Étiquette : France Culture

  • Pierre Desproges (1939-1988) : « Je ne suis pas n’importe qui »

     

     

    Pierre Desproges, disparu en 1988, aurait eu quatre-vingts ans le 09 mai 2019. Inclassable trublion, spécialiste des blagues potaches, éternel gamin dans la vie de tous les jours, roi de la provocation, père attentionné, amateur de bon vin, travailleur acharné, écorché, grand pessimiste, bon vivant… Pierre Desproges surprend par ses multiples facettes, parfois contradictoires.

     

    Mort en pleine gloire voilà trente-et-un ans, Pierre Desproges nous parle toujours… Bien-sûr, certains textes, très liés à l’actualité, ont vieilli. Mais tant d’autres, qui traitent de thèmes universels et chers à l’humoriste, résonnent encore aujourd’hui.

     

    « Tout dans la vie est une affaire de choix, ça commence par la tétine ou le téton, ça se termine par le chêne ou le sapin. » (Textes de scène, Éditions du Seuil)

     

    Chercher à raconter la vie de Pierre Desproges : c’est une gageure. Comme le rire qui résiste obstinément à toute tentative de définition, l’homme ne se laisse pas enfermer facilement dans une case. Difficile en effet de faire l’inventaire de l’œuvre d’un cinglant lettré, d’une personne au parcours atypique ; d’un homme qui fustigeait les bonnes consciences, de son personnage misanthrope et antihumaniste qui lui permettait d’aller très loin. Mais qui était vraiment Pierre Desproges, qui, aujourd’hui encore, continue d’être considéré comme une référence ? Comment expliquer sa modernité et sa singularité ?

     

    « La culture, c’est comme l’amour. Il faut y aller par petits coups au début pour bien en jouir plus tard. » (Réquisitoire contre André Balland, Éditions du Seuil, Tôt ou Tard)

     

    Le meilleur moyen de partager la vie et l’œuvre de Pierre Desproges est de faire entendre une série de points de vue qui suggèrent l’homme à différents moments de sa vie. De la guerre d’Algérie à la Madeleine, du Petit Rapporteur au Théâtre Fontaine, de l’écriture au cimetière du Père-Lachaise, ce documentaire invite à déambuler sur les différents territoires de Desproges. Il remonte le temps pour découvrir Pierre Desproges à travers celles et ceux qui l’ont côtoyé : sa fille, Perrine ; Jacques Catelin, son ami de jeunesse ; Francis Schull, son collègue au quotidien l’Aurore ; Jean-Louis Fournier, réalisateur attitré et complice ; Yves Riou, l’ami humoriste.

     

    « Je me heurte parfois à une telle incompréhension de la part de mes contemporains, qu’un épouvantable doute m’étreint : suis-je bien de cette planète ? Et si oui, cela ne prouve-t-il pas qu’eux sont d’ailleurs ? » (Chroniques de la haine ordinaire, Éditions du Seuil)

     

    Ces témoignages révèlent une personnalité sans concession, angoissée et complexe, à laquelle font écho ses thèmes de prédilection. Des sujets les plus universels (la vie, l’humour et le rire, l’écriture, l’amitié et l’amour, la mort, le racisme) aux plus singuliers (les cintres, les cons, les coiffeurs, la maladie), qui se confondent dans la vie de homme, et dans l’œuvre de cet artiste aux talents protéiformes.

     

    « Humoriste, c’est un mot grave et prétentieux comme philosophe ou spécialiste : je ne suis pas un spécialiste de l’humour. C’est par humilité que je ne veux pas être humoriste. En revanche, c’est par vanité que je ne veux pas être comique. Un comique, c’est un type qui a le nez rouge, qui pète à table, qui se met une fausse barbe : ça me glace totalement. Ce sont des mots impropres. Pareil pour « écrivain », je dirais plutôt écriveur. Parce qu’écrivain, c’est à la fois outrecuidant et trop incisif. » (Libération, 3 mars 1986)

     

    Il ne suffit pas d’être heureux. Encore faut-il que les autres soient malheureux… Trente-et-un ans après sa mort, portrait intime par ses proches d’un homme tendre et angoissé, à l’humour sans ambiguïté ni concession : « me courber me fait mal au dos. Je préfère rester debout ».

     

    « J’ai le plus profond respect pour le mépris que j’ai des hommes. » 

     

    Article et Documentaire signés Romain Masson pour France Culture (février 2018)

     

     

    [arve url= »https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=39ef5c4b-7cf2-4418-b650-9fcc8514a24d » title= »Pierre Desproges : « Je ne suis pas n’importe qui » » align= »center » aspect_ratio= »21:9″ loop= »no » muted= »no » /]

     

    Une émission de Romain Masson, réalisée par Anne Perez-Franchini – Prise de son : Yann Fressy, Ollivia Branger – Mixage : Claude Niort – Archives INA : Arnaud Plançon – Liens internet : Annelise Signoret.

    Archives PMP Productions (Perrine Desproges) : Spectacles au Théâtre Fontaine (1984) et au Théâtre Grévin (1986), réalisés par Jean-Louis Fournier. Archives INA – 30 millions d’amis, « Les animaux extraordinaires de Pierre Desproges », TF1, le 8 novembre 1979 – ​Boîte aux lettres​​​, Jérôme Garcin​, FR3, le 26 juin février 1983 – Mardis du théâtre, Lucien Attoun, France Culture, le 25 novembre 1986.

     

    Remerciements

    Hélène Desproges, Jérôme Garcin, Marie-Ange Guillaume, Nina Masson, Myriam Nguyen, Philippe Pouchain, les Editions du Courroux, PMP Productions, Les Jardins du Marais.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges –  Je vais être sincère…  (Entretien publié dans Les Inrocks le 29 novembre 1995)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges interviewe Françoise Sagan pour le Petit Rapporteur  (Novembre 1975)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Entretien au coin du feu  (Archive INA, 12 mars 1977)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Chaîne spéciale Desproges sur Dailymotion

     

     

     

  • Jumbo, éléphant star et martyr du cirque

     

     

    Alors que sort au cinéma le remake du « Dumbo » de Walt Disney réalisé par Tim Burton, voici l’histoire de Jumbo, éléphant star et martyr du cirque, qui contribua à l’inspirer.

     

    Le seul éléphant d’Afrique arrivé en Europe

    Jumbo naît en 1860 en Abyssinie. Sa mère est tuée devant lui par des chasseurs soudanais. L’éléphanteau décharné est acheté par un marchand d’animaux, qui l’expédie par bateau en Europe. Aucun autre éléphant n’ayant survécu à cette traversée, il est alors le seul éléphant d’Afrique en Europe. D’abord vendu à une ménagerie ambulante allemande, il échoue à la ménagerie du Jardin des Plantes à Paris. En 1865, le zoo de Londres le rachète, en mauvaise santé.

     

    La star de l’aristocratie britannique

    Différent des éléphants indiens présents alors en Angleterre, il crée un engouement inédit. Il est alors prénommé « Jumbo ». Gavé de friandises, il est très populaire auprès de la haute société londonienne. Pendant 16 ans, sous la houlette de son gardien Matthew Scott, il promène des milliers d’enfants, parmi lesquels, paraît-il, Winston Churchill, Theodore Roosevelt ou les enfants de la reine Victoria.

    Adolescent, il atteint près de 4 m de haut. « Jumbo » désigne alors tout ce qui est de grande dimension. À l’âge de la maturité sexuelle, Jumbo est de plus en plus difficile à contrôler. Il est maltraité pour le rendre plus docile. Il souffre de claustrophobie et est attaqué par les rats. Ses défenses sont tronquées car il se jette contre les murs.

    Son gardien l’assomme avec du scotch et un tonneau de bière par jour. Le surintendant du zoo craint pour la sécurité des visiteurs. Il envisage même de l’abattre.

     

    « Il est incroyablement intelligent, de bonne humeur et docile ; en même temps, il m’a donné ainsi qu’à tous ceux qui ont eu affaire à lui, des troubles d’anxiété » explique alors Abraham Bartlett, surintendant du zoo.

     

    En 1882, le scandale éclate : le zoo vend Jumbo pour une somme dérisoire à un directeur de cirque américain. Se mobilisent alors 100.000 pétitionnaires s’opposant à son départ, le personnel du zoo, les médias britanniques, des écoliers, le Parlement, et même la Reine Victoria. Rien n’y fait…

     

    [arve url= »https://www.dailymotion.com/video/x74sh1g » align= »center » title= »Jumbo, éléphant star et martyr du cirque » description= »Jumbo » maxwidth= »900″ /]

     

     

    Le cauchemar américain

    Terrifié, enchaîné et enfermé dans une caisse, Jumbo hurle à la mort pendant les deux semaines de traversée, sauf quand il est imbibé de bière ou de champagne. Arrivé à New York, il intègre le « Greatest Show on Earth », qui sillonne l’Amérique avec ses 80 wagons. Un wagon spécial lui est d’ailleurs réservé, le « Jumbo’s Palace Car ». Il est l’attraction phare et sa renommée est mondiale. Grâce à lui, Barnum crée le spectacle de cirque le plus lucratif de tous les temps, avec 20 millions de spectateurs.

    En 1883, la santé de Jumbo décline, le cirque est dans le collimateur de la Société américaine pour la prévention de la cruauté envers les animaux (ASPCA). Jumbo meurt le 15 septembre, heurté par un train au Canada. Les circonstances réelles de sa mort sont controversées. Barnum soutient que Jumbo s’est précipité devant le train pour sauver héroïquement un jeune éléphant. Cet « accident » aurait en fait été mis en scène pour éviter les investigations sur ses maltraitances, tout en planifiant une sortie spectaculaire.

    Le squelette de Jumbo circule alors lucrativement durant deux ans avec le cirque, avant d’être donné au Musée d’Histoire Naturelle de New York. Son cœur est vendu à une université en 1889, et son corps reconstitué avec sa peau naturalisée échoue dans les collections de l’université Tufts (Massachusets), dont il devient la mascotte. En 1975, seule sa queue réchappe à un incendie. Ses cendres sont conservées dans un bocal. Son culte y est toujours vivace. En 1985, une statue grandeur nature est érigée au Canada pour commémorer le centenaire de sa mort. On ne compte plus les objets dérivés de Jumbo, les histoires, films, livres ou chansons qui lui sont consacrés.

     

    Article de Camille Renard pour France Culture

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « Siribeddi : mémoires d’un éléphant », de J. Lermont. Un ouvrage que l’on peut lire en ligne sur le site de la BnF, Gallica.

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « La vraie histoire de Jumbo », sur le blog Les Yeux  de la Girafe.

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « Les millions de Barnum : amuseur des peuples ». Une autobiographie adaptée de l’américain par Jehan Soudan publiée en 1899 et en ligne sur Gallica.

     

     

     

  • Charles Bukowski | « Comment devenir un grand écrivain »

     

    « En ce qui concerne l’obscénité, je n’y connais rien sinon qu’elle effraie et emmerde les prétendus écrivains honnêtes. Pour moi, il n’y a rien d’obscène dans le sexe, ni dans les fonctions physiologiques, la seule forme d’obscénité c’est d’écrire mal sur un sujet. »

     

    Quatrième temps, dans « Les Nouveaux chemins de la connaissance », de la semaine consacrée à l’ivresse poétique, avec le poème de Charles Bukowski, « Comment devenir un grand écrivain », lu par Georges Claisse. De sa piaule au bar, Bukowski écrivait comme il s’accoudait au bar : de l’ivresse comme état normal à la plongée dans un fond de sac poubelle, vous prendrez bien un dernier verre… avec Brice Matthieussent, Tom Waits et la voix du poète…

     

    https://soundcloud.com/franceculture/comment-devenir-un-grand-ecrivain-poeme-de-charles-bukowski-lu-par-georges-claisse