Étiquette : Jacques Audiard

  • Alexandre Desplat, le plus hollywoodien des compositeurs français

     

     

    Avant de parcourir de manière éclectique et subjective la discographie d’Alexandre Desplat, on doit d’abord se demander pourquoi autant de talents, à l’instar de cet ancien élève du Conservatoire de Paris, préfèrent les collines hollywoodiennes aux verts pâturages français. Pour Alexandre Desplat, cette migration date de 2003, depuis que son travail pour le film « La Jeune Fille à La Perle » lui ouvrit des portes et des fenêtres sur un monde plus large et probablement plus reconnaissant.

     

    Tout comme les scénaristes, les compositeurs pour le cinéma ne nagent pas vraiment dans l’opulence, au pays de Molière et de Berlioz. Et même si ce flûtiste accompli croule désormais sous les sollicitations des réalisateurs étrangers, il faut bien reconnaître qu’outre-Atlantique, on prend bien plus au sérieux la discipline de la musique pour le cinéma. Sans compter que les projets proposés là-bas sont en général plus excitants que ceux qui peuvent se monter en France.

    Même si Alexandre Desplat collabore depuis longtemps avec Jacques Audiard ou Roman Polanski, avec la même fidélité que celle qui lie depuis toujours John Williams et Steven Spielberg, ou fut un temps Danny Elfman et Tim Burton, force est de constater que le cinéma français est bien trop étriqué pour satisfaire les ambitions du compositeur des bandes originales de « The Ghost Writer » ou « Un Prophète ».

     

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    Mais grand bien lui en prit, car depuis une vingtaine d’années, un nombre considérable de films américains auront vu leurs histoires enluminées de ses partitions raffinées et exigeantes.

     

    Même si Alexandre Desplat se revendique souvent des grands maîtres hollywoodiens, tels que John Williams ou Bernard Herrmann, il puise également ses influences dans un héritage bien français, de Ravel à Poulenc, en passant par Saint-Saëns et Debussy. Car c’est bien la sophistication des accords, des enchaînements ou des trouvailles purement formelles qui caractérise le mieux sa musique. En marge de ces illustres références, l’ancien collaborateur de Karl Zéro et Eric Morena a également étudié très consciencieusement les musiques brésiliennes et africaines.

    Mais il est vrai que nombre de ses compositions surfent sur le travail du grand John Williams. Nous pensons évidemment à la B.O. du film de David Fincher, « Benjamin Button », le plus williamesque de ses scores. C’est d’ailleurs en découvrant « Star Wars » dans une salle de cinéma en 1977 qu’il réalisa que ce qu’il voulait vraiment faire, c’était composer de la musique pour des films. La puissance symphonique au service d’images sur un écran déclencha cette vocation, comme une absolue évidence.

     

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    Mais plus encore qu’un Hans Zimmer, autre compositeur européen plébiscité et apprécié des réalisateurs américains ainsi que du grand public, Desplat sait sans cesse se réinventer et repousser à l’extrême les limites de ses inspirations. Il n’y a qu’à constater le travail accompli pour une autre grande collaboration qu’est celle avec Wes Anderson, pour se rendre compte de la richesse des thématiques de ce compositeur « Frenchy ».

    S’il aime avant tout l’ampleur orchestrale, Desplat aime aussi chercher, fouiner du côté des instruments du monde et leurs sonorités originales. Wes Anderson justement, et ses films comme « The Grand Budapest Hotel » ou « L’île aux Chiens », dans lesquels sont convoquées des sonorités traditionnelles, avec des instruments peu ou jamais utilisés dans des productions de ce type. Les Biwa, Koto, Konghou et Yamatogoto pour le Japon, ou encore l’Atabaque, le Conga, le Pandeiro pour l’Europe de l’Est.

     

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    Alexandre Desplat va donc au fond des choses, en ne se contentant pas simplement d’illustrer des séquences. Il a besoin de comprendre et d’aimer ce qu’il voit. De cette même nature intransigeante qu’un Ennio Morricone, avec cette même façon d’appréhender l’histoire, il va apporter une résonance, une vérité aux images. Sa propre imagination va ainsi se réapproprier le film en question, avec toute la profondeur nécessaire. Et sa musique va s’enraciner profondément, prenant parfois le pas sur l’image, en permettant au film d’exister encore plus.

    Avec ses œuvres les plus significatives, notamment « Un Prophète », « Birth », « Le Discours d’un Roi », « Rise of The Gardians » ou « Les Frères Sisters », Alexandre Desplat fait en sorte de ne jamais resservir le(s) même(s) (Des)plat(s)… [Humour] Avec plus de 150 œuvres composées pour le cinéma, la télévision ainsi que le spectacle vivant, celui qui est derrière le thème délicat de présentation des Studio Canal, avec cette flûte aérienne, parvient toujours à se renouveler et surprendre son auditoire.

     

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    En 2019, il crée son premier opéra dit de chambre, d’après un roman japonais intitulé non sans humour « En Silence ». Quelques dates seulement seront prévues pour découvrir un travail plus personnel et introspectif. Nommé huit fois aux Oscars entre 2007 et 2020, Alexandre Desplat est sacré à deux reprises, pour « The Grand Budapest Hotel » de Wes Anderson en 2015 et pour « La Forme de l’Eau » de Guillermo del Toro en 2018.

    Malgré le succès, Desplat a appris l’humilité à Hollywood et la gestion intransigeante de son égo. Il connaît sa place et sait d’où il vient. Ce travailleur acharné, ce stakhanoviste infatigable et digne héritier de George Delerue, insuffle sans cesse dans son œuvre ces ambiances lyriques et délicates qui font sa marque de fabrique, ce romantisme sans fausse pudeur pour ourler les histoires que l’on nous raconte.

    Même pour des partitions enlevées et spectaculaires, comme pour le dernier épisode de « Harry Potter », « Godzilla », « Syriana » ou « Argo », Alexandre Desplat impose toujours une douceur qui enrobe le tout, malgré le tumulte des coeurs et autres cuivres de circonstance. En tout cas, difficile de comprendre comment ce magicien s’y prend. C’est sans doute pour ses recettes secrètes que les Américains font si souvent appels à ses services, tant il possède cette faculté d’apaiser les moments les plus furieux de ses partitions, contrairement à un Jerry Goldsmith, pourtant grand mélodiste.

    Deux Oscars, trois Césars, un Ours d’argent, une pléthore de Grammy Awards, Golden Globes, Etoile d’Or et encore tant d’autres récompenses à la chaîne, viennent souligner sa maestria et son génie protéiforme. Car Alexandre Desplat a bel et bien cette façon à lui de concevoir la musique, afin de tapisser les univers qu’il explore, pour chaque nouvelle quête.

    A bientôt 60 ans, aussi à l’aise dans le film intimiste que d’action, en passant par le fantastique, la science-fiction ou le film historique, Alexandre Desplat est aussi prolifique qu’intransigeant, et n’a pas encore abattu toutes ses cartes. Gageons donc qu’il nous réserve encore quelques beaux moments musicaux dans les années à venir.

     

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  • Nicolas Jaar : une longueur d’avance

     

     

    Après un Trianon et un Elysée Montmartre complets en quelques minutes en novembre 2016, Nicolas Jaar revient le 27 octobre 2017 à l’Olympia. Ce nouveau live promet encore une fois d’être sacrément hypnotique. La lenteur d’abord, pour faire entrer le public dans son univers minimaliste, puis la montée irréversible pour atteindre la transe. Nicolas Jaar prouve à chacune de ses  apparitions publiques qu’il a une longueur d’avance sur la plupart des artistes électroniques actuels.

     

    Producteur de musique électronique et DJ chilien vivant à New-York, fils du cinéaste Alfredo Jaar, Nicolas Jaar commence à se faire un nom sur la scène électronique internationale avec deux maxis sortis en 2010, « Marks & Angles » et « Time For Us ». Mais c’est en 2011 qu’il acquiert la reconnaissance de ses pairs avec son premier album, « Space Is Only Noise », devenu très rapidement incontournable. C’est à cette époque que Nicolas Jaar commence à collaborer en marge de sa carrière solo avec Dave Harrington, dans le cadre de leur duo Darksidedont le premier album « Psychic » constitue une autre facette du style musical de Nicolas Jaar, plus acoustique et expérimentale. S’en suit une série d’EP « Nymph II, III et IV » en 2015, jusqu’à la sortie de l’immense « Sirens » publié en septembre 2016 sur son propre label Other People.

    La musique de Nicolas Jaar, classée trop facilement dans le genre « House », est décrite par Mixmag comme « peuplée de transitions troublantes, d’objets sonores décalés, d’instants où une chaleur inattendue se diffuse », tandis que The Fader voit en son premier album une musique « profonde, luxuriante et longanime [où], dans un élan de séduction inconscient, les idées se dévoilent de manière charnelle ». Ses prestations live sont saluées par la critique en raison de la sensibilité qui en affleure, ce qui fait notamment dire aux Inrockuptibles qu’elles sont « de belles machines à dresser poils et chair de poule », quand Resident Advisor souligne que « Nicolas Jaar démontre qu’il n’y a pas besoin de faire sans cesse danser la foule pour rallier les fans — il met en évidence que la substance est aussi primordiale qu’une pointe de style ».

    Quant à l’artiste lui-même, il met souvent en avant son influence originelle, l’album « Thé au Harem d’Archimède » du producteur germano-chilien Villalobos sorti en 2004, ainsi que le « Drukqs » d’Aphex Twin paru en 2001. Mais plus généralement, dans la musique de Nicolas Jaar se croisent et s’entremêlent les influences du jazz, de la soul, de la musique traditionnelle chilienne, du cinéma, ou encore de « Bertolucci, Antonioni, Keith Jarrett, Pink Floyd, The Doors, New Order, Manzoni, Magritte… Sur Être, le morceau d’ouverture de mon premier album, Space Is Only Noise, c’est Serge Daney qui parle avec Godard. Il y a beaucoup de références à la culture française dans ma musique. Je suis allé au lycée français à New York et Santiago et ma mère est française, donc toute ma vie, j’ai été bercé par la culture française ».

     

    « Ma passion pour la musique m’amène à penser qu’elle est sacrée. Et il est primordial pour moi d’affirmer, dans une optique de création, qu’elle est sacrée… Mais en réalité, la musique est le bâtard de notre système économique. C’est toute la difficulté d’être musicien aujourd’hui. Comment faire de la musique pour quelqu’un dans un monde profane ? C’est là le point crucial »

     

    A noter aussi que les deux membres de Darkside distribuent via Soundcloud un album de remixes du « Random Access Memories » de Daft Punk, qu’ils ont intitulé « Random Access Memories Memories », tout simplement…

    En 2015, Nicolas Jaar signe la bande originale de Dheepan, le film de Jacques Audiard.

    A ne rater sous aucun prétexte…

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Nicolas Jaar Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] L’Olympia