Projet de ville nomade, Instant City marque l’aboutissement d’une démarche d’aporie architecturale initiée par le collectif anglais Archigram avec « Plug-in-City » en 1964. L’architecture disparaît, laissant place à l’image, l’événement, l’audiovisuel, ainsi qu’aux gadgets et autres simulateurs environnementaux.
Instant City développe l’idée d’une « métropole itinérante », un package qui s’infiltre provisoirement au sein d’une communauté. Cette ville superpose, « le temps d’un instant », de nouveaux espaces de communication à une ville existante : un environnement audiovisuel (des mots et des images projetés sur des écrans suspendus) s’associe à des objets mobiles (ballons dirigeables avec des tentes suspendues, capsules, mobile-homes) ainsi qu’à des objets technologiques (grues à portique, raffineries, robots), pour créer une ville de consommation d’informations, destinée à une population en mouvement.
Première étape d’un réseau d’information, d’éducation, de loisirs et d’équipements, Instant City est raccordée (« Plugged-In ») aux secteurs périphériques entourant une métropole par une flotte de véhicules tout-terrain et d’hélicoptères. Ainsi, la communauté locale est intégrée dans la communauté métropolitaine. Cette idée d’infiltration vise alors à être complémentaire, plutôt qu’étrangère, aux communautés qui sont visitées. Par la suite, les véhicules seront transformés en dirigeables.
Instant City est une ville instantanée qui s’installe sur un site, crée un événement pour ensuite disparaître, signifiant ainsi que l’architecture peut ne pas être uniquement que construction et n’être à l’inverse qu’événement, en tant qu’action dans le temps présent.
Mais Instant City est aussi l’une des premières architectures de réseau, 25 ans avant Internet : réseau d’informations, flux, vecteur, rassemblant des fragments urbains dispersés. Elle est un scénario qui, une fois mis en acte, est soumis à une réécriture, celle de tous ses habitants qui vont l’animer. Instant City n’a donc aucune forme fixe, aucun préalable. Elle témoigne d’une représentation impossible, celle d’une ville qui n’a pas d’existence en soi, qui n’est qu’un incident dans le temps et dans l’espace.
Dialectique entre permanent et transitoire, mobile et éphémère, Instant City incarne l’utopie d’une architecture libérée de tout ancrage, d’une ville volante, aérienne, et transforme l’architecture en situation, en environnement réactif. L’architecture s’y offre à la fois comme objet de consommation et création d’un environnement artificiel.
Archigram, association des termes architecture et télégramme, est à l’origine une revue d’architecture avant-gardiste britannique des années 1960. La revue, dont neuf numéros sortiront de 1961 à 1974, est initiée par six architectes, Peter Cook, David Greene, Mike Webb, Ron Herron, Warren Chalk et Dennis Crompton. Leur principale inspiration vient d’un projet de décor de film de Cedric Price, « Fun Palace » (1960-1961).
Le collectif dominera l’architecture radicale des décennies 1960 et 1970. Influencé par les utopies urbaines de la première moitié du XXème siècle, il cherche à renouveler l’architecture et l’urbanisme.
La forte iconographie d’Archigram puise dans la science-fiction et la BD, ouvrant ainsi l’architecture et les concepts environnementaux à la culture pop naissante.
Il y a cinquante ans, Archigram et leur concept architectural « Instant City » reposant sur la mobilité et la « déterritorialisation », en réaction à la société de consommation naissante et à la modification profonde des modes de vie, préfigurait de façon étonnante ce que serait la société d’aujourd’hui, fondée sur l’itinérance, l’image, l’audiovisuel et la technologie.
La nouvelle Instant City se veut ainsi la suite logique du concept originel, en s’adaptant aux exigences et évolutions de la société actuelle, en particulier technologiques. Internet, smartphones ou tablettes permettent mobilité et accessibilité. Aujourd’hui, on peut mener à bien un projet en collaboration avec quelqu’un vivant à l’autre bout du monde.
Salut Salon est un quatuor féminin créé à Hambourg (Allemagne) en 2000 par deux amies d’enfance, Angelika Bachmann et Iris Siegfried (violonistes), associées à Sonja Lena Schmid (violoncelle) et à Anne-Monika von Twardowski (piano).
Les quatre jeunes musiciennes de Salut Salon, par leur féminité éclatante, leur sensibilité, leur virtuosité et la diversité de leur répertoire, allant du classique aux airs populaires, en passant par le jazz ou la pop, contribuent à rendre accessible leurs instruments, sans toutefois les désacraliser.
Mais Salut Salon, ce sont aussi des actions humanitaires et éducatives, qui viennent en aide à l’enfance, de par le monde. Comme à Viña del Mar, au Chili en 2011, dans le cadre du projet Escuela Popular de Artes soutenu par l’organisation caritative « Kindernothilfe ».
Le nom du quatuor, « Salut Salon », a été choisi à l’occasion du 90ème anniversaire du Salon Littéraire et Musical de Hamburg-Eppendorf ; il évoque aussi l’oeuvre la plus connue d’Edward Elgar, « Salut d’Amour », qui deviendra un des premiers morceaux de bravoure du quatuor.
C’est en 1968 qu’Aretha Franklin pose pour la première fois le pied en France (et en Europe) pour une tournée. Dans la foulée de sa signature chez Atlantic l’année précédente et de son premier tube mondial, « Respect », celle qu’on n’appelle pas encore la « Reine de la Soul » se produit à l’Olympia le 6 mai 1968, non loin d’un Quartier Latin déjà bouillonnant.
Aretha Franklin bénéficie déjà d’un solide succès en France qui lui permet de remplir l’Olympia lors des deux concerts organisés le même jour, un lundi, le jour de « Musicorama », les concerts organisés par Europe 1. Quelques semaines plus tard, sortira d’ailleurs l’album live « Aretha in Paris ».
La chanteuse fait un triomphe en France
La presse accueille avec enthousiasme ce premier concert parisien. Lucien Malson dans Le Monde salue « un mélange réjouissant de chants et de danses, de musique et de spectacle » et évoque « tant de force et tant de grâce alliées qui font merveille ». Kurt Mohr, la plume rythm & blues de Rock & Folk et grand passeur de la musique noire américaine en France, s’emballe : « Ce que nous avons entendu avec Aretha Franklin, ce n’est pas seulement l’une des plus grandes voix de ces cinquante dernières années, mais une artiste au sommet de sa forme. Ce n’est pas dans dix ou vingt ans qu’il faudra se réveiller pour la découvrir, mais maintenant ! ».
Elle reviendra triompher à l’Olympia en 1971, et ce malgré une presse presque silencieuse. Elle avait déjà un public qui lui vouait un culte.
Extrait du concert d’Aretha Franklin à l’Olympia le 21 juin 1971. Elle chante « Respect », accompagnée par trois choristes et l’orchestre King Pins sous la direction de King Custis (with courtesy of INA, Institut National de l’Audiovisuel)
« La mort, ce n’est désagréable que pour ceux qui restent… »
Mon grand Jacques, voilà, tu t’en es allé. Tu as fini par partir, et probablement sans te retourner. Trop fier, peut-être, mais aussi trop sensible et modeste pour ne pas nous quitter, comme ça, l’air de rien, sur la pointe des pieds. C’est à peine si on ne t’a pas entendu siffler nonchalamment, pour nous faire croire que tu étais encore là. Alors, puisque tu ne t’es pas retourné, je le ferai à ta place, si tu me le permets.
Car, pour moi, tu étais le dernier saltimbanque, de cette lignée d’artistes qui symbolisait tant la France d’avant, depuis Charles Trenet, que tu aimais tant, à Yves Simon et Georges Moustaki, en passant par Edith Piaf, Serge Gainsbourg, Leo Ferré ou Boris Vian. Je sais bien que tu tiquerais de m’entendre dire ça, alors que tu n’as finalement jamais été en décalage avec le monde dans lequel tu évoluais.
Non, ce que je veux dire, c’est que tu as accompagné les changements du monde, le corps dedans et l’esprit ailleurs. Ailleurs comme au dessus, avec recul, distance et empathie. Mais toujours les pieds bien ancrés dans son temps, le grand Jacques…
« Tu t’es passé
Aux écouteurs
Ce truc d’Higelin,
Remember… »
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Tu es né avec la guerre. De ton enfance, tu as gardé cet amour charnel de la musique, et du jazz en particulier. Comme ton alsacien de père, cheminot et musicien, te l’a inculqué, tu en feras de même plus tard avec tes propres enfants. A l’âge de 14 ans, tu passeras même une audition au Théâtre des Trois Baudets avec un autre grand Jacques, Canetti, qui remarquera ton talent précoce, mais qui ne te retiendra finalement pas du fait de ton jeune âge, tout en te donnant rendez-vous « dans dix ans ».
« Môme, je voyais La Nouvelle-Orléans en rêve, par la musique. Je remontais le ressort du phonographe et je m’allongeais très vite pour pas rater le début. Crrr, crrr, je fermais les yeux… Et là, je recevais des images pendant trois minutes, des musiciens en train de jouer, les bars enfumés, les rues, les enseignes. Je me repassais toujours les mêmes 78 tours parce que je voulais VOIR. Ça me bouleversait parce que j’avais l’impression de faire un super saut dans le temps. » (Interview donnée à Libération le 17.02.2010)
Alors, comme Jacques Canetti t’avait donné rendez-vous dans dix ans, c’est vers le Cours Simon et l’Art Dramatique que tu te tournes à 16 ans. Ton premier petit rôle au cinéma, tu l’obtiens en 1959 avec « Nathalie Agent Secret ». En plus de 50 ans, à ton corps défendant, tu ne quitteras jamais vraiment le cinoche, avec une trentaine de films au compteur, quelques productions télé et diverses pièces de théâtre.
Mais à ton retour de l’armée en 1962, tu prends les deux décisions les plus importantes de toute ta vie : tu ne veux plus être comédien et tu seras musicien. Tu retrouves le guitariste Henri Crolla, fils adoptif virtuel de Jacques Prévert et Paul Grimault, frère de rue de Mouloudji et accompagnateur d’Yves Montand, que tu avais connu en 1959 sur le tournage du film « Saint-Tropez Blues ». C’est Henri qui t’avait initié à la guitare avant l’armée…
De ta correspondance avec la comédienne Irène Lhomme avec qui tu as joué sur le film d’Henri Fabiani, « Le bonheur est pour demain», tu as gardé le goût des mots, que tu cultives désormais en écrivant tes propres chansons. « Chanter une chanson, c’est raconter une petite histoire de trois minutes ».
En 1962, tu deviens donc guitariste… Commence alors pour toi ton lent apprentissage du métier. Tu traînes les cafés-théâtres, tu te cherches mais tu n’oses pas encore chanter tes propres textes. Moustaki te prend sous son aile et tu vas l’accompagner sur ses tours de chant pendant quelque temps. Malgré les bonnes résolutions prises à ton retour de l’armée, tu referas tout de même quelques crochets par le cinéma, en particulier avec « Bébert et l’Omnibus » d’Yves Robert en 1963. « Faut bien bouffer… ». Tu n’as pas à te justifier, il était pas mal, ce film.
« Il faut dire que Jacques a une silhouette assez romantique. Avec ses grands manteaux, ses cheveux un peu en bataille. En France, on avait cette nostalgie de Gérard Philippe, mort trop jeune. Tous ces rôles, Le Prince de Hambourg, Caligula, servis par cette figure magnifique d’acteur, voulant faire la révolution, avec cette volonté de rendre accessible le théâtre au plus grand nombre et toucher tous ces gens qui n’y vont jamais… Il y avait une parenté entre le jeune Higelin et Gérard Philippe… » (Rufus)
Et là, comme quoi le destin est parfois écrit, tu retrouves par hasard Jacques Canetti en 1964, précisément dix ans après votre première rencontre… Comme convenu… Canetti travaille sur la première anthologie discographique des chansons de Boris Vian, « Boris Vian 100 Chansons », et il te propose d’enregistrer sept chansons de l’artiste aux mille facettes, dont certaines alors inédites. Tu mets même un texte de Vian en musique : « Je Rêve ». Ce titre sera d’ailleurs ton tout premier enregistrement en tant que compositeur interprète, et tu figureras sur cette anthologie aux côtés de Serge Reggiani, Pierre Brasseur, Catherine Sauvage, Cécile Vassort, Philippe Clay ou encore Lucienne Vernay. Excusez du peu…
« C’est un disque qui est réalisé dans une allégresse folle. Je m’en souviens très bien car j’étais présente aux enregistrements, même si j’étais encore petite. Jacques Higelin était déjà extraordinaire. Il était gai, talentueux, avec cette folie en lui, cette gentillesse et cette tendresse qui le caractérisaient. Mais parmi toutes les qualités qu’on reconnaît à Higelin, on en oublie souvent une, et de taille : c’est un très grand musicien. Le disque paraît, dans une édition somptueuse, mais ne marche pas du tout… » (Françoise Canetti, la fille de Jacques)
Jacques Canetti te présente alors le parolier Marc Moro, alias « Mac Ormor », et t’encourage à te lancer dans le grand bain. Ensemble, vous faites « Priez pour Saint-Germain-des-Prés ». C’est aussi à cette époque que tu rencontres des artistes qui deviendront pour la plupart de vieux compagnons de route : Marc’O, Rufus, Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon, Georges Moustaki, Areski Belkacem et bien-sûr celle qu’on prendra pendant si longtemps pour ta soeur, Brigitte Fontaine.
En 1966, tu tombes raide dingue de Nicole Courtois, ta Nini, avec qui tu auras ton premier enfant, le petit Arthur. Il en aura fait du chemin, le p’tit Arthur, entre ses premiers pas dans la chanson en 1971 avec son « petit tambour du roi » sur ton album « Jacques Crabouif Higelin » et aujourd’hui…
Avec Brigitte Fontaine et Rufus, à La Vieille-Grille puis au Théâtre des Champs-Élysées, tu crées la pièce « Maman j’ai peur » qui obtient un succès critique et public si important qu’elle restera plus de deux saisons à l’affiche à Paris et donnera lieu à une tournée européenne.
Je fais ta connaissance en 1977, avec le film de Gérard Pirès sorti en 1973, «Elle court, elle court la banlieue ». Bon, faut dire ce qui est, pas forcément un chef d’oeuvre… Mais ce petit film sans prétention a toujours gardé une place particulière dans mon coeur. On venait tout juste de rentrer d’Afrique, et ce long-métrage dépeignait la vie à Paris, si étonnante pour de petits sauvages comme nous, et cette banlieue, fantasmée, empreinte de modernité, Orly, le périphérique (récemment ouvert et déjà bouché), Fip Radio, tout ça, quoi…
En 1973, le « Métro-Boulot-Dodo » commençait ainsi sa carrière de leitmotiv à la mode. Une étude sociologique servit de point de départ et d’alibi scientifique au film, illustration légère et enlevée de l’odyssée urbaine de millions de Parisiens et de banlieusards.
Au pas de charge aller-retour, Gérard Pirès (le futur réalisateur de Taxi) poursuivait les trépidantes cohortes des heures de pointe. Fort malicieusement, la satire sociale chatouille là où ça fait mal, mais sait s’arrêter aux limites de la fantaisie et de la farce vaudevillesque (Victor Lanoux s’attaquant à son rival au moyen d’un véhicule de chantier). Avec Marthe Keller, vous rivalisiez de jeunesse et de charme dans ce petit film joyeux, baigné de musique pop, sympathique instantané d’une époque qui semble aujourd’hui si lointaine.
Et puis, je commence à découvrir le musicien. Et quel musicien… Tu te tournes résolument vers le rock avec les albums « BBH 75 » puis « Irradié », auquel participe Louis Bertignac, futur guitariste de Téléphone. Avec l’album « Alertez les bébés ! » où alternent compositions rock et chansons, tu reçois d’ailleurs le prix de l’académie Charles-Cros. Quand même…
Tu deviens alors, dans les années qui suivent, un des chanteurs rock parmi les plus populaires de France, notamment grâce à des prestations scéniques où tu donnes beaucoup de ta personne, dans une débauche d’énergie communicative avec le public. « No Man’s Land », avec « Pars » (ton premier tube en 1977), le double album « Champagne et Caviar » (initialement sorti en deux albums simples : « Champagne pour tout le monde » et « Caviar pour les autres… »), et l’album en public « Higelin à Mogador », font de toi l’égal de Bernard Lavilliers ou de Téléphone.
« À l’époque, les choses étaient bloquées pour moi, je tournais en rond, ça n’allait pas. Alors j’ai pris une mitrailleuse […] Nous avions le sentiment d’être des perdants magnifiques, véhiculant un esprit combatif, une classe sauvage. J’étais une lame de couteau. »
Dans les années 80, je te découvre aussi sur scène, et là, quelle claque… De l’intimiste Cirque d’Hiver en 1981, « un endroit qu’on peut prendre comme ça et serrer sur son coeur », à la démesure de Bercy en 1985, tu marques définitivement l’histoire de ton empreinte d’incroyable musicien et d’immense showman. On te voit et on t’entend partout, sur disque, en concert, chez les Carpentier, avec une programmation quelque peu inhabituelle pour l’émission, et toujours un peu au cinéma.
Pour graver dans la cire l’incroyable aventure de Bercy à l’automne 1985, tu sors ton triple album « Higelin à Bercy » et tu resteras un mois à l’affiche de cette salle immense, inaugurée l’année précédente. Tu chantes dans un décor de cinéma, avec scènes tournantes, plateaux mobiles, effets multiples, arrivée des musiciens en jeep ou en moto…
Après le rock, c’est la world music qui pénètre ton monde, toi qui aimais tellement l’Afrique : tu invites Mory Kanté et Youssou N’Dour à venir t’accompagner, eux qui étaient encore complètement inconnus du grand public. Un soir, même, Barbara et Gérard Depardieu (en pleine préparation de leur spectacle commun, « Lily Passion ») te rejoignent également sur scène. Quel souvenir, mon Jacques…
« Je lis plus les journaux alors j’ai peur de rien, la télé, la radio, c’est du mou de veau pour les chiens. »
Ah oui, je voulais aussi te dire que jamais je ne pourrais te reprocher tes prises de position ou tes engagements, que je n’ai pas toujours partagés, j’avoue, car toi, contrairement à beaucoup d’autres, tu l’as toujours fait avec sincérité, honnêteté et naïveté. C’est important, la naïveté. Comme disait Bashung – lui aussi, tu l’aimais bien : « Etre naïf, c’est être novateur, parce qu’il faut être vraiment naïf pour découvrir autre chose ». Et finalement, je tombe toujours d’accord avec toi…
Désolé, mon grand Jacques, mais il m’aura fallu un peu de temps pour réaliser qu’avec toi disparaissait notre enfance… J’espère juste que tu seras parti fier du chemin accompli depuis tes premiers pas à Chelles, et de ce que tu auras transmis à tes enfants. So long, mon grand Jacques…
Le 24 août 2018, à l’occasion du premier anniversaire de la disparition de Mireille Darc, France 3 diffusait un documentaire exceptionnel consacré à l’actrice disparue le 28 août 2017, « Mireille Darc, la femme libre ».
On croyait tout savoir de la « Grande Sauterelle », mais on en apprend encore et encore, grâce à des archives réellement inédites et des témoignages de ses proches. Un vrai plaisir de télévision que cet hommage sans faille à une femme de cœur.
Un an après sa mort, Mireille Darc reste une star populaire. Aimée par ses partenaires, Michel Audiard et Georges Lautner, elle était un sex-symbol, une photographe passionnée, une réalisatrice de documentaires et une militante engagée dans l’association « La Chaîne de l’Espoir ».
A travers des interviews intimes, elle raconte les drames de son enfance, sa vie passionnée avec Alain Delon et sa rupture douloureuse. Ses proches, son mari Pascal Desprez, Anthony Delon, Michel Sardou ou encore Véronique de Villèle témoignent eux aussi et évoquent la femme libre qu’elle incarnait, l’icône de la féminité émancipée et de la liberté sexuelle.
Sylvain Bergère brosse dans « Mireille Darc, la femme libre » le portrait d’une artiste indépendante et combative, souvent éprouvée et pourtant toujours douce et souriante, de ses débuts d’actrice au théâtre et au cinéma à ses reportages sur les prostituées du bois de Boulogne, en passant par ses fragilités d’enfant et sa grande histoire d’amour avec Alain Delon.
Une lionne entrée dans la lumière quand elle est devenue blonde, une femme qui s’est construite toute seule, une icône du septième art, forte malgré ce cœur qui la lâche. « Mireille Darc, la femme libre » est un hommage touchant, ponctué d’images d’archives, de confidences en voix off de l’actrice et de témoignages de proches.
Rediffusion sur France 3 les 31 août et 04 septembre 2018.
« Je pense ne plus avoir assez de vie devant moi pour écrire une autre autobiographie. »
Le 2 décembre 1980, l’écrivain Romain Gary mettait fin à ses jours. Quelques mois plus tôt, il avait tenu ces sombres propos lors d’un entretien accordé à Radio-Canada. A l’occasion du centième anniversaire de sa naissance en 2014, Gallimard publiait « Le sens de ma vie », une retranscription de cet entretien avec Jean Faucher.
Cheese… on dirait que Romain Gary a fait le choix, lorsqu’il se confie au réalisateur québécois, de disparaître avec le sourire. Car, en cette année 1980, les jeux sont faits, de toute évidence. « Je pense, confie Gary, ne plus avoir assez de vie devant moi pour écrire une autre autobiographie ». Vie devant moi, vie devant soi. Que Gary ne cesse de raconter, pour vaincre le temps dont il se plaint de ne pouvoir maîtriser la course effrayante. Vieillir ? On connaît, sur le sujet, sa religion…
« J’imagine que ce doit être une chose atroce, mais comme moi je suis incapable de vieillir, j’ai fait un pacte avec ce monsieur là-haut, vous connaissez ? J’ai fait un pacte avec lui aux termes duquel je ne vieillirai jamais. »
Le voici donc, à quelques mois de la chute finale (il se tire une balle dans la bouche le 2 décembre 1980), qui tire les derniers feux de cette vie d’artifice, racontant à un rythme d’enfer, depuis ses premiers souvenirs de la révolution soviétique – « J’étais couché sur la place Rouge, il y avait des balles qui sifflaient, ma mère s’est jetée sur moi pour me protéger » – les mille facettes de sa personnalité.
On dirait un guide de musée qui ferait visiter Chambord dix minutes avant la fermeture : enfance russe, passage en Pologne, installation en France. Mais soudain Gary passe en mode ralenti : sa mère entre en scène, l’amour de sa vie.
On sait, depuis « La Promesse de l’aube », le rôle fondamental qu’a joué la tenancière de la pension Mermonts à Nice. Francophile, Mina Owczynska, qui fabriquait en Russie de fausses étiquettes Paul Poiret pour les coller sur des chapeaux de sa fabrication, est persuadée que son chouchou de fils cumulera les honneurs : « ambassadeur de France » et « grand écrivain français ».
Le Paris de Gary
Romain, pour l’heure, fait surtout du sport. Il excelle dans l’art du tennis de table, publie une nouvelle dans « Gringoire » (Gary écrit depuis l’âge de neuf ans), et monte à Paris. Il gagne sa vie comme marchand de glace, puis comme serveur dans un restaurant russe, et passe ses nuits dans les maisons closes de la capitale, où il interviewe des prostituées pour le compte d’un journaliste qui lui sous-traite le job. Monde fantastique où, dit-il, sa part obscure manque de prendre le dessus.
« Je me suis souvent trouvé à Paris entre deux métiers, n’ayant guère de quoi vivre, je n’avais que deux chemises, je vivais de concombres et de pain et je me souviens d’un épisode particulièrement pénible […] à Miromesnil, un établissement pour dames où à la fois des messieurs pervers et des dames un peu trop libérées à l’époque et trop affranchies venaient pour se satisfaire. Un camarade américain m’avait proposé contre très forte rétribution d’aller en quelque sorte procurer les satisfactions que vous imaginez à ces dames. »
Portrait de l’artiste en demi-mondain, avant de finir mondain tout plein…
Car l’écrivain semble conduire sa vie comme un amusant bolide, curieux des obstacles et s’amusant des embardées. Avec son premier roman, « Le Vin des Morts » (1937), ouvrage néocélinien que refuse Robert Denoël, il cherche sans succès à se faire un nom dans la littérature.
Qu’importe, la guerre éclate, donc la promesse d’une mort héroïque. Gary rejoint de Gaulle à Londres. Le Général, que Gary insupporte avec ses manières de voyou de grand chemin et de bandit au coeur noble, lui fait passer un sale quart d’heure. Puis ce seront les missions (dans l’aviation) et la victoire. Auteur d’un livre à succès, il est félicité par le Général. D’être sacré compagnon de la Libération sera, dit-il, le plus beau moment de sa vie.
Gary féministe ?
Fier militaire auréolé de toutes les gloires, il rentre à Nice pour découvrir que sa mère est morte depuis plusieurs années. Gary, dès lors, va mener cette existence brillante mais dont on sent que lui manque le moteur essentiel. Vie de femmes (Lesley Blanch, Jean Seberg), de films (il devient scénariste à Hollywood), d’écrivain (sous son nom et sous celui, entre autres, d’Emile Ajar), de diplomate aussi.
Dans l’étrange conclusion qui parachève le livre, et où il livre l’explication de sa vie, Gary rend hommage à la féminité qui l’a, dit-il, toujours inspiré.
« Je pense que si le christianisme n’était pas tombé entre les mains des hommes, mais entre les mains des femmes, on aurait eu une tout autre vie, une tout autre société, une tout autre civilisation. »
Gary féministe ? De tous les masques dont il n’a cessé de se parer, il ne manquait plus que ce dernier…
✓ « Le Sens de ma vie », par Romain Gary, Gallimard, 110 p., 12,50 euros.
✓ Du même auteur chez le même éditeur, « Le Vin des Morts », 240 p., 18 euros.
✓ « La Promesse de l’aube (CD) », lu par Hervé Pierre, Gallimard.
✓ Un album consacré à Jean Seberg, préfacé par Antoine de Baecque, paraît au Mercure de France.
Romain Gary, né le 8 mai 1914 à Vilnius, de son vrai nom Roman Kacew, est l’auteur d’une quarantaine de livres dont « Les Racines du Ciel » (prix Goncourt 1956), « Les Clowns Lyriques » et, sous le pseudonyme d’Emile Ajar, « La Vie devant Soi » (Prix Goncourt 1975). Il est mort le 2 décembre 1980, à Paris.
Continuons à parcourir l’univers de la photo « urbaine », mais cette fois en faisant un grand bond depuis l’Europe jusqu’au Japon, avec le photographe Hiroyuki Ogura.
Hiroyuki Ogura est probablement le moins connu de ces photographes japonais contemporains, mais nul doute qu’il devrait gagner ses galons dans les années à venir.
Les clichés de Hiroyuki Ogura s’appuient sur quelques principes constants, tels que le noir & blanc, un contraste profond, entre lumière et ombres, ainsi que le sujet commun à l’ensemble de son travail : le coeur de Tokyo, et plus particulièrement le quartier de Shinjuku. Ogura y capture sa population, et son activité débordante. Il y oppose dans chacun de ses clichés l’immobilité au mouvement, à l’agitation. On y perçoit aussi la solitude souvent omniprésente dans ces grandes metropoles.
Le clubbing gay naît en Europe dans les années 1920, avec le Magic City à Paris, et le quartier de Schöneberg à Berlin. Enfin, les gays peuvent se rassembler pour autre chose que de la drague interdite, mais pour s’amuser et danser.
Les émeutes de Stonewall en 1969 à New York lancent le grand mouvement de libération gay, et l’année suivante voit la naissance des gay prides où les LGBT marchent par milliers, drapeaux à la main, pour l’égalité des droits.
Dans les années 70, le clubbing gay voit émerger sa musique hédoniste et folle, la Disco, et pour la première fois, les clubs gay deviennent des lieux de mixité sociale, comme au Loft et au Paradise Garage, à New York.
Le Palace et le Studio 54 deviennent mythiques, autant pour le chaos de la queue à l’extérieur que pour la fête sans limite à l’intérieur. On y transpire beaucoup et les drogues n’y sont pas pour rien.
La Disco s’affirme comme un genre musical majeur, Donna Summer en est la reine, mais le backclash survient avec la campagne « Disco Sucks », mouvement homophobe déguisé qui brûle par milliers les vinyles de Disco dans des stades géants.
La Disco se réinvente alors avec la House de Frankie Knuckles, dans son temple, The Warehouse, boîte gay de Chicago d’abord fréquentée par les blacks et les latinos. C’est la période des hymnes utopistes comme le prophétique « Promised Land » de Joe Smooth.
A Londres, dans les années 80, pour échapper à l’hécatombe du sida, les gays se réfugient dans un clubbing de carnaval où le déguisement outrancier est de rigueur, avec les soirées « Taboo » puis « Kinki Gerlinky », et aujourd’hui « Sink The Pink ». Aux Etats-Unis, on mélange le déguisement et la danse, et ça donne le « Vogueing ». Les gays latinos et blacks de New York s’exhibent dans des chorégraphies hyper codées, spectaculaires, jambe en l’air, où la performance compte autant que les marques de respect du public. Oui, enfin, se faire respecter…
Dans les années 90, c’est l’explosion des super clubs gays commerciaux, le Queen sur les Champs-Elysées, le Heaven à Londres ou le Tunnel à New York. Des sanctuaires avec leurs rituels, comme quand le Dj Junior Vasquez braque le projecteur sur le meilleur danseur de la piste, lui conférant un statut de légende pour la communauté.
Heureusement, il reste des poches underground à Berlin ou à Paris, avec les filles du « Pulp » de 1997 à 2007, dont l’énergie n’est toujours pas dissipée. Et puis il y a l’exubérance des « Circuit Parties » géantes, à Miami, Miconos, Barcelone et Ibiza, avec apologie aliénante des corps parfaits.
Aujourd’hui, on se retrouve à la « Flash Cocotte », à la « Horse Meat Disco », au « Smart Bar » et au « Laboratory », ces bulles où on vient se sentir protégé, libre, exister sans discrimination, tout ce qui fait que le clubbing gay est… Sexy Demain !
So Nieuf est un artiste anglais amoureux du cinéma. Sa passion pour le 7ème Art lui a donné envie de noircir quelques pages…
Les dessins de So Nieuf sont ainsi répartis en trois carnets de 56 pages, traitant chacun d’une thématique différente. Le premier carnet répertorie un certain nombre de classiques du cinéma, selon l’artiste, le second évoque des films de son enfance. Quant au dernier, il s’intéresse aux films dont la couleur prédominante est le rouge. Le tout dans un univers retranscrit en noir et blanc.
Les pages des carnets de So Nieuf sentent bon le dessin réalisé à la volée dans un bon vieux Moleskine, sur le coin d’une table de bistrot. Il n’en reste pas moins que la main est ferme et le trait précis.
A découvrir…
« Ghostbusters »
« Histoire Sans Fin »
« Iron Man »
« Le Dictateur », « Un Tramway Nommé Désir », « Mon Oncle »
Chaque semaine, Arte nous distille avec délicatesse les scènes et les répliques parmi les plus cultes du cinéma, mises en dessin par Typorama.
Typorama est un « objet visuel non identifié » qui anime les répliques cultes du cinéma. De « Blade Runner » à « Amadeus », en passant par « L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux » ou « La Nuit du Chasseur », les auteurs de Typorama mettent en image, à leur sauce, ces répliques qui ont sublimé le 7ème Art et rendent ainsi hommage à ces films qui ont marqué à jamais l’imaginaire collectif.
« Ah mon petit gars, tu regardes mes doigts ! Aimerais-tu que je te raconte l’histoire de la droite et de la gauche ? L’histoire du bien et du mal. Ca, c’est la haine. C’est avec cette main gauche que le frère Caïn tua Abel, qui était aimé de Dieu. Ca, c’est l’amour. Voyez ces doigts, cher coeur ? Ces doigts ont des veines qui les relient à l’âme humaine. L’amour, c’est cette main, c’est la main droite. Regardez, c’est là l’image de la vie. Ces doigts, cher coeur, sont toujours en lutte les uns contre les autres. Regardez-les ! »
La réplique culte de « La Nuit du Chasseur », le seul et unique film de Charles Laughton, datant de 1955, mise en image dans Typorama, ça donne ça…
Avec Typorama, nos auteurs mettent en dessin les scènes et les répliques cultes du cinéma. A retrouver chaque semaine sur la chaîne YouTube ARTE Cinéma.