissBankBank : désormais les créateurs en tout genre pourront financer leurs projets directement avec le public. Vive le crowdfunding !

     

    2009-2019. Dix ans… Une tranche de vie. KissKissBankBank est une fabrique à optimisme. Un atelier permanent de créativité collective. Une usine à confiance en soi. KissKissBankBank a eu plus d’impact sur moi que l’inverse. Je sortais d’un univers professionnel individualiste, cupide et violent. Vendre comme profession de foi. Je m’y sentais bien. Pourtant j’en suis sorti épuisé humainement. Je sonnais vide, creux, métallique. Je crois que KissKissBankBank a sauvé mon âme. Et pourtant, quelle aventure !

    Une utopie comme ligne directrice. Un marché vierge. Un entourage circonspect. De la malveillance, parfois. Du soutien aussi. Entreprendre, c’est sauter d’une falaise en construisant son parachute pendant la descente. Si tu as le bon réseau, tu trouves des fonds pour financer ton projet. Six mois de négo. Pour nous, ce sera XAnge Private Equity.

     

    Septembre 2009. Ça y est, on démarre. Débuts très difficiles. Bigre, le cash file à toute vitesse. Huit mois. On n’a encore rien montré. Les caisses sont vides. On arrête ? Jamais ! XAnge remet au pot, sinon ils perdent tout. Comme nous. Ca passe. Juste juste.

     

    Septembre 2010. Un an. Personne ne comprend où nous allons. Nous non plus. On n’est sûrs de rien. On pédale, c’est tout. Après la musique, KissKissBankBank s’ouvre à tous les secteurs culturels et associatifs. Des dizaines de conférences. Partout en France. Cours, Forest, cours. Des myriades de rendez-vous chez les producteurs, les labels, les éditeurs, les tourneurs…

     

    « Quoi ? nos artistes devraient faire la manche sur Internet ? Sûrement pas. »

     

    2011. Heureusement, ça commence à marcher chez les artistes indépendants. Respire. L’économie collaborative envahit les médias et les soirées bobos. Notre page Facebook frémit. Enfin. Les chiffres augmentent. Merci « Télématin ». Miracle. Croissance à 2 chiffres, puis à 3 chiffres. Grisant. Fascinant.

     

    2012. Trois ans. On entre dans le Top 10 des marques les plus sexys du Web français. Pur bonheur ! Mais notre marché est trop petit. Il faut se diversifier. Allez, invente ! Alors on monte une plate-forme de prêts solidaires pour les entrepreneurs, Hellomerci. Pas assez rentable. Bon, d’accord. Invente encore. Et si on investissait notre épargne dans l’économie réelle en prêtant directement aux entreprises françaises ?

    Attention, ici c’est le pays du monopole bancaire. Touche pas au grisbi. Dix-huit mois de lobbying. Bercy, puis l’Elysée, puis Bercy. Puis Bercy, encore et encore. Et paf, le monopole bancaire. Alors, on lance une nouvelle plate-forme, Lendopolis. La troisième en cinq ans. Ventile, ventile.

     

    2015. Des statuts réglementaires, tout beaux tout neufs. Fini le temps des utopies. Dans le nouveau monde régulé du crowdfunding, on parle de fonds institutionnels, de classe d’actifs, de société de gestion. Fichtre. Bienvenue dans le monde des fintech. Aie. Il faut relever des fonds. Déjà ? Oui. Beaucoup ? Oui. Grosse concurrence. On est armé d’Opinel alors que les autres attaquent au bazooka. On a besoin d’air frais. Allez, souffle. Souffle encore.

     

    2017. Réfléchissons : Nous avons huit ans maintenant et deux très belles marques. Nous sommes devenus bankables. La Banque Postale nous fait des appels du pied. Nous serions encore plus forts avec eux. Alors, on vend ou pas ? Soyons honnête, ça a toujours été un des scénarios envisageables. Il nous faut un nouvel élan. Allez, on y va, c’est le moment. On vend.

     

    2018. Alors heureux ? Oui, bien sûr, mais comment dire ? T’as déjà laissé tes fenêtres ouvertes en plein mistral ? Et ben, ça ressemble à ça. Ca secoue pas mal à tous les étages. Ta boîte ne sera plus jamais la même. C’est le jeu. T’as vendu, t’as vendu. Mais bon, globalement, ça se passe bien. Allez, inspire. Expire.

     

    Vincent Ricordeau, cofondateur et président de KissKissBankBank & Co.

     

     

     

  • Michael Jackson, Retour à Neverland

     

     

    Nous avons lu beaucoup de papiers, vu d’innombrables images, entendu de terribles confessions, semblant vouloir étayer toujours un peu plus les théories sur la pédophilie présumée de Michael Jackson. D’abord en 1993 puis en 2005…

     

    Et puis ce documentaire sorti cette année, « Leaving Neverland », diffusé dans un premier temps sur HBO aux Etats-Unis et plus récemment chez nous sur M6, devait être un électrochoc pour enfin nous faire comprendre et admettre qui était vraiment Michael Jackson et ce qui se cachait de si abject derrière ce masque doux et souriant…

    Nul besoin, donc, de revenir en détail sur les agissements supposés du Roi de la Pop et sur ce qu’il aurait fait endurer à ses victimes. Rien ne nous est d’ailleurs épargné dans le film de Dan Reed, pour appuyer là où ça fait mal et ne laisser aucun doute sur sa culpabilité, mais il faut tout de même quatre heures au réalisateur pour marteler « cette vérité » et pour qu’elle finisse par rentrer de force dans les esprits. Lavage de cerveaux ?

    Ce film entièrement à charge a cependant pleinement rempli sa fonction et dans l’attente d’un éventuel nouveau procès, en tout cas déjà gagné son pari. A savoir dégoûter, révulser et choquer. A tel point que des stations de radio, voire même des pays entiers, ont préféré boycotter l’œuvre du chanteur.

     

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    Hystérie collective ? Ça y ressemble, en tout cas… Nous sommes habitués maintenant à ce genre de réactions de la part de foules à la versatilité terrifiante, dont le choix s’arrête sur un individu jadis encore sanctifié, pour le voir du jour au lendemain dégringoler de son piédestal, être inculpé puis condamné et finir sacrifié sur l’autel de la bonne conscience, afin d’espérer peut-être en échange une meilleure récolte, des pommiers en fleurs ou juste… quelques dollars. Mais dormez tranquilles, braves gens…

    Car ce qui se joue ici, c’est tenter ainsi, d’un simple claquement de doigt, d’effacer des cerveaux et de la surface de la terre quarante ans de chansons et de tubes ; c’est faire en sorte de gommer de la mémoire collective celui qui nous fit dresser les poils le fameux soir des Grammys Awards en 1984, lorsqu’il fit pour la première fois une démonstration du fameux Moonwalk sur son hit planétaire « Billie Jean »… La ficelle est un peu grosse, non ?

     

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    Mais il semblerait bien que cette fois, l’entreprise générale de démolition des icônes, en l’espèce du chanteur originaire de la petite ville de Gary dans l’Indiana, fasse piteusement « Sploutch »… Et ce révisionnisme n’a d’ailleurs pas l’air de vouloir vraiment prendre en France.

    A peine quelques semaines après la diffusion de « Leaving Neverland » que déjà l’édifice se fissure. Dan Reed admet finalement que l’un des deux intervenants aurait menti dans ses allégations. Dates, lieux et événements ne coïncideraient pas. La malveillance et l’appât du gain sont hélas bien meilleurs conseillers que la vérité et l’honnêteté.

    Michael Jackson, quant à lui, est sans doute mort deux fois. Il avait déjà un genou à terre en 1993, lorsque les parents de l’un de ses protégés l’avait accusé. Le procès en 2005, dont il sortira pourtant « blanchi », aura malgré tout achevé de le détruire de l’intérieur. Et plus rien ne sera jamais comme avant… Planera ensuite continuellement une brise de suspicion au-dessus de sa tête et les regards ne seront plus les mêmes.

    Mais alors, où sont donc les films, les dvd, les documents, les photos, toutes ces preuves qui attesteraient que l’ancien chanteur de la Motown avait bel et bien le visage de l’ogre qu’on lui prête ? Michael Jackson, ce Peter Pan, cet E.T parvenu à s’extraire de la fange et de la crasse originelle, aura fini par être rattrapé, englouti et digéré. Décidément, les gens hors norme, qui ne rentrent pas dans les cases, ont la vie dure ici bas.

    Sa place n’était pas faite pour vivre parmi nous. Reste à lui souhaiter un bon retour à Neverland…

     

     

     

  • Le Brunch by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui le cas épineux du Brunch.

     

    « – Donc on s’voit dimanche ? 13 h ?

       – Oui génial, on vient avec Garance, Gaspard et leurs enfants Clothaire et Cléophée.

       – Gé-nial, toute la tribu ! »

     

    Voici un bout de dialogue saisi au vol, comme ça, au hasard, dans le 9ème, 10ème ou 11ème arrondissement. Mais de quoi parlaient donc ces gens, au juste ?

    De ce sacré, de cet absolu et incontournable brunch, évidemment ! Bien plus qu’un rendez-vous, une messe, voire une échappatoire, le brunch est devenu pour beaucoup de citadins une bouée salutaire, lancée le septième jour de la semaine dans un océan de néant, face au vide et à l’ennui du week-end, contrastant avec l’activité intense du reste de leur vie.

    Cette invention anglo-saxonne, contraction de « breakfast » et de « lunch » (petit déjeuner et déjeuner), atterrit en France, notamment à Paris, à la fin des années 80, puis explose littéralement courant 2000. Bon, attention, rien à voir non plus avec Crunch, le chocolat qui croustille…

    D’abord organisé clandestinement à la maison par des expatriés américains en mal du pays, le brunch devient rapidement le rite dominical que tous ceux qui, sans cesse à la recherche de nouveauté, se doivent de pratiquer pour être dans le coup. Et naturellement, ce sont ensuite les restaurants, hôtels ou bars qui récupérèrent l’idée, flairant la bonne affaire et décelant les perspectives hautement lucratives de ce nouveau concept.

    En effet, pour une somme modique entre 20 et 50 euros par personne, selon le quartier et le prestige de l’établissement, il sera proposé à tout citadin qui se respecte une formule « all inclusive » à base de « Vas-y comme j’te pousse », en clair de tout ce qui tombe sous la main et que l’on n’aurait pas vendu dans la semaine. Aubaine… Le brunch, c’est donc une sorte de petit déjeuner amélioré, mais bien plus cher car labélisé « brunch », en fait…

    Sur une base d’œufs brouillés, un jus d’orange parfois pressé, ou pas… du café ou du thé, une corbeille de tartines de pain avec beurre, confiture, suivis d’une salade de fruit ou d’un fromage blanc pour tapisser le tout. Clic clac, l’affaire est dans le sac, on a là les éléments de base du fameux brunch.

    Au-delà de l’escroquerie souriante et du consentement tacite des clients, ce rendez-vous est un alibi pratique pour oublier ce non-jour qu’est le dimanche. 24 heures de vide cosmique… Ce funeste jour où Dieu et ses plus proches collaborateurs se sont dit : « c’est bon là, stop, on souffle un peu… plus d’idée ».

    Alors, plutôt que de rester chez soi à contempler son reflet dans le miroir de la salle de bain et se faire un débriefing introspectif pour savoir où on en est dans sa vie, avec les autres, en particulier, on préfère aller s’étouffer avec du pain sans gluten, du miel bio et du café cueilli par Pedro dans des endroits saturés de monde, de poussettes géantes avec des étudiants-serveurs proches du black-out, qui ne travaillent que le dimanche parce que les autres employés officiels refusent de cocher ce jour sur leur planning.

    Car, oui, le brunch est un non-sens, une hérésie aussi utile qu’un presse-ananas ou un médicament pour la connerie. Le brunch et toutes ses extensions, d’ailleurs… En effet, on a même vu à un moment une tentative de « Drunch », si si… Soit cette plage horaire encore disponible entre le « Dinner » et le « Lunch », donc plutôt vers 17h-18h. J’espère que vous me suivez…

    Et puis depuis cinq ou six ans, des esprits tant malades que diaboliques ont quant à eux relancé la mode du « Goûter ». C’est ainsi qu’on peut désormais lire ici et là, juste à côté de la pancarte « Brunch » et « Drunch », le panneau « Ici, Goûter à toutes heures » avec l’avantage de ne pas en restreindre la consommation uniquement aux seuls dimanches.

     

    « – Donc on s’voit mardi ?

       – Oui génial, on vient avec Melissa, son deuxième mari Eugenio et les enfants qu’elle a eus avec Horts, Dakota, Sombrero et Guacamole.

       – Gé-nial, toute la smala ! »

     

    Autour d’un chocolat chaud ou d’un thé vert tibétain au beurre de chamelle, on pourra vous proposer une banane ou une pomme avec des Choco BN, le tout servi sur une bonne vieille feuille de papier d’aluminium. Reste à savoir maintenant si bientôt, on ne va pas nous proposer, dans le cadre de la refonte perpétuelle de nos us et coutumes, des « DGoûners » ou encore des « Glunchs ».

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…