Catégorie : Mode

  • Rick Owens : Collection Aztec Printemps-Eté 2020

     

     

    En septembre 2019, Rick Owens nous présentait la collection Aztec, dans le cadre prestigieux du Palais de Tokyo à Paris. Pour sa collection printemps-été 2020, le créateur américain s’est inspiré de ses origines nord-américaines, avec pour sources d’inspiration trois thèmes forts et dans le feu de l’actualité de l’époque : sa mère d’origine mexicaine, l’actrice Maria Félix et le débat qui fait rage au sujet du mur à la frontière mexicaine.

     

    Comme la saison dernière, lorsque le créateur avait littéralement mit le feu à l’esplanade du Palais de Tokyo, Rick Owens récidive en nous présentant une nouvelle collection aussi impressionnante que sa mise en scène. Des mannequins à l’allure étrange, signature de la marque, défilent dans des robes démesurées, des vestes aux épaules XXL et des vêtements extra-larges. La géométrie quasi-parfaite des vêtements subjugue. L’ensemble de la collection est presque architectural. Le show est puissant, envoûtant, presque effrayant, mais, une fois encore, réussi.

    Ici, ni podium ni tapis rouge. Seul le cadre brut des marches du Palais de Tokyo habille le défilé du maître. Un bassin est aménagé spécialement pour l’occasion, alimenté par une série d’énormes tuyaux qui y déversent une eau à l’éclat particulier. Pour ouvrir le show, de la fumée s’échappe des fameux tuyaux avant qu’un cortège en robe noire ne marche au bord de la piscine, brandissant de longs mâts. Les modèles plongent leurs piques dans l’eau, se soulevant et se séparant en rythme, afin de produire une joyeuse cacophonie visuelle de bulles. Éphémères et implacables, flottantes et glissantes, elles fournissent un fond éthéré mais doux au décor général.

     

    [youtube id= »Eh-AA8ryi-0″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Les modèles arborent des coiffes pharaoniques, science-fictionnelles et rétro-futuristes, évoluant au beau milieu des tours environnantes, évocation en noir & blanc des plus poétiques du « Metropolis » de Fritz Lang, vite démentie par les tableaux suivants, beaucoup plus colorés. Owens convoque ses origines mexicaines, par sa mère, et fait bien évidemment référence aux problèmes frontaliers actuels dans son pays natal, aux États-Unis, qui rendront désormais plus difficile une éventuelle visite à sa famille qui vit encore plus au Sud, de l’autre côté du mur. Face au discours officiel prônant la construction d’enceintes, le renforcement des frontières et le repli des Etats-Unis sur eux-mêmes, Rick Owens, Américain vivant et travaillant en Europe, lui oppose avec son show cette réponse naturelle, afin d’y honorer ses racines.

    Car les créations d’Owens, ornées de paillettes, d’or, de motifs multicolores, de cuir verni, de pastels et de fleurs sculpturales, à la fois explosives et festives, constituent toujours un retour aux sources, avec des lignes pures et extrêmes. Cette collection nous fait ainsi naviguer entre peur sacrificielle et fascination païenne, entre passé et futur, entre les pyramides de l’Egypte ancienne, les temples aztèques et certains personnages directement tirés d’un épisode de Star Wars… Rick Owens y célèbre la femme universelle, de la Reine de Saba à Cléopâtre.

     

     

     

  • London’s Clubbers dans les 80’s

     

     

    « Habillez-vous comme si votre vie en dépendait ou ne vous dérangez pas », telle était la recommandation de Leigh Bowery quant au code vestimentaire à adopter pour pouvoir participer à ses soirées organisées au légendaire club Taboo, juste à côté de Leicester Square à Londres, dans les années 80.

     

    Leigh Bowery, designer, performer et superstar des nuits londoniennes, était le maître de cérémonie sulfureux de la scène du club underground Taboo au milieu des années 80. Tel un canevas humain éclaboussé de peinture et de maquillage outrancier, il importa au Taboo son carnaval étrange, sur fond de drogue, de psycho-glamour et de débauche poly-sexuelle. Le célèbre portier du club, Mark Vaultier, tendait un miroir aux clubbers qui attendaient à l’entrée et leur posait la question fatidique : « Est-ce que vous vous laisseriez entrer ? »

     

     

     

    En 2013, l’exposition « Club to Catwalk » au Victoria & Albert Museum de Londres nous présentait des créations de John Galliano, Vivienne Westwood, Stephen Jones, Betty Jackson, Paul Smith, Pam Hogg, Katharine Hamnett, Rifat Özbek ou Leigh Bowery et visait à mettre en lumière à quel point la mode des années 80 a émergé directement de la scène musicale underground et des règles draconiennes d’entrée dans certains clubs prisés par la communauté gay. Car il fallait y briller…

    « Club to Catwalk » nous offrait ainsi un aperçu fascinant du monde des designers britanniques, débutants dans les années 80, et qui ont ensuite acquis une renommée internationale, grâce à leur esthétique audacieuse, directement influencée par la culture scandaleuse des clubs de Londres. Avec chaque nouvelle soirée se constituaient de nouvelles tribus de style. L’exposition célèbre les looks extrêmes des sous-cultures londoniennes des années 80, entre Fetish, Goth, Rave, New Romantics et High Camp. L’expression « The blink-and-you’ll-miss-it scene » désignait cette scène sulfureuse où les clubs fêtaient rarement leur premier anniversaire, même si le goût pour la subversion et l’individualité totale et absolue persista tout au long de la décennie.

     

     

     

    John Galliano, qui a étudié au Central Saint Martins Art College de 1981 à 1984, se souvient d’ailleurs que les jeudis et vendredis, « le collège était presque désert. Tout le monde était à la maison pour travailler ses costumes pour le week-end ». Quant à Trojan, une star du Taboo et l’ancien amant de Bowery, il se coupait à moitié une oreille un soir, dans une sorte de happening hédoniste et extrême, car comme il l’expliquait dans un article qui lui était consacré dans le magazine The Face en 1986, « il en avait tout simplement marre de voir son style copié par les filles du Taboo ».

    Claire Wilcox, la responsable de la mode au Victoria & Albert Museum de Londres et commissaire de l’exposition « Club to Catwalk » en 2013, déclarait qu’elle tenait à réfuter l’hypothèse selon laquelle la mode des années 80 se résumait à « des vêtements colorés et des permanentes ». Alors certes, pas d’épaulettes, remplacées avantageusement par des robes pour homme, des accessoires fétichistes signés Vivienne Westwood, des tenues de pirate, un dance floor et un juste-au-corps en Lycra violet avec sa gaine pour pénis intégrée…

     

    Claire Wilcox évoquait en 2013 comment l’esthétique de ces clubs londoniens, beaux et grotesques à la fois, fut cruciale dans l’émergence de la mode grand public des années 80.

     

    Pensez-vous que l’exposition vise à restaurer la réputation de la mode des années 80 ?

    Je l’espère, en tout cas ! Nous faisons évidemment référence à Lady Di, mais nous ne présentons délibérément aucune de ses tenues. Et pour tout dire, il y a très peu d’épaulettes dans l’exposition… Il s’agit plus ici de la mode des écoles d’art ; nous avons des designers incroyables, comme John Galliano, qui débutait tout juste sa carrière à l’époque, mais aussi Vivienne Westwood, « l’enfant terrible de la mode », qui a été absolument radicale tout au long des années 80. Il s’agit également de faire appel à des designers influents qui ne sont pas nécessairement aussi connus aujourd’hui, comme John Flett et Michiko Koshino. Nous voulions montrer comment ce que les clubbers portaient à l’occasion des soirées au Taboo a pu avoir une influence majeure, bien au-delà des murs du sous-sol du club. Créateurs, musiciens, artistes et danseurs sortaient ensemble ; ce croisement entre culture club et monde réel était donc inévitable…

     

    Pouvez-vous donner un exemple de ce croisement entre club et monde réel ?

    L’exemple classique est la chemise New Romantic, que l’on fait blouser, avec son col cassé, particulièrement appréciée par la princesse Diana et ses amis. A cette époque, les créateurs enjambaient deux mondes et apportaient la vitalité et la fraicheur de la scène club, en la mélangeant à ce qu’ils avaient pu apprendre dans les écoles de mode. Stephen Jones créait des chapeaux pour ses amis clubbers, certes, mais il faisait aussi des chapeaux pour la reine…

     

    Comment la musique du club a-t-elle influencé la mode ?

    Cela dépend en grande partie de la façon dont les gens dansaient. Le style « Rave », c’était en substance comment s’habiller au mieux pour transpirer, mais comme l’un de ces New Romantics me l’expliquait un jour : pour eux, il ne s’agissait pas de danser mais de se contenter de remuer le plus esthétiquement possible afin d’éviter de ruiner leurs costumes extravagants… Si vous regardez les premières pièces, qui sont assez précises et utilitaires, elles sont associées à la musique robotique de 1979 ou 1980, puis vous entrez dans la phase historique, lorsque les clubbers se sont plus tournés vers les costumiers de théâtre, pour leurs tenues du samedi soir. Vers la fin de la décennie, vous trouvez de plus en plus de « bodycon », et les vêtements deviennent plus moulants, avec beaucoup de Lycra, jusqu’à la dernière tenue représentée, de la collection « White » de 1990 par Rifat Özbek, qui se situe quelque part entre Rave et New Age.

     

    Compte tenu de la complexité et des nuances de la scène, ce devait être une exposition difficile à organiser…

    La chose à retenir à propos de la culture clubbing londonienne de cette époque, c’est que personne ne portait deux fois la même tenue. Nous présentons d’ailleurs cinq tenues de New Romantics, créées et portées entre 1979 et 1980, et elles sont toutes radicalement différentes. Il y avait chez ces tribus de style aux univers esthétiques très divers une capacité tout à fait rafraîchissante à refondre et recycler, nuit après nuit.

     

    Il est impossible de parler de la culture des clubs londoniens dans les années 80 sans évoquer Leigh Bowery. Quelle a été sa contribution ?

    Ce que les gens oublient, c’est que Leigh Bowery était un grand couturier… Quand il a débuté, il a fait un voyage d’affaires à Tokyo avec d’autres designers britanniques. Il a reçu de nombreuses commandes d’acheteurs potentiels, mais il ne donna pas suite car il ne s’intéressait en fait qu’aux pièces uniques. Le seul objectif qu’il se fixait était de mettre en scène tous les soirs une performance la plus époustouflante possible, et de voir son inspiration diffusée à la fois aux mondes de la mode et des arts. Le business ne l’intéressait pas… Et les tenues signées Leigh Bowery que nous présentons dans le cadre de cette exposition représentent l’extrême de la mode club ; le club qu’il concevait comme un lieu d’expression esthétique. Finalement, son corps est lui-même devenu le théâtre de ses propres performances, et j’adore ce concept !

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Porter des Baskets by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : Porter des Baskets.

     

    Il n’y a pas aujourd’hui un podium de Fashion Week où les mannequins hommes ou femmes ne défilent pas avec aux pieds des baskets dessinées pour l’occasion par les stylistes de la marque représentée. Et je vous laisse deviner le prix boutique qu’il vous faudra débourser pour un article de ce genre chez Givenchy, Balmain, Dries Van Noten ou Dior… Juste à titre d’exemple, la maison Margiella qui revisite les Fred Perry affiche des tarifs autour de 800 euros. 1200 euros chez Balenciaga, 2000 euros chez Rick Owens… Et tout cela évidemment fabriqué le plus souvent en Chine, en mode plastique et caoutchouc.

    Allo la terre ?? On les a perdus… Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Comment en est-on arrivé là ? Mais… Mais flûte, comment ??

    Conçue pour pratiquer des activités physiques, la basket était donc naturellement portée à l’origine, je vous le donne en mille, par des sportifs ; pour être ensuite adoptée dans les années 80 par une communauté dite « de banlieue » et par les rappeurs, assortie au total look survêtement. Et il faudra finalement attendre le courant des années 90 pour que cet article soit récupéré d’abord par la communauté LGBT, désireuse de s’encanailler en singeant les dites « caillera » et afficher ainsi les codes ostentatoires du parfait lascar. Soit…

    Au début des années 2000, c’est au tour du métrosexuel d’arborer la fameuse Fred Perry ou encore la All Star (Converse), avec un jean et la petite veste qui va bien, afin de casser les codes, paraître cool, free dans sa tête, et pouvoir en toute décontraction aborder tous les sujets, de l’art à la politique, en passant par les faits de société, tout en faisant des clins d’œil insistants à la jeunesse. C’est non seulement l’apparition du jeunisme (syndrome Peter Pan), mais aussi du phénomène des bobos. Cependant, à cette époque, la « fashion sphère » s’intéresse encore assez peu à cette nouvelle tendance. Ici et là, il y a bien quelques percées chez Gaultier ou Yamamoto, mais qui restent tout de même assez confidentielles.

    Les souliers en cuir, Derby, Richelieu et diverses bottines vont cependant sacrément prendre du plomb dans l’aile à la fin des années 2010… Car les Lanvin, Saint Laurent et même Berluti entrent dans la danse et commencent eux aussi à proposer leurs modèles de baskets, à des prix bien-sûr un peu plus « fou-fou ». L’étiquette assure à elle seule la plus-value…

    Alors, pour justifier ces tarifs prohibitifs, les plus imaginatifs des créateurs (Kris Van Assche, Raf Simons ou Rick Owens) vont redoubler d’efforts et de roublardise pour concevoir des modèles les plus tarabiscotés possible, à grand renfort de lacets dans tous les sens qui empêchent presque de rentrer le pied dans la chaussure, de semelles ou de languettes surdimensionnées qui ne permettent de toute façon pas de marcher correctement. En d’autres termes, pas confortables et qui vous donnent une allure assez improbable. Mais en même temps, qu’est-ce qu’on se marre !

    Aujourd’hui, la basket est ainsi devenue le signe de la fainéantise absolue, à l’instar de la paire de blue jeans enfilée avec fausse négligence, pour s’habiller sans se tracasser outre mesure… En substance, comment apparaître, paraître et finalement être. Un réflexe qui en dit long sur notre époque. Comme un uniforme pour se sentir en phase avec les autres, avec son milieu, sa communauté. Et ce qui distinguera le pauvre de celui qui a les moyens, ce sera la marque de la chaussure.

    Une chaussure élevée au rang de signe de reconnaissance ultime, et qui supprimerait comme par enchantement cet insupportable no man’s land entre les classes sociales. En fait non… Poussons encore plus loin l’absurdité de cette utopie, dans la mesure où ceux qui en ont les moyens seront prêts à débourser une coquette somme, tout ça pour un objet à l’obsolescence programmée, et ce depuis sa conception. Car les prix que j’indiquais plus haut à titre d’exemple sont clairement le marqueur sociétal absurde mais concret, pour bien délimiter la frontière entre ce qui est hype et ce qui ne l’est pas.

    Dans ce renversement des valeurs généralisé, il est amusant de constater que cet accessoire devenu incontournable dans tout vestiaire qui se respecte est désormais plus cher et prestigieux qu’un bon vieux soulier en cuir, robuste, solide, qui quant à lui vieillira bien. Eh oui, il faut se rendre à l’évidence, l’autre spécificité de la basket, c’est que cet objet vieillit extrêmement mal. Certes, neuf, il peut paraître séduisant et clinquant, mais après quelques mois voire quelques semaines, il commencera immanquablement à montrer des signes de fatigue, car souvent mal entretenu et trop porté. La forme s’affaissera et la fameuse basket finira par ressembler à une grosse Charentaise.

    A l’inverse, un vrai soulier de qualité va vieillir sagement, en évoquant à celui qui le regarde une histoire, des histoires… La chaussure en cuir va ainsi devenir un témoin du temps qui passe, en soulignant la personnalité de celui qui la porte. Un objet plein de poésie et de mélancolie. Quand la basket ne vivra qu’au présent et sera le miroir qui ne renvoie que l’image du vide et du néant. L’objet séduit et flatte l’instant, le moment donné. Mais dès le lendemain, il n’y a déjà plus rien car un nouveau modèle a déjà supplanté le précédent.

    La basket, c’est la laideur d’un monde sans âme, un imposteur, une usurpatrice.

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

     

  • Le vendeur d’une boutique de prêt-à-porter de luxe by Hubert

     

     

    Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui : le vendeur dans une boutique de prêt-à-porter de luxe.

     

    Il ne s’agit là évidemment que d’un point de vue très subjectif sur ce sujet précis, puisqu’il vous faudra déjà posséder une bonne dose de snobisme pour détecter toutes ces apparences en trompe-l’œil. Vous devrez également avoir digéré tous les romans de Jane Austen, Edward Morgan Forster ou Kasuo Ishiguro, suivi de l’intégralité de la série « Downton Abbey », afin de mieux comprendre les attitudes cryptées chez tout ce beau monde, entre la Upper Class et ceux qui oeuvrent à son service et qui, en toute logique, doivent reprendre les mêmes tics et divers autres protocoles, entre savoir-vivre et étiquette, pour pouvoir évoluer même à titre d’ombre dans ce milieu.

    Comprenez que si jadis personne n’était dupe du jeu de chacun et de sa place respective dans la société, l’égalité ou le nivellement des classes quelles qu’elles soient ont au fil du temps fini par mélanger les cartes et brouiller les pistes, pour en arriver à cette inversion des codes et des valeurs, mais cela serait un tout autre débat d’ordre civilisationnel, en ces temps nouveaux où s’affirme cette idiocratie patentée.

     

    Safari Urbain

    Tout d’abord, à titre expérimental et en tant que première immersion, vous pourrez vous rendre dans ces grands magasins, tels que les Galeries Lafayette, le Printemps ou autre Bon Marché, pour tomber nez à nez avec ce genre de spécimen. Alors bien-sûr, ce n’est pas au rayon fromages que vous le débusquerez mais plutôt du côté des corners dédiés aux vêtements couteux et trendy.

    Et là, vous aurez en général affaire à un individu de type caucasien, pas très grand et extrêmement mince. On peut le repérer car il se trouve souvent devant le stand d’une marque dite « de prestige ». Approchez-vous sans faire de bruit, sur la pointe des pieds. Evitez de porter des vêtements trop voyants ou trop banals car cela risquerait de le faire fuir. Si au contraire vous êtes habillé de manière branchée et cool, cela va attirer son attention, voire même le tétaniser tel le lièvre pris dans les phares d’une voiture.

    Ce démonstrateur peut avoir entre 20 et 40 ans. Il ne vous sourira jamais, mais en revanche ne manquera pas de s’esclaffer avec d’autres individus de son espèce, qui semblent tous issus du même moule, à chaque fois qu’ils verront passer un client qui ne rentrerait pas dans le cadre étriqué des normes instaurées entre eux par ces petits majordomes. Cette catégorie d’humain n’existe que pour le principe futile de pouvoir porter, parce que c’est leur passion, des vêtements onéreux qu’ils ne pourraient jamais s’offrir en temps normal, ce qui génère forcément frustration et colère au bout de l’allée…

    Vous connaissez sans doute le proverbe, « Il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que de sottes gens ». Il se trouve que dans ce cas précis, justement, non seulement le métier est sot mais ces gens-là sont sottes, ou finissent inmanquablement par le devenir. Appréciant la mode mais jamais pour les bonnes raisons, les spécimens en question confondent hype et luxe, tout en arborant une insupportable arrogance, afin de masquer une petite vie mesquine, sans éclat et sans panache. Ces êtres constamment énervés ne se voient qu’en deux dimensions, alors qu’ils tentent de remporter sans cesse le vain combat des égos. Retirez juste les beaux atours et il ne restera plus que vulgarité, avec comme fond musical, non pas le hit dance du moment mais un simple bruit de pet…

    Mais il existe encore le stade supérieur… Une sorte d’Olympe de cette activité de niche ; en l’occurence, le vendeur qui officie dans la boutique principale, le show-room, la maison-mère. Au terminus des prétentieux, toujours plus près des étoiles, il est l’élu ! Sans oublier qu’il y a marques… et marques. Plus qu’une griffe, un nom, une renommée qui s’inscrit dans le temps, tels certaines légendes, vous avez la mode et puis les créateurs. Là, c’est encore autre chose. Le pinacle, le Nirvana, une adresse rue du Faubourg Saint-Honoré, rue Cambon ou encore la galerie de Valois au Palais Royal. Oui, vous l’aurez compris, à ce niveau-là, on tutoie les anges, on caresse la joue de Dieu.

    Imaginez… Un autre monde, une dimension parallèle où le temps semble suspendu, voire même lyophilisé… Oui c’est ça, du temps en poudre. Une grande boutique blanche, immaculée, à l’abri de toute souillure terrestre, un lieu où les lois de la gravité n’ont plus d’effet, loin de tous ces primates, ces barbares renâclant sur ces trésors d’hyper-tendance, qui devancent, qui transcendent de mille ans la naissance même de la mode. Que dis-je, de l’espèce humaine… Composée principalement d’infâmes personnages perclus de grossièreté, ne pouvant comprendre, percevoir et encore moins ressentir ce que le « Maîîîtrrr » a voulu exprimer avec sa dernière collection (tout simplement suuuupeeeerbb), aussi loin que les barrières Vauban le permettent de ces groins putrides et humides, condamnés par Mère Nature à se gaver, s’empiffrer jusque mort s’ensuive de Zara ou de H&M. Mais quelle horrreurrr !

    THE Boutique est donc posée là, élégante mouche sur une joue à la teinte d’albâtre, perdue dans cet univers urbain hostile. Sur la rue s’étirent ainsi ces grandes vitrines, avec derrière… rien… ou si, plutôt, Le Rien. En approchant plus près le visage de la paroi du bocal, vous aurez peut-être la chance d’apercevoir à l’intérieur des vendeurs immobiles, figés, flottant dans l’espace tels le spermatozoide dans le liquide séminal ; tableau étrange, en y regardant de plus près, comme s’ils évoluaient au gré de l’indicible, du merveilleux, parmi les habits-rares-installés sur de sobres cintres métalliques ou sur des meubles minimalistes.

    Nous voici donc au cœur de la nef, car ça n’est pas une simple boutique. Le lieu est religieux. Un temple voué à des rites qui nous sont sûrement pour toujours inconnus, nous, les profanes. Il faut rentrer dans ce lieu d’exception pour comprendre ce qui s’y passe vraiment. Et voici les vendeurs. Ils bougent un peu, à peine, en fait. Ils sont trois, observant chacun une posture très étudiée. Les bras sont croisés ou le long du corps, une main sur la hanche, l’autre légèrement surélevée et suspendue dans le vide, la tête un peu de biais, moue de la bouche, yeux hagards… Ou alors le bras passant entre les deux jambes dont l’une, croisée, passe par dessus la tête…

    Lorsque vous aurez l’outrecuidance de vous diriger vers eux, ils vous gratifieront peut-être d’un regard distant, pourront éventuellement se laisser aller à vous faire un signe de la tête, voire même articuler un « bonjour », que vos modestes ouïes percevront comme une sorte de « bowjaune ». Ce « bowjaune » devrait être accompagné d’une moue des lèvres accentuée, qui pourrait vouloir signifier : « bienvenue dans le royaume triomphant des exceptions vestimentaires, qui ne sont plus de simples assemblages de tissus et d’ingéniosités, mais toute bonnement… des vérités ». Quant à moi, je crois que… que je viens juste de… jouir…

     

    « Ici, tout n’est que luxe, rareté, beauté, perfection. Mais même si vous achetez quelque chose, nous ne sourirons pas davantage. »

    Allez, faisons fi de ce satané instinct d’infériorité qui nous colle à la peau depuis que nous avons passé la porte et hasardons-nous à nous rapprocher, afin de contempler de plus près certaines pièces, tout en respectant le silence monacal du sanctuaire. Vestes, manteaux et chemises défilent sous nos yeux ébahis. Nous sommes marqués à la culotte par l’un des vendeurs-cénobites-cerbères qui replace aussitôt, dans un alignement que lui seul maîtrise, et selon des règles que lui seul comprend, ces augustes vêtements sur lesquels nous avons osé poser nos vilains gros doigts boudinés.

    Nous contemplons ensuite de magnifiques pulls, en l’occurence au nombre de trois, qui se battent en duel sur une gigantesque table en métal mat à 10.000 dollars. Juste à côté, deux ceinturons enroulés, trois porte-monnaie et quatre paires de chaussettes alignées. Ces objets, accessoires et divers artéfacts auraient-ils appartenu à Napoléon Bonaparte ? Ou à Marilyn Monroe qui, selon la rumeur, portait des chaussettes pour dormir ?

    Nous esquissons alors une ébauche de dialogue avec l’un de ces archanges non-répertoriés par les Saintes Ecritures : « Veuillez m’excuser, auriez-vous ce modèle en médium ? ». L’être en deux dimensions s’approche de nous, comme s’il flottait dans les airs. En effet, je regarde à ce moment précis ses pieds et force est de constater qu’ils ne touchent pas le sol. L’être vaporeux qui défie la gravité ne manque cependant pas de se contempler au passage dans un grand miroir. Il doit avoir été assez satisfait de ce qu’il y a vu pour arborer ensuite une sorte de sourire, même si l’image renvoyée par la glace est restée étrangement impassible. Il nous lance alors, dans un chuintement singulier : « en mîdiôm, m’avez-vous dit ? »

    C’est avec une grande dextérité et la plus extrême souplesse dans les doigts, mouvement que nos grosses paluches roturières ne pourraient en aucun cas reproduire, que l’ectoplasme à deux dimensions extrait une petite étiquette de l’intérieur du pull que nous venons de lui désigner, posé au beau milieu de la table en métal mat à 10.000 boules. Une rotation de la tête à 180 degrés et un geste souple de la main plus tard, il interroge un autre xénomorphe : « Eugenio, y a-t-il encore le modèle B en… Mîdiôm ? ».

    L’autre marque un temps d’arrêt (Attention : la scène d’action du film !), puis disparaît derrière une petite porte dérobée, comme happé par la réserve du magasin, pour en ressurgir quelques minutes plus tard. Il semble effondré (il vient probablement d’apprendre un décès dans sa famille) : «  Nooooon, nous n’avons plus ce modèle, hélaaaas ». Et là, réaction en chaîne ! Le premier xénomorphe semble lui aussi soudainement gagné par une tristesse sans bornes. Les deux se regardent en dodelinant de la tête. Nous parvenons finalement à sortir de cette torpeur quelque peu angoissante en demandant à essayer un autre modèle dans un autre coloris. « … Oui c’est très joli aussi en noir. Vous pouvez le porter comme ça, avec le petit chose, là, voilà, avec le petit chemise aussi ou alors avec le petit maille. C’est très joli aussi avec le petit maille… ». Mais… Mais qu’est-ce qu’y dit ?

     

    Bon, nous prendrons celui-ci…

    Le vendeur, extatique, prend notre vêtement comme s’il tenait le petit Jésus, puis se dirige religieusement vers la caisse. Nous emboîtons ses pas, dans une lente procession sur ce chemin pavé de dalles en béton brossé aussi grises que notre âme, résignés à donner l’extrême-onction à notre carte bancaire.

    Voici maintenant venu le moment de l’emballage du vêtement susnommé. Pas simple, pour tout dire… Devant nos yeux ébahis, les deux moines trappistes se mettent à plier avec un soin infini l’article, le tout dans un silence teinté de sacralité et d’absolu. Le premier enveloppe le pull dans un immense papier de soie. L’autre, presque collé au premier, attend fébrilement, un second emballage cartonné à la main. L’ensemble est introduit dans un grand sac. Le cérémonial s’achève par la délicate mise en place d’un petit lacet ciré pour fermer le tout. J’ai cru un instant entendre chanter des anges juste au-dessus de nos têtes. Pour l’encaissement, nous assistons à une mise en scène à peu près identique. L’un des vendeurs nous jette alors de petits sourires complices…

    On nous remet le paquet et nous nous retirons enfin, sur la pointe des pieds, sans bruit. La grâce nous accompagne jusqu’à la porte. Les vendeurs, eux, sont restés plantés à la même place. Sans doute sont-ils branchés sur des socles, derrière le comptoir, pour se régénérer. Ils se contentent avec le peu d’énergie qui leur reste de nous dire au revoir (attention, prononcez « awu-voy »). A peine la porte franchie, nous voici replongés dans le maelström de la vulgarité crasse. C’est fini, tout reprend son rythme et le sentiment d’immortalité nous quitte peu à peu. Nous venons ainsi de goûter quelques moments à l’essence même de ce que vivent tous les jours ces garçons pétris d’extase. Au-delà de la mode et au-delà du temps.

    Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

     

     

     

  • Hipster, le mot est lancé…

     

     

    Au début, une couverture de Vogue Homme International, un défilé Margiela, un Norvégien croisé à un brunch Quai de Valmy puis dans un rêve, un lutin qui vous aborde dans une forêt Colette… Paf, boule de neige ! C’est parti. « Hipster », le mot est lancé…

     

    « Hipster », soit cette mode qui consiste pour tous ces métro-sexuels en mal d’égo à arborer une pilosité du menton pendante et savamment entretenue façon Landru, Jaures, Hugo, Rodin, à savoir une mode capillaire datant donc de plus d’un siècle… Et comme toutes les modes, ça photocopie, ça se propage de manière exponentielle à la World War Z… Conchita Saucisse ne fait pas partie du mouvement…

    En tout cas, plus une rue, un bar, un WC, une mosquée (euh…) sans qu’il n’y ait à croiser un de ces mecs portant une barbe de quinze centimètres, avec souvent une allure générale qui serait le mix improbable entre Stromae et Sébastien Chabal.

    Moi Président, mais qui en fait deviendrais rapidement Tyran, je transformerais toutes ces têtes poilues et à claques en gigantesque élevage à poux, puces et morpions mutants, pour mon armée secrète et deviendrais ainsi LE MAÎÎÎÎÎTRE DU MOOOOONDE !!! (là normalement, il y a aussi un rire sardonique).

     

     

     

    A découvrir l’évolution du hipster mâle & femelle de 2000 à 2009 dans le numéro de novembre 2009 du magazine Paste, et c’est ici. Merci au photographe Josh Meister, au hair & make-up designer Lani Martz, à l’artiste tatoueur Bryan Reynolds pour Ink & Dagger, ainsi qu’aux modèles Michael Saba et Allie Tsavdarides.

     

     

    Instant-City-Hipster-021

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dévoreur Hubertouzot

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] The Evolution of the Hipster 2000-2009 @ Paste

     

     

     

  • La jeunesse d’Yves Saint Laurent

     

     

    Yves Saint Laurent nous quittait le 1er juin 2008. On ne saura jamais vraiment qui était Saint Laurent, derrière ses robes, ses tissus, ses soirées, ses amants. Il était le héros d’un roman, de sa propre histoire… Un être de papier qui grâce à Pierre Bergé put devenir l’un des plus grands couturiers de l’histoire de la mode. En 2017, neuf ans après le disparition du créateur, deux musées éponymes ouvraient à Paris et Marrakech.

     

    Le 3 octobre 2017, plus de quinze années après la fermeture de la maison de haute couture, s’ouvrait le Musée Yves Saint Laurent Paris. Il occupe l’hôtel particulier historique du 5 avenue Marceau, là-même où naquirent durant près de trente ans, de 1974 à 2002, les créations de Saint Laurent. Sur plus de 450 m2, une présentation sans cesse renouvelée, alternant parcours rétrospectif et expositions temporaires thématiques, nous offre à voir la richesse du patrimoine unique conservé par la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent.

    Le musée rend compte aussi bien du génie du couturier que du processus de création des collections de haute couture. Mais plus qu’un simple lieu monographique, il se veut également le témoin de l’Histoire du XXème Siècle et d’une haute couture qui accompagnait un certain art de vivre aujourd’hui disparu.

    La scénographe Nathalie Crinière et le décorateur Jacques Grange, qui ont tous deux collaboré à de nombreux projets de la Fondation, ont repensé ses espaces d’exposition dans l’ambiance originelle de la maison de haute couture. Le Musée Yves Saint Laurent Paris est le premier musée de cette ampleur consacré à l’œuvre d’un des plus grands couturiers du XXème siècle à ouvrir ses portes dans la capitale de la mode.

     

    Le Musée Yves Saint Laurent Paris expose l’œuvre du couturier dans le lieu historique de son ancienne maison de couture, à travers un parcours rétrospectif et des expositions temporaires thématiques présentées successivement.

     

    En septembre 2018, le Musée Yves Saint Laurent à Paris mettait ainsi en lumière plus d’une soixantaine de dessins réalisés par le créateur lorsqu’il était encore adolescent, mais aussi des clichés exceptionnels. Ces oeuvres, pour la plupart inédites, reflètent la jeunesse d’Yves Saint Laurent, de son adolescence bercée par le soleil d’Oran à son arrivée à Paris en septembre 1954. On y découvrait également une série de clichés du créateur jeune, mais aussi des archives issues de ses voyages à Marrakech.

    Cette exposition fut une occasion en or de découvrir les débuts prometteurs d’Yves Saint Laurent, et notamment son intérêt pour les Arts, comme la littérature, le théâtre, le ballet et bien-sûr, la mode. Ces oeuvres, sondant toutes les passions du designer, préfiguraient l’émergence de l’un des couturiers français parmi les plus emblématiques.

     

     

    Yves Saint Laurent avec ses parents, Lucienne et Charles (1938) © Droits réservés

     

    Yves Saint Laurent, dans les années 1940 © Droits réservés

     

    Dessin d’Yves Saint Laurent, programme de collection de Paper Doll, entre 1953 et 1955. Musée Yves Saint Laurent Paris. © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Livre d’enfance, « Madame Bovary », d’après le roman éponyme de Gustave Flaubert, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Livre d’enfance, « Merlin ou Les Contes Perdus », d’après le roman éponyme d’Andrée Pragane, 1952. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Paper Doll Bettina et trois vêtements de sa garde-robe, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour Madame de Vermont, dans la pièce « La Reine Margot », d’après le roman éponyme d’Alexandre Dumas, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de décor (non réalisé) pour La chambre de la Reine de Navarre dans la pièce « La Reine Margot », d’après le roman éponyme d’Alexandre Dumas, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour la pièce « Sodome et Gomorrhe » de Jean Giraudoux, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour La Reine dans la pièce « L’Aigle à Deux Têtes » de Jean Cocteau, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de décor (non réalisé) pour le ballet « Les Forains » d’Henri Sauguet, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Yves Saint Laurent à Marrakech © Pierre Bergé

     

    Pierre Bergé et Yves Saint Laurent à Marrakech, 1977 © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

    Yves Saint Laurent à Marrakech © Pierre Bergé

     

    Pierre Bergé et Yves Saint Laurent au Château Gabriel © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

    Yves Saint Laurent, Anne-Marie Muñoz et Pierre Bergé, 1977 © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

     

     

  • Le Wax se raconte dans « Wax. 500 Tissus »

     

     

    Le Wax se raconte à travers ses dessins imprimés sur coton. Et le nom attribué à chaque dessin renvoie à des expressions populaires, à un animal ou encore à un objet du quotidien. C’est la belle histoire que nous narre Anne Grosfilley dans son superbe ouvrage « Wax. 500 tissus ».

     

    A tous ceux qui sont originaires ou qui ont grandi en Afrique de l’Ouest, le terme « Wax » évoquera forcément des souvenirs encore vivaces, chargés de couleurs chaudes et d’histoire… Avec son livre « Wax. 500 Tissus » à paraître aux Editions de La Martinière le 23 mai 2019, Anne Grosfilley nous invite donc à partir à la découverte de cette étoffe emblématique du continent africain, par l’intermédiaire de 500 clichés originaux réunis dans cet ouvrage.

    Car le Wax est bien plus qu’un simple tissu aux dessins étonnants et aux couleurs audacieuses. Ces étoffes ont une histoire, une signification, depuis que les « Mama Benz » (riches commerçantes togolaises) leur ont donné des noms pour mieux les commercialiser. Ce nom, adapté au contexte économique et social local, peut changer suivant que l’on soit en Côte d’Ivoire, au Ghana ou au Bénin.

    Au cœur de polémiques sur l’appropriation culturelle, le Wax est une étoffe hybride dont l’identité est multiple. De l’Indonésie au Ghana en passant par les Pays-Bas, découvrez les différentes vies de ce tissu chatoyant, porté dans la quasi totalité de l’Afrique subsaharienne et depuis peu sur les podiums des défilés parisiens.

    Paris 2017. Stella McCartney crée la polémique en utilisant des tissus Wax pour son défilé lors de la Fashion Week parisienne. Elle est accusée d’appropriation culturelle mais pour l’historienne de l’art Anne-Marie Bouttiaux :

     

    « Ce qui rend ce tissu absolument fascinant est son hybridité, le fait qu’il défie toute possibilité de se voir assigner une identité fixe, pure. Bien plus que le concept d’identité, celui d’identification est à mon sens plus utile pour évoquer ce qui permet à un individu de se positionner, de se définir. Avec le wax, on se trouve face au même entrelacs d’identification multiple selon l’endroit où il est porté et selon le contexte qui le met en scène. »

     

    Originaire d’Indonésie

    Le Wax doit son inspiration au Batik indonésien, inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco depuis 2009. Selon un procédé ancestral, les Javanais utilisent de la cire pour dessiner des motifs avant de teindre le tissu. La cire est ensuite enlevée à l’eau chaude, laissant apparaître le motif, d’où le nom de Wax (cire en Anglais).

     

    Fabriqué en Europe

    Au milieu du XIXème siècle, les Anglais, mais surtout les Hollandais, ont commencé à copier les tissus Batik produits à Java. Ils les ont manufacturés pour produire plus vite et moins cher et les vendre sur le marché indonésien. Mais les ventes ne suivent pas. Dans les années 1890, les Hollandais de la firme Vlisco s’inspirent alors de motifs africains pour vendre leur tissu en Afrique, via l’actuel Ghana, avec un succès immédiat.

     

    Diffusé en Afrique

    Au début du XXème, le Wax est un produit de luxe, mais dans les années 1950, il est popularisé par les « Mamas Benz ». Ces revendeuses togolaises vont diffuser ces étoffes largement en Afrique de l’Ouest. Comme ce tissu n’est pas lié à une population africaine particulière, tout le monde se l’approprie. Il devient ainsi un tissu panafricain.

    Comme c’était déjà le cas en Indonésie, le Wax est aussi un outil de communication. Les motifs et les teintes ont des significations particulières selon les pays et les circonstances. « Là où un dessin commence à devenir très fort, c’est quand il est toujours utilisé pour la même période ou la même cérémonie. Il y a des dessins au Ghana qui sont utilisés spécifiquement pour les enterrements », explique un responsable de l’entreprise Vlisco au Ghana.

    Dans les années 1960, à l’aube des indépendances, plusieurs pays africains se mettent à produire eux-mêmes du Wax. C’est le cas au Ghana, au Sénégal, au Nigéria et en Côte d’Ivoire. Beaucoup d’usines ont depuis été rachetées.

     

    Produit en Chine

    Dans les années  1990-2000, les « Mamas Benz » et les productions locales sont concurrencées par l’arrivée de Wax « Made in China ». La Chine se met à produire du Wax bon marché. Aujourd’hui la production chinoise représente 90 % du marché du Wax.

     

    Consultante pour des entreprises et des créateurs, Anne Grofilley est lauréate du prix Millenium Award en Angleterre, pour avoir fait découvrir l’Afrique à travers son patrimoine textile. En racontant l’histoire de chaque dessin, cette docteur en anthropologie spécialisée dans le textile et la mode en Afrique explique comment des classiques des années 1920 à 1950 ont pu traverser frontières et décennies afin de séduire aujourd’hui une clientèle parisienne, londonienne, milanaise ou new-yorkaise mais, aussi les créateurs.

    Ainsi, fin avril 2019, Maria Grazia Chiuri faisait appel à elle pour sa collection « Dior Croisière 2020 ». La directrice artistique de Dior a collaboré avec l’entreprise Uniwax, en Côte d’Ivoire, dont le studio a réinterprété deux motifs chers à la maison, donnant lieu à une édition spéciale autour d’un wax 100 % africain (les cotons étant cultivés, filés et imprimés en Afrique).

     

    « Chéri, ne me tourne pas le dos » (1984)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    « Z’yeux voient, bouche dit rien » (2011)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Dans la culture populaire, la tortue terrestre renvoie à la nuit des temps. Les comtes lui prêtent des qualités positives. (1982)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif ABC Grafton, Alphabet (1964)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif de 1949 dit « Hirondelle », « Fokker ». Au Ghana, il illustre la maxime « même l’argent s’envole »  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif « Elégance » (2008)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif « Animaux » (1935)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif dit « Queue de Cheval » (1950)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

     

    Entre histoires coloniales et appropriations culturelles, découvrez l’histoire du wax, un tissu plus universel qu’on ne le pense…

     

    [arve url= »https://www.dailymotion.com/video/x6xocya » align= »center » title= »Le Wax : itinéraire d’appropriations culturelles » maxwidth= »900″ /]

     

     

     

  • Rick Owens : La Prophétie

     

     

    Après les années 80/90 et l’avènement de cette nouvelle génération de créateurs minimalistes appelée « Anti-Fashion », d’abord Japonais puis Belges, Coréens et même Américains (Yohji Yamamoto, Ann Demeulemeester, Raf Simons, Alexander Wang, Tom Brown), ces vagues successives de talents, qui ont repensé le vêtement en lui donnant du sens, se sont soit essoufflées courant des années 2000, soit diluées dans leurs propres figures de style. Désormais, parmi tous ces labels, surnagent toujours ici et là des étincelles, des fulgurances, mais la magie semble elle s’être bel et bien évaporée.

    Et c’est aussi sans compter avec ce nouveau règne des communicants et divers grands groupes comme LVMH pour enfoncer le clou, en proposant depuis la fin des années 90 de nouvelles tendances ennuyeuses, falotes, sans prise de risque, qui se contentent de reproduire à l’infini des déclinaisons de formes et de styles qui uniformisent toujours un peu plus le paysage de la mode. La petite veste, les petites chaussures, la petite robe, la petite cravate, le pantalon comme ça, avec le petit détail là… Des directeurs artistiques interchangeables qui ricochent de maisons jadis prestigieuses en autres noms récupérés au service du vide et de la fatuité.

     

    A contre-courant total, l’Américain Rick Owens, qui a étudié la mode à Los Angeles, se fraye un chemin pour venir proposer dès 1994 un retour aux sources, avec des lignes radicales, pures, extrêmes. En 2001, il s’ouvre à l’international et sa marque prend alors une nouvelle tonalité, une nouvelle dimension.

     

    Au premier abord, la silhouette Rick Owens se doit d’être futuriste. Impression renforcée lors des défilés qui baignent dans des ambiances bétonnées, froides, énergiques, saccadées, syncopées et rythmées par une bande son électro-transe engourdie d’infra-basses. Silhouettes malingres de mannequins, qui d’un pas rapide souhaitent à peine être vues. Chaussées d’énormes souliers d’inspiration militaire, les silhouettes furtives déambulent, drapées dans des habits fluides, altiers et élégants. Volumes et paradoxes, contradiction et choc… A y regarder de plus près, ces formes, ces allures, renvoient aussi et surtout à un monde du passé, loin, très loin… Une époque Babylonienne. Lorsque l’homme portait la robe et inspirait dans le même temps une impériale masculinité. Les bras dégagés, forts, dessinés, arborant bracelets et bijoux de métal brut. Rick Owens rappelle lui-même cette silhouette antique. Des temps consistant pour les historiens en des sommets de civilisation, juste avant que les religions monothéistes ne s’installent durablement et apportent leur lot de ruines.

    Rick Owens, en parfaite adéquation avec ce qu’il fait, arbore quant à lui une longue chevelure de jais. Son regard est doux et intense à la fois, marque de tous ceux nés sous un signe d’eau, et plus précisément en ce qui le concerne celui du Scorpion. Le style de ses vêtements et de ses accessoires marie cette même intensité et cette même douceur. Le corps se montre car il est sacré. La chair est belle car elle est notre représentation sur terre et le monde tangible de la matière. Mais l’esprit n’est jamais loin. Il flotte au dessus, partout, et il est doux, bienveillant. Il célèbre le corps et doit aussi le protéger. Dans certaines formes des vêtements du Californien mystique, il y a cette notion de protection. Des cocons, voire même des maisons avec des toits nous protégeant des cieux, des dieux et de leurs colères.

     

    Rick Owens semble prophétiser notre avenir. Celui qui ne laissera guère de place pour les plus faibles d’entre nous…

     

    Ce que certains prennent pour de l’outrance n’est chez lui que pure poésie. Et ce que d’autres pressentent comme premier degré et grandiloquence ne voient pas l’infinie délicatesse de ce regard perçant posé sur le monde. Un regard inquiet mais lucide. Savoir comprendre et bien s’entourer… Michèle Lamy, son épouse, est celle qu’il considère comme son égérie, sa muse, quand cet exact contraire semble apporter toute la dose de mystère et de mysticisme qui confère à la Maison Rick Owens cette étrange patine, cette impression sacrée et païenne à la fois. C’est le styliste Panos Yiapanis qui depuis 2003 modélise et concrétise les visions du plus gothique des Américains à Paris.

    Rick Owens est peut-être une synthèse de trente années de mode radicale et anticonformiste, mais il se garde bien de vouloir plaire à tout prix ou de désirer flatter son auditoire. Il est la jonction entre deux mondes parallèles, là même où les époques s’emboîtent, telles des pièces de cuir ou de tissu, comme autant d’oracles. Et l’avenir y est inscrit…

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dévoreur Hubertouzot Photographe

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images

     

     

     

  • Quand Paco Rabanne révolutionnait la mode

     

     

    A l’occasion de la semaine de la mode parisienne 2019, nous rendons hommage au couturier Paco Rabanne qui vient tout juste de fêter ses 85 ans.

     

    Homme visionnaire, qui fit des études d’architecture, Paco Rabanne utilisera durant sa carrière les matières les plus modernes pour créer ses collections. Son premier défilé avait pour titre « douze robes importables en matériaux contemporains ». Le créateur s’est retiré en 1999 mais sa maison perpétue son oeuvre et défilait hier à la Fashion Week de Paris.

     

    « Pour certains, c’est un illuminé, pour d’autres, un farfelu. A y voir de plus près, c’est tout de même un créateur, mais un tantinet provocateur. » (Journal de TF1, juillet 1976)

     

    Provocateur, c’est bien le mot qui qualifie le mieux ce curieux créateur. De ses robes en cotte-de-mailles à ses prédictions apocalyptiques, Paco Rabanne aura enchanté, surpris et choqué le monde de la mode durant trois décennies.

     

    « La mode est essentiellement prophétique. Elle annonce toujours des catastrophes, quelques années avant qu’elles ne surviennent. » (Paco Rabanne, août 1977)

     

    Vingt ans déjà qu’il a tiré sa révérence, pourtant les graines du futur qu’il a semées sur les podiums continuent d’inspirer les créateurs, comme Julien Dossena qui a repris la maison de haute-couture il y a cinq ans.

     

    « C’était un designer génial. Paco Rabanne avait un monde en lui, un monde global et entier. » (Julien Dossena, Directeur Artistique de la maison de haute-couture Paco Rabanne)

     

    [arve url= »https://vimeo.com/158470191″ align= »center » title= »Paco Rabanne et Françoise Hardy ; Naissance de la fameuse robe métallique » maxwidth= »900″ /]

     

     

    « C’est une figure qui a vraiment révolutionné une certaine conception de la mode et de la haute-couture. » (Géraldine Sarratia, Journaliste Mode aux Inrocks)

     

    En 1966, à 32 ans, le couturier espagnol intitule sa première collection « douze robes importables en matériaux contemporains ». Elles sont faites d’acier, d’aluminium et de Rhodoïd. « Celle-ci, c’est la plus lourde. Elle est en acier pare-balles et elle fait 8 kg » (Paco Rabanne, Panorama, Archive Ina, janvier 1968). Et il faut bien avouer qu’à l’époque, toute la vieille garde de la couture a crié au scandale et l’a qualifié de futuriste, alors qu’il parlait juste de son temps.

     

    « Nous sommes à mon sens dans une époque excessivement médiévale, agressive, brutale. C’est la raison pour laquelle j’essaie de faire des robes qui représentent cette époque. Des robes cotte-de-mailles, pour que les femmes se protègent contre les agressions qui se multiplient. » (C’est la vie, Archive Ina, juillet 1978)

     

    Dès ses débuts, Paco Rabanne revendique sa différence. Formé à l’architecture aux Beaux-Arts de Paris, il s’affranchit des codes et introduit toutes sortes de matières industrielles dans ses créations haute-couture, comme le caoutchouc, la fibre optique ou encore le verre. Coco Chanel le surnomme même à l’époque « le métallurgiste ». Et Paco Rabanne ne recule devant rien…

     

    [youtube id= »CNwa4WZ4mtQ » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Voilà une tôle fantastique. Ça sert normalement pour la carrosserie, mais ça peut aussi carrosser les femmes. » (La robe métallique de Paco Rabanne, Archive Ina, juillet 1976)

     

    Paco Rabanne invente également le concept de mode en kit, avec la tenue de mariée à fabriquer soi-même, ou encore la robe en papier réparable à l’aide d’un simple bout de scotch.

     

    « Paco Rabanne a convié Elga Andersen à essayer la robe de demain en lamé de papier. La robe se vendra 20 francs et on la jettera dès qu’elle aura perdu sa fraîcheur. » (Archive Ina, janvier 1967)

     

    A la veille de mai 68, il n’hésite pas à raccourcir les robes des femmes. Les formes sont assez simplifiées, et mettent en valeur les courbes féminines. Paco Rabanne va ainsi accompagner leur émancipation. Il va habiller Françoise Hardy, il conçoit les costumes du film « Barbarella » avec Jane Fonda. Et ce sont en général des femmes qui assument leur sexualité. Le talon devient plat, à mesure que les femmes marchent plus vite car elles sont de plus en plus actives. C’est une mode qui est assez féministe, dans ce sens.

     

     

     

    « Ses créations ont donné aux femmes une autre perception de leur corps, leur attitude et leur impact sur le monde. Visuellement, déjà, mais il les a aussi accompagnées dans leurs premiers pas vers l’émancipation et la liberté. C’est probablement la raison pour laquelle ses vêtements sont restés à ce point iconiques. » (Julien Dossena)

     

    Depuis la fin des années 90, et après de nombreuses prédictions hasardeuses, le créateur a peu à peu disparu des podiums. En 1999, il prédisait même un grand incendie sur Paris qui serait provoqué par le crash de la station Mir…

     

    « La dernière partie de sa vie, lorsqu’il a commencé à être assez délirant, avec toutes ces prophéties, il a préféré finalement parler de Nostradamus plutôt que de mode. Il a progressivement abandonné ce terrain et ça a vraiment terni son héritage. Le public s’est désintéressé de Paco Rabanne et a oublié à quel point il a été un créateur innovant et avant-gardiste. » (Géraldine Sarratia)

     

    Dans ses dernières collections, Julien Dossena rend hommage aux assemblages iconiques du créateur et remet au goût du jour la fameuse cotte-de-mailles. Toujours aussi avant-gardiste, l’esprit de Paco Rabanne plane encore plus que jamais sur sa maison…

     

    [arve url= »https://vimeo.com/56684592″ align= »center » title= »Paco Rabanne : Million Interactive by FullSix » description= »Gold Trophy at World Luxury Awards 2012″ maxwidth= »900″ /]

     

     

     

  • Prince : Chelsea Rodgers

     

     

    A l’occasion de la Fashion Week de Paris qui se tient actuellement, remémorons-nous avec délectation un titre de Prince de 2007, « Chelsea Rodgers », qui parle de mode, mais pas seulement…

     

    Peu d’artistes ont assez de crédit dans le monde de la mode pour pouvoir se permettre de prendre littéralement possession d’un défilé de la London Fashion Week pour en faire l’arrière-plan d’un de leurs clips. C’est pourtant ce que fit Prince en 2007, lorsqu’il tourna le clip vidéo de son titre « Chelsea Rodgers » extrait de l’album « Planet Earth » sorti la même année. Il y raconte l’histoire d’une bien mystérieuse ancienne model devenue une « hippie du 21ème siècle ».

    Les lyrics de la chanson se voulaient en profond décalage avec les paillettes et le glamour de l’univers de la mode, dans lequel Prince s’immerge pourtant pour les besoins du clip, alors qu’il fait dire à Chelsea qu’elle souhaite quitter le mannequinat et partir en quête de plus de spiritualité. Ces paroles reflètent cette même quête chez Prince à cette époque, dans sa foi, avec les Témoins de Jehovah, comme dans sa tentative de mieux comprendre sa propre spiritualité et éprouver ses croyances, avec des références au végétarisme ou au renoncement à toute célébration d’anniversaire ou de fête.

     

    « The day that we stop counting, we live as long as a tree », chante-t-il ainsi, « Go ahead Chelsea, teach me! »

     

    A model

    Used to be a role model

    I don’t know

    Come on Chelsea

    I dunno

    Come on

    Ah, go ahead now Chelsea! Go ahead now!

    Uh, this for Jersey right here

    Go ahead now

    Chelsea Rodgers was a model

    Thought she really rocked the road, yes she did

    Kept her tears up in a bottle

    Poured them out to save her soul

    Ask her what she liked the most

    She said, she liked to talk to Jimi’s ghost

    Fantasy, her friends boast (This girl is fly)

    Chelsea’s fly, like coast to coast

    Hollywood or Times Square

    If the party’s fly, my girl is there 

    Purple’s on and bounce in her hair

    Twenty first Century hippy, Chelsea don’t care

    Chelsea Rodgers was a model

    Thought she really rocked the road, yes she did

    Kept her tears up in a bottle

    Poured them out to save her soul

    Try to catch her if you can (Come on now together)

    You never see her with my man (A brother got to jump n the water)

    He must be baptized, according to the master plan

    ‘Fore she give up the good thing

    Go ahead Chelsea (Go ahead Chelsea)

    No cut diamonds, and designer shoes (Uh, no-no!)

    Because she’s too original from her head down to her feet

    (Rehab) (If you want to) (just don’t mean no me)

    Chelsea don’t eat no meat, still got butt like a leather seat

    Go ahead Chelsea! (Go ahead Chelsea!)

    Chelsea Rodgers was a model

    Thought she really rocked the road, yes she did

    Kept her tears up in a bottle

    Poured them out to save her soul

    Go ahead Chelsea!

    (Speak on that horn)

    Come on

    Next to her they just a fool

    Chelsea read more books than a few

    Moses was a Pharoah in the eighteenth Dynasty

    And Rome was chilling in Carthage in 33 BC

    And the day that we stop counting, we live as long as a tree

    Go ahead Chelsea, teach me! Go ahead Chelsea

    Make a promise to your higher self, get you nothing, fame and wealth

    You don’t be chasing nobodies ghost

    Of everything, make the most (Come on!)

    Chelsea Rodgers was a model

    Thought she really rocked the road, yes she did

    Kept her tears up in a bottle

    Poured them out to save her soul

    Chelsea Rodgers was a model

    Thought she really rocked the road, yes she did

    Kept her tears up in a bottle

    Poured them out to save her soul

     

    Paroles : Prince Rogers Nelson

    © Universal Music Publishing Group

     

     

    [youtube id= »GlQxfixy4rc » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]