Étiquette : Jane Birkin

  • De Gainsbourg à Gainsbarre : seul l’amour est un art

     

     

    Serge Gainsbourg est un monde à lui tout seul, un concept. Une immensité aussi grande que contrastée. C’est un océan puissant, profond et tour à tour sombre, étincelant, élégiaque ou vociférant, en fonction des flux et reflux du temps. Et la lune, maîtresse argentée, l’a souvent brinquebalé, en yo-yo schizophrénique.

     

    Capable de composer des chansons aux mélodies sublimes et aux textes ciselés comme de sorties publiques plus problématiques, Serge Gainsbourg était ce Docteur Jekyll et Mister Hyde soumis à l’astrologie et aux femmes, esclave de son signe zodiacal et de son thème astral. Ses frasques et ses attitudes sont aussi célèbres que ses chansons. Gainsbourg était bélier ascendant poisson, l’eau et le feu. Il a véhiculé, tout au long de ces trente années passées sous les feux de la célébrité, autant de paradoxes, d’excès et de fulgurances, dans le seul but de se construire un personnage de légende ; plus qu’une carrière, une épopée.

     

    « Je t’aime et je crains de m’égarer et je sème des grains de pavot sur le pavé de l’anamour. »

     

    Peintre et romancier avorté, nourri de poésie et de littérature du 19ème siècle, Gainsbourg voue un culte et une obsession à Rimbaud, Musset, Baudelaire, Edgar Alan Poe, et chez les écrivains, à Oscar WildeLe Portrait de Dorian Gray ») ou Benjamin ConstantAdolphe ») ; mais surtout à sa bible absolue, la matrice de toute son œuvre et de ses pulsions, « A Rebours » de Joris-Karl Huysmans. Et c’est ainsi qu’il deviendra ce dandy flamboyant, cynique et passablement méchant, qui jette sur le monde un regard désinvolte.

     

    « Ce mortel ennui qui me vient quand je suis avec toi… »

     

    Vous ne lui trouverez pas d’équivalent créatif et artistique dans le reste du paysage musical et lexical. Sans le savoir, Gainsbourg a su remixer avant l’heure Brahms, Chopin, Beethoven, Schumann, Khatchaturian, Sibelius, Dvořák, pour reprendre ces mélodies appartenant à l’inconscient collectif et leur apporter sa prose et ses humeurs.

    Ce fils de parents juifs russes ayant fui le communisme n’aura jamais autant rendu leurs lettres de noblesse à la langue française comme à ces illustres compositeurs. Et ce qu’il aura raté ou perdu dans la peinture, il le retrouvera dans la musique et la chanson, qu’il appelait pourtant un art mineur.

    Plus encore que ses quelques percées dans la réalisation pour le cinéma ou la publicité, il composera également des musiques de films (« La Horse », « Ce Sacré Grand-Père », « Je T’aime Moi Non Plus », « Mister Freedom », « Slogan », « Cannabis », « Manon 70 »…), en leur apportant une plus-value indéniable, tant en termes de qualité que d’émotion, qui transcenderont les longs-métrages eux-mêmes. Des mélodies, des sonorités à la modernité évidente, qui se dissocient instantanément des images et dont on se souvient encore aujourd’hui, contrairement aux films qu’elles habillèrent…

    De la fin des années 50 jusqu’au début des années 90, le petit Lucien Ginsburg, qui deviendra tour à tour Serge Gainsbourg puis Gainsbarre, en une lente et sinueuse métamorphose, nous aura gratifié d’une œuvre himalayesque. Ce petit garçon juif arborant fièrement son étoile jaune comme on porte une étoile de shérif, sans doute déjà enclin à l’anti-conformisme et avec sa vision du monde toute personnelle, cet enfant malingre aux oreilles décollées, transportera longtemps une pelletée de complexes. Se sachant laid ou pensant l’être, il cultivera toute sa vie un art de la provocation et du bon mot, quitte parfois à être méchant en blessant les autres.

     

    [youtube id= »8TF2YNbDyb8″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Telle la petite chenille, il a commencé simple pianiste sous la houlette de Boris Vian, puis s’est déployé comme un papillon noir et or. Son œuvre n’a eu de cesse que de croître, à raison de tubes incontournables et de chansons inoubliables. Il fut toujours à la recherche de collaborateurs rares et talentueux, entre Alain Goraguer pour la patte jazzy, Michel Colombier et l’avènement pop, Jean-Claude Vannier pour les expérimentations psychédéliques ou Jean-Pierre Sabard pour des sons plus « FM ». Autant d’inspirations et de rencontres, pour mieux créer encore et canaliser toute cette passion, ce sacerdoce imposé par une exigence sans limite. Ces arrangeurs ont servi les créations de Gainsbourg comme des écrins et les diamants qu’ils renferment.

    Chaque décennie recèle un ton et évoque un univers bien défini, où Serge surfe allègrement sur les genres et les attentes, pour dépasser aussi les lignes imposées par l’époque. Il ne veut pas simplement se contenter de recracher de petites chansons à succès, bien sages, à l’image d’un Claude François, car son objectif ultime est de sublimer le moment et s’inscrire toujours, à la manière d’un Ronsard, d’un Baudelaire, dans un(e) geste définitif(ve).

    Ces volutes Gitanes, la fragrance Van Cleef & Arpels, cette verve au débit saccadé et narquois, ont séduit les plus belles femmes. Et il en a fait chanter plus d’une… Blondes, brunes, rousses, elles se sont toutes bousculées pour venir roucouler les mots que Gainsbourg leur sculptait sur mesure, tel un Michel-Ange torturé, fougueux et génial. Certaines sont restées plus longtemps que d’autres, avec ce privilège d’être dans l’intimité de l’homme à la Rolls Royce, comme un collier de perles qu’on ne quitte jamais, même pour dormir. Bardot, Gréco, Deneuve, Bambou

    Et puis il eut Jane, à qui l’auteur de « Je t’aime moi non plus » consacra tout un album, « Histoire de Melody Nelson », probablement son chef-d’œuvre. Pour l’ex-épouse du compositeur anglais John Barry, Gainsbourg déploie toute son imagination et écrit ses textes les plus forts, les plus fous, ceux qui donnent l’impression de léviter.

     

    [youtube id= »i1cJEN8xj8M » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Ecoute ma voix, écoute ma prière. Écoute mon cœur qui bat, laisse-toi faire… »

     

    A Jane Birkin, Gainsbourg offre autant de chansons sublimes. Il n’a pas peur de les rendre meilleures, et bien plus encore que celles qu’il se réserve. L’amour rend aveugle. L’amour rend fou. L’amour rend meilleur aussi. Si Serge Gainsbourg ne sait pas dire « je t’aime », parce que tout compte fait, sa pudeur et sa timidité souvent le rongent, il s’emploie par des moyens détournés à déployer sa prose et son lyrisme, pour hurler ses sentiments en des élégies somptueuses et des musiques sophistiquées.

    Il était un poète à fleur de peau qui se cachait derrière la subversion et l’insolence…

    Jane Birkin possède une voix fragile et candide, mais en théorie pas celle conçue pour chanter. Et pourtant, c’est toute l’histoire de la chanson française que cet artiste au physique étrange révolutionne. Les mots collent ici au plus près de la tessiture de la petite Anglaise. Ce sont presque des feulements qui parfois expriment autant de caresses, de désirs et de tristesse. La chanson va devenir intime, tellement proche. Une fois de plus, Gainsbourg étonne, innove. Avec l’élégance dont il s’entoure pourtant et cette manière de ne pas y toucher, il grave tout un répertoire dans le marbre.

    En 1971, sort dans les bacs le nouvel album du propriétaire du 5 bis rue de Verneuil. S’inspirant des riffs langoureux et hypnotiques de Jimi Hendrix, Serge Gainsbourg imagine toute une histoire dans laquelle il décrit un personnage sorti tout droit d’un roman caché de Lewis Caroll. Presque androgyne et encore enfant, Gainsbourg tient la ligne de crête dans ses descriptions, avec des allusions qui aujourd’hui l’enverraient tout droit au tribunal, accusé par nos nouveaux inquisiteurs, serviteurs infatigables de la bien-pensance.

     

    [youtube id= »97ip0sdVN14″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Comment tu t’appelles ? Melody ! Melody comment ? Melody Nelson ! Melody Nelson a les cheveux rouges et c’est leur couleur naturelle. »

     

    Tout dans ce nouvel opus n’est que somptuosité et magnificence. Avec cette « Histoire de Melody Nelson », Gainsbourg tutoie les astres. Hélas, ces idiots qui constituent le public de l’époque préfèrent se bâfrer de Mike Brant et autres chanteurs bellâtres du moment. C’est un échec commercial et critique cinglant, avec moins de 18.000 copies vendues. Gainsbourg en gardera longtemps une aigreur et une douleur, tel un ulcère. Mais il va prendre sa revanche, à sa façon.

    Avec « L’Homme à Tête de Chou », qui sort cinq ans plus tard, Gainsbourg réitère pourtant avec le principe de l’album-concept. Ce nouvel opus peut s’écouter comme l’autre versant de celui de 71. Une version plus glauque, plus sordide, de cette Melody, être diaphane et fantastique, devenue désormais une simple humaine prénommée Marilou. Une coiffeuse un peu vulgaire et passablement intéressée, qui rend dingue celui qui est tombé en pâmoison sous ses charmes de shampouineuse. Elle le mènera à sa perte, avant que celui-ci, dans un éclair de lucidité, ne lui fasse la peau en lui fracassant le crâne à coup d’extincteur d’incendie.

     

    « … elle a sur le lino, un dernier soubresaut, une ultime secousse.
    J’appuie sur la manette, le corps de Marilou disparaît sous la mousse… »

     

    Gainsbourg aura tout testé, tout tenté, avec des fortunes diverses, même avec deux albums Reggae et un ultime album Funk, très dispensable.

    Si Serge Gainsbourg, à l’instar d’un Gilbert Bécaud, ne tombera jamais dans l’oubli, c’est parce qu’il était habité par l’amour et sa passion des femmes. C’est ce qui reste et qui vibre à chaque nouvelle écoute de son œuvre. Qu’il les chante ou qu’il les ait fait chanter, chacune d’entre elles nous habite et nous subjugue. De la petite chansonnette (« Le Poinçonneur des Lilas », « L’Ami Caouette ») à la définitive (« 69 Année Erotique », « Je suis venu te dire que je m’en vais »), cette précision du mot, cette musique et ses arrangements, alliés à la désinvolture qui le caractérisait, ne peuvent pas nous faire oublier que ce dandy absolu était d’une ultra et hyper-sensibilité qui lui permettait ainsi de voler au-dessus des contingences et des hommes. Son œuvre polymorphe et précieuse s’enracine dans notre culture. On a chacun une chanson, un air, une phrase, une rime, de celui qui fumait des Gitanes lorsque Dieu, lui, préférait les Havane.

     

    « Sorry angel, sorry so, c’est moi qui t’ai suicidée mon amour, moi qui t’ai ouvert les veines.
    Je sais maintenant tu es avec les anges pour toujours, pour toujours et à jamais. »

     

     

     

  • L’Instant Gainsbourg avec Tony Frank

     

     

    Tony Frank n’est pas un simple photographe de stars. Il a toujours su saisir l’âme des célébrités pour mieux les raconter. En mai 2016, l’artiste s’exposait à la Galerie de l’Instant pour commémorer le 25ème anniversaire de la disparition de Serge Gainsbourg. Par les clichés intimes et léchés de Tony Frank, Gainsbourg n’aura jamais été aussi vivant. « Ça vous étonne, mais c’est comme ça »… Une rencontre suspendue dans le temps et bercée par les notes de Melody Nelson.

     

    Vous présentez jusqu’au 31 mai des clichés de Serge Gainsbourg à la Galerie de l’Instant. Quelle est l’histoire de cette exposition ?

    A l’occasion des 25 ans de la mort de Serge Gainsbourg, j’ai été contacté par de nombreuses galeries afin de lui rendre hommage. Je connais Julia Gragnon depuis très longtemps, elle avait déjà exposé au sein de sa galerie des photographies de Serge Gainsbourg. C’était donc une occasion de se retrouver.

     

     

    Vous l’avez évoqué : nous commémorons cette année les 25 ans de la disparition de Serge Gainsbourg. Comment expliquez-vous qu’il fascine toujours autant aujourd’hui ?

    Je dirais même qu’il fascine encore plus aujourd’hui que par le passé. Je me souviens que lorsque « Melody Nelson » est sorti, nous étions tous comme des fous à l’idée de découvrir cet album-concept. Le disque a cependant été boudé par le public, ce qui a vraiment affecté Gainsbourg. En tant qu’interprète, il a bien marché seulement à la fin de sa carrière. Je me souviens notamment de sa joie quand il est remonté sur scène après plus de dix ans, avec Bijou, le groupe de rock. Ensemble, ils se sont produits au Théâtre Mogador avec une reprise de la chanson « Les Papillons Noirs ». Et j’ai eu la chance d’assister à ce beau moment.

    Aujourd’hui « Melody Nelson » est reconnu comme un album majeur et a influencé de nombreux musiciens comme Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, les deux membres du groupe Air. Ils l’écoutent religieusement tous les ans ! Serge est également devenu mythique grâce à tous les titres qu’il a écrits pour les autres, et notamment pour les femmes. J’imagine qu’au fil des années, son talent a enfin été reconnu. Le public a compris à quel point il était rock’n’roll, dans le fond…

     

    Parmi les photos mythiques de cette exposition, celle de la pochette du concept-album « Melody Nelson ». Comment s’est déroulé la séance ?

    J’ai l’habitude de discuter avec les artistes avant de réaliser leurs pochettes d’albums. Mais en ce qui concerne « Melody Nelson », je n’en avais aucune idée, même si j’avais entendu quelques bribes lorsque Serge composait l’album à Londres. Il m’a demandé de venir en studio afin de prendre la photo de l’album. Jane Birkin, alors enceinte de trois mois, était seule quand je suis arrivé. Serge était en retard. J’ai donc commencé à tout installer et à faire les premiers réglages sans vraiment savoir ce que cela allait donner. Puis Serge est arrivé : il était parti chercher une perruque car le personnage de Melody, qu’il avait créé, avait les cheveux rouges. J’ai dirigé Jane de manière générale. Serge, lui, savait ce qu’il voulait. La photo est née de cette manière.

     

     

    Quel rapport Serge Gainsbourg avait-il avec la photographie et en particulier vos portraits de lui ?

    Serge adorait l’image. Il a même mis en scène des clips et des moyens métrages. Il a également publié un livre de photos, « Bambou et les Poupées ». Il avait une idée assez précise de ce qu’il voulait et m’a souvent demandé des conseils techniques.

    En ce qui concerne les portraits que j’ai faits de lui, il était en général assez content du résultat, je crois. Certains clichés figuraient d’ailleurs parmi ses préférés. Il me demandait d’immortaliser des moments de vie. Et nous choisissions les photos ensemble.

     

     

    De Frank Zappa à Sammy Davis Junior, en passant par Alain Bashung ou Léo Ferré, vous avez photographié beaucoup de célébrités. Pourquoi avoir choisi de les photographier eux, plutôt que des inconnus ?

    Je ne suis pas fasciné par les célébrités, je n’ai jamais été un fan. J’ai plutôt été ami avec les personnes que je photographiais, sinon je n’aurais pas pu travailler avec eux. Au début, j’ai fait des photos de jazzmen, car j’adorais le jazz. Puis j’ai commencé à photographier les artistes sur scène comme Louis Armstrong, Modern Jazz Quartet ou Gerry Mulligan. J’avais la passion de la photo et de la musique.

    Avec l’arrivée du rock’n’roll, j’ai commencé à sortir au Golf Drouot, fréquenté à l’époque par Johnny Hallyday ou Eddy Mitchell. C’est là que je les ai rencontrés et j’ai commencé à bosser avec eux, puis avec James Brown, les Who… J’ai également travaillé sur les tournages de films où j’ai pu photographier Alain Delon ou Jean-Paul Belmondo.

     

     

    En plus de cinquante ans de carrière, quelle célébrité auriez-vous aimé immortaliser ?

    Je regrette de ne pas avoir pu photographier Frank Sinatra et Elvis Presley.

     

    Vous êtes également l’auteur de la photo de Michel Polnareff qui a tant fait scandale à l’époque. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette affaire ?

    A l’époque, nous avions fait cette photo comme un gag potache. J’ai été convoqué à la brigade des moeurs et nous avons été condamnés à payer une amende. Je peux vous dire que je n’en menais pas large lorsque j’ai atterri Quai des Orfèvres… Ma photo a été saisie au même titre que de vulgaires magazines pornos, alors qu’elle n’avait rien à voir avec cela.

    Avec le recul, je pense qu’il en faudrait plus aujourd’hui pour choquer les gens. Quand je vois les magazines affichés sur les devantures des kiosques à journaux, je ne trouve d’ailleurs pas toujours cela de bon goût. Je me rends compte aussi que dès que l’on parle de Polnareff, on fait référence à cet épisode, ce qui, à l’époque, avait le don de l’agacer. Aujourd’hui, je crois qu’il est assez content que l’on en parle, finalement.

     

     

    Pour reprendre notre « baseline », en quoi êtes-vous un photographe « not like the others » ?

    Parce que j’ai eu les cheveux longs avant les autres, peut-être… Plus sérieusement, c’est une question difficile. De quels autres parle-t-on ? Je crois que j’ai toujours respecté les gens. J’ai toujours essayé de parler avec eux avant de faire une photo pour savoir dans quel contexte ils vivent, quelles sont leurs racines… j’ai à cœur de ne pas trahir leur esprit. Cette confiance est importante à mes yeux. C’est peut-être ce qui me différencie des autres.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size=« large »] Tony Frank Official

    [kleo_icon icon= »link » icon_size=« large »] Tony Frank à la Galerie de l’Instant

     

     

     

  • Happy Birthday, Mr Gainsbourg

     

     

    Le 2 avril 2018, Serge Gainsbourg aurait eu 90 ans. À cette occasion, France 5 diffuse le documentaire « Gainsbourg, Art(s) et Essai(s) » et un coffret de 4 CD accompagnés d’un DVD propose plus de 70 chansons, dont de nombreuses ont été interprétées par d’autres artistes que lui, de Brigitte Bardot à Juliette Greco, en passant évidemment par Jane Birkin.

     

    Serge Gainsbourg fut un artiste surdoué. Un interprète, bien-sûr, mais aussi un auteur : « A l’inverse des autres qui ont des idées que font véhiculer les mots, moi, ce sont des mots que véhiculent les idées ». Et de mots, sa tête de chou en était pleine… Avec presque 500 chansons écrites en trente ans de carrière, Serge Gainsbourg fut un auteur-compositeur prolifique. Il a écrit pour tous les grands noms de la chanson française. Pourtant, en tant qu’interprète, le jeune Lucien Ginsburg connait des débuts mitigés.

     

    [youtube id= »eWkWCFzkOvU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    « Les premières expériences de scène de Gainsbourg sont désastreuses. Il a trop le trac et incarne un personnage qui ne ressemble en rien à ce qu’est un chanteur normal à l’époque. Ça commence très mal mais il va persévérer. L’enregistrement le plus remarqué du « Poinçonneur des Lilas », ça n’est pas celui de Gainsbourg mais celui des Frères Jacques. » (Bertrand Dicale, auteur de « Tout Gainsbourg » – Editions Jungle)

     

    [youtube id= »uqnews4C0g8″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Serge Gainsbourg suit donc le parcours habituel d’un auteur-compositeur à l’époque, qui essaie de percer comme interprète, mais qui reste essentiellement chanté par les autres. Il a alors la chance d’être adoubé par Juliette Greco, qui enregistre ses chansons  et le prend en première partie de ses concerts.

     

    [youtube id= »GEpaVG3As-c » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Une fois le succès obtenu en devenant la plume de Juliette Greco, il va susciter l’engouement de bien d’autres chanteuses.

     

    [youtube id= »tMCfnLAKRl8″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Le désir est un thème récurrent dans les textes du grand Serge, mais ce grand timide joue à les faire chanter par des femmes.

     

    « Il aime que des femmes chantent ses mots. C’est ce qu’il fera avec Zizi Jeanmaire, Régine ou Greco, et évidemment France Gall. Mais avant Gainsbourg, jamais un auteur n’aurait écrit ces paroles-là pour une femme. Sauf que lui a osé… Quand il fait chanter à France Gall dans « Poupée de Cire, Poupée de Son » qu’elle n’est qu’une gourde sans cervelle, car c’est ce qu’elle chante dans les faits, il trouve cela beaucoup plus intéressant. » (Bertrand Dicale, auteur de « Tout Gainsbourg » – Editions Jungle)

     

    Gainsbourg est un parolier malin, intelligent. Il ne va pas simplement jouer sur des évidences telles que « amour, toujours, caresse, tendresse », mais il va plus exceller dans l’art de l’écriture que l’on pourrait qualifier de « piégée » : «  Je choisis toujours des rimes en axe, ixe… C’est beaucoup plus difficile. Au départ, je n’ai pas d’idée, mais le mot me donne les idées ».

     

    [arve url= »https://vimeo.com/119921095″ title= »Françoise Hardy : « Comment Te Dire Adieu »  » description= »Dim Dam Dom (1er mars 1969) » align= »center » maxwidth= »900″ sticky_pos= »top-left » loop= »no » muted= »no » /]

     

    Gainsbourg pratique beaucoup le jeu de mots. Souvent, le mot est à double-sens, quand il n’est pas à double-sens sexuel, comme dans « Les Sucettes » en 1966. Et puis, il y a ces chansons magnifiques écrites pour Bardot ou Birkin.

     

    [youtube id= »VPOYtC1n5bE » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Pour les garçons, il est en revanche moins inspiré. Il compose des chansons fortes pour Jacques Dutronc, mais ce ne sont pas des paroles qui mettent en danger l’image ou la posture culturelle de ses interprètes. Cependant, il retrouve parfois cette façon de renverser l’échiquier, avec une chanson comme « Joujou à la casse », un texte dans lequel il fait dire à Alain Chamfort que les petites fans, les filles qui sont amoureuses de lui, il n’en veut plus.

     

    [youtube id= »nJnTP6yeH6w » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    Gainsbourg ne rend pas les armes pour autant et persiste. En 1979, avec son album « Aux Armes et Caetera », il devient enfin un interprète reconnu. Avec le succès, ses collaborations se font de plus en plus rares, même si certaines feront date.

     

    [youtube id= »yu1-ZeQ-leI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    A ne pas rater le documentaire « Gainsbourg Art(s) et Essai(s) » dimanche 1er avril à 09h25 sur France 5.

     

     

     

  • Gainsbourg / Vannier | Histoire de Melody Nelson

     

     

    Musicien autodidacte, Jean-Claude Vannier apprend les rudiments de l’orchestration en potassant un « Que sais-je ? »… A l’époque, il est ingénieur du son, notamment pour des musiciens arabes : l’influence de leur musique sera déterminante dans son écriture, en particulier des arrangements de cordes caractéristiques des albums qu’il réalisera par la suite.

     

    En 1971, Jean-Claude Vannier rencontre Serge Gainsbourg, et ils composent ensemble le mythique « Histoire de Melody Nelson ». Cet album est considéré comme le premier concept album français, dans la digne lignée des « Porgy And Bess » de Miles Davis, « Blonde On Blonde » de Bob Dylan, « Pet Sounds » des Beach Boys, « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band » des Beatles ou du fameux « Tommy » des Who.

    Melody Nelson, c’est l’histoire d’une jeune fille aux cheveux rouges, une adorable garçonne âgée d’une quinzaine d’années, percutée au début de l’album par la Rolls Royce Silver Ghost 1910 de Serge Gainsbourg. L’album se referme par la disparition de Melody, dans le crash du Boeing 707 à destination de Sunderland (Cargo Culte).

    A l’occasion de l’enregistrement de cet album « Histoire de Melody Nelson », Gainsbourg abandonne pour la première fois le chant pour ce parlé-chanté narratif qui deviendra par la suite une des marques de fabrique de ses albums ultérieurs. Gainsbourg et Vannier réaliseront ensuite plusieurs musiques de films : « Cannabis », « La Horse », ou encore « Slogan ». Leur collaboration s’achève en 1973 avec le disque de Jane Birkin, « Di Doo Dah », sur lequel Vannier compose plusieurs titres seul.

     

    [vimeo id= »30678737″ align= »center » mode= »normal » autoplay= »no » maxwidth= »900″]

     

     

    Histoire de Melody Nelson
    © 1971 Philips
    Histoire de Melody Nelson (40th Anniversary Deluxe Edition)
    © 2011 Mercury