Catégorie : Culture

  • Coming World Remember Me : Le LandArt au service du souvenir de la première Guerre

     

     

    Belgique, 1918. Une zone de front pendant la guerre entre les lignes allemandes et les positions anglaises. Une colline, The Bluff, vaillamment défendue face à l’ennemi. Et des combats, forcément sanglants et meurtriers. Un No Man’s Land entre deux zones arborées, troué par les explosions de mines et les tunnels. Jonché de cadavres de soldats.

     

    En souvenir de ces hommes ayant combattu sur ces terres durant la première guerre mondiale, s’est montée une impressionnante exposition de LandArt, « Coming World Remember Me », imaginée par Jan Moeyaert, un concepteur de projets artistiques. 600.000 statuettes en argile représentant chacune une vie. C’est le lourd tribu payé par la Belgique pendant ces années sombres. Il aura fallu neuf années pour que le projet se concrétise.

    D’abord, élaborer une liste de noms. Puis trouver autant de volontaires qui, en finançant chacun une statuette, deviendront le grand-père ou la grand-mère d’un de ces soldats, créant ainsi un lien vivant d’affection à travers le temps. Enfin, mobiliser des milliers de volontaires, 170.000 au total, de toutes nationalités (Belges, Français, Australiens, Anglais, Canadiens…)  pour réaliser, dans des ateliers, ces 600.000 figurines en terre cuite, installées ensuite une par une sur le sol par 4.000 volontaires. Une marée humaine recouvrant un ancien no man’s land. La vie là où il n’y avait que mort et souffrance…

    De la plateforme des visiteurs, on peut prendre la mesure de cet immense champ désertique entre deux lignes de forêt. Les centaines de milliers de statuettes permettent de visualiser avec effroi l’ampleur du carnage humain. De cette nature aujourd’hui paisible remontent les cris des soldats blessés et agonisants. Seul un silence respectueux s’impose alors…

    L’artiste Koen Vanmechelen souhaite par cette oeuvre souligner le besoin de commémoration, la nécessité de se souvenir d’où l’on vient pour mieux savoir où l’on va. Se rappeler son passé avant d’envisager un avenir. Une évidence et un outil de Paix pour les générations futures, parfois peu enclines à lire l’histoire. Plus connu pour son approche à la fois artistique et scientifique de la poule, et en particulier pour son projet « The Cosmopolitan Chicken » qui reçut le prix « Ars Electronica » en 2013, d’où la sculpture d’oeuf géant au centre du terrain,  l’artiste de 52 ans est l’un des artistes d’art contemporain les plus prolifiques et les plus en vue en Belgique.

     

    Exposition du 30 mars au 11 novembre 2018

     

     

    [arve url= »https://vimeo.com/255050206″ align= »center » title= »Coming World Remember Me » description= »Coming World Remember Me » maxwidth= »900″ /]

     

    [arve url= »https://vimeo.com/267763636″ align= »center » description= »Coming World Remember Me » maxwidth= »900″ /]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size=« large »] Le Domaine de Palingbeek

    [kleo_icon icon= »link » icon_size=« large »] Coming World Remember Me

     

     

     

  • Klimt en images à l’Atelier des Lumières

     

    Gustav Klimt à l’Atelier des Lumières, c’est la belle expérience insolite à vivre du 13 avril au 11 novembre 2018. Dans une immense salle de 2000m², on se promène dans les plus beaux tableaux du peintre autrichien (oui, bien dans les tableaux et non parmi eux…) au son de valses de Vienne.

     

    A Paris, dans le 11ème arrondissement, il y avait la fonderie du Chemin-Vert créée en 1835 par les frères Plichon, d’anciens maréchaux-ferrants devenus fondeurs pendant la Révolution Industrielle. Soixante personnes y fabriquaient sur plus de 3000 m² des pièces en fonte pour la marine et les chemins de fer. En 1929, la crise et les débuts du plastique ont raison de l’entreprise qui est vendue.

    Bruno Monnier, déjà en charge des Baux de Provence, découvre cet espace incroyable en plein Paris. Quatre ans plus tard, le 13 avril 2018, L’Atelier des Lumières ouvre ses portes. Il se définit comme le premier centre d’Art Numérique de Paris. Et la première exposition est dédiée au peintre autrichien Gustav Klimt (1862-1918), pour le centenaire de sa disparition.

    Même concept, même site internet, comme pour les Carrières de Lumière des Baux, le visiteur est plongé dans une projection des œuvres de l’artiste en plusieurs dimensions : sols, murs mais aussi un bassin d’eau ou une pièce recouverte de miroirs. Il se retrouve ainsi au cœur de l’oeuvre, visualisant les plus petits détails auxquels il n’aurait peut-être pas prêté attention autrement.

     

    « C’est de l’art immersif », explique Michel Couzigou, le directeur de L’Atelier des Lumières. « On utilise 5.000 images numérisées, 140 vidéo-projecteurs et 50 sources sonores, pour que le spectateur se retrouve à l’intérieur de l’image et de l’oeuvre de Gustav Klimt. »

     

    En fond sonore, on peut entendre les œuvres de compositeurs contemporains de Klimt, comme Beethoven, Strauss ou Wagner. L’exposition a déjà attiré 120.000 spectateurs en trois semaines. Malgré le débat lancé par ses détracteurs qui comparent l’Atelier des Lumières à une attraction de Disneyland, il ne désemplit pas…

    La culture intellectualisée réservée aux avertis s’oppose à cette culture accessible à tous, qualifiée de « divertissement ». Si cette exposition s’adresse pour 25 % au public qui ne va jamais au musée, touchant un nombre considérable d’élèves de nos écoles jusqu’au lycée, alors c’est toute la culture en général qui est gagnante.

     

    Gustav Klimt à l’Atelier des Lumières du 13 avril au 11 novembre 2018.
    38 Rue Saint-Maur, 75011 Paris
    Ouvert tous les jours de 10h à 18h, nocturnes les vendredis et samedis jusqu’à 22 heures

     

    [youtube id= »qqwO463JLXc » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [ultimate_google_map width= »100% » height= »300px » map_type= »ROADMAP » lat= »48.861981″ lng= »2.380822″ zoom= »15″ scrollwheel= » » infowindow_open= »infowindow_open_value » marker_icon= »default » streetviewcontrol= »false » maptypecontrol= »false » pancontrol= »false » zoomcontrol= »false » zoomcontrolsize= »SMALL » top_margin= »page_margin_top » map_override= »0″][/ultimate_google_map]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] L’Atelier des Lumières

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Klimt aux Carrières de Lumières

     

     

  • « Images en lutte » aux Beaux-Arts de Paris

     

     

    Affiches, peintures, tracts, films, photos : c’est l’ambiance de Mai 68 qui se trouve ressuscitée aux Beaux-Arts de Paris avec l’exposition « Images en lutte ». Cinquante ans après les faits, replongeons au coeur des événements devant les supports visuels symbolisant le combat de l’extrême gauche en France entre 1968 et 1974.

     

    La création picturale et graphique n’est pas étrangère non plus au combat social en Mai 68… Et c’est ce qu’expriment les affiches, tracts et peintures rassemblés aux Beaux-Arts de Paris. L’exposition « Images en lutte » montre surtout combien fut actif l’Atelier Populaire, installé dans les lieux mêmes occupés par les étudiants et les professeurs cinquante ans plus tôt.

    « Sois jeune et tais-toi », « La Chienlit, c’est lui », « Où Fouchet passe, la pègre pousse », « Retour à la normale », « Il est interdit d’interdire »… Autant de slogans restés gravés dans la mémoire collective, sur des affiches originales placardées sur les murs du Musée des Beaux-Arts de Paris, à l’endroit même où elles ont été réalisées.

     

    « Il est intéressant de noter que la postérité a surtout retenu de ces affiches celles qui sont contre le Général de Gaulle, contre le pouvoir en place. Mais en réalité, quand on regarde l’ensemble de la production, ces affiches sont avant tout des tracts conçus afin d’accompagner des mouvements de grève et d’occupation des usines. » (Eric de Chassey, Commissaire de l’exposition)

     

    Au printemps 68, les étudiants occupent donc leurs écoles, accompagnés d’artistes comme le peintre Gérard Fromanger. A cet « Atelier Populaire », grévistes de tout poil se succédaient pour passer commande.

     

    « Ils venaient à l’atelier et nous disaient où ils étaient, dans quelle ville, dans quelle usine, pourquoi ils faisaient grève, pourquoi ils occupaient, quelles étaient leurs revendications. On en traduisait un mot d’ordre qu’on leur proposait. Et paradoxe de la situation, nous avons finalement été pendant un mois et demi les seules personnes en France qui travaillaient comme des chiens, nuit et jour… On faisait les 3/8 pour composer les affiches ! »

     

    Des affiches réalisées dans la nuit grâce à une technique d’impression simple par pochoir, la sérigraphie, très populaire à l’ère du Pop Art et d’Andy Warhol.

     

    « C’est dans l’urgence qu’expriment ces affiches que se trouve leur beauté ; dans la manière dont des artistes concentrent tous leurs efforts dans un moment relativement bref pour parvenir finalement à être le plus juste possible. »

     

    De la première à la dernière, ces oeuvres d’art ne sont pas signées, et le nom des artistes s’efface au profit de la cause collective. Un message fort et simple qui trouve encore son public aujourd’hui.

     

    « Images en lutte », c’est jusqu’au 20 mai au Palais des Beaux-Arts à Paris

     

     

     

     

  • Guernica sans Guernica

     

     

    L’exposition « Guernica » ouvrait ses portes mardi 27 mars au musée Picasso à Paris. Seule particularité de l’événement, et non des moindres, le chef d’œuvre éponyme de Picasso est resté dans son musée à Madrid, qu’il ne quitte d’ailleurs jamais.

     

    « Guernica sans Guernica », c’est ainsi qu’aurait pu s’intituler l’exposition exceptionnelle du Musée Picasso à Paris, qui ouvrait ses portes le mardi 27 mars, et dont le parcours tente de faire oublier le tableau désespérément absent. « C’est le grand défi de ce projet », explique le directeur du musée, Laurent Le Bon. « On pensait voir Guernica, et au fond on en voit dix. C’est-à-dire qu’on assiste au processus créatif de cette oeuvre unique, à sa réception, à son rapport à l’art contemporain et à sa genèse extraordinaire, grâce à un ensemble exceptionnel d’études jamais prêtées auparavant », explique-t-il.

    L’exposition « Guernica » raconte donc l’histoire de cette icône de l’art moderne que Pablo Picasso a peinte entre le 1er mai et le 4 juin 1937, après le bombardement de la petite ville basque par les aviations nazie et fasciste. L’artiste y dénonce un massacre de civils, et pour créer cette œuvre monumentale qui sera présentée dans le cadre du pavillon espagnol de l’exposition internationale de Paris de 1937, il a réalisé une quarantaine d’études préalables. On en découvre ici dix, dont la toute première composition datant du 1er mai 1937.

     

    De l’extérieur à l’intérieur…

     

    « On est déjà devant une composition pyramidale, indique Émilia Philippot, la commissaire associée de l’exposition. Avec les principaux personnages de Guernica : le taureau, le cheval, le soldat mort allongé au premier plan et la figure porteuse de lumière qui sort de la fenêtre en haut à droite, et qui vient éclairer la scène ». Émilia Philippot précise que « dans cette étude, on est absolument dans une scène d’extérieur, on voit bien les toits des maisons et au fur et à mesure du travail de Picasso, on va passer de l’extérieur à l’intérieur. »

    Les photos prises par Dora Maar, la compagne de Picasso, projetées dans une des salles, éclairent également le processus créatif de Guernica. Après sa réalisation, le tableau va jouer un rôle central dans l’œuvre du peintre, qui s’en inspire notamment pour sa série de « La femme qui pleure ».

     

    Des créations contemporaines

     

    Guernica, qui n’a rejoint l’Espagne qu’en 1981, au retour de la démocratie, est devenu le symbole de la lutte contre la barbarie. Le chef d’œuvre de Picasso a beaucoup inspiré les artistes, comme le montrent les créations contemporaines présentées dans le cadre de l’exposition, en particulier celle de Damien Deroubaix.

    « C’est un bois gravé monumental à l’échelle de Guernica, dans lequel Damien de Roubaix vient reprendre assez fidèlement la toile et les différents motifs, décrit la commissaire associée de l »exposition. Il nous montre bien tout ce travail d’incision, ce travail de la matière qui permet de restituer aussi dans le détail l’arrière-fond, avec notamment ce motif de l’oiseau sur la table. Et on voit ainsi comment les personnages se détachent en blanc sur noir. »

    Spectaculaire, cette œuvre à la présence salutaire atténue l’absence de la toile de Picasso.

    L’exposition Guernica est à voir à Paris au Musée Picasso jusqu’au 29 juillet.

     

     

     

     

  • Cinquante ans après leur création, les Shadoks pompent toujours

     

     

    Les Shadoks ont 50 ans ! C’est en 1968 qu’apparaissaient pour la première fois à la télévision française ces drôles d’oiseaux créés par Jacques Rouxel. Leur style, leur univers décalé et leur humour absurde sont au cœur d’une exposition au musée Tomi Ungerer, à Strasbourg, jusqu’au 08 juillet 2018. Instant City vous propose de découvrir ou de redécouvrir cette série télévisée OVNI.

     

    Les Shadoks, la fameuse série télévisée d’animation imaginée par Jacques Rouxel en 1968 donne lieu à une exposition au Musée Tomi Ungerer, à Strasbourg. Par leur humour surréaliste et absurde, ces drôles d’oiseaux obsédés par la construction de machines infernales qui ne fonctionnent jamais et immortalisés par la voix de Claude Piéplu ont révolutionné le dessin animé.

     

    [youtube id= »ct2HY9pcfrI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Il y a cinquante ans, donc, débarquaient sur le petit écran les aventures cosmiques des Shadoks. Vous vous souvenez ? Ces oiseaux pas très futés, aux ailes minuscules, qui ont pour ennemis jurés les intelligents Gibis qui s’amusent toute la journée. De la Cour des Shadoks à Paris aux côtés du réalisateur Thierry Dejean au Musée Tomi Ungerer à Strasbourg, avec la commissaire d’exposition Thérèse Willer, nous reparcourons ensemble le phénomène « Shadoks », véritable révolution pour toute une génération.

     

    « Au tout début, l’émission fit scandale. Les gens écrivaient en masse pour se plaindre, arguant entre autres choses que c’était une honte d’avoir à payer la redevance pour voir des programmes aussi stupides. » (Thierry Dejean, réalisateur et auteur du livre « Les Shadoks de Jacques Rouxel » paru aux Editions Hoëbeke)

     

    « Outre l’idiotie du sujet, les dessins sont vraiment en dessous de tout. La technique y est vraiment ramenée à sa plus simple expression. J’espère pour vous que seul le manque de crédits en est la cause. » (lettre de protestation lue par Jean Yanne en février 1969 dans le cadre de la chronique télévisée « Les Français écrivent aux Shadoks »)

     

    [youtube id= »fzUF9aM6BE0″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    « A l’époque, il se disait communément que les Shadoks avaient partagé la France en deux et que c’était la nouvelle bataille d’Hernani, opposant éternellement les modernes et les classiques, ou encore qu’ils avaient contribué au déclenchement des événements de mai 68. » (Thierry Dejean)

     

    Les secousses cosmiques des Shadoks interviennent tous les soirs à la télévision française, à une heure de grande écoute. Et c’est la voix mythique de Claude Piéplu, narrateur de la série, qui rythme ce rendez-vous quotidien. En 1993, à l’occasion des 25 ans de la première diffusion des Shadoks, Michel Field interroge Jacques Rouxel et Claude Piéplu dans Le Cercle de Minuit :

     

    [youtube id= »ZAeQeM0IX3s » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Le véritable créateur des Shadoks, c’est donc Jacques Rouxel. Il se présente au Service de la Recherche de l’ORTF, son projet sous le bras, avec le désir d’adapter à la télévision le principe des comic strips, ces courtes bandes dessinées en général composées de quatre à six cases disposées horizontalement, que l’on pouvait trouver à la fin des quotidiens de l’époque. Jacques Rouxel est non seulement le concepteur des Shadoks, mais il en est aussi l’auteur, tant du scénario que des textes et du dessin. Son style graphique est épuré, minimaliste. Un rond, un triangle, deux lignes suffisent à figurer un Shadok. Cette utilisation des formes géométriques témoigne ainsi de la forte influence de la peinture moderne chez Rouxel.

     

     

    Parmi ses sources d’inspiration, on trouve pêle-mêle un tableau très célèbre de Paul Klee s’intitulant « La Machine à Gazouiller » peint en 1922 et exposé au MoMa à New York, dans lequel on peut reconnaitre la forme caractéristique des Shadoks, jusqu’aux dessins d’un illustrateur célèbre de l’époque, Saul Steinberg, qui a fait beaucoup de couvertures pour le NewYorker.

     

     

    Les cartoons de Saul Steinberg étaient extrêmement connus pour la sobriété de leur ligne, ce que l’on appelait le « One Line Drawing ». Et Jacques Rouxel s’est aussi très certainement souvenu des « Trois Brigands » de Tomi Ungerer pour concevoir ses Shadoks.

     

     

     

    Au delà des influences graphiques, les Shadoks suivent la vague des expérimentations sonores de l’époque. Robert Cohen-Solal compose la bande son du programme, avec comme influence majeure Pierre Schaeffer, en charge à l’époque du Service de la Recherche de l’ORTF et considéré comme l’inventeur de la musique concrete.

     

    « La Musique Concrète, ce sont les premiers samples, bien-sûr, mais aussi les premières expériences d’enregistrement de sons provenant du quotidien, et qui sont rejoués et retravaillés à l’aide d’instruments électro-acoustiques. » (Thierry Dejean)

     

     

    Cette inventivité dans les formes artistiques s’accompagne d’une réflexion sur la méthode de travail. Chaque saison des Shadoks comporte 52 épisodes, pour quatre saisons au total. Cela signifie beaucoup de Shadoks à dessiner, et un rythme effréné à suivre en terme de production, puisque l’émission sera diffusée chaque soir entre 1968 et 1973.

     

    « La première saison des Shadoks sera réalisée grâce à une machine ingénieuse dénommée l’animographe, inventée par Jean Dejoux, chercheur à la RTF. Cet appareil avait été conçu à l’origine pour réaliser des dessins animés, mais il obligeait les animateurs à travailler sur un format très petit. On disait d’ailleurs à l’époque qu’il était inconcevable de faire du Walt Disney avec l’animographe. Face au manque cruel de budget à la télévision française, la série des Shadoks fut donc créée avec très peu de moyens. Cette machine permettait ainsi de faire du dessin animé à moindre coût. »

     

    Dans les Shadoks, on peut voir une critique acerbe du travail. Les personnages passaient leur existence entière à pomper… pour rien. Y est abordé aussi le thème de l’absurdité de la condition humaine : pourquoi doit-on se tuer à travailler alors qu’on est condamné à mourir ? Tout ça dans le contexte de mai 68, les Shadoks nous renvoient aux slogans de l’époque : « ne perdez pas votre vie à la gagner » ou encore « ne travaillez jamais ». Les Shadoks étaient donc définitivement dans l’air du temps.

     

    « Pour moi, Les Shadoks, c’était un peu ma madeleine de Proust, avec la sensation que ce programme était un moment de liberté que la télévision nous offrait, à nous, enfants. Alors qu’au départ, Les Shadoks s’adressaient aux adultes et étaient d’ailleurs diffusés à un moment de la journée qui leur était plutôt réservé… »

     

    Pendant toute la période de diffusion des épisodes des Shadoks, Jacques Rouxel recevra ainsi une abondante correspondance d’enfants qui lui témoigneront leur reconnaissance et leur soutien…

     

    [youtube id= »tpD0Pdr7oD0& » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Les Shadoks Fan Page

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Les Shadoks à l’Ina

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Fresques Ina

     

     

     

  • Nathaniel Rateliff & The Night Sweats, entre tristesse et jubilation

     

     

    L’Américain Nathaniel Rateliff et son groupe, The Night Sweats, viennent de sortir « Tearing At The Seams », un album dans lequel la musique sert une forme de lâcher prise. Ils seront en concert au Trianon à Paris le 9 avril.

     

    Il n’y a qu’à voir Nathaniel Rateliff, bonhomme imposant, autant que sa barbe, entouré de ses Night Sweats sur scène : l’expérience est intense. Alors, pour ce deuxième album, l’idée était de retranscrire cette énergie indescriptible et inhérente au live sur les douze pistes d’un disque creusé en une semaine dans le désert du Nouveau-Mexique.

     

    « C’est une façon de rassembler, notre soul, en quelque sorte. On joue la plupart des titres en direct, dans la même pièce, et j’ai le sentiment que ça apporte un côté plus authentique. Et puis, c’est ce que nous faisons sur la route depuis trois ans. Je voulais que notre entente sur scène, en tant que musiciens, se retrouve sur l’enregistrement. Nous sommes quasiment comme des frères. C’est bon pour le groupe qu’on se soucie les uns des autres. »

     

    La soul, le blues, la country, peut importe l’étiquette, pourvu que le groupe serve une musique débordante, jubilatoire, mais pas que… Car selon le bassiste des Night Sweats, et meilleur ami de Nathaniel Rateliff, Joseph Pope : « la juxtaposition entre la tristesse et la jubilation, c’est ce qui fait la vie. Vous ne pouvez pas être uniquement heureux ». Il faut avoir vécu bien des choses pour chanter de cette façon, il faut aussi avoir en tête de divertir le public, assommé par une époque très peu souvent joyeuse, notamment aux Etats-Unis.

     

    « Avoir un public nous donne une responsabilité. Non pas que nous soyons un groupe politique, mais on veut rassembler tout le monde, et dire que oui, nous vivons une période sombre, mais essayons de voir tout ce qui nous rassemble, et pas ce qui nous sépare. »

     

    On pense aux génies de Stax Records, label qui accueille Nathaniel Rateliff en son sein, on pense au Delta du Mississippi, propre à transformer les galères en musique de joie. On pense surtout que la soul authentique survivra encore longtemps, tant qu’il y aura d’aussi bons disques pour l’entretenir.

     

    Nathaniel Rateliff & The Night Sweats, « Tearing At The Seams » (Stax Records/Caroline). Album disponible.

     

    [youtube id= »TFuzPO1rURU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • « Dada Africa », confrontation étonnante au Musée de l’Orangerie

     

     

    Une confrontation étonnante au Musée de l’Orangerie, entre les artistes dadaïstes qui dès la guerre de 14 rejettent les valeurs traditionnelles et d’autre part les oeuvres africaines, amérindiennes et asiatiques.

     

    L’exposition « Dada Africa » nous fait ainsi voyager du monde de Tristan Tzara et Francis Picabia à celui des masques et des statues d’Afrique ou du Japon.

     

    Zurich, 1916. Le mouvement artistique le plus rugissant du 20ème siècle vient de naître : Dada. Sur la scène du célèbre Cabaret Voltaire, en réaction à la grande boucherie de la première guerre mondiale, des artistes vont faire voler en éclats toutes les règles de l’art moderne, avant de faire tache d’huile à Berlin, Paris et même New York. Pour bousculer les vieilles valeurs bourgeoises européennes, ils décident de puiser à de nouvelles sources extra-occidentales, et c’est ce que nous raconte la très belle exposition au Musée de l’Orangerie à Paris.

     

     

    « Les Dadaïstes vont créer ensemble un mouvement artistique qui va être fondé à la fois sur la poésie, la danse, le chant ou la pratique plastique. Un brassage des arts qui fera la richesse de ce mouvement Dada et qui constituera un grand vent de liberté soufflant sur la création de l’époque. » (Cécile Girardeau, Conservatrice au Musée de l’Orangerie)

     

    Explication de ce grand métissage Dada en trois exemples… En commençant comme il se doit en 1916 avec l’artiste et collectionneur roumain Tristan Tzara.

     

     

    « Tristan Tzara adoptera une véritable démarche de chercheur, écumant les bibliothèques pour retrouver des revues d’ethnographie et des sources de récits à la fois africains, mais aussi océaniens, ou encore pour retranscrire de la poésie Maori. » (Cécile Girardeau)

     

    Deuxième exemple avec l’artiste plasticienne berlinoise Hannah Höch, l’une des pionnières de la technique du photo-montage au milieu des années 20.

     

     

    « Hannah Höch va s’intéresser particulièrement à l’aspect plus féministe des choses, en découpant dans des magazines de mode féminins des parties du corps de la femme, comme des jambes portant jupe et talons, qu’elle va adjoindre à de nombreux autres éléments complètement hétéroclites, tels que masque africain, buste égyptien ou tête à moustache. » (Cécile Girardeau)

     

    Figure hybride, chargée d’un message politique fort, Hannah Höch démonte les stéréotypes, quels qu’ils soient, du racisme au machisme, en passant par le poids de la société sur l’individu, et définit ce que doit être cet individu au sein de cette société. La leçon des Dadas, c’est que l’on peut tout être…

     

    Troisième exemple avec les costumes de la plasticienne et danseuse suisse Sophie Taeuber-Arp créés en 1922.

     

     

    « Sophie Taeuber-Arp était passionnée par ce que l’on nomme les arts appliqués, qu’elle considérait comme des arts sans hiérarchie, contrairement au sytème des Beaux-Arts traditionnels. Le mouvement Dada a d’ailleurs beaucoup oeuvré à décloisonner ces « Beaux-Arts » » (Cécile Girardeau)

     

    Sophie Taeuber-Arp est donc allée fouiller du côté des traditions amérindiennes. On retrouve dans son travail une fascination pour une tribu bien particulière, les Hopis et ses objets rituels prénommés les poupées Kachinas. Ce sont des objets de petite taille et très colorés. La plasticienne s’inspirera ainsi des motifs de ces poupées pour réaliser des dessins et des costumes. Passionnée par la mise en scène du corps, Sophie Taeuber-Arp se produira régulièrement sur la scène du Cabaret Voltaire.

     

    « Dada ose tout, Dada renverse tout », à la fois pour rechercher d’autres sources d’inspiration que les hiérarchies occidentales traditionnelles, pour se libérer, pour se révolter, mais aussi pour retrouver ce qu’est vraiment l’homme.

     

    A découvrir au Musée de l’Orangerie jusqu’au 19 février 2018.

     

     

  • Dada Africa au Musée de l’Orangerie jusqu’au 19 février 2018

     

     

    Instant City étant une plateforme de collaboration artistique, comment aurions-nous pu passer à côté de l’exposition « Dada Africa » au Musée de l’Orangerie à Paris, jusqu’au 19 février 2018 ?

     

    Fil rouge de cette exposition, comme d’ailleurs un des principes fondateurs du mouvement Dada né au coeur de la 1ère guerre mondiale, le besoin des artistes de l’époque de repousser les frontières de leur art en recherchant des « collaborations » avec les civilisations africaines, océaniennes ou amérindiennes, comme conséquence immédiate d’un sentiment profond de lassitude et du rejet des valeurs traditionnelles des sociétés occidentales, celles-là même qui ont précipité le monde dans la guerre.

    Leur regard se pose ainsi sur ces civilisations définies comme « barbares ou sauvages » par l’Occident, mais force est de constater qu’elles aussi, malgré leurs différences, peuvent fonctionner tout autant et constituer une alternative intéressante aux conventions académiques que s’imposent les artistes occidentaux. L’art devient ici plus une attitude qu’une simple recherche de beauté, avec des artistes qui souhaitent se découvrir, voire se redécouvrir, dans le cadre d’un échange avec des peuples dont le regard sur la vie répond à des codes différents.

    La scénographie de « Dada Africa » se veut ludique, en nous donnant à voir des oeuvres éclectiques qui rendent cette notion d’échange accessible. De part la variété des oeuvres et des formats exposés, des sculptures aux peintures, en passant par la mise en scène ou les films, même les enfants y trouvent leur compte et leur curiosité est vite titillée.

    La collaboration devient ainsi un prétexte, moins pour mettre en avant l’artiste et son travail que pour ouvrir l’esprit et repousser la crainte de l’être inconnu. Dans le contexte international actuel, où l’individualisme et la performance trônent en but ultime de nos sociétés modernes, cette ouverture d’esprit s’avère des plus précieuses, en nous donnant la force, la sagesse et l’impulsion, quand l’échange de regard crée de nouvelles envies et de saines ambitions. Et même si un Teletubbies orange à la coiffure ridicule a récemment jugé ces peuples comme étant « de merde »…

    Il y a un siècle, seulement et déjà, les artistes Dada investissaient donc toutes les formes d’art, de la peinture à la mode, en passant par la littérature ou la photo, ne se fixant aucune limite et ne s’interdisant rien : « Dada ose tout, Dada renverse tout »

    A découvrir au Musée de l’Orangerie jusqu’au 19 février 2018.

     

    [youtube id= »d0PbpKUix70″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

  • Monsieur Paul est mort

     

     

    « Pape de la gastronomie française », « primat des gueules » ou simplement « Monsieur Paul », le grand chef français Paul Bocuse, infatigable héraut du prestige tricolore et de sa propre renommée, est mort dans son sommeil, samedi 20 janvier à l’âge de 91 ans. Celui qui fut élu « cuisinier du siècle » s’est éteint dans sa célèbre auberge de Collonges-au-Mont-d’Or, près de la capitale des Gaules, a annoncé sa famille. Il était atteint depuis plusieurs années de la maladie de Parkinson.

     

    Paul Bocuse, un nom qui rayonne aux quatre coins de la planète. En près de 50 ans sous les étoiles, ce héros de la gastronomie française a construit un empire autour d’une cuisine de terroir, puisant ses racines dans la simplicité et la générosité. Lorsque Monsieur Paul arrivait en salle pour saluer ses invités, toque haute, veste immaculée bleu blanc rouge, le temps s’arrêtait, plus un murmure. Tous contemplaient avec admiration cette stature imposante et charismatique. L’instant était sacré.

    Aujourd’hui, la première gastronomie au monde, la cuisine française, est donc en deuil. Il n’y a pas une cuisine qui a réouvert ses fourneaux sans un pincement au coeur, tant Paul Bocuse aura marqué de son empreinte la gastronomie mondiale. S’il n’y avait pas eu Monsieur Paul, s’il n’y avait pas eu ce demi-siècle de cuisine et d’excellence à Collonges-au-Mont-d’Or, il n’y aurait pas eu de chefs stars comme on les connait de nos jours. Ces chefs qui ont leur profil Facebook, leur compte Instagram et leurs milliers de fans, et qui lui ont rendu un dernier hommage hier à Lyon. Paul Bocuse a permis à ces chefs de sortir de leur cuisine, en ouvrant sa propre cuisine sur le monde.

    Lorsque vous arriviez chez lui, il y avait cette grande baie vitrée qui vous permettait de voir la brigade. Paul Bocuse a ainsi compris que le client devait voir les cuisines et qu’on ne pouvait plus cacher le chef comme auparavant. Dès lors, on venait manger chez Monsieur Paul pour sa cuisine, certes, mais aussi pour le chef qui officiait aux fourneaux. Et ça, ce fut une véritable révolution.

     

    Et puis, il y a cette histoire incroyable… Depuis le 17ème siècle, chez les Bocuse, de père en fils, on cuisine à Collonges-au-Mont-d’Or, là même où le monde entier est venu, des stars aux gens les plus modestes, qui ont économisé pour s’offrir ce rêve absolu d’aller diner une fois dans leur vie chez Monsieur Paul. 

     

    Tout commence donc à Collonges-au-Mont-d’Or, au bord de la Saône, où plusieurs générations de Bocuse se succèderont aux fourneaux, jusqu’aux grands-parents et aux parents de Paul Bocuse. Monsieur Paul fera ensuite son apprentissage au Col de la Luère, chez la célèbre Mère Brazier, la toute première chef trois-étoiles, qui lui dit un jour : « Toi, si tu es venu jusqu’ici sur ton petit vélo, c’est que tu es un gars courageux. Je t’embauche. ». Mais son père spirituel fut définitivement Fernand Point, propriétaire du restaurant « La Pyramide » à Vienne et maître incontesté de la gastronomie française de l’époque. Chez Fernand Point, Paul Bocuse se révélera et cela marquera le début de sa carrière.

    En 1956, Monsieur Paul reprend donc l’affaire paternelle, l’Auberge du Pont de Collonges et sa fameuse « Salle de la Cheminée », dont le sol sera foulé par tous les grands de ce monde, de Brigitte Bardot à Jacques Chirac, en passant par Miles Davis ou François Mitterrand.

    En 1965, Paul Bocuse sera le précurseur de l’ouverture au monde de la cuisine française en se rendant au Japon, où il inaugurera quelques années plus tard ses premiers corners et épiceries fines, et en s’établissant aussi aux Etats-Unis. Son nom restera ainsi associé à toute une lignée de chefs prestigieux, parmi lesquels Jean et Pierre Troisgros, Roger Vergé, Louis Outhier, Charles Barrier, Paul Haeberlin, Michel Guérard, Alain Chapel, Gaston Lenôtre, Raymond Oliver, René Lasser ou encore Pierre Laporte.

    Alors que restera-t-il de Monsieur Paul, pour tous ceux qui l’ont connu ou fréquenté ? Sans conteste sa simplicité, sa sympathie et son humilité. Mais surtout, Paul Bocuse aura été un visionnaire, et à en croire toutes les personnalités mais aussi la foule d’anonymes présentes à ses funérailles hier, la flamme n’est pas près de s’éteindre…

     

     

     

  • Antonin Artaud, la douleur et l’ombre

     

     

    Antonin Artaud a quitté ce monde il y a 70 ans, le 4 mars 1948. Il est, de tous les écrivains français, probablement le plus radical dans son projet de transformer l’écriture littéraire, la scène théâtrale et même l’art cinématographique.

     

    Son œuvre, mais aussi sa vie, témoignent de cette folle entreprise et nous laissent des chefs-d’œuvre inoubliables, tels sa reprise du « Moine » de Lewis, « L’ombilic des limbes » ou encore « Le Théâtre et son Double », traité incontournable sur la scène théâtrale. Ses apparitions sur les écrans de cinéma, comme dans « La passion de Jeanne d’Arc » de Dreyer ou le « Napoléon » d’Abel Gance sont des moments aussi hallucinés qu’hallucinants. La folie, puis la maladie feront de sa fin de vie un cauchemar.

    À lire impérativement « Le Théâtre et son Double », essai dans lequel Antonin Artaud définit  le « théâtre de la cruauté » !

    « Le théâtre, comme la peste, est à l’image de ce carnage, de cette essentielle séparation. Il dénoue des conflits, il dégages des forces, il déclenche des possibilités, et si ces forces et possibilités sont noires, c’est la faute non pas de la peste ou du théâtre, mais de la vie. » (Le Théâtre et son Double, Gallimard 1938)

    « J’ai choisi le domaine de la douleur et de l’ombre comme d’autres celui du rayonnement et de l’entassement de la matière. Je ne travaille pas dans l’étendue d’un domaine quelconque. Je travaille dans l’unique durée. » (L’ombilic des Limbes, 1925)

     

    Source : La Cause Littéraire