Sa voix restera dans l’histoire de la soul : Charles Bradley aurait eu 70 ans le 5 novembre mais il rugit encore sur disque. « Black Velvet », son tout dernier album posthume, a été affectueusement conçu par ses amis de Daptone Records comme un hommage à l’immense artiste qu’était Charles Bradley…
Une voix déchirante, pétrie de douleurs et de drames, puissante et fragile à la fois, voici ce que laisse Charles Bradley, star de la soul révélée sur le tard, après une vie de débrouille et de deuils, ainsi que trois albums sur le mythique label Daptone Records, et quelques chansons ici et là rassemblées sur ce disque posthume.
À la barre, un homme brisé, aujourd’hui encore, par la mort de son ami : Thomas Brenneck, son producteur, musicien, auteur et bien plus que ça. Très affecté encore, il se confie : « Je ne sais pas comment je suis supposé aller de l’avant en tant qu’artiste car Charles était mon vaisseau-amiral. Seul le temps pourra m’aider ».
« Pour moi, la perte est immense. Rassembler toute cette musique, cela semblait être la meilleure chose à faire mais ça ne m’a finalement pas aidé, en aucun cas… » (Thomas « TNT » Brenneck, producteur et ami de Charles Bradley)
Sur ce disque, des chansons jamais dévoilées, des reprises de Nirvana (« Stay Away »), Sixto Rodriguez (« Slip Away ») ou Neil Young (« Heart Of Gold »), des raretés aussi, mais pas de nouveaux titres, la maladie étant déjà trop présente pour enregistrer des prises. « Il n’était jamais assez bien pour que j’appuie sur le bouton « Record », confesse Thomas Brenneck. Il aurait dû se reposer davantage. Quand on se voyait, ça me brisait le cœur de le voir essayer de chanter sans en avoir la force, alors on profitait juste l’un de l’autre, je ne pouvais pas me résoudre à l’enregistrer alors qu’il n’était pas à 100 % ».
L’album « Black Velvet » célèbre donc l’immense artiste qu’était Charles Bradley, respectueusement compilé par ses amis et famille du label Daptone Records.Même si les morceaux de cet ultime opus balaient chronologiquement toute la carrière du « Soul Man », il ne s’agit en aucun cas d’une anthologie de ses plus grands succès ou d’autres énièmes remâchages sans profondeur d’âme des chansons qui l’ont rendu célèbre.
Non, cet album constitue plutôt une exploration profonde des recoins les moins abordés de l’univers attendrissant et touchant que Charles Bradley et son producteur de toujours, co-auteur et ami Tommy « TNT » Brenneck, ont façonné ensemble en studio tout aux long des dix années qu’a duré leur fructueuse collaboration.
« L’art, surtout en ce qui concerne Charles, est intimement lié à la douleur, celle qu’il a en fait endurée toute sa vie. Quand il chantait, tout venait de ce grand puits de douleur et d’angoisse, il transportait tout ça et ne savait pas vraiment le transmettre avec des mots. Il transformait ce négatif en positif, et l’exprimait à travers l’amour. » (Thomas « TNT » Brenneck, producteur et ami de Charles Bradley)
Charles Bradley a succombé au cancer sur la route, en tournée. Sa voix reste un témoignage formidable, celui d’une vie passée à lutter contre l’adversité. Charles Bradley n’aura jamais pleinement profité des fruits de sa carrière stratosphérique, pas plus de dix ans. Son seul héritage s’écoute, et il sonne merveilleusement juste et bien.
MATEL appartient à la tribu de ces Parisiens heureux qui s’évertuent à répandre le French Kiss partout dans le monde, comme un signe d’amour.
Ce qui les différencie des autres groupes pacifiques indépendants, c’est le fait qu’ils communiquent à travers des visuels et des sons. Ils ne parlent pas, et ne se rencontrent que dans l’obscurité, pour y partager des images par le biais de leurs appareils portables. Nous prétendons qu’une image équivaut parfois à des milliers de mots, et bien ce sont des milliers d’images que ces Parisiens s’échangent…
Paris et New York, comme beaucoup d’autres grandes villes, ont de nombreux points communs : transports, infrastructures, monuments historiques…
MATEL, avec son film créé pour la compagnie aérienne française OpenSkies, souhaitait explorer les points de comparaison entre les deux villes, pour mieux en faire ressortir leurs différences, en exposant leur beauté et leur singularité.
Superman, le plus célèbre des super-héros en collants bleus fête ses 80 ans. L’occasion pour nous de vous raconter les origines d’un des héros préférés des enfants d’hier et d’aujourd’hui.
« C’est un oiseau ! C’est un avion ! Non, c’est Superman ! ». Il y a 80 ans, le dernier fils de Krypton faisait sa toute première apparition dans les pages du premier numéro de la revue « Action Comics », daté de juin 1938.
Ses créateurs, le scénariste américain Jerry Siegel et le dessinateur canadien Joe Shuster, ne s’imaginaient sans doute pas que leur personnage rencontrerait un tel succès et encore moins que 80 ans plus tard, il serait toujours aussi populaire.
S’il n’est pas tout à fait le premier super-héros de l’histoire – cet honneur revient à Doctor Occult créé trois ans plus tôt par les mêmes Siegel et Schuster – il est sans nul doute celui qui, parmi tous les super-héros qui feront leur apparition au fil du temps, en deviendra le plus emblématique.
Superman a en effet immédiatement rencontré un énorme succès. A tel point qu’un an seulement après sa création, il fut le premier super-héros à avoir droit à sa propre revue « Superman » en 1939, puis à son feuilleton radiophonique, « Les Aventures de Superman » en 1940, ainsi qu’à son dessin animé en 1941.
Un succès dans lequel se sont engouffrés de nombreux autres super-héros créés dans la foulée, parmi lesquels : Batman en 1939, Captain Marvel, Flash et Green Lantern en 1940, Wonder Woman et Captain America en 1941…
Mais si Superman occupe une place à part dans l’imaginaire collectif américain, ça n’est pas simplement parce qu’il fut le premier. Ou en raison de son costume flanqué d’un grand « S » sur la poitrine, reconnaissable entre mille, voire de ses pouvoirs extraordinaires.
Mais bien parce qu’assez rapidement, Superman est devenu l’archétype de l’icône américaine. Tant du fait des valeurs qu’il défend, comme héros et comme reporter : « la vérité, la justice et le rêve américain », que du fait de son histoire personnelle : celle d’un immigré seul survivant de sa planète, recueilli bébé par un couple d’agriculteurs du Kansas, qu’ils prénomment Clark Kent, comme ultime preuve de l’immense pouvoir d’accueil et d’assimilation des Etats-Unis.
Une histoire qui fait écho à celle de nombreux Américains, mais aussi à celle de ses créateurs, Jerry Siegel et Joe Shuster, tous deux enfants d’immigrants juifs d’Europe de l’Est.
En effet, contrairement à l’image de « boy scout » qu’on lui prête souvent, Superman n’a jamais hésité à s’engager contre les injustices. Quitte à créer parfois la polémique.
En 1946, dans un épisode resté célèbre de l’émission de radio « Les Aventures de Superman », il fut ainsi un des premiers héros à s’en prendre ouvertement au Ku Klux Klan.
Tout comme celle, en septembre 2017, de le faire s’interposer entre un suprématiste blanc et des immigrés clandestins pour défendre ces derniers, un mois seulement après la tuerie de Charlottesville.
Mais comme aime à le préciser DC Comics, Superman « personnifie ce qu’il y a de meilleur dans le rêve américain ».
« On ne compte plus le nombre de personnes dans le monde qui arborent un t-shirt Superman, sans pourtant avoir forcément lu une seule page des aventures du personnage. Mais Superman porte en lui l’espoir qu’un meilleur est possible. Et tant que cet espoir subsiste, rien n’est tout à fait perdu. » (François Hercquet, Directeur Éditorial de « Urban Comics »)
Superman a donc 80 ans en 2018 mais il n’a finalement pas pris une ride, tant il colle à son époque… Normal, Superman est un super-héros. Depuis 1938, des centaines de BD ont été publiées et une dizaine d’acteurs ont endossé la cape à l’écran. Pourquoi le public actuel se reconnaît encore dans ce héros d’un autre siècle ?
Superman apparaît en 1938, au moment où les grandes métropoles américaines connaissent un essor fulgurant, accompagné d’une corruption et d’une criminalité croissantes. Le super-héros redresseur de tort, c’est alors la bonne conscience des lecteurs face aux travers du monde.
En 2018, la dureté et la déshumanisation des mégalopoles sont d’actualité et les combats de Superman gardent ainsi un fort écho. Le personnage, quant à lui, à l’instar d’autres super-héros, à commencer par Batman, devient plus complexe et sombre, moins lisse.
Et puis, Superman est à sa façon un migrant, un réfugié. Son monde natal, la planète Krypton, a été détruit lorsqu’il était enfant. Superman est un étranger qui n’aspire qu’à se fondre parmi la population du pays qui l’a accueilli, les Etats-Unis. Encore un thème fort de notre temps…
Enfin, le pire ennemi du héros, c’est Lex Luthor, un mauvais génie milliardaire et mégalomane qui fomente de bien sombres projets. Pour certains, ce personnage apparu en 1940 serait simplement une préfiguration des grands patrons d’internet. Bref, du haut de ses 80 ans, Superman nous raconte finalement la société d’aujourd’hui.
Probablement sans le savoir, les clients du centre commercial Intermarché de Ris-Orangis, dans l’Essonne, remplissent leur chariot dans un lieu exceptionnel.
En effet, le bâtiment qui abrite ce supermarché est l’oeuvre de Claude Parent, l’un des plus grands architectes français, décédé en 2016. En 2012, David Liaudet, enseignant aux Beaux-Arts du Mans, déposait un dossier à la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), en vue du classement du site, inauguré en 1970, aux Monuments Historiques. La même année, il était déjà parvenu à faire classer une autre oeuvre de Claude Parent, le centre commercial Maillot de Sens (Yonne), datant de la même période. Ce passionné d’architecture déclare d’ailleurs n’avoir « aucun intérêt dans cette histoire, si ce n’est de préserver un patrimoine unique et rare ».
Symbole du « Brutalisme », tendance architecturale née en Angleterre dans les années 50, qui selon la définition du Larousse, privilégie « l’emploi de matériaux bruts comme le béton, la non-dissimulation de l’infrastructure technique, telle que tuyauterie, et la liberté des plans », ce bâtiment n’a jamais été modifié depuis sa construction. « Pour un bâtiment commercial de cette époque, c’est très rare. Ce qui en dit long sur la qualité architecturale du projet, qui a su absorber les chocs commerciaux sans être transformé » confie Davis Liaudet.
Vous vous demandez sûrement à quoi ressemblait une block-party dans le Bronx en 1977 ? Asseyez-vous, papi va vous expliquer…
Bon, commençons par le commencement… Une block-party est, dans la culture américaine, une fête de quartier qui réunit le voisinage autour de quelques musiciens. Les block-parties ont vu leur popularité croître à partir des années 1970, notamment à New York, dans les boroughs de Manhattan (quartier de Harlem), du Queens, de Brooklyn ou du Bronx. Ces block-parties ont eu une influence très importante dans l’éclosion de la culture hip-hop, du rap, ou du dee jaying.
Le principe de la block-party est simple : on ferme les deux côtés d’une rue avec des barrières et un service de sécurité, on branche les éclairages et la sono sur un lampadaire dont on détourne le courant, et on fait payer un faible droit d’entrée pour que les gens du quartier viennent faire la fête, loin des lumières de la ville. Le Dj arrive : c’est un personnage-clé, le héros de la nuit. Avec sa mallette de 45 tours dont il a détaché les étiquettes afin que les curieux — ou les Djs concurrents — ne viennent pas deviner sa sélection musicale, il a de quoi secouer la nuit new-yorkaise.
A présent, remontons à cette année 1977. Comme nous l’avons déjà évoqué dans l’article « From Mambo to Hip-Hop, a South Bronx Tale », le début des seventies à New York voit émerger différents styles musicaux, parmi lesquels le hip-hop ou la funk. Dans ce document sonore exceptionnel à découvrir absolument, capturé sur le vif à l’occasion d’une de ces block-parties organisées dans le Bronx, des Djs se succèdent derrière les platines, tout ça dans un bordel indescriptible. Le « maître de cérémonie » coupe même le son pendant un instant, tentant de ramener un peu d’ordre, et demander au public de repasser derrière les barrières.
Tout ça pour dire, à ne pas rater, cet enregistrement est vraiment représentatif d’une époque…
A l’heure où les canons étaient sur le point de se taire, le 09 novembre 1918, s’éteignait une étoile dans le firmament de la poésie française : Guillaume Apollinaire. Retour sur la vie du poète, critique d’art, témoin d’une révolution esthétique et précurseur du courant surréaliste, qui mourut trop jeune, deux jours, donc, avant la fin de la Grande Guerre.
« Et toi mon coeur pourquoi bats-tu
Comme un guetteur mélancolique
J’observe la nuit et la mort »
Il faut associer la mémoire de Guillaume Apollinaire à la célébration de ce 11 novembre 1918 ; ce jour de fête, ce jour du souvenir, ce jour où dans les rues de Paris, les hommes et les femmes criaient leur joie et comptaient leurs morts. Dans les rues de Paris, bien-sûr, et même dans ce boulevard Saint-Germain, où les gens passaient, joyeux, heureux, tumultueux et où, tout là-haut, sous les toits, un poète était mort.
Guillaume Apollinaire s’était en fait éteint deux jours plus tôt, le 9 novembre, et à cause de l’armistice, il ne fut enterré que le 13 novembre. Durant ces quelques jours, il attendait là-haut, entouré de ses amis. Ses amis dont nous retrouverons quelques-uns dans le documentaire exceptionnel « L’art et les hommes » réalisé par Jean-Marie Drot et diffusée sur l’ORTF le 29 mai 1960 ; quelques-uns qui le rejoignirent, plus tard… Ce qui est frappant dans ce film, c’est la fragilité de tout ce qui est humain, la fragilité des souvenirs.
Apollinaire, dont les écoles de France, avec les meilleures intentions, sans doute, ont servi jusqu’à plus soif, peut-être, les « Alcools » à leurs élèves, lesquels n’en retiennent bien souvent, comme l’a noté Olivier Barbarant dans la revue « Europe », « que son appartenance à une avant-garde aux contours assez flous, ainsi que des images embrouillées de Tour Eiffel, d’avions, de papes et d’un soleil audacieusement décapité. »
Quand on pense à Apollinaire, on pense bien entendu à ce rire, « immense et homérique », dont parlait Paul Faure : « Apollinaire semblait un roi riant devant son peuple. Vive le puissant rire de Guillaume dans le Paris d’Apollinaire ! ». Mais on pense aussi à la mélancolie, à l’élégie, au chagrin d’amour, à « La chanson du mal-aimé ». Sans que rien ne prédomine, tout cela se conjugue, se télescope, se superpose, se suit. Apollinaire est tout cela à la fois…
Si Paul Faure évoque ce rire, c’est qu’Apollinaire était un homme d’amitié et d’enthousiasme, un homme curieux et un poète expérimentateur. Ce rire, c’est à la fois un grand éclat de rire franc, direct, massif, de quelqu’un qui aimait la vie, manger, l’amour, mais aussi un rire plus sombre, fait d’humour noir et d’ironie : « Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire ». Il pourra être ironique dans une partie de sa poésie de guerre comme dans sa critique d’art, cultivant souvent l’ambiguïté.
Apollinaire était pris dans un réseau d’amitiés extrêmement dense, et lorsque l’on se rappelle ce grand poète, on se rappelle évidemment cet aspect de sa personnalité complexe. Et peut-être que le fait d’avoir permis à tant d’artistes membres de ce réseau d’avoir pu se rencontrer et se fédérer au sein de ce qui allait devenir un même mouvement artistique fait aussi quelque part partie de son oeuvre.
Car Apollinaire était un homme de réseau, avec une facilité naturelle à mettre les gens en relation, un homme qui comprend, qui jauge sans juger, et qui perçoit à merveille leur potentiel et ce qu’ils seraient susceptibles de réaliser ensemble. Il recevait beaucoup à son dernier domicile du boulevard Saint-Germain, de Robert et Sonia Delaunay à Chagall, en passant par Blaise Cendrars ou Vassily Kandinsky. C’est par exemple lui qui mettra en contact Giorgio de Chirico avec son premier marchand à Paris, en la personne de Paul Guillaume.
« Apollinaire habitait Boulevard Saint-Germain, dans un appartement constitué de plusieurs petites pièces reliées les unes aux autres par des escaliers de navire. Il s’y mouvait, il y déchiffrait les astres, il y hissait ses voiles en uniforme bleu, sous un émouvant turban de linge, parmi les statues nègres, les toiles cubistes, les livres, les jeunes revues, ses portraits de Marie Laurencin ou du Douanier Rousseau. Il écrivait, dans la plus haute cabine, où ses fétiches de navigateur étaient un exemplaire des « Serres Chaudes » de Maeterlinck et « L’Oiseau du Bénin » sur ses pattes de cuivre. » (Jean Cocteau)
Avec Apollinaire, on a l’impression d’une vie de mouvement perpétuel. A commencer par son enfance, mouvementée, presque trouble… Le poète a toujours vécu dans cette sorte d’instabilité, et probablement qu’une de ses ambitions fut de faire de cette instabilité une vertu, une qualité, une force.
Guillaume Apollinaire est né à Rome en 1880, enfant naturel et illégitime d’une mère française issue de la noblesse polonaise, Angelika de Kostrovitsky, et d’un père qu’il n’a pas connu, même si le nom de François Flugi d’Aspermont, ancien officier d’état-major du roi des Deux-Siciles, fut souvent évoqué.
Vivant à Rome de ses charmes et du jeu, Angelika de Kostrovitsky est une aventurière. Demi-mondaine, femme galante, entretenue, à la vie marginale et dissolue, elle y a une grossesse non désirée. Wilhelm naît le 25 août 1880 mais est déclaré à la mairie le 26 sous le nom italien d’emprunt Dulcigny, d’un père inconnu et d’une mère voulant rester anonyme. Angelika ne reconnaîtra l’enfant que quelques mois plus tard devant notaire, sous le nom de Guglielmo Alberto Wladimiro Alessandroi Apollinare de Kostrowitzky.
Pour mieux brouiller les pistes, Angelika Kostrowicka russifiera son nom pour devenir Angelika de Kostrovitsky. Et comme sa mère, Wilhelm Albert Wodzimierz Apolinary de Kostrovitsky, après une enfance placée sous le signe de l’errance, se construira à son tour en s’inventant. A 19 ans, il devient donc Guillaume Apollinaire. Apollinaire comme Apolinary, le prénom de son grand-père maternel.
Il n’y aura d’ailleurs pas dans son oeuvre de poursuite ou de quête du père. En revanche, on y trouvera une interrogation, une inquiétude constante sur l’origine…
« Il avait la voix courte, comme essoufflée. Ses yeux, ses doigts, semblaient ne toucher que des choses exquises et légères. Je ne sais pas pourquoi, je l’imagine toujours en train de dérouler le fil de quelque cerf-volant. Je pense aussi à ses hardiesses aériennes lorsque Notre-Dame porte le gui charmant d’un échafaudage. Il savait que l’ange de la poésie boite et louche, et qu’il en tire ses grâces. Son souffle givrait les vitres. Il n’avait qu’à passer une feuille, la plier et la déplier pour épanouir les terribles dentelles du rêve. » (Jean Cocteau)
Cet homme dont l’appartement ressemblait à un navire, dont Jean Cocteau construit la légende de manière si lyrique en l’imaginant « déroulant le fil de quelque cerf-volant », était quelqu’un de très terrestre, terrien, affichant un goût immodéré de la vie et de la sensualité, et en même temps cet artiste qui cultivait sans cesse son imagination en s’intéressant à des choses rares, afin de prolonger son rêve d’absolu.
Plus que de dire ce qu’Apollinaire a été, de fait, et montrer l’écart entre la légende et sa vie, il est captivant de voir comment cette légende s’est construite, et pour quelles raisons, finalement, il est resté à ce point dans les souvenirs des uns et des autres, des artistes, des peintres ou des poètes, comme cette figure à la fois onirique et très charnelle…
Après une enfance marquée au sceau de l’errance, entre l’Italie et Monaco, puis d’autres villes, Spa, Aix-les-Bains, la famille Kostrovitsky finit par arriver à Paris en 1900, dans un assez grand dénuement. Et c’est là, à l’aube de ce XXème siècle qu’il marquera de son empreinte, que le jeune Wilhelm va peu à peu devenir celui qu’il devait devenir… Il choisit son pseudonyme, Apollinaire, et choisir ce pseudonyme, c’est aussi choisir la langue française et se faire un nom afin de commencer à écrire son histoire.
Car la France, pour le jeune Wilhelm, c’est la nation la plus sensée, la plus mesurée, « la fille ainée du monde latin », une terre d’accueil et de culture. Du point de vue des lettres et des arts, la France, et Paris en particulier, faisait figure de phare dans cette Europe du tournant du siècle. Tous les artistes venaient à Paris. Certains choisissaient Munich, Londres ou Madrid, mais Paris avait cette réputation de liberté absolue, de créativité. C’était à Paris qu’il fallait être…
Sa mère le voit banquier. Il va déjouer les plans maternels pour devenir écrivain et poète pour des revues parisiennes…
Apollinaire travaille donc la journée dans une banque, mais entame une seconde journée le soir venu en allant trainer ses guêtres dans tous les lieux de Paris où bat le coeur artistique et bouillonnant de la ville. Officiellement, il vivra chez sa mère, au Vésinet, jusqu’à 27 ans, mais rares sont les nuits où il rentrera dormir chez elle. C’est à cette époque que commence le parcours initiatique du jeune Wilhelm, ces années durant lesquelles sa vocation littéraire s’affermit.
En juillet 1901, il écrit son premier article pour Tabarin, hebdomadaire satirique dirigé par Ernest Gaillet, puis en septembre 1901 ses premiers poèmes paraissent dans la revue La Grande France sous son nom de naissance, Wilhelm Kostrowiztky. De mai 1901 au 21 août 1902, il est le précepteur de la fille d’Élinor Hölterhoff, vicomtesse de Milhau, d’origine allemande et veuve d’un comte français. Il tombe amoureux de la gouvernante anglaise de la petite fille, Annie Playden, qui refuse ses avances. C’est alors la période « rhénane » dont ses recueils portent la trace (La Lorelei, Schinderhannes).
De retour à Paris en , il garde le contact avec Annie et se rend auprès d’elle à deux reprises à Londres. Mais en 1905, elle part pour l’Amérique. Le poète célèbre la douleur de l’éconduit dans Annie, La Chanson du mal-aimé, L’Émigrant de Landor Road, Rhénanes.
Dans ses premiers écrits, on retrouve déjà toutes les qualités qui caractériseront plus tard l’oeuvre d’Apollinaire, même s’il est encore très attaché au symbolisme. Il n’aura de cesse, toute sa vie, que de remettre continuellement en cause ses acquis, et ne fera jamais la même chose, au mépris de ce dont il pouvait être satisfait antérieurement. Les premiers contes qui seront repris dans « L’Hérésiarque et Cie » (Contes publiés chez Stock en 1910) marquent une étape majeure dans sa façon d’écrire.
Et puis, il y aura La Chanson du mal-aimé…
« Soirs de Paris ivres du gin Flambant de l’électricité Les tramways feux verts sur l’échine Musiquent au long des portées De rails leur folie de machines
Les cafés gonflés de fumée Crient tout l’amour de leurs tziganes De tous leurs siphons enrhumés De leurs garçons vêtus d’un pagne Vers toi toi que j’ai tant aimée
Moi qui sais des lais pour les reines Les complaintes de mes années Des hymnes d’esclave aux murènes La romance du mal aimé Et des chansons pour les sirènes »
Apollinaire publie ce poème en 1909. il aura mis six ans à l’écrire, tant sa genèse fut douloureuse pour les raisons évoquées plus haut, mais cette oeuvre marque le début d’une période qui conduira le poète sur le chemin du succès. Cette même année, L’Enchanteur pourrissant, son œuvre ornée de reproductions de bois gravées d’André Derain est publiée par le marchand d’art Daniel-Henry Kahnweiler.
Entre 1902 et 1907, il travaille pour divers organismes boursiers et parallèlement publie contes et poèmes dans des revues. C’est à cette époque qu’il prend pour pseudonyme Apollinaire, d’après le prénom de son grand-père maternel, Apollinaris, probablement en référence à Apollon, dieu de la poésie. En novembre 1903, il crée un mensuel dont il est rédacteur en chef, Le festin d’Ésope, revue des belles lettres, dans lequel il publie quelques poèmes ; on y trouve également des textes de ses amis André Salmon, Alfred Jarry, Mécislas Golberg, entre autres…
Entre 1910 et 1914, Apollinaire est partout… En 1910, il devient critique d’art à L’Intransigeant, et on le croise dans tous les salons littéraires, les galeries et les ateliers de la capitale. Apollinaire commence à se faire un pseudonyme et à écrire son histoire… Il devient à cette époque le tout premier défenseur du Cubisme, mouvement pictural qui vient tout juste de naître et qui fait déjà scandale. Les débats sur le Cubisme monteront même jusqu’à l’Assemblée Nationale où le député Marcel Sembat prendra fait et cause pour le courant naissant face à ses détracteurs, pour qui le Cubisme était une dégénérescence du génie français.
Apollinaire est en première ligne et prend ainsi la défense de ses amis peintres. Visionnaire, curieux de tout et sans cesse à l’affut des tendances de demain, le poète sent bien qu’avec le Cubisme, un vent nouveau s’apprête à souffler sur le paysage artistique français. Picasso, Braque ou Marie Laurencin sont à l’origine de ce mouvement qui pourrait bien changer radicalement le regard du public, face à un tableau qui a ses lois propres et qui n’imite plus la réalité, balayant toute notion de perception rétinienne ou de perspective linéaire telle qu’elle fut inventée à la Renaissance.
Le , accusé de complicité de vol de La Joconde, pour avoir hébergé Géry Pieret, une de ses relations qui avait dérobé en 1907 des statuettes au Louvre, et qui furent ensuite revendues à Picasso, Apollinaire est emprisonné durant une semaine à la prison de la Santé ; cette expérience le marquera profondément. Cette année-là, il publie Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée orné des gravures de Raoul Dufy. En 1913, les éditions du Mercure de France éditent Alcools, somme de son travail poétique depuis 1898.
« Je ne me souviens pas précisément de ma rencontre avec Apollinaire. Je me souviens surtout que deux ou trois jours plus tôt, j’avais rencontré Picasso chez Clovis Sagot. Picasso, quant à lui, avait dit à Guillaume Apollinaire qu’il venait de rencontrer sa fiancée… Tout à fait par hasard, Apollinaire est venu le même jour que moi chez Sagot. Et c’est ainsi que nous nous rencontrâmes. Nous sortîmes et Guillaume me parla immédiatement de sa chère Masoche… Ça m’a étonné, un garçon qui parlait de masochisme à une inconnue… » (Marie Laurencin en 1952)
Lorsque Marie Laurencin rencontre Guillaume Apollinaire en 1907, elle est une jeune peintre de 24 ans qui débute aux côtés de Georges Braque. Picasso fait sa connaissance quelques jours plus tôt et dira à Apollinaire : « J’ai rencontré ta fiancée ». Quant à Apollinaire, après avoir rencontré la peintre chez le marchand d’art Clovis Sagot, il fera dire à l’Oiseau du Bénin par Croniamantal dans Le poète assassiné au sujet de Tristouse Ballerinette (Marie Laurencin) : « J’ai rencontré ta femme »…
Le poète et la peintre entretiendront une relation chaotique et orageuse pendant cinq ans, mais durant laquelle il connaîtront tous les deux une ascension fulgurante, s’appuyant sur une forte émulation mutuelle et un échange artistique de tous les instants. Apollinaire continuera d’écrire à Marie Laurencin et la soutiendra jusqu’au bout… Ils ont probablement toujours regretté intimement, sans se l’avouer l’un à l’autre, que cela n’ait pas été possible.
Il n’en reste pas moins que leur relation correspond à la période la plus prolifique et créative de la peintre. Après la guerre et la disparition de son plus fidèle ami et soutien, Marie Laurencin aura tendance à se répéter et à faire toujours un peu la même chose. Le Douanier Rousseau immortalise le couple en 1909 et Apollinaire raconte qu’avec cet instantané du couple capturé par le peintre, intitulé « Le poète et sa muse », son regard changera à tout jamais sur la peinture.
Il y a des petits ponts épatants Il y a mon cœur qui bat pour toi Il y a une femme triste sur la route Il y a un beau petit cottage dans un jardin Il y a six soldats qui s’amusent comme des fous Il y a mes yeux qui cherchent ton image
Il y a un petit bois charmant sur la colline Et un vieux territorial pisse quand nous passons Il y a un poète qui rêve au ptit Lou Il y a une batterie dans une forêt Il y a un berger qui paît ses moutons Il y a ma vie qui t’appartient Il y a mon porte-plume réservoir qui court qui court Il y a un rideau de peupliers délicat délicat Il y a toute ma vie passée qui est bien passée Il y a des rues étroites à Menton où nous nous sommes aimés
Il y a une petite fille de Sospel qui fouette ses camarades Il y a mon fouet de conducteur dans mon sac à avoine Il y a des wagons belges sur la voie Il y a mon amour Il y a toute la vie Je t’adore
Guillaume Apollinaire, « Poèmes à Lou » (posthumes)
« Poèmes à Lou » est un poème d’amour, tout simplement… Un poème d’amour dans lequel on trouve tout ce qui, chez Apollinaire, peut nourrir et alimenter les sensations, les sentiments, que ce soit la sensualité, l’intensité amoureuse, le spectacle du monde, la nostalgie ou le souvenir de la femme aimée. Et en même temps, c’est un poème d’éloignement. Leur histoire est terminée, et le poète est sur le départ. C’est aussi un poème qui tente de faire revivre quelque chose, en captant des instants qui s’éloignent peu à peu.
En août 1914, Apollinaire tente de s’engager dans l’armée française, mais le conseil de révision ajourne sa demande car il n’a pas la nationalité française. Il part pour Nice où sa seconde demande, en , sera acceptée, ce qui lancera sa procédure de naturalisation. Peu après son arrivée, un ami lui présente Louise de Coligny-Châtillon, lors d’un déjeuner dans un restaurant niçois. Divorcée, elle demeure chez son ex-belle-sœur à la Villa Baratier, dans les environs de Nice, et mène une vie très libre. Guillaume Apollinaire s’éprend aussitôt d’elle, la surnomme Lou et la courtise d’abord en vain.
Puis elle lui accorde ses faveurs, les lui retire et quand il est envoyé faire ses classes à Nîmes après l’acceptation de sa demande d’engagement, elle l’y rejoint pendant une semaine, mais ne lui dissimule pas son attachement pour un homme qu’elle surnommait Toutou. Une correspondance naît de leur relation ; au dos des lettres qu’Apollinaire envoyait au début au rythme d’une par jour ou tous les deux jours, puis de plus en plus espacées, se trouvent des poèmes qui furent rassemblés plus tard sous le titre de Ombre de mon amour puis de Poèmes à Lou.
« Poèmes à Lou » est un poème à une femme d’une très grande liberté, de ces femmes qui fascinent. Elle se voulait moderne, les cheveux un peu plus courts que les autres. Elle ne porte pas de corset, mais plutôt le pantalon. Lou est une aristocrate, descendante directe de Gaspard de Coligny, de lignée prestigieuse. Elle collectionne les amants, ce qui fait dire aux maldisants qu’elle est probablement nymphomane…
« Vous ayant dit ce matin que je vous aimais, ma voisine d’hier soir, j’éprouve maintenant moins de gêne à vous l’écrire. Je l’avais déjà senti dès ce déjeuner dans le vieux Nice où vos grands et beaux yeux de biche m’avaient tant troublé que je m’en étais allé aussi tôt que possible afin d’éviter le vertige qu’ils me donnaient. » (Apollinaire à Lou, le 28 septembre 1914)
Le 2 janvier 1915, de retour d’un rendez-vous avec Lou à Nice, Apollinaire rencontre une jeune fille dans le train qui le ramène à Nîmes, Madeleine Pagès. Ils parlent de littérature et de poésie, de Verlaine et de François Villon. Quelque chose se noue entre eux et ils entament une relation épistolaire des plus enflammées. Mais pourtant, Apollinaire en épousera finalement une autre, quelques mois avant sa mort : Jacqueline Kolb. Picasso sera son témoin…
« Une musique barbare et ininterrompue Coups de canons français et boches de tout calibre Coups de fusil, mitrailleuses, Les fusées, les signaux En pluie, en gerbe, en globe persistants… »
Le 4 avril 1915, Apollinaire part avec le 38e régiment d’artillerie de campagne pour le front de Champagne. En novembre 1915, dans le but de devenir officier, Wilhelm de Kostrowitzky est transféré à sa demande dans l’infanterie dont les rangs sont décimés. Il entre au 96e régiment d’infanterie avec le grade de sous-lieutenant.
Le 9 mars 1916, il obtient sa naturalisation française mais quelques jours plus tard, le , il est blessé à la tempe par un éclat d’obus. Il lisait alors le Mercure de France dans sa tranchée. Évacué à Paris, il y sera finalement trépané le puis entame une longue convalescence au cours de laquelle il cesse d’écrire à Madeleine.
Fin octobre 1916, son recueil de contes, Le Poète Assassiné est publié et la parution est couronnée, le 31 décembre, par un mémorable banquet organisé par ses amis dans l’Ancien Palais d’Orléans.
En mars 1917, il crée le terme de surréalisme qui apparaît dans une de ses lettres à Paul Dermée et dans le programme du ballet « Parade » qu’il rédigea pour la représentation donnée le 18 mai de la même année.
Apollinaire meurt de la grippe espagnole à seulement 38 ans, le 09 novembre 1918, soit deux jours avant la signature de l’armistice, laissant ses amis orphelins ainsi que de nombreux projets en cours qui resteront à tout jamais inachevés, pendant que sous ses fenêtres du 202 Boulevard Saint-Germain, la foule défile en scandant « A mort, Guillaume ! »… Non pas mort au poète, mais à l’Empereur Guillaume II d’Allemagne qui abdique ce même jour. Ironie du sort, ironie de la vie et de la mort…
✓ « Apollinaire » de Laurence Campa, biographie somme parue en 2013 chez Gallimard.
✓ « Apollinaire, Correspondance avec les artistes 1903-1918 », texte établi, présenté et annoté par Laurence Campa et Peter Read édité chez Gallimard en 2009.
On n’y croyait plus, mais cette fois, c’est confirmé : Michel Polnareff va enfin sortir son 11ème album.
Le vendredi 21 septembre, le chanteur s’offrait une pleine page dans « Libération », avec un message plus ou moins subliminal et très écolo, tout en donnant rendez-vous, comme ça, en passant, le 30 novembre pour la sortie de son nouvel album, maintes fois reportée.
Il était temps… Depuis « Kâma Sûtra » sorti en 1990, le compositeur aux lunettes blanches s’est produit en concert en France mais n’a publié qu’une chanson inédite, « Ophélie flagrant des lits », en 2006. Bon, nous resterons cependant prudents jusqu’à ce que la nouvelle se confirme, tant Michel Polnareff a pu jouer avec nos nerfs depuis maintenant plusieurs années.
« Je sais que beaucoup de fans s’impatientent, je les comprends, je suis aussi impatient qu’eux, mais quand on veut faire quelque chose après une longue absence discographique, il faut vraiment peaufiner. Moi je suis un perfectionniste et là, la perfection est vraiment de rigueur. »
Comme il l’a lui même annoncé, cet album devrait signer le véritable retour de Michel Polnareff sur le devant de la scène, un retour qu’il semble attendre autant que ses nombreux fans comme il l’écrit à la fin de son message: « Au 30 novembre, enfin ! ».
En 2006, Jean-Luc Monterosso, alors Directeur de la MEP, propose à JR d’investir le mur extérieur de l’institution pour y présenter son projet « Portrait d’une Génération », exposé à l’époque illégalement dans Paris. Douze ans plus tard, comme un clin d’oeil à cette première collaboration, la MEP invite l’artiste français pour une exposition monographique exceptionnelle.
« Momentum » désigne la force d’impulsion, l’élan ou un mouvement. Les sciences physiques définissent ainsi l’action d’une force extérieure exercée sur un système pour en déterminer le mouvement ou la vitesse. L’exposition dévoile ainsi cette dynamique qui conduit JR à intervenir dans une ville ou au coeur d’une communauté pour en proposer un nouveau visage, en altérer la perception ou en offrir une lecture originale. Elle révèle la partie immergée de son travail.
« Seulement 2 % de l’œuvre de JR est connue du public, exposée en galerie ou en musée, explique Fabrice Bousteau. L’autre partie, toute aussi importante, voire plus, constitue son processus de travail créatif et esthétique, en interaction avec les gens ou depuis son atelier. »
Depuis ses premières photographies en 2000, dont certaines inédites sont présentées dans le cadre de cette exposition exceptionnelle, l’artiste s’impose une discipline et un cadre de travail précis : transformer des négatifs en collages monumentaux à l’échelle d’une ville ou mettre en lumière l’identité de sujets photographiés et rassemblés dans une fresque gigantesque. Les dispositifs engagés sont rigoureux, souvent mécaniques, parfois éprouvants.
Au gré de l’exposition, le spectateur découvre les changements d’échelles. Il se confronte à la transformation des corps et de l’image. Au fil des ans, les portraits accumulés et re-contextualisés dans la cité incarnent la mémoire de femmes et d’hommes dans un ensemble et par extension, celle de la ville dans son époque. Ils sont au service d’une vision personnelle de ce que forment les corps et les histoires, lorsque l’ensemble s’articule pour faire Histoire.
« MOMENTUM. La mécanique de l’épreuve » de JR
Du 7 novembre 2018 au 10 février 2019 à la MEP
Commissaires : Dominique Bertinotti et Jean-Luc Monterosso
Du cinéma, avec la sortie en salle le 31 octobre de « En Liberté ! », comédie française portée par Pio Marmaï et Adèle Haenel.
Une jeune policière veuve découvre que son défunt mari était en fait un ripou. Elle se met en tête de protéger un des innocents qu’il a envoyés en prison. Leur rencontre va donner lieu à des situations totalement loufoques.
Fort, intègre et mort en héros, c’est en tout cas ce que croit la veuve du capitaine Santi, Yvonne, elle-même inspectrice de police.
L’innocent, c’est Antoine, libéré après huit ans de prison. Il en garde, comment dire, quelques séquelles… Incarné par Pio Marmaï, Antoine est une sorte de psychopathe cartoonesque qui attaque les gens au hasard dans la rue.
Sa rencontre avec Yvonne provoque une escalade d’épisodes totalement rocambolesques, qui s’appuient sur des quiproquos, l’absurde, le simulacre, le jeu des vérités et des mensonges.
« Il y a chez lui cette violence, cet esprit de vengeance, et en même temps, Antoine est un type qui souhaite juste rentrer dans la normalité. Et évidemment, c’est compliqué. A présent, attaquer quelqu’un dans la rue et lui arracher le lobe de l’oreille, peut-être que c’est ça, de nos jours, la normalité… » (Pio Marmaï)
Des scènes burlesques, des personnages déjantés, une nouveauté pour Adèle Haenel, plutôt habituée aux rôles dramatiques.
« Avec un rôle comme celui d’Yvonne, c’est vraiment le plaisir physique du jeu. C’est de l’énergie pure et je dois avouer que je me suis vraiment amusée à le faire. » (Adèle Haenel)
Avec « En Liberté », Pierre Salvadori lâche les chiens avec cette comédie policière endiablée et loufoque, qui mélange les genres, en passant du polar au burlesque, dans un rythme effréné et une écriture décomplexée. Le film est roublard et plein d’idées. Jouissif en tous points…
On y retrouve également Audrey Tautou, certes dans un rôle secondaire, mais très à l’aise dans cette comédie, ainsi que Vincent Elbaz et Damien Bonnard.
Né à Arles en 1934 et disparu en 2014, Lucien Clergue fut probablement l’un des photographes les plus importants de sa génération. Grand ami de Pablo Picasso, mais également proche de Jean Cocteau et Salvador Dalí, il apparaît comme un témoin privilégié de cette période artistique intense.
Lucien Clergue se fait connaître grâce à ses photos de femmes nues « zébrées », mais ce sont deux autres projets que l’on vous présente ici, « Corps Mémorable » et « Genèse », représentant des corps de filles nues sur les plages de Camargue, sa région à laquelle il est resté très attaché toute sa vie. Armé de son appareil photo argentique, il photographie, dans un noir et blanc exceptionnel, ces femmes allongées nues sur le sable ou dans l’eau, dont émanent une vraie beauté alliée à un sentiment de liberté absolue.
Exposé dans de nombreux musées français ou étrangers comme chez de grands collectionneurs, Lucien Clergue continua jusqu’à la fin de sa vie à transmettre sa passion pour la photo en intervenant dans de nombreuses écoles et fondait en 1982 l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie à Arles, une école unique en France et exclusivement consacrée à l’art de la photographie.
En 2016, le Grand Palais consacrait une exposition exceptionnelle aux premiers albums de Lucien Clergue. La fulgurante… Voilà ce que révèlent ces sept albums de planches-contacts, oubliés puis retrouvés dans l’atelier de Lucien Clergue après sa disparition. L’âme tourmentée par une adolescence douloureuse, mais fort d’une assurance dispensée par sa mère qui voit en lui un artiste en devenir, Lucien Clergue trouve rapidement les moyens de traduire sa mélancolie par la photographie qu’il commence tout juste à pratiquer.
Dans le commerce familial ou chez un fournisseur du voisinage, il récupère des catalogues de tissus dont il arrache les échantillons pour coller à leur place les contacts de ses négatifs. Les albums correspondent aux collections saisonnières des fabricants ; ils sont donc datés, ce qui en fait ainsi des documents pour l’Histoire. Véritable outil de recherche de la meilleure image – le négatif grand format en permet une grande lisibilité – les albums montrent, page après page, image par image, la progression du travail de Lucien Clergue, ses hésitations, ses intuitions, ses certitudes, ses avancées vers ce qui constituera la quintessence de son œuvre. Cette pratique n’est plus possible aujourd’hui pour les photographes, le numérique ayant fait disparaître les planches-contacts sur papier ; pour les adeptes de l’argentique, les planches-contacts, récentes ou historiques, avec leurs annotations, leur sélection au crayon gras, sont l’objet de tous les soins. Cette série d’albums s’arrête en 1956.
Lucien Clergue abandonne en effet cette pratique au fur et à mesure qu’il prend pleinement possession de son métier, conscient de la direction qu’il veut donner à son travail et de sa place parmi les photographes. Ces albums, qui s’inscrivent dans un court laps de temps et qui indiquent très tôt les axes forts de l’œuvre de Lucien Clergue ainsi que la puissance de son intuition dès ses débuts dans la photographie, ont très naturellement constitué le fil conducteur de cette première exposition majeure de Lucien Clergue, un an après sa disparition.