Catégorie : Evénements

  • Jim Morrison, derniers jours à Paris

     

     

    Fondé en juillet 1965 à Los Angeles, The Doors n’aura existé que huit ans. Huit années et six albums studio enregistrés par la formation originelle, qui ont suffi à faire entrer ses membres dans la légende. D’abord avec des titres emblématiques qui ont jalonné la carrière du groupe, comme « Break On Through » ou « Light My Fire », mais aussi et surtout grâce à son leader, le chanteur Jim Morrison.

     

    Poète maudit, véritable performer, cet artiste charismatique et tourmenté a eu une vie pour le moins tumultueuse, faite d’excès en tout genre. Sa disparition précoce, le 03 juillet 1971 à Paris, a contribué à créer la légende mais a mis un terme à l’une des aventures musicales parmi les plus novatrices du 20ème siècle. The Doors sera finalement dissout en 1973, deux ans après la mort de son chaman. Six ans plus tard, la voix de Jim Morrison sur le titre « The End » contribuera à façonner une autre légende, celle du film de Francis Ford Coppola :  « Apocalypse Now ».

    Lorsqu’il arrive à Paris le 12 mars 1971, Jim Morrison a 27 ans et il semble décidé à tourner définitivement la page de ses années Doors. Condamné par la justice américaine pour son comportement jugé obscène lors de la première date de leur grande tournée américaine, à Miami le 1er mars 1969, après un an et demi d’un procès qui l’aura terriblement éprouvé, il souhaite changer de vie, se réinventer, et surtout laisser derrière lui son pire ennemi : l’alcool. Gilles Yepremian a fréquenté le chanteur à l’époque, après l’avoir recueilli un soir, ivre mort. « Le rock le fatiguait. Il s’autodétruisait à petit feu, pour casser cette image de rock star qui lui collait à la peau ».

     

     

     

    « A 27 ans, je suis trop vieux pour être chanteur de rock… »

    Jim Morrison, très affecté par les disparitions récentes de Brian Jones, Janis Joplin ou Jimi Hendrix, n’a plus goût à rien, à part pour la poésie, mais qui ne parvient cependant pas à lui rendre un semblant d’équilibre et de sérénité. Sam Bernett dirigeait alors le Rock’n’Roll Circus, une boîte à la mode, dont l’ex-leader des Doors devint un client assidu. « C’était un garçon dont le comportement pouvait changer du tout au tout en l’espace d’une minute. Il pouvait être agréable, adorable, de bonne compagnie et de bonne conversation, mais le problème, c’est qu’il buvait énormément, et dès lors qu’il avait dépassé la limite, il devenait vite insupportable et ingérable ».

    Le Rock’n’Roll Circus, cette discothèque parisienne où se retrouvaient les célébrités du moment, en ce début des années 70. De nombreuses anecdotes racontent les nuits sulfureuses durant lesquelles se croisait toute la faune d’artistes aux tenues excentriques, de Michel Polnareff à Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, venus s’encanailler avec les mauvais garçons, les dealers et les groupies accrochées aux pattes d’eph’ de Keith Richards, Mick Jagger ou Jimi Hendrix.

     

    « Pourquoi je bois ? Pour pouvoir écrire de la poésie… »

    A Paris, Jim Morrison chine chez les bouquinistes, sur les quais de Seine. Lui qui veut devenir poète, il lit beaucoup et aime s’asseoir durant des heures sur un banc, place des Vosges, pour écrire ce qui ne restera que l’ébauche de son oeuvre littéraire. « Il dit qu’il veut mener les adolescents au-delà de l’odyssée juvénile traditionnelle. Il veut leur faire atteindre le champ symbolique de l’inconscient, dans le cadre d’un projet à la fois culturel et poétique. » (Hervé Luxardo, historien, Université Paris III Sorbonne).

     

    « Jim Morrison est mort, mais son corps bouge encore. » (Le Figaro, juillet 1971)

    Mais dans la nuit du 2 au 3 juillet 1971, le corps sans vie de Jim Morrison est retrouvé à Paris, dans la baignoire de l’appartement qu’il occupe avec sa compagne Pamela Courson, au 3ème étage du 17/19 Rue Beautreillis, dans le quartier du Marais. Ce décès aux circonstances mystérieuses ne sera rendu public que quelques jours plus tard par ses amis Agnès Varda et Alain Ronay, qui organiseront à la hâte ses obsèques au Père Lachaise, auxquelles n’assisteront d’ailleurs que cinq personnes. Arrêt cardiaque ? Overdose ? Suicide ? Complot de la CIA ? Étrangement, la police n’ordonne aucune autopsie, suscitant des interrogations qui n’en finiront plus, dès lors, de nourrir le mythe du chanteur poète au destin tragique.

    Avec cette mort brutale, Jim Morrison rejoint le Club des 27, constitué de ces icônes libertaires, parmi lesquelles Janis Joplin, Brian Jones, Jimi Hendrix ou Robert Johnson, toutes foudroyées à 27 ans, et qui se seront, chacune à leur manière, brûlé les ailes dans un combat perdu d’avance contre leurs démons intérieurs. En 1970, il ironisait, en déclarant à qui voulait bien l’entendre : « Vous êtes en train de boire avec le numéro 4 », comme pour conjurer le sort. Ou pas…

     

     

     

    Entre espoir et dérive, en éclairant les circonstances de la disparition du Roi Lézard et ses zones d’ombre, le documentaire d’Olivier Monssens, « Jim Morrison, derniers jours à Paris », produit en 2021 pour Arte, tente ainsi de percer le mystère de l’homme derrière la légende, et en particulier de celui qu’il était devenu ces derniers mois à Paris, après avoir fui les États-Unis, laissant derrière lui sa panoplie de rock star.

    Dans cet exil volontaire, le génie tourmenté balance entre espoirs d’une nouvelle vie auprès de ses héros littéraires, Rimbaud en tête, et errance autodestructrice dans un Paris où la contreculture commence à flirter avec l’héroïne. Enrichie de nombreuses archives, une enquête sur un cold case, doublée d’un portrait brossé par ceux qui l’ont connu pour, peut-être, refermer le dossier Morrison, un demi-siècle après sa mort. Entre portrait documenté et investigation, un retour sur les derniers mois du chanteur des Doors, Jim Morrison, dont la mort brutale et mystérieuse à Paris en juillet 1971 n’a cessé de nourrir le mythe.

    A checker également l’ouvrage « Jim Morrison, mort ou vif » publié en juin 1991 par le chroniqueur Hervé Muller, qui nous a quittés en mars 2021. On lui doit d’ailleurs certains des tout derniers clichés de Morrison saisis à Paris, parmi lesquels la photo à la une de cet article… So long, Mr Muller.

     

    Quand je jette un regard en arrière sur ma vie
    Je suis frappé par des cartes postales
    Instantanées, détériorés,
    Posters fanés d’un temps qui m’échappe…

     

    Documentaire d’Olivier Monssens (France, 2021, 52 mn)

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    Documentaire de Michel Dailloux (France, 2006, 50 mn)

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  • Les Barbapapa ont 50 ans !

     

     

    Avec cette année 2020 qui vient tout juste de s’achever, et qui aura été si particulière à bien des égards, nous avons presque failli oublier que les Barbapapa avaient fêté leur cinquantième anniversaire. Comment ça, les Barbapapa ont cinquante ans ?! Eh oui, déjà, car c’est bien en 1970, précisément le 19 mai, à Paris, que Talus Taylor et Annette Tison imaginaient ces personnages parmi les plus mythiques de la télévision française des années 70.

     

    L’histoire commence comme ça, au débotté, par le petit bout de la lorgnette… Annette et Talus se promènent paisiblement au jardin du Luxembourg. Soudain, Talus Taylor est perturbé par les cris stridents d’un enfant, sans doute insupportable, même pour l’époque, réclamant à ses parents une chose qu’il balbutie en ces termes : « Baa baa baa baa ».

    Talus Taylor, ne parlant pas français, demande aussitôt à Annette Tison ce que le « petit chiard » a voulu dire. Dans la seconde, et sans reprendre son souffle, Annette Tison lui explique que le bambin réclame tout simplement une friandise… dont le nom est « barbe à papa ». Et voilà !

    Un peu plus tard, au restaurant, le couple se met à dessiner sur la nappe un personnage inspiré par la friandise… Le résultat est rose et tout en rondeur. Et lorsqu’il s’agit de lui donner un nom, Barbapapa s’impose tout naturellement.

     

    « En me promenant dans le jardin du Luxembourg, ne comprenant pas le français, j’entendais les enfants prononcer « Baa baa baa baa », j’ai demandé à Annette Tison ce que ça voulait dire. Elle a rigolé en me disant que c’était de la barbe à papa, car avant d’être colorée en rose, la barbe à papa était blanche, comme celle du grand-père. Un peu plus tard, au restaurant, nous avons dessiné sur la nappe notre nouveau personnage. Et puis, il a fallu lui donner un nom. Nous sommes tombés d’accord sur Barbapapa, et comme je ne savais pas le prononcer, je ne savais pas non plus l’épeler, et je l’ai écrit en un seul mot ! C’est ainsi que Barbapapa est né, un peu au Jardin du Luxembourg, et un peu sur le coin d’une nappe en papier de la Brasserie Zeyer. » (Talus Taylor)

     

    Un très bon anniversaire aux Barbapapa et accessoirement à notre enfance !

     

    La famille Barbapapa, créée en 1970 par Talus Taylor et Anette Tisson

    © 2020 Alice Taylor & Thomas Taylor (All Right Reserved)

     

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  • Une Palme d’or et des films en bois

     

     

    Faute au Covid-19 et par mesure de sécurité, respect des gestes barrières et tout le toutim, pas de Festival de Cannes cette année. Sans cet imprévu inédit qui aura sacrément bousculé l’actualité du monde ces derniers mois, la grande fête du cinéma aurait dû s’achever le 23 mai, avec un palmarès qui aurait sans doute une fois de plus divisé.

     

    Spike Lee devait être le président du jury de cette édition 2020 et on espérait de sa part des partis pris résolument éclectiques et pertinents. Autre ironie du sort, puisqu’avec le réalisateur noir américain toujours très engagé, il aurait flotté dans l’air comme un parfum prémonitoire, compte tenu des événements survenus par la suite dans le courant du mois de juin, notamment aux Etats-Unis, bousculant certitude, émotion et revendications diverses.

    Il y avait bien-sûr une liste de films sélectionnés, dévoilée par Thierry Frémaux et Pierre Lescure le 03 juin dernier, mais ceux-ci seront finalement présentés dans d’autres festivals dès la rentrée, ou bien sortiront directement en salle, en étant néanmoins labellisés « Festival de Cannes 2020 ». Toujours est-il que la plupart de ces films n’auront pas pu bénéficier de l’aura du prestigieux rendez-vous de mai et de sa célèbre magie, celle qui embellit, qui customise et qui légitime.

     

     

     

    Tel un vulgaire éternuement dans son coude, cette 73ème édition du Festival va par conséquent vaporiser dans l’air ces 56 films, qui auraient dû normalement être projetés à Cannes cette année, soit dans le cadre de la sélection officielle soit dans l’une des autres catégories (La Quinzaine, Un Autre Regard, …).

    Entre les productions les plus attendues, comme « The French Dispatch » de Wes Anderson, « Été 85 » de François Ozon, « Lovers Rock » de Steve McQueen, « ADN » de Maïwenn, « The Real Thing » de Kōji Fukada et tous les autres, les habitués de la Croisette, les sempiternels chouchous, les éternels outsiders, les inoxydables revenants, le tout saupoudré de nouveaux concepts dans l’air du temps, entre parité, minorités et sujets devant coller le plus possible à l’actualité ou à la société, Cannes est devenu ce gigantesque chaudron, où le cinéma n’aurait finalement plus trop son mot à dire, laissant la place aux maux et tumultes du monde.

     

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    N’ayant pu voir à ce jour aucun de ces films, nous reviendrons plutôt sur ces Palmes d’or qui n’ont pas toujours été du goût de tout le monde, ou encore sur ces films célébrés comme s’il s’agissait de chefs d’œuvre absolus, alors que rétrospectivement, il n’en reste pourtant plus grand-chose aujourd’hui…

    Plus qu’un festival international où robes de couturiers hors de prix, smokings, champagne et autres promesses de distributeurs ou de producteurs voltigent, passent et trépassent, Cannes représente depuis sa création en 1946 tout ce qui se doit d’être le plus prestigieux, le plus Français, en quelque sorte, malgré la valse incessante des films (ou devrions-nous dire produits ?) venus de tous les horizons et sélectionnés pour cette grande kermesse, cette foire aux vanités.

    Parenthèse enchantée d’une dizaine de jours durant laquelle on célèbre pelle-mêle le luxe, les sourires éclatants, le chic bon teint et paradoxalement, depuis une vingtaine d’années, des films sociaux qui dépeignent une réalité crue. Époque oblige, les derniers jurys qui se sont succédés se sont sentis investis d’une mission souveraine, divine, remarquable, fondamentale : faire rentrer au forceps cette dure réalité de la vie dans ce sanctuaire du « trendy ».

     

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    Dès 1999, avec le premier film des frères Dardenne, « Rosetta », David Cronenberg (président du jury cette année-là) décide de casser la chaine en or, en récompensant un film qui dépeint la misère sociale près de chez nous, la souffrance d’un pan d’une population malmenée par le grand capital.

    Ce film tout droit sorti d’un épisode de l’émission belge « Strip Tease » nous fait subir ce qu’endurent les gens pauvres au quotidien, entre licenciement, recherche d’emploi, environnement sinistre, avec comme point d’orgue le morceau de bravoure, une Emilie Dequenne traînant pendant un quart d’heure une bonbonne de gaz trop lourde pour elle jusqu’à la caravane où elle habite. Cut. Noir, générique de fin… Les lumières se rallument. Applaudissements. Ferveur. A l’aube de ce 21ème siècle, qui contrairement à celui qui s’achève, saura forcément protéger l’humanité des guerres et des pandémies, un public trié sur le volet, vêtu de pied en cap de Givenchy et Balenciaga, redécouvre que la pauvreté existe encore, et ça lui semble tellement sexy…

    À l’époque, toute la presse dite de gauche crie au génie, salut l’audace du jury et les deux frères réalisateurs deviennent instantanément les chouchous du festival. Car il faut bien admettre que c’est tellement exotique, toute cette misère que l’on vient déverser sur la Croisette, pour le simple divertissement des festivaliers…

    Les frères Dardenne remporteront une deuxième Palme six ans plus tard avec « L’Enfant » et encore une histoire collant à une certaine réalité sociale, sans que ne soit livrée une quelconque signification du pourquoi on fait des films pour le cinéma. Depuis, les deux cinéastes belges sont présents chaque année sur la Croisette avec un nouveau film, traitant avec morgue et générique sans musique de notre monde dysfonctionnel, avec à l’affiche des acteurs connus, venus « se mettre en danger ».

     

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    En 2000, c’est au tour de Lars von Trier, encore bien vu par la profession à l’époque, de repartir avec la suprême récompense, même si la comédie musicale « Dancer in the Dark » n’est certainement pas le film le plus réussi du réalisateur de « Breaking The Wave ». Là encore, cette histoire de travailleuse humiliée, bafouée, jugée puis condamnée à mort, remporte l’adhésion. Avec Luc Besson comme président du jury cette année-là, on aurait pu raisonnablement attendre que son choix se porte sur un autre film que cette longue agonie de Björk pendant 02h20… L’artiste islandaise y déroule ses chansons tout en travaillant d’arrache-pied à la chaîne d’une usine métallurgique dans l’Amérique profonde, décor principal du troisième opus de la « Trilogie Coeur d’Or ».

    On connait le goût prononcé du cinéaste danois pour torturer et humilier les actrices dans ses films. Ici, c’est donc Björk qui s’y colle, telle la fashion addict devant une paire de chaussure Jimmy Choo, probablement attirée avant tout par cette hype entretenue autour du réalisateur, avant que celui-ci ne soit conspué quelques années plus tard et ne finisse par tomber en désuétude, pour avoir joué dangereusement avec les limites du point Godwin… Catherine Deneuve fera aussi partie du voyage. Au final, rétrospectivement, avec « Dancer in the Dark », on reste sur un gros malentendu…

     

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    Dans la liste des autres chouchous qui sont présents chaque année dans la sélection cannoise, que leurs films soient bons ou torchés, d’ailleurs, on trouve forcément l’indéboulonnable Michael Haneke ; l’imperturbable réalisateur autrichien qui, quoiqu’il arrive, ne manquerait pour rien au monde une édition du festival, toujours avec son dernier film sous le bras, dans son holster, prompt à nous dégainer sa morale. Lui aussi remporte deux Palmes, d’abord avec « Le Ruban Blanc » en 2009, une histoire sur la naissance du mal et l’éternel traumatisme allemand de ces années d’avant-guerre, où les germes du nazisme apparaissaient sans que personne ne s’en offusque pour autant. Un film boursouflé et vain, enrubanné d’une somptueuse photographie en noir et blanc, afin de tenter de camoufler la vacuité et la prétention du propos.

    Trois ans plus tard, c’est le film « Amour » qui est récompensé  en grande pompe. « La vieillesse, c’est pas bien » aurait pu être le slogan collé sur l’affiche du film ou accompagnant le dossier de presse. Ici, on nous gratifie pendant plus de deux heures de la lente décrépitude d’un couple de vieillards au crépuscule de leurs vies (troubles intestinaux compris…), mais avec néanmoins un casting 4 Etoiles (Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva et Isabelle Huppert).

    Ce ne sont ni le manque de point de vue ni les faibles qualités de mise en scène qui nous laissent sceptiques devant ce spectacle d’entomologiste zélé et un brin psychopathe, mais plutôt qu’il y ait autant d’actrices et d’acteurs si talentueux qui se pressent systématiquement pour en être, à chaque nouveau projet dans lequel se lance le réalisateur de « Funny Games ».

     

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    « Dheepan », Palme d’or en 2015, n’est pas le meilleur film de son auteur, Jacques Audiard, loin s’en faut. Bon, estimons-nous heureux, nous l’avons échappé belle, car un autre film, son principal rival, « La Loi du Marché » de Stéphane Brizé, était pressenti pour remporter la plus haute distinction cette année-là. Il devra se contenter du prix d’interprétation masculine pour Vincent Lindon.

    Avec ces deux films, en tout cas, on nage la brasse coulée dans le social avec Palme (plaquée or), masque et tuba, pour aller contempler de plus près chômage, banlieues, petites gens et un nouveau parangon devenu incontournable, l’immigration. Et il faut reconnaître qu’en 2015, le Festival de Cannes a bien coché toutes les cases. Résultat des courses, tout le monde tombe en pâmoison devant toutes ces vieilles lubies post soixante-huitardes enfin remises au goût du jour. « Fini, le cinéma bourgeois ! », clame-t-on du haut des marches. C’est le retour de l’Internationale…

     

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    En 2016, c’est au tour de Ken Loach d’être de nouveau récompensé pour « Moi, Daniel Blake », dix ans après sa précédente Palme d’or pour « Le Vent se Lève ». Lui aussi est sélectionné pratiquement chaque année… Mais s’il y a bien un réalisateur au monde capable d’être vraiment formaliste tout en traitant le sujet social comme personne, c’est bien lui. Ses films sont le plus souvent des réquisitoires contre le monde de l’argent, mais Ken Loach n’oublie jamais l’essentiel : faire avant tout du cinéma, faire exister ses personnages et passionner le spectateur pour ses histoires, sans l’assommer où le regarder de haut.

    Car l’Anglais n’occulte jamais la notion de plaisir, même si chacune de ses œuvres donne à réfléchir, force à se questionner ou à tout remettre en cause. Ken Loach ne se cache pas, soit derrière un misérabilisme antipathique comme les frères Dardenne, soit le naturalisme ennuyeux et sentencieux de Stéphane Brizé ou encore la pose prétentieuse et arrogante du cinéma de Michael Haneke. Loin de toutes ces afféteries, le réalisateur britannique de « Sorry We Missed You » serait finalement le seul à mériter son rond de serviette sur la Croisette, même pour parler de politique et d’engagement.

     

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    Mais Pedro Almodóvar, dans tout ça ? Sauf erreur ou oubli, le réalisateur espagnol, que l’on convoque pourtant chaque année à Cannes, repart systématiquement bredouille. Et ce n’est pas faute de nous y avoir offert des films magnifiques, toujours à la gloire de ce cinéma que l’on adore, comme son dernier opus, « Douleur et Gloire » en 2019, une véritable merveille.

     

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    En 2017, c’est justement sous la présidence d’Almodóvar que le choix de la Palme d’or s’est étrangement porté sur « The Square » du Suédois Ruben Östlund ; un pensum prévisible, parfait exemple du film qui court les festivals et dans lequel on traite laborieusement de tous nos maux actuels, en une série de vignettes vernies à l’épate. Face à lui, le film de Robin Campillo, « 120 Battements par Minute », fait quant à lui l’unanimité. Avec son sujet pourtant exactement dans la ligne de mire des débats de société de l’époque et un bouche à oreille sans fausse note, le film du réalisateur du formidable « Eastern Boys », repartira malgré tout avec le Grand Prix du Jury.

     

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    Francis Ford Coppola appartient au cercle très fermé des réalisateurs récompensés à deux reprises, pour « Conversation Secrète » en 1974 et « Apocalypse Now » en 1979), avec le Danois Bille AugustPelle le Conquérant » et « Les Meilleurs Intentions »).

    Mais au-delà de la subjectivité, des goûts et des couleurs, des intérêts ou de ce vernis crypto-politico-bien-pensant passé à soi-même, Cannes regorge bien évidemment, et surtout (heureusement…) de films passés à la postérité, depuis « Quand Passent les Cigognes » (1958) à « Paris, Texas » (1984), en passant par « La Dolce Vita » (1962), « Le Guépard » (1963), « Blow Up » (1966), « L’Epouvantail » (1973) ou « Le Tambour » (1979).

     

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    Et pour finir, revenons sur le dernier sacre de la cuvée 2019, « Parasite ». Succès surprise en salle, critique de surcroît, le film est naturellement gratifié de la récompense suprême. Bong-Joon-Ho, le réalisateur sud-coréen auteur de films remarquables tels que « Mother », « The Host » ou « Memories of Murder », est arrivé à Cannes sur la pointe des pieds, sans se douter un seul instant que « Parasite » allait finalement devenir son chef d’œuvre absolu, aux yeux d’un jury assez sûr de lui sur ce point… Mais en l’occurrence, ça n’est pas le cas, maintenant que l’hystérie est retombée et que les superlatifs sont retournés dans leur boîte jusqu’à la sortie d’un prochain film que le public plébiscitera de manière tout aussi irrationnelle.

    Si « Parasite » n’en est pas pour autant une purge, il a néanmoins bénéficié du parfait timing. Car tous ces jurys qui se sont enchaînés (dans les deux sens du terme…) depuis vingt ans, sans s’être donné le mot, ont un peu trop abusé de la caution « film sociétal », en y rajoutant trop souvent une bonne pincée d’austérité ; quand, dans le même temps, nous avons également eu droit à une vague de films dits d’auteur, pourtant magnifiques mais auxquels le grand public est resté complètement hermétique : « Winter Sleep » (2014), « The Tree of Life » (2011), « Oncle Boonmee » (2010), « Elephant » (2003), et encore bien d’autres œuvres plébiscitées par les critiques exigeants.

     

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    Alors, c’est dans ce contexte que « Parasite » a réussi l’exploit d’être le mix presque parfait, voire miraculeux, entre film sociétal (une famille pauvre qui s’oppose à une riche) et comédie, avec ce ton empreint d’acerbe et de burlesque (on pense évidemment à Claude Chabrol ou à Luis Buñuel).

    Et le réalisateur de « Okja » n’aurait plus eu qu’à saupoudrer son histoire de ces prestigieuses références pour que le mélange devienne parfait, mais hélas il semblerait que quelqu’un ait dévissé le capuchon et que tout le sel, le poivre et le sucre se soient déversés dans la préparation… En substance, un discours assez appuyé, trop ironique et cinglant, venu brouiller l’idée initiale de renvoyer dos à dos deux castes opposées dans cette lutte des classes qui va virer au cauchemar.

    Car « Parasite » est dans toute sa première partie magnifiquement mis en scène. Tout s’y imbrique parfaitement en une redoutable symbiose entre le décor – la maison moderne, presque intimidante, habitée par les riches et filmée comme un protagoniste à part entière – et tous ces personnages qui sont un à un détaillés.

    Mais le film ne va hélas pas tenir la distance et s’écroule de tout son poids dans la deuxième partie, avec l’apport au chausse-pied d’improbables coups de théâtre, plus grotesques qu’inspirés, pour ne pas savoir se terminer et s’étirer jusqu’à ce final pataud et raté…

     

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    Face à « Parasite », on nous proposait pourtant « Le Traître » du réalisateur italien Marco Bellocchio (81 ans), un chef d’œuvre absolu, impressionnant de maîtrise et de force, qui est hélas passé totalement sous les radars. Car ce film était définitivement le vrai choc de cette sélection cannoise 2019. Au final, pratiquement personne ne l’a vu en salle, la presse n’ayant pas jugé utile ou politiquement correct de mettre en avant cette histoire de Cosa Nostra. Sans doute pas assez de social, de pauvres, de chômeurs, de migrants, de femmes maltraités ou de bébés koalas violés…

    Malheureux et de surcroît tellement révélateur du constat terrible que le Festival s’est perdu au fil de ces vingt dernières années, tant « Le Traître » est un film majeur, une oeuvre jubilatoire, une pépite et une énorme baffe dans la tronche des cinéphiles et des amoureux de cinéma. Et c’est ce que l’on aime, non ? Mais les voix de la hype et du clientélisme en ont décidé autrement et « Parasite » est devenu l’archétype du film qu’il faut absolument avoir vu pour ne pas mourir idiot ; une oeuvre drôle, cruelle et futée à la fois, qui fait du bien à notre intelligence et qui nous flatte juste ce qu’il faut pour nous laisser y croire…

    Et si finalement le Festival de Cannes avait définitivement perdu son âme et qu’il ait été, comme toutes les autres institutions, rattrapé par Google et ses algorithmes, qui déterminent en temps réel ce que l’époque, le marché ou les masses attendent d’un film… Ce qu’ils veulent voir… ou plutôt consommer.

     

     

     

  • Restez chez vous et baisez-vous…

     

     

    « Je ne savais pas que l’amour, c’était une maladie. Vous au moins vous êtes tranquille, vous vous êtes fait vacciner ! » 

     

    Parce que ce matin, j’en profite pour vous dire : Si vous interrogez 50 experts, vous savez, les mêmes que notre gouvernement a interrogés, eh bien, vous constaterez que vous aurez en général 50 avis différents, et ce pour évidemment des considérations, des objectifs tous différents, quand on ne parle même pas de pathologies psychologiques lourdes ; entre ceux qui savent tout sur tout, ceux qui sont dans l’idéologie mortifère, ceux qui ne voulaient pas effrayer la population, ceux qui sont souvent dans le déni, ceux qui ne voulaient pas dire la vérité pour que les élections se tiennent bien, ceux qui ont fait prévaloir l’intérêt économique avant l’intérêt humain et sanitaire, et bien d’autres raisons encore sans rapport avec la réalité des faits…

    Alors, aujourd’hui, à qui pouvons-nous nous fier ? Evidemment à ceux qui sont au coeur de cette guerre, qui eux savent parce qu’ils le vivent au quotidien, dans leur chair. Je prends comme exemple un médecin français qui travaille à Wuhan depuis des années, qui n’a pas vu sa famille depuis plus de deux mois, et qui nous adresse ce message : « Restez chez vous à partir de maintenant, tout de suite ! N’ayez aucun contact avec l’extérieur pendant 2, 3 semaines, 4 semaines si nécessaire, AUCUN ! Et si tout le monde respecte cela, vous vous protégerez, vous protégerez vos proches, le personnel soignant, les gens qui vous nourrissent, et il n’est pas impossible que vous voyiez la courbe des contaminations commencer à s’infléchir ».

    Qu’est-ce que c’est, quelques semaines, dans une vie ?? Et quand tout ce film d’épouvante sera terminé, il sera temps d’en tirer les conclusions qui s’imposent, et il faudra que tous ceux qui nous ont menés à ce désastre rendent des comptes, dans les urnes comme dans leurs petites consciences bien rances ! Car préparons-nous à ce que plus rien ne soit comme avant… Alors faisons en sorte que ça soit pour le bien !!!

    Et comme les distances de sécurité n’ont pas lieu d’être sur internet : un baiser par jour, sur ce fil. De ces baisers qui redonnent espoir, avec plein de salive autour !

     

    Jour 01 du Grand Confinement : Rita Hayworth et Glenn Ford dans « Gilda ».

     

    Jour 02 du Grand Confinement : Marcello Mastroianni et Anita Ekberg dans « La Dolce Vita ».

     

    Jour 03 du Grand Confinement : Michèle Morgan et Jean Gabin dans « Quai des Brumes ».

     

    Jour 04 du Grand Confinement : Faye Dunaway et Steve McQueen dans « L’Affaire Thomas Crown ».

     

    Jour 05 du Grand Confinement : Deborah Kerr et Burt Lancaster dans « Tant qu’il y aura des hommes ».

     

    Jour 06 du Grand Confinement : Eva-Marie Saint et Marlon Brando dans « On The Waterfront ».

     

    Jour 07 du Grand Confinement : Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo dans « A Bout de Souffle ».

    Jour 08 du Grand Confinement : Brigitte Bardot et Jean-Louis Trintignant dans « Et Dieu créa la Femme ».

     

    Jour 09 du Grand Confinement : Ingrid Bergman et Cary Grant dans « Notorious ».

     

    Jour 10 du Grand Confinement : Vivien Leigh et Clark Gable dans « Autant En Emporte Le Vent ».

     

    Jour 11 du Grand Confinement : Audrey Hepburn et Gregory Peck dans « Vacances Romaines ».

     

    Jour 12 du Grand Confinement : Ingrid Bergman et Cary Grant dans « Les Enchaînés ».

     

    Jour 13 du Grand Confinement : Anna Karina et Jean-Paul Belmondo dans « Pierrot Le Fou ».

     

    Jour 14 du Grand Confinement : Cameron Diaz et Jim Carey dans « The Mask ».

     

    Jour 15 du Grand Confinement : Audrey Hepburn et George Peppard dans « Breakfast At Tiffany’s ».

     

    Jour 16 du Grand Confinement : Scarlett Johansson et Jonathan Rhys-Meyers dans « Match Point ».

     

    Jour 17 du Grand Confinement : La Belle et Le Clochard dans… « La Belle et le Clochard ».

     

    Jour 18 du Grand Confinement : Kate Winslet et Leonardo DiCaprio dans « Titanic ».

     

    Jour 19 du Grand Confinement : Vivien Leigh et Clark Gable dans « Autant En Emporte Le Vent ».

     

    Jour 20 du Grand Confinement : Dakota Johnson et Jamie Dornan dans « 50 Nuances de Grey ».

     

    Jour 21 du Grand Confinement : Zira et Charlton Heston dans « La Planète des Singes ».

     

    Jour 22 du Grand Confinement : Vittoria Puccini et Stefano Accorsi dans « Encore Un Baiser ».

     

    Jour 23 du Grand Confinement : Ellen Ripley et Alien dans « Alien 3 ».

     

     

     

  • Les « Bad Girls » des Musiques Arabes au Louvre

     

     

    Tourné dans le désert des Bardenas, à Cordoue, en Tunisie et au Caire avec Soska, première chanteuse de rap d’Égypte, le film de Jacqueline Caux, « Les Bad Girls des Musiques Arabes – du 8ème Siècle à nos jours », évoque le destin de ces « Bad Girls » sans fard et sans voile…

     

     

    La cinéaste et écrivain Jacqueline Caux s’intéresse depuis longtemps à tous les territoires de la musique – de Jeff Mills à Luc Ferrari, de Carl Craig à John Cage – avec une prédilection pour les artistes activistes. En embrassant la cause des « Bad Girls » des musiques arabes, elle rend hommage à ces femmes indociles et briseuses de tabous qui imposent sans fard et sans voile leur talent, leur féminité et leur mode de vie hors norme.

    Des chanteuses-esclaves avant la fondation de l’islam aux stars actuelles du Raï, d’Oum Kalthoum à Hadda Ouakki, en faisant un détour par le Mississippi et les pionnières du blues, Jacqueline Caux campe ces rebelles qui « revendiquent avec une grande combativité leur liberté d’artistes et de femmes dans des contextes politiques particulièrement perturbés ». Cette conférence est aussi un manifeste qui pointe en creux notre désintérêt, notre méconnaissance ou ce que Jacqueline Caux appelle parfois – les jours de colère – « notre racisme culturel » envers ces territoires chantants et insoumis.

    Jacqueline Caux a participé à l’organisation de plusieurs festivals de musiques arabes. Elle a réalisé des courts-métrages expérimentaux et des longs métrages sur la musique et sur la danse, projetés et primés dans de nombreux festivals internationaux ainsi que dans de nombreux musées.

     

    [youtube id= »psNkVriv8eA » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Les Journées internationales du film sur l’Art explorent chaque année le lien singulier qui unit le cinéma aux autres arts et questionnent le processus créatif et le rôle de l’art dans nos sociétés. Cette 13ème édition reçoit une nouvelle invitée, la réalisatrice Claire Denis, pour trois jours de carte blanche et de rencontres avec des artistes. La seconde partie du programme propose un hommage à la 3ème Scène de l’Opéra National de Paris, un focus sur le Bauhaus ainsi qu’une sélection de films récents et des échanges avec leur réalisateur.

     

    « Les Bad Girls des Musiques Arabes – du 8ème Siècle à nos jours »
    de Jacqueline Caux
    Fr., 2019, 80 min

    Première mondiale à l’Auditorium du Louvre (sous la pyramide), le 26.01.2020 à 20h30

     

     

     

  • Fabrice Mathieu is Back

     

     

    En mai 2019, Fabrice Mathieu nous livrait sa vision personnelle du premier pas de l’homme sur la Lune, avec « Moon Shining », un mashup intrigant qui suscita bien des commentaires, tant le parti pris était original. Sept mois plus tard, il nous revient avec son dernier film, « TS: Terminators ». Et là, il faut admettre qu’il a passé la vitesse supérieure…

     

    Le pitch de ce bel hommage rendu par Fabrice Mathieu à Arnold Schwarzenegger et Terminator : plusieurs T-800 sont renvoyés dans le temps par Skynet. Mais leurs ordres de mission respectifs sont brouillés électroniquement par John Connor. Résultat, ils se ciblent tous les uns les autres !

    A l’original et originel « The Terminator » sorti en 1984, ainsi qu’à ses quatre successeurs, Fabrice Mathieu ajoute sa pierre à l’édifice, avec une sorte d’apothéose finale à couper le souffle, digne des plus grands. Pour réaliser ce petit bijou, non content d’emprunter des séquences aux cinq films de la franchise « Terminator », Fabrice Mathieu y adjoint également des extraits de « Hellboy », « Jurassic Park » ou encore « Zombieland », pour n’en nommer que quelques-uns. Le résultat est tellement abouti qu’il s’avère difficile de déterminer où se termine un extrait de film et où commence le suivant…

    Réalisateur, scénariste, cadreur, monteur truquiste, Fabrice Mathieu s’est illustré ces dernières années par ses courts-métrages & divers mashups : « Dr Kill & Mr Chance », « Mémoires Vives », « Master of Suspense », « Darth by Darthwest » (« Vador aux Trousses »), « Raiders of the Lost Dark » et « Cheese Trouble », auxquels on peut ajouter deux projets de longs-métrages, « Dans l’ombre » et « Invisible ». Il est également animateur, avec Benoît d’Amiens d’Hébécourt et Julien Compeyron, de l’émission de radio « 7ème Symphonie », consacrée aux musiques de films. On peut retrouver tout ça sur sa page Vimeo pour l’image et en écoute sur Soundcloud pour le son.

    A découvrir, ou redécouvrir, d’urgence !

     

    [arve url= »https://vimeo.com/380495467″ align= »center » title= »Fabrice Mathieu : « TS: Terminators » » description= »Mashup » duration= »16M52″ maxwidth= »900″ /]

     

    Starring

    Arnold Schwarzenegger & Christian Bale

    Music by

    Marco Beltrami
    Danny Elfman
    Brad Fiedel

    Theme of « Terminator » also arranged by

    ThatOneComposerGuy
    Andrea Southern

    Films used:

    The Terminator
    Terminator 2: Judgment Day
    Terminator 3: Rise of the Machines
    Terminator Salvation
    Terminator Genisys

    Collateral Damage
    Commando
    End of Days
    Eraser
    Kindergarten Cop
    Last Action Hero
    Raw Deal
    Red Heat
    The 6th Day
    Total Recall
    True Lies

    Other Films:

    Hellboy (2019)
    Jurassic Park
    King Kong (2005)
    NHK Dinosaurs
    Resident Evil: Apocalypse
    Spider-Man 3
    The Blues Brothers
    Yakusa O
    Zombieland
    Zookeeper

    Edited & Directed by

    Fabrice Mathieu

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  Fabrice Mathieu sur Vimeo

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  Fabrice Mathieu : « Moon Shining » (Mai 2019)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  Fabrice Mathieu : « Raiders of the Lost Darth » (2018)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  Fabrice Mathieu : « Darth by Darthwest » (2017)

     

     

     

  • Pierre Soulages fêtait ses cent ans le 24 décembre

     

     

    Pierre Soulages, un des plus grands artistes vivants, fêtait ses cent ans le 24 décembre 2019. Retour sur 80 ans de création, des brous de noix de ses premières oeuvres à l’Outrenoir, en passant par les fameux vitraux de l’abbatiale de Conques.

     

    Pierre Soulages fêtait donc son centième anniversaire ce mardi 24 décembre. Et le père de l’Outrenoir travaille toujours. Trois des œuvres exposées dans le cadre prestigieux de l’exposition-hommage du Louvre, qui a débuté le 11 décembre, ont d’ailleurs été peintes en 2019. Retour sur plus de 80 ans de carrière du plus grand artiste français vivant.

     

    « Enfant, je préférais tremper mes pinceaux dans l’encre noire plutôt que d’employer des couleurs. On m’a raconté que je faisais de grands traits noirs sur le papier, j’aurais répondu que je faisais de la neige », racontait Pierre Soulages en 2009, lors de la rétrospective organisée par le Centre Pompidou pour ses 90 ans. Il rendait ainsi le blanc du papier plus blanc en mettant du noir…

     

    Pierre Soulages a toujours aimé le noir : « Ce fut la couleur de mes vêtements dès que j’ai pu les choisir. Ma mère était outrée. Elle me disait : ‘Tu veux déjà porter mon deuil ? » », racontait-il à l’AFP en février dernier. Et c’est aussi en noir qu’il s’est marié en 1942 avec Colette, dont il partage la vie depuis 77 ans. En 1979, Pierre Soulages a commencé à ne mettre que du noir sur ses toiles, inventant ce qu’il a appelé l’Outrenoir, un autre « champ mental que le noir ».

     

     

     

    Le choc de Conques

    Pierre Soulages est né en 1919 à Rodez, dans l’Aveyron. Son père, un carrossier qui fabrique des charrettes, meurt alors qu’il n’a que sept ans. Il est élevé par sa mère et sa sœur plus âgée que lui. Enfant, il s’évade en fréquentant les artisans de son quartier. Il en gardera un goût pour les outils, utilisant des pinceaux de peintre en bâtiment ou fabriquant lui-même ses instruments.

    Lors d’un voyage de classe, il visite l’abbatiale romane de Conques (dont il créera les vitraux, bien des années plus tard), un choc esthétique qui décidera de sa carrière : « C’est (…) là, je peux le dire, que tout jeune, j’ai décidé que l’art serait la chose la plus importante de ma vie », disait-il dans un entretien à la Bibliothèque Nationale de France en 2001.

    Il peint régulièrement à partir de 1934 et monte à 18 ans à Paris pour préparer le concours de l’Ecole des Beaux-Arts. Il est admis mais il trouve l’enseignement médiocre et décide de retourner à Rodez.

    La période de la guerre est mouvementée : il est mobilisé en juin 1940, démobilisé début 1941, il étudie à l’Ecole des Beaux-Arts de Montpellier, puis travaille dans un vignoble sous une fausse identité pour échapper au travail obligatoire en Allemagne.

     

     

     

    Soulages, ce n’est pas que le noir

    La carrière de peintre de Pierre Soulages commence réellement quand il s’installe à Courbevoie, en banlieue parisienne, avec Colette, en 1946. D’emblée, ses œuvres sont abstraites. Il combine d’épaisses lignes verticales, horizontales, obliques, comme des idéogrammes. Il peint sur papier avec du brou de noix, sur des verres cassés avec du goudron.

    Au-delà de Conques, il a été impressionné par l’art pariétal, dans lequel il puise ses couleurs. Des couleurs sourdes, de l’ocre au noir en passant par le rouge ou des bruns plus ou moins intenses. Pierre Soulages a employé le brou de noix, le goudron, le noir de fumée, le noir d’ivoire, toutes matières organiques qui réfèrent à l’art de la préhistoire, aux premiers signes tracés à l’aide d’un morceau de charbon de bois dans l’obscurité des grottes. La peinture de Pierre Soulages dialogue avec la Peinture elle-même…

    A partir de 1951, Soulages pratique aussi la gravure, sur plaques de cuivre. Ses estampes de petite taille utilisent toutes ces couleurs, en contraste avec le noir. Il réalise plus tard des lithographies où il utilise des couleurs plus vives, rouge vermillon, jaune vif, bleu. Puis des sérigraphies (c’est une sérigraphie de Soulages qui est d’ailleurs utilisée pour l’affiche du festival d’Avignon en 1996). Sur papier, il peint des gouaches où il introduit des bleus intenses et lumineux.

    Dans ses peintures des années 1950-1970, il fait contraster des formes noires avec des fonds colorés, puis il fait apparaître les couleurs du fond en raclant le noir. Ou bien il fait contraster le noir avec le blanc.

     

     

     

    L’outrenoir : le noir et la lumière

    C’est en 1979 que Pierre Soulages invente le mythique Outrenoir et ces toiles, pour lesquelles il est le plus connu, où il n’utilise que le noir. En 2009, lors de la rétrospective du Centre Pompidou, il expliquait à l’historien de l’art Hans-Ulrich Obrist que l’Outrenoir est né alors qu’il était en train de « rater une toile. Un grand barbouillis noir ». Déçu par le résultat, il est allé dormir. « Au réveil, je suis allé voir la toile », racontait-il. « Et j’ai vu que ce n’était plus le noir qui faisait vivre la toile mais le reflet de la lumière sur les surfaces noires. Sur les zones striées, la lumière vibrait, et sur les zones plates tout était calme ». Un nouvel espace s’ouvre, pour lui, devant la toile : « La lumière vient du tableau vers moi, je suis dans le tableau ».

     

    « Pour ne pas limiter ces peintures à un phénomène optique, j’ai inventé le mot Outrenoir, au-delà du noir, une lumière transmutée par le noir et, comme Outre-Rhin et Outre-Manche désignent un autre pays, Outrenoir désigne aussi un autre pays, un autre champ mental que celui du simple noir. » (Pierre Soulages)

     

    Il se met alors à jouer avec la matière de la peinture noire qu’il travaille avec des outils, créant du relief, la rendant luisante ou mate. Dessus, la lumière produit des changements de couleur. D’une toile en trois panneaux (Peinture 222 x 449 cm, 30 septembre 1983) qu’il avait observée chez lui à Sète, près de la Méditerranée, et qu’il présentait au Centre Pompidou en 2009, Pierre Soulages a dit : « Certains matins, elle est gris argent. A d’autres moments, captant les reflets de la mer, elle est bleue. A d’autres heures, elle prend des tons de brun cuivré (…). Un jour, je l’ai même vue verte : il y avait eu un orage et un coup de soleil sur les arbres qui ne sont pas loin de là ».

     

     

     

    Voir Soulages, de Conques à Rodez

    Les vitraux de l’abbatiale de Conques, une commande publique, sont une des grandes œuvres de Pierre Soulages. Elles lui ont demandé sept ans de travail, entre 1987 et 1994. Pour les 104 verrières, il a imaginé un verre particulier, créé avec le maître-verrier Jean-Dominique Fleury. Il utilise l’opacité et la transparence qu’il a réparties pour faire varier les intensités lumineuses en fonction de l’heure du jour : cela a donné des effets de couleurs inattendus. Des lignes fluides, obliques, légèrement courbes, courent sur le verre.

    Un autre lieu qu’il faut visiter absolument pour rencontrer Soulages, c’est le musée qui lui est consacré dans sa ville natale et qui possède le plus important ensemble de ses oeuvres. Le Musée Soulages de Rodez a ouvert ses portes en mai 2014. L’artiste en a accepté l’idée à condition qu’il soit ouvert à d’autres artistes. Il a fait une donation de 500 pièces au musée, dont de nombreuses gravures, des gouaches, des encres, des brous de noix, des huiles sur toile et tous les travaux liés à la création des vitraux de Conques (notamment les cartons). Il y a ajouté quatorze peintures dont un Outrenoir de 1986.

    Pour ses cent ans, le Louvre rend hommage à Pierre Soulages en exposant dans le Salon Carré une sélection d’une vingtaine d’œuvres couvrant toute sa carrière, prêtées par les grands musées du monde (du 11 décembre 2019 au 9 mars 2020). Le Centre Pompidou expose également une sélection de 14 des 25 œuvres de l’artiste conservées dans sa collection, dont sept provenant du legs de Pierrette Bloch jamais encore montrées au Centre. Le Musée Fabre de Montpellier, qui possède une collection importante de Soulages, lui rend aussi hommage avec un parcours enrichi de nouvelles oeuvres, dont des prêts.

     

    Source : France Info Culture

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Soulages, derrière le noir, la quête de la lumière

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Soulages, quand la matière devient lumière

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Le Siècle Soulages à Rodez

     

     

     

  • « Starouarz », ou comment Disney a transformé l’héritage de Lucas en un gros sac de Chamallows

     

     

    Si l’on osait la comparaison, l’empire de Mickey serait un gros globule blanc. Disney qui, depuis le rachat de Pixar en 2006, n’a de cesse que de phagocyter tout ce qu’il acquiert, nivelle tout ce qui devient sa propriété, pour proposer ensuite des produits de contrefaçon juste bons à servir eux-mêmes d’outils de communication, avec comme objectif ultime d’écouler du produit dérivé à la tonne.

     

    C’est d’ailleurs la même bonne vieille recette qui est utilisée depuis toujours par Disney pour ses parcs d’attractions, où pour cinq minutes de fun (je ne compte pas l’heure de queue avant…), vous êtes obligés de passer deux heures dans un supermarché de jouets et goodies, posé là, sur votre chemin vers la sortie, dans le seul but de vous faire les poches un maximum et d’engraisser toujours un peu plus toute cette cynique entreprise.

    Walt Disney n’a plus rien à dire, si tant est qu’il eut par le passé déjà quelque chose d’intéressant à raconter. Ou alors il y a bien longtemps… Car il est vrai que ce parangon de l’animation de long métrage, dite de prestige, s’est finalement fait rattraper par des concurrents bien plus pertinents, au début des années 80, comme Don Bluth, dissident et ancien collaborateur émérite de la souris gloutonne, très vite disparu après juste une poignée de films d’animation qui ne rapportèrent pas assez d’argent.

    Mais c’est surtout au Japon, avec le Studio Ghibli, le pendant asiatique de Disney, d’une richesse thématique inouïe, chez qui poésie, lyrisme et messages emplissent le moindre celluloïd, que les limites du géant américain se révèleront au grand jour. Miyasaki va élargir la brèche et oser rivaliser avec malice avec Disney, en nous proposant des films inoubliables.

     

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    C’est pourtant bien avant cela qu’il faut pour le muridé vorace (terme encyclopédique pour désigner une souris, bande d’incultes…) trouver d’autres paysages à envahir pour redéfinir son image. Bref, se repositionner pour ne plus jamais perdre la main. Des cerveaux se sont mis à réfléchir…

    Dès les années 50, Mickey se lance dans le long métrage live, avec des propositions toujours aussi niaiseuses, qui rencontrent cependant un relatif succès, surtout sur son continent d’origine. Mais il faudra attendre 1964, avec le triomphe de « Mary Poppins », pour prétendre au succès mondial, en jonglant sur les deux médiums. Rester roi de l’animation tout en devenant le roi du cinéma de divertissement familial, avec des œuvres techniquement ébouriffantes et jamais vues.

    En essayant de sortir un peu de son carcan guimauve et familial, la firme de l’oncle Picsou va ainsi traverser une période assez longue et douloureuse, s’essayant à ses propres films d’animation originaux, comme « Taram et Le Chaudron Magique » et surtout en live avec « The Black Hole » en 1979, qui tente de surfer sur le succès mondial d’un fameux « Star Wars » (tiens tiens…). Le film est un énorme bide et ébranle même sérieusement tout l’édifice de fromage entassé depuis la création de Disney en 1923.

    Car le Trou Noir arrive trop tard et même si sa direction artistique semble intéressante, toute l’entreprise pèse trois tonnes. C’est un gros truc balourd et statique venu d’un autre temps. Et Disney est complètement à côté de la plaque… « Star Wars » a révolutionné le genre, en proposant, en plus des vaisseaux spatiaux et des robots, la vitesse et en introduisant dans ces récits technologiques de l’aventure et du serial. Quant à George Lucas, il a su mélanger avec brio différents thèmes et histoires pour retranscrire à un moment charnière ce que les gens rêvaient de voir sans l’espérer.

     

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    Inutile de préciser que Mickey l’a mauvaise… Mickey est revanchard. Et Mickey est tout rouge… Soit, si l’empire aux grande oreilles, coloré, sucré et souriant en apparence, ne peut prétendre à surprendre et cartonner avec ses propres créations, alors il rachètera un après l’autre tous ceux qui pourraient devenir des concurrents et surtout constituer des mannes en devenir ; des créateurs de légendes, en somme. Là où pour l’instant la souris cupide n’avait su que dépoussiérer les contes d’Andersen, des frères Grimm ou d’autres écrivains européens oubliés, il lui faut désormais s’approprier de vraies mythologies Yankee, celles dans lesquelles le peuple américain se reconnaîtra sûrement. Mickey, totalement mégalomane, veut devenir le maître du monde…

    Robert (dit Bob) Iger, le nouveau PDG de The Walt Disney Company depuis 2005, lance alors une implacable offensive. Et Disney va désormais dévorer tous ceux qui pourraient faire de l’ombre à la petite souris… A commencer par Pixar en 2006, puis Marvel Studios en 2009 ; toute son écurie de super-héros (ou presque) en fait d’ailleurs les frais. Mais il faudra attendre 2019 pour que la souris obèse croque également l’indéboulonnable Twenty Century Fox, et puisse user jusqu’à la corde la franchise des X-Men, préservée jusqu’à ce funeste jour dans le giron des célèbres studios. Ne reste finalement plus que Spiderman, toujours chez Sony-Colombia, que les Japonais ne veulent pas offrir en pâture au rongeur ogre (tiens tiens (bis)…).

     

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    Mais c’est sans doute avec la vente de LucasFilm que le choc sera le plus retentissant. Abandonnant son bébé, George Lucas, homme d’affaire avisé avant d’être le visionnaire que l’on veut naïvement croire, devait bien savoir que sa lointaine galaxie allait échoir dans des mains peu scrupuleuses. Mais Lucas traîne son enfant depuis 1977, connaissant un inégal succès, certes, mais surtout beaucoup de déconvenues, de cris et de larmes chez l’entité monstrueuse qu’il a créée sans le faire exprès et dont il a totalement perdu le contrôle, à la merci d’un public fanatisé qui voit en « Star Wars » sa nouvelle religion. Ainsi, pour échapper à diverses fatwas et reprendre une vie normale, loin du tumulte de la foule haineuse qui a élevé la saga au rang de finalité de vie, Lucas accepte de vendre le package et ses emmerdes avec.

    Pourtant, en signant le contrat en 2012 pour la modique somme de 4,05 milliards de dollars, notre George préféré reçoit encore de la part de ses acheteurs toutes les scrupuleuses attentions relatives à la ligne éditoriale des prochains opus, des séries pour la télé et autres histoires issues de la célèbre saga. Même les ébauches de scénarios pour d’éventuelles suites, soit les futurs épisodes VII, VIII et IX, déjà plus ou moins couchées sur le papier par Lucas, sont fournies dans le cadre du rachat, ainsi que Kathleen Kennedy, déjà présidente de LucasFilm. Tous les cadres de la souris enragée et revancharde jurent sur leurs mères et leurs enfants réunis, ainsi que sur la tête de Tata Rachel, que « Star Wars » sera respecté, aimé et qu’il ne lui sera jamais fait aucun mal.

    Huit années plus tard… Dans une galaxie pas très lointaine, en Californie précisément, « Star Wars » est aujourd’hui dans le bien piètre état qu’on lui connaît. Non seulement les pontes de Disney n’en ont eu strictement rien à fou… faire de ce que Lucas souhaitait pour la suite de ces aventures spatiales et intersidérales, mais de surcroît, ils ont fait exactement ce que l’on pouvait redouter. A savoir « Marveliser », ripoliner notre saga préférée, la rendre tiédasse à souhait. Bref, « Star Wars » est devenu « Les Cochons Dans L’Espaaaaaaaace »…

    Inutile de revenir sur le piteux épisode VII et son manque flagrant d’audace et de nouveauté, tout ce contre quoi Lucas s’était toujours battu. En produisant des « Star Wars », le réalisateur du mythique « American Graffiti » voulait, à chaque nouvel opus, repousser les limites techniques et offrir des spectacles toujours plus novateurs. Même si George Lucas n’a jamais été un génial réalisateur ou même un éminent scénariste, reste qu’il faut tout de même lui concéder un indéniable talent de conteur, de mixeur brillant, pour faire se télescoper des concepts et des images inédites. Mais là, c’est la douche froide… Non seulement « L’Eveil de la Force » ne propose rien de nouveau mais cet épisode VII se paye en plus le luxe de réchauffer au micro-ondes des pans entiers de l’épisode IV, « Un Nouvel Espoir ».

    On sait ensuite comment la gestion de cette nouvelle histoire et de ses personnages va être malmenée dans l’épisode VIII, où le nouveau réalisateur ne semble pas s’être spécialement intéressé aux fondations de cette nouvelle trilogie. Cependant, même si « Les Derniers Jedi » divise (et c’est un euphémisme), il faut quand même reconnaître à Rian Johnson son sens de l’ampleur et une certaine ambition de cinéma, qui font depuis toujours cruellement défaut chez J.J. Abrams. « Les Derniers Jedi », à défaut d’être cohérent avec la mythologie « Star Wars », propose, essaye, tente des pistes. Le film et son réalisateur deviennent pourtant, après Eric Zemmour, ce qu’il y a de pire au monde…

     

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    Et force est de constater que tout cela fleure bon l’amateurisme général et cette façon désinvolte de traiter par dessus la jambe un tel monstre de l’inconscient collectif. Les histoires paraissent écrites au fur et à mesure, sans qu’il n’y ait de réelle vue d’ensemble. Le réalisateur Colin Trevorrow, censé boucler l’ultime épisode, est remercié et remplacé au pied levé par ce cher J.J. Abrams (encore…), qui réécrit finalement toute l’histoire. On est bien là en train de parler de « Star Wars », hein !! Pas de « Plus Belle La Vie », entre l’épisode 450, 451 et 452. Ok ??

    Alors en attendant cet ultime épisode IX qui va sortir dans quelques jours, on nous promet depuis plusieurs mois, à grand renfort de bandes-annonces, de teasers, spots TV en pagaille, de théories de geeks, d’images et d’interviews de tel ou tel intervenant, tous plus rassurants les uns que les autres, que cette fois-ci, ça y est, ça va être fou et que l’on va tous faire « sploutch » dans nos slips ou « sprooch » dans celui des filles…

    Mais le petit souci, en fait, c’est que depuis l’épisode VII, ni l’histoire, ni ses enjeux, ni ses méchants, ni rien d’ailleurs, n’offre un quelconque intérêt, une éventuelle surprise. « Bon les gars, notre méchant a été tué dans l’épisode VIII… Il nous reste quand même encore un épisode à torcher. Il nous faut un autre méchant… Bon, des idées ? Plait-il, J.J. ? faire revenir l’empereur ? Mais il n’était pas mort ? Quoi ? tu t’occupes de tout ? N’oublie pas que tu n’as que deux mois pour ficeler un scénario… Ca ira quand même ? Ok, cool, yeap ! »

     

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    Alors oui, c’est par réflexe Pavlovien que l’on va courir comme des sots encore cette fois-ci, parce qu’on se dit : « Eh, Starouarz quand même ! ». Effectivement, il y eut bien un petit miracle avec « Rogue One », le premier crossover, soit un épisode qui ne rentre pas dans la série officielle, mais qui s’y raccroche quand même pour combler certains trous laissés ça et là… Le film, tout en étant plaisant, offrait un autre aspect de l’univers, moins édulcoré et plus sombre, plus mélancolique. Quant à « Solo », le film conçu justement autour du personnage de Han Solo… Ce fut non seulement une purge mais de surcroît un énorme bide au box office mondial (ouf). On pensait que cela allait faire réfléchir un peu tous les zombies aux commandes et à la manœuvre ? Que nenni…

    La mini-série appelée « The Mandalorian » est également un infâme brouet fan-service, avec en prime toutes les peluches kro-kro mignonnes vues dans les films de la série. Avec cette impression qu’à chaque nouvel épisode (beeen oui, parce que le gros fan de Starouarz, même s’il critique, ne manque pas un seul épisode, tellement hypnotisé qu’il est…), le producteur de ce programme a en fait placé des caméras dans la chambre de son fils, qui joue à la « Guerre des Etoiles » avec toutes ses figurines et ses vaisseaux. Et on grossit à peine le trait, tant le scénario s’avère être à peu près de ce niveau-là…

    Alors, pour ce qui est de « L’Ascension de Skywalker », que souhaiter ? Comme le dirait Georges Abitbol dans « La Classe Américaine » : « Ce flim n’est pas un flim sur le cyclisme… ». Car ces nouveaux Star Wars ne sont pas des films, comme ils n’ont finalement rien à voir avec le cinéma. Ils ne tentent rien, ne proposent rien, n’essayent rien. C’est le degré zéro de l’invention. Ce que Disney veut avant toute chose, tel un nouvel empire qui souhaite transformer le monde à son image, c’est que personne ne bronche. Il veut juste servir au public ce qu’il attend. Ne surtout pas le brusquer, ni l’étonner. Oh non, surtout pas l’étonner !

    Starouarz, ce sont ces Chipsters chimiques qui proposent encore et encore de nouveaux goûts, de nouvelles saveurs, oignon, barbecue, fromage, etc… mais qui restent de vulgaires Chipsters, car c’est tout ce qu’on leur demande, après tout, dans ce monde Disneyien…

     

     

     

  • Rick Owens : Collection Aztec Printemps-Eté 2020

     

     

    En septembre 2019, Rick Owens nous présentait la collection Aztec, dans le cadre prestigieux du Palais de Tokyo à Paris. Pour sa collection printemps-été 2020, le créateur américain s’est inspiré de ses origines nord-américaines, avec pour sources d’inspiration trois thèmes forts et dans le feu de l’actualité de l’époque : sa mère d’origine mexicaine, l’actrice Maria Félix et le débat qui fait rage au sujet du mur à la frontière mexicaine.

     

    Comme la saison dernière, lorsque le créateur avait littéralement mit le feu à l’esplanade du Palais de Tokyo, Rick Owens récidive en nous présentant une nouvelle collection aussi impressionnante que sa mise en scène. Des mannequins à l’allure étrange, signature de la marque, défilent dans des robes démesurées, des vestes aux épaules XXL et des vêtements extra-larges. La géométrie quasi-parfaite des vêtements subjugue. L’ensemble de la collection est presque architectural. Le show est puissant, envoûtant, presque effrayant, mais, une fois encore, réussi.

    Ici, ni podium ni tapis rouge. Seul le cadre brut des marches du Palais de Tokyo habille le défilé du maître. Un bassin est aménagé spécialement pour l’occasion, alimenté par une série d’énormes tuyaux qui y déversent une eau à l’éclat particulier. Pour ouvrir le show, de la fumée s’échappe des fameux tuyaux avant qu’un cortège en robe noire ne marche au bord de la piscine, brandissant de longs mâts. Les modèles plongent leurs piques dans l’eau, se soulevant et se séparant en rythme, afin de produire une joyeuse cacophonie visuelle de bulles. Éphémères et implacables, flottantes et glissantes, elles fournissent un fond éthéré mais doux au décor général.

     

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    Les modèles arborent des coiffes pharaoniques, science-fictionnelles et rétro-futuristes, évoluant au beau milieu des tours environnantes, évocation en noir & blanc des plus poétiques du « Metropolis » de Fritz Lang, vite démentie par les tableaux suivants, beaucoup plus colorés. Owens convoque ses origines mexicaines, par sa mère, et fait bien évidemment référence aux problèmes frontaliers actuels dans son pays natal, aux États-Unis, qui rendront désormais plus difficile une éventuelle visite à sa famille qui vit encore plus au Sud, de l’autre côté du mur. Face au discours officiel prônant la construction d’enceintes, le renforcement des frontières et le repli des Etats-Unis sur eux-mêmes, Rick Owens, Américain vivant et travaillant en Europe, lui oppose avec son show cette réponse naturelle, afin d’y honorer ses racines.

    Car les créations d’Owens, ornées de paillettes, d’or, de motifs multicolores, de cuir verni, de pastels et de fleurs sculpturales, à la fois explosives et festives, constituent toujours un retour aux sources, avec des lignes pures et extrêmes. Cette collection nous fait ainsi naviguer entre peur sacrificielle et fascination païenne, entre passé et futur, entre les pyramides de l’Egypte ancienne, les temples aztèques et certains personnages directement tirés d’un épisode de Star Wars… Rick Owens y célèbre la femme universelle, de la Reine de Saba à Cléopâtre.

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 14 : Entretien avec Amin Maalouf

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Bien des événements emblématiques de notre époque, de la chute du mur de Berlin à l’écroulement des tours du World Trade Center, partent ainsi du même point : 1979. Une année où sont survenus des bouleversements tels qu’on en subit encore les conséquences, soutient l’écrivain Amin Maalouf.

     

    En 1979, le monde est ébranlé par deux événements majeurs : la révolution iranienne, qui va propulser l’ayatollah Khomeiny au pouvoir, et la révolution conservatrice au Royaume-Uni, marquée par l’élection de Margaret Thatcher. Ces révolutions enclenchent ce qu’Amin Maalouf, écrivain franco-libanais, qualifie de « grand retournement » et dont nous subissons toujours les secousses. Dans son tout dernier essai, « Le naufrage des civilisations » (paru cette année chez Grasset), l’auteur de « Léon l’Africain », de « Samarcande » et d’une dizaine d’autres livres (et membre de l’Académie française) écrit que les événements de cette année fatidique ont métamorphosé les sociétés humaines et conduit les civilisations au bord du précipice.

     

    Vous établissez l’année 1979 comme celle marquant le début des dérèglements mondiaux. Pourquoi ?

    Il y a des dates qui deviennent en quelque sorte des marque-pages dans le grand registre du temps, signalant la fin d’un chapitre et le commencement d’un autre. En 1979 se sont mis en place les paramètres politiques et intellectuels qui ont façonné le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui : la montée de l’islamisme radical et, plus généralement, des tensions identitaires ; et la montée d’une nouvelle forme de gestion économique, caractérisée par un reflux des politiques sociales et par une dénonciation de l’« Etat-Providence ». Les deux événements emblématiques de cette évolution sont le triomphe de la révolution iranienne, en février 1979, avec la proclamation par l’ayatollah Khomeiny d’une République islamique ; puis, trois mois plus tard, en mai, au Royaume-Uni, la victoire électorale de Margaret Thatcher et l’avènement de ce qu’elle a appelé sa « révolution conservatrice », qui allait influencer les dirigeants du monde entier.

     

     

     

    Ces deux phénomènes ne sont pas semblables. Pourquoi les relier ?

    Il est vrai qu’il y a d’énormes différences entre les deux événements, entre les deux personnages, comme entre les deux conservatismes. Mais ils ont provoqué, sur l’ensemble de la planète, un « retournement » durable des idées et des attitudes. Leur proximité dans le temps n’était sûrement pas le résultat d’une action concertée, mais elle n’était pas non plus le fruit du hasard. Je parlerai plutôt de « conjonction ». C’est comme si une nouvelle « saison » était arrivée à maturité, et qu’elle faisait éclore ses fleurs en mille endroits à la fois. Ou comme si « l’esprit du temps » était en train de nous signifier la fin d’un cycle, et le commencement d’un autre. Désormais, c’est le conservatisme qui se proclamera révolutionnaire, tandis que les tenants du « progressisme » n’auront plus d’autre but que la conservation des acquis.

     

    Commençons par les turbulences identitaires. Pourquoi frappent-elles surtout le monde arabo-musulman ?

    Dans mon dernier livre, je m’efforce de trouver les raisons pour lesquelles ma région natale, le Proche-Orient, a connu une dérive identitaire meurtrière. Je ne prétends pas expliquer l’ensemble du phénomène, mais j’essaie d’offrir quelques pistes de réflexion. En partant de ma propre expérience. Je suis né à Beyrouth, et j’ai eu le triste privilège d’assister, en avril 1975, de la fenêtre de mon appartement, au massacre qui fut le déclencheur de la guerre du Liban. À partir de là, la coexistence entre les ressortissants des diverses communautés a été rompue. Jusque-là, elle fonctionnait à peu près, même si elle n’a jamais été idyllique.

     

     

     

     

    Mais le Proche-Orient a été secoué par d’autres événements. Vous montrez du doigt les actions de Nasser, le dirigeant égyptien qui a renversé la monarchie en 1952. N’est-il pas tout à la fois héros et fossoyeur du monde arabe ?

    Nasser arrive à un moment clé de l’histoire de cette région et du monde. Lorsqu’il prend le pouvoir en 1952, il est vu comme un libérateur. Il renverse une monarchie discréditée et redonne aux peuples arabes leur fierté. Il atteint son moment de gloire en 1956 lorsqu’il nationalise le canal de Suez et sort politiquement gagnant de son différend avec la France, le Royaume-Uni et Israël. Il devient un leader de stature mondiale, et une idole pour les foules arabes. Mais sa manière de gouverner se révèle désastreuse. Il nationalise à tour de bras, réprime l’opposition et pousse vers la sortie les communautés dites « égyptianisées » — des centaines de milliers de Grecs, d’Italiens, de Juifs, de Syro-Libanais, de Français, etc. — dont certaines étaient installées dans la vallée du Nil depuis plusieurs générations, voire plusieurs siècles. En 1967, il perd la guerre contre Israël. Et le monde arabe ne s’est jamais relevé de cette défaite.

     

    L’échec de Nasser signe la montée d’une autre force politique déjà bien ancrée dans le monde arabo-musulman, l’islamisme. Et c’est l’Iran de Khomeiny qui va s’en emparer, n’est-ce pas ?

    La révolution khomeiniste de 1979 va effectivement marquer une victoire spectaculaire pour l’islamisme politique et ébranler la civilisation arabo-musulmane. L’Iran, bien que n’étant pas un pays arabe, va se faire le champion des causes que défendait jusque-là le nationalisme arabe, notamment le soutien aux mouvements palestiniens et le combat contre Israël. Les monarchies arabes sont blâmées pour leur faiblesse face aux Occidentaux. L’Iran leur apparaît comme une menace mortelle.

     

     

    Mais d’autres événements vont alimenter l’islamisme ?

    Là encore, 1979 est une année charnière. La révolution iranienne éclate donc en février. En mars, le premier ministre laïque du Pakistan, Ali Bhutto, est exécuté par des militaires prônant l’application de la loi coranique. En juillet, Washington commence à armer les moudjahidines islamistes afghans. En novembre, des militants radicaux prennent d’assaut la grande mosquée de La Mecque et ébranlent le pouvoir saoudien, ce qui le pousse à se durcir considérablement. Enfin, en décembre, l’Union soviétique envahit l’Afghanistan, ce qui déclenche une mobilisation sans précédent dans le monde arabo-musulman, et précipite la défaite du communisme.

     

    Et nous vivons toujours les effets de cet ébranlement ?

    Bien des moments emblématiques qui ont façonné notre époque, de la chute du mur de Berlin en 1989 à l’écroulement des tours jumelles de Manhattan en 2001, trouvent effectivement leur origine dans les événements de cette année-là.

     

    L’autre événement clé du grand retournement dont vous parlez est la révolution conservatrice. Vous l’attribuez à Margaret Thatcher. En quoi est-ce important ?

    L’avènement au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979 n’aurait pas eu la même portée s’il ne s’inscrivait pas dans un mouvement profond et ample qui allait dépasser très vite les frontières du Royaume-Uni. Son socle reposait sur le soulèvement des acteurs économiques, et plus généralement des possédants, contre les empiétements de l’État redistributeur des richesses. Cette révolution avait comme programme de diminuer l’intervention du gouvernement dans la vie économique, de limiter les dépenses sociales, d’accorder plus de latitude aux entrepreneurs et de réduire l’influence des syndicats.

     

     

     

    Et cette révolution a rapidement touché la planète entière ?

    Elle s’est révélée, en effet, fort attrayante. Et elle s’est propagée très vite. D’abord vers les États-Unis, avec l’élection de Ronald Reagan en novembre 1980 ; puis vers le reste du monde. Les préceptes de la révolution conservatrice anglo-américaine seront adoptés par de nombreux dirigeants de droite comme de gauche, parfois avec enthousiasme, parfois avec résignation. La révolution conservatrice a mis fin à la « timidité » qu’éprouvait jusqu’alors la droite dans le débat politique et intellectuel, notamment sur les questions sociales. C’est là une dimension difficile à saisir, mais elle est essentielle pour comprendre le bouleversement qui s’est opéré dans les mentalités, partout dans le monde. La domination qu’exerçaient jusque-là les idées et le vocabulaire de la gauche s’est effritée.

     

    Quels ont été ses résultats ?

    Ils ont été nuancés. Le triomphe d’un capitalisme décomplexé a eu pour effet de libérer des forces économiques puissantes, et de favoriser le décollage des plus grandes nations non occidentales, comme la Chine ou l’Inde. Mais il a accentué les inégalités, au point de créer une petite caste d’hypermilliardaires, chacun d’eux plus riche que des nations entières ; et il a désavantagé de vastes couches de la population, qui se sentent aujourd’hui marginalisées, et même délaissées.

     

    Vous parlez de naufrage des civilisations, alors que le professeur Samuel Huntington, dans son livre phare de 1996, parle de « choc des civilisations ». Y a-t-il une différence ?

    Samuel Huntington a prédit que le monde allait se constituer en sept ou huit blocs, ou « aires de civilisation ». Pourtant, ce qui caractérise l’humanité aujourd’hui, ce n’est pas une tendance à se regrouper au sein de très vastes ensembles, mais une propension au morcellement, au fractionnement, souvent dans la violence. C’est évidemment vrai dans le monde arabe, mais c’est également vrai en Europe, et ailleurs. Partout dans le monde, il y a au sein des sociétés humaines de plus en plus de facteurs qui fragmentent, et de moins en moins de facteurs qui cimentent.

     

    Faut-il donc conclure à l’inexorable naufrage des civilisations ?

    Les années à venir vont très probablement nous apporter des secousses majeures. Mais je reste persuadé que l’on finira par connaître une prise de conscience, et un sursaut. C’est dans cet espoir que j’ai écrit mon livre.

     

     

    Entretien avec Jocelyn Coulon pour L’Actualité (09 octobre 2019)