Étiquette : 1979

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 16 : La Marseillaise by Gainsbourg

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Nous ne pouvions pas quitter cette année 1979 sans évoquer la Marseillaise version Reggae de Serge Gainsbourg… Parti à Kingston pour enregistrer son album « Aux Armes et Caetera » avec les plus grands musiciens jamaïcains, le chanteur français en rapporte un scandale fondateur.

     

    Ça n’est plus une offense que de passer en 2019 la Marseillaise Reggae de Serge Gainsbourg sur les ondes du service public. 40 ans après l’affaire « Aux Armes et Caetera », les passions se sont apaisées et ce bon Gainsbarre est désormais célébré jusqu’au sommet de l’état comme l’un des plus géniaux représentants de notre culture populaire. Si nous parlons aujourd’hui de cet enregistrement qui fit scandale en 1979, c’est justement pour tenter d’aller un peu plus loin que les grandes pétitions de principe qui, d’un bord et de l’autre, s’affrontèrent à l’époque.

    Une première remarque, tout d’abord : en 1979, lorsqu’il part à Kingston, en Jamaïque, enregistrer cet album reggae qui va véritablement révolutionner sa carrière, Serge Gainsbourg n’a guère connu le succès auparavant. En fait, à deux reprises uniquement. Une première fois, en 1969, avec « Je t’aime moi non plus » et une seconde fois en 1978 avec « Sea, Sex and Sun », 45T qui fut l’un des tubes de cet été-là.

    À l’époque où Serge Gainsbourg décide d’enregistrer « Aux Armes et Caetera », sa cote d’amour navigue donc à marée basse et ses derniers disques – « Rock Around the Bunker », « L’Homme à Tête de Chou » – furent autant d’échecs commerciaux. Seule sa maison de disques Philips semble encore croire en lui en tant qu’interprète.

    Et les musiciens qu’il va rencontrer en Jamaïque, Sly Dunbar, Robbie Shakespeare et quelques autres légendes du reggae, ne connaissent en fait rien de Serge Gainsbourg, si ce n’est cela… Eh oui, toujours « Je t’aime moi non plus », ici dans une version quelque peu salace du jamaïcain Judge Dread datée de 1974. Car « Je t’aime moi non plus » est la seule chanson de Gainsbourg qui ait traversé l’Atlantique en 1979…

     

    [youtube id= »nw8yc_OeON0″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Mais Gainsbourg, avec sa Marseillaise version Reggae, va aussi enseigner aux Français quelques singularités de leur hymne national. Par exemple, le dernier couplet de son « Aux Armes et Caetera »… Il n’est en fait pas de Rouget de Lisle, mais de l’abbé Antoine Pessonneaux, professeur de rhétorique à Vienne en 1792. L’abbé qui écrit ce que l’on appelle « le couplet des enfants », que Gainsbourg a réappris à des millions de Français.

     

    « Nous entrerons dans la carrière

    Quand nos aînés n’y seront plus

    Nous y trouverons leur poussière

    Et la trace de leurs vertus »

     

    D’ailleurs, lors de sa dernière tournée en 1988, Gainsbourg choisira de chanter encore un autre couplet à la fin de sa Marseillaise. Un couplet beaucoup plus patriotique, au premier degré.

     

    « Tout est soldat pour vous combattre,

    S’ils tombent, nos jeunes héros,

    La terre en produit de nouveaux,

    Contre vous tout prêts à se battre ! »

     

    [youtube id= »tU1kWOgqiYw » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Mais il est vrai que Gainsbourg n’avait jamais exprimé de sentiments particulièrement opposés à la Nation Française en tant que telle, et appelons un chat un chat, il a toujours apprécié la fréquentation des militaires ou des policiers.

    Son anti-communisme était d’une virulence assez forte pour qu’il ne méfie pas assez des militaires… Et a-t-on vraiment prêté attention à ce qu’il dit au moment du célèbre incident de Strasbourg ? Cherchez bien, vous vous souvenez ? Les paras qui veulent empêcher le concert d’avoir lieu, les musiciens jamaïcains qui refusent de monter sur scène, Gainsbourg le point levé, et ça donne ça. Gainsbourg l’insoumis, le vrai, pas à la mode mélanchoniste…

     

    [youtube id= »BwSWf3Ny0Dc » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Etats-Unis, Gabon, Bahamas… Serge Gainsbourg était autant artiste que voyageur. Les pérégrinations de cet iconoclaste l’ont même mené jusqu’en Jamaïque, La Mecque du renouveau musical. C’est ainsi dans la patrie de Bob Marley que Gainsbourg entre dans sa période Gainsbarre, s’inspirant de la force révolutionnaire et jusqu’au-boutiste du reggae. Un changement de cap symbolisé notamment par le fameux scandale de La Marseillaise… Retour sur la genèse du concert où Gainsbourg mit les « paras au pas ».

     

    [youtube id= »87W_Th08O_c » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « C’était mon époque reggae, j’en avais marre de Londres, je suis parti après la mort des Sex Pistols… je me suis cassé et j’ai pris les musicos de Tosh et la femme de Marley. J’ai fait deux 33T avec eux, le premier à Kingston et le second à Nassau. » (Serge Gainsbourg)

     

    Lorsque Gainsbourg décide avec son producteur Philippe Lerichomme d’aller en Jamaïque, il prend contact avec Chris Blackwell, le boss du label Island Records, pour qu’il lui arrange le coup et lui trouve les meilleurs musiciens de l’île.

    Aujourd’hui, avec le recul, on peut dire que le casting organisé était parfait : Sly Dunbar à la batterie, Robbie Shakespeare à la basse, Robbie Lyn et Ansel Collins aux claviers, Mikey Chung et Dougie Bryan aux guitares, Sticky Thompson aux percussions et les I-Threes (Rita Marley, Marcia Griffiths et Judy Mowatt) aux chœurs.

    À signaler également, la présence du très regretté Geoffrey Chung derrière la console pour les prises de sons et le mixage.

     

    « Le reggae me branchait par son côté voyou, contestataire, plus proche de l’Afrique. Mais il y a aussi la religion rasta et le feeling. À cette époque, j’étais très fan du chanteur Leroy Smart. J’étais aussi persuadé que mon phrasé « talk over », parlé plutôt que chanté, allait parfaitement coller aux rythmiques reggae. » (Serge Gainsbourg)

     

    Pourtant, lorsque Serge Gainsbourg débarque dans les studios Dynamic Sound en janvier 1979, l’affaire est loin d’être gagnée : « Le premier jour, j’ai rencontré Robbie qui m’a dit : Je dois te prévenir, je ne parle pas. Donc, silence. Et puis on a dû attendre trois jours Geoffrey qui était à New York. C’était l’angoisse car je ne savais pas avec qui on allait enregistrer. »

    « Finalement, je me suis mis au piano du studio et ça les a snobés. Ils ont compris que j’étais l’auteur de « Je t’aime moi non plus », gros hit en Jamaïque. L’ambiance s’est dégelée. Pourtant, contrairement à ce que j’ai dit à mon label, je suis arrivé en Jamaïque sans avoir écrit un seul texte, j’avais juste les titres des différentes chansons ! Il y a eu d’abord deux jours de rythmique, une demi-journée avec les chœurs et ensuite une nuit blanche à écrire… Le lendemain, j’ai mis presque toutes les voix en boîte. J’ai même refait certaines paroles dans le studio. Tout ou presque a été enregistré en une prise. »

     

    [youtube id= »Wd4qEzNyzmo » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « J’ai toujours eu une affection pour ce genre de plan, Marley, Tosh, mais sur des harmonies trop sophistiquées, ça ne roule pas. Il faut deux harmonies maximum. Comme « Aux Armes et Caetera » et tout ce que j’ai fait sur mon premier album reggae. Il n’était pas question d’avoir plus de trois, quatre harmonies, c’était pas possible. Et c’est comme ça que ça roule avec les rastas… Shakespeare et Dunbar sont parmi les plus grands, mais ils se sont fait jeter par James Brown, faut pas oublier… parce qu’ils pouvaient pas assurer des harmonies trop… sophistiquées. Sur une ou deux harmonies, ils sont superbes… (il rythme), (rires)… autrement, ça va pas. »

     

    Malgré tout ce qu’a pu vivre Serge auparavant, il est tout de même impressionné par l’ambiance qui règne à Kingston : « faut être cool pour survivre là-bas. Quand on rentrait du studio à une heure du matin, certains coins faisaient vraiment peur. En fait, je ne suis resté qu’une semaine et je n’ai rien vu du reste de l’île. »

     

    Ce qui surprend surtout à l’écoute de l’album « Aux Armes et Caetera », c’est l’adéquation entre les versions instrumentales et la voix de Serge – que les musiciens ont surnommé le « Barry White français » – cette impression de fluidité et de légèreté : rarement la langue de Molière a aussi bien sonné en musique.

    Sur ce 33 tours, Gainsbourg revisite deux de ses anciens titres : « Pauvre Lola » [« Lola Rastaquouère »] et « La Javanaise » [« Javanaise Remake »). On y trouve également une adaptation de « Vieille Canaille », une chanson de 1931. Comme à son habitude, Serge s’amuse sur quelques titres, comme « Les Locataires » : « eau et gaz à tous les étages ». Sans oublier le texte « Brigade des Stups » qui prend tout son sens au pays de la ganja. Mais le reste des paroles est beaucoup plus sérieux, Serge maniant l’ironie et la dérision comme peu d’auteurs ont su le faire avant lui (« Des Laids des Laids », « Pas Long Feu » ou « Daisy Temple »).

    Cet album fait aussi beaucoup parler de lui à cause de la polémique sur sa réinterprétation de l’hymne national en version reggae. Le journaliste du Figaro, Michel Droit, reprochant même à Serge Gainsbourg de « propager inconsciemment l’antisémitisme en associant cette parodie scandaleuse avec notre hymne national ». On se souvient aussi de son concert à Strasbourg investi par des membres d’une association d’anciens parachutistes qui désapprouvent sa réinterprétation de « La Marseillaise ». Gainsbourg leur répond en chantant l’hymne national a cappella et le poing levé !

    Loin de lui porter ombrage, cette polémique porte le disque, une jeune génération s’entiche des 12 morceaux, et découvre Gainsbourg en même temps que cette musique venue tout droit de Jamaïque, le Reggae. « Aux Armes et Caetera » deviendra le premier album platine de Serge Gainsbourg et connaîtra une suite presque aussi réussie avec « Mauvaises Nouvelles des Etoiles ».

     

    En ce premier jour de l’année 2020, nous sommes ravis de clore ce 40ème anniversaire de l’année 1979 avec Serge Gainsbourg, car quel autre précurseur que lui aurait pu aussi bien symboliser cette année-charnière qui scellait le sort de nos dernières utopies… Après 1979, rien ne fut plus jamais comme avant.

     

    Sources : Musiq XXL / Bertrand Dicale / Sens Critique

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 15 : Reggatta de Blanc

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Never Mind The People

    Du côté de l’Angleterre, l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en mai 1979 laisse présager des lendemains bien douloureux. Le pays se débat en effet dans une crise économique et sociale terrible, ultime convulsion d’un monde en pleine mutation. Les usines et les mines de charbon ferment les unes après les autres, laissant sur le bord de la route deux générations de Britanniques, condamnés au chômage de masse et à une inéluctable paupérisation.

    « L’hiver du mécontentement », le roman de Thomas B. Reverdy, dont le nom a figuré sur la liste du Goncourt en 2015, a pour cadre cette Grande-Bretagne de 1978-1979, paralysée par des grèves monstrueuses qui vont finir par propulser à la tête du gouvernement une inconnue, Margaret Thatcher, femme inflexible.

    Le pays entre dans une nouvelle ère, celle des jeunes loups aux dents aiguisées, bientôt connectés à l’ensemble de la planète, sans morale, sans dieu, vénérant le fric plus que leur propre mère. Ils préparent la grande révolution à venir, celle qui n’a pas besoin de grand soir, de rêves romantiques, d’idéaux en stuc… Ils veulent prendre les commandes de la City, devenir banquiers, actionnaires, hommes d’affaires, assureurs, courtiers, avocats fiscalistes… Et les ouvriers qui crèvent dans leurs bâtiments de briques insalubres, ils s’en foutent, à vrai dire…

     

    « Le reste, on va le liquider. Privatisations, faillites en série, licenciements massifs. Ce sera les grands soldes d’hiver, avant changement de collection (…). Les chômeurs seront de plus en plus nombreux. Mais au moins, ils seront de droite. »

     

    C’est dans ce contexte que paraît l’album « Reggatta de Blanc » du groupe de rock britannique The Police. Sorti le 5 octobre 1979 chez A&M Records, ce disque, à l’image de la société anglaise qui entre dans une période de mutation profonde, va permettre au groupe de sortir de la mouvance punk dont il était encore peu de temps avant l’un des piliers, avec The Clash, en saupoudrant dans sa musique des ingrédients tels que reggae, world music, pop ou rock.

    Le gris bleuté de la pochette, avec ces trois blondinets qui fixent l’auditeur potentiel d’un regard glacial, en cette fin d’année 1979, ne laisse cependant pas présager un seul instant que ce jeune trio deviendrait, en un temps record, le groupe de rock le plus demandé, adulé et imité de la fin des 70’s. Tout juste un an après le succès de leur premier album, « Outlandos d’Amour », la bande à Sting a le vent en poupe et compte bien surfer sur l’immense succès des « Roxanne » et autres « Can’t Stand Losing You » qui continuent d’inonder les programmations radio.

    Avec ce deuxième opus, le trio anglais se doit donc de frapper un grand coup. Il reproduit ainsi la recette imparable du premier album, avec cependant de savantes petites retouches qui vont contribuer à propulser The Police au sommet des charts du monde entier. A commencer par « Message In The Bottle » ou « Walking On The Moon » qui contiennent tous les ingrédients de tubes planétaires, avec leurs mélodies immédiates, cette petite touche reggae et des arrangements qui s’affinent nettement.

     

    [youtube id= »zPwMdZOlPo8″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Car cette année 1979 est définitivement l’année de l’explosion du reggae à l’international, marquant le virage radical d’un certains nombre de groupes, qui surfent sur la vague initiée par Bob Marley et son oeuvre ultime, « Survival ». Dans son sillage, donc, des albums majeurs vont venir ajouter leur petite pierre à l’édifice, rendant universel et planétaire le discours de la musique jamaïcaine : « Reggatta de Blanc » de Police, « London Calling » de Clash, « Aux Armes et Caetera » de Serge Gainsbourg ou encore le hit infaillible des Specials, « Gangsters »…

     

    [youtube id= »Wd4qEzNyzmo » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Reggatta de Blanc » est un album qui étonne par son originalité, sa fraîcheur et le son minimaliste qu’il dégage. La singularité de Police réside aussi dans le fait qu’ils ont su créer une musique avec des espaces et des silences qui la rendent unique. Le son cristallin et aérien de la Fender d’Andy Summers est sans conteste la marque de fabrique du groupe. La frappe ravageuse, précise et opportuniste de Stewart Copeland pose les bases d’une rythmique carrée qui sous-tend l’ensemble.

    Ajouté à cela, un son travaillé, peaufiné et affiné par une multitude d’effets que maîtrise à la perfection le trio anglais et la basse ultra perfectionniste et inventive de Sting qui vient compléter cet assemblage délibérément rock. Mais pas que… Grâce aussi à un manager (Miles Copeland, le frère de Steward) redoutablement efficace, le trio va sortir une des plus innovantes et surprenantes galettes de l’histoire du rock, en cette fin des années 70. Il en résulte un album net, précis, efficace, dont vous ne ne pourrez pas écarter grand chose…

    Les Anglais ont vite appris de leurs erreurs et les corrigent dès leur second album, avec notamment moins d’approximation dans l’écriture, ce qui donne un disque plus homogène. C’est au détriment des titres les plus bruts et rock, puisque la musique de The Police se lisse sensiblement et l’aspect pop l’emporte désormais sur l’énergie brute, clef de voûte de l’exercice précédent. Si les influences reggae sont omniprésentes (« The Bed’s Too Big Without You », « Walking On The Moon »…), des sonorités électroniques apparaissent sur la popisante « Contact », alors que l’intro au piano de « Does Anyone Stare » installe une ambiance blues, nouvelle pour le groupe.

    Avec « Reggatta de Blanc », The Police fait son trou et est au sommet de son succès, à défaut d’être au sommet de son art, atteint en 1983 avec l’album ultime, « Synchronicity ». Mais ce disque défriche le terrain et assoit définitivement la popularité des Londoniens. L’ascension est fulgurante, comme le sera la carrière du groupe qui s’achèvera au bout de six ans et cinq albums. Il n’en faut pas plus pour écrire la légende du groupe et de ses membres, et inscrire « Reggatta de Blanc » dans la grande histoire du rock.

    En cette fin de la décennie 70, The Police ont certes acquis une certaine reconnaissance en France, avec leur premier opus « Outlandos d’Amour », mais c’est certainement leur passage live le 23 décembre 1979 sur la scène du Théâtre de l’Empire, dans le cadre de l’émission musicale Chorus, qui va établir définitivement la réputation du groupe. C’était donc il y a quarante ans et c’était bien…

     

    [arve url= »https://www.dailymotion.com/video/x4onbc8″ align= »center » title= »The Police : Live au Palace (1979) » maxwidth= »900″ /]

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 14 : Entretien avec Amin Maalouf

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Bien des événements emblématiques de notre époque, de la chute du mur de Berlin à l’écroulement des tours du World Trade Center, partent ainsi du même point : 1979. Une année où sont survenus des bouleversements tels qu’on en subit encore les conséquences, soutient l’écrivain Amin Maalouf.

     

    En 1979, le monde est ébranlé par deux événements majeurs : la révolution iranienne, qui va propulser l’ayatollah Khomeiny au pouvoir, et la révolution conservatrice au Royaume-Uni, marquée par l’élection de Margaret Thatcher. Ces révolutions enclenchent ce qu’Amin Maalouf, écrivain franco-libanais, qualifie de « grand retournement » et dont nous subissons toujours les secousses. Dans son tout dernier essai, « Le naufrage des civilisations » (paru cette année chez Grasset), l’auteur de « Léon l’Africain », de « Samarcande » et d’une dizaine d’autres livres (et membre de l’Académie française) écrit que les événements de cette année fatidique ont métamorphosé les sociétés humaines et conduit les civilisations au bord du précipice.

     

    Vous établissez l’année 1979 comme celle marquant le début des dérèglements mondiaux. Pourquoi ?

    Il y a des dates qui deviennent en quelque sorte des marque-pages dans le grand registre du temps, signalant la fin d’un chapitre et le commencement d’un autre. En 1979 se sont mis en place les paramètres politiques et intellectuels qui ont façonné le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui : la montée de l’islamisme radical et, plus généralement, des tensions identitaires ; et la montée d’une nouvelle forme de gestion économique, caractérisée par un reflux des politiques sociales et par une dénonciation de l’« Etat-Providence ». Les deux événements emblématiques de cette évolution sont le triomphe de la révolution iranienne, en février 1979, avec la proclamation par l’ayatollah Khomeiny d’une République islamique ; puis, trois mois plus tard, en mai, au Royaume-Uni, la victoire électorale de Margaret Thatcher et l’avènement de ce qu’elle a appelé sa « révolution conservatrice », qui allait influencer les dirigeants du monde entier.

     

     

     

    Ces deux phénomènes ne sont pas semblables. Pourquoi les relier ?

    Il est vrai qu’il y a d’énormes différences entre les deux événements, entre les deux personnages, comme entre les deux conservatismes. Mais ils ont provoqué, sur l’ensemble de la planète, un « retournement » durable des idées et des attitudes. Leur proximité dans le temps n’était sûrement pas le résultat d’une action concertée, mais elle n’était pas non plus le fruit du hasard. Je parlerai plutôt de « conjonction ». C’est comme si une nouvelle « saison » était arrivée à maturité, et qu’elle faisait éclore ses fleurs en mille endroits à la fois. Ou comme si « l’esprit du temps » était en train de nous signifier la fin d’un cycle, et le commencement d’un autre. Désormais, c’est le conservatisme qui se proclamera révolutionnaire, tandis que les tenants du « progressisme » n’auront plus d’autre but que la conservation des acquis.

     

    Commençons par les turbulences identitaires. Pourquoi frappent-elles surtout le monde arabo-musulman ?

    Dans mon dernier livre, je m’efforce de trouver les raisons pour lesquelles ma région natale, le Proche-Orient, a connu une dérive identitaire meurtrière. Je ne prétends pas expliquer l’ensemble du phénomène, mais j’essaie d’offrir quelques pistes de réflexion. En partant de ma propre expérience. Je suis né à Beyrouth, et j’ai eu le triste privilège d’assister, en avril 1975, de la fenêtre de mon appartement, au massacre qui fut le déclencheur de la guerre du Liban. À partir de là, la coexistence entre les ressortissants des diverses communautés a été rompue. Jusque-là, elle fonctionnait à peu près, même si elle n’a jamais été idyllique.

     

     

     

     

    Mais le Proche-Orient a été secoué par d’autres événements. Vous montrez du doigt les actions de Nasser, le dirigeant égyptien qui a renversé la monarchie en 1952. N’est-il pas tout à la fois héros et fossoyeur du monde arabe ?

    Nasser arrive à un moment clé de l’histoire de cette région et du monde. Lorsqu’il prend le pouvoir en 1952, il est vu comme un libérateur. Il renverse une monarchie discréditée et redonne aux peuples arabes leur fierté. Il atteint son moment de gloire en 1956 lorsqu’il nationalise le canal de Suez et sort politiquement gagnant de son différend avec la France, le Royaume-Uni et Israël. Il devient un leader de stature mondiale, et une idole pour les foules arabes. Mais sa manière de gouverner se révèle désastreuse. Il nationalise à tour de bras, réprime l’opposition et pousse vers la sortie les communautés dites « égyptianisées » — des centaines de milliers de Grecs, d’Italiens, de Juifs, de Syro-Libanais, de Français, etc. — dont certaines étaient installées dans la vallée du Nil depuis plusieurs générations, voire plusieurs siècles. En 1967, il perd la guerre contre Israël. Et le monde arabe ne s’est jamais relevé de cette défaite.

     

    L’échec de Nasser signe la montée d’une autre force politique déjà bien ancrée dans le monde arabo-musulman, l’islamisme. Et c’est l’Iran de Khomeiny qui va s’en emparer, n’est-ce pas ?

    La révolution khomeiniste de 1979 va effectivement marquer une victoire spectaculaire pour l’islamisme politique et ébranler la civilisation arabo-musulmane. L’Iran, bien que n’étant pas un pays arabe, va se faire le champion des causes que défendait jusque-là le nationalisme arabe, notamment le soutien aux mouvements palestiniens et le combat contre Israël. Les monarchies arabes sont blâmées pour leur faiblesse face aux Occidentaux. L’Iran leur apparaît comme une menace mortelle.

     

     

    Mais d’autres événements vont alimenter l’islamisme ?

    Là encore, 1979 est une année charnière. La révolution iranienne éclate donc en février. En mars, le premier ministre laïque du Pakistan, Ali Bhutto, est exécuté par des militaires prônant l’application de la loi coranique. En juillet, Washington commence à armer les moudjahidines islamistes afghans. En novembre, des militants radicaux prennent d’assaut la grande mosquée de La Mecque et ébranlent le pouvoir saoudien, ce qui le pousse à se durcir considérablement. Enfin, en décembre, l’Union soviétique envahit l’Afghanistan, ce qui déclenche une mobilisation sans précédent dans le monde arabo-musulman, et précipite la défaite du communisme.

     

    Et nous vivons toujours les effets de cet ébranlement ?

    Bien des moments emblématiques qui ont façonné notre époque, de la chute du mur de Berlin en 1989 à l’écroulement des tours jumelles de Manhattan en 2001, trouvent effectivement leur origine dans les événements de cette année-là.

     

    L’autre événement clé du grand retournement dont vous parlez est la révolution conservatrice. Vous l’attribuez à Margaret Thatcher. En quoi est-ce important ?

    L’avènement au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979 n’aurait pas eu la même portée s’il ne s’inscrivait pas dans un mouvement profond et ample qui allait dépasser très vite les frontières du Royaume-Uni. Son socle reposait sur le soulèvement des acteurs économiques, et plus généralement des possédants, contre les empiétements de l’État redistributeur des richesses. Cette révolution avait comme programme de diminuer l’intervention du gouvernement dans la vie économique, de limiter les dépenses sociales, d’accorder plus de latitude aux entrepreneurs et de réduire l’influence des syndicats.

     

     

     

    Et cette révolution a rapidement touché la planète entière ?

    Elle s’est révélée, en effet, fort attrayante. Et elle s’est propagée très vite. D’abord vers les États-Unis, avec l’élection de Ronald Reagan en novembre 1980 ; puis vers le reste du monde. Les préceptes de la révolution conservatrice anglo-américaine seront adoptés par de nombreux dirigeants de droite comme de gauche, parfois avec enthousiasme, parfois avec résignation. La révolution conservatrice a mis fin à la « timidité » qu’éprouvait jusqu’alors la droite dans le débat politique et intellectuel, notamment sur les questions sociales. C’est là une dimension difficile à saisir, mais elle est essentielle pour comprendre le bouleversement qui s’est opéré dans les mentalités, partout dans le monde. La domination qu’exerçaient jusque-là les idées et le vocabulaire de la gauche s’est effritée.

     

    Quels ont été ses résultats ?

    Ils ont été nuancés. Le triomphe d’un capitalisme décomplexé a eu pour effet de libérer des forces économiques puissantes, et de favoriser le décollage des plus grandes nations non occidentales, comme la Chine ou l’Inde. Mais il a accentué les inégalités, au point de créer une petite caste d’hypermilliardaires, chacun d’eux plus riche que des nations entières ; et il a désavantagé de vastes couches de la population, qui se sentent aujourd’hui marginalisées, et même délaissées.

     

    Vous parlez de naufrage des civilisations, alors que le professeur Samuel Huntington, dans son livre phare de 1996, parle de « choc des civilisations ». Y a-t-il une différence ?

    Samuel Huntington a prédit que le monde allait se constituer en sept ou huit blocs, ou « aires de civilisation ». Pourtant, ce qui caractérise l’humanité aujourd’hui, ce n’est pas une tendance à se regrouper au sein de très vastes ensembles, mais une propension au morcellement, au fractionnement, souvent dans la violence. C’est évidemment vrai dans le monde arabe, mais c’est également vrai en Europe, et ailleurs. Partout dans le monde, il y a au sein des sociétés humaines de plus en plus de facteurs qui fragmentent, et de moins en moins de facteurs qui cimentent.

     

    Faut-il donc conclure à l’inexorable naufrage des civilisations ?

    Les années à venir vont très probablement nous apporter des secousses majeures. Mais je reste persuadé que l’on finira par connaître une prise de conscience, et un sursaut. C’est dans cet espoir que j’ai écrit mon livre.

     

     

    Entretien avec Jocelyn Coulon pour L’Actualité (09 octobre 2019)

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 13 : McDonald’s

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    17 septembre 1979, ouverture officielle du premier McDonald’s en France. Ça, c’est pour la version officielle… Car l’histoire a été réécrite de toutes pièces : c’est en effet un certain Raymond Dayan qui a importé la marque comme le concept du fast-food en France sept ans plus tôt, en 1972, alors que la maison-mère américaine était très sceptique quant à la viabilité d’une implantation dans notre doux pays.

     

    Cet anniversaire ne serait donc qu’une escroquerie barbouillée de ketchup et surmontée d’une rondelle de pickle ? Ce 17 septembre 1979, c’est pourtant encore aujourd’hui très officiellement la date gravée dans le marbre de l’histoire du géant américain de la restauration rapide, ainsi que sur la façade de la première enseigne McDonald’s ouverte en France, à Strasbourg. « Nous étions des pionniers », se souvient Michel Ksiazenicer, le premier franchisé. « Cependant l’accueil fut plutôt chaleureux, et les réactions des Alsaciens plus curieuses qu’hostiles », comme nous indique le site de la maison-mère. Sans doute… Car ça fleurait bon le bonheur qui dégouline entre deux buns, à en croire le reportage du journal télévisé de l’époque.

     

    [youtube id= »vAt1y7NECCw » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Mais il n’en reste pas moins que l’histoire a été réécrite de toutes pièces… Car McDonald’s cherche en fait depuis quarante ans à effacer des tablettes un homme, Raymond Dayan, celui qui importa la marque comme le concept du fast food en France sept ans plus tôt, en 1972, après une première expérience à Chicago. Les hamburgers en France, McDo n’y croit pas et accorde une licence à des conditions plus qu’avantageuses à l’entrepreneur français, qui obtient de surcroît l’exclusivité sur tout le territoire.

    Raymond Dayan est ainsi autorisé à ouvrir jusqu’à 150 restaurants et la licence lui est accordée pour trente ans. Mais surtout, les conditions financières négociées par l’homme d’affaires sont royales : il ne doit reverser que 1,5 % de son chiffre d’affaires à la maison mère contre près de 20 % aujourd’hui pour un franchisé McDo lambda.

     

    « Je suis vraiment l’incarnation du rêve américain, le seul pays au monde où un émigrant qui a l’esprit d’entreprise et qui a une nouvelle idée, peut venir, y concrétiser son projet et réussir. La France, c’est le pays de l’excellence culinaire. Et venir y importer un concept tel que le hamburger, McDonald’s n’y croyait évidemment pas. Manger avec les doigts, souvent debout, les Américains pensaient que les Français ne s’y mettraient jamais… » (Raymond Dayan en 1984)

     

    Le premier McDo ouvre donc, non pas à Strasbourg en 1979, mais à Créteil, en région parisienne, le 30 juin 1972. Un fast food qui existe d’ailleurs encore aujourd’hui… Les débuts sont cependant quelque peu laborieux. Si les curieux se pressent à Créteil pour voir ce nouveau concept qui cartonne aux Etats-Unis, la mayonnaise ne prend pas immédiatement.

    Raymond Dayan a beau ouvrir un second McDonald’s sur les Champs-Elysées à Paris en 1973, il faudra attendre trois ans pour que ses restaurants cessent de perdre de l’argent. Mais à la fin des années 70, l’homme d’affaires est le roi du hamburger. Il est à la tête de quatorze restaurants qui servent 6 millions de repas par an et réalisent 60 millions de francs de chiffre d’affaires (près de 33 millions d’euros actuels en prenant en compte l’érosion monétaire).

     

    « En 1972, après avoir ouvert le premier McDonald’s à Créteil, j’ai du trouver très rapidement des gens qui sachent faire des hamburgers pour mes autres restaurants. Comme j’étais le premier à lancer le concept, j’ai du former le personnel…  » (Raymond Dayan en 1972)

     

    McDonald’s réalise alors son erreur et propose dans un premier temps à Raymond Dayan de racheter ses restaurants. Celui-ci refuse et la marque américain contre-attaque en invoquant le non-respect de ses règles d’hygiène. S’ensuit une terrible bataille juridique remportée finalement par le géant américain en 1982. Si l’entrepreneur français gagne le procès en première instance, il perd finalement en appel et doit rebaptiser ses 14 restaurants O’Kitch. La marque sera rachetée ensuite par le belge Quick, qui veut se faire une place au soleil sur le marché français.

    Aujourd’hui la filiale française de McDonald’s est l’une de plus florissantes du groupe. Près de 1500 restaurants, 69.000 salariés et 1,8 million de repas servis par jour. Elle se paie même le luxe de posséder le McDo qui réalise le plus gros chiffre d’affaires du monde, celui des Champs-Elysées à Paris, l’artère sur laquelle Raymond Dayan avait ouvert son deuxième restaurant en 1973. Manger avec les doigts, parfois debout, les Français s’y sont finalement mis…

     

     

     

  • Le film « Les Bronzés font du ski » fête ses quarante ans

     

     

    Vendredi 22 novembre 2019, le film culte « Les Bronzés font du Ski » de Patrice Leconte fêtait ses quarante ans. Un coffret vient de sortir afin de célébrer comme il se doit cet anniversaire. L’occasion de replonger avec délectation dans l’ambiance de ces bonnes vieilles vacances de ski à l’ancienne…

     

    Le 21 novembre 1979, le film « Les Bronzés font du Ski » de Patrice Leconte débarquait donc sur grand écran. Des bronzés au style caractéristique et à l’esprit moqueur qui imposaient des dialogues rentrés depuis quarante ans dans l’inconscient collectif. Inoubliable aussi : la musique signée Pierre Bachelet, qui nous transporte instantanément sur les pentes de Val d’Isère, là précisément où a été tourné le film. Une station pas loin d’être devenue un lieu de pèlerinage…

    Après « Les Bronzés », sorti exactement un an plus tôt, le 22 novembre 1978, qui avait fait 2,3 millions d’entrées, un bon résultat mais pas un record pour l’époque, c’est le producteur Yves Rousset-Rouard, oncle de Christian Clavier, qui persuade la troupe du Splendid et le réalisateur Patrice Leconte d’ajouter un deuxième volet à la série, qu’un troisième épisode viendra compléter en 2006.

     

    [youtube id= »xgQH75teJGk » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    A sa sortie, « Les Bronzés font du Ski » marche, mais sans déchaîner les foules, faisant moins d’entrées que le premier volet (1,6 million). Le film s’impose cependant au fil du temps et de ses nombreuses rediffusions à la télévision, « 17 à ce jour », précise Patrice Leconte, comme l’un des incontournables de la comédie française, « propulsant avec un petit turbo », ajoute-t-il, sa carrière ainsi que celle de ses acteurs.

     

    « C’est aussi un film qui ne vieillit pas », souligne Patrice Leconte, estimant que « des films du Splendid, c’est sans doute le plus familial ».

     

     

    Le réalisateur se souvient aussi d’un tournage parfois un peu compliqué. Notamment la fameuse scène de la dégustation de la liqueur de crapaud. « Ça nous faisait rire, c’est aussi bête que ça. Cette espèce d’étincelle dans l’oeil me plaît énormément. Et c’est vrai que lorsqu’on regarde la scène chez les Savoyards qui les recueillent, on sent qu’ils ne sont pas loin d’éclater de rire ». Et voilà comment « Les Bronzés » ont révolutionné la comédie à la Française.

     

    « La troupe du Splendid vient du café-théâtre ; le café-théâtre a rebattu les cartes et vraiment modifié la donne du spectacle vivant en France. C’était une nouvelle génération qui était beaucoup plus libre, mais surtout plus proche du public et des thématiques propres à la jeunesse de ces années 70. » (Alexandre Raveleau, Auteur de « Les Bronzés, la véritable histoire » paru aux Ed. Hors Collection)

     

    Et dire que la troupe du Splendid ne voulait pas à l’origine tourner cette suite au premier volet, « Les Bronzés », sorti un an plus tôt. Mais quarante ans plus tard, chaque passage télé des « Les Bronzés font du Ski » continue à faire tomber les records d’audience les uns après les autres.

     

     

    « Sur un malentendu »

    « Ecoute Bernard, je crois que toi et moi on a un peu le même problème, c’est-à-dire qu’on ne peut pas vraiment tout miser sur notre physique, surtout toi. Alors si je peux me permettre de te donner un conseil, c’est : oublie que tu n’as aucune chance, vas-y, fonce ! On sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher. » (Michel Blanc, dans le rôle de Jean-Claude Dusse, à Gérard Jugnot, dans celui de Bernard)

     

    [youtube id= »6KZo-xKxuLY » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Vous avez de la pâte ? Vous avez du suc ? » 

    « Vous avez de la pâte ? Vous avez du suc’ ? Alors, avec la pâte vous faites une crêpe, et puis vous mettez du suc’ dessus ! » (Bruno Moynot dans le rôle de Gilbert Seldman, à Marie-Anne Chazel alias Gigi, qui travaille dans une crêperie)

     

    [youtube id= »0-BrALG2lfU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Quand te reverrais-je… »

    « Quand te reverrai-je, pays merveilleux, où ceux qui s’aiment, vivent à deux… » (Jean-Claude Dusse chantant sur un télésiège où il est bloqué pour la nuit)

     

    [youtube id= »Uz9_Vsq8EkQ » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Excusez-moi, mais vous êtes en train d’uriner sur ma voiture. » 

    (Bruno Moynot, jouant Gilbert Seldman, à Gérard Jugnot, dans le rôle de Bernard)

     

    [youtube id= »WDvOXLHwwwE » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « L’année prochaine, je skie au mois de juillet » 

    « Moi j’ai acheté cet appartement du 15 au 30, si tout le monde dépasse d’une demi-journée, qu’est-ce qu’il se passe ? L’année prochaine, je skie au mois de juillet. » (Bernard au locataire précédent de son appartement)

     

    [youtube id= »PDwZ7s52XAs » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Copain comme cochon » 

    « Copain, c’est son nom. On l’a appelé comme ça, Copain comme cochon... »  « Mais bouffez-le, votre cochon ! » (Jérôme, médecin généraliste joué par Christian Clavier, et un couple qui lui amène un cochon à soigner)

     

    [youtube id= »TmaP4UNulqs » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Le planter de bâton » 

    « Monsieur Dusse, ce qui ne va pas, c’est le planter du bâton. »  « Je vais te le planter, le bâton, moi ! » (Le moniteur de ski et Jean-Claude Dusse)

     

    [youtube id= »10suK1hy3XA » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Je sais pas ce qui me retient de te casser la gueule ! La trouille, non ? Ouais, ça doit être ça… » 

    (Michel Blanc et Thierry Lhermitte, alias Popeye)

     

    [youtube id= »_7xhiinSX4Q » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Conclure » 

    « Ça veut dire qu’éventuellement, si vous étiez au bout du rouleau, on pourrait envisager de conclure ? » (Jean-Claude Dusse à Nathalie – Josiane Balasko – et Gigi, quand ils attendent les secours dans la montagne)

     

    [youtube id= »NyjRVmrL7IY » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Je suis végétarien ! » 

    « C’est quoi les petits trucs blancs dedans ? »  « Ça, c’est les vers. Ben oui, comme ça, il y a de la viande aussi. »  « Je suis végétarien ! » (Jean-Claude Dusse et les montagnards qui leur font goûter une spécialité locale, la fougne)

     

    [youtube id= »9nqlF1Ak8wQ » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 12 : Asteroids

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    En France, les premiers jeux vidéo font leur apparition dans les années 70 et vont connaître un engouement immédiat, qui ne se démentira plus. Le jeu Pong sur Atari VCS (Video Computer System) fait une entrée fracassante au coeur des foyers français, tandis que les premiers jeux d’arcade viennent supplanter les bons vieux flippers dans les cafés. La Révolution est en marche et ne pourra plus être stoppée.

     

    L’idée de créer le premier jeu vidéo remonte en fait à 1951. Ralph Baer, un ingénieur américain, future icône des gamers, se voit confier la mission de concevoir le meilleur téléviseur au monde par la société qui l’emploie, le fabricant de postes de télévision Loral Electronics. Rien que ça… Il pense y intégrer un module de jeu, mais l’idée ne sera pas retenue. A noter aussi que cette année 1951 voit la naissance de la société Sega au Japon, en pleine guerre de Corée, dont l’activité principale est l’importation et la maintenance de juke-boxes, à destination des bases militaires américaines présentes sur le territoire japonais durant le conflit.

     

     

     

    Le tout premier jeu vidéo de l’histoire sera finalement créé un an plus tard, en 1952, par un Anglais, A.S. Douglas, un chercheur de l’Université de Cambridge qui tente d’illustrer sa thèse sur l’interaction entre l’homme et l’ordinateur. Il s’agit d’un jeu de réflexion prénommé « OXO », dans lequel l’humain joue contre l’ordinateur. La règle semble simple mais constitue néanmoins une gageure technologique majeure : le gagnant est le premier des deux joueurs qui réussira à créer un alignement de points.

    OXO, considéré comme le premier jeu vidéo de l’histoire, même si ce fait est contesté par certains historiens du jeu vidéo, n’est en fait que la transposition à l’écran d’un  jeu vieux comme le monde : le Morpion. Mais OXO n’aura aucun succès… Et pour cause, l’ordinateur sur lequel il a été conçu, l’EDSAC, ou Electronic Delay Storage Automatic Calculator, à savoir le tout premier ordinateur primitif à tubes à vide électronique, n’existe qu’à l’université de Cambridge…

     

     

     

    En 1958, Willy Higinbotham, un physicien du Brookhaven National Laboratory (centre de recherche nucléaire gouvernemental) crée le premier jeu vidéo multi-joueurs de l’histoire, sur un ordinateur analogique couplé à un oscilloscope : un jeu de tennis dénommé « Tennis For Two ». A l’origine, l’ordinateur servait en fait à calculer les trajectoires des missiles nucléaires ! Le court est une simple ligne horizontale sur laquelle un point rebondit.

    Il ne déposera aucun brevet pour cette première console de jeu car il n’y croyait pas… C’était pour lui un simple amusement conçu dans le but d’amuser les physiciens pendant les pauses café ! Le jeu vidéo multi-joueurs est donc né grâce à la guerre froide !

     

     

     

    [youtube id= »xTPVqLnIiaY » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    En mai 1962, trois étudiants au MIT, S. Russel, J.M. Graetz et W. Wiitanen, créent « SpaceWar! », le premier vrai jeu sur ordinateur (un PDP-1 conçu par la firme informatique américaine DEC, pour Digital Equipment Corporation, dont 50 exemplaires furent construits entre 1959 et 1970). Le jeu sera fourni avec chaque ordinateur vendu, au prix unitaire de 120.000 dollars de l’époque (par comparaison, la Cadillac Eldorado Biarritz était vendue 7 286 $ en 1959). « SpaceWar! » est un shoot ’em up multidirectionnel en deux dimensions qui met en scène deux vaisseaux dans un combat spatial, et qui doivent échapper à l’attraction d’une planète. Un étudiant qui deviendra célèbre dix ans plus tard y fera ses premières armes : Nolan Bushnell, le futur concepteur du mythique « Pong ».

     

     

     

    En 1967, Ralph Baer réalise enfin son rêve, à savoir d’offrir un nouveau rôle au poste de télévision, en créant les premiers jeux jouables sur une télé : un jeu de tennis et un jeu de voitures. Baer est ainsi le véritable inventeur de la console de jeu, dont il dépose le brevet en 1968. Le premier jeu vidéo sur télé est né : « Chase Game », dans lequel un joueur pourchasse l’autre, qui disparaît lors d’une collision (un peu dans le même genre que Pac-Man). Amusée par le jeu, la direction ne s’oppose pas au projet et demande à l’équipe d’améliorer le prototype.

     

    Game Chassis, TV Game Unit (1967)

     

    Game Chassis, TV Game Unit (1967)

     

     

    En 1971, Galaxy Game, la toute première borne d’arcade, est conçue à l’université de Stanford mais ne sera pas diffusée à grande échelle. Deux mois après Galaxy Game, Nolan Bushnell conçoit une machine au look futuriste : le Computer Space, un remake de « SpaceWar! » (dont il était fan) dans un boîtier très design et moderne ; c’est la vraie naissance des bornes d’arcade pour le grand public.

     

     

     

    En 1972, l’Odyssey est conçue par l’icône des gamers, Ralph Baer, et commercialisée par Magnavox. La toute première console de salon est née ! L’Odyssey utilisait un système de calque que l’on déposait sur l’écran du téléviseur. Le grand public est cependant resté assez hermétique au concept… La console est encore considérée comme une extension de la télé et non comme un véritable appareil dédié au jeu, et beaucoup pensent à tort qu’elle fonctionne uniquement sur les téléviseurs de marque Magnavox…

    Finalement, contre toute attente, le fait de pouvoir désormais jouer sur une télévision est un concept tellement inédit et révolutionnaire en ce début des années 70 qu’il nécessitera un certain temps d’adaptation pour que le public l’intègre pleinement.

     

     

     

    Cette même année 1972 voit la naissance d’un futur géant du jeu vidéo, Atari. Atari est à l’origine une entreprise américaine fondée par Nolan Bushnell et Ted Dabney, considérée comme pionnière et fondatrice de l’industrie du jeu vidéo, devenue française en 2003 suite à son rachat par Infogrames. Elle se spécialise d’abord dans le développement des jeux vidéo mais se diversifie rapidement dans la fabrication de bornes d’arcade, de consoles de jeux ou d’ordinateurs personnels.

    Les deux compères avaient initialement choisi le nom de « Syzygy » mais comme celui-ci était déjà déposé, ils se sont alors rabattus sur Atari, un terme japonais issu du jeu de Go.

     

     

     

    Il aura donc fallu attendre 20 ans, et l’arrivée des ordinateurs à la maison, pour que le jeu vidéo prenne son envol. C’est « Pong », créé en 1972 par Nolan Bushnell, le PDG de la firme américaine Atari, qui marquera l’entrée en force du jeu vidéo dans le quotidien des gens et qui sera le tout premier jeu vidéo à connaître un succès planétaire. Le principe de Pong, c’est le tennis, tout simplement… La balle est lancée à partir du milieu de l’écran, dans une direction aléatoire, et les joueurs doivent se la renvoyer. Et Pong va faire un véritable carton…

    Avec « Pong », Bushnell veut lancer un jeu simple et facile à comprendre (contrairement à Computer Space). Il sortira dans la foulée la borne d’arcade Pong, programmée par le génial Al Alcorn. Environ 10.000 bornes furent commandées, début du succès-story pour Atari !

     

     

     

     

    En 1973, c’est la création de Konani, une société japonaise de développement et d’édition de jeux vidéo, l’une des plus importantes et célèbres du secteur. En 1974, Nintendo sort un jeu d’arcade basé sur un pistolet optique : « Wild Gunman ». À ses débuts, en 1889, la société produisait des cartes à jouer japonaises : les Hanafuda. C’est à partir des années 1970 que Nintendo a diversifié ses activités en concevant des jouets et des bornes d’arcade. Elle a été l’une des principales sociétés précurseurs du jeu vidéo. En 1975, Taïto sort « Gunfight », le premier jeu à utiliser un vrai microprocesseur plutôt que des transistors.

     

     

     

    En 1976, La marque Coleco (Connecticut Leather Company) lance la Telstar, première console Pong utilisant des circuits intégrés (circuits analogiques auparavant), vendue 50$. On dénombrera neuf modèles différents et Coleco rencontrera un vif succès.

     

     

     

    La même année, Fairchild Camera & Instruments lance son « Video Entertainment System », renommé « Channel F », la première console à utiliser des cartouches et à disposer d’un microprocesseur. Du côté de chez Steve Jobs & Steve Wosniak, futurs fondateurs d’Apple et employés à l’époque chez Atari, ils mettent au point « Breakout », sur une idée de Nolan Bushnell ; un jeu révolutionnaire de nouvelle génération, un casse-brique, qui sera conçu et réalisé en seulement cinq jours.

     

     

     

    En 1977, Atari sort sa console Pong pour les foyers à 99$, l’Atari Pong C100, et passe à la vitesse supérieure en présentant dans la foulée une console de jeux ultra-puissante : l’Atari Video Computer System (VCS), renommée ensuite Atari 2600. A l’origine du projet, son petit nom de code était « Stella »… Elle sera lancée en décembre au prix de 199$, avec deux manettes et un jeu fournis. L’Atari 2600, c’est LA console mythique de l’histoire du jeu vidéo !

     

     

     

    Toujours en 1977, Nintendo embauche Shigeru Miyamoto et sort sa première console de jeu « Pong », conçue en collaboration avec Mitsubishi Electronic : la Color TV Game 6. Alors, Miyamoto, ce sera accessoirement le co-créateur des franchises Super Mario, Donkey Kong, The Legend of Zelda, Star Fox, F-Zero et Pikmin pour le compte de Nintendo. Certains des jeux de ces séries sont considérés comme les meilleurs de leur génération, comme Super Mario Bros., Super Mario 64 ou The Legend of Zelda: Ocarina of Time. Un bon petit gars plein d’avenir…

     

     

     

    1978, année majeure dans l’histoire du jeu vidéo… Taito Corporation sort « Space Invaders ». le jeu connaît d’abord un succès-monstre au Japon, avant de devenir le tout premier « Blockbuster » de l’histoire du jeu vidéo. C’est aussi le 1er jeu d’arcade qui sauvegarde le meilleur score. A partir de « Space Invaders », rien ne sera plus jamais comme avant…

    De son côté, Magnavox lance l’Odyssey 2 aux USA, pour tenter de concurrencer l’Atari 2600. L’Odyssey 2 possède un clavier permettant de rentrer son nom dans les jeux, ou même de taper de petits programmes basiques, sans pouvoir néanmoins les sauvegarder…

     

     

     

    1979… Je vous parle d’un temps que les moins de… de 50 ans ne peuvent pas connaître… Mais pour les autres, et plus particulièrement ceux nés entre 1960 et 1969, cette année 1979, c’est la double-peine. Tandis que les bornes d’arcade commencent à fleurir un peu partout en France, précipitant la disparition programmée des flippers et divers autres jeux mécaniques de cafés, Atari nous assénait un deuxième coup sur la tête, en sortant « Asteroids », en réponse au « Space Invaders » de Taito.

    « Asteroids » sort donc en novembre 1979. Le succès est absolument phénoménal, au point qu’il demeure le jeu d’arcade le plus vendu de l’histoire d’Atari, avec environ 70.000 unités produites. La demande fut si importante qu’Atari arrêta la fabrication de « Lunar Lander », le premier jeu vectoriel de la firme, sorti seulement trois mois plus tôt, pour augmenter la capacité de productions des bornes « Asteroids ». Deux cent unités « Asteroids » restèrent ainsi habillées d’un meuble « Lunar Lander »… Sega a par la suite exploité le jeu dans les salles d’arcade japonaises.

    Le 17 juin 1980, « Asteroids » et « Lunar Lander » sont les deux premiers jeux vidéo à être enregistrés au United States Copyright Office. « Asteroids » a ensuite été adapté successivement sur Atari 2600, Atari 7800, Atari 8-bit (1981), Atari 5200 (prototype seulement) et Game Boy (1991). Il est depuis régulièrement réédité sur des supports de nouvelles générations, notamment à travers des compilations comme « Atari Anniversary » et « Atari Anthology ».

     

     

     

    Depuis « Pong » sorti en 1972, le jeu vidéo n’a eu de cesse que d’évoluer. Après Super Mario Bros, le tout premier héros de jeu vidéo né en 1985, les premières consoles de jeu apparues au milieu des années 80, de Game Boy à Playstation, en passant par XBox, vont bouleverser l’univers du jeu vidéo. Au point qu’aujourd’hui, on peut vivre des histoires complètement dingues en ne bougeant pas de son canapé, dans une réalité complètement reconstituée.

    Et mieux encore, partager ces aventures et des émotions avec une infinité d’autres joueurs partout sur la planète, grâce au jeu vidéo en réseau. Aujourd’hui, un Français sur deux pratique un jeu vidéo de façon régulière. Autant d’hommes que de femmes, d’ailleurs… La moyenne d’âge des joueurs qui était de 21 ans en 1999 est aujourd’hui de 35 ans. Petits et grands, finalement, même combat…

    Et cerise sur le gâteau, un succès mondial qui permet à la France de pousser un grand cocorico, puisque selon le rapport annuel du Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs, la France est le deuxième plus important créateur de jeux au monde, après les Etats-Unis.

    Mais ça, c’est une autre histoire…

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 11 : Breakfast In America

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Le morceau « Breakfast in America » du groupe anglais Supertramp a donné son nom à un album mythique, sorti il y a 40 ans, le 29 mars 1979. Retour sur un succès international et une pochette controversée.

     

    Ce sixième opus de Supertramp est également l’album qui fera entrer le groupe anglais, formé dix ans plus tôt, dans la légende. « Breakfast in America » s’est en effet vendu depuis sa sortie en 1979 à plus de 20 millions d’exemplaires et a reçu deux Emmy Awards. C’est d’autre part le 4ème album le plus vendu en France de tous les temps, après ceux de Céline Dion, Francis Cabrel et Michael Jackson.

    En 1979, le disco a investi toutes les pistes de danse de la planète, mais Supertramp va venir jouer les trouble-fêtes avec son album « Breakfast in America », qui se hisse au sommet des charts et s’y maintiendra durant plusieurs semaines, aux Etats-Unis, en France ou encore en Allemagne. Dans d’autres pays, on lui a préféré cette année-là le disco de « Y.M.C.A. ». Etrange, d’autant que de Village People, nous n’aurons finalement vraiment retenu que ce titre. Alors que « Breakfast in America », hormis le titre éponyme, c’est aussi « The Logical Song », « Goodbye Stranger », « Take the Long Way Home » ; que des tubes…

     

    « Au moment où on enregistrait cet album, je savais qu’on tenait là une série de très bonnes chansons. C’était une époque où j’avais le sentiment qu’il n’était pas utile de refaire un album concept comme « Crime of the Century ». Il fallait que ce soient des chansons qu’on aurait plaisir à jouer, avec de bonnes mélodies et une belle énergie. » (Roger Hodgson)

     

    En mars 1979, donc, le titre « The Logical Song » est le premier single extrait de l’album, et il devient dès sa sortie un succès planétaire. Paul McCartney en fait d’ailleurs sa chanson préférée de l’année 1979. A noter qu’en Angleterre, « The Logical Song » devient le titre le plus étudié à l’école. Autre extrait incontournable de l’album, le morceau « Breakfast In America » que Roger Hodgson compose en Californie, où le Britannique réside depuis déjà six ans.

     

    [youtube id= »qYQABJXHfpE » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Alors, il y a pas mal de moments dans l’album « Breakfast in America » où le groupe joue fort. C’est aussi une époque où on se sentait bien, on était heureux d’habiter en Californie, et je crois que ce disque recèle l’esprit de la Californie, bien plus que tous les autres albums de Supertramp. » (Roger Hodgson)

     

    Et pour la petite histoire, Supertramp comme « Breakfast in America » ont bien failli ne jamais exister… Retour en 1969, Roger Hodgson monte un groupe. Son nom : Argosy. A ses côtés pour ce projet, un certain Reginald Kenneth Dwight. Les deux compères enregistrent leur premier single, « Mr Boyd / Imagine » qui sera un échec commercial. Suite à cette déconvenue, Hodgson participe à l’audition « Genuine Opportunity », organisée par Rick Davies.

     

    [youtube id= »BQTbcqvsERM » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Rick Davies, fasciné par la voix d’Hodgson le choisit finalement. La première version de Supertramp est alors composée de Rick Davies, du chanteur guitariste, bassiste et pianiste Roger Hodgson, ainsi que de Richard Palmer (guitare, balalaïka, chant), un passionné de The Band et de Traffic, qui plus tard deviendra parolier pour King Crimson, et de Robert Bob Millar (batterie, percussions et harmonica). À cette époque, d’ailleurs, on ne peut pas dire que l’entente entre les membres du groupe soit des plus parfaites…

    Le groupe va brièvement se choisir le nom de Daddy pendant quelques mois, avant de devenir, sur les conseils de Richard Palmer, Supertramp, d’après le titre d’un roman écrit par William Henry Daviesen en 1908, intitulé « The Autobiography of a Super-Tramp » (« L’Autobiographie d’un super-vagabond »).

    Quant à Reginald Kenneth Dwight, il se fera connaître sous le nom d’Elton John, devenu l’icône pop absolue et le performer de tous les records, avec ses 50 ans de carrière au compteur et plus de 300 millions d’albums vendus.

     

    Une pochette aussi mythique que controversée

    Quant à la pochette de « Breakfast in America », elle est devenue tout aussi mythique, et elle a d’ailleurs fait perdre la tête à quelques-uns. En effet, elle montre une vue de Manhattan prise depuis un avion. Au premier plan, la comédienne Kate Murtagh en serveuse, qui prend la pose de la Statue de la Liberté. Or, des adeptes des théories du complot ont eu l’idée de placer un miroir face à la pochette : les lettres « UP » de Supertramp qui dominent les tours jumelles sont alors devenues respectivement 9 et 11. Ils ont ensuite pris une loupe et repéré un avion dessiné sur le menu que tient la serveuse. Serveuse dont le jus d’orange posé sur le plateau semble enflammer les tours…

     

     

     

    Ajoutez à cela que les événements de ce terrible 9/11 ont eu lieu à l’heure du breakfast. Et que « Breakfast in America » est sorti 22 ans avant… Il n’en faut pas plus pour que plusieurs théories conspirationnistes ne naissent pour expliquer le 11 septembre : l’une d’entre elles vise les francs-maçons qui auraient planifié de longue date ce vol à destination des Twin Towers. Or, le milliardaire qui a soutenu financièrement le groupe lors de sa formation a été vu avec un pendentif maçonnique. « Je pense que c’est un amas d’idioties, d’âneries ! C’est dingue ce que les gens peuvent penser ou faire », rétorque sentencieusement le musicien John Helliwell.

    Une explication pour le moins extravagante, mais qui a l’intérêt de nous rappeler la devise du théoricien du complot : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Et c’est comme ça qu’il se retrouve à détailler une pochette de disque avec un miroir et une loupe…

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 09 : Les Radios Libres

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Mai 1981, les radios libres s’emparent des ondes. Presque quarante ans plus tard, il faut bien admettre que le concept de la bande FM est bien éloigné des premiers idéaux qui ont amené à sa libéralisation à l’époque. Retour sur ces années…

     

    Jusqu’en 1981, sept radios seulement émettent en France : trois de service public (France Culture, France Musique et France Inter) et quatre radios périphériques (Europe 1, RMC, RTL, Sud Radio) qui se partagent le territoire. Valéry Giscard d’Estaing veille instamment au respect de ce monopole, et tout piratage est sévèrement puni…

    Antoine Lefébure fut l’un des premiers à s’intéresser à la liberté des ondes en France. Il avait commencé à se pencher sur le sujet dès la fin des années 60, à l’époque des radios pirates, comme Radio Caroline ou Radio London, qui émettaient vers l’Angleterre à partir de bateaux amarrés en dehors des eaux territoriales. Après quelques premières expériences assez confidentielles, comme à la Fac de Jussieu, il fonda en 1974 avec Philippe Lorrain la revue « Interférences » consacrée à ces sujets.

    En 1977, il reçoit l’aide du magazine Actuel et grâce à une alliance pirates / écolos, il crée Radio Verte, dont la première émission historique date du 13 mai, diffusée avec l’aide de Brice Lalonde depuis le domicile de Jean-Edern Hallier (décidément dans tous les coups !). La voie était ouverte !

     

     

     

    L’idée de créer une radio libre trotte en fait dans la tête d’Antoine Lefébure depuis le début des années 70. Après une tentative avortée en 1975, le grand jour arrive à l’occasion des élections municipales de 1977.

    Le dimanche 20 mars 1977, Brice Lalonde annonce en direct sur le plateau d’Antenne 2 la naissance de Radio Verte. En réalité, ce qu’il fait entendre sur un transistor n’est qu’une émission factice, préenregistrée et diffusée à l’aide d’un émetteur FM compact dans un rayon de quelques mètres par son complice, Antoine Lefébure, présent en coulisses. Cette anecdote, maintes fois racontée, a surtout contribué à faire connaître auprès du grand public l’existence des radios libres et à encourager leur essor.

    La véritable première émission sera diffusée le 13 mai 1977, depuis l’appartement de Jean-Edern Hallier sur la fréquence 92 MHz, à l’aide un émetteur de 50 W bricolé par Sylvain Anichini et Jean-Luc Sendowski. Pour cette émission, Radio Verte devait d’abord émettre depuis les locaux du Nouvel Observateur, mais son directeur Claude Pedriel n’était pas favorable à cette idée. L’émission fut donc enregistrée et réalisée par Andrew Orr et Jean-Marc Fombonne dans les studios de France Culture, et sera ensuite diffusée intégralement et sans brouillage.

    Radio Verte émet ensuite de nouveau les 16 et 17 mai, puis le 18 juin 1977, subissant le brouillage implacable de TDF. Elle reprend ensuite l’antenne depuis les locaux du Matin de Paris du 12 au 14 juillet 1977, en direct cette fois-ci. Les dernières émissions seront diffusées quasiment sans discontinuer tous les jours du 7 décembre 1977 à la mi-mars 1978. Mais après les élections législatives de mars 1978, la radio devient muette. Elle ne réapparaitra qu’entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1981.

    Radio Verte sera ensuite autorisée en partage de fréquence avec NRJ ; mais elle n’émettait déjà plus depuis longtemps. Une partie des membres de Radio Verte rejoindra plus tard Radio Nova.

     

    [youtube id= »7EWLwQmKMpU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Un autre de ces pionniers des premières radios libres fut Patrick Van Troeyen, influencé par Michel Lancelot et son émission « Campus » sur Europe 1 en 1969, un des rares espaces de liberté radiophoniques à l’époque. Il participa en 73 à la Fac de Jussieu à Radio Entonnoir (le surnom de Michel Debré, ministre de De Gaulle puis de Pompidou), avant de créer Radio Nid de Coucou en 1978 (toujours les asiles…).

    Radio Ivre, « La Radio-Pirate des Parisiens », une station locale parisienne d’expression, créée le 19 novembre 1978 par Jean-Marc Keller, Stéphane Billot et Patrick Leygonie, émet depuis une chambre de bonne située dans le 16ème. Elle existait déjà sous une première version et diffusait du reggae depuis Colombes, puis Courbevoie… Les trois compères sont vite rejoints par Jean-François Aubac, créateur de Radio Noctiluque, et Patrick Van Troeyen, créateur de Radio Nid de Coucou, deux autres pionniers de la diffusion FM pirate sur Paris.

     

    « Nous étions tous trois assis dans mon salon du 37 avenue Gambetta Paris 20ème, à l’automne 1978 : Patrick VanTroeyen, Claude Monnet, qui créera ensuite Oblique FM, et moi-même. s’ensuivirent 18 mois de cache-cache avec TDF (brouillages), les RG, etc… avant que nous rencontrions Patrick Leygonie et Jean-Marc Keller qui avaient lancé depuis peu une station exclusivement reggae appelée Radio Ivre, émettant depuis une chambre de bonne dans le 16ème. Je sais qu’Annick Cojean a pensé que ces 18 mois étaient anecdotiques, mais ils étaient le plus clair du temps passés à réellement faire de la radio pirate. » (Jean-François Aubac)

     

    En septembre 1979, Ivre, Coucou et Noctiluque fusionnent alors dans une association (ADRI), pour donner naissance à la nouvelle « Radio Ivre », qui émettra jusqu’au 10 mai 1981, dans un premier temps uniquement les nuits du vendredi et samedi. L’objectif était de « créer le média par le média », sans recours à la presse écrite comme les mouvements de radios libres politiques.

    L’équipe de Radio Ivre s’installe progressivement dans des émissions en continu, tandis que le studio change constamment d’endroit, pour des raisons évidentes de sécurité, parmi lesquels la Tour Eve, la tour de la CLT sur le front de Seine, l’immeuble au dessus de Montparnasse, le duplex chez Brigitte Rouan au Panthéon, avenue Gambetta, chez le fils Bécaud à la Défense, au Palace, l’appartement de la rue d’Hauteville (n°70 ?) chez Alain Blanc, autrement nommé « Bretzel Liquide » ou « Bretzel Gazeux », chez Alain Corrieras, 26 rue du Plateau, aux Buttes Chaumont (la radio n’avait jamais été aussi bien « captée »), chez José Gerson, le sculpteur de la place Léon Blum, chez Doumé, dans une ancienne usine rue de Palikao dans le 20ème, au Théâtre Noir dans le 12ème, et pour finir place du Tertre, après l’épisode de « Radio Liberté ». Patrick Van Troeyen en sera le leader et porte parole.

     

     

     

     

    Née avant l’abolition du monopole d’Etat de radiodiffusion, Radio Ivre est la première radio pirate parisienne à disposer de vrais programmes et d’un émetteur de qualité. Elle émet sur 98 MHz puis sur 88.8 MHz. Après 1981, Ivre se porte candidate à l’attribution d’une fréquence légale, qu’elle obtiendra en 1982 par l’intermédiaire du mariage avec le projet Radio Nova. le 14 juillet 1982, l’équipe de Radio Ivre célèbre ainsi la fin de sa diffusion pirate, en organisant un grand bal populaire place du Tertre.

    Elle revient sur les ondes en septembre 1982 sous le nom de Nova Ivre, pour devenir Radio Nova en 1983. Avec cette fusion, Radio Ivre perdit son âme dans une union contre nature entre l’une des radios les plus spontanées de l’histoire et une autre, à l’époque plus « expérimentale » et « robotisée », sous l’influence d’anciens de France-Culture (J.M. Fonbonne, Pierre Lattes, Andrew Orr), et où il était même mal vu de faire du direct ; c’était trop « commun »… Par la suite, la tendance s’inversa, et Nova devint la station de la « Sono Mondiale ». Il ne restait malheureusement déjà plus grand monde de l’équipe originelle de Radio Ivre. Mais ça, c’est une autre histoire…

     

     

     

    « A l’époque, je participais très activement à cette épopée en créant le 1er avril 1978 Radio Noctiluque. Nous étions nombreux à attendre de Giscard D’Estaing le droit d’émettre, mais le premier juillet de la même année, l’assemblée nationale en décida autrement. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Patrick VanTroeyen et que nous avons décidé de fusionner nos « stations » et de continuer d’émettre alors que tous les autres s’arrêtaient. C’est ce que nous avons fait jusqu’en 1980 sous le nom de « Noctiluque-Nid de Coucou ». Pas facile à mémoriser, non ? » (Jean-François Aubac)

     

     

     

    Nous continuons à évoquer cette période bénie des radios libres avec Ici & Maintenant, et son site internet resté bien dans son jus. A visiter, c’est du roots ! Fondée en 1980 par Didier de Plaige, Gérard Lemaire et Guy Skornik, cette radio a depuis sa naissance joué la carte de l’interactivité : libre antenne aux auditeurs, qui pouvaient aussi composer des programmes et les diffuser par le réseau téléphonique.

     

    « A la suite de quelques discussions téléphoniques avec Skornik et Deplaige en 80, j’ai aidé à la première installation d’un studio stable pour la radio chez Guy (près du Trocadéro), en fournissant platine et table de mixage, lesquelles seront confisquées plus tard par les flics lors de leur descente sur I&M. Descente diffusée d’ailleurs pour partie en direct à l’antenne… » (Xavier « Gideon » Gentet)

     

    A signaler aussi qu’une solution originale avait été trouvée pour diffuser les programmes : ce n’étaient pas le studio et l’émetteur qui bougeaient ensemble de lieu en lieu dans Paris, comme pour Radio Ivre, mais l’émetteur seul qui voyageait entre cinq ou six hôtes équipés d’antennes, et une simple réception de ligne PTT venant du studio permettait à Ici & Maintenant d’émettre. Il est d’ailleurs arrivé que l’émetteur voyage seul en taxi d’un point à un autre ; c’est ainsi, pour un simple problème d’adresse, qu’il s’est perdu pendant 36 heures dans la nature…

    Un des animateurs historiques de cette radio est Jean-Paul Bourre, un personnage très intéressant et talentueux : il a écrit de nombreux livres, souvent en rapport avec l’ésotérisme, et fait des émissions passionnantes dans lesquelles il raconte ses souvenirs pendant des heures entières. Parmi ses thèmes favoris, les années psychédéliques, mais il parle tout aussi bien de Nietzsche, des débuts du Rock, des Blousons Noirs, de l’histoire de France, de l’Italie ou de l’Atlantide.

    Ici & Maintenant fut interdite par le CSA en 1995, sous prétexte de dérapages trop fréquents lors d’interventions d’auditeurs. Finalement, en 1997, le Conseil d’Etat lui donnait raison contre le CSA et les programmes pouvaient reprendre.

     

    Comment parler des premiers pas de ces radios libres sans évoquer évidemment Carbone 14. Au début des années 80, le monopole d’Etat sur la radiodiffusion explose et des centaines de radios libres investissent la bande FM. Le 14 décembre 1981, la radio Carbone 14 émet pour la première fois sur Paris. Elle va connaître un succès grandissant avant d’être interdite par l’Etat en 1983.

    « Carbone 14, le Film » rend compte de l’ambiance survoltée de cette radio hors-norme qui comptait parmi ses animateurs : Supernana, Jean-Yves Lafesse, David Grossexe, Robert Lehaineux, José Lopez… Radio irrespectueuse, devenue mythique, Carbone 14 était l’une des stations les plus inventives et drôles de sa génération.

    Sélectionné au festival de Cannes en 1983, ce film ovni constitue l’un des rares témoignages en images sur le mouvement des radios libres. Il sort de la clandestinité en 2011, à l’occasion des 30 ans de Carbone 14 et de la libération de la bande FM.

     

    [arve url= »https://vimeo.com/24003687″ align= »center » title= »Carbone 14, le Film » maxwidth= »900″ /]

     

     

    Parmi les autres radios pionnières, on pourrait également citer Radio Tchatch, fondée par Serge Kruger, l’une des premières stations à programmer essentiellement de la musique black, Salsa, Antillaise ou Africaine, Radio Onz’Débrouille 102 MHz fondée par Alain Léger, qui émit sur Paris tous les jours du 15 février 1978 jusqu’à la fin juillet 78, puis depuis la Fac de Vincennes, avec un grand direct lors de l’arrivée de la grande marche des paysans du Larzac, Gilda avec Patrick Fillioud, le fils du ministre, Radio Tomate (Bruno Guattari), Aligre FM, avec Philippe Vannini, Nova, La Voix du Lézard (devenue Skyrock), Carol FM, Oblique, Cité Future (Le Monde), NRJ, RFM, Boulevard du Rock, et bien d’autres…

     

    1979 : le Parti Socialiste se lance dans la bataille des radios libres, alors non autorisées, en lançant le 28 juin « Radio-Riposte », station pirate créée spécialement par le Parti socialiste pour dénoncer la mainmise sur les réseaux d’information par le président Valéry Giscard d’Estaing.

     

    Le 28 juin 1979, donc, sur Radio Riposte, François Mitterrand dénonce dans une allocution préenregistrée la situation scandaleuse de l’information et sa confiscation giscardienne. Le message est brouillé par les forces de l’ordre qui, vers 20 heures, donnent l’assaut au 12 de la cité Malesherbes, à Paris, annexe du siège du PS, d’où est  diffusée l’émission. Laurent Fabius et François Mitterrand seront inculpés pour infraction au monopole.

    Autant dire que le 10 mai 1981, soir de l’élection présidentielle, lorsque apparaît sur les écrans de télévision le visage de François Mitterrand, les ailes des candidats à la libération des ondes poussent à grande vitesse. En quelques heures à peine, dès la nuit venue, des centaines de radios se mettent à émettre dans toute la France. Une semaine plus tard, elles seront trois mille…

     

    Sources : SchooP / Wikipedia

     

     

     

  • Depeche Mode : Le romantique sculpté dans des synthés – Partie 1

     

     

    Première partie : de l’hésitation au sacre

     

    En 1979, le rock connaît des mutations intéressantes, grâce à la musique Punk qui a cassé les codes dès 1977. Plus qu’une évolution musicale, c’est une fragmentation qui s’opère, avec de nouveaux courants et une importance désormais accordée tant aux instruments employés qu’aux moyens mis en œuvre pour exprimer des émotions.

     

    Si le courant Punk ne s’est contenté que des outils déjà existants pour faire valoir ses messages nihilistes, il ouvre néanmoins un nouveau champ des possibles à de nouvelles générations qui n’osaient pas sortir de leurs petites boîtes. Cette émulation qui consiste à dire que désormais tout est possible et que n’importe qui a quelque chose à dire permet paradoxalement de concrétiser pas mal de rêves.

    La musique va se démocratiser… Et il ne sera plus utile d’investir dans une batterie, un ensemble de guitares ou une basse dernier cri. Le synthétiseur permet tout cela et davantage encore. On assiste ainsi à l’explosion des sons électroniques. David Bowie et Brian Eno ont déjà pris les devants dès 1976, avec les albums « Low » et « Heroes », mais cela reste malgré tout encore anecdotique, tant ces nouvelles sonorités électroniques restent diluées parmi les instruments analogiques traditionnels. Kate Bush aussi tend vers cette recherche d’univers et d’ambiances qui deviendront bientôt de nouveaux marqueurs esthétiques. Car la vraie révolution serait justement de ne plus inclure du tout l’instrument à corde dans l’ensemble.

     

    [arve url= »https://vimeo.com/277364935″ align= »center » title= »David Bowie : « Heroes » (Top of The Pops, 1977) » maxwidth= »900″ /]

     

     

    Dans toute cette agitation et parmi les nouvelles formations en devenir, l’impulsion originelle vient de Vince Clarke et Andrew Fletcher, qui souhaitent créer un groupe de musique en appuyant leur créativité sur la base de ces nouvelles possibilités techniques, avec des sons uniquement provenant de machines.

     

    Originaire de la petite ville de Basildon en Angleterre, Vince Clarke, leader naturel du duo, compose toutes les paroles et musiques. En 1978, les deux compères sont rejoints par Martin L. Gore. Dave Gahan, quant à lui, devient le chanteur de la formation qui va se muer sous peu en Depeche Mode, en passant un casting… Sa voix de bronze et son allure de bad boy séduisent les autres membres.

    La marque de fabrique de ce proto-groupe repose d’abord sur les synthétiseurs, avec une pincée de pop et de sexy en fin de cuisson. Car à l’époque, un nouveau courant émerge, dénommé la « SynthPop », dont les premiers représentants « So British » sont Soft Cell et Sparks ; même si Sparks, formé par les frères Mael dès 1968, est originaire des Etats-Unis. Ils se sont d’abord fait connaître sur la scène « Glam Rock » américaine, avant de découvrir les synthés et s’affranchir des diktats du Rock pour embrasser à leur tour la « SynthPop ». Sans oublier évidemment Kraftwerk qui officie en Allemagne depuis 1974.

    Vince Clarke, plus opportuniste que créatif, voudrait arriver à un mix de tout cela, entre pop joyeuse et moderne et un son plus technique et clinique, sans toutefois devoir verser dans le mimétisme flippant de la formation allemande, coincée entre ses machines et les robots dont elle se revendique. Il ne reste plus qu’à trouver un nom au groupe. C’est Dave Gahan qui va le dénicher par hasard sur la couverture d’un magazine de mode qui s’appelle justement… Dépèche Mode. Avec ce nom à consonance française et l’exotisme de sa sonorité, les quatre garçons vont pouvoir commencer à y croire.

     

     

     

    De son côté, Daniel Miller est un obscur guitariste amateur qui cherche depuis longtemps à explorer de nouveaux univers musicaux, mais il a cependant conscience qu’il n’a pas le talent requis pour se lancer seul dans l’expérience. Il va néanmoins parvenir à monter son propre label, Mute Records, et part en quête d’artistes qui prennent le train des nouvelles technologies et qui ont des idées et de l’énergie à revendre.

    Il signe d’abord Fad Gadget puis ensuite Depeche Mode en 1981. Miller découvre les quatre garçons à l’occasion de l’une de leurs nombreuses performances dans un club londonien. Mais c’est en fait Stevo Pearce, le manager du groupe Soft Cell, qui le premier les avait remarqués un an auparavant. Il fera d’ailleurs figurer leur tout premier titre « Photographic » sur une compilation sur laquelle on retrouve également d’autres formations en devenir, à commencer par le fameux groupe de Matt Johnson, The The.

     

    [youtube id= »wkKueyJaA0A » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    En 1981, Depeche Mode sort son tout premier single sur Mute Records, « Dreaming Of Me », qui remporte rapidement un beau succès dans le Top 75 anglais. Le second 45T sorti dans la foulée, « New Life », marche encore mieux. Mais c’est le troisième single, « Just Can’t Get Enough », qui va être élevé au rang de triomphe absolu, aussi bien en Angleterre que partout ailleurs en Europe.

    Fort de ce succès aussi rapide qu’inattendu, l’enregistrement du premier album peut donc être envisagé en toute sérénité. Il s’intitulera « Speak and Spell ». Sorti en 1981, alors que déjà trois singles caracolent dans les charts anglais et étrangers, « Speak and Spell » représente pour Depeche Mode le commencement d’une aventure musicale et surtout artistique incroyable, mais il faut bien reconnaître qu’en écoutant à l’époque cette collection de chansonnettes « Bontempi », il était bien difficile d’imaginer que le groupe allait pouvoir perdurer pendant 40 ans…

     

    [youtube id= »_6FBfAQ-NDE » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Depeche Mode, qui porte alors surtout la griffe de Vince Clarke, l’initiateur du groupe, ne reflète en effet en rien ce que deviendra, ce que sera ensuite, le son et l’univers Depeche Mode. Car sur « Speak and Spell », tout est sautillant, guilleret et frais. En ce début des années 80, on voyait des groupes se former pour disparaître aussitôt, tentant de surfer sur les autres succès électroniques, d’Ultravox à The Human League, en passant par Visage, Soft Cell ou Fad gadget… Et dans ce contexte, Depeche Mode est un groupe parmi tant d’autres… Quant à ses chansons, elles n’offrent pas grand chose de très passionnant. Tout y est sucré et naïf. La voix de Dave Gahan est encore toute timide, comme larvée au fond de sa coquille.

    L’album se vend très bien mais, paradoxalement, Vince Clarke semble dépassé par les événements et décide de tout laisser tomber. Interloqués mais pas abattus, les trois autres comparses décident de continuer l’aventure sans leur mentor, ce qui s’avèrera finalement être une très bonne chose pour la suite de l’entreprise. C’est Martin L. Gore qui va dorénavant s’occuper d’écrire les textes et une partie des compositions musicales. Ils doivent cependant trouver un autre musicien pour les concerts…

    C’est Alan Wilder qui est choisi, mais celui-ci ne participera pas à la conception du deuxième album qui sort en 1982, « A Broken Frame ». Le quatrième single, « See You », extrait du 33 tours, atteint la 6ème place du Top 40 et devient le plus gros succès du groupe. Cet album reste encore trop rattaché au précédent, avec cette musicalité sautillante instaurée par Vince Clark, qui entretemps est parti explorer d’autres univers en fondant d’abord le groupe Yazoo avec la petite punkette à la voix soul, Alison Moyet, puis Erasure en 1985.

     

    [youtube id= »zuWQitNlvf0″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Pourtant, le tout dernier morceau du disque, « The Sun and the Rainfall », recèle déjà les germes de ce que va devenir Depeche Mode, avec toute cette mélancolie entretenue et la tristesse élégante qui seront bientôt l’ADN de la bande de Basildon. A noter également que pour la première fois dans une chanson, on entend une guitare, sous la forme d’un riff clair et bien détaché du reste de l’arrangement. D’ailleurs, dans l’album suivant, sur le titre d’ouverture, « Love, In Itself », on perçoit cette fois-ci un accord de guitare sèche, mais il faudra néanmoins attendre sept longues années pour que l’instrument rejoigne durablement les productions du groupe.

    En 1983, peu de temps avant l’enregistrement du troisième album, « Construction Time Again », sort un maxi 45 tours et son tube « Get The Balance Right! ». Mute Records sortira d’ailleurs ainsi trois autres maxis avec la même maquette. Un de couleur bleue, l’autre vert et le dernier brun. Un maxi sur la face A et trois chansons sur la face B.

    Avec « Get The Balance Right! », Martin L. Gore, en charge des arrangements, propose quelque chose de bien plus mûr, sec, industriel et diablement efficace. Ce morceau va d’ailleurs servir de graine originelle à de jeunes DJs de Detroit, et définir la base de ce que seront les premiers morceaux électro et techno de l’histoire. Un changement musical s’opère indéniablement…

     

    [youtube id= »zfiISFiozg8″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    A l’époque, de nombreux groupes et musiciens exploitent à fond le filon du synthétiseur, qui est devenu en quelques années la marque déposée, Le Son de la décennie à venir. On pense évidemment à Jean-Michel Jarre en France, avec ses albums « Champs Magnétiques » ou « Oxygène », qui s’écoulent comme des petits pains.

    Cependant, la spécificité de Depeche Mode, comparé à ses rivaux, ce sont ses mélodies et surtout des textes qui ne tendent pas vers un futur béat et science-fictionnel, mais partent plutôt dans l’introspection, le romantisme noir et désespéré, la mort et la religion. Martin L. Gore se sert ainsi de ces sonorités particulières et de l’habillage sonore désormais identifiable comme d’un oxymore, pour mieux fondre ses états d’âme ainsi que ses pensées tourmentées et intimes.

    En 1983, Alan Wilder va enfin pouvoir participer à la création de l’album « Construction Time Again », troisième opus du groupe anglais et dont certains prétendront qu’il est le premier véritable album à imposer le son « Depeche Mode ». Wilder s’occupe de l’ossature des morceaux et de la ligne directrice de l’ensemble. Il s’impose comme l’arrangeur et l’architecte de cet opus et il y signe également deux titres, « Two Minutes Warning » et « The Landscape is Changing ».

    L’ambiance est ici toujours plus industrielle et les sons nets et précis. La voix de Gahan s’améliore et devient plus mélodieuse, même s’il lui faudra encore attendre quelques années de plus pour que son timbre nous hérisse vraiment le poil. Le premier single de l’album est instantanément un carton, « Everything Count ». Un tube comme ce groupe nous en offrira à la pelle par la suite…

     

    [youtube id= »1t-gK-9EIq4″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Mais un tube Depeche Mode, finalement, qu’est-ce que c’est ? C’est fédérateur, innovant, excitant, jamais entendu auparavant et à la capacité implacable de vous obliger à n’écouter plus que ce groupe en boucle, tout en revenant constamment sur leurs anciens albums… Bref, Depeche Mode est addictif. C’est une drogue dure. Et viendront d’ailleurs ensuite des opus où les tubes iront par deux, puis par trois, par quatre, jusqu’à des albums entiers de tubes !

    Avec « Construction Time Again », Martin Gore creuse davantage encore le sillon, dans l’attente d’un futur état de grâce. La connaissance des machines et leur utilisation est toujours plus parfaite. On sent que Gore et Wilder ne peuvent pas juste se contenter d’approximations, mais tendent toujours vers le beau et l’imparable.

    S’inspirant de la musique industrielle allemande, les premiers samples apparaissent ici et là dans les morceaux. Sonorités métalliques, textes plus ou moins politiques sur les méfaits du capitalisme et ambiance crypto-communiste sur les deux pochettes des disques, entre femme russe à la serpe dans son champ de blé, lumière étrange et forgeron, son marteau à la main, sur le flan d’une montagne. Imagerie d’Epinal qui renforce un peu plus encore l’identité originale et singulière du groupe.

    L’album devient disque d’or au Royaume Uni et connaît un énorme succès partout en Europe, et surtout en Allemagne.

     

    [youtube id= »MzGnX-MbYE4″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Ce n’est donc pas complètement un hasard si le groupe part à Berlin en 1984 enregistrer son 4ème album. Avec sa pochette toujours aussi originale, sur laquelle on voit un couple de jeunes mariés dans un décor d’usine, « Some Great Reward » pousse encore plus loin ce qui a été initié dans « Construction Time Again ». A savoir, des sons lourds, durs et métalliques. Si l’on devait y voir une forme de thématique, on pourrait alors dire que ce dernier opus est le troisième de la série « Musique Industrielle Allemande », mais aussi l’aboutissement de cette trilogie.

    Cette fois-ci, ce sont deux énormes tubes qui sont proposés aux charts : « People Are People » et « Master And Servant », respectivement 10ème et 11ème singles du groupe. Là encore, les Anglais rencontrent un énorme succès dans toute l’Europe et la tournée qu’ils entament va les emmener jusqu’au Japon. « Some Great Reward » s’impose sans nul doute comme leur premier grand album…

     

    [youtube id= »IsvfofcIE1Q » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Depeche Mode, c’est également un look et une identité vestimentaire forte. Martin L. Gore revient de Berlin avec un arsenal SM, à base de harnais et de shorts en cuir. Les autres, moins inspirés par cet affichage radical, opteront plutôt pour des vêtements noirs et une abondance de cuir. Et ces codes couleurs ne varieront finalement plus vraiment jusqu’à aujourd’hui, ce qui leur apporte cette note intemporelle, ce classicisme, comme une évidence.

    Avec la multitude de concerts qui s’enchaînent à un rythme effréné, Depeche Mode ne chôment pas lorsque sort leur première compilation officielle en 1985, agrémentée d’un single original, « Shake The Desease ». Mêlant habilement mélodie mélancolique à des samples de bruits métalliques ou à des cœurs angéliques, ce nouveau titre révèle une aisance nouvelle dans la façon d’imaginer une chanson. Avec cette nouvelle pépite, la compilation cartonne, moins d’un an après la sortie de leur dernier album studio.

     

    [youtube id= »r_0sL_SQYvw » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Plus rien ne semble vouloir stopper l’engouement des fans, la vague du succès comme l’inspiration de Martin L. Gore et Alan Wilder, toujours prompts à créer des chansons envoûtantes. A la même époque, cartonnent également ces autres groupes britanniques dits de « New Wave » : Tears For Fears, Duran Duran, Eurythmics, Simple Minds, Talk Talk et bien-sûr The Cure. A la différence cependant que Depeche Mode cultivent quant à eux un son vraiment spécifique et une ligne générale totalement exclusive, qui ne ressemble qu’à eux.

    L’année 1986 marque un nouveau tournant pour le groupe. « Black Celebration » sort au printemps et augure d’une nouvelle page musicale comme d’une nouvelle direction artistique, avec sa pochette noire luisante et ce montage composite mêlant bannière, surfaces abstraites, tulipes et sur chacun des côtés de la photo, des symboles apparaissant en relief sur le carton de la pochette.

     

     

     

    Martin L.Gore semble enfin s’être entièrement détaché de l’influence « kraftwrekienne » et laisse à Alan Wilder plus d’amplitude qu’auparavant. Ce dernier, nourri de musique sérielle et fan de Philip Glass, va élaborer pour ce disque de somptueux arrangements aussi brillants que sophistiqués, ainsi que deux morceaux qui sont des évidences : « It Doesn’t Matter Two » et « Dressed In Black ». Il y donne aussi la part belle aux échantillonnages divers.

    Le premier single « Stripped » extrait de « Black Celebration », même s’il connaît un beau succès, ne suscitera pas la même adhésion que les précédents tubes. Perçu au premier abord comme plus sombre et expérimental que les précédents opus, l’album va pourtant venir chatouiller les charts américains. Car « Black Celebration » nécessite plusieurs écoutes avant de se donner totalement. C’est justement de cela dont il s’agit… Ce 5ème album studio, probablement moins accessible et plus complexe, va peut-être mettre plus de temps à trouver sa place mais il laissera très vite entrevoir sa force, sa puissance, pour s’imposer comme le premier chef-d’œuvre de Depeche Mode.

    « Fly On The Windscreen » et « A Question Of Time » sont les autres tubes en puissance du disque, quand le néo-gospel « Sometimes » laisse cependant pressentir l’attirance naissante des Anglais pour les sons d’influence Blues. C’est également avec cet album que Depeche Mode entame sa collaboration avec Anton Corbijn, qui deviendra bientôt le clippeur attitré de tous les singles à venir. Il est l’autre pendant évident à l’imagerie du groupe, avec sa sensibilité, son âme et son humour curieux, décalé.

     

    [youtube id= »9pt7EWFF_T8″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    A raison d’un album par an, Depeche Mode semble ne plus vouloir faire de pause dans son ascension effrénée… C’est au printemps 1987 que sort un nouveau single qui remporte aussitôt un énorme succès un peu partout. Car désormais le moindre morceau du groupe est attendu comme le messie. « Strange Love » est bien moins sombre et torturé que ce que nous avait proposé le groupe avec son précédent opus.

     

    [youtube id= »JIrm0dHbCDU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Music For The Masses » ne sort qu’à l’automne de la même année. Avec le choix de ce titre, qui peut sembler de prime abord quelque peu sarcastique, le nouvel album de Depeche Mode, tout en séduisant toujours plus d’auditeurs sur le Vieux Continent, va partir à la conquête des Etats-Unis. Le groupe a fait appel au producteur des Tears For fears, David Bascombe, qui avait déjà cassé la baraque avec « Songs From The Big Chair » deux ans plus tôt..

    Le son de l’album est toujours plus ample et les morceaux sont taillés pour être joués désormais dans des stades de foot. « Never Let Me Down Again », qui ouvre le disque, en est la parfaite illustration, calibré à la perfection pour entamer un concert et donner la chair de poule à tous les aficionados dès les premières notes. « Strange Love » semble avoir été conçu comme un leurre, car le reste de l’album se drape comme à l’accoutumée d’ambiances plus sombres, ésotériques et désespérées, dont émane un souffle nouveau, très cinématographique.

    Alan Wilder n’y est pas étranger, tant il y poursuit ses expérimentations, à la recherche de sons et d’ambiances inédites. Mais il commence à se sentir quelque peu à l’étroit, dans ce format Pop que lui imposent la loi du marché et surtout l’identité du groupe. Beaucoup plus intimiste et expérimental, Wilder peut cependant sans gêne démontrer toute l’étendue de son talent, avec ses créations personnelles sorties en marge de Depeche Mode à partir de 1988 et signées sous le pseudo Recoil.

     

    [youtube id= »snILjFUkk_A » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    S’ensuit une énorme tournée aux Etats-Unis, durant laquelle Depeche Mode devient encore plus populaire que dans son propre pays d’origine, qui semble lui tourner le dos toujours un peu plus, album après album. De ce voyage initiatique en Amérique et de cette très longue tournée sont tirés en 1989 un film documentaire ainsi qu’un double album live sobrement baptisé « 101 » (le cent unième et dernier concert).

    Et c’est là que l’on réalise que Depeche Mode tient aussi bien le haut du pavé en studio que sur une scène. On y découvre une foule extatique totalement assujettie au jeu scénique de David Gahan, grand showman, véritable rockstar, à l’instar d’un Mike Jagger ou d’un James Brown ; ce qui une fois de plus vient bousculer les idées reçues sur ce groupe que beaucoup de détracteurs se plaisent à détester, ne pensant voir que de tristes sirs derrière leurs machines, sous prétexte que leurs sons proviennent uniquement de boites à rythmes et de séquenceurs.

    Suite à cette consécration absolue, plus un mois ne passe sans qu’il n’y ait une nouveauté DM dans les bacs, entre singles, maxis ou divers remixes. En 1989, Depeche Mode sortent leur 23ème single, « Personal Jesus », mais il faudra encore attendre sept mois avant de découvrir ce que renferme le nouvel album dont est extrait ce titre. Cette fois-ci, la guitare est partie « prégnante » du morceau. Un son bluesy à souhait, franc et puissant, qui surprend d’abord l’auditeur avant de le ravir. Une fois de plus, on a affaire à un tube en puissance, innovant, avec son gimmick si entêtant.

     

    [youtube id= »u1xrNaTO1bI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    En ce début 1990, soit tout juste dix ans après la formation hésitante d’un duo et de leurs premières chansonnettes pop, « Violator » paraît à la fin de l’hiver, tout en majesté, racé, arrogant, supérieur, magnifique et envoutant, avec sa pochette entièrement noire tranchée au centre par une rose rouge. Les thèmes de prédilection de Martin L. Gore, qui compose toujours tous les textes des chansons, sur les rapports humains, l’amour, la domination, la religion, le bien et le mal, vont coller parfaitement à ses nouvelles compositions, agrémentées d’un son pur et glacial.

    Un chef d’œuvre ne se rationalise pas, ne se commande pas et ne s’imagine même pas. Ici, en l’occurrence, c’est la conjoncture de plusieurs talents réunis au diapason, en phase, qui a permis à neuf morceaux absolument parfaits d’être ainsi créés. Un album clair, évident, sec. Si des velléités soul déjà suggérées précédemment sur l’album « Black Celebration » se sont affirmées sur le premier single extrait du disque, « Personal Jesus », le reste de la production revient à des fondamentaux intemporels.

    Et c’est « Enjoy The Silence » qui deviendra finalement leur plus gros tube et le single le plus entendu partout dans le monde. A l’origine, ce qui ne devait être qu’une ballade guitare-voix devient la chanson que l’on connaît, sous l’impulsion d’Alan Wilder qui en accélère le tempo avant de la réarranger et de la remixer. « Halo », « World In My Eyes », « Policy Of True » constituent la liste des autres énormes tubes de l’album, tous d’une redoutable efficacité.

    Chaque morceau est parfait, ciselé comme un bijou. Neuf titres, pas un de plus… Neuf chansons, pour prétendre à l’excellence et à une certaine forme de perfection gravée dans le marbre. A compter de « Violator », impossible désormais d’échapper à Depeche Mode et encore moins à cet album qui sacre le groupe définitivement.

    Au point que les quatre compères pourraient s’arrêter là et tout laisser en plan, car après un tel disque, une telle apogée, on ne peut oser affronter la réalité de l’aspect absolument vertigineux de ce qui est en train de se passer, que l’on a besoin de calme et de silence pour réfléchir à l’après. C’est à l’image d’ailleurs de ce clip dans lequel Dave Gahan, portant une couronne et une cape rouge à col d’hermine, s’assied sur son transat pliant au sommet de la montagne.

    Un roi, certes, mais toujours avec des doutes…

     

    [youtube id= »aGSKrC7dGcY » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 08 : « The Wall » by Pink Floyd

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Certains disques deviennent cultes pour des raisons parfois assez obscures, qui défient les lois métaphysiques voire tout simplement l’entendement, et c’est définitivement le cas de « The Wall » de Pink Floyd. Culte, ce double-album l’est indiscutablement, d’autant plus qu’il a été adapté ensuite au cinéma par Alan Parker. Et une chose est sûre avec cet opus : il ne laisse pas indifférent. On aime ou on déteste, souvent les avis sont très tranchés, mais il déchaîne les passions.

     

    Car « The Wall », c’est un peu le début de la fin de Pink Floyd, en fait… Tout commence par un concert durant lequel Roger Waters commet l’irréparable : cracher sur un fan au premier rang, qui l’agaçait particulièrement. Après cet incident, Waters va donc rêver de pouvoir s’isoler en montant un mur autour de lui, qui ne l’empêcherait pas de jouer sur scène, mais qui lui permettrait en revanche de ne pas voir le public dans la salle. À partir de là, à mesure que Waters sombrait peu à peu dans la paranoïa, le concept de « The Wall » prenait forme. Il en composait d’ailleurs presque tous les titres, dans un climat qui devenait détestable, avec son lot de tensions, notamment avec Wright.

    Waters fait alors appel à Bob Ezrin, qui a accédé à la notoriété dans les années 70 en produisant des albums devenus célèbres, notamment pour Alice Cooper, mais aussi pour Lou Reed, Aerosmith, Peter Gabriel ou encore Kiss, et également réputé pour certaines boursouflures dont il a le secret. Wright voulait quant à lui être impliqué dans la production, au même titre qu’Ezrin, Gilmour et Waters, mais selon certains témoins de l’époque, il avait beaucoup de mal à bouger de sa chaise. Et selon le claviériste, Waters se montrait tellement parano durant l’enregistrement de l’album, au point d’emporter les bandes après les sessions de studio, qu’il était difficile de trouver sa place. Ambiance, ambiance…

    « The Wall » se démarque aussi complètement des deux productions précédentes de Pink Floyd, en paraissant sous la forme d’un double album-concept. Une bonne façon de se distinguer, d’ailleurs. Bref, il est double et ça n’est pas un détail, mais il est surtout constitué essentiellement de titres très courts. Beaucoup font d’ailleurs office d’interludes et sur les vingt-six morceaux qui composent l’album, seuls trois dépassent les cinq minutes.

    Waters ne laisse en revanche aucun temps mort, tout est lié, l’histoire se déroule, sombre, implacable, jalonnée de réminiscences de sa jeunesse anglaise : un père mort à la guerre, une mère trop possessive, un système scolaire qui tente de le faire entrer dans un moule trop étroit pour lui… Tout cela, l’auditeur va pouvoir le vivre pleinement à travers le personnage de Pink (bon, pour les noms, il faut reconnaître que le bassiste ne s’est pas trop foulé…), qui construit un mur imaginaire pour se protéger de ce qui l’entoure, avec tous les dysfonctionnements qui en résultent.

    Pink va devenir une rock star, se marier, être cocu et sombrer dans une folie quasi schizophrénique, qui va le conduire à s’imaginer en dictateur fasciste. Seul un procès, dont il serait à la fois l’accusé et le plaignant, pourrait lui rendre son humanité. Difficile aussi de ne pas y voir des indices quant à la mégalomanie grandissante de Waters…

     

    [youtube id= »YR5ApYxkU-U » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Le concept est donc très ambitieux. La musique de Pink Floyd va se faire moins aérienne, moins éthérée que par le passé. Elle se veut plus directe, certainement moins fine également. « In The Flesh? » surprend d’ailleurs par son aspect assez rude. On remarque rapidement le travail fait sur la guitare, claire, limpide. La rythmique se résume quant à elle à sa forme la plus primaire, presque primale, et elle ne se montre jamais aventureuse. Mais Gilmour est toujours bien présent, son jeu permet de rehausser certains passages, pourtant sujets à caution (« Another Brick In The Wall Part II », adulée ou détestée, tellement loin des standards auxquels nous avaient habitués le groupe).

    De nombreux moments forts ressortent, depuis le morceau-titre, divisé en trois parties, dont la seconde deviendra un tube planétaire et un véritable cri de révolte pour tout élève comprenant l’anglais, au « Comfortably Numb », qui porte la patte de Gilmour et ressemble le plus au Pink Floyd traditionnel, mais qui divise également ; entre ceux qui y voient un des plus grands titres des Britanniques et ceux qui n’entendent qu’une tentative ruinée par la production de Ezrin. Chacun se fera son avis, mais le fait que beaucoup de groupes (dont Anathema) aient repris cette chanson devrait pourtant nous donner une vague idée de sa qualité intrinsèque.

    En revanche, certains passages de l’album s’avèrent plus étranges. La fin de l’album part en roue libre et on sent là l’influence de Bob Ezrin. Ce dernier est d’ailleurs crédité sur « The Trial », mais à l’écoute de ce morceau, on se dit que ce n’est pas du Pink Floyd. On se croirait plus face à une chute de studio de « Welcome To My Nightmare » d’Alice Cooper, avec ses chœurs presque dissonants, dans l’exagération, pour apporter la théâtralité nécessaire à un tel concept. On grincera peut-être des dents face aux paroles de « Waiting For The Worms », racistes et dérangeantes, qui expriment la haine du Pink version dictateur, on soufflera face aux nombreux titres servant d’interludes, qui font entre trente secondes et une minute trente et qui ne servent vraiment qu’à faire du liant, pour que la musique ne se taise pas, même si cela plombe parfois la dynamique de l’ensemble.

     

    [youtube id= »LTseTg48568″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    On peut faire un parallèle entre « The Wall » et l’album « The Lamb Lies Down On Broadway » de Genesis, avec lequel il partage de nombreux points communs : vision différente de la musique pratiquée (chez Genesis, cela se traduisait par des parties instrumentales plus développées, avec une guitare qui savait se faire Heavy quand il le fallait), le format double, le départ d’un membre important à l’issue de leur enregistrement : Peter Gabriel de Genesis, Richard Wright de Pink Floyd.

    Mais surtout, « The Wall », malgré son concept qui parle d’enfermement volontaire, brise les murs entre les genres. Il est devenu l’archétype du concept-album grand public ainsi que certainement le disque le plus connu de Pink Floyd, avec sa pochette simple, épurée, mais d’une efficacité rare et son hit que l’on fredonne plus facilement qu’un « Shine On You Crazy Diamond », par exemple.

    Et de surcroît, il fut un pont et une source d’inspiration pour de nombreuses formations Metal qui cherchaient à enrichir leur discours. Trent Reznor, pour ne citer que lui, ne s’est pas caché du fait qu’il s’en soit inspiré pour le terrible « The Downward Spiral » de Nine Inch Nails et qu’il apporta un souffle nouveau au Prog’ Anglais, entre concept fort et nihilisme Punk, en participant à sa mutation.

    D’où le paradoxe de « The Wall ». Album culte, précurseur, inventif et fédérateur comme rarement un album a pu l’être, mais qui tourne le dos à ce qu’était intrinsèquement Pink Floyd au moment de sa sortie, au point que des petits malins affirment qu’il s’agit tout simplement du premier album solo de Waters, entouré de « Guests » de luxe. La production, menée par Ezrin, modifie également le langage d’une formation en y amenant ses propres idées, ses propres délires, qui ne sont pas forcément ceux des Anglais, mais qui se marient tant bien que mal, à condition qu’on adhère à cela.

    « The Wall », c’est un album en déséquilibre constant, où le meilleur peut côtoyer le pire, mais qui demeure malgré tout une pierre angulaire du Rock dans sa dénomination la plus large. Et c’est ainsi qu’il s’avérera être le début de la fin pour un groupe qui se dissolvait petit à petit et qui malgré la gloire, vivait ses derniers moments avant un split inévitable…

     

    Sources : « Nightfall in Metal Earth » / « Rock Fever » / « Le Figaro Culture »