Auteur/autrice : Instant-Chris

  • Inception : Entre Rêve et Réalité

     

     

    Le film « Inception », réalisé par Christopher Nolan, aura attiré depuis sa sortie en France en juillet 2010 plus de cinq millions de spectateurs. Quand on se remémore la scène finale, on peut raisonnablement imaginer qu’il y eut presque autant d’interprétations de cette scène que de spectateurs…

     

    Christopher Nolan, que l’on connaît pour les divers niveaux de lecture présents dans ses films, nous livre avec son film « Inception » sa définition de la frontière ténue entre rêve et réalité(s). Dans le cadre du premier niveau de lecture, il y a cette toupie que le personnage principal, Dominic Cobb, interprété par Leonardo DiCaprio, a toujours dans sa poche, afin de lui indiquer s’il est dans le rêve ou la réalité.

    Il y a aussi « Non, je ne regrette rien » de Piaf indiquant le passage d’un niveau de conscience à un autre. Ou d’une réalité à une autre…

    Et puis il y a un détail qui aura probablement échappé à la plupart des spectateurs, mais relevé par Marouane Mazid (Belgique) dans cette vidéo publiée sur YouTube.

    A vous de juger…

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Inception

     

     

     

     

     

  • Bande Dessinée : Tintin fête ses 90 ans

     

     

    Tintin, le célèbre personnage créé par Hergé en 1929, reste à ce jour l’un des plus grands héros de BD, comptant partout dans le monde des fans inconditionnels et très fins connaisseurs de son histoire.

     

    Tout a donc commencé le 10 janvier 1929, lorsqu’un nouveau personnage apparaît dans le supplément jeunesse d’un grand journal belge. Ce journal c’est « Le Vingtième Siècle », et son supplément, c’est « Le Petit Vingtième »… Quant au dessinateur, c’est Georges Remi, alias Hergé, qui a reçu une commande de son rédacteur en chef.

    Et la commande est relativement sommaire : un héros, reporter du « Petit Vingtième », qui part en URSS… C’est la naissance de Tintin et de son fidèle compagnon Milou. Tintin, reporter du « Petit Vingtième »… Publiées d’abord en feuilleton, ces premières aventures de Tintin sortent finalement en album en septembre 1930.

    L’album en question, c’est « Tintin au pays des Soviets », longtemps introuvable et qui fait l’objet d’un culte absolu chez les Tintinophiles. Un album tabou, plus encore que « Tintin au Congo », tout du moins au départ ! On accuse en effet Hergé d’avoir versé dans l’antisoviétisme primaire, et d’être à la solde de l’extrême droite…

    Hergé rééditera 500 exemplaires de cet album en 1966, à compte d’auteur et simplement pour ses amis. En 1969, une édition pirate est saisie chez les libraires, mais en 1973, Casterman le réédite enfin en même temps que les deux albums suivants, « Tintin au Congo » et « Tintin en Amérique ». L’occasion pour Hergé de revenir sur la genèse de « Tintin au pays des Soviets »… Il est ici l’invité de Bernard Pivot dans « Ouvrez les Guillemets », l’ancêtre d’Apostrophes.

     

    « Il est certain que ça se passait dans un journal catholique, d’extrême droite, anti-soviétique. » (Hergé)

     

     

     

    Le contexte mondial auquel Hergé fait allusion pour justifier la genèse de « Tintin au pays des Soviets », il ne va finalement jamais cesser d’y coller.

    C’est aussi l’Anschluss, dans une aventure très antifasciste publiée en 1938-1939, « Le Sceptre d’Ottokar », avec comme grand méchant le terrible Müsstler, mi Mussolini, mi Hitler.

    Dans l’aventure suivante, « Tintin au pays de l’or noir », terminée seulement à la fin des années 40, c’est le pétrole, nouvel enjeu géopolitique majeur, non seulement au  Moyen-Orient mais bientôt partout dans le monde.

    C’est encore la conquête spatiale, avec deux albums, « Objectif Lune » en 1953 et « On a marché sur la Lune » en 1954. Et quand les Soviétiques envoient en orbite Spoutnik avec la chienne Laika en 1957, vers qui les journalistes se précipitent-ils ? Eh bien, vers Hergé bien sûr !

     

    « Monsieur Hergé, que pense Tintin du lancement de Spoutnik ? »

    « Ah, Tintin évidemment admire profondément l’exploit réalisé là. Mais il est un peu inquiet, car s’il ne connaissait pas le professeur Tournesol comme il le connaît, il aurait été tenté de le soupçonner d’avoir communiqué aux Soviétiques les plans de sa fusée lunaire ! »

     

    Hergé dira de Tintin qu’il est apolitique, mais la politique est partout dans Tintin, et même quand celui-ci ne fait « jamais » de politique…

    Le moins politique des aventures de Tintin est sans doute « Tintin au Tibet », album magnifique de 1959, où le blanc domine ; l’album préféré d’Hergé, une belle histoire d’amitié, dans laquelle Tintin part retrouver Tchang, perdu depuis « Le Lotus Bleu » en 1934. Une histoire sans méchant, qui marque d’ailleurs pour Hergé la fin d’une très longue période de dépression. Tintin y pleure de joie en retrouvant Tchang, après avoir pleuré une première fois, de tristesse, en quittant le même Tchang, 25 ans plus tôt.

    Et même cet album a une portée géopolitique majeure, finalement. Alors que Hergé n’y dit pas un mot de la répression chinoise et du départ du Dalaï Lama, ce même Dalaï Lama déclarera en 2006 : « Ne vous y trompez pas, « Tintin au Tibet » a permis à un nombre de personnes considérable de par le monde de connaître l’existence du Tibet. Hergé a contribué à une prise de conscience internationale beaucoup plus aigüe du Tibet. En nous envoyant son reporter, son rôle fut très significatif ».

    Voilà qui en dit long sur l’importance politique et historique d’un petit bonhomme à la houppette né il y a 90 ans.

     

    Mais comment est né le célèbre reporter créé par Hergé ?

    Au gré des 24 aventures de Tintin, il n’y a officiellement qu’un seul secret, celui de la Licorne. En réalité, la vie du nonagénaire Tintin regorge d’autres petits secrets.

    D’abord, d’où vient le nom de Milou ? Hergé n’a pas cherché très loin pour baptiser le fidèle compagnon de Tintin, omniprésent dans ses aventures. « C’était le surnom de la première petite amie de Hergé quand il était adolescent. Elle s’appelait Marie-Louise, mais on l’appelait Milou », révèle Benoît Peeters, auteur de « Hergé, fils de Tintin ».

     

    Les petits secrets du capitaine Haddock

    Quant aux Dupont, les fameux policiers aussi jumeaux que stupides, on les reconnaît grâce à leurs moustaches : l’une est droite, l’autre rebique sur les côtés. Deux piètres policiers sortis de l’inconscient de Hergé.

    Le capitaine Haddock a lui aussi ses petits secrets. Un personnage haut en couleur, présent sur la plupart des couvertures d’albums. Concernant les jurons qui nourrissent ses colères, c’est Hergé lui-même qui a essuyé la première insulte du genre un jour sur un marché, et ça l’a inspiré…

     

    A noter que Tintin devrait bientôt avoir droit à son deuxième film au cinéma, à l’initiative du duo Peter Jackson-Steven Spielberg, mais aussi peut-être à un album inédit, a indiqué le directeur éditorial des éditions Casterman : « J’aimerais beaucoup publier cette année, je ne désespère pas de le faire, un inédit, « Tintin et le Thermo-Zéro », a annoncé Benoît Mouchart. C’est vraiment un témoignage intéressant, beaucoup plus complet que l’Alph’art. L’histoire est terminée, le dessin n’est pas totalement encré ».

    A suivre, donc…

     

     

     

  • Le Siècle Soulages à Rodez

     

     

    Né le 24 décembre 1919, le peintre français Pierre Soulages est entré dans sa centième année. Pour célébrer l’évènement, le Musée Soulages de Rodez expose pour la première fois la totalité des peintures sur papier de l’artiste, soit près de 120 œuvres.

     

    « C’est la première fois que la totalité des peintures sur papier, réalisées par le peintre entre 1946 et 2004, est présentée au musée. Pour cette raison, c’est un évènement tout à fait unique », souligne Benoît Decron, le directeur du Musée Soulages.

     

    Et cette exposition fera date, en effet… L’institution, qui possède environ un quart des peintures sur papier de l’artiste, ne les montre habituellement jamais ensemble, pour des questions de conservation des oeuvres. La salle d’exposition en accueille actuellement une centaine, quand une vingtaine d’autres sont présentées dans les collections permanentes. Toutes sont désormais protégées par des verres spéciaux. Ces peintures sur papier occupent ainsi une place essentielle dans l’oeuvre de Pierre Soulages.

     

    « Soulages prétend que tout vient de là… S’il n’avait pas réalisé ces peintures sur papier, il n’aurait pas pu évoluer dans sa technique picturale, d’abord à l’huile et plus tard à l’acrylique. » (Benoît Decron, Directeur du Musée Soulages à Rodez)

     

    « Brou de noix sur papier 63,8 × 48,5 cm », 1947. Musée Soulages, Donation Pierre et Colette Soulages ADAGP 2018 © Photo Christian Bousquet

     

     

    Car ces peintures sur papier, composées d’abord dans les années 40, puis dans les années 1950, c’est précisément ce qui va faire la renommée de Pierre Soulages ; des signes, des formes extrêmement strictes, très austères, qui le différencient totalement des autres artistes français et qui l’ont rapidement propulsé au niveau international, aux côtés des Américains ou des Allemands.

     

    Dans la salle d’exposition, l’accrochage rend spectaculaire la présentation de cette centaine de peintures sur papier. On y découvre les premiers fusains de l’artiste de 1946 – il n’y en a pas d’autres dans les collections publiques françaises – les brous de noix – le peintre est le seul à utiliser cette matière première empruntée aux ébénistes – mais aussi les encres de Chine et les gouaches. Soixante-dix ans de création, de recherche et d’inventivité et une œuvre en constante évolution. Parmi les peintures présentées, une gouache de 1973 très caractéristique du travail de Pierre Soulages.

     

    « Gouache sur Papier 71,1 x 54,6 cm », 1973. Musée Soulages, Donation Pierre et Colette Soulages ADAGP 2018 © Photo Christian Bousquet

     

     

    « Dans cette oeuvre, on a un fond de bleu qui est préparé au lavis de bleu, et puis par-dessus, on a des passages de bandes de gris, à la fois verticalement et horizontalement, des croisements, donc parfois du bleu qui devient gris et vice versa. Et en avançant vers le regard du spectateur, ce qui est passé sur le dessus du papier, toujours au pinceau, ce sont de grandes masses de noir. Ces peintures sur papier vont en quelque sorte préfigurer ce que sera l’outrenoir. Vous pouvez d’ailleurs en admirer toute une série au musée. Ils sont extrêmement rares et parmi les œuvres les plus appréciées des visiteurs », explique Benoît Decron.

     

    A bientôt cent ans, Pierre Soulages continue de réaliser environ 25 oeuvres par an, et probablement que bien d’autres peintures sur papier dorment encore dans le secret de son atelier…

    « Pierre Soulages, œuvres sur papier », une exposition à voir au Musée Soulages de Rodez jusqu’au 31 mars.

     

     

     

  • L’Impératrice, un succès fou

     

     

    L’Impératrice est à l’Olympia les 29 et 30 janvier, une salle mythique pour conclure une grande tournée, un an après l’album « Matahari » et à l’aube d’une succession de rendez-vous capitaux pour un groupe au succès foudroyant.

     

    En mars 2015, nous tombions raides-dingues du track edit « Vanille Fraise » de L’Impératrice, au point de les faire figurer régulièrement dans nos playlists depuis… Aujourd’hui, quasiment quatre ans plus tard, il faut bien reconnaître que nos petits parisiens ont fait un sacré bout de chemin depuis leurs débuts en 2012, et ces deux dates à l’Olympia concluent sept années bien remplies.

     

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    Alors, sans fausse pudeur, « faire l’Olympia », de surcroît deux soirs de suite, et à guichet fermé, excusez du peu, ça n’est pas rien pour un jeune groupe. La chanteuse de L’Impératrice, Flore Benguigui, en convient aisément : « On ressent un énorme stress… Pour les Français, c’est un peu la consécration de faire l’Olympia, alors c’est génial pour nous. Et surtout d’avoir rempli deux soirs de suite, c’est assez fou… »

     

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    Deux soirs archi-complets… L’Impératrice ne surfe pas simplement sur le succès de son premier album « Matahari », sorti il y a presque un an. Mais, encore plus sur des prestations scéniques époustouflantes, de la soul à paillettes, du disco-rock, tout ça dans une grande alchimie collective. Six membres à égalité dans le groupe, qu’il a fallu faire exister précisément.

     

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    « L’Impératrice, c’est un groupe qui est difficile à identifier, car justement, il est composé de six membres, et qu’aujourd’hui, il est beaucoup plus facile pour les médias d’axer leur message sur une personnalité, de parler de Juliette Armanet, d’Eddy de Preto ou d’Angèle… Mais ce groupe est bel et bien composé de six musiciens à part entière, qui composent ensemble, et non d’une chanteuse accompagnée de ses musiciens. » (Charles de Boisseguin, l’Impératrice)

     

    Et à L’Impératrice, la France ne suffit plus… Ils étaient au festival Eurosonic à Gröningen il y a quelques semaines, s’envoleront bientôt pour les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne, des territoires déjà conquis ces derniers mois lors d’une tournée au long cours. Et tout cela en s’amusant des différences culturelles et en s’inspirant de Sarah Bernhardt : « Le public français est un homme froid et capricieux quand le public américain est un adolescent optimiste et bienveillant. La différence, sans cliché, se fait ressentir, en fonction du pays, de sa culture, de la météo, de ce que les gens mangent, de la musique qu’ils écoutent… ».

     

    « L’Impératrice, c’est du classique, du jazz, du rock, du disco, mais L’Impératrice, ce n’est pas un groupe qui fait du disco. Dans ce sens, on n’est pas incompris, mais en tout cas, la définition est incomplète. » (Charles de Boisseguin, l’Impératrice)

     

    En attendant la réédition de leur album le mois prochain, aves des remixes et des duos, dont un très réussi avec Lomepal, L’Impératrice n’a qu’un but : réussir son Olympia. Et on peut leur faire confiance…

     

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  • Il y a 40 ans, Goldorak débarquait en France

     

     

    Goldorak, le célèbre robot de combat japonais, est apparu pour la première fois à la télévision française le 03 juillet 1978, dans l’émission « Récré A2 » sur Antenne 2.

     

    Lundi 3 juillet 1978, donc… Il est 16h sur le service public : ce jour-là, Antenne 2 lance une nouvelle émission d’été destinée aux enfants, « Récré A2 ». À sa tête, une jeune animatrice, Dorothée. La jeune femme n’est pas encore connue : elle n’est speakerine sur la chaîne que depuis un an, et c’est la toute première émission qu’elle présente.

     

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    Le programme de ce Récré A2 est marqué par l’arrivée d’une série animée inédite en provenance du Japon : « Goldorak ». Pour la première fois, la télé française propose un produit issu de la culture manga. Jusqu’ici, les programmes pour enfants étaient des productions françaises (« Chapi Chapo », « Bonne Nuit les Petits », « L’Ile aux Enfants »…) ou importés des Etats-Unis (« La Panthère Rose », « Félix le Chat », « Casper »…)

    « Goldorak », le dessin animé devenu culte, est adapté de l’oeuvre du dessinateur japonais Gō Nagai. Il raconte l’histoire du Prince d’Euphor, Actarus, un extra-terrestre qui trouve refuge sur terre.

    « Goldorak » est donc le tout premier manga diffusé à la télévision française. A l’époque, il sera choisi car il coûte moins cher qu’une production nationale. Et très vite, Goldorak et son fulguropoing enregistre des records d’audience. En tout, 74 épisodes seront diffusés en France.

    Car il y a bien un avant et un après Goldorak… Succès immédiat, le dessin animé draine avec lui un merchandising colossal, inhabituel pour un programme télé à l’époque. Disques, figurines, bandes dessinées, mais aussi puzzles, jeux de cartes et même bateaux pneumatiques, garnissent les rayons de jouets. Une mécanique bien huilée qui sera appliquée à l’identique à l’autre série animée japonaise phare lancée par Récré A2, « Candy ».

    « Goldorak » et « Candy » ouvrent ainsi la voie au succès phénoménal de l’animation japonaise en France. « Albator », mis à l’antenne un an plus tard, connaîtra le même succès. À la fin des années 1980, avec le départ de Dorothée pour TF1, la génération suivante se passionne pour de nouvelles séries en provenance de Tokyo : « Dragon Ball », « Juliette je t’aime », « Ranma 1/2 », « Ken le Survivant »

    Véritable phénomène de société, Goldorak a même fait… la couverture de Paris-Match ! Le numéro 1547 du 19 janvier 1979 consacre la « folie Goldorak », avec ce robot « devenu le Messie des enfants français ». 40 ans plus tard, Goldorak continue à passionner. En témoigne sa récente sortie en coffret Blue Ray (AB Vidéo), destinée à conquérir les enfants de la génération 78.

     

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  • The Loft by David Mancuso

     

     

    Après le Paradise Garage, auquel nous avons récemment consacré un article, nous nous devions d’évoquer un autre club mythique de New York : The Loft.

     

    En 1966, David Mancuso passe des disques pour ses amis, leur faisant découvrir les dernières nouveautés du moment. Devant le succès rencontré par ses soirées « By Invitation Only », organisées un peu partout à New York, lui vient alors l’idée d’institutionnaliser ces fêtes, sur base hebdomadaire, et dans un lieux plus adapté.

    Le 14 février 1970, il inaugure The Loft, au 647 Broadway, à l’angle de Broadway et Bleecker Street (Chelsea). Le lieu en question est en fait le domicile de Mancuso, un vrai loft de 220 m2, converti en club privé, qui réunira rapidement plus de 300 personnes dans le cadre des fameuses parties « Love Saves The Day ». Sur le modèle des « Rent Parties » organisées à Harlem dans les années 20, autour de musiciens de jazz qui viennent jouer dans des appartements privés, les soirées « Love Saves The Day » de David Mancuso ne sont accessibles que sur invitation, et on n’y vend ni alcool ni nourriture.

    Suite à l’effondrement d’un hôtel voisin en 1975, les soirées du Loft migrent au 99 Prince Street, à Soho. C’est à cette époque que surviennent les premiers problèmes avec la municipalité de New York, probablement sur « suggestion » d’autres lieux de fête plus conventionnels. David Mancuso est accusé à tort de vendre de l’alcool dans un lieu public sans la fameuse « Cabaret Licence », et il se voit contraint de suspendre l’organisation de ses fêtes pendant une année. Cette interruption permet à d’autres clubs new-yorkais d’émerger, comme le Paradise Garage, The Gallery ou le Studio 54.

    A la fin des années 70, David Mancuso abandonnera le beatmatching pur et dur, pour se consacrer à la diffusion musicale sur un sound-system unique pour l’époque, inspiré du son dub jamaïcain.

    En dix ans d’existence, le Loft « originel » aura vu défiler la crème des Djs new-yorkais, de Larry Levan à Franckie Knuckles, en passant par David Morales, Francois Kevorkian, Nicky Siano ou Tony Humphries, qui s’illustreront tous par la suite dans les meilleurs clubs de la ville.

    Quant à David Mancuso, il disparaît le 14 novembre 2016, à l’âge de 62 ans. Il est de ceux qui ont fait basculer le clubbing dans la modernité. David Mancuso, celui à qui « tous ceux qui ont dansé ou enfilé un casque doivent quelque chose » selon Bill Brewster, l’auteur de « Last Night A DJ Saved My Life », était en effet de ces promoteurs qui ont su imposer une idée. Ou mieux, un mode de vie…

    « L’idée centrale du Loft, c’était le progrès social. Et ce n’est pas le genre de choses qu’on trouvait à l’époque dans un night-club standard », résumait-il dans une interview accordée à Daily Red Bull, fier comme jamais du concept de ses fameuses soirées lancées le 14 février 1970 et uniquement accessibles par cooptation.

     

     

     

    « Pour moi, ces soirées sont une façon de progresser socialement, parce que je ne suis pas limité par les lois. Payer 5 dollars ou 10 dollars pour une boisson est parfois difficile. Au Loft, il y a à manger, tu amènes ta propre bouteille, tu n’as pas à payer pour poser ton manteau. C’est une communauté d’entraide, en quelque sorte. Ici, tant que tu agis comme un être humain, tu peux faire ce que tu veux. »

     

    A redécouvrir l’ambiance irrésistible du Loft sur les compilations « David Mancuso Presents The Loft Vol. 1 & 2 » (sorties en 1999 et 2000 sur le label londonien Nuphonic). A signaler d’ailleurs sur le volume 1, plage E2, un morceau intitulé « Yellow Train » composé par un certain… Pierre Bachelet… Ainsi que le fameux « Soul Makossa » de Manu Dibango.

     

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  • Paradise Garage : La bande-son d’une époque bénie

     

     

    Le Paradise Garage peut avoir fermé ses portes en septembre 1987, son héritage est encore vivace auprès des nouvelles générations de New-Yorkais.

     

    Pour preuve, le 11 mai 2014, ce qui ne devait être qu’une simple fête de quartier organisée au 84 King Street, à Soho, face à l’entrée de l’ancien club, s’est spontanément transformée en énorme dance-floor, réunissant des milliers de participants venus rendre hommage au Paradise Garage, ainsi qu’à son DJ mythique Larry Levan.

     

    Bill Bernstein Disco Utopia © Bill Bernstein 1979
    DJ Larry Levan at the Paradise Garage, 1979 (Bill Bernstein Disco Utopia © Bill Bernstein)

     

     

    Durant ses dix années d’existence, ce club mythique a défini les règles de la dance music pour imprégner tous les genres musicaux actuels, du garage à la house, en passant par la neo-soul, la funk ou la disco, voire même le hip-hop. Au Paradise Garage s’est composé la bande-son de plusieurs générations de clubbers. Et c’est au Paradise Garage que, pour la toute première fois, le DJ est au centre du show, fixant l’attention des danseurs. Ainsi, Larry Levan deviendra le premier DJ moderne, et la référence pour beaucoup de DJs actuels.

    Larry Levan nous a quittés en 1992, à 38 ans.

    L’ambiance du Paradise Garage à redécouvrir avec le double album enregistré live en 1979, et mixé par maître Larry Levan himself : « Live At The Paradise Garage ».

     

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  • Ella & Pitr, pour ceux qui rêvent

     

     

    Ella & Pitr, tous deux originaires de Saint-Etienne, se sont rencontrés par hasard en 2007. Tandis qu’Ella collait des affiches, Pitr cherchait une suite logique et cohérente à dix ans de graffiti. Ils se sont très vite « mis à la colle », et depuis, ils ne se sont plus quittés, se forgeant peu à peu une réputation solide dans le monde du street-art.

     

    Ella & Pitr, aka « Les Papiers-Peintres », forment un duo d’artistes urbains bien singulier. Depuis quelques années déjà, ils peuplent les métropoles du monde entier de géants charismatiques reconnaissables à des kilomètres… d’altitude. Si vous ne connaissez pas encore leur travail, c’est le moment de le découvrir. En 2016, ils frappaient un grand coup en donnant vie à l’un de leurs colosses ensommeillés, au cœur du quartier d’affaires de La Défense. L’œuvre monumentale et éphémère s’intégrait à l’espace public du parvis. Tout un symbole…

     

    « Pendant qu’Ines rêve de camping… » by Ella & Pitr (Parvis de la Défense, 2016)

     

    « Sur le parvis de la Défense, le personnage représente une femme d’affaire qui dort. Son titre : « Pendant qu’Inès rêve de camping… ». A quoi rêvent les autres ? Et à quoi rêvent ceux qui doivent camper tout l’hiver rue de Flandre à Paris ? Inès est un hommage à ceux qui dorment dans les sous-sols de la Défense ou sous le métro aérien de Paris, car sous le flux des salary men grouille une fourmilière étrange de laissés pour compte. Inès est un pont entre ceux qui rêvent… et ceux qui rêvent. »

     

    L’histoire d’Ella et Pitr débute par une rencontre, à Saint-Etienne, en 2007. « Une nuit, elle réalisait ses premiers collages dans la rue et moi j’affichais des trucs pour un rassemblement de hip-hop », raconte Pitr (prononcez « pitre »). « On a échangé nos numéros de téléphone, enchaîne Ella. Il est venu chez moi quelques jours plus tard, et on a dessiné toute la soirée ». A 4 h du matin, ils partent à la recherche du mur idéal et composent leur première oeuvre commune. La sortie nocturne se solde par l’escalade du Mont Pilat, juste pour voir le soleil se lever sur la ville.

    L’amour au premier collage… et la naissance d’un couple artistique : Les Papiers Peintres. « On a commencé par fabriquer des bonshommes en papier et puis… des vrais ! », plaisante Pitr. Aujourd’hui parents de deux garçons de neuf et six ans, ils multiplient les paroles ou gestes tendres. Dans leur appartement situé sur les hauteurs de « Sainté », une grande pièce claire leur sert d’atelier. Ils travaillent ensemble, mais n’ont pas de règles. « Parfois, c’est Ella qui prend en main une maquette pendant que je prépare la logistique, ou inversement ».

     

     

     

    Boulimiques de création, Ella et Pitr passent sans cesse d’un projet à l’autre, variant les techniques (peintures à l’acrylique, à l’huile ou à la bombe, sérigraphie, collage…) et les surfaces : toiles ou pistes d’aéroport, rideaux de fer des magasins ou coquillages… rien ne les arrête ! Et ils voient les choses en très, très grand. En témoignent ces colosses assoupis au milieu des grandes villes de la planète, sur les toits ou les murs de Montréal, Valparaiso, en passant par Saint-Etienne, bien sûr.

    Leur géant en short de 21.000 m2, qui a trouvé le sommeil au sommet d’un entrepôt, à Klepp en Norvège, est d’ailleurs considéré comme le plus grand graffiti du monde ! (mais ne les qualifiez surtout pas de street artists, ils détestent). « On cherche toujours à dépasser nos limites et les murs ont aussi les leurs. Ce qu’il y a de plus imposant, ce sont les surfaces au sol. On a donc basculé à l’horizontal… », explique Ella, qui refuse toutefois « tout discours intellectuel » pour justifier cette démarche. « On tient quand même à dessiner des personnages endormis contrastant avec le chaos des villes », selon Pitr.

     

     

     

    Ces gigantesques figures à l’esthétique enfantine sont généralement exécutées à l’acrylique. Elles constituent « une famille de témoins silencieux et éphémères en milieu urbain ». Elles sont inspirées de leurs proches (oncles et tantes) ou sont issues de l’imagination de leur progéniture, de leurs carnets de voyage… Pour leur donner vie, il faut prendre de la hauteur. Ils utilisent ainsi Googlemap ou des drones. Les spots sont choisis ensemble : « Soit on prépare les croquis en fonction d’un endroit qui nous plaît, soit on marche des heures dans les rues à la recherche du support adéquat », détaille Pitr.

     

     

     

    En peignant ce monumental migrant sur le barrage abandonné du Piney, près de Saint-Etienne, Ella et Pitr ont réinvesti la dimension verticale. « Avec un accès à un mur pareil, on n’allait pas dessiner une petite fille tenant un ballon en forme de coeur », ironise Pitr, en référence à une célèbre pièce de Banksy. Alors, pourquoi ce sujet ?

    Pas de message, « mais plutôt une idée générale, sans se montrer moralisateurs. C’était une façon de rendre visible un drame bien réel et que tout le monde fait semblant de ne pas voir. Avec un réfugié géant de 47 m de haut, en plein milieu du paysage, on ne peut plus nier le problème… ». « Le Naufrage de Bienvenu » (c’est son petit nom) est aussi synonyme de prouesse technique, avec son lot « de frayeurs lors de la descente en rappel » se souvient Ella, en tendant une photo de ses deux fils suspendus à des cordes. L’aventure, c’est l’aventure…

     

     

     

    Depuis maintenant près de six ans, Ella et Pitr ont donc basculé dans la démesure, parcourant le monde en peignant les géants qui apparaissent vus du ciel dans leur vidéo « Par Terre ». la première oeuvre de cette série a été peinte sur une piste de décollage d’un aéroport désaffecté de Santiago de Chile en 2013.

    A découvrir…

     

    [vimeo id= »118246794″ align= »center » mode= »normal » autoplay= »no » maxwidth= »900″]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Ella et Pitr Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Propos recueillis par Elisabeth Blanchet pour LM Magazine

     

     

     

  • « Renoir Père et Fils » : Rencontre au Musée d’Orsay

     

     

    Honneur aux Renoir père et fils au Musée d’Orsay. L’exposition met en regard l’oeuvre du peintre, Auguste Renoir, et celle du cinéaste Jean Renoir.

     

    Entre deux artistes, père et fils, entre un peintre et un cinéaste, la relation a toutes les chances d’être féconde. C’est ce que nous montre l’exposition consacrée à Auguste et Jean Renoir au Musée d’Orsay, « Renoir Père et Fils », jusqu’au 27 janvier 2019. Il ne vous reste donc plus que quelques jours pour découvrir ces tableaux, photographies, extraits de films, affiches ou costumes.

    Le peintre Pierre-Auguste Renoir a 53 ans lorsque naît son fils, Jean. Il est déjà un maître incontesté de l’Art français. Quant au réalisateur de « La Grande Illusion », il n’a que 25 ans lorsque son père disparaît en 1919, il y a cent ans. Tous deux partagent une profonde humanité et un goût affirmé de la liberté.

    Le Musée d’Orsay propose une exposition familiale inédite, un dialogue entre un père et son fils. Retour sur une filiation artistique unique… Auguste Renoir, le célèbre peintre impressionniste, à qui l’on doit, entre autres, « Le Déjeuner des Canotiers », et Jean Renoir, le réalisateur de quelques uns des plus grands classiques du cinéma français, comme « La Règle du Jeu » en 1939.

     

     

     

    « Les relations entre Jean Renoir et son père évoluent au fil du temps. Il dira d’ailleurs qu’il a passé sa vie entière à déterminer l’influence de son père. Il alternait, dit-il, des périodes durant lesquelles il se gavait de formules qu’il croyait tenir de lui, et d’autres périodes où il a rejeté en bloc cet héritage. » (Sylvie Patry, Commissaire de l’Exposition)

     

     

     

    « Jean fut assez vite mis en pensionnat, et il voyait assez rarement son père. Il conservait néanmoins un contact privilégié à la création, puisqu’il a posé à une soixantaine de reprises pour son père. » (Sylvie Patry, Commissaire de l’Exposition)

     

    Jusqu’à la mort d’Auguste Renoir en 1919, les modèles défilent dans son atelier, notamment Catherine Hessling. Jean Renoir tombe sous son charme et l’épouse en 1920.

     

     

     

    « Jean Renoir a vu Catherine Hessling poser pour son père quand il était jeune homme, et il a pu effectivement la désirer. La voir là, avec cette manière de capter la lumière, quelque chose de si important pour son père et qui deviendra tout aussi important pour lui… Rien d’étonnant que Catherine Hessling devienne ensuite sa muse inspiratrice, celle pour qui finalement Jean Renoir aura envie de faire des films… » (Matthieu Orléan, collaborateur artistique de la Cinémathèque de France)

     

     

     

     

    Il prétendra plus tard qu’il est venu au cinéma uniquement car il voulait faire de sa femme une vedette, simplement parce qu’elle était passionnée de cinéma. Mais il se trouve que lui aussi était tout aussi passionné. Ils allaient d’ailleurs voir beaucoup de films ensemble, d’Erich Von Stroheim, de Chaplin. Le cinéma fut un trait d’union entre eux, pour devenir ensuite un projet commun, avec en toile de fond un besoin profond de créer.

     

    « On a du mal à voir la même femme, entre les tableaux la représentant, peints par Auguste, et les films dans lesquels elle joue ensuite, car d’un côté, elle tend vers l’idéal pictural renoirien, avec cette beauté presque « antique », quand de l’autre, elle se métamorphose dans les films de Jean, pour devenir un corps moderne, différent, presque grotesque, qui a du beaucoup surprendre le spectateur de l’époque. » (Matthieu Orléan, collaborateur artistique de la Cinémathèque de France)

     

    De 1924 à 1928, Jean et Catherine tournent six films ensemble, notamment « Nana » en 1926, tiré du roman d’Emile Zola, dont Auguste Renoir était très proche. Jean Renoir reste encore très influencé par les références culturelles paternelles, ainsi que par les nombreux dialogues qu’il a pu nouer avec les amis de son père, ou dans son entourage proche, parmi les peintres ou les écrivains.

     

    « La Fille de l’eau », Jean Renoir (1924)

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    Mais Jean s’intéresse aussi beaucoup à l’art de son propre temps… Sa grande culture s’est éminemment forgée au contact d’artistes plus contemporains qu’il rencontrera sur sa route, tels que le photographe Henri Cartier-Bresson ou l’écrivain Georges Bataille. Renoir a su en tout cas catalyser toutes ces influences dans ses films.

    Jean Renoir s’émancipe enfin de l’influence paternelle, et va réaliser en l’espace de trois ans, entre 1937 et 1939, ses trois grands chefs d’oeuvre, rentrés depuis au panthéon du cinéma français : « La Grande Illusion », « La Bête Humaine » et « La Règle du Jeu ».

    Dans cette partie plus « politique » des années 30, on est assez loin de l’impressionnisme renoirien… Au début du  second conflit mondial, fort de son succès d’avant-guerre, Renoir décide de rejoindre les Etats-Unis, où il tournera sept films.

     

     

     

    Jean Renoir rentre en France en 1946, pour « un retour aux sources » justifié par un certain nombre de raisons, la maturité, la vieillesse, la douleur de l’exil, et c’est un peu comme s’il ressentait de nouveau le besoin de remettre ses pas dans ceux de son père. Avant la guerre, « Partie de Campagne » sorti en 1936 en était déjà probablement le symptôme le plus visible, avec certaines scènes du film en résonance avec les tableaux d’Auguste. Après la guerre, c’est avec « French Cancan » en 1954, et le Montmartre de son père qui resurgit sur le plateau de cinéma, que le dialogue reprend…

     

    « Et de nouveau, l’approche de la création les réunit ; le fait que l’artiste soit avant tout un artisan, cet attachement au modèle, une certaine conception de la nature, dans une forme de panthéisme. Et puis, évidemment, ce travail autour de la couleur et de la lumière, et cette volonté de donner une impression de naturel… » (Sylvie Patry, Commissaire de l’Exposition)

     

    En deux siècles, donc, les Renoir père et fils auront révolutionné la peinture et le cinéma. De grandes familles d’artistes, il y en eut, mais chez les Renoir, la singularité, c’est que nous avons affaire à l’un des plus grands peintres de l’histoire, comme à l’un des plus grands cinéastes… Et que chacun ait apporté une pierre significative à l’édifice de leur art respectif.

     

     

     

  • Paul Bocuse, une vie de cuisine

     

     

    « Il faut travailler comme si on allait vivre cent ans, et s’amuser comme si on allait mourir demain. »

     

    Il était l’un des chefs français les plus célèbres au monde, Paul Bocuse nous quittait il y a un an précisément, à l’âge de 91 ans. Figure de la gastronomie et du patrimoine français, il avait bâti un véritable empire. Paul Bocuse a dédié sa vie à la cuisine, et sa carrière fut consacrée par trois étoiles au Guide Michelin, restées accrochées à son uniforme durant plus de cinquante ans. Un record… Portrait de Monsieur Paul, en compagnie de l’un de ses disciples, Yannick Alléno.

     

    « Comme on dit à Lyon, tous nos plats sont gourmands… Gourmands de crème, gourmands de beurre… » (Paul Bocuse)

     

    Le Chef vous propose ce soir une soupe aux truffes, un loup en croute sauce Choron, et pour finir, une tarte au citron… Tous ces plats sont signés par celui que l’on surnomma « Le Cuisinier du Siècle », Monsieur Paul Bocuse. Originaire de la région lyonnaise, berceau de la gastronomie française, il porta haut l’étendard de la cuisine française. Un an après sa disparition, revenons sur la carrière de ce révolutionnaire culinaire.

     

    « Paul Bocuse a joué un rôle social important pour tous les cuisiniers, dans la mesure où il leur a permis de sortir de leur cuisine. Ce qui était important à l’époque, on pense d’ailleurs à Louis de Funes dans « Le Grand Restaurant », c’était l’homme de la salle. Le cuisinier était quant à lui relégué dans l’ombre. » (Eve-Marie Zizza-Lalu, Auteur de « Paul Bocuse, le Feu Sacré », Ed. Glénat)

     

    En 1973, Paul Bocuse, entouré des critiques gastronomiques Henri Gault et Christian Millau, veut moderniser l’art culinaire et lance « La Nouvelle Cuisine ». A l’époque, on avait toujours un peu la même manière de dresser, avec la sempiternelle peluche de persil au même endroit de l’assiette, sur le poisson ou sur la viande, et c’était la règle respectée scrupuleusement depuis des décennies.

    Paul Bocuse casse les codes, et un vent de liberté commence à souffler sur la cuisine. On parle alors de « Nouvelle Cuisine » comme on parle de « Nouvelle Vague » au cinéma, la caméra à l’épaule… On a désormais une façon plus naturelle de présenter les plats.

     

    « La plus grande qualité d’un cuisinier, c’est la sobriété. Et avec ça, on va très loin… » (Paul Bocuse)

     

    « Paul Bocuse a su avant tout s’adapter au monde qui l’entourait. Il est parti dans un délire de Nouvelle Cuisine, et il s’est finalement aperçu qu’à Lyon, les clients ne voulaient pas forcément manger un petit pois, posé là sur le côté gauche de l’assiette. Il a donc allégé la cuisine bourgeoise. » (Yannick Alléno, Chef étoilé)

     

    « Il s’est lancé dans ce travail de cuisine à l’assiette qui n’existait pas. Avant Paul Bocuse, on envoyait tout en plat. Il est le premier à construire une assiette, à être attentif à son équilibre et son harmonie. » (Alain Le Cossec, Meilleur Ouvrier de France et Enseignant à l’Institut Paul Bocuse)

     

    En 1975, Paul Bocuse est fait Chevallier de la Légion d’Honneur par le Président Valéry Giscard d’Estaing. Spécialement pour cette cérémonie, il crée la fameuse soupe aux truffes « VGE ». Et Paul Bocuse s’est évidemment saisi de cette occasion pour en faire une redoutable opération marketing : « Le Chef d’aujourd’hui est un chef qui fait de la relation publique, qui va voir ses clients en salle, qui ne reste plus dans ses cuisines, qui regarde ce qui se passe ailleurs… » (Paul Bocuse)

     

    « Paul Bocuse est quelqu’un qui a toujours accordé une grande importance à son image, et qui a travaillé dur pour que sa maison rayonne. Il connaissait parfaitement les tendances du moment. » (Yannick Alléno, Chef étoilé)

     

    Et Dieu sait si Paul Bocuse rayonna, en France mais aussi partout dans le monde. Il acquit une dimension internationale, en partant faire la promotion de la gastronomie française sur tous les continents. De cette renommée mondiale acquise dans les années 70 et 80 naîtra l’Institut Paul Bocuse, situé à Ecully, près de Lyon, où des élèves de plus de cinquante nationalités différentes viennent y apprendre non seulement la méthode et le style Bocuse, mais aussi un savoir-être et un savoir-vivre à la Française.

    Ainsi, alors que l’objectif premier était de faire rayonner la gastronomie française à l’étranger, grâce à Paul Bocuse, c’est l’étranger qui a commencé à venir en France. Il a permis de créer des flux dans les deux sens, et à ce que chaque pays commence à s’intéresser à son propre terroir et mettre en application l’enseignement de Bocuse afin de révéler ses propres racines. Paul Bocuse a partagé avec le monde une méthode, une vision…

     

    « Il avait cette curiosité et surtout une envie énorme d’aider tous ces chefs. Quand il arrivait en cuisine, il serrait la main du plongeur comme du chef, et tout le monde l’appelait Monsieur Paul… C’était un rassembleur, toujours dans le partage. » (Alain Le Cossec, Meilleur Ouvrier de France et Enseignant à l’Institut Paul Bocuse)

     

    « Il faut toujours mettre sa toque. C’est le chapeau que l’on n’enlève pas, même devant le Président de la République… » (Paul Bocuse)

     

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