Catégorie : Expositions

  • Pierre Soulages fêtait ses cent ans le 24 décembre

     

     

    Pierre Soulages, un des plus grands artistes vivants, fêtait ses cent ans le 24 décembre 2019. Retour sur 80 ans de création, des brous de noix de ses premières oeuvres à l’Outrenoir, en passant par les fameux vitraux de l’abbatiale de Conques.

     

    Pierre Soulages fêtait donc son centième anniversaire ce mardi 24 décembre. Et le père de l’Outrenoir travaille toujours. Trois des œuvres exposées dans le cadre prestigieux de l’exposition-hommage du Louvre, qui a débuté le 11 décembre, ont d’ailleurs été peintes en 2019. Retour sur plus de 80 ans de carrière du plus grand artiste français vivant.

     

    « Enfant, je préférais tremper mes pinceaux dans l’encre noire plutôt que d’employer des couleurs. On m’a raconté que je faisais de grands traits noirs sur le papier, j’aurais répondu que je faisais de la neige », racontait Pierre Soulages en 2009, lors de la rétrospective organisée par le Centre Pompidou pour ses 90 ans. Il rendait ainsi le blanc du papier plus blanc en mettant du noir…

     

    Pierre Soulages a toujours aimé le noir : « Ce fut la couleur de mes vêtements dès que j’ai pu les choisir. Ma mère était outrée. Elle me disait : ‘Tu veux déjà porter mon deuil ? » », racontait-il à l’AFP en février dernier. Et c’est aussi en noir qu’il s’est marié en 1942 avec Colette, dont il partage la vie depuis 77 ans. En 1979, Pierre Soulages a commencé à ne mettre que du noir sur ses toiles, inventant ce qu’il a appelé l’Outrenoir, un autre « champ mental que le noir ».

     

     

     

    Le choc de Conques

    Pierre Soulages est né en 1919 à Rodez, dans l’Aveyron. Son père, un carrossier qui fabrique des charrettes, meurt alors qu’il n’a que sept ans. Il est élevé par sa mère et sa sœur plus âgée que lui. Enfant, il s’évade en fréquentant les artisans de son quartier. Il en gardera un goût pour les outils, utilisant des pinceaux de peintre en bâtiment ou fabriquant lui-même ses instruments.

    Lors d’un voyage de classe, il visite l’abbatiale romane de Conques (dont il créera les vitraux, bien des années plus tard), un choc esthétique qui décidera de sa carrière : « C’est (…) là, je peux le dire, que tout jeune, j’ai décidé que l’art serait la chose la plus importante de ma vie », disait-il dans un entretien à la Bibliothèque Nationale de France en 2001.

    Il peint régulièrement à partir de 1934 et monte à 18 ans à Paris pour préparer le concours de l’Ecole des Beaux-Arts. Il est admis mais il trouve l’enseignement médiocre et décide de retourner à Rodez.

    La période de la guerre est mouvementée : il est mobilisé en juin 1940, démobilisé début 1941, il étudie à l’Ecole des Beaux-Arts de Montpellier, puis travaille dans un vignoble sous une fausse identité pour échapper au travail obligatoire en Allemagne.

     

     

     

    Soulages, ce n’est pas que le noir

    La carrière de peintre de Pierre Soulages commence réellement quand il s’installe à Courbevoie, en banlieue parisienne, avec Colette, en 1946. D’emblée, ses œuvres sont abstraites. Il combine d’épaisses lignes verticales, horizontales, obliques, comme des idéogrammes. Il peint sur papier avec du brou de noix, sur des verres cassés avec du goudron.

    Au-delà de Conques, il a été impressionné par l’art pariétal, dans lequel il puise ses couleurs. Des couleurs sourdes, de l’ocre au noir en passant par le rouge ou des bruns plus ou moins intenses. Pierre Soulages a employé le brou de noix, le goudron, le noir de fumée, le noir d’ivoire, toutes matières organiques qui réfèrent à l’art de la préhistoire, aux premiers signes tracés à l’aide d’un morceau de charbon de bois dans l’obscurité des grottes. La peinture de Pierre Soulages dialogue avec la Peinture elle-même…

    A partir de 1951, Soulages pratique aussi la gravure, sur plaques de cuivre. Ses estampes de petite taille utilisent toutes ces couleurs, en contraste avec le noir. Il réalise plus tard des lithographies où il utilise des couleurs plus vives, rouge vermillon, jaune vif, bleu. Puis des sérigraphies (c’est une sérigraphie de Soulages qui est d’ailleurs utilisée pour l’affiche du festival d’Avignon en 1996). Sur papier, il peint des gouaches où il introduit des bleus intenses et lumineux.

    Dans ses peintures des années 1950-1970, il fait contraster des formes noires avec des fonds colorés, puis il fait apparaître les couleurs du fond en raclant le noir. Ou bien il fait contraster le noir avec le blanc.

     

     

     

    L’outrenoir : le noir et la lumière

    C’est en 1979 que Pierre Soulages invente le mythique Outrenoir et ces toiles, pour lesquelles il est le plus connu, où il n’utilise que le noir. En 2009, lors de la rétrospective du Centre Pompidou, il expliquait à l’historien de l’art Hans-Ulrich Obrist que l’Outrenoir est né alors qu’il était en train de « rater une toile. Un grand barbouillis noir ». Déçu par le résultat, il est allé dormir. « Au réveil, je suis allé voir la toile », racontait-il. « Et j’ai vu que ce n’était plus le noir qui faisait vivre la toile mais le reflet de la lumière sur les surfaces noires. Sur les zones striées, la lumière vibrait, et sur les zones plates tout était calme ». Un nouvel espace s’ouvre, pour lui, devant la toile : « La lumière vient du tableau vers moi, je suis dans le tableau ».

     

    « Pour ne pas limiter ces peintures à un phénomène optique, j’ai inventé le mot Outrenoir, au-delà du noir, une lumière transmutée par le noir et, comme Outre-Rhin et Outre-Manche désignent un autre pays, Outrenoir désigne aussi un autre pays, un autre champ mental que celui du simple noir. » (Pierre Soulages)

     

    Il se met alors à jouer avec la matière de la peinture noire qu’il travaille avec des outils, créant du relief, la rendant luisante ou mate. Dessus, la lumière produit des changements de couleur. D’une toile en trois panneaux (Peinture 222 x 449 cm, 30 septembre 1983) qu’il avait observée chez lui à Sète, près de la Méditerranée, et qu’il présentait au Centre Pompidou en 2009, Pierre Soulages a dit : « Certains matins, elle est gris argent. A d’autres moments, captant les reflets de la mer, elle est bleue. A d’autres heures, elle prend des tons de brun cuivré (…). Un jour, je l’ai même vue verte : il y avait eu un orage et un coup de soleil sur les arbres qui ne sont pas loin de là ».

     

     

     

    Voir Soulages, de Conques à Rodez

    Les vitraux de l’abbatiale de Conques, une commande publique, sont une des grandes œuvres de Pierre Soulages. Elles lui ont demandé sept ans de travail, entre 1987 et 1994. Pour les 104 verrières, il a imaginé un verre particulier, créé avec le maître-verrier Jean-Dominique Fleury. Il utilise l’opacité et la transparence qu’il a réparties pour faire varier les intensités lumineuses en fonction de l’heure du jour : cela a donné des effets de couleurs inattendus. Des lignes fluides, obliques, légèrement courbes, courent sur le verre.

    Un autre lieu qu’il faut visiter absolument pour rencontrer Soulages, c’est le musée qui lui est consacré dans sa ville natale et qui possède le plus important ensemble de ses oeuvres. Le Musée Soulages de Rodez a ouvert ses portes en mai 2014. L’artiste en a accepté l’idée à condition qu’il soit ouvert à d’autres artistes. Il a fait une donation de 500 pièces au musée, dont de nombreuses gravures, des gouaches, des encres, des brous de noix, des huiles sur toile et tous les travaux liés à la création des vitraux de Conques (notamment les cartons). Il y a ajouté quatorze peintures dont un Outrenoir de 1986.

    Pour ses cent ans, le Louvre rend hommage à Pierre Soulages en exposant dans le Salon Carré une sélection d’une vingtaine d’œuvres couvrant toute sa carrière, prêtées par les grands musées du monde (du 11 décembre 2019 au 9 mars 2020). Le Centre Pompidou expose également une sélection de 14 des 25 œuvres de l’artiste conservées dans sa collection, dont sept provenant du legs de Pierrette Bloch jamais encore montrées au Centre. Le Musée Fabre de Montpellier, qui possède une collection importante de Soulages, lui rend aussi hommage avec un parcours enrichi de nouvelles oeuvres, dont des prêts.

     

    Source : France Info Culture

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Soulages, derrière le noir, la quête de la lumière

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Soulages, quand la matière devient lumière

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Le Siècle Soulages à Rodez

     

     

     

  • La jeunesse d’Yves Saint Laurent

     

     

    Yves Saint Laurent nous quittait le 1er juin 2008. On ne saura jamais vraiment qui était Saint Laurent, derrière ses robes, ses tissus, ses soirées, ses amants. Il était le héros d’un roman, de sa propre histoire… Un être de papier qui grâce à Pierre Bergé put devenir l’un des plus grands couturiers de l’histoire de la mode. En 2017, neuf ans après le disparition du créateur, deux musées éponymes ouvraient à Paris et Marrakech.

     

    Le 3 octobre 2017, plus de quinze années après la fermeture de la maison de haute couture, s’ouvrait le Musée Yves Saint Laurent Paris. Il occupe l’hôtel particulier historique du 5 avenue Marceau, là-même où naquirent durant près de trente ans, de 1974 à 2002, les créations de Saint Laurent. Sur plus de 450 m2, une présentation sans cesse renouvelée, alternant parcours rétrospectif et expositions temporaires thématiques, nous offre à voir la richesse du patrimoine unique conservé par la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent.

    Le musée rend compte aussi bien du génie du couturier que du processus de création des collections de haute couture. Mais plus qu’un simple lieu monographique, il se veut également le témoin de l’Histoire du XXème Siècle et d’une haute couture qui accompagnait un certain art de vivre aujourd’hui disparu.

    La scénographe Nathalie Crinière et le décorateur Jacques Grange, qui ont tous deux collaboré à de nombreux projets de la Fondation, ont repensé ses espaces d’exposition dans l’ambiance originelle de la maison de haute couture. Le Musée Yves Saint Laurent Paris est le premier musée de cette ampleur consacré à l’œuvre d’un des plus grands couturiers du XXème siècle à ouvrir ses portes dans la capitale de la mode.

     

    Le Musée Yves Saint Laurent Paris expose l’œuvre du couturier dans le lieu historique de son ancienne maison de couture, à travers un parcours rétrospectif et des expositions temporaires thématiques présentées successivement.

     

    En septembre 2018, le Musée Yves Saint Laurent à Paris mettait ainsi en lumière plus d’une soixantaine de dessins réalisés par le créateur lorsqu’il était encore adolescent, mais aussi des clichés exceptionnels. Ces oeuvres, pour la plupart inédites, reflètent la jeunesse d’Yves Saint Laurent, de son adolescence bercée par le soleil d’Oran à son arrivée à Paris en septembre 1954. On y découvrait également une série de clichés du créateur jeune, mais aussi des archives issues de ses voyages à Marrakech.

    Cette exposition fut une occasion en or de découvrir les débuts prometteurs d’Yves Saint Laurent, et notamment son intérêt pour les Arts, comme la littérature, le théâtre, le ballet et bien-sûr, la mode. Ces oeuvres, sondant toutes les passions du designer, préfiguraient l’émergence de l’un des couturiers français parmi les plus emblématiques.

     

     

    Yves Saint Laurent avec ses parents, Lucienne et Charles (1938) © Droits réservés

     

    Yves Saint Laurent, dans les années 1940 © Droits réservés

     

    Dessin d’Yves Saint Laurent, programme de collection de Paper Doll, entre 1953 et 1955. Musée Yves Saint Laurent Paris. © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Livre d’enfance, « Madame Bovary », d’après le roman éponyme de Gustave Flaubert, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Livre d’enfance, « Merlin ou Les Contes Perdus », d’après le roman éponyme d’Andrée Pragane, 1952. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Paper Doll Bettina et trois vêtements de sa garde-robe, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour Madame de Vermont, dans la pièce « La Reine Margot », d’après le roman éponyme d’Alexandre Dumas, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de décor (non réalisé) pour La chambre de la Reine de Navarre dans la pièce « La Reine Margot », d’après le roman éponyme d’Alexandre Dumas, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour la pièce « Sodome et Gomorrhe » de Jean Giraudoux, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour La Reine dans la pièce « L’Aigle à Deux Têtes » de Jean Cocteau, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de décor (non réalisé) pour le ballet « Les Forains » d’Henri Sauguet, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Yves Saint Laurent à Marrakech © Pierre Bergé

     

    Pierre Bergé et Yves Saint Laurent à Marrakech, 1977 © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

    Yves Saint Laurent à Marrakech © Pierre Bergé

     

    Pierre Bergé et Yves Saint Laurent au Château Gabriel © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

    Yves Saint Laurent, Anne-Marie Muñoz et Pierre Bergé, 1977 © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

     

     

  • Les 80 ans de la Retirada

     

     

    Le Mémorial du Camp de Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales présente, dans le cadre des commémorations du 80ème anniversaire de la Retirada, une grande exposition consacrée au photographe suisse Paul Senn, qui a suivi au plus près la guerre civile espagnole et l’exode de centaines de milliers de personnes vers la France.

     

    S’il est célèbre dans son pays, son travail sur la Guerre d’Espagne l’est beaucoup moins. Pourtant, les clichés de Paul Senn (1901-1953) livrent un témoignage fort sur le conflit et sur la Retirada, l’exode vers la France en 1939 de milliers de femmes, d’enfants et d’hommes fuyant face à l’avancée des troupes de Franco.

    Nous sommes donc à la fin de la guerre civile en Espagne, en janvier et en février 1939. Les réfugiés, ceux qui ont survécu à l’épuisement, à la dénutrition et aux mitraillages de l’aviation, seront accueillis côté français puis le plus souvent internés dans des camps : Argelès-sur-Mer, Rivesaltes… C’est ce drame collectif qu’illustre Paul Senn à travers ce témoignage exceptionnel constitué de 1200 photos.

     

    « Il est arrivé avec les convois de l’aide suisse, explique Markus Schürpf, le conservateur de la collection Paul Senn. Et il est revenu plusieurs fois avec ces convois. Il a photographié toutes ces situations dramatiques dans différentes villes de la région. »

     

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    Portraits bouleversants

    Au Mémorial du camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), c’est le rendez-vous de l’émotion et du souvenir pour ceux de la Retirada. L’histoire de 475.000 personnes, très majoritairement des républicains espagnols et des civils fuyant, le plus souvent à pied, dans le vent glacé de la montagne pyrénéenne, l’inexorable avancée de l’armée de Franco après la chute de Barcelone. Depuis janvier, des commémorations se tiennent tout au long de la chaîne des Pyrénées.

    Regards hagards, visages émaciés, les clichés de Paul Senn nous feraient presque ressentir la peur, le froid et la détresse de ces milliers de réfugiés obligés de fuir leur pays qui s’apprête à basculer dans la dictature. Des réfugiés espagnols que Senn retrouvera au Camp de Rivesaltes trois ans plus tard, en 1942, où certains ont été internés au côté de Juifs et de Tziganes par le régime de Vichy. Il réalise alors une série de photos bouleversantes au plus près de la souffrance.

     

    « Mon père était de la Retirada. Il a passé la frontière au Perthus et il a séjourné au camp d’Argelès. Quand on regarde les photos de Paul Senn, on sent qu’on y est, qu’on est au milieu de ces malheureux qui fuient l’Espagne. Et quand il photographie le camp de Rivesaltes, on ressent dans son corps la Tramontane glacée. On a froid dans le dos… Paul Senn photographie de très près, et ça le rapproche de Capa, à mon avis. » (Michel Lefebvre, journaliste au Monde et commissaire de l’exposition)

     

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    Sous le nom « Des Espagnols dans les Camps », l’exposition de Paul Senn est également itinérante. Constituée de 14 portraits accompagnés de témoignages de réfugiés, elle est présentée dans les 13 anciens lieux d’internement de la région.

     

    Dans la grande salle, Herminia Gallart, native de Valence en Espagne, sèche ses larmes. Elle vient tout juste d’éclater en sanglots. « Trop d’émotion », dit-elle. « C’est une partie de l’histoire de l’Espagne qu’on a totalement occultée pendant toutes ces années. Cette souffrance qu’on ne souhaitait pas reconnaître, surtout pas. »

    « Les cicatrices sont encore ouvertes, vous savez. Et cette exposition, c’est sans doute le meilleur moyen de les refermer ». Son grand-père aurait pu faire partie des marcheurs de février 1939 mais il est mort en détention. « Quatre-vingts ans après tout ça, on se sent encore marqué par cet événement majeur, les premiers réfugiés de notre ère » ajoute Elisabeth Lagrange, qui reviendra à Rivesaltes pour « tout voir » et ne rien oublier.

     

    « Tout voir »… Comme Paul Senn lui-même, qui dans le sillage de l’ONG suisse Ayuda Suiza, sillonna les chemins de la Guerre d’Espagne en 1937, de la Retirada en 1939 et des camps en 41-42. C’est lui qui, le premier, avait découvert et immortalisé la maternité d’Elne (Pyrénées-Orientales), administrée par Élisabeth Eidenbenz, jeune institutrice suisse qui sauvait les bébés à naître des mamans de la Retirada.

    « Il s’attachait à capter les regards, surtout ceux des enfants. Et il n’oubliait jamais de revoir ceux qu’il avait photographiés », indique encore Markus Schürpf, l’archiviste de Paul Senn qui a recensé 1600 reportages publiés en vingt-trois ans de photographie. Ce qui donne, en parallèle à l’exposition de Rivesaltes, une passionnante rétrospective à Perpignan. Pour que le pays catalan jamais n’oublie les souffrances des réfugiés dans les cols verglacés de cet hiver 1939…

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Exposition « Paul Senn, un photographe suisse dans la Guerre d’Espagne »

    Du 3 Février au 30 Septembre 2019 au Mémorial du Camp de Rivesaltes

    Commissariat : Markus Schürpf et Michel Lefebvre

     

     

     

  • Rétrospective Vasarely au Centre Pompidou : Le Partage des Formes

     

     

    Jamais une rétrospective ne lui avait été consacrée en France : Victor Vasarely, le père de l’art optique, est célébré au Centre Pompidou à Paris. L’œuvre foisonnante, parfois méconnue, de cet artiste d’origine hongroise, qui aura marqué la culture populaire de l’époque, est à revoir jusqu’au 6 mai 2019.

     

    Enfin la première grande rétrospective française consacrée à Victor Vasarely, considéré comme le père de l’art optique. Il était l’un des artistes préférés du couple Pompidou dans les années 70, et le voici mis à l’honneur au Centre Beaubourg. Des images colorées et géométriques aux dessins qui jouent sur l’illusion, son art s’impose dans la vie quotidienne. Son oeuvre fut ensuite quelque peu méprisée. Elle est donc réhabilitée plus de vingt ans après la disparition de l’artiste.

     

    C’est moi qui ai imaginé ce logo…

     

     

     

    ou la façade du siège historique de la radio RTL Rue Bayard en 1972…

     

     

     

    J’ai réalisé le décor de l’émission télé « La Une est à Vous » en 1973 ou encore la pochette de l’album « Space Oddity » de David Bowie. Qui suis-je ?

     

     

     

    Victor Vasarely, artiste hongrois, père de l’art optique et fervent défenseur de l’art pour tous : « Je considère que l’art doit être la nourriture de tout le monde ». Retour sur l’oeuvre prolifique de cette figure des années 60, disparue en 1997, en compagnie de son petit fils, Pierre Vasarely.

     

    « Vasarely n’était pas seulement utopiste ou utopique, il était aussi visionnaire. » (Pierre Vasarely)

     

    Lorsqu’il arrive en France en 1930, de sa Hongrie natale, Victor Vasarely a 24 ans. Il exerce d’abord la profession de graphiste dans les grandes agences publicitaires de l’époque. Il vient de terminer sa formation auprès de son compatriote Sandor Bortnyik, une des figures de l’avant-garde constructiviste.

     

    Sandor Bortnyik : « The New Adam » (1924)

     

    Sandor Bortnyik : « The New Eve » (1924)

     

     

    « La philosophie qui anime sa création, c’est celle de l’art utile. L’art utile et la forme efficace… » (Arnauld Pierre, Commissaire de l’exposition)

     

    Le jeune Vasarely a déjà trouvé son leitmotiv, mais il lui reste à forger son style. Et c’est à Belle-Île, sur une plage de galets, que lui vient l’inspiration…

     

    « Vasarely a une sorte de révélation du sentiment océanique, de l’unité de toute chose. Il contemple les formes d’un galet, il observe le rythme des vagues, la forme des nuages ou celle du soleil qui se couche à l’horizon et qui s’écrase peu à peu à ses pôles… Il comprend que tout cela est uni, finalement, par les mêmes forces, les mêmes formes fondamentales. » (Arnauld Pierre)

     

    Victor Vasarely : « Belle-Isle GP » (Huile sur Isorel, 1952) © Philippe Migeat

     

     

    Vasarely invente ainsi sa « géométrie du réel ». Il retranscrit à travers ces formes abstraites les paysages de l’île grecque de Santorin, du Vaucluse ou encore de la mer des Caraïbes. Mais c’est surtout à partir de 1950, quand il peint ces lignes noires et blanches, qu’il crée l’événement. Ses toiles deviennent synaptiques et mobiles ; il vient de donner naissance à l’art optique.

     

    Victor Vasarely : « Vegaviv II » (1955)

     

     

    « Il cherche absolument l’activation de la vision. Vasarely est un artiste qui s’intéresse non seulement aux formes, mais aussi à la perception de ces formes. Ses oeuvres nous placent face à des forces actives. Et ces forces, il les compare à celles qu’émet le cosmos, ou à celles qui unissent la matière comme aux forces intra-atomiques. » (Arnauld Pierre)

     

    Ce nouveau courant fait des émules. De nombreux artistes de sa génération expérimentent à leur tour. En 1955, Vasarely expose aux côtés de Marcel Duchamp ou encore Alexander Calder.

     

    « L’idée, au bout de quelques années, a énormément plu aux Américains. Et c’est à cette période qu’un manager a décidé de nommer cette nouvelle tendance de la peinture « Optimal Art », qui est rapidement devenue « Op Art ». » (Entretien entre Michel Polnareff et Victor Vasarely, 1968)

     

    Au fond, l’Op Art est le Pop de l’abstraction… C’est ainsi que Vasarely donnera à l’Op Art les couleurs de la Pop Culture. Et pour le vulgariser plus encore, l’artiste met au point un alphabet plastique, sorte d’espéranto composé de formes et de couleurs, censé faciliter la reproduction de ses oeuvres.

     

    Victor Vasarely : « Estampe Koska A » (1974)

     

     

    « A la toute fin des années 50, Vasarely dépose une sorte de brevet, afin de conceptualiser l’idée d’un langage visuel universel, qui serait constitué d’une suite de petites unités. Ces unités, ce sont des formes carrées, d’une certaine couleur, dans lesquelles sont incrustées d’autres formes simples, telles que des ronds, triangles, carrés d’une autre couleur. Et ce concept ne lui appartient d’ailleurs pas totalement. Il dit, au fond : emparez-vous de cela, et on engendrera ensemble un nouveau folklore planétaire. » (Arnauld Pierre)

     

    Victor Vasarely : « Kroa MC » (1970)

     

     

    « Il est dans un discours totalement révolutionnaire pour l’époque. Avec ce désir, avant les autres, de faire descendre l’art dans la rue. Que son art soit un art social, et qu’il puisse profiter au plus grand nombre. » (Pierre Vasarely, Président de la Fondation Vasarely)

     

    De la vaisselle aux couvertures de magazines, en passant par la décoration, la mode et l’architecture, au coeur des années 60, Victor Vasarely est partout. Artiste prolifique, il inonde les foyers français et ne s’offusque pas qu’on le copie. Tant et si bien qu’à la fin des années 70, on frôle l’overdose…

     

     

     

    « Trop de Vasarely tue Vasarely… Ayant réussi à ce point, et bien au-delà de ses espérances, Vasarely a subi le classique retour de bâton. Le pendule repart en arrière, ce que les gens ont adoré à un moment est détesté, et on efface Vasarely durant un quart de siècle. Jusqu’à aujourd’hui, pratiquement, où on redécouvre cet artiste majeur. » (Arnauld Pierre)

     

    L’art optique suscite ainsi de nouveau l’intérêt du public. Mais il inspire aussi les artistes de la nouvelle génération, comme Miguel Chevalier et sa « Pixel Wave » en 2015. La doctrine de Vasarely, quant à elle, n’a finalement pas pris une ride… Ce que l’artiste hongrois a complètement changé dans le monde de l’art, c’est une approche totalement débarrassée de toute sacralité qui s’attachait au mythe de l’artiste génial…

     

    Miguel Chevalier : « Pixel Wave » (2015)

     

    Miguel Chevalier : « Pixel Wave » (2015)

     

     

    « Il était véritablement un théoricien de cette recherche appliquée, qui voulait que l’artiste devait quitter son piédestal de créateur. Il s’agit vraiment pour lui d’engendrer un art populaire, qui finisse par échapper complètement à son créateur. » (Pierre Vasarely)

     

    « Vasarely, le Partage des Formes » à découvrir au Centre Pompidou jusqu’au 06 mai 2019. Quant aux oeuvres monumentales du père de l’art optique, elles sont aussi visibles à la Fondation Vasarely qui vient tout juste de rouvrir ses portes à Aix-en-Provence.

     

     

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  • Le Siècle Soulages à Rodez

     

     

    Né le 24 décembre 1919, le peintre français Pierre Soulages est entré dans sa centième année. Pour célébrer l’évènement, le Musée Soulages de Rodez expose pour la première fois la totalité des peintures sur papier de l’artiste, soit près de 120 œuvres.

     

    « C’est la première fois que la totalité des peintures sur papier, réalisées par le peintre entre 1946 et 2004, est présentée au musée. Pour cette raison, c’est un évènement tout à fait unique », souligne Benoît Decron, le directeur du Musée Soulages.

     

    Et cette exposition fera date, en effet… L’institution, qui possède environ un quart des peintures sur papier de l’artiste, ne les montre habituellement jamais ensemble, pour des questions de conservation des oeuvres. La salle d’exposition en accueille actuellement une centaine, quand une vingtaine d’autres sont présentées dans les collections permanentes. Toutes sont désormais protégées par des verres spéciaux. Ces peintures sur papier occupent ainsi une place essentielle dans l’oeuvre de Pierre Soulages.

     

    « Soulages prétend que tout vient de là… S’il n’avait pas réalisé ces peintures sur papier, il n’aurait pas pu évoluer dans sa technique picturale, d’abord à l’huile et plus tard à l’acrylique. » (Benoît Decron, Directeur du Musée Soulages à Rodez)

     

    « Brou de noix sur papier 63,8 × 48,5 cm », 1947. Musée Soulages, Donation Pierre et Colette Soulages ADAGP 2018 © Photo Christian Bousquet

     

     

    Car ces peintures sur papier, composées d’abord dans les années 40, puis dans les années 1950, c’est précisément ce qui va faire la renommée de Pierre Soulages ; des signes, des formes extrêmement strictes, très austères, qui le différencient totalement des autres artistes français et qui l’ont rapidement propulsé au niveau international, aux côtés des Américains ou des Allemands.

     

    Dans la salle d’exposition, l’accrochage rend spectaculaire la présentation de cette centaine de peintures sur papier. On y découvre les premiers fusains de l’artiste de 1946 – il n’y en a pas d’autres dans les collections publiques françaises – les brous de noix – le peintre est le seul à utiliser cette matière première empruntée aux ébénistes – mais aussi les encres de Chine et les gouaches. Soixante-dix ans de création, de recherche et d’inventivité et une œuvre en constante évolution. Parmi les peintures présentées, une gouache de 1973 très caractéristique du travail de Pierre Soulages.

     

    « Gouache sur Papier 71,1 x 54,6 cm », 1973. Musée Soulages, Donation Pierre et Colette Soulages ADAGP 2018 © Photo Christian Bousquet

     

     

    « Dans cette oeuvre, on a un fond de bleu qui est préparé au lavis de bleu, et puis par-dessus, on a des passages de bandes de gris, à la fois verticalement et horizontalement, des croisements, donc parfois du bleu qui devient gris et vice versa. Et en avançant vers le regard du spectateur, ce qui est passé sur le dessus du papier, toujours au pinceau, ce sont de grandes masses de noir. Ces peintures sur papier vont en quelque sorte préfigurer ce que sera l’outrenoir. Vous pouvez d’ailleurs en admirer toute une série au musée. Ils sont extrêmement rares et parmi les œuvres les plus appréciées des visiteurs », explique Benoît Decron.

     

    A bientôt cent ans, Pierre Soulages continue de réaliser environ 25 oeuvres par an, et probablement que bien d’autres peintures sur papier dorment encore dans le secret de son atelier…

    « Pierre Soulages, œuvres sur papier », une exposition à voir au Musée Soulages de Rodez jusqu’au 31 mars.

     

     

     

  • « Renoir Père et Fils » : Rencontre au Musée d’Orsay

     

     

    Honneur aux Renoir père et fils au Musée d’Orsay. L’exposition met en regard l’oeuvre du peintre, Auguste Renoir, et celle du cinéaste Jean Renoir.

     

    Entre deux artistes, père et fils, entre un peintre et un cinéaste, la relation a toutes les chances d’être féconde. C’est ce que nous montre l’exposition consacrée à Auguste et Jean Renoir au Musée d’Orsay, « Renoir Père et Fils », jusqu’au 27 janvier 2019. Il ne vous reste donc plus que quelques jours pour découvrir ces tableaux, photographies, extraits de films, affiches ou costumes.

    Le peintre Pierre-Auguste Renoir a 53 ans lorsque naît son fils, Jean. Il est déjà un maître incontesté de l’Art français. Quant au réalisateur de « La Grande Illusion », il n’a que 25 ans lorsque son père disparaît en 1919, il y a cent ans. Tous deux partagent une profonde humanité et un goût affirmé de la liberté.

    Le Musée d’Orsay propose une exposition familiale inédite, un dialogue entre un père et son fils. Retour sur une filiation artistique unique… Auguste Renoir, le célèbre peintre impressionniste, à qui l’on doit, entre autres, « Le Déjeuner des Canotiers », et Jean Renoir, le réalisateur de quelques uns des plus grands classiques du cinéma français, comme « La Règle du Jeu » en 1939.

     

     

     

    « Les relations entre Jean Renoir et son père évoluent au fil du temps. Il dira d’ailleurs qu’il a passé sa vie entière à déterminer l’influence de son père. Il alternait, dit-il, des périodes durant lesquelles il se gavait de formules qu’il croyait tenir de lui, et d’autres périodes où il a rejeté en bloc cet héritage. » (Sylvie Patry, Commissaire de l’Exposition)

     

     

     

    « Jean fut assez vite mis en pensionnat, et il voyait assez rarement son père. Il conservait néanmoins un contact privilégié à la création, puisqu’il a posé à une soixantaine de reprises pour son père. » (Sylvie Patry, Commissaire de l’Exposition)

     

    Jusqu’à la mort d’Auguste Renoir en 1919, les modèles défilent dans son atelier, notamment Catherine Hessling. Jean Renoir tombe sous son charme et l’épouse en 1920.

     

     

     

    « Jean Renoir a vu Catherine Hessling poser pour son père quand il était jeune homme, et il a pu effectivement la désirer. La voir là, avec cette manière de capter la lumière, quelque chose de si important pour son père et qui deviendra tout aussi important pour lui… Rien d’étonnant que Catherine Hessling devienne ensuite sa muse inspiratrice, celle pour qui finalement Jean Renoir aura envie de faire des films… » (Matthieu Orléan, collaborateur artistique de la Cinémathèque de France)

     

     

     

     

    Il prétendra plus tard qu’il est venu au cinéma uniquement car il voulait faire de sa femme une vedette, simplement parce qu’elle était passionnée de cinéma. Mais il se trouve que lui aussi était tout aussi passionné. Ils allaient d’ailleurs voir beaucoup de films ensemble, d’Erich Von Stroheim, de Chaplin. Le cinéma fut un trait d’union entre eux, pour devenir ensuite un projet commun, avec en toile de fond un besoin profond de créer.

     

    « On a du mal à voir la même femme, entre les tableaux la représentant, peints par Auguste, et les films dans lesquels elle joue ensuite, car d’un côté, elle tend vers l’idéal pictural renoirien, avec cette beauté presque « antique », quand de l’autre, elle se métamorphose dans les films de Jean, pour devenir un corps moderne, différent, presque grotesque, qui a du beaucoup surprendre le spectateur de l’époque. » (Matthieu Orléan, collaborateur artistique de la Cinémathèque de France)

     

    De 1924 à 1928, Jean et Catherine tournent six films ensemble, notamment « Nana » en 1926, tiré du roman d’Emile Zola, dont Auguste Renoir était très proche. Jean Renoir reste encore très influencé par les références culturelles paternelles, ainsi que par les nombreux dialogues qu’il a pu nouer avec les amis de son père, ou dans son entourage proche, parmi les peintres ou les écrivains.

     

    « La Fille de l’eau », Jean Renoir (1924)

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    Mais Jean s’intéresse aussi beaucoup à l’art de son propre temps… Sa grande culture s’est éminemment forgée au contact d’artistes plus contemporains qu’il rencontrera sur sa route, tels que le photographe Henri Cartier-Bresson ou l’écrivain Georges Bataille. Renoir a su en tout cas catalyser toutes ces influences dans ses films.

    Jean Renoir s’émancipe enfin de l’influence paternelle, et va réaliser en l’espace de trois ans, entre 1937 et 1939, ses trois grands chefs d’oeuvre, rentrés depuis au panthéon du cinéma français : « La Grande Illusion », « La Bête Humaine » et « La Règle du Jeu ».

    Dans cette partie plus « politique » des années 30, on est assez loin de l’impressionnisme renoirien… Au début du  second conflit mondial, fort de son succès d’avant-guerre, Renoir décide de rejoindre les Etats-Unis, où il tournera sept films.

     

     

     

    Jean Renoir rentre en France en 1946, pour « un retour aux sources » justifié par un certain nombre de raisons, la maturité, la vieillesse, la douleur de l’exil, et c’est un peu comme s’il ressentait de nouveau le besoin de remettre ses pas dans ceux de son père. Avant la guerre, « Partie de Campagne » sorti en 1936 en était déjà probablement le symptôme le plus visible, avec certaines scènes du film en résonance avec les tableaux d’Auguste. Après la guerre, c’est avec « French Cancan » en 1954, et le Montmartre de son père qui resurgit sur le plateau de cinéma, que le dialogue reprend…

     

    « Et de nouveau, l’approche de la création les réunit ; le fait que l’artiste soit avant tout un artisan, cet attachement au modèle, une certaine conception de la nature, dans une forme de panthéisme. Et puis, évidemment, ce travail autour de la couleur et de la lumière, et cette volonté de donner une impression de naturel… » (Sylvie Patry, Commissaire de l’Exposition)

     

    En deux siècles, donc, les Renoir père et fils auront révolutionné la peinture et le cinéma. De grandes familles d’artistes, il y en eut, mais chez les Renoir, la singularité, c’est que nous avons affaire à l’un des plus grands peintres de l’histoire, comme à l’un des plus grands cinéastes… Et que chacun ait apporté une pierre significative à l’édifice de leur art respectif.

     

     

     

  • Jim et Hubert Touzot, exposition croisée à la galerie Octopus

     

     

    Quoi de mieux qu’une exposition croisée pour célébrer la belle amitié entre deux grands talents ? L’auteur de BD Jim et le photographe Hubert Touzot, alias « Dévoreur », se donnent magnifiquement la réplique en investissant les murs de la Galerie Octopus à Paris.

     

    La Galerie Octopus est heureuse de vous présenter l’exposition croisée de l’auteur et dessinateur de BD Jim et du photographe Hubert Touzot, dans son local du 3ème arrondissement, 80 rue des Gravilliers à Paris.

    Thierry Terrasson, alias Jim ou encore Tehy, est un auteur et dessinateur de BD prolifique, avec plus d’une centaine d’albums à son actif. Consacré, entre autres, pour son œuvre en trois tomes, « Une Nuit à Rome », sa ligne parfaitement juste et élégante esquisse régulièrement les affres de l’amour, du désir, du corps et du cœur. Il exposera ses dessins à la galerie en regard des photos de Hubert Touzot, dont il reprend certains travaux dans ses albums, en hommage à son ami de toujours.

    Hubert Touzot, Photographe Dévoreur, est un artiste qui se dédie aujourd’hui avant tout à la photographie. Quand il revêt l’habit du photographe, Hubert devient Dévoreur et mange les images avec avidité : couleurs tranchantes, lignes puissantes, superpositions de corps et de figures qui se découpent ou se perdent dans le cadre. Il présente pour la première fois son travail dans le cadre intimiste de la Galerie Octopus, en vis-à-vis des planches de Jim, mettant en avant leurs liens intimes et artistiques.

    En 2016, Jim nous déclarait à propos de son ami : « Hubert Touzot est un photographe qui a un vrai talent et mérite que l’on découvre son travail. Je lui rends d’ailleurs hommage dans l’un de mes derniers albums « De beaux moments ». C’est aussi un super ami, la personne la plus drôle que je connaisse. Il a un cerveau connecté je ne sais où, ce qui lui permet de constamment partir en vrille sur n’importe quel sujet. Il a fait un peu de scène à une époque… Il me conseille, je le conseille. Nous avons même fait un livre ensemble : « T’chat ». Nous nous faisions passer pour une fille et faisions tourner en bourrique des hommes avides de sexe sur les premiers réseaux sociaux. On en pleurait de rire ! L’éditeur un peu moins quand il a vu les chiffres de vente désastreux (rires). C’était il y a cinq ans environ. Hubert l’avait signé U’br. Il écrit toujours, le bougre. Mais son vrai virage est la photographie. »

    Les deux comparses, dont nous suivons ainsi le parcours depuis quelques années et à qui nous avons déjà consacré un certain nombre d’articles, de portraits ou d’interviews, nous touchent par leur gentillesse et leur bienveillance, alliées à une culture impressionnante. Alors, courez à la Galerie Octopus, avec le secret espoir qu’ils s’y trouvent, et vous aurez peut-être la chance de pouvoir papoter avec eux, de tout et de rien, mais surtout de BD, de photo ou encore de cinéma…

    L’exposition croisée Jim et Hubert Touzot, à ne rater sous aucun prétexte…

     

     

     

     

  • « Momentum, la mécanique de l’épreuve » de JR à la Maison Européenne de la Photographie

     

     

    En 2006, Jean-Luc Monterosso, alors Directeur de la MEP, propose à JR d’investir le mur extérieur de l’institution pour y présenter son projet « Portrait d’une Génération », exposé à l’époque illégalement dans Paris. Douze ans plus tard, comme un clin d’oeil à cette première collaboration, la MEP invite l’artiste français pour une exposition monographique exceptionnelle.

     

    « Momentum » désigne la force d’impulsion, l’élan ou un mouvement. Les sciences physiques définissent ainsi l’action d’une force extérieure exercée sur un système pour en déterminer le mouvement ou la vitesse. L’exposition dévoile ainsi cette dynamique qui conduit JR à intervenir dans une ville ou au coeur d’une communauté pour en proposer un nouveau visage, en altérer la perception ou en offrir une lecture originale. Elle révèle la partie immergée de son travail.

     

    © Thomas Padilla / MAXPPP

     

     

    « Seulement 2 % de l’œuvre de JR est connue du public, exposée en galerie ou en musée, explique Fabrice Bousteau. L’autre partie, toute aussi importante, voire plus, constitue son processus de travail créatif et esthétique, en interaction avec les gens ou depuis son atelier. »

     

    Depuis ses premières photographies en 2000, dont certaines inédites sont présentées dans le cadre de cette exposition exceptionnelle, l’artiste s’impose une discipline et un cadre de travail précis : transformer des négatifs en collages monumentaux à l’échelle d’une ville ou mettre en lumière l’identité de sujets photographiés et rassemblés dans une fresque gigantesque. Les dispositifs engagés sont rigoureux, souvent mécaniques, parfois éprouvants.

     

     

     

    Au gré de l’exposition, le spectateur découvre les changements d’échelles. Il se confronte à la transformation des corps et de l’image. Au fil des ans, les portraits accumulés et re-contextualisés dans la cité incarnent la mémoire de femmes et d’hommes dans un ensemble et par extension, celle de la ville dans son époque. Ils sont au service d’une vision personnelle de ce que forment les corps et les histoires, lorsque l’ensemble s’articule pour faire Histoire.

     

    « MOMENTUM. La mécanique de l’épreuve » de JR
    Du 7 novembre 2018 au 10 février 2019 à la MEP

    Commissaires : Dominique Bertinotti et Jean-Luc Monterosso

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Exposition Momentum

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Projections Momentum

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Billeterie Momentum

     

     

     

  • Pierre Soulages, quand la matière devient lumière

     

     

    Nous allons nous intéresser à un immense artiste français qui va fêter ses 99 ans en décembre : Pierre Soulages, le peintre du noir et de la lumière. Une rétrospective exceptionnelle lui est consacrée à la Fondation Gianadda en Suisse, jusqu’au 13 janvier 2019, en collaboration avec le Centre Pompidou.

     

    La Fondation Gianadda fête quant à elle ses quarante ans cette année. Après 177 expositions présentées depuis sa naissance, la fondation a décidé, pour célébrer l’événement, de rendre hommage à Pierre Soulages, un artiste vivant, contemporain, français, même si ça se passe chez nos voisins suisses.

    Pierre Soulages, né le 24 décembre 1919 à Rodez (Aveyron), vit et travaille entre Paris et Sète (Hérault). Figure majeure de l’abstraction, il est reconnu comme l’un des plus grands peintres de la scène française actuelle pour son œuvre qui traverse la seconde partie du XXème et le début du XXIème siècle.

     

    « Cette rétrospective Pierre Soulages couvre sept décennies de peinture, avec un choix ciblé d’oeuvres absolument exceptionnelles. » (Martha Degiacomi, Historienne de l’Art)

     

    Pierre Soulages est probablement moins connu en Suisse qu’en France, mais sa renommée internationale est telle que cette rétrospective connaît un retentissement important depuis son ouverture en juin 2018. Rappelons tout de même que Pierre Soulages est l’un des artistes les plus cotés actuellement sur le marché de l’art et ses toiles s’arrachent à prix d’or.

     

    Peinture 175 x 222 cm, 23 mai 2013 © Vincent Cunillère

     

     

    « Cette rétrospective s’attache donc à montrer l’évolution du processus créatif de Pierre Soulages, du tout début de sa carrière à cette « arrivée dans le noir » marquant la seconde période de son oeuvre. » (Martha Degiacomi)

     

    Pour ceux qui se diront sûrement « moi, le noir, je n’aime pas ça, ça m’angoisse » ou encore « là, c’est du noir, d’autres ont fait dans le bleu avant comme Yves Klein ou dans le blanc comme Lucio Fontana », n’ayez pas peur et laissez vous embarquer dans l’univers monochrome de Pierre Soulages.

    La différence, avec Pierre Soulages, c’est que « ça n’est pas du noir, mais de la lumière »…

     

    Pierre Soulages (Né en 1919), Peinture 204 x 227 cm, 12 novembre 2007

     

     

    Le parcours de l’exposition démarre avec les premiers « brous de noix » des années 1948-1949. Le brou de noix est un liquide obtenu à partir du broyage de la coquille du célèbre fruit à coque. C’est un matériau absolument « non-académique », même s’il avait déjà été utilisé par des artistes tels que Le Lorrain ou Rembrandt, mais c’est Pierre Soulages qui invente à proprement parler ce procédé de création d’oeuvres sur papier à partir de cette matière.

     

    Pierre Soulages, Brou de noix sur papier, 65 x 50 cm, 1948

     

     

    Début 1979, Pierre Soulages commence à recouvrir, d’abord accidentellement, une toile entièrement de noir. A force d’appliquer la couleur, puis de tenter de l’enlever en la grattant, il remarque avec frayeur que la toile reste désespérément… noire. Il s’apprête à la détruire lorsqu’il remarque que la toile brille, que de la lumière émane de celle-ci. Du jamais vu…

    Pierre Soulages entame alors son processus de recherche empirique sur cette effet de lumière. A partir des années 90, le peintre travaille sur l’aboutissement ultime de son cheminement artistique : « les Outrenoirs ». On est maintenant au delà du noir…

    Car pour Pierre Soulages, le noir, c’est la couleur de la vie et de la lumière.

     

    Pierre Soulages, Peinture 324 x 362, 1985. Polyptyque C

     

     

    « On peut faire des expériences tout à fait étonnantes avec les oeuvres de Soulages. Vous pourrez vous promener autour du tableau et vous constaterez que celui-ci change sans cesse en fonction de votre propre position. C’est ce qui fait la particularité des Outrenoirs de Pierre Soulages. » (Martha Degiacomi)

     

    Les oeuvres de Soulages invitent ainsi à la méditation et à l’introspection. Ses tableaux à l’aspect sans cesse changeant nous amènent à nous questionner sur notre propre positionnement personnel.

    Dès le début de sa carrière, Pierre Soulages écarte rapidement les autres couleurs pour se concentrer sur ce noir, la couleur qui porte toutes les autres, et qui va peu à peu recouvrir totalement la toile… Il y reste très attaché, si bien qu’elle participe de son identité artistique. Majeure dans son art, elle se décline, selon les outils avec lesquels elle est appliquée, en surfaces lisses ou accidentées, qui révèlent une lumière multiple et insoupçonnée.

     

    Car, vous l’aurez compris, « ça n’est pas du noir, mais de la lumière »…

     

     

     

    « Soulages – Une Rétrospective » montre pour la première fois rassemblée la collection des œuvres du peintre, datées de 1948 à 2002 et conservées au MNAM-CCI Centre Pompidou. Il s’agit d’un exceptionnel ensemble composé de vingt-quatre œuvres sur les vingt-cinq répertoriées : soit seize peintures dont deux goudrons sur verre, trois brous de noix et cinq dessins. L’exposition est complétée par trois brous de noix prêtés par le musée Soulages de Rodez et respectivement créés en 1949, 1999 et 2003, ainsi que par des œuvres provenant de collections particulières.

    Cette rétrospective montre au total plus de 30 œuvres réalisées entre 1948 et 2017, selon un parcours chronologique qui met en évidence les recherches picturales et les différentes techniques que Soulages a explorées, ainsi que les étapes charnières de sa création.

     

    Depuis le 15 juin 2018 et jusqu’au  25 novembre 2018 – Tous les jours de 09h00 à 19h00.

    Prolongation de l’exposition : du 26 novembre 2018 au 13 janvier 2019 – Tous les jours de 10h00 à 18h00.

     

    Fondation Gianadda, Rue du Forum 59, 1920 Martigny, Suisse

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Liens externes » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Soulages

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= » large »] Fondation Gianadda

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Musée Soulages Rodez

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Les Outrenoirs de Pierre Soulages, obsession d’un physicien ?

     

     

     

  • La Fondation Carmignac, entre ciel et terre

     

     

    L’île de Porquerolles accueille depuis cet été un lieu singulier : la Fondation Carmignac. Un musée dédié à l’art contemporain, qui abrite 70 oeuvres majeures, de Warhol à Basquiat en passant par Lichtenstein. Toutes appartiennent au créateur du lieu, l’homme d’affaires Edouard Carmignac.

     

    C’est le succès de l’été… Presque quatre mois après son ouverture au large de Hyères, la Fondation Carmignac a déjà attiré plus de 50.000 visiteurs. Malgré la mer à franchir et la pinède à traverser, on s’y précipite.

    Cette fondation a été créée par l’homme d’affaires Edouard Carmignac, milliardaire classé 33ème fortune de France par le très sérieux magazine Forbes. Il a confié à son fils Charles la responsabilité de gérer et exposer sa collection personnelle d’art contemporain. 

    Cette année, il ouvre ainsi au public sa propriété de l’île de Porquerolles, et c’est ici que sont exposées 70 oeuvres parmi les trois-cents qu’il possède. 

     

    « La Fondation Carmignac est née en 2000, il y a 18 ans, au départ pour gérer et valoriser la Collection Carmignac que mon père Edouard a constituée au fil de l’eau. Il a toujours été entouré d’oeuvres d’art, chez lui. Enfant, je me souviens d’avoir toujours vu des tableaux sur les murs. » (Charles Carmignac, Directeur de la Fondation Carmignac)

     

    Edouard Carmignac a commencé à collectionner de l’art contemporain dans les années 80 ; l’art américain des années 60, 70 et 80, le Pop Art.

    Le Pop Art, c’est d’ailleurs le point de départ de sa collection. Dans les années 80, Carmignac achète beaucoup de Roy Lichtenstein. Il rencontre aussi Jean-Michel Basquiat qui lui peint un portrait. Et pour décorer son bureau, le roi de la finance se paye deux toiles du maître Andy Warhol. 

     

    « Quand on rentre dans son bureau, on découvre un Mao et un Lénine peints par Warhol. Deux tableaux que vous pourrez voir à Porquerolles. Mon père n’a évidemment pas choisi ces toiles parce qu’il embrassait les idées de ces deux personnages, mais plutôt parce que ce sont deux figures de révolutionnaires, qui ont bouleversé l’état des choses en partant de rien. » (Charles Carmignac)

     

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    Aux côtés de Basquiat, Lichtenstein ou Warhol, beaucoup d’autres grands noms, comme Alexander Calder ou David LaChapelle, des peintures de Gerhard Richter, Yves Klein ou encore Keith Haring. Et depuis ce printemps, un Botticelli.

    Côté jardin, on se promène pour découvrir des sculptures monumentales…

     

    « Parmi les oeuvres qui me touchent le plus, on peut découvrir une oeuvre qui s’intitule Les Alchimistes. Ce sont trois visages sculptés par l’artiste espagnol Jaume Pensa. Des oeuvres au pouvoir assez mystérieux, trois visages aux yeux clos, trois regards qui convergent vers un petit banc sous un arbre, avec quelque chose d’assez spécial qui opère face à ces oeuvres. »

     

    Au cours de ses fréquents voyages en Asie du Sud-Est ou en Amérique du Sud, Edouard Carmignac enrichit sa collection d’oeuvres d’artistes émergents, collection qui offre aujourd’hui un panel historique et géographique assez large.

     

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    Il n’y a pas vraiment d’axe ou de thèmes particuliers qui orientent les acquisitions, mais c’est plutôt une question d’émotion forte ou d’énergie. Il faut avant tout que les oeuvres touchent ceux qui les contemplent. C’est une collection qui reste finalement assez accessible. 

    La propriété est située dans le parc naturel de Port-Cros. Dans ce site protégé, il est interdit d’agrandir le bâtiment existant. Un vrai casse-tête… Tout l’enjeu a été pour les architectes de dégager des espaces d’exposition sous la surface du sol. Le visiteur rentre dans une villa provençale, et sous la surface de cette villa, 2000 m2 d’espace se déploient, sans jamais donner l’impression qu’on est en sous-terrain.

    Par tout un jeu de perception de l’espace, on a plutôt l’impression d’être au ras du sol. Pour un maximum d’intimité avec les oeuvres, 50 visiteurs maximum sont accueillis à la fois. Dans ce mas provençal, tout est nature et détente. La forêt entre par les fenêtres, l’eau par le toit, et pour parfaire cette ambiance de vacances, la visite se fait même pieds nus…

     

    « Le rituel qui consiste à se déchausser pour pénétrer dans les espaces d’exposition amène un silence, une quiétude et crée quelque chose au niveau symbolique qui est assez fort. » (Charles Carmignac)

     

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