Catégorie : Culte

  • Hervé Muller a rejoint son pote Jim…

     

     

    Son nom n’évoquera pas forcément grand chose aux jeunes générations, mais Hervé Muller était l’une des plumes les plus affutées des magazines Best, Actuel ou Rock & Folk, de la fin des années 60 au début des 80′. Il nous quittait le 22 mars 2021, sur la pointe des pieds…

     

    Le journaliste et auteur, né dans l’est de la France et âgé de 72 ans, souffrait depuis les années 80 de fibromyalgie, une maladie rare qui lui occasionnait, entre autres, de terribles troubles du sommeil. Entre la fin des 60’s et celle des 70’s, cet ami intime de Jim Morrison aura collaboré à Best, Actuel, Rock & Folk, Libé et le Matin de Paris.

    Si une de ses vieilles connaissances, une autre légende du journalisme musical, Gérard Bar-David, ne nous avait pas alertés, nous ne l’aurions probablement jamais su… Car cette triste nouvelle, nous aurions dû l’apprendre dans les colonnes de Libération ou de Rock & Folk, deux médias amnésiques qui existent pourtant toujours aujourd’hui, avec lesquels Hervé Muller avait pendant longtemps collaboré et apposé sa fameuse signature au bas de nombreux articles. Hélas, plus personne au sein de ces rédactions ne semble vouloir s’en souvenir…

    Hervé Muller était pourtant un immense rock-critic, même s’il était aussi doté d’un solide caractère de cochon. Fameux journaliste rock à Actuel, Best, Rock & Folk, correspondant aux USA de Libé, auteur à succès et biographe de Jim Morrison, Hervé était un vrai héros du rock, jusqu’à ce que la maladie le rattrape au crépuscule des années 80.

     

     

     

    Au printemps 1971, c’est chez Hervé Muller qu’échoue Jim Morrison une nuit, ramassé ivre mort devant la porte de la Cantine du Circus par un ami du journaliste, Gilles Yepremian. Les deux hommes se lieront d’amitié. Muller consacrera une première biographie au Roi Lézard en 1973, « Jim Morrison, au-delà des Doors », puis nous livrera sa version des faits sur les derniers jours du leader des Doors à Paris, avec « Jim Morrison, mort ou vif », publié en 1991, vingt ans après la disparition de Morrison.

    A la fin des années 70, Hervé Muller assure la rubrique rock du Matin de Paris. Au même moment, après avoir produit le premier album éponyme de Trust en 1979, il devient le manager d’un jeune espoir de la variété-rock hexagonale, du nom de Jean-Patrick Capdevielle. La même année, ce dernier cartonne avec son hit « Quand t’es dans le désert », extrait de son premier 33 tours. Mais au début des années 80, Hervé Muller s’installe à New York et disparaît des écrans-radars. On le retrouve à Paris quinze ans plus tard, en 2006, lorsqu’il témoigne dans un documentaire de Michaëlle Gagnet consacré à Morrison, intitulé « Les derniers jours de Jim Morrison ».

    Son vieux compère Gérard Bar-David lui rendait ainsi un dernier hommage, dans un article intitulé « Le dernier voyage d’Hervé Muller », publié sur son site Gonzo Music le 11 mai 2021 : « Atteint de de fibromyalgie, une maladie rare qui lui occasionnait, entre autres, de terribles troubles du sommeil, il pouvait s’endormir en un clin d’œil, en plein jour, comme s’il tombait en état de léthargie instantanée. Il souffrait également du « Complexe de Diogène », entassant chez lui tout ce qu’il pouvait. Sans doute aussi la solitude devait lui peser. Hervé ne devait pas vraiment supporter l’homme qu’il était devenu.

    Gravement malade, il devait absorber une foultitude de médicaments, dont certains contre l’hypertension artérielle. Or il semblerait que ces derniers temps, il aurait omis de suivre son traitement. Le médecin-légiste a conclu qu’il était décédé d’un arrêt cardiaque. Et aujourd’hui, nous avons enfin pu accompagner Hervé Muller pour son dernier voyage. C’était au Père-Lachaise, juste à côté de là où repose son vieux pote Jim depuis déjà un demi-siècle et, de surcroit, le jour anniversaire de la mort de Bob Marley. Un signe !  Nous sommes le mardi 11 mai 2021… So long Hervé Muller… »

     

     

     

  • Jim Morrison, derniers jours à Paris

     

     

    Fondé en juillet 1965 à Los Angeles, The Doors n’aura existé que huit ans. Huit années et six albums studio enregistrés par la formation originelle, qui ont suffi à faire entrer ses membres dans la légende. D’abord avec des titres emblématiques qui ont jalonné la carrière du groupe, comme « Break On Through » ou « Light My Fire », mais aussi et surtout grâce à son leader, le chanteur Jim Morrison.

     

    Poète maudit, véritable performer, cet artiste charismatique et tourmenté a eu une vie pour le moins tumultueuse, faite d’excès en tout genre. Sa disparition précoce, le 03 juillet 1971 à Paris, a contribué à créer la légende mais a mis un terme à l’une des aventures musicales parmi les plus novatrices du 20ème siècle. The Doors sera finalement dissout en 1973, deux ans après la mort de son chaman. Six ans plus tard, la voix de Jim Morrison sur le titre « The End » contribuera à façonner une autre légende, celle du film de Francis Ford Coppola :  « Apocalypse Now ».

    Lorsqu’il arrive à Paris le 12 mars 1971, Jim Morrison a 27 ans et il semble décidé à tourner définitivement la page de ses années Doors. Condamné par la justice américaine pour son comportement jugé obscène lors de la première date de leur grande tournée américaine, à Miami le 1er mars 1969, après un an et demi d’un procès qui l’aura terriblement éprouvé, il souhaite changer de vie, se réinventer, et surtout laisser derrière lui son pire ennemi : l’alcool. Gilles Yepremian a fréquenté le chanteur à l’époque, après l’avoir recueilli un soir, ivre mort. « Le rock le fatiguait. Il s’autodétruisait à petit feu, pour casser cette image de rock star qui lui collait à la peau ».

     

     

     

    « A 27 ans, je suis trop vieux pour être chanteur de rock… »

    Jim Morrison, très affecté par les disparitions récentes de Brian Jones, Janis Joplin ou Jimi Hendrix, n’a plus goût à rien, à part pour la poésie, mais qui ne parvient cependant pas à lui rendre un semblant d’équilibre et de sérénité. Sam Bernett dirigeait alors le Rock’n’Roll Circus, une boîte à la mode, dont l’ex-leader des Doors devint un client assidu. « C’était un garçon dont le comportement pouvait changer du tout au tout en l’espace d’une minute. Il pouvait être agréable, adorable, de bonne compagnie et de bonne conversation, mais le problème, c’est qu’il buvait énormément, et dès lors qu’il avait dépassé la limite, il devenait vite insupportable et ingérable ».

    Le Rock’n’Roll Circus, cette discothèque parisienne où se retrouvaient les célébrités du moment, en ce début des années 70. De nombreuses anecdotes racontent les nuits sulfureuses durant lesquelles se croisait toute la faune d’artistes aux tenues excentriques, de Michel Polnareff à Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, venus s’encanailler avec les mauvais garçons, les dealers et les groupies accrochées aux pattes d’eph’ de Keith Richards, Mick Jagger ou Jimi Hendrix.

     

    « Pourquoi je bois ? Pour pouvoir écrire de la poésie… »

    A Paris, Jim Morrison chine chez les bouquinistes, sur les quais de Seine. Lui qui veut devenir poète, il lit beaucoup et aime s’asseoir durant des heures sur un banc, place des Vosges, pour écrire ce qui ne restera que l’ébauche de son oeuvre littéraire. « Il dit qu’il veut mener les adolescents au-delà de l’odyssée juvénile traditionnelle. Il veut leur faire atteindre le champ symbolique de l’inconscient, dans le cadre d’un projet à la fois culturel et poétique. » (Hervé Luxardo, historien, Université Paris III Sorbonne).

     

    « Jim Morrison est mort, mais son corps bouge encore. » (Le Figaro, juillet 1971)

    Mais dans la nuit du 2 au 3 juillet 1971, le corps sans vie de Jim Morrison est retrouvé à Paris, dans la baignoire de l’appartement qu’il occupe avec sa compagne Pamela Courson, au 3ème étage du 17/19 Rue Beautreillis, dans le quartier du Marais. Ce décès aux circonstances mystérieuses ne sera rendu public que quelques jours plus tard par ses amis Agnès Varda et Alain Ronay, qui organiseront à la hâte ses obsèques au Père Lachaise, auxquelles n’assisteront d’ailleurs que cinq personnes. Arrêt cardiaque ? Overdose ? Suicide ? Complot de la CIA ? Étrangement, la police n’ordonne aucune autopsie, suscitant des interrogations qui n’en finiront plus, dès lors, de nourrir le mythe du chanteur poète au destin tragique.

    Avec cette mort brutale, Jim Morrison rejoint le Club des 27, constitué de ces icônes libertaires, parmi lesquelles Janis Joplin, Brian Jones, Jimi Hendrix ou Robert Johnson, toutes foudroyées à 27 ans, et qui se seront, chacune à leur manière, brûlé les ailes dans un combat perdu d’avance contre leurs démons intérieurs. En 1970, il ironisait, en déclarant à qui voulait bien l’entendre : « Vous êtes en train de boire avec le numéro 4 », comme pour conjurer le sort. Ou pas…

     

     

     

    Entre espoir et dérive, en éclairant les circonstances de la disparition du Roi Lézard et ses zones d’ombre, le documentaire d’Olivier Monssens, « Jim Morrison, derniers jours à Paris », produit en 2021 pour Arte, tente ainsi de percer le mystère de l’homme derrière la légende, et en particulier de celui qu’il était devenu ces derniers mois à Paris, après avoir fui les États-Unis, laissant derrière lui sa panoplie de rock star.

    Dans cet exil volontaire, le génie tourmenté balance entre espoirs d’une nouvelle vie auprès de ses héros littéraires, Rimbaud en tête, et errance autodestructrice dans un Paris où la contreculture commence à flirter avec l’héroïne. Enrichie de nombreuses archives, une enquête sur un cold case, doublée d’un portrait brossé par ceux qui l’ont connu pour, peut-être, refermer le dossier Morrison, un demi-siècle après sa mort. Entre portrait documenté et investigation, un retour sur les derniers mois du chanteur des Doors, Jim Morrison, dont la mort brutale et mystérieuse à Paris en juillet 1971 n’a cessé de nourrir le mythe.

    A checker également l’ouvrage « Jim Morrison, mort ou vif » publié en juin 1991 par le chroniqueur Hervé Muller, qui nous a quittés en mars 2021. On lui doit d’ailleurs certains des tout derniers clichés de Morrison saisis à Paris, parmi lesquels la photo à la une de cet article… So long, Mr Muller.

     

    Quand je jette un regard en arrière sur ma vie
    Je suis frappé par des cartes postales
    Instantanées, détériorés,
    Posters fanés d’un temps qui m’échappe…

     

    Documentaire d’Olivier Monssens (France, 2021, 52 mn)

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    Documentaire de Michel Dailloux (France, 2006, 50 mn)

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  • Comment le titre de Phil Collins « In the Air Tonight » a influencé Michael Mann, le réalisateur de « Miami Vice »

     

     

    Il y a 40 ans, le 09 janvier 1981 précisément, sortait le titre « In The Air Tonight », premier extrait de l’album « Face Value » de Phil Collins. Ce morceau constituera la première incartade en solo du batteur / chanteur, suite à sa prise de distance avec Genesis deux ans plus tôt, et marquera le début d’une carrière très prolifique. A tous ceux qui avaient entre 15 et 20 ans en 1981, cette chanson parle forcément et rappelle quelques souvenirs gravés à jamais dans leur mémoire, entre slows langoureux et échanges de salive interminables…

     

    Dans « In The Air Tonight », Phil Collins exprime toute la colère ressentie suite au divorce d’avec sa première femme, Andrea Bertorelli. On y trouve ainsi des paroles d’une violence rare, telles que « If you told me you were drowning, I would not lend a hand » (« si tu me disais que tu te noyais, je ne te tendrais même pas la main »). Le chanteur dut d’ailleurs se justifier plus tard, en expliquant que la noyade à laquelle il faisait allusion était purement symbolique.

    « In The Air Tonight » devint le titre emblématique de la carrière de Phil Collins, pour sa production atmosphérique, l’originalité de sa structure, son thème sombre et l’intensité de sa rythmique. Avant qu’il ne sorte en single, Phil Collins proposa le morceau à son groupe de l’époque, Genesis, mais ses acolytes refusèrent de l’intégrer à leur répertoire, jugeant la chanson trop « simple ». Le succès de l’album « Face Value » fut tel qu’il incitera pourtant Genesis à changer ensuite radicalement de direction musicale. Le clip de la chanson, réalisé par Stuart Orme, a été parmi ceux diffusés le premier jour de lancement de MTV en 1984.

    Une légende contemporaine est née autour de cette chanson : les paroles feraient référence à un fait divers, à savoir une noyade accidentelle durant laquelle un proche de la victime ne lui vint pas en aide, tandis que Collins aurait été témoin de la scène mais n’aurait pas pu intervenir à temps. Parmi les différentes variations de cette légende urbaine, certaines prétendent que le chanteur aurait invité par la suite cette personne à l’un de ses concerts et l’aurait fixée du regard durant toute la chanson, ou bien qu’un projecteur aurait été braqué sur elle. Eminem fait également référence à « In The Air Tonight » dans son tube « Stan ». Le Stan en question, qui s’adresse dans la chanson à son idole, Eminem lui-même, compare sa situation personnelle à la noyade décrite dans la chanson de Phil Collins.

    Mais quel rapport avec Michael Mann et la série « Miami Vice », me direz-vous ?

     

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    I can feel it coming in the air tonight
    Oh, Lord
    And I’ve been waiting for this moment for all my life
    Oh, Lord
    Oh, Lord…

     

    Le 16 septembre 1984, deux mois après le lancement de la chaîne musicale MTV le 19 juillet de la même année, le premier épisode de la série « Miami Vice » produite par Michael Mann est diffusé sur le réseau NBC. « Miami Vice représentait un changement radical vis-à-vis de tout ce qui était produit pour la télévision à l’époque ». Pour la première fois, une série est construite autour de la musique qui est censée l’habiller. Et pour cause, le cahier des charges qualifie le projet de série « MTV Cops ». C’est ainsi que « Miami Vice » se distingue par sa mise en scène faisant constamment référence à la culture new wave et à la musique des années 1980, avec pour coeur de cible la « Génération MTV ».

     

    « J’ai beaucoup regardé MTV, à l’époque, et « In the Air Tonight » était mon morceau de musique préféré », dit Mann, qui réalisera et produira ensuite quelques monuments du cinéma des années 90, entre « Heat », « The Insider » et « Ali ».

     

    Ça n’est donc pas un hasard si nous retrouvons « In The Air Tonight » dans la playlist du premier jour de diffusion de MTV aux Etats-Unis en juillet 1984, dans le pilote de « Miami Vice » comme dans le tout premier volet de la série, intitulé « Brother’s Keeper », diffusé le 16 septembre 1984 sur NBC… Car Michael Mann conçoit chaque épisode comme un clip vidéo, où la musique est forcément omniprésente. Contrairement aux autres séries de l’époque qui utilisent des réinterprétations de chansons rock, les producteurs de « Deux Flics à Miami » destinent plus de 10.000 dollars par épisode à l’achat des droits d’auteur des tubes de l’époque. Et pour un musicien, pouvoir placer un de ses titres sur la série était immanquablement un gage pour stimuler ses ventes. De nombreux artistes ont ainsi vu une ou plusieurs de leurs chansons habiller des scènes de « Miami Vice ».

    Dans la bande-son de ce premier épisode, outre l’habillage musical du compositeur d’origine tchèque Jan Hammer, également responsable du générique, on retrouve The Rolling Stones, Cyndi Lauper, Lionel Ritchie et Rockwell. Quant au titre de Phil Collins, il illustre magistralement la séquence devenue culte, lorsque Ricardo Tubbs et Sonny Crockett, au volant de sa fameuse Ferrari Daytona Spyder noire, se rendent à un rendez-vous avec le trafiquant de drogue colombien Esteban Calderone. Le non-moins célèbre fill de batterie intervient au moment où Crockett sort d’une cabine téléphonique et monte à bord de la voiture.

     

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    « C’est probablement la séquence-prototype de Miami Vice », déclarait le réalisateur de l’épisode, Thomas Carter, au magazine TIME en 1985, tout en se félicitant d’avoir eu l’idée de génie d’utiliser la chanson de Collins pour cette scène.

     

    Mais parmi les centaines de titres qui furent utilisés dans les 108 épisodes de 52 minutes, ainsi que dans les trois épisodes de 90 minutes, Michael Mann avouera plus tard que c’est vraiment « In The Air Tonight » qui aura le plus collé au rendu visuel souhaité par le producteur. « Cette chanson est tellement bonne, en termes d’ambiance et de mélodie. Elle aura définitivement marqué de sa patte le programme ». Mann a étudié à la London Film School dans les années 60 et il cite souvent en référence « Alexandre Nevski », la composition de Sergei Prokofiev adaptée à l’écran par le réalisateur Sergei Eisenstein, « la plus parfaite collision entre la musique et l’image ».

    Car Mann voulait dès le départ insuffler à la série une sorte de sens hollywoodien du spectacle. « Avec Miami Vice, nous faisions des films d’une heure, pour la télévision ». Et qui dit cinéma et grand écran dit musique et bande-son. C’est ainsi qu’ils adoptèrent une méthodologie différente de ce qui pouvait se pratiquer sur les séries concurrentes de l’époque. Les rushes des épisodes étaient livrés chez Jan Hammer, qui jouait directement sur l’action qui se déroulait à l’écran, sans être dirigé par Michael Mann. Ce dernier n’intervenait ensuite que pour d’éventuels ajustements. Quant au montage final de chaque épisode, il se faisait en fonction de la bande-son, quitte à couper ou à raccourcir certaines scènes pour qu’elles collent parfaitement à la musique.

    A noter également que « Miami Vice » fut la première série-télé a être diffusée en stéréo. Tout ça pour dire, Michael Mann doit beaucoup à la chanson de Phil Collins…

    Pardon ? Comment ça, « In The Air Tonight » n’est pas un slow ?? Mais… Mais je me vois encore, à quinze ans, danser langoureusement sur cette chanson !

     

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  • Ghost in the Shell, quand le cyberpunk du Soleil Levant devient une référence mondiale – Partie 3

     

     

    « Ghost in the Shell » est le titre anglophone d’une œuvre de science-fiction de Masamune Shirow, publiée entre 1989 et 1991, et qui donna lieu par la suite à de nombreuses déclinaisons, le plus souvent réussies. Afin de célébrer dignement le trentième anniversaire de la franchise de cyberpunk nipponne qui a popularisé le genre dans le monde entier, au point de devenir la référence ultime du genre dans la pop-culture de science-fiction, un tour d’horizon de « Ghost in the Shell » ainsi que des thèmes qu’elle aborde s’impose…

     

    Ghost in the Shell: Solid State Society

    Ce téléfilm de 90 minutes datant de 2006 est en fait la suite de la seconde saison, et conclut les sujets mis en suspens lors de la saison précédente.

    On apprend dans ce film dont l’action se déroule en 2034 que le major Motoko Kusanagi a quitté la Section 9 et travaille désormais à son compte. « Solid State Society » relate une nouvelle enquête, entre usurpation d’identités, enlèvement d’enfants et vol de ghosts, impliquant un mystérieux hacker surnommé le Marionnettiste (Puppeteer ou Puppet Master en Anglais). Le major au visage de poupée de porcelaine rejoint finalement la Section 9 dirigée par Togusa, qui travaille sur la même affaire. Le téléfilm « ressuscite au passage les Tachikoma, dont la mémoire avait été sauvegardée (ou quand l’informatique permet des ficelles scénaristiques…).

    Le staff pour ce téléfilm à gros budget est le même que celui des deux saisons de « Stand Alone Complex » et Yōko Kanno en signe de nouveau la bande originale. A noter que les scénaristes profiteront de ce téléfilm pour faire résoudre des intrigues en suspens depuis la deuxième saison par leurs personnages, mais en amenant au passage de nouvelles interrogations et en faisant de nombreux clins-d’œil aux films de Mamoru Oshii.

     

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    Ghost in the Shell: Arise

    Cette série de 2013 se déroule en 2027, et il s’agit en fait d’une préquelle de toutes les saisons qui la précèdent. On y retrouve ainsi une Motoko plus jeune et plus nerveuse. Son physique la fait ressembler à une adulte à peine sortie de l’adolescence, et son caractère est encore « en construction », tout comme son corps cybernétique différent de sa version manga (et par extension de sa version dans « Stand Alone Complex »). Dans une série de cinq OVA d’une heure, on suit les aventures d’une Section 9 tout juste formée par le gouvernement. On assiste dans « Ghost in the Shell: Arise » à la construction progressive des relations entre les divers personnages. Par exemple, les décisions d’Aramaki y sont contestées par ses subordonnés, alors qu’il est au contraire très respecté dans les autres œuvres.

    On note toutefois dans cette série quelques incohérences, comme le fait de voir tous les membres de l’équipe déjà présents depuis un certain temps, voire un temps certain, tandis que Togusa était présenté comme un « bleu » dans « Stand Alone Complex ». De plus, pourquoi donner cet aspect « adolescent » à Motoko, alors que le postulat de base de la saga nous la présente comme une militaire accomplie et que, de surcroît, son passé avait déjà été dévoilé dans « Ghost in the Shell: The Stand Alone Complex, 2nd Gig », où elle avait déjà un corps d’adulte ?

    Pour cette nouvelle saison, le staff est différent, même si c’est toujours Production I.G qui est aux manettes. L’aspect graphique des dessins est toujours aussi bluffant, mais les réflexions métaphysiques sont moins présentes et le récit fait plus place à l’action et aux manœuvres politiques que dans les autres séries. Cela n’empêche cependant pas les morceaux de bravoure, comme l’affrontement entre la Section 9 et une horde de robots lancée à sa poursuite. Côté technologie, on découvre les prédécesseurs des Tachikoma, les Logikoma, de taille beaucoup plus imposante et moins sophistiqués, montrant la progression de la technologie entre les différentes séries.

     

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    Ghost in the Shell: The New Movie

    Ce film fait suite à « Ghost in the Shell: Arise » et tente de réinventer le contexte de la franchise, tout en conservant les fondamentaux, ce qui donne un sentiment de manque de continuité flagrant, même si Production I.G est de nouveau à la tête du projet, avec une animation toujours aussi bluffante.

    Malgré ses qualités graphiques indéniables, cet opus ne convainc pas le public. Motoko et l’équipe ne semblent pas être les mêmes et surtout, on note une rupture nette avec les scénarios aux histoires complexes auxquels « Ghost in the Shell » nous avait toujours habitués.

     

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    Ghost in the Shell, le film Live

    Dans ce nouvel opus-événement de la franchise, l’actrice Scarlett Johansson incarne le Major Kusanagi. Et l’histoire prend délibérément le contre-pied de l’œuvre originale, en nous présentant le Major comme le premier cyborg intégral, avec la volonté affichée de rendre le personnage unique (pour le rendre plus impressionnant ? Ou bien Hollywood serait-il tombé dans le piège du « Special Snowflake » ?), tandis que les cyborgs intégraux pullulent et sont fabriqués en série dans le Manga originel comme dans le film de 1995 ou les différentes séries.

    L’intrigue y est plus simple, voire simpliste, et certaines scènes ne font que reprendre ce que l’on avait déjà vu dans le film d’animation de 1995. Si vous attendez un scénario aussi peu manichéen que dans les séries et les films de Mamoru Oshii, alors passez votre chemin…

    Dans ce long-métrage sorti en 2017, Motoko Kusanagi lutte contre un terroriste qui s’en prend à une société en particulier, car cette dernière, qui avait déjà fabriqué le corps du Major, a ensuite fait du terroriste le premier cyborg intégral. Mais le prototype est raté, contrairement au Major. Notre antagoniste principal a désormais comme objectif sa vengeance, pure et simple, ce qui l’éloigne sensiblement du caractère du Puppet Master du Manga originel, retors et calculateur.

    Malgré cela, on notera une tentative assez maladroite, comparée à l’œuvre d’origine, de faire de notre Major préférée un personnage en quête d’identité. Elle apprendra qu’elle était à l’origine Japonaise (et s’appelait… Motoko Kusanagi), puisque cette fois l’action se déroule à Los Angeles, et que cette identité lui avait été cachée par la société qui en a fait une cyborg, après, bien-sûr, lui avoir lavé le cerveau.

    Et sa quête d’identité ne commence qu’au moment où elle a des flash-backs. Bref, on retombe dans le cliché de la méchante-corporation-qui-manipule-tout-le-monde, et le questionnement de Kusanagi sur son identité et son individualité est rapidement abordé, sans la profondeur du Manga originel, voire du film d’animation de 1995.

    Tout bien considéré, le scénario du film et la recherche d’identité du Major nous renvoient de manière assez évidente à l’intrigue du « Robocop » de Paul Verhoeven, sorti  trente ans plus tôt, en 1987. En effet, Le personnage de Murphy y est cybernétisé par une entreprise (l’OCP), afin de servir dans les forces de police. Mais Murphy finit par partir à la recherche de son identité, après avoir découvert qu’on lui avait lavé le cerveau. Ce qui donne malheureusement au film avec Scarlett Johansson un sentiment de réchauffé désagréable à voir, tant l’oeuvre originelle est peu respectée.

    La version 2017 de « Ghost in The Shell » ne rencontre finalement pas le succès escompté, malgré la présence de la star américaine, et certains n’hésitent pas à dire que pour une œuvre abordant les thèmes de l’âme et de la nature humaine dans un monde hyper-technologique, le film manque justement… cruellement d’âme, en passant à côté du sujet, pour simplifier l’histoire. Ce qui s’avère être l’erreur fatale des studios Paramount et Dreamworks, sachant que c’est la complexité de l’intrigue qui a fait la renommée du film de Mamoru Oshii et du Manga originel, avec une Motoko Kusanagi qui connaissait son identité depuis le début, même si elle doutait souvent d’elle-même. Tout ça passe à la trappe, pour donner ce bien pâle Robocop au féminin…

     

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    Ghost in the Shell SAC_2045, la série Netflix

    C’est la suite directe des séries « Stand Alone Complex » et du téléfilm « Solid State Society ». On y retrouve le même staff à la production, mais le dessin est désormais en 3D et les premières images que nous avons pu voir en 2020 étaient pour le moins décevantes, tant certains des personnages y sont méconnaissables. Les quelques extraits visibles l’année dernière dévoilaient aussi une animation au ralenti, là où la série 2D faisait des merveilles, en termes de fluidité comme de rapidité.

    On a quand même la crainte d’un traitement de cette franchise identique à celui que « Les Chevaliers du Zodiaque » ont subi, avec cet aspect « playmobil » des dessins.

     

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    Conclusion pour un océan de données pas si virtuelles

    Faire un article sur « Ghost in the Shell » est une tâche ardue, tant le contenu des histoires est riche et fouillé (qui a dit fouillis ?). Et il y a tellement à dire que le risque est de  finir par s’y noyer…

    « Ghost in the Shell » puise ainsi dans les poncifs du genre Cyberpunk, tout en y apportant ses propres codes visuels, techniques et narratifs, dans un genre de science-fiction dont l’un des enjeux est de concevoir de l’anticipation dans un futur proche, d’où une très grande maturité dans les thèmes abordés par les différentes adaptations de l’œuvre de Masamune Shirow.

    Mais la franchise-star démontre aussi que l’animation au Japon est désormais un média mûr et adulte, en abordant des sujets qui sont d’habitude propres aux histoires policières et d’espionnage. Car « Ghost in the Shell » ne se cantonne plus à la catégorie « œuvre pour enfants », au vu du sérieux des thèmes abordés. On peut ainsi constater que les fans occidentaux du Manga ont bien intégré cette réalité ; l’animation japonaise est dorénavant capable d’aborder tous les sujets, du plus enfantin au plus mature.

    Pour en revenir à l’œuvre, si dans le Manga originel de Masamune Shirow, l’action se passe dans un futur proche, en 2021, soit trente ans après sa première publication, on devrait à présent plutôt évoquer un futur très proche… Certes, aujourd’hui, on ne croise pas (encore…) dans la rue de cyborgs intégraux comme dans « Ghost in the Shell », la technologie pour greffer un cerveau dans un corps mécanique étant encore science-fictive.

    Il n’en reste pas moins que, d’un point de vue scientifique et technologique, il existe déjà depuis 2012 des prototypes de prothèses mécaniques commandées directement par les nerfs-moteurs des patients. Et la même année, une autre équipe de chercheurs avait réussi à redonner le sens du toucher à un patient amputé, toujours via une prothèse. Tout ça pour dire, ça n’est plus de la science-fiction.

    Aujourd’hui, les deux techniques sont associées pour d’autres prototypes, rendant une partie du corps de nouveau fonctionnelle à la personne équipée, même si le coût de ces prothèses artificielles reste encore prohibitif. Mais il ne serait pas impossible que dans dix ou vingt ans, ce type de prothèses soit de plus en plus répandu. Et c’est ce qui fait du genre Cyberpunk et de « Ghost in the Shell » en particulier des œuvres qui nous interpellent.

    Les mondes qui y sont décrits sont parfois bien proches du nôtre, notamment dans les relations entre entreprises et états, avec des sociétés devenues si puissantes qu’elles affichent un chiffre d’affaires parfois équivalent au PIB d’un état. Et ça, vous en conviendrez, ça n’est déjà plus de la fiction, avec les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple).

    Avec l’évolution actuelle de la technologie et des réseaux d’information, particulièrement omniprésents avec Internet et les smartphones, on peut même se demander si le Web n’évoluera pas pour finir par ressembler au Net de « Ghost in the Shell ». Et on peut également se poser la question suivante : le Cyberpunk est-il un genre visionnaire ou ne fait-il qu’extrapoler, voire de broder sur ce qui existe d’ores-et-déjà ?

    En constatant aujourd’hui la montée en puissance du mouvement transhumaniste, avec comme but ultime, en tout cas pour ses membres les plus extrémistes, de faire fusionner l’Homme et la Machine, on peut revoir « Ghost in the Shell » à l’aune de l’interrogation suivante : quelle est le rapport actuel entre l’Homme et la Machine, ou avec la technologie ? Car c’est bien cette question centrale que pose l’œuvre, en se nourrissant des symboles du passé et des inquiétudes du présent sur l’avenir.

    Certes, il s’agit là d’un avis personnel, de surcroît à 200 % subjectif, mais s’il n’y avait qu’une seule œuvre à recommander dans le genre Cyberpunk, ça serait donc celle-là, tant l’univers décrit nous semble à la fois familier et éloigné. Et je recommanderais à tout fan de science-fiction de regarder la première saison de « Stand Alone Complex ». L’univers de Masamune Shirow y est parfaitement retranscrit par Kamiyama, même s’il y apporte sa propre touche. L’oeuvre du maître a offert au Cyberpunk la référence dont le genre avait besoin pour être connu d’un plus large public, en sortant du cadre strict des seuls fans de SF, et ce grâce à son approche de l’œuvre adaptée pour le petit écran, mêlant enquêtes policières et brigades d’intervention.

    « Ghost in the Shell » est ainsi devenue une œuvre de science-fiction parmi les plus incontournables, en inspirant par exemple les frères Wachowski pour leur trilogie « Matrix », ou en bluffant James Cameron, lui qui ne tarit pas d’éloge lors de la sortie du film de 1995, en qualifiant l’oeuvre de Mamoru Oshii de visionnaire.

    Alors, n’hésitons pas à nous plonger à corps perdu (ou nous replonger) dans l’univers de Masamune Shirow et les aventures de ces cyborgs, dans un monde entre chair et métal, entre traditions du passé et futur incertain, où l’individu se cherche, au coeur du flux de données réelles et informatiques.

     

     

    « Ghost in the Shell, quand le cyberpunk du Soleil Levant devient une référence mondiale », c’est fini… Retrouvez prochainement de nouveaux articles consacrés à l’univers du Manga dans le Magazine Instant City…

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Dans les Episodes Précédents » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Ghost in The Shell, la Saga – Partie 1 

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Ghost in The Shell, la Saga – Partie 2

     

     

     

  • De Gainsbourg à Gainsbarre : seul l’amour est un art

     

     

    Serge Gainsbourg est un monde à lui tout seul, un concept. Une immensité aussi grande que contrastée. C’est un océan puissant, profond et tour à tour sombre, étincelant, élégiaque ou vociférant, en fonction des flux et reflux du temps. Et la lune, maîtresse argentée, l’a souvent brinquebalé, en yo-yo schizophrénique.

     

    Capable de composer des chansons aux mélodies sublimes et aux textes ciselés comme de sorties publiques plus problématiques, Serge Gainsbourg était ce Docteur Jekyll et Mister Hyde soumis à l’astrologie et aux femmes, esclave de son signe zodiacal et de son thème astral. Ses frasques et ses attitudes sont aussi célèbres que ses chansons. Gainsbourg était bélier ascendant poisson, l’eau et le feu. Il a véhiculé, tout au long de ces trente années passées sous les feux de la célébrité, autant de paradoxes, d’excès et de fulgurances, dans le seul but de se construire un personnage de légende ; plus qu’une carrière, une épopée.

     

    « Je t’aime et je crains de m’égarer et je sème des grains de pavot sur le pavé de l’anamour. »

     

    Peintre et romancier avorté, nourri de poésie et de littérature du 19ème siècle, Gainsbourg voue un culte et une obsession à Rimbaud, Musset, Baudelaire, Edgar Alan Poe, et chez les écrivains, à Oscar WildeLe Portrait de Dorian Gray ») ou Benjamin ConstantAdolphe ») ; mais surtout à sa bible absolue, la matrice de toute son œuvre et de ses pulsions, « A Rebours » de Joris-Karl Huysmans. Et c’est ainsi qu’il deviendra ce dandy flamboyant, cynique et passablement méchant, qui jette sur le monde un regard désinvolte.

     

    « Ce mortel ennui qui me vient quand je suis avec toi… »

     

    Vous ne lui trouverez pas d’équivalent créatif et artistique dans le reste du paysage musical et lexical. Sans le savoir, Gainsbourg a su remixer avant l’heure Brahms, Chopin, Beethoven, Schumann, Khatchaturian, Sibelius, Dvořák, pour reprendre ces mélodies appartenant à l’inconscient collectif et leur apporter sa prose et ses humeurs.

    Ce fils de parents juifs russes ayant fui le communisme n’aura jamais autant rendu leurs lettres de noblesse à la langue française comme à ces illustres compositeurs. Et ce qu’il aura raté ou perdu dans la peinture, il le retrouvera dans la musique et la chanson, qu’il appelait pourtant un art mineur.

    Plus encore que ses quelques percées dans la réalisation pour le cinéma ou la publicité, il composera également des musiques de films (« La Horse », « Ce Sacré Grand-Père », « Je T’aime Moi Non Plus », « Mister Freedom », « Slogan », « Cannabis », « Manon 70 »…), en leur apportant une plus-value indéniable, tant en termes de qualité que d’émotion, qui transcenderont les longs-métrages eux-mêmes. Des mélodies, des sonorités à la modernité évidente, qui se dissocient instantanément des images et dont on se souvient encore aujourd’hui, contrairement aux films qu’elles habillèrent…

    De la fin des années 50 jusqu’au début des années 90, le petit Lucien Ginsburg, qui deviendra tour à tour Serge Gainsbourg puis Gainsbarre, en une lente et sinueuse métamorphose, nous aura gratifié d’une œuvre himalayesque. Ce petit garçon juif arborant fièrement son étoile jaune comme on porte une étoile de shérif, sans doute déjà enclin à l’anti-conformisme et avec sa vision du monde toute personnelle, cet enfant malingre aux oreilles décollées, transportera longtemps une pelletée de complexes. Se sachant laid ou pensant l’être, il cultivera toute sa vie un art de la provocation et du bon mot, quitte parfois à être méchant en blessant les autres.

     

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    Telle la petite chenille, il a commencé simple pianiste sous la houlette de Boris Vian, puis s’est déployé comme un papillon noir et or. Son œuvre n’a eu de cesse que de croître, à raison de tubes incontournables et de chansons inoubliables. Il fut toujours à la recherche de collaborateurs rares et talentueux, entre Alain Goraguer pour la patte jazzy, Michel Colombier et l’avènement pop, Jean-Claude Vannier pour les expérimentations psychédéliques ou Jean-Pierre Sabard pour des sons plus « FM ». Autant d’inspirations et de rencontres, pour mieux créer encore et canaliser toute cette passion, ce sacerdoce imposé par une exigence sans limite. Ces arrangeurs ont servi les créations de Gainsbourg comme des écrins et les diamants qu’ils renferment.

    Chaque décennie recèle un ton et évoque un univers bien défini, où Serge surfe allègrement sur les genres et les attentes, pour dépasser aussi les lignes imposées par l’époque. Il ne veut pas simplement se contenter de recracher de petites chansons à succès, bien sages, à l’image d’un Claude François, car son objectif ultime est de sublimer le moment et s’inscrire toujours, à la manière d’un Ronsard, d’un Baudelaire, dans un(e) geste définitif(ve).

    Ces volutes Gitanes, la fragrance Van Cleef & Arpels, cette verve au débit saccadé et narquois, ont séduit les plus belles femmes. Et il en a fait chanter plus d’une… Blondes, brunes, rousses, elles se sont toutes bousculées pour venir roucouler les mots que Gainsbourg leur sculptait sur mesure, tel un Michel-Ange torturé, fougueux et génial. Certaines sont restées plus longtemps que d’autres, avec ce privilège d’être dans l’intimité de l’homme à la Rolls Royce, comme un collier de perles qu’on ne quitte jamais, même pour dormir. Bardot, Gréco, Deneuve, Bambou

    Et puis il eut Jane, à qui l’auteur de « Je t’aime moi non plus » consacra tout un album, « Histoire de Melody Nelson », probablement son chef-d’œuvre. Pour l’ex-épouse du compositeur anglais John Barry, Gainsbourg déploie toute son imagination et écrit ses textes les plus forts, les plus fous, ceux qui donnent l’impression de léviter.

     

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    « Ecoute ma voix, écoute ma prière. Écoute mon cœur qui bat, laisse-toi faire… »

     

    A Jane Birkin, Gainsbourg offre autant de chansons sublimes. Il n’a pas peur de les rendre meilleures, et bien plus encore que celles qu’il se réserve. L’amour rend aveugle. L’amour rend fou. L’amour rend meilleur aussi. Si Serge Gainsbourg ne sait pas dire « je t’aime », parce que tout compte fait, sa pudeur et sa timidité souvent le rongent, il s’emploie par des moyens détournés à déployer sa prose et son lyrisme, pour hurler ses sentiments en des élégies somptueuses et des musiques sophistiquées.

    Il était un poète à fleur de peau qui se cachait derrière la subversion et l’insolence…

    Jane Birkin possède une voix fragile et candide, mais en théorie pas celle conçue pour chanter. Et pourtant, c’est toute l’histoire de la chanson française que cet artiste au physique étrange révolutionne. Les mots collent ici au plus près de la tessiture de la petite Anglaise. Ce sont presque des feulements qui parfois expriment autant de caresses, de désirs et de tristesse. La chanson va devenir intime, tellement proche. Une fois de plus, Gainsbourg étonne, innove. Avec l’élégance dont il s’entoure pourtant et cette manière de ne pas y toucher, il grave tout un répertoire dans le marbre.

    En 1971, sort dans les bacs le nouvel album du propriétaire du 5 bis rue de Verneuil. S’inspirant des riffs langoureux et hypnotiques de Jimi Hendrix, Serge Gainsbourg imagine toute une histoire dans laquelle il décrit un personnage sorti tout droit d’un roman caché de Lewis Caroll. Presque androgyne et encore enfant, Gainsbourg tient la ligne de crête dans ses descriptions, avec des allusions qui aujourd’hui l’enverraient tout droit au tribunal, accusé par nos nouveaux inquisiteurs, serviteurs infatigables de la bien-pensance.

     

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    « Comment tu t’appelles ? Melody ! Melody comment ? Melody Nelson ! Melody Nelson a les cheveux rouges et c’est leur couleur naturelle. »

     

    Tout dans ce nouvel opus n’est que somptuosité et magnificence. Avec cette « Histoire de Melody Nelson », Gainsbourg tutoie les astres. Hélas, ces idiots qui constituent le public de l’époque préfèrent se bâfrer de Mike Brant et autres chanteurs bellâtres du moment. C’est un échec commercial et critique cinglant, avec moins de 18.000 copies vendues. Gainsbourg en gardera longtemps une aigreur et une douleur, tel un ulcère. Mais il va prendre sa revanche, à sa façon.

    Avec « L’Homme à Tête de Chou », qui sort cinq ans plus tard, Gainsbourg réitère pourtant avec le principe de l’album-concept. Ce nouvel opus peut s’écouter comme l’autre versant de celui de 71. Une version plus glauque, plus sordide, de cette Melody, être diaphane et fantastique, devenue désormais une simple humaine prénommée Marilou. Une coiffeuse un peu vulgaire et passablement intéressée, qui rend dingue celui qui est tombé en pâmoison sous ses charmes de shampouineuse. Elle le mènera à sa perte, avant que celui-ci, dans un éclair de lucidité, ne lui fasse la peau en lui fracassant le crâne à coup d’extincteur d’incendie.

     

    « … elle a sur le lino, un dernier soubresaut, une ultime secousse.
    J’appuie sur la manette, le corps de Marilou disparaît sous la mousse… »

     

    Gainsbourg aura tout testé, tout tenté, avec des fortunes diverses, même avec deux albums Reggae et un ultime album Funk, très dispensable.

    Si Serge Gainsbourg, à l’instar d’un Gilbert Bécaud, ne tombera jamais dans l’oubli, c’est parce qu’il était habité par l’amour et sa passion des femmes. C’est ce qui reste et qui vibre à chaque nouvelle écoute de son œuvre. Qu’il les chante ou qu’il les ait fait chanter, chacune d’entre elles nous habite et nous subjugue. De la petite chansonnette (« Le Poinçonneur des Lilas », « L’Ami Caouette ») à la définitive (« 69 Année Erotique », « Je suis venu te dire que je m’en vais »), cette précision du mot, cette musique et ses arrangements, alliés à la désinvolture qui le caractérisait, ne peuvent pas nous faire oublier que ce dandy absolu était d’une ultra et hyper-sensibilité qui lui permettait ainsi de voler au-dessus des contingences et des hommes. Son œuvre polymorphe et précieuse s’enracine dans notre culture. On a chacun une chanson, un air, une phrase, une rime, de celui qui fumait des Gitanes lorsque Dieu, lui, préférait les Havane.

     

    « Sorry angel, sorry so, c’est moi qui t’ai suicidée mon amour, moi qui t’ai ouvert les veines.
    Je sais maintenant tu es avec les anges pour toujours, pour toujours et à jamais. »

     

     

     

  • Daft Punk : Voilà, c’est fini…

     

     

    Une fois de plus, les Daft Punk sont là où on les attend le moins… Tandis que des rumeurs persistantes couraient depuis déjà plus d’un an sur la sortie imminente de leur cinquième album, sept ans après « Random Access Memories », ou encore sur la composition de la musique du prochain long-métrage de Dario Argento, ce lundi 22 février, nous apprenions leur séparation, annoncée laconiquement par le biais d’une vidéo intitulée « Epilogue », publiée sur YouTube.

     

    Comme quoi la vie est parfois étrange… Il y a quelques jours, nous pensions célébrer prochainement les 25 ans de l’album de Daft Punk, « Homework », certes sorti en France le 20 janvier 1997, mais réalisé en 1996. Car avec ce premier Lp du duo français, on parle bien de la pierre philosophale de la French Touch.

    Quelques années après que Laurent Garnier et Erik Rug eurent commencé à faire résonner le son français hors de nos frontières, et que dans leur sillon, d’autres artistes posaient les bases du mouvement au tout début des années 90, de La Funk Mob (Cassius) à Dimitri from Paris, en passant par DJ Yellow, Bob Sinclar, Jack de Marseille, Jérôme Pacman ou Shazz, St Germain publiait son immense « Boulevard » en septembre 1995, Motorbass nous gratifiait de son sublime « Pansoul » en 1996, Etienne de Crécy nous balançait son emblématique « Super Discount » la même année. Ces trois albums essentiels connaissent un succès mondial et sont encensés par la presse internationale.

    Et pendant ce temps… Thomas Bangalter, né à Paris le 03 janvier 1975, et Guy-Manuel de Homem-Christo, né à Neuilly-sur-Seine le 08 février 1974, se rencontraient au Lycée Carnot le 06 juin 1986. En 1992, les deux adolescents fondent Darlin’ avec Laurent Brancowitz, futur guitariste du groupe versaillais Phoenix, en hommage à la chanson des Beach Boys.

     

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    Même si la carrière de Darlin’ est éphémère et confidentielle, le premier et unique single éponyme du groupe inspirera à Dave Jennings, un journaliste du magazine anglais Melody Maker, une critique passablement cinglante, en qualifiant la musique du trio de « daft punky trash », littéralement « déchets de punk idiot ».

     

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    En 1993, reprenant à leur compte la citation du fameux journaliste, Thomas et « Guy-Man » fondent le duo Daft Punk. Quelques mois plus tard, en septembre 93, durant une rave organisée à EuroDisney par le Dj anglais Nicky Holloway, les deux comparses rencontrent Stuart McMillan et Orde Meikle, les patrons du label écossais Soma Quality Recordings et membres du duo techno Slam, qui se produisent également ce soir-là.

     

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    Le lendemain, les deux Slam se rendent chez les parents de Thomas Bangalter, à Montmartre. Ils y écoutent quatre titres, dont trois vont se retrouver sur le Ep « The New Wave », paru chez Soma au printemps 1994. Ce maxi passe relativement inaperçu, mais à défaut du succès escompté, la « techno adolescente française » de Daft Punk retient malgré tout l’attention de quelques journalistes et critiques anglais….

     

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    En revanche, confidentiel, le second single du duo qui sort en mai 1995, toujours chez Soma, ne le restera pas longtemps… Le morceau « Da Funk » (SOMA 025), avec sa basse surpuissante et sa boucle acid entêtante, va marquer les années 1990 et bien au-delà. Le brûlot électro paraît dans la foulée sur la compilation « Soma Quality Recordings – Volume 2 » le 30 octobre 1995.

     

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    Toujours en 1995, tandis que Thomas Bangalter crée son propre label Roulé, avec comme première sortie le fameux « Trax On Da Rocks », « Da Funk » traverse la Manche d’une traite – retour à l’envoyeur – pour atterrir sur la compilation « Future Funk » de Radio Nova. Après un troisième et ultime Ep publié chez Soma, « Indo Silver Club » (SOMA 035), le duo français signe finalement chez Virgin Records en octobre 1996. La révolution est en marche…

     

     

     

    « Que sait-on exactement de Daft Punk, à quelques jours de la sortie de son premier album Homework ? Que ce duo est effrontément jeune. Qu’il est français mais émoustille l’étranger (Angleterre, Etats-Unis) comme peu d’autres avant lui. Que ses membres gardent chacun leur label indépendant tout en ayant signé avec la multinationale Virgin pour leur projet commun. » (David Blot pour Les Inrocks, janvier 1997)

     

    Le 20 janvier 1997, « Homework » sort dans les bacs, et c’est une grosse claque dans la gueule. La Daft Punk Mania déferle sur le monde et rien ne pourra plus l’arrêter. A l’instar du livret intérieur de l’album, qui expose toutes leurs obsessions musicales (du poster de Kiss à l’autocollant d’Andy Gibb, de la pochette de Chic à la carte postale des Beach Boys, en souvenir de leur premier groupe Darlin’), ils révèlent une machine à danser et à penser la musique électronique. Même si le disque divise une partie de la critique, personne n’imagine encore la déflagration, la secousse tellurique qu’« Homework » va produire sur l’échelle de Richter de la planète musicale.

    Comme si les deux compères pressentaient déjà ce qui les attendaient et cherchaient à se protéger de cette tornade qui allait tout embarquer sur son passage, ils se réfugient derrière de simples masques, achetés pour un shooting photo par leur manager Pedro Winter dans un magasin de farces et attrapes. Puis, au fil du temps, le duo travaille son image et crée sa légende. Tandis que les masques deviennent des casques futuristes pour la promotion de leur deuxième album, « Discovery », Thomas Bangalter et Guy Manuel de Homem-Christo s’éloignent des médias pour parfaire leur art de l’absence. Et Daft Punk devient une griffe, une abstraction, un concept…

     

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    Alors voilà, 28 ans de carrière, quatre albums studio, quelques pas de côté et 10 millions de disques plus tard, les Daft Punk se séparent. Et on se dit d’abord un truc du genre « oui, ok, encore un coup de com… ». Et puis, en y réfléchissant bien, on se dit ensuite « 28 ans, quand même… », et peu à peu, les souvenirs reviennent.

     

    Avril 1995, Camden Market à Londres, avec Jojo (Jojo comme Jean-Sebastien Bach…), des affiches fleurissent sur les murs de la ville : Daft Punk Live. Quelques mois plus tard, « Da Funk » commence à tourner sur Nova et ça ne ressemble pas vraiment à ce qu’on a l’habitude d’entendre… Toujours en 1995, on découvre « Trax On Da Rocks » d’un certain Thomas Bangalter, sans faire tout de suite le lien avec Daft Punk.

     

     

     

    Janvier 1997, de retour de soirée au petit matin, chez Jojo (toujours Jojo, comme Jean-Sebastien Bach…)… On déchire le cellophane et on pose « Homework » sur la platine. « Ah ouais, quand même… ». Le 11 avril 2013, la boucle est bouclée. 18 ans presque jour pour jour après avoir découvert pour la première fois le nom de Daft Punk sur une affiche à Londres, un teaser de 1:51 min est diffusé sur l’écran géant du Festival de Coachella, devant un public en fusion. Une semaine plus tard, « Get Lucky » déferle sur les radios et chaînes de Tv du monde entier. Daft Punk rentre dans la légende.

     

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    Et on réalise que les Daft Punk font finalement partie du décor depuis toujours, qu’ils ont participé comme les autres artistes cités au début de cet article aux prémices de la French Touch, mais qu’ils en sont ensuite devenus les véritables accélérateurs. Car sans qu’on s’en rende vraiment compte, ils ont intégré la bande-son de nos trente dernières années, à l’instar d’un Jimi Hendrix ou d’un James Brown, en d’autres temps, et on s’est habitué à ce rythme auquel ils nous ont astreints, entre absence, attente et buzz mondial. En l’espace de 25 ans, ils ont su imposer la musique électronique au monde entier, en écrivant leur partition réglée au cordeau, avec intelligence et détermination, mais sans jamais vendre leur âme ni céder aux sirènes du remix facile. Alors oui, petit pincement au coeur…

     

    « L’underground, c’est un mot con. Si tu veux faire de la musique et que tu veux en vivre, tu ne cherches pas l’underground. Être underground, c’est être inconnu. Le simple fait de vendre cinq mille disques dans le monde, ça suffit à sortir de l’underground. La vraie différence se fait entre ce qui est authentique et ce qui est calibré. » (Thomas Bangalter, interviewé par David Blot pour Les Inrocks, janvier 1997)

     

    Daft Punk : « Epilogue » (1993 – 2021)

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  • Possession : La grande symphonie du mal

     

     

    Le film « Possession » surgit dans les salles de cinéma en 1981, comme le diable derrière la fenêtre, sans que personne n’ait pu se préparer à un tel choc esthétique et visuel. Avec cette œuvre qui sent le soufre, on navigue entre miracle et hérésie. Et c’est avec sidération que l’on contemple comment tout, jusqu’à l’anecdotique, est utilisé et mis en scène. D’abord les personnages, qui deviennent devant la caméra de celui qui est à l’œuvre des pantins dont les fils ont été coupés, mais qui agissent brusquement et sans logique, dans cette nouvelle liberté acquise. Que se passe-t-il alors, lorsque les marionnettes deviennent maîtresses de leurs gestes et de leurs émotions ?

     

    Et celui qui est à l’oeuvre derrière la caméra, justement, le réalisateur polonais de « Possession », Andrzej Zulawski, n’en est pourtant pas à son coup d’essai. À l’instar d’un Maurice Pialat ou d’un Abdellatif Kechiche, le réalisateur de « L’important c’est d’aimer » n’a jamais eu pour habitude de dorloter ses comédiens. Il en attend beaucoup, énormément, jusqu’à la folie. Il est de cette famille de cinéastes qui essorent leurs comédiens. Il en presse ainsi tout le jus pour les laisser, à la fin, exsangues. C’est amusant d’ailleurs, lorsqu’on pense à Sophie Marceau, malmenée par Pialat durant le tournage du film « Police » en 1985, et qui enchaînera la même année avec « L’Amour Braque » de Zulawski, dont elle deviendra en prime la compagne. Comme quoi, qui aime bien, châtie bien…

    Chacun de ses films, Andrej Zulawski les conçoit comme des catharsis, des réceptacles pour ses propres démons, ses obsessions. « Possession » est pensé en réaction à un projet avorté juste avant, le film « Sur le globe d’argent » qu’il achèvera finalement en 1987. Mais ce que Zulawski va accomplir avec « Possession », c’est une forme de monstruosité impensable, innommable, et jamais, avec une œuvre pour le cinéma, on se sera approché aussi près des enfers et de la folie. L’œuvre du romancier H.P. Lovecraft n’aura d’ailleurs à aucun moment été ressentie avec autant d’écho, tant les motifs du film sont dépeints avec exactitude et similarités. Les pires représentations des fameuses abominations exprimées dans les écrits de l’auteur américain, se manifestent ici grâce à des images jumelles et troublantes.

    Même si ce film date de 1981, il n’a en soi jamais perdu de sa superbe méphitique. On peut le voir également comme une extension de « Rosemary’s Baby », « Le Locataire » ou « Répulsion » de Roman Polanski, voire même « Chromosome 3 » de David Cronenberg ; des œuvres immersives où l’on vous plonge dans la psyché des protagonistes, avec la matérialisation physique des pires horreurs qui rôdent dans leurs esprits tourmentés.

     

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    Plus que malaisant, « Possession » est un viol qui ira chercher très loin dans vos chairs ce que vous redoutez le plus. Isabelle Adjani, qui est le choix d’évidence dès le départ, refuse pourtant catégoriquement le projet, qu’elle juge trop sombre, trop dangereux pour elle. C’est Bruno Nuytten, directeur de la photographie, engagé pour nimber le film de cette lumière tour à tour grise, bleutée et orange, et également à l’époque l’époux d’Isabelle Adjani, qui parvient à convaincre l’actrice.

    Rétrospectivement, l’ancienne pensionnaire de la Comédie-Française regrette ce film amèrement. Il en résultera un grand traumatisme et elle fustigera le réalisateur de lui avoir fait sortir des choses qu’elle ne soupçonnait pas. Des choses qu’elle n’aurait jamais voulu connaître…

    En effet, ce qu’Isabelle Adjani déploie pour son rôle relève de la gageure. C’est dans un maelström d’émotion, de sang et d’injures que gicle, qu’éructe le long-métrage jusqu’à nous. La scène d’anthologie dite de la fausse couche dans les couloir du métro berlinois est à ce titre une expérience sensorielle et traumatique inégalée, à ranger sur la même étagère que celle de Romy Schneider dans « Le Vieux Fusil ». Quant à d’autres séquences du film, elles pourraient évoquer « Requiem pour un Massacre » ou encore « L’Exorciste ».

    On peut interpréter ce film fou comme une œuvre politique, du fait déjà du décor dans lequel est plantée l’action (le Berlin d’avant la chute du Mur), avec ses vastes immeubles abandonnés et sinistres. On peut y voir aussi, à la façon de l’auteur de « La Fidélité », un pamphlet sur le mariage et la rupture, à base de couteau ménager électrique et de matérialisation monstrueuse de choses impies, soupirantes et humides. Le parti pris audacieux de cette histoire est de saisir à bras-le-corps la représentation de l’horreur que constitue l’autre, comme ce que Jean-Paul Sartre avait diagnostiqué, mais en pire, en indicible.

     

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    « Une jeune femme enfermée entre les murs d’un Berlin assiégé par les forces du Mal, physiques et obscures, prend pour amant un hippie ridiculement attardé, produit d’elle-même et aime un monstre difforme qui prendra figure de son mari, embourbé et encanaillé dans une politique d’espionnage. Le Bien contre le Mal. Le Mal gagnera, mais la femme et l’homme retrouveront leur amour, tragique, futile et sans usage. Aux dernières images, la guerre éclatera. Il y a toujours une guerre. » (Andrzej Żuławski cité par Jérôme d’Estais dans son livre « Un testament écrit en français »)

     

    Le personnage joué par Adjani entretient donc une relation amoureuse et sexuelle avec une ignoble créature qui se terre dans un appartement, où suintent la moisissure et la putréfaction, avant que celle-ci ne finisse par se muer en un Doppelgänger qui prendra peu à peu la place de son mari (interprété par Sam Neil). Anna aura elle aussi son double, Helen, afin d’exprimer toute une symbolique qui s’imbrique dans la narration et le cheminent tortueux de l’histoire. Un film donc hautement symbolique, où tout s’exprime agressivement, comme une réaction, celui d’un corps qui réagirait à la maladie. Laquelle ? Probablement l’être humain.

    Pour la petite histoire, le concepteur de la créature à tentacules du film, Carlo Rambaldi, réalisera un an plus tard pour Steven Spielberg l’extra-terrestre le plus connu de toute la galaxie. On peut ainsi dire qu’avec la création de cet être messianique venu des étoiles, au long doigt lumineux, le peintre et sculpteur italien se sera ainsi évité un mauvais karma, en ayant donné jour à cet amant impie qui se répand sur Isabelle Adjani.

     

    Film d’auteur horrifique

    « Possession », malgré son ton halluciné et auteurisant, n’en demeure pas moins un vrai film d’horreur. Avec son manque d’humour revendiqué – l’humour qui n’a d’ailleurs jamais été caractéristique du cinéma de Zulawski – l’oeuvre affiche cependant une tonalité burlesque, grotesque, qui nous tétanise. En réaction à son divorce qui l’affecte profondément, le réalisateur de « La Note Bleue » peut se défouler et surréagir à ce qu’il est en train de vivre. Et on peut gager que la séparation à l’écran ne se passera pas dans la douceur et la diplomatie…

    On peut tout à fait ne pas goûter aux sombres et hystériques visions du réalisateur polonais, tout en reconnaissant la maîtrise de son film et ses fulgurances, telles autant de gifles et de coups. « Possession » vient de ressortir en blue ray, bénéficiant d’une restauration méticuleuse de ses images. N’hésitez pas à redécouvrir cette œuvre remastérisée et apprécier un cinéma extrême et totalement libre. Une œuvre douloureuse, difficile, mais rare.

     

     

     

     

  • Ghost in the Shell, quand le cyberpunk du Soleil Levant devient une référence mondiale – Partie 2

     

     

    « Ghost in the Shell » est le titre anglophone d’une œuvre de science-fiction de Masamune Shirow, publiée entre 1989 et 1991, et qui donna lieu par la suite à de nombreuses déclinaisons, le plus souvent réussies. Afin de célébrer dignement le trentième anniversaire de la franchise de cyberpunk nipponne qui a popularisé le genre dans le monde entier, au point de devenir la référence ultime du genre dans la pop-culture de science-fiction, un tour d’horizon de « Ghost in the Shell » ainsi que des thèmes qu’elle aborde s’impose…

     

    Ghost in the Shell, le film d’animation de 1995

    Film d’animation à gros budget pour le Japon à l’époque, il est réalisé, en coproduction avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, par Mamoru Oshii qui avait déjà travaillé sur d’autres longs-métrages d’animation, comme « Patlabor 2 ».

    « Ghost in the Shell » garde l’intrigue principale du manga original sur le Puppet Master et se concentre d’ailleurs uniquement dessus. Pour la petite anecdote, le film a droit à une sortie française en 1996, dans quelques salles, et j’eus la chance de le voir à l’époque. Dès le générique, qui suit une scène d’action correspondant au premier chapitre du manga, on est frappé par le mélange des premières images de synthèse avec un dessin sur celluloïd particulièrement soigné, narrant la construction d’un cyborg, en l’occurence le major Motoko Kusanagi en personne.

    Mais ce n’est pas tout… Le film (et le générique) est servi par une bande-son signée Kenji Kawai, utilisant à la fois des instruments traditionnels (tambours, clochettes) et des chœurs japonais, le tout rehaussé par des instruments modernes, comme le synthétiseur, pour donner une impression de froideur se mélangeant à des chœurs aux voix plus chaudes et plus aiguës, en particulier sur le générique (intitulé « making of cyborg »). Et cette bande-son qui s’avère presque envoûtante se marie parfaitement bien à l’univers Cyberpunk de Masamune Shirow et le sublime, tant l’impression d’un conflit entre le Japon traditionnel et un avenir hyper-technologique transparaît dans le film.

    « Ghost in the Shell » met intelligemment en exergue le questionnement du major sur son individualité et l’importance d’être un individu unique à la personnalité bien définie, dans un monde ultra-connecté par un réseau internet complètement hypertrophié (réalité virtuelle et augmentée). Mais dans les scènes du film, on voit surtout des ruelles étroites et délabrées inspirées par Hong Kong, des musées désaffectés, des personnes aux souvenirs modifiés par le pirate nommé le Puppet Master, donnant l’impression que malgré une haute technologie, une partie du monde se délite sous les yeux cybernétiques des héros. On retrouve d’ailleurs principalement les personnages du major Kusanagi et de Batō, mais aussi de Togusa et Aramaki.

    Autre anecdote : on voit dans un passage du film de nombreux cyborgs ressemblant au major, montrant que le corps cybernétique qu’elle incarne est produit en série, ce qui accentue son besoin de se différencier en tant que personne vis-à-vis des autres. Cette scène n’est pas présente dans le manga, les corps cybernétiques étant « customisables » selon les désirs du cyborg.

    La fin du film est presque la même que dans le manga, à la seule différence qu’elle se déroule dans un ancien musée d’histoire naturelle, lorsque le major affronte un tank arachnoïde qui lui tire dessus, détruisant au passage une peinture murale représentant l’arbre de l’évolution jusqu’à l’homme, en accentuant cette impression que l’humanité se flingue elle-même, avec toute cette cybernétique incontrôlée.

    Lors de la scène finale, le corps cybernétique du major, qui a été particulièrement endommagé, est remplacé par un corps cybernétique d’apparence enfantine, pour lui permettre de survivre à l’assaut du tank et à sa fusion avec le Puppet Master, insistant sur l’idée d’un nouveau départ pour le major et d’une renaissance.

    Petite anecdote, la voix française de Batô n’est autre que celle de Daniel Beretta, qui double habituellement Arnold Schwarzenegger (mimétisme volontaire de la part de la société de doublage, avec l’apparence du personnage ?).

    Si le film est aujourd’hui une référence en matière de SF, en démontrant que l’animation est devenue un média à part entière, à maturité, ça a néanmoins bien failli ne pas être le cas. En effet, à sa sortie en 1995, le film marche mal au Japon, dont les habitants ne sont pas forcément les plus friands du genre Cyberpunk, mais il fonctionne en revanche très bien en Occident, malgré une distribution assez confidentielle. Les réflexions, le questionnement interne de l’héroïne, la maturité, mais aussi la musique et la beauté des images suscitent un excellent bouche-à-oreille chez les fans de science-fiction.

    De plus, les ventes de vidéos permettent à Mamoru Oshii de rentrer dans ses frais et sauve le film. Ce qui lui permettra finalement de réadapter l’œuvre en série télévisuelle de 26 épisodes, et c’est un protégé de Mamoru Oshii, Kenji Kamiyama, qui s’y colle, avec comme objectif de toucher le public hors de l’archipel du Soleil Levant.

     

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    Ghost in the Shell: The Stand Alone Complex, la première série

    Cette série produite en 2003 a toujours comme cadre l’univers Cyberpunk de Masamune Shirow, ce dernier étant consultant artistique et designer. Même si « Ghost in the Shell: The Stand Alone Complex » semble se dérouler avant le film, dont l’action se situe en 2030, cette première série se passe quant à elle en 2032. Ce qui en fait plus un remake qu’une préquelle, avec les mêmes personnages au générique que dans le manga.

    Le format étant plus long – 26 épisodes de 30 minutes chacun – les personnages sont plus fouillés que dans le film et le manga, permettant des scénarios variés aux intrigues policières solides, mettant parfois en avant un des membres de l’équipe en particulier. C’est au studio Production I.G. que la mise en scène des aventures des cyborgs de la Section 9 est confiée.

    Côté musique, c’est l’excellente Yōko Kanno, forte de son succès avec la série « Cowboy Beebop », qui nous délivre une bande-son éclectique, allant de la techno au jazz, et permettant à chaque personnage et à chaque scène d’avoir ses propres identité et saveur.

    La série bénéficie même d’un budget doublé, par rapport aux séries d’animation de l’époque (environs 300.000 dollars par épisode) et il faut bien admettre que cela se voit, même encore en 2020. Et le succès sera mondial…

    Dès le début de la série, on assiste à l’arrivée de Togusa, ancien policier, au sein de la Section 9. L’idée dans cette intégration, c’est de se servir de ce personnage pour introduire le spectateur à l’équipe de cyborgs de la Section 9. Togusa se révélera être le membre le plus humain de la section, et c’est un personnage auquel les spectateurs pourront plus facilement s’identifier.  De surcroît, Togusa est marié et père d’un enfant, tandis que les cyborgs comme Motoko et Batô ne peuvent se reproduire, même s’ils ne sont pas asexués, ni même dépourvus de sexualité.

    Après quelques épisodes d’introduction à la série, durant lesquels la Section 9 affronte espions et terroristes, on passe ensuite aux épisodes qui, comme dans le manga, vont entretenir un fil rouge. Un pirate informatique nommé « Le Rieur », cette fois bien humain, pirate les cyber-cerveaux de ses victimes pour dénoncer un scandale politico-financier, et la Section 9 essaie de tirer les choses au clair, dans cette affaire impliquant un ministère entier. Le complot sera dénoncé et le scandale mis au jour, non sans l’aide du Rieur, dont le nom et la phrase d’introduction – « I thought I had to pretend that I was one of those deaf-mutes » – sont inspirés d’un livre de Salinger.

    Dans la série, outre des scènes d’action très réussies et des histoires qui ne figurent pas dans le manga original, les scénaristes prennent le temps et la peine de donner un passé aux personnages principaux. Par exemple, Motoko Kusanagi est un cyborg depuis l’enfance, suite à la contraction d’une maladie dégénérative. Quant à Batô, il est un ancien soldat qui s’est battu dans les jungles d’Asie, et ce passé remontera à la surface lorsqu’il poursuivra un tueur en série.

    Contrairement au manga, chaque personnage a son Origin Story, et tous voient leur passé exploré et révélé, pour la plus grande joie du spectateur, en donnant aux personnages ce petit supplément d’âme caractéristique de l’œuvre.

    Si l’atmosphère de certains épisodes est parfois lourde (on parle d’exploitation, voire parfois de maltraitance…), la série passe aussi par des moments comiques, avec en particulier les robots arachnoïdes dits « Tachikoma », des intelligences artificielles s’exprimant comme des enfants, et découvrant le monde avec la Section 9. Même si les Tachikoma sont le « Comic Relief » de la série, ils n’hésitent pas à prendre part à l’action si besoin est, et ils évoluent au cours de la saison, en développant un ghost.

    Aujourd’hui, on peut raisonnablement affirmer que cette série est LA référence absolue en matière de Cyberpunk, tant le soin extrême apporté aux scénarios, à la musique ou aux dessins, semble définir l’oeuvre.

     

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    Ghost In The Shell 2: Innocence, le second film sur la franchise

    C’est en 2004 que la suite du film de 1995 sort sur grand écran, et sera même présentée à Cannes, démontrant à tous ceux qui en doutaient encore qu’on assistait à un début de reconnaissance de l’animation japonaise.

    Chose très importante à noter, c’est toujours Mamoru Oshii qui est aux commandes de ce nouvel opus, permettant ainsi une continuité évidente avec le premier film, « Ghost in the Shell 2: Innocence » en étant la suite directe. Et Batô en est cette fois le héros principal.

    Quant au scénario, il pioche dans plusieurs des histoires parallèles du manga, en particulier avec l’intrigue du Puppet Master, tout en les remaniant afin de rester dans la continuité du film de 1995. La Section 9 s’avère être très peu remaniée, et seule l’arrivée du personnage original d’Azuma apporte un léger changement à la constitution de l’équipe originelle.

    L’histoire de ce deuxième volet oppose donc la Section 9 à des robots qui se mettent soudainement à éliminer leurs propriétaires. Mais avant de s’en prendre à Batô, l’un des androïdes crie « aidez-moi », ce qui est somme toute assez inattendu. La Section 9 est sur le coup, car les androïdes défectueux s’avèrent être des « sexaroïdes », à savoir une classe d’androïdes qui répondent à tous les désirs de leur propriétaire. Nul besoin de deviner de quels désirs il s’agit…

    La piste suivie amène la section jusqu’à un Hong Kong futuriste, où l’on découvre que la chaîne de montage des robots-à-usage-intime copie le ghost de jeunes filles et le charge dans le processeur afin de rendre les robots plus « attachants » (même dans le futur, il y a des gens atteints…). Le sauvetage des jeunes filles entraîne la libération fortuite des androïdes, avant qu’ils n’attaquent Batô, qui ne devra son salut qu’à l’intervention du major Motoko Kusanagi. Celle-ci se télécharge dans une des sexaroïdes pour un assaut final, expliquant au passage qu’elle est désormais un esprit qui se balade dans le monde virtuel du Réseau et joue le rôle de l’ange gardien de Batô.

    Outre une animation encore plus peaufinée que sur le précédent opus, les détails fourmillent dans ce deuxième volet au cinéma, au point de nécessiter plusieurs visionnages, « Ghost in the Shell 2: Innocence » étant très dense, parfois trop… Il s’impose néanmoins comme un véritable festival de couleurs, où la 3D et les images entièrement générées par ordinateur s’incrustent dans le film de façon souvent très réussie, mais aussi de manière parfois trop évidente, sans parler d’un scénario mêlant références religieuses (Animisme et Christianisme), philosophiques et technologiques.

    Pour ce qui est de la musique, Kenji Kawai est de nouveau mis à contribution et nous livre une composition encore plus recherchée, notamment lors du combat final, volontairement très proche du générique du premier film, avec encore la fameuse utilisation des chœurs japonais (ainsi que des chœurs de chorale à l’occidentale, pour les oreilles les plus attentives).

    Comme dans le premier opus, cette suite n’oublie pas la métaphysique, comme nous l’évoquions plus haut, et est remplie de citations d’auteurs, notamment occidentaux (Descartes, pour ne citer que lui), mettant en exergue le blues de Batô, à qui le major manque finalement, laissant un vide pour le personnage comme pour le spectateur. Une fois l’affaire classée, Motoko Kusanagi retourne sur le net, telle l’ange-gardien une fois sa mission terminée, même si cette vision nous laisse entendre que l’on pourrait la revoir un jour…

    Il est parfois dit que Mamoru Oshii aurait mis ses inquiétudes et réflexions personnelles sur le futur dans ce film, d’où une oeuvre très dense et touffue, qui peut parfois perdre le spectateur, et nécessite qu’il soit extrêmement attentif, sous peine d’être rapidement désorienté, ne percevant plus la direction prise par le réalisateur.

    Les références mythologiques, ésotériques et littéraires abondent, dans un tourbillon parfois difficile à suivre (notamment sur le Golem, être artificiel issu des croyances juives). Les références cartésiennes (l’âme humaine est « placée » dans un corps qui fonctionne comme une machine) s’opposent à celles qui stipulent que l’âme humaine est le fruit de la complexité de son corps et de son cerveau. Mais néanmoins, ce film mérite une redécouverte, vu la densité et le nombre de thèmes abordés.

     

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    Ghost in the Shell: the Stand Alone Complex, 2nd Gig

    Derrière ce titre assez long se cache la seconde saison de la série d’animation, où l’on retrouve toute l’équipe de la saison 1, ainsi que les Tachikoma qui apportent toujours leur dose de réflexions comiques.

    Dans cette saison, suite au scandale que la Section 9 a révélé au grand jour, le gouvernement change et le premier ministre avec (madame la premier ministre devra même être protégée par la section dans un des épisodes). Suite à une prise d’otage réglée avec succès par le major et son équipe (à moins que ça ne soit Aramaki et son équipe), la Section 9 est réintégrée de manière officielle dans le ministère.

    Aux commandes de la saison, on retrouve le même staff que celui de la première saison et Yoko Kanno crée une bande-son tout aussi réussie que pour la précédente.

    De nombreux épisodes contiennent d’ailleurs des clins d’œil à d’autres œuvres, telles que « Taxi Driver », « Les Ailes du Désir » ou encore le manga « Cat’s Eye ».

    Cette fois, le fil rouge de la série mêle le thème du nationalisme au complot politique, tant à l’intérieur du pays qu’au niveau international, sur fond de crise migratoire (thème étonnamment actuel, alors que la série a été produite en 2004), avec un groupuscule nationaliste inspiré de celui qui avait tenté un coup d’état au Japon le 15 mai 1932.

    Là où l’intrigue devient plus dense et plus complexe, c’est que le complot se sert de fanatiques religieux (les 11 individuels) comme de pions. L’un des buts des fanatiques et de ceux qui les manipulent est l’anéantissement des réfugiés (d’origine asiatique) et du ghetto dans lequel on les a installés.

    La série aborde ainsi des sujets qui peuvent entraîner une certaine controverse, et on découvre d’ailleurs que chaque membre de l’équipe a un avis différent sur la question, ce qui ne les empêche pas d’agir avec professionnalisme. Dans cette seconde saison, la géopolitique revêt plus d’importance.

    Par exemple, on avait appris que les Etats-Unis d’Amérique étaient scindés en deux, les Etats-Unis à proprement parler et l’empire américain qui regroupe les états du Sud.  Au passage, cette seconde saison raconte également le « passé » de ce monde futuriste. Dans un épisode, on nous raconte comment Motoko, alors soldat, a recruté Saito, au coeur d’un conflit mondial. Cette saison permet de creuser un peu plus dans le passé des protagonistes, notamment celui de Paz, l’ancien Yakusa.

    Autre sujet abordé, la place d’un androïde (le nommé Proto), à l’intelligence artificielle suffisamment développée pour passer pour un être humain. En effet, ce dernier est un prototype qui essaie de se faire passer pour humain. Proto a peur de dévoiler sa vraie nature, craignant d’être rejeté par ses collègues de la section 9, ayant surtout affaire à des androïdes au comportement trop prévisible ou enfantin.

    Ce détail scénaristique fait écho au phénomène psychologique parfois controversé dit de la « vallée de l’étrange ». Un robot est accepté par les humains, soit s’il est d’apparence très éloignée de celle des humains, comme les Tachikoma ou R2-D2 de Star Wars, ou au contraire d’apparence très humaine comme Proto. Entre les deux, un robot n’ayant pas une apparence « assez » humaine peut provoquer, d’après les tests, un sentiment de rejet, voire de peur. L’endosquelette androïde du Terminator en étant un parfait exemple dans la fiction (même si c’est volontaire de la part des scénaristes et de James Cameron de lui donner cette apparence macabre).

    La série se referme sur une Motoko Kusanagi au cœur brisé (l’un des fanatiques était un amour de jeunesse). Quant aux Tachikoma, ils se sont sacrifiés pour permettre le succès de l’équipe et ils sont remplacés par les Fujikoma (un clin d’œil au manga)…

     

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    « Ghost in the Shell, quand le cyberpunk du Soleil Levant devient une référence mondiale – Partie 3 », à lire très prochainement dans le Magazine Instant City…

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Dans les Episodes précédents » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Ghost in the Shell – Partie 1

     

     

     

  • Le cinéma de Jacques Demy : du rose, du bleu, du jaune et du noir aussi…

     

     

    Ce qui peut rendre l’adoration de Jacques Demy plus perverse encore, c’est d’écouter éructer tous ses détracteurs qui ne supportent pas ses films. Et c’est avec un amusement narquois qu’on peut les entendre vociférer sur les chants, la musique de Michel Legrand. L’aversion totale de tous ceux qui exècrent en général les comédies musicales et plus particulièrement les films les plus emblématiques de celui qui fut l’époux d’Agnès Varda…

     

    On pense tout de suite à des couleurs pastels, des chansons désuètes et des situations doucereuses. Mais c’est en fait mal comprendre ce que Jacques Demy veut nous dire. Le fait de cette détestation résulte souvent d’une méconnaissance de son art, de ses œuvres et de ce qu’elles nous racontent en creux.

     

    « Mais qu’allons-nous faire de tant de bonheur, le montrer ou bien le taire ? »

    Passé l’aspect léger, coloré et primesautier des « Demoiselles de Rochefort », de « Peau d’âne » ou « Lola », il reste surtout cette gravité, une certaine mélancolie sourde, une amertume qui donne à ces films toutes leurs saveurs. « La Baie des Anges », « Model Shop », « Les Parapluies de Cherbourg » ou « Une Chambre en Ville » sont quant à eux ces autres films de Jacques Demy qui ne cherchent pas à cacher leur âpreté. Les personnages qui se croisent ou se manquent, les amants éconduits, les mélancoliques qui esquissent de fausses euphories, des joies tristes, sont souvent tous au bord de la rupture.

    Les personnages créés par Jacques Demy, ces marins casaniers, ces femmes volages et émancipées, ces rois amoureux de leur fille, ces fées-marraines manipulatrices ou ces hommes qui acceptent leurs échecs ou d’autres encore qui partent à la guerre, sont autant de facettes du monde, tel qu’il est et pas comme il devrait être. Personne n’est dupe…

    C’est pour cela que même si le réalisateur de « Lady Oscar » a pu parfois utiliser des codes hollywoodiens pour obtenir ces formes et ces tons acidulés, il n’en a pas pour autant oublié le fond de ce qu’il voulait souligner, en définitive. Autant de personnages en adéquation avec leur temps. Ces années 60 et 70 où l’on remettait en cause l’ordre établi, les conventions et les usages, où l’on se trouvait fort à l’étroit dans une société pré-mâchée.

    Jacques Demy est bien un réalisateur français qui a su, à sa manière et avec tact, nous parler des affres du monde et de la place de l’homme, parfois plus perdu-perdant que valeureux triomphant. Même si beaucoup perçoivent encore Jacques Demy comme un artiste mineur, avec ses films-véhicules à niaiseries, c’est qu’ils en ont justement mal interprété le code couleur. Ce rose, ce bleu, ce jaune ne montrent pas forcément que de la béatitude. Tout dans le cinéma du fidèle collaborateur de Michel Legrand se décline en subtiles volutes, mais aussi en quelques petites piques bien placées. De l’acupuncture pour notre bien, notre guérison ? Non, car on ne guérit jamais vraiment, comme si on ne le souhaitait pas, finalement. On se complaît même dans cet état…

     

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    Pas comme les autres…

    Si Jacques Demy a commencé à tourner des courts-métrages vers la fin des années 50, puis des films de long-métrage, dans le sillon de Truffaut, Chabrol ou Godard, il n’a cependant pas vraiment contribué à ce renouveau du cinéma français qu’a pu constituer la Nouvelle Vague, même s’il s’en est sans doute servi. Bien que la forme de ses premiers films soit assez classique, ce qui l’était en revanche moins, c’était ses personnages et leur devenir.

    Son épouse, Agnès Varda, elle aussi cinéaste, va utiliser La Nouvelle Vague à sa manière, dès 1962, avec le fabuleux et tellement moderne « Cléo de 5 à 7 », puis en 1965 avec « Le Bonheur ». Stylisé, peut-être, mais en étant tout de même très proche de cette vision du monde, dans laquelle les hommes et les femmes semblent toujours seuls, malgré ces foules qui les entourent.

    Jacques Demy, quant à lui, ne craint pas le romantisme exacerbé, les chansons exaltées et les histoires d’amour échevelées. Plus imprégné par le cinéma américain des années 30 à 50, pour ce qu’il exprime de fantasme et de rêve, que d’une certaine réalité crue mise en exergue dans le cinéma italien de l’époque, ou encore les interrogations politiques de ses confrères français, Demy va tisser, tout au long de sa filmographie, une variation sur des individus qui rêvent de partir. Tous ceux qui souhaitent le mouvement et ne plus être là… Partir comme ultime étape, comme ultime sens à leur vie qu’ils ne maîtrisent pas trop, mais imaginent toujours que tout sera forcément mieux ailleurs.

    En ayant été durablement marqué par des orfèvres, tels Stanley Donen, Mark Sandrich ou Vincente Minnelli, et cet âge d’or hollywoodien, lorsque la comédie musicale rayonnait en reine sur grand écran, Jacques Demy va tenter avec succès (un certain temps…) de malaxer ce cinéma flamboyant et techniquement imparable, tout en y instillant les réalités de ces années 60.

    Anouck Aimé, Jeanne Moreau, d’abord, prêtent leurs charmes surannés à cette quête, puis Deneuve, sa sœur Françoise Dorléac, Delphine Seyrig. Des femmes aussi fragiles que fortes, autant rêveuses qu’avec les pieds sur terre. Une dualité dont elles se servent toutes pour autant charmer, manigancer, que s’affranchir de règles séculaires et rouillées. Des femmes-enfants qui sont les égales des hommes. Des hommes qui, chez Demy, sont encore plus paumés quand ils ne sont pas tout simplement des éternels perdants.

    Le temps d’une parenthèse de quelques années aux Etats-Unis, Demy réalise « Model Shop ». Le projet ne pioche plus dans la Nouvelle Vague française que quelques formes, mais anticipe à sa manière le courant à venir que l’on appellera rétrospectivement le Nouvel Hollywood.

    Un film où on retrouve également une certaine Lola, le personnage d’Anouck Aimé dans l’oeuvre éponyme. On se souvient d’ailleurs que dans le film de 1961, Lola rêvait justement de partir en Amérique pour vivre ses rêves, et on la retrouve finalement strip-teaseuse, comme modèle que des anonymes viennent prendre en photo dans des cabines quelque peu sordides.

     

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    C’est donc cela aussi, le cinéma du réalisateur du « Bel Indifférent », une ironie cinglante et une mélancolie comme baume apaisant, mais qui ne peut guérir les plaies. Quelque chose de doux et qui sent bon, qui entretiendra au contraire notre nostalgie, comme s’il s’agissait « d’une  écharpe de blanche laine ». À noter aussi que dans les « Demoiselles de Rochefort » qui se situe dans le temps entre « Lola » et « Model Shop », on évoque à un moment donné un sordide fait divers, avec une malle en osier qui a été retrouvée, contenant le corps démembré d’une ancienne danseuse qui s’appelait Lola-Lola. Humour noir et encore lien direct. Parle-t-on de la même Lola ?

    La filmographie de Jacques Demy s’avère particulièrement hétérogène, dans laquelle des films se répondent en miroir, avec ces petites passerelles secrètes qui les unissent tous les uns aux autres ; un fil invisible qui maintient de manière fragile tout cet univers, cette cosmogonie. C’est pour cela que l’on s’y retrouve toujours, au détour d’une situation, d’un mot ou d’une chanson. Les rêves se chantent et la réalité s’articule autour de bavardages uniformes.

    Les âmes frêles, les amoureux de l’amour, les pessimistes joyeux et les humanistes déçus s’y retrouvent toujours. Et ceux qui se croisent dans les films de Demy ne sont pas optimistes mais plutôt idéalistes. Ils ne croient pas à l’hubris des conquérants et aux tours de Babel. En revanche, ils croient aux rencontres et aux hasards de la vie, aux détails et aux petits gestes.

     

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    En 1964, « Les Parapluies de Cherbourg », ce sublime mélodrame qui obtient la Palme d’or à Cannes et qui rencontre un immense succès en France et à travers le monde, est l’exacte synthèse du cinéma de Jacques Demy en devenir. Un chef d’œuvre qui s’est dressé naturellement. Un état de grâce, un équilibre parfait. Un miracle.

    Trois ans plus tard, Demy réalise « Les Demoiselles de Rochefort ». Sans doute plus abordable, dans sa facture plus riante et colorée, il n’en demeure pas moins que l’histoire comporte tout autant de personnages aux destinées semées d’obstacles et de désillusions. À la différence de son prédécesseur, ici, pour la plupart des protagonistes, les résolutions à leurs arcs narratifs seront comblés par l’amour et le succès.

    L’histoire, qui se déroule dans ce Rochefort solaire et magnifié, repeint pour l’occasion en couleurs pastels, est une sorte de convalescence, après la noirceur des « Parapluies de Cherbourg ». Le rétablissement est complet, entre chansons imparables et chorégraphies virevoltantes. Voir ainsi Catherine Deneuve, Danielle Darrieux, Françoise Dorléac, Michel Piccoli et Gene Kelly dans le même film, c’est comme se retrouver enfermé toute une nuit dans une pâtisserie ou un glacier. Le film est une pure merveille, un enchantement créé de toute pièce. Ce n’est plus un sentiment, une impression, mais une réalité tangible, palpable.

    Encore trois ans plus tard, c’est au tour du film « Peau d’âne » de venir tenter de réitérer l’exploit, en épousant cette fois-ci le mode du conte, à la manière d’une fantaisie anachronique et loufoque. Les chansons ciselées de Demy et Legrand sont parfaites, inoubliables, comme autant de tubes intimes, un peu honteux, que l’on chantonne encore aujourd’hui, tels des mantras bienfaiteurs. Ce cinquième film est probablement le point d’orgue de la filmographie de Jacques Demy, l’ultime plaisir bourré de références et de symboles, de facéties et de clins d’oeil.

     

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    En 1973, c’est avec le film « L’événement le plus important depuis que L’homme a marché sur la Lune » que Jacques Demy surprend encore, avec une histoire dont le sujet aurait pu être là aussi un prétexte pour une comédie hollywoodienne. Avec Catherine Deneuve qui collaborera pour la dernière fois avec Demy et Marcello Mastroianni, le réalisateur nantais s’essaie à la satire sociale, comme aurait pu le faire Marco Ferreri, néanmoins sans la charge politique de l’auteur de « La Grand Bouffe ».

    Le sujet : un homme tombe enceinte et devient le porte-étendard mondial pour une nouvelle ère et peut-être un nouveau monde. On regrette juste que le film se cantonne à une comédie légère et distanciée, une farce qui désamorce toute polémique. Il y avait là pourtant une tentative de renouveler un genre et l’envie pour Jacques Demy de se défaire un peu de l’image qui lui collait à la peau.

    À partir des années 80, l’inspiration du réalisateur de « Lady Oscar » ne tolérera plus l’époque qu’elle va traverser. En 1982, il y a bien « Une Chambre en Ville » qui se voudrait le pendant plus actuel et plus gris des « Parapluies de Cherbourg », avec ses dialogues chantés et son fond social. Mais les années 80 ne possèdent décidément plus la légèreté et la magie picturale des années 60. Le sujet et l’ensemble se contentent d’essayer d’imposer uniquement leurs acteurs principaux. Sans plus d’entrain que ça… Le film paraît raide et peu aimable.

    C’est le début de la fin… En 1985, « Parking » avec Francis Huster, qui prétend revisiter le mythe d’Orphée, est une catastrophe industrielle. Que ce soit la transposition de l’histoire originelle dans des décors dépouillés et bétonnés (faute de moyens conséquents pour le projet), la direction artistique, les chansons, jusqu’aux acteurs, Francis Huster en tête, tout constitue un festival de mauvais goût et de moments gênants.

    En 1988, « Trois Places pour le 26 » avec Yves Montant et Mathilda May sera certes mieux préparé et tourné dans de bonnes conditions. Mais hélas, là encore, le film ne séduit pas plus le public, bien que la critique ait poussé le projet en avant. Les comédies musicales semblent avoir fait long feu et même si on s’intéresse toujours aux classiques d’antan, les nouvelles créations agacent plus qu’elle ne suscitent la curiosité et l’enchantement. Celui qui avait su charmer le public dans les années 60, voire dans les années 70, ne comprend plus rien à l’époque dans laquelle il évolue désormais, où tout semble aller de plus en plus vite. le goût des spectateurs peut changer du jour au lendemain, en fonction de l’offre plus que le demande.

     

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    Il ne faut plus chercher la cohérence, les envies, les désirs. C’est une période en pleine mutation, où la fragilité n’a plus lieu d’être. Les héros se doivent d’être forts et sans ambiguïté. Le cinéma de Jacques Demy est devenu désuet. Il va tomber malade et s’éteindra en 1990.

    Celui qui avait quelque peu perdu de sa superbe, va voir après sa disparition, et surtout grâce au travail acharné de sa défunte épouse Agnès Varda, son œuvre être remise en selle, avec moult anniversaires et événements commémoratifs. Certains de ses grands films, jadis conspués par une certaine presse comme par tous ceux qui pensent toujours être les garants de ce qui est bien ou de ce qui ne doit pas se voir, vont devenir des classiques impérissables, des pièces maîtresses du paysage cinématographique français.

    Le cinéma de Jacques Demy, c’est en fin de compte tout un espace de fantaisie immense et sans limite imposée, des bonbons au réglisse qui laissent dans la bouche ce goût si particulier, tout autant sucré qu’un peu amer.

    Tous ces films magiques, ces chansons précieuses, ces actrices, ces acteurs, tous ces noms, ces personnages qui se sont prêtés au jeu de l’amour ludique et rieur, de la fantaisie doucereuse mais mélancolique, tous ces ballets, ces élans et ces frasques orchestrés par un homme idéaliste, qui croyait au cinéma et ses conjurations, sont ce qu’il y a de plus précieux, qui nous requinque lorsque tout le reste est en train de s’effondrer.

     

    « Nous ferons ce qui est interdit, nous irons ensemble à la buvette, nous fumerons la pipe en cachette, nous nous gaverons de pâtisseries… Mais qu’allons-nous faire de tous ces plaisirs ? Il y en a tant sur terre. »

     

    C’est là la vraie définition du mot bonheur.

     

     

     

  • Les Barbapapa ont 50 ans !

     

     

    Avec cette année 2020 qui vient tout juste de s’achever, et qui aura été si particulière à bien des égards, nous avons presque failli oublier que les Barbapapa avaient fêté leur cinquantième anniversaire. Comment ça, les Barbapapa ont cinquante ans ?! Eh oui, déjà, car c’est bien en 1970, précisément le 19 mai, à Paris, que Talus Taylor et Annette Tison imaginaient ces personnages parmi les plus mythiques de la télévision française des années 70.

     

    L’histoire commence comme ça, au débotté, par le petit bout de la lorgnette… Annette et Talus se promènent paisiblement au jardin du Luxembourg. Soudain, Talus Taylor est perturbé par les cris stridents d’un enfant, sans doute insupportable, même pour l’époque, réclamant à ses parents une chose qu’il balbutie en ces termes : « Baa baa baa baa ».

    Talus Taylor, ne parlant pas français, demande aussitôt à Annette Tison ce que le « petit chiard » a voulu dire. Dans la seconde, et sans reprendre son souffle, Annette Tison lui explique que le bambin réclame tout simplement une friandise… dont le nom est « barbe à papa ». Et voilà !

    Un peu plus tard, au restaurant, le couple se met à dessiner sur la nappe un personnage inspiré par la friandise… Le résultat est rose et tout en rondeur. Et lorsqu’il s’agit de lui donner un nom, Barbapapa s’impose tout naturellement.

     

    « En me promenant dans le jardin du Luxembourg, ne comprenant pas le français, j’entendais les enfants prononcer « Baa baa baa baa », j’ai demandé à Annette Tison ce que ça voulait dire. Elle a rigolé en me disant que c’était de la barbe à papa, car avant d’être colorée en rose, la barbe à papa était blanche, comme celle du grand-père. Un peu plus tard, au restaurant, nous avons dessiné sur la nappe notre nouveau personnage. Et puis, il a fallu lui donner un nom. Nous sommes tombés d’accord sur Barbapapa, et comme je ne savais pas le prononcer, je ne savais pas non plus l’épeler, et je l’ai écrit en un seul mot ! C’est ainsi que Barbapapa est né, un peu au Jardin du Luxembourg, et un peu sur le coin d’une nappe en papier de la Brasserie Zeyer. » (Talus Taylor)

     

    Un très bon anniversaire aux Barbapapa et accessoirement à notre enfance !

     

    La famille Barbapapa, créée en 1970 par Talus Taylor et Anette Tisson

    © 2020 Alice Taylor & Thomas Taylor (All Right Reserved)

     

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