Auteur/autrice : Instant-Chris

  • Serge Gainsbourg, 5 bis rue de Verneuil…

     

     

     

    Derrière cette célèbre adresse du 5 bis Rue de Verneuil à la façade devenue culte se cache l’antre de Serge Gainsbourg. Il y vécut de 1969 jusqu’à sa disparition en 1991. Ce petit hôtel particulier, acheté par l’artiste pour y abriter ses amours clandestins avec Brigitte Bardot, ponctuera ensuite tous les autres moments importants de sa vie, des débuts de son histoire avec Jane Birkin, en passant par la naissance de Charlotte, sa rencontre avec Bambou, jusqu’à la naissance de son fils Lulu…

     

    Cette maison, dont sa fille Charlotte héritera en 1992, n’a pas changé depuis la mort de Serge Gainsbourg. Rien n’a bougé… Comme dans un songe, on y trouve encore le cendrier plein de gitanes, le frigo rempli, les bouteilles de vin entamées… Tony Frank a eu le privilège de fréquenter, dans le cadre de cet écrin exceptionnel, le propriétaire des lieux, qu’il photographia à plusieurs reprises dans son décor favori, dès les débuts de leur rencontre à la fin des années 60.

    Au printemps 2017, plus de 25 ans après la mort de l’artiste, Tony Frank est revenu, non sans une certaine émotion, dans cette demeure si riche en souvenirs, où y plane encore l’ombre de Serge. On y découvre avec surprise que Gainsbourg admirait Marilyn Monroe, on croise l’immense portrait de Bardot, qui lui brisa le cœur avant qu’il ne rencontre Jane… On reconnaît le manuscrit original de La Marseillaise qu’il acheta aux enchères en 1981, et « l’Homme à la Tête de Chou »… Gainsbourg est tombé par hasard sur cette sculpture de Claude Lalanne à la vitrine d’une galerie d’art contemporain. Immédiatement fasciné par l’oeuvre, il l’achètera sur le champ, « cash » comme il se plaisait à le dire non sans une certaine fierté, et la fera livrer chez lui, pour l’installer dans sa cour intérieure.

    Le temps s’est donc arrêté au 5 bis de la Rue de Verneuil… C’est en ce lieu que Serge Gainsbourg a composé ses plus sublimes chansons et a façonné, au fil des années, un univers esthétique unique peuplé de milliers d’objets et de souvenirs. Une fois passée la célèbre façade recouverte de graffitis, et franchie la grille, on entre dans le grand salon tout tapissé de noir. C’est alors que commence la découverte de ce lieu fascinant. Œuvre de décorateur, de collectionneur et d’esthète, l’hôtel particulier de Serge Gainsbourg fut aussi un lieu de vie, et le repaire d’un des créateurs les plus importants du siècle dernier.

    Nous avons choisi de présenter une sélection des clichés de Tony Frank, pris en 1982 comme lors du retour récent du photographe au 5 bis Rue de Verneuil, mêlant ainsi le passé et le présent, le musicien et son ombre qui plane encore sur ce sanctuaire étonnant.

     

    « Voilà, c’est chez moi. Je ne sais pas ce que c’est : un sitting-room, une salle de musique, un bordel, un musée… »

     

    Dès l’entrée dans la maison, par le grand salon au rez-de-chaussée, on est immergé dans l’univers chargé d’objets de Serge. Appuyé sur la cheminée, le portrait grandeur nature de Brigitte Bardot, réalisé par Sam Levin au début des années 60, comptait beaucoup pour Serge. Il ne voulait en aucun cas qu’on le déplace ne serait-ce que de quelques centimètres.

     

     

    Dans l’angle gauche du séjour se trouve le buste de Jane Birkin, sculpté par E. Godard, et un écorché en papier maché grandeur nature dans le style de l’anatomiste Honoré Fragonard. On reconnaît également « l’Homme à la Tête de Chou » de Claude Lalanne créé en 1969. Sur la gauche, un orgue électrique Lowrey de 1980 au-dessus duquel est accroché « The Bishop’s Children », une huile de l’école anglaise du XIXème.

     

     

    Le séjour, toujours… Très complice avec les forces de police, qui le déposaient régulièrement chez lui au petit matin, Serge aimait se faire offrir des insignes, menottes et diverses munitions… au point qu’il s’était constitué une impressionnante collection de plus de 250 pièces ! A gauche, sur la table, on aperçoit une mallette à cocktails, et sur le mur, un article du Journal du Dimanche : « Gainsbourg face au paras ».

     

     

    La cuisine est éclairée par un lustre en bronze doré à riche décor de fleurs et feuilles de liseron en pâte de verre de Murano datant du XIXe. C’est Serge qui avait imaginé ce réfrigérateur dont la porte est en verre. Il trouvait ridicule d’avoir à l’ouvrir sans cesse…

     

     

    Juste derrière la salle de bain, la chambre d’artiste dans toute sa splendeur. Derrière le grand lit, une toile persane imprimée de la fin du XIXe. Un banc en forme de sirène, un paravent d’osier doré et, sur la gauche, un flambeau de bois sculpté à six bras laqué blanc d’origine allemande. Au pied du lit, une paire de Repetto blanches.

     

     

    Serge Gainsbourg chez lui le 15 Avril 1982.

     

     

    Gainsbourg sur son lit, entouré de quelques-uns de ses albums souvent illustrés par des photos de Tony Frank, en 1979.

     

     

    Retour dans le salon… Quel musicien n’a pas rêvé un jour de posséder un Rhodes Seventy Three, piano électrique d’une qualité sonore exceptionnelle ! Sur la droite, un pan entier de mur est réservé à des articles de journaux consacrés à la chanson « Je t’aime moi non plus » sortie en 1968.

     

     

    Serge Gainsbourg chez lui à côté de « l’Homme à la Tête de Chou » le 15 Avril 1982.

     

     

    Serge Gainsbourg à table dans sa cuisine, en 1982

     

     

    Serge Gainsbourg chez lui, jouant avec une marionnette à son effigie, en 1982.

     

     

    Serge Gainsbourg en blazer, avec son insigne des parachutistes.

     

     

    La Galerie de l’Instant nous permet donc de nous immiscer dans l’intimité du dandy au fil des photographies de Tony Frank. Une exposition nostalgique et poignante, qui raconte en images le quotidien de Serge Gainsbourg et de sa famille. Les gitanes s’entassent dans le cendrier, les bouteilles de rouge sont à moitié vides, le piano est ouvert, prêt à accueillir de nouvelles mélodies… Du grand salon illuminé par le portrait de Brigitte Bardot à la chambre de style persan où l’on aperçoit les Zizi blanches au pied du lit, en passant par le séjour rempli de vinyls et de beaux souvenirs qui prêtent à l’anecdote, la maison de Serge Gainsbourg semble encore habitée par sa présence magnétique.

    Sur son trône en velours dans l’entrée ou allongé sur le tapis d’Orient de sa chambre, entouré de marionnettes à son effigie, de poupées de porcelaine, le dandy se prête au jeu, avec malice et tendresse. Et pour un instant, ce lieu nous devient familier, porteur de tant de fantasmes et de légendes.

    En février 2018, Charlotte Gainsbourg relançait sur France Inter l’idée d’ouvrir au public le sanctuaire de son père, à l’exception de la chambre à coucher. L’actrice y est d’ailleurs retournée récemment pour tourner le clip de « Lying With You », extrait de son album « Rest » paru en novembre 2017, chanson dans laquelle elle s’adresse à lui. Mais ce musée est un serpent de mer… Charlotte Gainsbourg en avait déjà parlé au Monde en 2007 en évoquant un projet de l’architecte Jean Nouvel : « depuis quinze ans, nous y songeons ».

     

    [youtube id= »g7b6J63QHXM » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « 5 bis rue Verneuil, photographies de Tony Frank », du 29 mars au 10 juin 2018 à la Galerie de l’Instant, 46 Rue de Poitou, 75003 Paris

    Crédit photo : Serge Gainsbourg, 5 bis rue de Verneuil © Tony Frank

     

    [ultimate_google_map width= »100% » height= »300px » map_type= »ROADMAP » lat= »48.857138″ lng= »2.331635″ zoom= »15″ scrollwheel= » » infowindow_open= »infowindow_open_value » marker_icon= »default » streetviewcontrol= »false » maptypecontrol= »false » pancontrol= »false » zoomcontrol= »false » zoomcontrolsize= »SMALL » top_margin= »page_margin_top » map_override= »0″][/ultimate_google_map]

     

     

     

  • « Images en lutte » aux Beaux-Arts de Paris

     

     

    Affiches, peintures, tracts, films, photos : c’est l’ambiance de Mai 68 qui se trouve ressuscitée aux Beaux-Arts de Paris avec l’exposition « Images en lutte ». Cinquante ans après les faits, replongeons au coeur des événements devant les supports visuels symbolisant le combat de l’extrême gauche en France entre 1968 et 1974.

     

    La création picturale et graphique n’est pas étrangère non plus au combat social en Mai 68… Et c’est ce qu’expriment les affiches, tracts et peintures rassemblés aux Beaux-Arts de Paris. L’exposition « Images en lutte » montre surtout combien fut actif l’Atelier Populaire, installé dans les lieux mêmes occupés par les étudiants et les professeurs cinquante ans plus tôt.

    « Sois jeune et tais-toi », « La Chienlit, c’est lui », « Où Fouchet passe, la pègre pousse », « Retour à la normale », « Il est interdit d’interdire »… Autant de slogans restés gravés dans la mémoire collective, sur des affiches originales placardées sur les murs du Musée des Beaux-Arts de Paris, à l’endroit même où elles ont été réalisées.

     

    « Il est intéressant de noter que la postérité a surtout retenu de ces affiches celles qui sont contre le Général de Gaulle, contre le pouvoir en place. Mais en réalité, quand on regarde l’ensemble de la production, ces affiches sont avant tout des tracts conçus afin d’accompagner des mouvements de grève et d’occupation des usines. » (Eric de Chassey, Commissaire de l’exposition)

     

    Au printemps 68, les étudiants occupent donc leurs écoles, accompagnés d’artistes comme le peintre Gérard Fromanger. A cet « Atelier Populaire », grévistes de tout poil se succédaient pour passer commande.

     

    « Ils venaient à l’atelier et nous disaient où ils étaient, dans quelle ville, dans quelle usine, pourquoi ils faisaient grève, pourquoi ils occupaient, quelles étaient leurs revendications. On en traduisait un mot d’ordre qu’on leur proposait. Et paradoxe de la situation, nous avons finalement été pendant un mois et demi les seules personnes en France qui travaillaient comme des chiens, nuit et jour… On faisait les 3/8 pour composer les affiches ! »

     

    Des affiches réalisées dans la nuit grâce à une technique d’impression simple par pochoir, la sérigraphie, très populaire à l’ère du Pop Art et d’Andy Warhol.

     

    « C’est dans l’urgence qu’expriment ces affiches que se trouve leur beauté ; dans la manière dont des artistes concentrent tous leurs efforts dans un moment relativement bref pour parvenir finalement à être le plus juste possible. »

     

    De la première à la dernière, ces oeuvres d’art ne sont pas signées, et le nom des artistes s’efface au profit de la cause collective. Un message fort et simple qui trouve encore son public aujourd’hui.

     

    « Images en lutte », c’est jusqu’au 20 mai au Palais des Beaux-Arts à Paris

     

     

     

     

  • Guernica sans Guernica

     

     

    L’exposition « Guernica » ouvrait ses portes mardi 27 mars au musée Picasso à Paris. Seule particularité de l’événement, et non des moindres, le chef d’œuvre éponyme de Picasso est resté dans son musée à Madrid, qu’il ne quitte d’ailleurs jamais.

     

    « Guernica sans Guernica », c’est ainsi qu’aurait pu s’intituler l’exposition exceptionnelle du Musée Picasso à Paris, qui ouvrait ses portes le mardi 27 mars, et dont le parcours tente de faire oublier le tableau désespérément absent. « C’est le grand défi de ce projet », explique le directeur du musée, Laurent Le Bon. « On pensait voir Guernica, et au fond on en voit dix. C’est-à-dire qu’on assiste au processus créatif de cette oeuvre unique, à sa réception, à son rapport à l’art contemporain et à sa genèse extraordinaire, grâce à un ensemble exceptionnel d’études jamais prêtées auparavant », explique-t-il.

    L’exposition « Guernica » raconte donc l’histoire de cette icône de l’art moderne que Pablo Picasso a peinte entre le 1er mai et le 4 juin 1937, après le bombardement de la petite ville basque par les aviations nazie et fasciste. L’artiste y dénonce un massacre de civils, et pour créer cette œuvre monumentale qui sera présentée dans le cadre du pavillon espagnol de l’exposition internationale de Paris de 1937, il a réalisé une quarantaine d’études préalables. On en découvre ici dix, dont la toute première composition datant du 1er mai 1937.

     

    De l’extérieur à l’intérieur…

     

    « On est déjà devant une composition pyramidale, indique Émilia Philippot, la commissaire associée de l’exposition. Avec les principaux personnages de Guernica : le taureau, le cheval, le soldat mort allongé au premier plan et la figure porteuse de lumière qui sort de la fenêtre en haut à droite, et qui vient éclairer la scène ». Émilia Philippot précise que « dans cette étude, on est absolument dans une scène d’extérieur, on voit bien les toits des maisons et au fur et à mesure du travail de Picasso, on va passer de l’extérieur à l’intérieur. »

    Les photos prises par Dora Maar, la compagne de Picasso, projetées dans une des salles, éclairent également le processus créatif de Guernica. Après sa réalisation, le tableau va jouer un rôle central dans l’œuvre du peintre, qui s’en inspire notamment pour sa série de « La femme qui pleure ».

     

    Des créations contemporaines

     

    Guernica, qui n’a rejoint l’Espagne qu’en 1981, au retour de la démocratie, est devenu le symbole de la lutte contre la barbarie. Le chef d’œuvre de Picasso a beaucoup inspiré les artistes, comme le montrent les créations contemporaines présentées dans le cadre de l’exposition, en particulier celle de Damien Deroubaix.

    « C’est un bois gravé monumental à l’échelle de Guernica, dans lequel Damien de Roubaix vient reprendre assez fidèlement la toile et les différents motifs, décrit la commissaire associée de l »exposition. Il nous montre bien tout ce travail d’incision, ce travail de la matière qui permet de restituer aussi dans le détail l’arrière-fond, avec notamment ce motif de l’oiseau sur la table. Et on voit ainsi comment les personnages se détachent en blanc sur noir. »

    Spectaculaire, cette œuvre à la présence salutaire atténue l’absence de la toile de Picasso.

    L’exposition Guernica est à voir à Paris au Musée Picasso jusqu’au 29 juillet.

     

     

     

     

  • Une guerre sans nom, Algérie

     

     

    Le Centre International du Photojournalisme et le Mémorial du Camp de Rivesaltes s’unissent une nouvelle fois pour présenter l’exposition « Une guerre sans nom, Algérie ». Des photographies de Raymond Depardon, Marc Riboud, Pierre Boulat, Jacques Hors ou encore Pierre Domenech y sont présentées et aident à comprendre la complexité de cette guerre et les répercutions qu’elle a pu avoir.

     

    Du 15 mars au 15 mai, l’exposition sera visible au Centre International du Photojournalisme et au Mémorial du Camp de Rivesaltes. Une centaine de clichés des plus grands photojournalistes de l’époque sélectionnés pour leur travail et leur volonté d’apporter une plus grande visibilité à cette guerre camouflée en événements et qui ne disait pas son nom. Parmi les photographies exposées, celles de Marc Riboud, Raymond Depardon, Jacques Hors ou Pierre Boulat. Jean Marc Pujol, natif de Mostaganem, a répondu à nos questions sur cette période de l’histoire de France. Vernissage, le 15 mars à 18h00 au CIP, le 23 mars à 15h30 au Mémorial de Rivesaltes.

     

    ♦ Force des événements et intimité de la vie en Algérie française : L’historien Jean-Jacques Jordi a écrit l’exposition pour nous aider à mieux comprendre cette guerre qui ne dit pas son nom.

    Questionné au sujet de son enfance dans la commune du Nord-Ouest de l’Algérie, Jean Marc Pujol évoque « une enfance joyeuse mais inquiète ». Le Maire de Perpignan est né à Mostaganem, il fut contraint à l’exil avec sa famille en 1961, pour rejoindre Béziers. Il se remémore « une vie normale malgré les attentats ». Un sentiment confirmé par le directeur éditorial de l’exposition, Jean-Jacques Jordi : « Au sortir de la seconde guerre mondiale, les positionnements idéologiques se cristallisent plus que par le passé. Le soulèvement en Kabylie en mai 1945 et la répression qui s’ensuit creusent encore plus le fossé entre les communautés. Mais au-delà des prises de position, on a l’impression que l’Algérie elle-même reste coupée entre insouciance et paupérisation ».

    En écho, le Mémorial du Camp de Rivesaltes renvoie l’image d’un espace où si la guerre n’est pas présente, les acteurs de cette guerre le sont : photographes amateurs et journalistes suivent les arrivées et départs de membres du FLN, l’arrivée ensuite des ex-supplétifs de l’armée française, en une série d’images fortes.

     

    ♦ 6 juin 1958, De Gaulle « Vive l’Algérie française »

    Le discours du Général De Gaulle ne change rien au déroulement de l’histoire. Jean-Marc Pujol, âgé de neuf ans en 1958, a assisté à cette prise de parole présidentielle. Son père avait amené le jeune garçon qu’il était écouter le discours aux pieds du balcon de l’hôtel de ville de Mostaganem. Jean-Marc Pujol en garde « un souvenir précis ».

    Ce discours ne parvient pas à apaiser les tensions dans le département français, bien au contraire, il exacerbe les antagonismes. Charles De Gaulle est contraint dès 1959 à évoquer publiquement le « droit des Algériens à l’autodétermination ». Le héros de la seconde guerre mondiale parle de trois issues possibles à cette crise : « la sécession, la francisation ou l’association ». Une parole vécue comme « un coup de tonnerre » sur le terrain, précipitant dans la guerre « les ultras » de l’armée française qui s’organisent  en créant l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète).

     

    ♦ « Être au plus proche des évènements »

    Dans la ville qui est depuis près de 30 ans le centre du monde du photojournalisme, le travail de ces reporters de l’image n’est plus à démontrer. À une époque où la censure est bien présente, ce constat est encore plus vrai : Le photographe de guerre Marc Riboud confiait : « Le plus important, c’était d’être rapidement là où il se passait quelque chose ». Il fallait être parmi les premiers, être au plus proche des événements, quitte à prendre des risques et à se trouver dans le double mouvement de manifestations des nationalistes algériens qui brandissent pour la première fois et ouvertement le drapeau algérien, et celle des « ultras » de l’Algérie française qui veulent en découdre avec les gardes mobiles pour garder l’Algérie à la France.

     

    « Riboud, Depardon et Boulat en saisissent toute la force, toute la violence. Jacques Hors, quant à lui, nous dévoile l’intime des populations qu’il croise » écrit le docteur en histoire et spécialiste de cette période, Jean-Jacques Jordi.

     

    ♦ Le 19 Mars, « une date faussement symbolique » pour Jean-Marc Pujol

    C’est sur une proposition des socialistes, qu’en novembre 2012, le 19 mars est devenue la « Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ».

    Depuis cette date, Jean-Marc Pujol n’a cessé de critiquer ce choix. Il écrivait en 2016 à François Hollande : « En choisissant de commémorer le 19 mars 1962, vous commettez une double forfaiture. Morale d’abord, car vous oubliez les victimes civiles et militaires de « l’après 19-mars » : les assassinats perpétrés par les combattants du FLN contre les harkis, les enlèvements d’innocents… et les massacres du 5 juillet 1962 à Oran »… Loin de commémorer cette date à Perpignan, le Maire choisit tous les ans de mettre les drapeaux de la ville en berne, « par respect pour les victimes d’après 19 mars 62 ». Pour rappel, depuis 2003 et jusqu’en 2012, il existait une journée d’hommage consacrée aux seuls « morts pour la France durant la guerre d’Algérie ».

    Questionné sur les éléments que cette exposition ne doit pas passer sous silence, Jean-Marc Pujol confie : « Les massacres des harkis et les disparus ».

     

    ♦ Devoir de mémoire pour les jeunes générations

    Jean Marc Pujol souhaite par dessus tout que soit dite la vérité et « l’ouverture des archives ». Particulièrement sensible au devoir de mémoire et de transmission de l’histoire aux jeunes générations, il a voulu insuffler à la politique jeunesse de la ville un travail autour de la mémoire et en particulier celle de la « Retirada ». Les jeunes de la ville ont ainsi recueillis des témoignages de survivants de cette période, qui voit en 1939, l’exode massif de près d’un demi-million de réfugiés espagnols fuyant le franquisme.

     

     

    Exposition du 15 mars au 13 mai 2018 au Couvent des Minimes de Perpignan et au Mémorial de Rivesaltes.
    Entrée gratuite du mardi au dimanche de 11h à 17h30.

     

    Photo à la Une : © Marc Riboud, Alger Juillet 62

     

     

     

  • Cinquante ans après leur création, les Shadoks pompent toujours

     

     

    Les Shadoks ont 50 ans ! C’est en 1968 qu’apparaissaient pour la première fois à la télévision française ces drôles d’oiseaux créés par Jacques Rouxel. Leur style, leur univers décalé et leur humour absurde sont au cœur d’une exposition au musée Tomi Ungerer, à Strasbourg, jusqu’au 08 juillet 2018. Instant City vous propose de découvrir ou de redécouvrir cette série télévisée OVNI.

     

    Les Shadoks, la fameuse série télévisée d’animation imaginée par Jacques Rouxel en 1968 donne lieu à une exposition au Musée Tomi Ungerer, à Strasbourg. Par leur humour surréaliste et absurde, ces drôles d’oiseaux obsédés par la construction de machines infernales qui ne fonctionnent jamais et immortalisés par la voix de Claude Piéplu ont révolutionné le dessin animé.

     

    [youtube id= »ct2HY9pcfrI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Il y a cinquante ans, donc, débarquaient sur le petit écran les aventures cosmiques des Shadoks. Vous vous souvenez ? Ces oiseaux pas très futés, aux ailes minuscules, qui ont pour ennemis jurés les intelligents Gibis qui s’amusent toute la journée. De la Cour des Shadoks à Paris aux côtés du réalisateur Thierry Dejean au Musée Tomi Ungerer à Strasbourg, avec la commissaire d’exposition Thérèse Willer, nous reparcourons ensemble le phénomène « Shadoks », véritable révolution pour toute une génération.

     

    « Au tout début, l’émission fit scandale. Les gens écrivaient en masse pour se plaindre, arguant entre autres choses que c’était une honte d’avoir à payer la redevance pour voir des programmes aussi stupides. » (Thierry Dejean, réalisateur et auteur du livre « Les Shadoks de Jacques Rouxel » paru aux Editions Hoëbeke)

     

    « Outre l’idiotie du sujet, les dessins sont vraiment en dessous de tout. La technique y est vraiment ramenée à sa plus simple expression. J’espère pour vous que seul le manque de crédits en est la cause. » (lettre de protestation lue par Jean Yanne en février 1969 dans le cadre de la chronique télévisée « Les Français écrivent aux Shadoks »)

     

    [youtube id= »fzUF9aM6BE0″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    « A l’époque, il se disait communément que les Shadoks avaient partagé la France en deux et que c’était la nouvelle bataille d’Hernani, opposant éternellement les modernes et les classiques, ou encore qu’ils avaient contribué au déclenchement des événements de mai 68. » (Thierry Dejean)

     

    Les secousses cosmiques des Shadoks interviennent tous les soirs à la télévision française, à une heure de grande écoute. Et c’est la voix mythique de Claude Piéplu, narrateur de la série, qui rythme ce rendez-vous quotidien. En 1993, à l’occasion des 25 ans de la première diffusion des Shadoks, Michel Field interroge Jacques Rouxel et Claude Piéplu dans Le Cercle de Minuit :

     

    [youtube id= »ZAeQeM0IX3s » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Le véritable créateur des Shadoks, c’est donc Jacques Rouxel. Il se présente au Service de la Recherche de l’ORTF, son projet sous le bras, avec le désir d’adapter à la télévision le principe des comic strips, ces courtes bandes dessinées en général composées de quatre à six cases disposées horizontalement, que l’on pouvait trouver à la fin des quotidiens de l’époque. Jacques Rouxel est non seulement le concepteur des Shadoks, mais il en est aussi l’auteur, tant du scénario que des textes et du dessin. Son style graphique est épuré, minimaliste. Un rond, un triangle, deux lignes suffisent à figurer un Shadok. Cette utilisation des formes géométriques témoigne ainsi de la forte influence de la peinture moderne chez Rouxel.

     

     

    Parmi ses sources d’inspiration, on trouve pêle-mêle un tableau très célèbre de Paul Klee s’intitulant « La Machine à Gazouiller » peint en 1922 et exposé au MoMa à New York, dans lequel on peut reconnaitre la forme caractéristique des Shadoks, jusqu’aux dessins d’un illustrateur célèbre de l’époque, Saul Steinberg, qui a fait beaucoup de couvertures pour le NewYorker.

     

     

    Les cartoons de Saul Steinberg étaient extrêmement connus pour la sobriété de leur ligne, ce que l’on appelait le « One Line Drawing ». Et Jacques Rouxel s’est aussi très certainement souvenu des « Trois Brigands » de Tomi Ungerer pour concevoir ses Shadoks.

     

     

     

    Au delà des influences graphiques, les Shadoks suivent la vague des expérimentations sonores de l’époque. Robert Cohen-Solal compose la bande son du programme, avec comme influence majeure Pierre Schaeffer, en charge à l’époque du Service de la Recherche de l’ORTF et considéré comme l’inventeur de la musique concrete.

     

    « La Musique Concrète, ce sont les premiers samples, bien-sûr, mais aussi les premières expériences d’enregistrement de sons provenant du quotidien, et qui sont rejoués et retravaillés à l’aide d’instruments électro-acoustiques. » (Thierry Dejean)

     

     

    Cette inventivité dans les formes artistiques s’accompagne d’une réflexion sur la méthode de travail. Chaque saison des Shadoks comporte 52 épisodes, pour quatre saisons au total. Cela signifie beaucoup de Shadoks à dessiner, et un rythme effréné à suivre en terme de production, puisque l’émission sera diffusée chaque soir entre 1968 et 1973.

     

    « La première saison des Shadoks sera réalisée grâce à une machine ingénieuse dénommée l’animographe, inventée par Jean Dejoux, chercheur à la RTF. Cet appareil avait été conçu à l’origine pour réaliser des dessins animés, mais il obligeait les animateurs à travailler sur un format très petit. On disait d’ailleurs à l’époque qu’il était inconcevable de faire du Walt Disney avec l’animographe. Face au manque cruel de budget à la télévision française, la série des Shadoks fut donc créée avec très peu de moyens. Cette machine permettait ainsi de faire du dessin animé à moindre coût. »

     

    Dans les Shadoks, on peut voir une critique acerbe du travail. Les personnages passaient leur existence entière à pomper… pour rien. Y est abordé aussi le thème de l’absurdité de la condition humaine : pourquoi doit-on se tuer à travailler alors qu’on est condamné à mourir ? Tout ça dans le contexte de mai 68, les Shadoks nous renvoient aux slogans de l’époque : « ne perdez pas votre vie à la gagner » ou encore « ne travaillez jamais ». Les Shadoks étaient donc définitivement dans l’air du temps.

     

    « Pour moi, Les Shadoks, c’était un peu ma madeleine de Proust, avec la sensation que ce programme était un moment de liberté que la télévision nous offrait, à nous, enfants. Alors qu’au départ, Les Shadoks s’adressaient aux adultes et étaient d’ailleurs diffusés à un moment de la journée qui leur était plutôt réservé… »

     

    Pendant toute la période de diffusion des épisodes des Shadoks, Jacques Rouxel recevra ainsi une abondante correspondance d’enfants qui lui témoigneront leur reconnaissance et leur soutien…

     

    [youtube id= »tpD0Pdr7oD0& » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Les Shadoks Fan Page

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Les Shadoks à l’Ina

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Fresques Ina

     

     

     

  • Nathaniel Rateliff & The Night Sweats, entre tristesse et jubilation

     

     

    L’Américain Nathaniel Rateliff et son groupe, The Night Sweats, viennent de sortir « Tearing At The Seams », un album dans lequel la musique sert une forme de lâcher prise. Ils seront en concert au Trianon à Paris le 9 avril.

     

    Il n’y a qu’à voir Nathaniel Rateliff, bonhomme imposant, autant que sa barbe, entouré de ses Night Sweats sur scène : l’expérience est intense. Alors, pour ce deuxième album, l’idée était de retranscrire cette énergie indescriptible et inhérente au live sur les douze pistes d’un disque creusé en une semaine dans le désert du Nouveau-Mexique.

     

    « C’est une façon de rassembler, notre soul, en quelque sorte. On joue la plupart des titres en direct, dans la même pièce, et j’ai le sentiment que ça apporte un côté plus authentique. Et puis, c’est ce que nous faisons sur la route depuis trois ans. Je voulais que notre entente sur scène, en tant que musiciens, se retrouve sur l’enregistrement. Nous sommes quasiment comme des frères. C’est bon pour le groupe qu’on se soucie les uns des autres. »

     

    La soul, le blues, la country, peut importe l’étiquette, pourvu que le groupe serve une musique débordante, jubilatoire, mais pas que… Car selon le bassiste des Night Sweats, et meilleur ami de Nathaniel Rateliff, Joseph Pope : « la juxtaposition entre la tristesse et la jubilation, c’est ce qui fait la vie. Vous ne pouvez pas être uniquement heureux ». Il faut avoir vécu bien des choses pour chanter de cette façon, il faut aussi avoir en tête de divertir le public, assommé par une époque très peu souvent joyeuse, notamment aux Etats-Unis.

     

    « Avoir un public nous donne une responsabilité. Non pas que nous soyons un groupe politique, mais on veut rassembler tout le monde, et dire que oui, nous vivons une période sombre, mais essayons de voir tout ce qui nous rassemble, et pas ce qui nous sépare. »

     

    On pense aux génies de Stax Records, label qui accueille Nathaniel Rateliff en son sein, on pense au Delta du Mississippi, propre à transformer les galères en musique de joie. On pense surtout que la soul authentique survivra encore longtemps, tant qu’il y aura d’aussi bons disques pour l’entretenir.

     

    Nathaniel Rateliff & The Night Sweats, « Tearing At The Seams » (Stax Records/Caroline). Album disponible.

     

    [youtube id= »TFuzPO1rURU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • Happy Birthday, Mr Gainsbourg

     

     

    Le 2 avril 2018, Serge Gainsbourg aurait eu 90 ans. À cette occasion, France 5 diffuse le documentaire « Gainsbourg, Art(s) et Essai(s) » et un coffret de 4 CD accompagnés d’un DVD propose plus de 70 chansons, dont de nombreuses ont été interprétées par d’autres artistes que lui, de Brigitte Bardot à Juliette Greco, en passant évidemment par Jane Birkin.

     

    Serge Gainsbourg fut un artiste surdoué. Un interprète, bien-sûr, mais aussi un auteur : « A l’inverse des autres qui ont des idées que font véhiculer les mots, moi, ce sont des mots que véhiculent les idées ». Et de mots, sa tête de chou en était pleine… Avec presque 500 chansons écrites en trente ans de carrière, Serge Gainsbourg fut un auteur-compositeur prolifique. Il a écrit pour tous les grands noms de la chanson française. Pourtant, en tant qu’interprète, le jeune Lucien Ginsburg connait des débuts mitigés.

     

    [youtube id= »eWkWCFzkOvU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    « Les premières expériences de scène de Gainsbourg sont désastreuses. Il a trop le trac et incarne un personnage qui ne ressemble en rien à ce qu’est un chanteur normal à l’époque. Ça commence très mal mais il va persévérer. L’enregistrement le plus remarqué du « Poinçonneur des Lilas », ça n’est pas celui de Gainsbourg mais celui des Frères Jacques. » (Bertrand Dicale, auteur de « Tout Gainsbourg » – Editions Jungle)

     

    [youtube id= »uqnews4C0g8″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Serge Gainsbourg suit donc le parcours habituel d’un auteur-compositeur à l’époque, qui essaie de percer comme interprète, mais qui reste essentiellement chanté par les autres. Il a alors la chance d’être adoubé par Juliette Greco, qui enregistre ses chansons  et le prend en première partie de ses concerts.

     

    [youtube id= »GEpaVG3As-c » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Une fois le succès obtenu en devenant la plume de Juliette Greco, il va susciter l’engouement de bien d’autres chanteuses.

     

    [youtube id= »tMCfnLAKRl8″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Le désir est un thème récurrent dans les textes du grand Serge, mais ce grand timide joue à les faire chanter par des femmes.

     

    « Il aime que des femmes chantent ses mots. C’est ce qu’il fera avec Zizi Jeanmaire, Régine ou Greco, et évidemment France Gall. Mais avant Gainsbourg, jamais un auteur n’aurait écrit ces paroles-là pour une femme. Sauf que lui a osé… Quand il fait chanter à France Gall dans « Poupée de Cire, Poupée de Son » qu’elle n’est qu’une gourde sans cervelle, car c’est ce qu’elle chante dans les faits, il trouve cela beaucoup plus intéressant. » (Bertrand Dicale, auteur de « Tout Gainsbourg » – Editions Jungle)

     

    Gainsbourg est un parolier malin, intelligent. Il ne va pas simplement jouer sur des évidences telles que « amour, toujours, caresse, tendresse », mais il va plus exceller dans l’art de l’écriture que l’on pourrait qualifier de « piégée » : «  Je choisis toujours des rimes en axe, ixe… C’est beaucoup plus difficile. Au départ, je n’ai pas d’idée, mais le mot me donne les idées ».

     

    [arve url= »https://vimeo.com/119921095″ title= »Françoise Hardy : « Comment Te Dire Adieu »  » description= »Dim Dam Dom (1er mars 1969) » align= »center » maxwidth= »900″ sticky_pos= »top-left » loop= »no » muted= »no » /]

     

    Gainsbourg pratique beaucoup le jeu de mots. Souvent, le mot est à double-sens, quand il n’est pas à double-sens sexuel, comme dans « Les Sucettes » en 1966. Et puis, il y a ces chansons magnifiques écrites pour Bardot ou Birkin.

     

    [youtube id= »VPOYtC1n5bE » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Pour les garçons, il est en revanche moins inspiré. Il compose des chansons fortes pour Jacques Dutronc, mais ce ne sont pas des paroles qui mettent en danger l’image ou la posture culturelle de ses interprètes. Cependant, il retrouve parfois cette façon de renverser l’échiquier, avec une chanson comme « Joujou à la casse », un texte dans lequel il fait dire à Alain Chamfort que les petites fans, les filles qui sont amoureuses de lui, il n’en veut plus.

     

    [youtube id= »nJnTP6yeH6w » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Gainsbourg ne rend pas les armes pour autant et persiste. En 1979, avec son album « Aux Armes et Caetera », il devient enfin un interprète reconnu. Avec le succès, ses collaborations se font de plus en plus rares, même si certaines feront date.

     

    [youtube id= »yu1-ZeQ-leI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    A ne pas rater le documentaire « Gainsbourg Art(s) et Essai(s) » dimanche 1er avril à 09h25 sur France 5.

     

     

     

  • Printemps de Bourges 2018 : Les femmes en force

     

     

    La programmation définitive du 42ème Printemps de Bourges a été dévoilée au début du mois. La thématique de ce cru 2018 est « Femmes ! » : elles seront en force du 24 au 29 avril.

     

    De Véronique Sanson à Catherine Ringer, en passant par Brigitte, Charlotte Gainsbourg, Shaka Ponk, ou encore Sandrine Bonnaire, les femmes sont à l’affiche de ce 42ème Printemps de Bourges.

    Un choix cependant loin d’être imposé par « l’actualité sordide de ces dernières semaines », comme l’explique Boris Vedel, le directeur du festival. « Le Printemps a toujours eu la fibre féminine. Mais cette année, nous avons tous été touchés par le décès de Simone Veil, et on a voulu lui rendre hommage. Je pense que nous sommes à ce jour le seul festival qui peut se targuer d’avoir une programmation à 50 % féminine ».

    Mais, au-delà de cette originalité, le Printemps 2018 a été fidèle au credo qu’il s’est fixé depuis plus de quarante ans : « Création, découvertes et émergences ». C’est ainsi qu’aux côtés des talents reconnus comme Orelsan, Ran’N’Bone Man, Bigflo et Oli, Laurent Garnier ou Eddy de Pretto, les Inouïs, comprenez les jeunes pousses, auront cette année encore la part belle.

     

    « Faire la fête dans la ville »

     

    Autre point d’orgue de cette édition, l’effort appuyé sur le label « Le Printemps dans la ville » qui a pour mission de développer encore un peu plus le off du festival, qui se joue dans les bars et les restaurants. « Nous lui avons réservé une nouvelle scène, qui sera installée place Cujas. » note Boris Vedel. « Nous voulons vraiment rendre au public, en accès libre, tout ce qu’il nous a apporté depuis toutes ces années. Avec une meilleure communication. »

    Du côté des créations, la belle ouvrage aura lieu cette année dans la cathédrale de Bourges, avec un hommage rendu à Léonard Cohen, pour un spectacle judicieusement titré Hallelujah. Le Printemps 2018 et ses quelque 150 artistes sont sur les rails. Rendez-vous en avril.

     

    « Le Printemps de Bourges doit devenir, pour tous ceux qui s’intéressent à la chanson, un lieu de création, d’expression et de confrontation sur la chanson d’aujourd’hui. ». C’est par cette phrase que, fin 1976, se présente un concept nouveau : un festival de chanson, en plein cœur d’une ville moyenne de province, pendant les vacances de Pâques.

     

    Alors que s’annonce la 42ème édition du Printemps de Bourges, nous pourrions conjuguer cette phrase au présent. Il suffirait de remplacer le mot « chanson », devenu trop restrictif aujourd’hui, par « musiques actuelles » ou « musiques populaires », et nous retrouverions presque à l’identique l’esprit et la forme du premier Printemps de Bourges, tels que l’entendaient son fondateur Daniel Colling et ses complices Maurice Frot et Alain Meillant.

    En 41 ans, il est passé à Bourges plus de 4 000 artistes et groupes. Quatre décennies d’histoire des musiques populaires, Léo Ferré et Dominique A, NTM et Juliette Gréco, U2 et Cesaria Evora, Jean-Louis Murat et Jacques Higelin, les Têtes Raides et Anne Sylvestre…

     

    [youtube id= »8c3aupm3M3A » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Le Printemps de Bourges 2018

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Le Programme

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] L’Histoire du Printemps

     

     

     

  • The Avener : pour la musique, rien que la musique…

     

     

    Avant de s’initier aux platines, Tristan Casara, alias The Avener, jouait du piano classique. Son grand sens des harmonies et son style inclassable ont longtemps empêché le DJ niçois de trouver sa place dans un paysage électronique trop cloisonné. Mais un coup de génie le fait sortir de l’ombre fin 2014 : son « Fade Out Lines », remix de la chanson de Phoebe Killdeer, a dépassé les 44 millions de vues sur YouTube, et s’est classé numéro 1 dans une vingtaine de pays sur iTunes.

     

    Depuis cette consécration, « beaucoup de choses ont changé dans ma vie, mais surtout le fait de pouvoir faire désormais ce que j’aime et d’en vivre », confie le DJ de 29 ans. « C’est un vrai bonheur », répète-t-il à l’envi. Ce succès planétaire lui a permis de sortir en janvier 2015 son premier album, « The Wanderings of the Avener », un patchwork composé de tout ce qu’il avait mis de côté depuis des années. Des « errances » teintées de deep house, dans lesquelles il emprunte au funk, à la soul, à la pop. Nouveau jackpot : « The Wanderings of the Avener » est sacré meilleur album électronique aux Victoires de la Musique 2016.

     

    [youtube id= »sztaCM3CzfA » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Comment avez-vous déniché la chanson « Fade Out Lines », dont vous avez fait un tube ?

    The Avener : « J’officiais à l’époque comme DJ résident dans les bars et discothèques de la région niçoise, et je cherchais continuellement de quoi alimenter ma playlist. Je suis tombé sur ce morceau original de Phoebe Killdeer & The Short Straws, et j’ai tout de suite pressenti qu’il y avait un autre chemin artistique à prendre avec ce titre. Partir d’un morceau très soul dans le tempo pour en faire quelque chose de très dansant. C’était ma vision première. J’ai travaillé ça en une seule nuit, et dès le lendemain, j’ai joué pour la première fois ce morceau dans un tout petit bar à Nice. La réaction a été très favorable, j’ai senti qu’il y avait un potentiel populaire à travers cette musique, qui ne l’était pas du tout pour moi à la base.

    Du coup, j’ai retenté l’expérience deux soirs de suite dans des bars et discothèques, et j’ai constaté les mêmes réactions dans le public. Les gens venaient me voir en me demandant : « C’est quoi ce morceau ? Est-ce qu’il est sorti ? Ou est-ce qu’on peut le trouver ? ». Pour la peine, j’ai été assez surpris ! Ensuite, les choses se sont passées simplement. J’ai posté cette version sur la plate-forme Soundcloud dans un premier temps. Les vues ont grimpé. Ensuite le morceau est sorti sur un petit label parisien, 96 Music. Le morceau s’est vite fait connaître grâce aux partages, aux DJs et voilà. Ensuite, ça a été une envolée pour pouvoir créer une démarche plus personnelle, à savoir un album. »

     

    [youtube id= »Vh4fYpQ_n08″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Avec le recul, comment analysez-vous le succès phénoménal de ce morceau ?

    The Avener : « C’est toujours très difficile à dire. Pourquoi un plat plaît plus qu’un autre dans un restaurant ? Je pense que c’est une version assez multi-générationnelle. Dans mes reworks, j’essaie toujours de trouver un bon compromis avec la musique électronique, sans que ça agresse l’oreille ou que ça méprise la production originale. Je pense aussi que ce qui a fait le succès de « Fade Out Lines », c’est que la chanson pouvait aussi bien s’écouter dans la voiture le matin qu’en dansant le soir. Il y a une vocation multiple à ce morceau, avec de l’âme, un beau refrain et la voix de Phoebe Killdeer, qui est extraordinaire. »

     

    [youtube id= »hqwU7nv3hTM » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Vous préférez parler de rework plutôt que de remix. Quelle différence faites-vous entre les deux ?

    The Avener : « J’ai lancé cette appellation avec l’album, parce que la démarche était assez différente d’un remix, d’un point de vue technique. Dans un remix, généralement, on va vraiment chercher la différence avec le morceau original en changeant l’instrumental, l’harmonisation, en ajoutant des parties. Alors que moi, j’essaie plutôt de trouver la partie la plus sincère, celle qui me touche le plus dans le morceau pour la mettre en avant, la ré-arranger avec la rythmique électronique, rajouter des basses, lui donner plus d’énergie avec la couleur de la musique actuelle. Un rework c’est plus un ré-arrangement, une recomposition, une rhapsode. Le mot juste serait peut-être « sublimer ». »

     

    Vous avez un côté chercheur d’or : vous fouillez pour trouver la pépite que vous allez travailler…

    The Avener : « Oui, c’est une vraie passion depuis que j’ai commencé le métier de DJ. On a la chance de vivre dans une période artistique extrêmement riche et à portée de tous. Je passe deux ou trois heures par jour à chercher de la musique. En fait, dès que j’ai un moment de libre, je me mets à fouiner, à cadrer mes recherches autour de différentes plateformes, de différents endroits sur Internet. C’est tellement large qu’on trouve toujours quelque chose de très intéressant. »

     

    Comment définissez-vous votre style musical ?

    The Avener : « Je n’ai pas vraiment de limites au niveau du style. Je suis DJ à la base, je suis quelqu’un qui partage la musique, et c’est vraiment important de pouvoir revendiquer toutes mes influences, que ce soit de la musique afro, de la musique funk, etc. Cet éclectisme, les maisons de disque me l’ont toujours refusé, les petits labels comme les grosses majors. On me disait qu’il fallait que je m’en tienne à un seul style musical, que je ne me disperse pas.

    Mais on a fini par me donner cette chance, et aujourd’hui je suis content de pouvoir raconter une histoire à travers cet album, en passant par de la soul, du blues, et de la musique électronique. C’est ce que je cherchais à faire depuis longtemps, et je suis très satisfait du résultat. Je pense que les gens ont besoin de diversité aujourd’hui, dans la musique comme dans leur vie quotidienne. »

     

    [youtube id= »2ABNMRWr1Sg » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Comment envisagez-vous la scène ?

    The Avener : « C’est vraiment au feeling. Je pense qu’il y a une vraie relation qui se crée aujourd’hui entre les DJ et la foule, que ce soit moi ou les autres. Parce que chaque morceau est un outil pour amener le public dans une autre ambiance. Pour ça, je n’ai pas que des platines, j’ai aussi deux synthés et une machine qui me permet de faire des rythmiques en live. C’est tout un cockpit de machines intégrées.

    Donc j’apporte quelque chose de très dynamique, je fais voyager les gens en passant un peu par tous les styles. Je joue les morceaux, je fais les remix en live, avec pas mal d’impro aussi. J’essaie d’apporter un set neuf, pas un truc carré, préparé à l’avance à 100 %. Je vais parfois vous faire écouter des parties plus instrumentales sur quatre minutes, et derrière vous faire danser pendant un quart d’heure. Un set avec beaucoup de vagues, beaucoup de différence entre chaque morceau mais que j’essaie de mettre sur un même chemin pour que le message soit bien compris. »

     

    Comment s’est passé le rapprochement, très surprenant, avec Mylène Farmer ?

    The Avener : « On a des contacts en commun puisqu’on est dans le même label, Universal. Elle a été amenée à écouter mon album un peu avant sa sortie, en décembre 2014. J’ai reçu un coup de fil de sa part : elle voulait qu’on se rencontre. J’étais impressionné parce que c’est quand même une légende de la variété française, qui a largement dépassé les frontières. J’ai rencontré une personne extrêmement charmante, attentionnée, très sensible à la musique et à l’écoute de ce que je pouvais proposer pour ses prochains projets.

    On a fait quelques démos ensemble, et il y avait cette démo de « Stolen Car » avec Sting, dont je suis un grand fan… Elle m’a laissé carte blanche sur le déroulement du single, sur la production, sur la composition. C’était vraiment nouveau pour moi parce que je n’ai pas l’habitude de faire de la chanson pop, donc j’ai apporté ma patte un peu plus électronique, et ça collait bien. Et le morceau a fait numéro 1 dans quatorze pays. »

     

    [youtube id= »HQkkmYIu95I » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Votre deuxième album est en cours de préparation…

    The Avener : « Tout à fait, je suis en train de préparer mon deuxième album. Ça va prendre un peu de temps parce que je veux faire les choses différemment, ne pas aller là où les gens m’attendent. Il y aura beaucoup plus d’originaux sur cet album, et aussi bien évidemment des reworks. Je suis en plein dedans, et c’est un vrai bonheur de pouvoir se remettre à travailler, d’avoir aussi des opportunités de collaborations que je n’aurais même pas pu imaginer avant. C’est de la création pure, je vais y mettre beaucoup de sentiments. »

     

    Pour quand est prévue la sortie ?

    The Avener : « Je n’ai pas de perspective exacte parce que je me suis juré de m’enlever ce genre de contraintes. C’est en travaillant avec la pression que l’on bâcle et qu’on finit par ne pas être fier de son travail. J’ai bien informé ma maison de disques qu’il fallait me laisser du temps, ce qu’elle m’a accordé. Donc je suis vraiment tout à fait relax sur ça. Pour l’instant, je suis dessus, et je donnerai une date quand j’aurai 50 ou 60 % de l’album terminé. »

     

    Aujourd’hui, quel serait votre rêve ?

    The Avener : « Je vis déjà un rêve actuellement. C’est vraiment beaucoup de bonheur, beaucoup de satisfaction personnelle. Mais si j’avais un rêve, je dirais que je me verrais bien dans quelques années pouvoir composer de la musique de film. J’ai une grande passion pour la musique sur image, donc pourquoi ne pas pouvoir composer des bandes originales. C’est un rêve que j’ai depuis que je suis tout petit. Quoi qu’il en soit, je continuerai à faire des concerts, à faire de la musique, à faire ce que j’ai envie de faire. Bref, à vivre ma passion. »

     

     

    Propos recueillis par Chloé Bossard, journaliste au Courrier de l’Ouest

     

     

     

     

     

  • « Dada Africa », confrontation étonnante au Musée de l’Orangerie

     

     

    Une confrontation étonnante au Musée de l’Orangerie, entre les artistes dadaïstes qui dès la guerre de 14 rejettent les valeurs traditionnelles et d’autre part les oeuvres africaines, amérindiennes et asiatiques.

     

    L’exposition « Dada Africa » nous fait ainsi voyager du monde de Tristan Tzara et Francis Picabia à celui des masques et des statues d’Afrique ou du Japon.

     

    Zurich, 1916. Le mouvement artistique le plus rugissant du 20ème siècle vient de naître : Dada. Sur la scène du célèbre Cabaret Voltaire, en réaction à la grande boucherie de la première guerre mondiale, des artistes vont faire voler en éclats toutes les règles de l’art moderne, avant de faire tache d’huile à Berlin, Paris et même New York. Pour bousculer les vieilles valeurs bourgeoises européennes, ils décident de puiser à de nouvelles sources extra-occidentales, et c’est ce que nous raconte la très belle exposition au Musée de l’Orangerie à Paris.

     

     

    « Les Dadaïstes vont créer ensemble un mouvement artistique qui va être fondé à la fois sur la poésie, la danse, le chant ou la pratique plastique. Un brassage des arts qui fera la richesse de ce mouvement Dada et qui constituera un grand vent de liberté soufflant sur la création de l’époque. » (Cécile Girardeau, Conservatrice au Musée de l’Orangerie)

     

    Explication de ce grand métissage Dada en trois exemples… En commençant comme il se doit en 1916 avec l’artiste et collectionneur roumain Tristan Tzara.

     

     

    « Tristan Tzara adoptera une véritable démarche de chercheur, écumant les bibliothèques pour retrouver des revues d’ethnographie et des sources de récits à la fois africains, mais aussi océaniens, ou encore pour retranscrire de la poésie Maori. » (Cécile Girardeau)

     

    Deuxième exemple avec l’artiste plasticienne berlinoise Hannah Höch, l’une des pionnières de la technique du photo-montage au milieu des années 20.

     

     

    « Hannah Höch va s’intéresser particulièrement à l’aspect plus féministe des choses, en découpant dans des magazines de mode féminins des parties du corps de la femme, comme des jambes portant jupe et talons, qu’elle va adjoindre à de nombreux autres éléments complètement hétéroclites, tels que masque africain, buste égyptien ou tête à moustache. » (Cécile Girardeau)

     

    Figure hybride, chargée d’un message politique fort, Hannah Höch démonte les stéréotypes, quels qu’ils soient, du racisme au machisme, en passant par le poids de la société sur l’individu, et définit ce que doit être cet individu au sein de cette société. La leçon des Dadas, c’est que l’on peut tout être…

     

    Troisième exemple avec les costumes de la plasticienne et danseuse suisse Sophie Taeuber-Arp créés en 1922.

     

     

    « Sophie Taeuber-Arp était passionnée par ce que l’on nomme les arts appliqués, qu’elle considérait comme des arts sans hiérarchie, contrairement au sytème des Beaux-Arts traditionnels. Le mouvement Dada a d’ailleurs beaucoup oeuvré à décloisonner ces « Beaux-Arts » » (Cécile Girardeau)

     

    Sophie Taeuber-Arp est donc allée fouiller du côté des traditions amérindiennes. On retrouve dans son travail une fascination pour une tribu bien particulière, les Hopis et ses objets rituels prénommés les poupées Kachinas. Ce sont des objets de petite taille et très colorés. La plasticienne s’inspirera ainsi des motifs de ces poupées pour réaliser des dessins et des costumes. Passionnée par la mise en scène du corps, Sophie Taeuber-Arp se produira régulièrement sur la scène du Cabaret Voltaire.

     

    « Dada ose tout, Dada renverse tout », à la fois pour rechercher d’autres sources d’inspiration que les hiérarchies occidentales traditionnelles, pour se libérer, pour se révolter, mais aussi pour retrouver ce qu’est vraiment l’homme.

     

    A découvrir au Musée de l’Orangerie jusqu’au 19 février 2018.