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  • The Neon Demon : Belles de Nuit

     

     

    Avec « The Neon Demon » sorti en 2016, Nicolas Winding Refn n’a définitivement pas fini de magnifier nos cauchemars en susurrant à l’oreille des démons…

     

    Depuis la sensation « Drive », ses scènes d’action ultra-violentes et l’hyper masculinisation de Ryan Gosling, arborant un blouson avec un scorpion brodé au dos, puis avec la castration du même Gosling dans « Only God Forgives », son film suivant dans lequel le héros blond à l’œil passablement vide devient le jouet de sa mère dans un Bangkok fantasmé, le réalisateur Nicolas Winding Refn n’en finit pas de brouiller les pistes et nos certitudes en des tours de passe-passe singuliers. Un glissement où la représentation absolue du mâle finit, avec ce dernier opus « The Neon Demon », par devenir une femme incandescente, souveraine et elle aussi toujours aussi dangereuse.

    Ces trois films forment ainsi une trilogie autour d’une réinvention des années 80, avec une esthétique, des motifs et un son empruntés à cette époque. A l’instar de Wong Kar Waï, Michael Mann, David Lynch, Brian De Palma, ou encore d’un Dario Argento, Nicolas Winding Refn se sert de ses illustres modèles pour à son tour livrer sa perception d’une idée ou deux qu’il utilisera comme prétexte afin de toujours nous raconter un peu le même film. « Drive » avec le polar, le film de vengeance, le cinéma. « Only God Forgives » avec le thème de la mafia, du film noir. Quant à « The Neon Demon », il nous parle du monde de la mode, de la beauté comme vecteur de ce milieu, de la jeunesse comme Nivarna à reculons, de vampirisme, de cannibalisme et de cinéma d’horreur. Des thématiques que le réalisateur de la trilogie « Pusher » va décliner comme autant de reflets et d’éclats de miroir.

    « The Neon Demon » n’est cependant pas une critique de la mode, de son monde ou de ses représentations, pas même encore une vision de la femme, de l’argent, des apparences, de notre société ou de son nihilisme. Non, c’est un trip étrange et maniéré, sophistiqué à l’extrême, sidérant, somptueux, où y apparaissent dans des ambiances toujours plus 80’s les fantômes de films cultes de cette époque. « Looker », « Suspiria », « Les Prédateurs »… Los Angeles est le parfait écrin pour signifier la ville ultime de tous les pêchés, tel un aimant à fantasmes, à désir et à mort. Ville monde-cimetière où des harpies mettent en charpie pour s’en repaître d’innocentes victimes qui découvriraient trop tard ce qui exalte la beauté.

    Si le réalisateur danois de Branson exhume autant de splendeurs cinématographiques venant des eighties, en les agitant sans vergogne dans ce film en un patchwork stylisé, il sait qu’il n’abîme ni ces modèles d’antan, ni ce qu’il tricote aujourd’hui. Le tout forme un poème visuel et vénéneux, une ode fait de lumière aveuglante et d’ombres inquiétantes. Mais en aucun cas, on nous sert un film prétentieux ou poseur. Paradoxalement, il s’agirait plutôt pour Nicolas Winding Refn de son film le plus drôle et le plus léger de toute sa filmographie.

    Le score de Cliff Martinez (probablement l’un de ses meilleurs depuis celui de « Solaris ») hypnotise les images. Là aussi, le compositeur de « Drive » et « Only God Forgives » convoque toutes les sonorités 80’s, électroniques, inquiétantes et luxuriantes, rappelant ainsi Tangerine Dream, Vangelis, Carpenter. Des sonorités flottantes au grès des scènes, comme des îlots… « The Neon Demon » est un archipel perdu dans cet océan amniotique, mais sans eau. Juste du sang. Un sang convoité par des bouches avides et cruelles.

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dévoreur Hubertouzot

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images

     

     

     

  • KissKissBankBank a 10 ans !

     

     

    Le 06 mai 2019, KissKissBankBank fêtait ses dix ans ! Dix ans de créativité, de solidarité et d’innovation. Vincent Ricordeau, cofondateur et président de KissKissBankBank, revient sur la création du site, sa construction et son développement. Bienvenue dans les coulisses !

     

    2007. « Tu connais Myspace ? » Cette question a changé le cours de ma vie. Deux ans plus tard nous lancions KissKissBankBank : désormais les créateurs en tout genre pourront financer leurs projets directement avec le public. Vive le crowdfunding !

     

    2009-2019. Dix ans… Une tranche de vie. KissKissBankBank est une fabrique à optimisme. Un atelier permanent de créativité collective. Une usine à confiance en soi. KissKissBankBank a eu plus d’impact sur moi que l’inverse. Je sortais d’un univers professionnel individualiste, cupide et violent. Vendre comme profession de foi. Je m’y sentais bien. Pourtant j’en suis sorti épuisé humainement. Je sonnais vide, creux, métallique. Je crois que KissKissBankBank a sauvé mon âme. Et pourtant, quelle aventure !

    Une utopie comme ligne directrice. Un marché vierge. Un entourage circonspect. De la malveillance, parfois. Du soutien aussi. Entreprendre, c’est sauter d’une falaise en construisant son parachute pendant la descente. Si tu as le bon réseau, tu trouves des fonds pour financer ton projet. Six mois de négo. Pour nous, ce sera XAnge Private Equity.

     

    Septembre 2009. Ça y est, on démarre. Débuts très difficiles. Bigre, le cash file à toute vitesse. Huit mois. On n’a encore rien montré. Les caisses sont vides. On arrête ? Jamais ! XAnge remet au pot, sinon ils perdent tout. Comme nous. Ca passe. Juste juste.

     

    Septembre 2010. Un an. Personne ne comprend où nous allons. Nous non plus. On n’est sûrs de rien. On pédale, c’est tout. Après la musique, KissKissBankBank s’ouvre à tous les secteurs culturels et associatifs. Des dizaines de conférences. Partout en France. Cours, Forest, cours. Des myriades de rendez-vous chez les producteurs, les labels, les éditeurs, les tourneurs…

     

    « Quoi ? nos artistes devraient faire la manche sur Internet ? Sûrement pas. »

     

    2011. Heureusement, ça commence à marcher chez les artistes indépendants. Respire. L’économie collaborative envahit les médias et les soirées bobos. Notre page Facebook frémit. Enfin. Les chiffres augmentent. Merci « Télématin ». Miracle. Croissance à 2 chiffres, puis à 3 chiffres. Grisant. Fascinant.

     

    2012. Trois ans. On entre dans le Top 10 des marques les plus sexys du Web français. Pur bonheur ! Mais notre marché est trop petit. Il faut se diversifier. Allez, invente ! Alors on monte une plate-forme de prêts solidaires pour les entrepreneurs, Hellomerci. Pas assez rentable. Bon, d’accord. Invente encore. Et si on investissait notre épargne dans l’économie réelle en prêtant directement aux entreprises françaises ?

    Attention, ici c’est le pays du monopole bancaire. Touche pas au grisbi. Dix-huit mois de lobbying. Bercy, puis l’Elysée, puis Bercy. Puis Bercy, encore et encore. Et paf, le monopole bancaire. Alors, on lance une nouvelle plate-forme, Lendopolis. La troisième en cinq ans. Ventile, ventile.

     

    2015. Des statuts réglementaires, tout beaux tout neufs. Fini le temps des utopies. Dans le nouveau monde régulé du crowdfunding, on parle de fonds institutionnels, de classe d’actifs, de société de gestion. Fichtre. Bienvenue dans le monde des fintech. Aie. Il faut relever des fonds. Déjà ? Oui. Beaucoup ? Oui. Grosse concurrence. On est armé d’Opinel alors que les autres attaquent au bazooka. On a besoin d’air frais. Allez, souffle. Souffle encore.

     

    2017. Réfléchissons : Nous avons huit ans maintenant et deux très belles marques. Nous sommes devenus bankables. La Banque Postale nous fait des appels du pied. Nous serions encore plus forts avec eux. Alors, on vend ou pas ? Soyons honnête, ça a toujours été un des scénarios envisageables. Il nous faut un nouvel élan. Allez, on y va, c’est le moment. On vend.

     

    2018. Alors heureux ? Oui, bien sûr, mais comment dire ? T’as déjà laissé tes fenêtres ouvertes en plein mistral ? Et ben, ça ressemble à ça. Ca secoue pas mal à tous les étages. Ta boîte ne sera plus jamais la même. C’est le jeu. T’as vendu, t’as vendu. Mais bon, globalement, ça se passe bien. Allez, inspire. Expire.

     

    Vincent Ricordeau, cofondateur et président de KissKissBankBank & Co.

     

     

     

  • Pierre Desproges (1939-1988) : « Je ne suis pas n’importe qui »

     

     

    Pierre Desproges, disparu en 1988, aurait eu quatre-vingts ans le 09 mai 2019. Inclassable trublion, spécialiste des blagues potaches, éternel gamin dans la vie de tous les jours, roi de la provocation, père attentionné, amateur de bon vin, travailleur acharné, écorché, grand pessimiste, bon vivant… Pierre Desproges surprend par ses multiples facettes, parfois contradictoires.

     

    Mort en pleine gloire voilà trente-et-un ans, Pierre Desproges nous parle toujours… Bien-sûr, certains textes, très liés à l’actualité, ont vieilli. Mais tant d’autres, qui traitent de thèmes universels et chers à l’humoriste, résonnent encore aujourd’hui.

     

    « Tout dans la vie est une affaire de choix, ça commence par la tétine ou le téton, ça se termine par le chêne ou le sapin. » (Textes de scène, Éditions du Seuil)

     

    Chercher à raconter la vie de Pierre Desproges : c’est une gageure. Comme le rire qui résiste obstinément à toute tentative de définition, l’homme ne se laisse pas enfermer facilement dans une case. Difficile en effet de faire l’inventaire de l’œuvre d’un cinglant lettré, d’une personne au parcours atypique ; d’un homme qui fustigeait les bonnes consciences, de son personnage misanthrope et antihumaniste qui lui permettait d’aller très loin. Mais qui était vraiment Pierre Desproges, qui, aujourd’hui encore, continue d’être considéré comme une référence ? Comment expliquer sa modernité et sa singularité ?

     

    « La culture, c’est comme l’amour. Il faut y aller par petits coups au début pour bien en jouir plus tard. » (Réquisitoire contre André Balland, Éditions du Seuil, Tôt ou Tard)

     

    Le meilleur moyen de partager la vie et l’œuvre de Pierre Desproges est de faire entendre une série de points de vue qui suggèrent l’homme à différents moments de sa vie. De la guerre d’Algérie à la Madeleine, du Petit Rapporteur au Théâtre Fontaine, de l’écriture au cimetière du Père-Lachaise, ce documentaire invite à déambuler sur les différents territoires de Desproges. Il remonte le temps pour découvrir Pierre Desproges à travers celles et ceux qui l’ont côtoyé : sa fille, Perrine ; Jacques Catelin, son ami de jeunesse ; Francis Schull, son collègue au quotidien l’Aurore ; Jean-Louis Fournier, réalisateur attitré et complice ; Yves Riou, l’ami humoriste.

     

    « Je me heurte parfois à une telle incompréhension de la part de mes contemporains, qu’un épouvantable doute m’étreint : suis-je bien de cette planète ? Et si oui, cela ne prouve-t-il pas qu’eux sont d’ailleurs ? » (Chroniques de la haine ordinaire, Éditions du Seuil)

     

    Ces témoignages révèlent une personnalité sans concession, angoissée et complexe, à laquelle font écho ses thèmes de prédilection. Des sujets les plus universels (la vie, l’humour et le rire, l’écriture, l’amitié et l’amour, la mort, le racisme) aux plus singuliers (les cintres, les cons, les coiffeurs, la maladie), qui se confondent dans la vie de homme, et dans l’œuvre de cet artiste aux talents protéiformes.

     

    « Humoriste, c’est un mot grave et prétentieux comme philosophe ou spécialiste : je ne suis pas un spécialiste de l’humour. C’est par humilité que je ne veux pas être humoriste. En revanche, c’est par vanité que je ne veux pas être comique. Un comique, c’est un type qui a le nez rouge, qui pète à table, qui se met une fausse barbe : ça me glace totalement. Ce sont des mots impropres. Pareil pour « écrivain », je dirais plutôt écriveur. Parce qu’écrivain, c’est à la fois outrecuidant et trop incisif. » (Libération, 3 mars 1986)

     

    Il ne suffit pas d’être heureux. Encore faut-il que les autres soient malheureux… Trente-et-un ans après sa mort, portrait intime par ses proches d’un homme tendre et angoissé, à l’humour sans ambiguïté ni concession : « me courber me fait mal au dos. Je préfère rester debout ».

     

    « J’ai le plus profond respect pour le mépris que j’ai des hommes. » 

     

    Article et Documentaire signés Romain Masson pour France Culture (février 2018)

     

     

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    Une émission de Romain Masson, réalisée par Anne Perez-Franchini – Prise de son : Yann Fressy, Ollivia Branger – Mixage : Claude Niort – Archives INA : Arnaud Plançon – Liens internet : Annelise Signoret.

    Archives PMP Productions (Perrine Desproges) : Spectacles au Théâtre Fontaine (1984) et au Théâtre Grévin (1986), réalisés par Jean-Louis Fournier. Archives INA – 30 millions d’amis, « Les animaux extraordinaires de Pierre Desproges », TF1, le 8 novembre 1979 – ​Boîte aux lettres​​​, Jérôme Garcin​, FR3, le 26 juin février 1983 – Mardis du théâtre, Lucien Attoun, France Culture, le 25 novembre 1986.

     

    Remerciements

    Hélène Desproges, Jérôme Garcin, Marie-Ange Guillaume, Nina Masson, Myriam Nguyen, Philippe Pouchain, les Editions du Courroux, PMP Productions, Les Jardins du Marais.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges –  Je vais être sincère…  (Entretien publié dans Les Inrocks le 29 novembre 1995)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges interviewe Françoise Sagan pour le Petit Rapporteur  (Novembre 1975)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Entretien au coin du feu  (Archive INA, 12 mars 1977)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Chaîne spéciale Desproges sur Dailymotion

     

     

     

  • Rick Owens : La Prophétie

     

     

    Après les années 80/90 et l’avènement de cette nouvelle génération de créateurs minimalistes appelée « Anti-Fashion », d’abord Japonais puis Belges, Coréens et même Américains (Yohji Yamamoto, Ann Demeulemeester, Raf Simons, Alexander Wang, Tom Brown), ces vagues successives de talents, qui ont repensé le vêtement en lui donnant du sens, se sont soit essoufflées courant des années 2000, soit diluées dans leurs propres figures de style. Désormais, parmi tous ces labels, surnagent toujours ici et là des étincelles, des fulgurances, mais la magie semble elle s’être bel et bien évaporée.

    Et c’est aussi sans compter avec ce nouveau règne des communicants et divers grands groupes comme LVMH pour enfoncer le clou, en proposant depuis la fin des années 90 de nouvelles tendances ennuyeuses, falotes, sans prise de risque, qui se contentent de reproduire à l’infini des déclinaisons de formes et de styles qui uniformisent toujours un peu plus le paysage de la mode. La petite veste, les petites chaussures, la petite robe, la petite cravate, le pantalon comme ça, avec le petit détail là… Des directeurs artistiques interchangeables qui ricochent de maisons jadis prestigieuses en autres noms récupérés au service du vide et de la fatuité.

     

    A contre-courant total, l’Américain Rick Owens, qui a étudié la mode à Los Angeles, se fraye un chemin pour venir proposer dès 1994 un retour aux sources, avec des lignes radicales, pures, extrêmes. En 2001, il s’ouvre à l’international et sa marque prend alors une nouvelle tonalité, une nouvelle dimension.

     

    Au premier abord, la silhouette Rick Owens se doit d’être futuriste. Impression renforcée lors des défilés qui baignent dans des ambiances bétonnées, froides, énergiques, saccadées, syncopées et rythmées par une bande son électro-transe engourdie d’infra-basses. Silhouettes malingres de mannequins, qui d’un pas rapide souhaitent à peine être vues. Chaussées d’énormes souliers d’inspiration militaire, les silhouettes furtives déambulent, drapées dans des habits fluides, altiers et élégants. Volumes et paradoxes, contradiction et choc… A y regarder de plus près, ces formes, ces allures, renvoient aussi et surtout à un monde du passé, loin, très loin… Une époque Babylonienne. Lorsque l’homme portait la robe et inspirait dans le même temps une impériale masculinité. Les bras dégagés, forts, dessinés, arborant bracelets et bijoux de métal brut. Rick Owens rappelle lui-même cette silhouette antique. Des temps consistant pour les historiens en des sommets de civilisation, juste avant que les religions monothéistes ne s’installent durablement et apportent leur lot de ruines.

    Rick Owens, en parfaite adéquation avec ce qu’il fait, arbore quant à lui une longue chevelure de jais. Son regard est doux et intense à la fois, marque de tous ceux nés sous un signe d’eau, et plus précisément en ce qui le concerne celui du Scorpion. Le style de ses vêtements et de ses accessoires marie cette même intensité et cette même douceur. Le corps se montre car il est sacré. La chair est belle car elle est notre représentation sur terre et le monde tangible de la matière. Mais l’esprit n’est jamais loin. Il flotte au dessus, partout, et il est doux, bienveillant. Il célèbre le corps et doit aussi le protéger. Dans certaines formes des vêtements du Californien mystique, il y a cette notion de protection. Des cocons, voire même des maisons avec des toits nous protégeant des cieux, des dieux et de leurs colères.

     

    Rick Owens semble prophétiser notre avenir. Celui qui ne laissera guère de place pour les plus faibles d’entre nous…

     

    Ce que certains prennent pour de l’outrance n’est chez lui que pure poésie. Et ce que d’autres pressentent comme premier degré et grandiloquence ne voient pas l’infinie délicatesse de ce regard perçant posé sur le monde. Un regard inquiet mais lucide. Savoir comprendre et bien s’entourer… Michèle Lamy, son épouse, est celle qu’il considère comme son égérie, sa muse, quand cet exact contraire semble apporter toute la dose de mystère et de mysticisme qui confère à la Maison Rick Owens cette étrange patine, cette impression sacrée et païenne à la fois. C’est le styliste Panos Yiapanis qui depuis 2003 modélise et concrétise les visions du plus gothique des Américains à Paris.

    Rick Owens est peut-être une synthèse de trente années de mode radicale et anticonformiste, mais il se garde bien de vouloir plaire à tout prix ou de désirer flatter son auditoire. Il est la jonction entre deux mondes parallèles, là même où les époques s’emboîtent, telles des pièces de cuir ou de tissu, comme autant d’oracles. Et l’avenir y est inscrit…

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dévoreur Hubertouzot Photographe

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images

     

     

     

  • Charlie Chaplin, le Rythme dans la Peau

     

     

    Le 130ème anniversaire de la naissance de Charlie Chaplin donne lieu à d’innombrables commémorations de par le monde. En France, dix de ses films ressortent en salle, de « La ruée vers l’or » aux « Temps Modernes », ainsi qu’une compilation de ses meilleures bandes originales, toutes composées par lui-même. Le réalisateur et acteur, mort en Suisse en 1977, aura créé des oeuvres majeures, mêlant humour, poésie et parfois même politique, alliés à un exceptionnel sens du rythme.

     

    Icône absolue du muet, 42 ans après sa mort, Charlie Chaplin reste le personnage de cinéma le plus mythique au monde. En 65 ans de carrière, cet entrepreneur touche-à-tout aura joué, réalisé, scénarisé et produit plus de 80 films. Et il en a aussi composé les musiques… Car ce qu’on oublie parfois, c’est que l’acteur britannique avait le rythme et la mélodie dans la peau… Ce qui lui valut, en plus des deux Oscars d’Honneur, un troisième pour la musique de son film « Les Feux de la Rampe » en 1952.

     

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    « Les Feux de la Rampe » (titre original : « Limelight »), avec Charles Chaplin, Claire Bloom et Buster Keaton, est le chef d’œuvre testamentaire de Charlot, redevenu Chaplin pour l’éternité… Le final est d’une beauté poignante avec la gracieuse Claire Bloom, ballerine tournoyant au son des accords nostalgiques de la mélodie « Limelight » composée par Chaplin lui-même…

     

    « Ses deux parents étaient chanteurs, et n’ayant pas beaucoup d’argent, ils traînaient leur petit partout. Très jeune, Charles intégra la Eight Lancashire Lads, une troupe de danseurs à sabots composée de huit petits garçons. » (Kate Guyonvarch, directrice du Bureau Chaplin)

     

    Avec ses premiers cachets, Charles Spencer Chaplin s’achète donc un violon, puis un violoncelle, qui ne le quitteront plus… Dès qu’il a un moment, il s’entraîne en coulisse, en espérant un jour pouvoir en tirer un revenu complémentaire.

     

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    « Chaplin avait une oreille incroyable. Ça saute aux yeux, ou plutôt aux oreilles, dans le discours du « Dictateur ». Il a créé pour le film une langue qui ressemble de très près à de l’Allemand, mais qui n’en est pas. » (Kate Guyonvarch, directrice du Bureau Chaplin)

     

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    Comme Chaplin ne sait ni lire ni écrire la musique, il s’entoure d’arrangeurs professionnels qui retranscrivent ses compositions instinctives sur partition. Il n’est jamais allé au Conservatoire, et pour cause… Chaplin, son école, c’est l’école de la rue. Alors, les mélodies qu’il imagine donnent finalement une musique qui vit, qui vibre au même rythme que son jeu à l’écran et sa manière de faire du cinéma.

     

    « Quand Chaplin avait une scène en tête, il savait très précisément ce qu’il voulait entendre à ce moment, pour soutenir et accompagner cette scène. Lorsqu’il disait à l’orchestre qu’il voulait que ce soit joué de cette façon, et que les musiciens tentaient de lui expliquer que ça ne pouvait pas se jouer comme ça, Chaplin pouvait avoir tendance à s’agacer et à exiger que ce soit joué comme il le souhaitait… » (Kate Guyonvarch, directrice du Bureau Chaplin)

     

    Le pire de tout cela, c’est que lorsqu’il s’agissait de musique, Chaplin avait souvent raison… Car il avait non seulement un sens inné de la composition, mais aussi du rythme. Son jeu s’appuyait sur une chorégraphie millimétrée ; un savant mélange d’humour et d’émotion. Cette rythmique passait déjà par son propre corps, ainsi que par les éléments ou les accessoires qu’il était amené à utiliser pour cadencer chaque scène. Charlot sur la chaîne de montage dans « Les Temps Modernes » (1936), Charlot face au policier dans « Le Kid » (1921), Adenoïd Hynkel dansant avec la mappemonde dans « Le Dictateur » (1940), et évidemment la danse des petits pains dans « La Ruée vers l’Or » (1925), qui reste sans doute l’exemple le plus emblématique…

     

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    Charlie Chaplin jouait avec tout ce qui pouvait lui tomber sous la main, des personnages au cadrage, en passant par la musique ou les mouvements de son propre corps à l’écran. Mais tout était réalisé en contrôle, et réglé au cordeau. En 1916, le grand danseur Nijinski est invité par Chaplin à assister au tournage d’une scène de l’un de ses films. A la fin de la prise, Chaplin demande à Nijinsky ce qu’il en a pensé, et Nijinski lui rétorque : « Mais vous n’êtes pas un acteur… Vous êtes un danseur ». Cette rencontre inspira à Chaplin son film « Une idylle aux champs » (Sunnnyside, mai 1919).

    Chaplin danse, compose ; il ne lui manque plus que la parole. Mais il faudra attendre encore près de dix ans après l’avénement du cinéma parlant pour entendre le son de sa voix… La première fois qu’on entend la voix de Chaplin, c’est en 1936 dans « Les Temps Modernes », pourtant considéré comme le dernier film muet de sa filmographie, et d’ailleurs le dernier film dans lequel apparaît le personnage de Charlot.

    Chaplin a composé une mélodie pour le film, « Je chercher après Titine, … ». Cette scène donnera un sketch évidemment hilarant, dans lequel Charlot opère sa métamorphose, en devenant non seulement chanteur, puisqu’on entend pour la première fois le timbre de sa voix, mais aussi musicien et pantomime. C’est avec ce film qu’on découvre que Chaplin n’est pas simplement un acteur, mais un tout…

     

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    Avec l’épilogue des « Lumières de la Ville » (1931), Charlie Chaplin prouve au 7ème Art qu’il règne aussi en maître sur le mystère de nos émotions.

     

    « Je défie n’importe qui de regarder cette scène, même s’il n’a pas vu le film en entier, sans avoir la larme à l’oeil, tant le violon appuie magnifiquement la scène. Chaplin a atteint une telle perfection dans tous les domaines qu’il parvient à contrôler toutes nos émotions… » (Kate Guyonvarch)

     

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  • Les 80 ans de la Retirada

     

     

    Le Mémorial du Camp de Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales présente, dans le cadre des commémorations du 80ème anniversaire de la Retirada, une grande exposition consacrée au photographe suisse Paul Senn, qui a suivi au plus près la guerre civile espagnole et l’exode de centaines de milliers de personnes vers la France.

     

    S’il est célèbre dans son pays, son travail sur la Guerre d’Espagne l’est beaucoup moins. Pourtant, les clichés de Paul Senn (1901-1953) livrent un témoignage fort sur le conflit et sur la Retirada, l’exode vers la France en 1939 de milliers de femmes, d’enfants et d’hommes fuyant face à l’avancée des troupes de Franco.

    Nous sommes donc à la fin de la guerre civile en Espagne, en janvier et en février 1939. Les réfugiés, ceux qui ont survécu à l’épuisement, à la dénutrition et aux mitraillages de l’aviation, seront accueillis côté français puis le plus souvent internés dans des camps : Argelès-sur-Mer, Rivesaltes… C’est ce drame collectif qu’illustre Paul Senn à travers ce témoignage exceptionnel constitué de 1200 photos.

     

    « Il est arrivé avec les convois de l’aide suisse, explique Markus Schürpf, le conservateur de la collection Paul Senn. Et il est revenu plusieurs fois avec ces convois. Il a photographié toutes ces situations dramatiques dans différentes villes de la région. »

     

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    Portraits bouleversants

    Au Mémorial du camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), c’est le rendez-vous de l’émotion et du souvenir pour ceux de la Retirada. L’histoire de 475.000 personnes, très majoritairement des républicains espagnols et des civils fuyant, le plus souvent à pied, dans le vent glacé de la montagne pyrénéenne, l’inexorable avancée de l’armée de Franco après la chute de Barcelone. Depuis janvier, des commémorations se tiennent tout au long de la chaîne des Pyrénées.

    Regards hagards, visages émaciés, les clichés de Paul Senn nous feraient presque ressentir la peur, le froid et la détresse de ces milliers de réfugiés obligés de fuir leur pays qui s’apprête à basculer dans la dictature. Des réfugiés espagnols que Senn retrouvera au Camp de Rivesaltes trois ans plus tard, en 1942, où certains ont été internés au côté de Juifs et de Tziganes par le régime de Vichy. Il réalise alors une série de photos bouleversantes au plus près de la souffrance.

     

    « Mon père était de la Retirada. Il a passé la frontière au Perthus et il a séjourné au camp d’Argelès. Quand on regarde les photos de Paul Senn, on sent qu’on y est, qu’on est au milieu de ces malheureux qui fuient l’Espagne. Et quand il photographie le camp de Rivesaltes, on ressent dans son corps la Tramontane glacée. On a froid dans le dos… Paul Senn photographie de très près, et ça le rapproche de Capa, à mon avis. » (Michel Lefebvre, journaliste au Monde et commissaire de l’exposition)

     

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    Sous le nom « Des Espagnols dans les Camps », l’exposition de Paul Senn est également itinérante. Constituée de 14 portraits accompagnés de témoignages de réfugiés, elle est présentée dans les 13 anciens lieux d’internement de la région.

     

    Dans la grande salle, Herminia Gallart, native de Valence en Espagne, sèche ses larmes. Elle vient tout juste d’éclater en sanglots. « Trop d’émotion », dit-elle. « C’est une partie de l’histoire de l’Espagne qu’on a totalement occultée pendant toutes ces années. Cette souffrance qu’on ne souhaitait pas reconnaître, surtout pas. »

    « Les cicatrices sont encore ouvertes, vous savez. Et cette exposition, c’est sans doute le meilleur moyen de les refermer ». Son grand-père aurait pu faire partie des marcheurs de février 1939 mais il est mort en détention. « Quatre-vingts ans après tout ça, on se sent encore marqué par cet événement majeur, les premiers réfugiés de notre ère » ajoute Elisabeth Lagrange, qui reviendra à Rivesaltes pour « tout voir » et ne rien oublier.

     

    « Tout voir »… Comme Paul Senn lui-même, qui dans le sillage de l’ONG suisse Ayuda Suiza, sillonna les chemins de la Guerre d’Espagne en 1937, de la Retirada en 1939 et des camps en 41-42. C’est lui qui, le premier, avait découvert et immortalisé la maternité d’Elne (Pyrénées-Orientales), administrée par Élisabeth Eidenbenz, jeune institutrice suisse qui sauvait les bébés à naître des mamans de la Retirada.

    « Il s’attachait à capter les regards, surtout ceux des enfants. Et il n’oubliait jamais de revoir ceux qu’il avait photographiés », indique encore Markus Schürpf, l’archiviste de Paul Senn qui a recensé 1600 reportages publiés en vingt-trois ans de photographie. Ce qui donne, en parallèle à l’exposition de Rivesaltes, une passionnante rétrospective à Perpignan. Pour que le pays catalan jamais n’oublie les souffrances des réfugiés dans les cols verglacés de cet hiver 1939…

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Exposition « Paul Senn, un photographe suisse dans la Guerre d’Espagne »

    Du 3 Février au 30 Septembre 2019 au Mémorial du Camp de Rivesaltes

    Commissariat : Markus Schürpf et Michel Lefebvre

     

     

     

  • Laurel et Hardy, la mécanique du rire

     

     

    Voici l’histoire du plus grand duo comique de tous les temps. Le film « Stan & Ollie » sorti en mars 2019 revient sur cette période durant laquelle, après s’être séparés quelques années plus tôt, les deux acteurs, le gros et le maigre, entament une tournée en Angleterre pour relancer leur carrière. Formé en 1927, le couple va connaître son apogée dans les années 30 et 40. Serge Bromberg, grand spécialiste du cinéma muet, nous aide à décrypter les ressorts de l’humour de Laurel et Hardy.

     

    « C’est incroyable d’avoir toujours autant de succès en utilisant toujours les mêmes vieux gags. »

     

    Et effectivement, même aujourd’hui, ça fonctionne toujours autant… Avec l’excellent biopic « Stan & Ollie » qui retrace leur dernière tournée au Royaume-Uni en 1953, on redécouvre l’un des plus grands duos de l’histoire du cinéma. Décryptons donc la force comique du petit Laurel et du gros Hardy.

     

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    « Laurel et Hardy n’auraient décidément pas du se rencontrer… Le premier, Arthur Stanley Jefferson, dit Stan Laurel, est anglais. Il a fait ses classes sur scène dans la troupe de Fred Karno, où il est la doublure de Charlie Chaplin en Angleterre. En 1912, il arrive aux Etats-Unis, à l’occasion d’une grande tournée américaine de la troupe. Chaplin va abandonner cette tournée un an et demi plus tard, pour faire la carrière que l’on connaît. Quant à Laurel, il va rester sur scène avec Fred Karno pendant encore quelques années. » (Serge Bromberg, spécialiste du cinéma muet)

     

    « Avec Stan Laurel, c’est le côté anglais. Son pendant américain, c’est Oliver Norvell Hardy, qui était avocat de formation, mais qui adorait chanter, qui adorait le spectacle, et qui très rapidement a décidé de dédier sa vie, non pas au barreau, mais aux planches… » (Serge Bromberg)

     

    Avant de devenir Laurel & Hardy, les deux artistes se croisent à plusieurs reprises sur les plateaux de cinéma, notamment en 1921 dans « The Lucky Dog ». Et personne ne s’est rendu vraiment compte à l’époque de la magie qui pouvait se dégager de ces deux personnages… Mais il y a un homme qui deviendra important dans cette histoire, c’est Leo McCarey. Il était scénariste et réalisateur, de surcroît un grand gag man, et c’est lui le premier à sentir l’alchimie entre Stan Laurel et Oliver Hardy.

     

    « En 1926, Leo McCarey a l’idée d’associer pour la première fois les deux artistes, à l’instar d’autres associations plus anciennes, entre le clown blanc et l’Auguste, entre le gros et le maigre. Stan Laurel et Oliver Hardy forment désormais le duo Laurel & Hardy. » (Serge Bromberg)

     

    Laurel & Hardy vont porter l’art du cinéma comique, hérité directement de la pantomime, de ce que l’on appelle le « slapstick », à sa perfection absolue. Et ça a duré 25 ans. La formule qu’un critique célèbre a employée, c’est le « comique du déjà-vu et de l’attente satisfaite ». A savoir que si le public attend quelque chose, donnez-lui toujours ce qu’il attend… Laurel & Hardy vont exploiter cette recette au maximum. Ils vont donc dérouler leurs gags, on en connaît le rituel et on sait à l’avance que cette catastrophe qui va immanquablement tomber sur la tête du pauvre Hardy va se reproduire à de nombreuses reprises tout au long du film… Et ça, le public adore.

     

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    Le duo se forme donc à la fin de l’ère du cinéma muet. Les vedettes de l’époque se nomment Charlie Chaplin, Harold Lloyd ou encore Buster Keaton. Et contrairement aux deux derniers, Laurel & Hardy réussissent parfaitement leur transition vers le cinéma parlant, en devenant de véritables stars, au même titre que d’autres comédiens, parmi lesquels les Marx Brothers.

     

    « Laurel & Hardy ont eu l’intelligence de continuer dans le même genre comique, mais en ajoutant des dialogues. C’est à ce moment qu’intervient plus Stan Laurel, avec cet humour très particulier, très British, qui était l’esprit derrière la caméra et la tête du couple, en quelque sorte. » (Roland Lacourbe)

     

    Cela ne fait aujourd’hui aucun doute que Stan Laurel était de la même trempe que Buster Keaton, Harold Lloyd ou Charlie Chaplin. C’est un très grand, sinon le plus grand. Mais il faut admettre qu’avec cette association avec Oliver Hardy, Stan Laurel s’est peu à peu enfermé dans le seul rôle qu’il a finalement occupé au cinéma tout au long de sa carrière, et s’est inscrit dans une approche beaucoup plus « commerciale » que celle des autres grands comédiens de sa génération. Comme si l’immense génie comique de Stan Laurel s’était un peu perdu avec cette association…

     

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    « En réalité, disons les choses… Si Stan Laurel n’avait pas rencontré Oliver Hardy, il serait peut-être l’égal, voire supérieur à Charlie Chaplin. Cent ans plus tard, Laurel et Hardy sont toujours un couple de légende, intemporel et en même temps tellement actuel. Laurel & Hardy, ça n’est pas seulement un gros et un maigre qui enchaînent les gags devant la caméra ; ils sont les derniers détenteurs d’un art vraiment visuel et presque perdu aujourd’hui. » (Serge Bromberg)

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « Stan & Ollie » réalisé par John S. Baird, avec avec Steve Coogan et John C. Reilly

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « Laurel & Hardy, le meilleur » : coffret de 4 DVD disponible chez ESC Distribution

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « Laurel et Hardy, la véritable histoire » par Roland Lacourbe (Ed. de l’Archipel)

     

     

     

  • Michael Jackson, Retour à Neverland

     

     

    Nous avons lu beaucoup de papiers, vu d’innombrables images, entendu de terribles confessions, semblant vouloir étayer toujours un peu plus les théories sur la pédophilie présumée de Michael Jackson. D’abord en 1993 puis en 2005…

     

    Et puis ce documentaire sorti cette année, « Leaving Neverland », diffusé dans un premier temps sur HBO aux Etats-Unis et plus récemment chez nous sur M6, devait être un électrochoc pour enfin nous faire comprendre et admettre qui était vraiment Michael Jackson et ce qui se cachait de si abject derrière ce masque doux et souriant…

    Nul besoin, donc, de revenir en détail sur les agissements supposés du Roi de la Pop et sur ce qu’il aurait fait endurer à ses victimes. Rien ne nous est d’ailleurs épargné dans le film de Dan Reed, pour appuyer là où ça fait mal et ne laisser aucun doute sur sa culpabilité, mais il faut tout de même quatre heures au réalisateur pour marteler « cette vérité » et pour qu’elle finisse par rentrer de force dans les esprits. Lavage de cerveaux ?

    Ce film entièrement à charge a cependant pleinement rempli sa fonction et dans l’attente d’un éventuel nouveau procès, en tout cas déjà gagné son pari. A savoir dégoûter, révulser et choquer. A tel point que des stations de radio, voire même des pays entiers, ont préféré boycotter l’œuvre du chanteur.

     

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    Hystérie collective ? Ça y ressemble, en tout cas… Nous sommes habitués maintenant à ce genre de réactions de la part de foules à la versatilité terrifiante, dont le choix s’arrête sur un individu jadis encore sanctifié, pour le voir du jour au lendemain dégringoler de son piédestal, être inculpé puis condamné et finir sacrifié sur l’autel de la bonne conscience, afin d’espérer peut-être en échange une meilleure récolte, des pommiers en fleurs ou juste… quelques dollars. Mais dormez tranquilles, braves gens…

    Car ce qui se joue ici, c’est tenter ainsi, d’un simple claquement de doigt, d’effacer des cerveaux et de la surface de la terre quarante ans de chansons et de tubes ; c’est faire en sorte de gommer de la mémoire collective celui qui nous fit dresser les poils le fameux soir des Grammys Awards en 1984, lorsqu’il fit pour la première fois une démonstration du fameux Moonwalk sur son hit planétaire « Billie Jean »… La ficelle est un peu grosse, non ?

     

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    Mais il semblerait bien que cette fois, l’entreprise générale de démolition des icônes, en l’espèce du chanteur originaire de la petite ville de Gary dans l’Indiana, fasse piteusement « Sploutch »… Et ce révisionnisme n’a d’ailleurs pas l’air de vouloir vraiment prendre en France.

    A peine quelques semaines après la diffusion de « Leaving Neverland » que déjà l’édifice se fissure. Dan Reed admet finalement que l’un des deux intervenants aurait menti dans ses allégations. Dates, lieux et événements ne coïncideraient pas. La malveillance et l’appât du gain sont hélas bien meilleurs conseillers que la vérité et l’honnêteté.

    Michael Jackson, quant à lui, est sans doute mort deux fois. Il avait déjà un genou à terre en 1993, lorsque les parents de l’un de ses protégés l’avait accusé. Le procès en 2005, dont il sortira pourtant « blanchi », aura malgré tout achevé de le détruire de l’intérieur. Et plus rien ne sera jamais comme avant… Planera ensuite continuellement une brise de suspicion au-dessus de sa tête et les regards ne seront plus les mêmes.

    Mais alors, où sont donc les films, les dvd, les documents, les photos, toutes ces preuves qui attesteraient que l’ancien chanteur de la Motown avait bel et bien le visage de l’ogre qu’on lui prête ? Michael Jackson, ce Peter Pan, cet E.T parvenu à s’extraire de la fange et de la crasse originelle, aura fini par être rattrapé, englouti et digéré. Décidément, les gens hors norme, qui ne rentrent pas dans les cases, ont la vie dure ici bas.

    Sa place n’était pas faite pour vivre parmi nous. Reste à lui souhaiter un bon retour à Neverland…

     

     

     

  • Les 100 ans de Mogador

     

     

    Cette année, le Théâtre Mogador fête ses cent ans. Inspiré du Palladium de Londres, c’est une des plus grandes salles de spectacle de Paris, qui accueillit les revues de Mistinguett dans les années 30, puis le théâtre de Jérôme Savary, avant de devenir le temple de la comédie musicale à la Française dans les années 90. Aujourd’hui, Mogador héberge un spectacle de Broadway en version française, « Chicago ». 

     

    Le Théâtre Mogador, c’est cent ans de spectacle, et surtout cent ans de spectacles musicaux, de Mistinguett à Annie Cordy, de « Starmania » à « Chicago ». Une salle monumentale où les grandes comédies musicales de Broadway ou du West-End de Londres font aujourd’hui escale à Paris. Pas étonnant puisqu’on doit son existence à un producteur londonien, formé par l’inventeur du music-hall en personne, Charles Morton.

     

    « La création du Théâtre Mogador naît d’une belle histoire. Une histoire d’amour… Un impresario anglais, Sir Alfred Butt, décida de bâtir et d’offrir ce théâtre à son amoureuse, une danseuse française, Régine Fleury, qu’il découvrit lors d’un spectacle. Il lui fit donc cadeau de ce théâtre à l’Anglaise, constitué d’un seul bloc, sans poteau, ce qui vous permet de bien voir la scène, quelle que soit la place que vous occupez. » (Laurent Bentata, Directeur de Mogador)

     

    Pour concevoir Mogador, Sir Alfred Butt s’inspira d’un des théâtres dont il était propriétaire à Londres, le Palladium. Le premier nom du Mogador était le Palace Théâtre. Il est inauguré en 1919, avec une revue menée par la danseuse et maîtresse de l’homme d’affaires anglais. Un fiasco… Il finit par délaisser son amoureuse. Constatant que Butt avait pris ses distances suite à l’échec du lancement de son théâtre, elle en fit de même, de façon certes plus radicale, en se donnant la mort.

    Cette fin tragique n’a cependant pas porté malheur au théâtre parisien… A la tête du Théâtre Mogador à partir de 1925, les frères Isola vont marquer l’esprit du lieu. Prestidigitateurs, déjà propriétaires de l’Olympia et des Folies-Bergère à Paris, Emile et Vincent Isola vont imposer durablement le genre de l’opérette.

     

    « Les frères Isola ont toujours voulu investir et ils pariaient surtout sur de gros spectacles, avec toujours le souci d’en donner au spectateur pour son argent. les shows démesurément couteux qu’ils produisaient l’étaient souvent à fonds perdus, du fait du nombre d’artistes sur scène, des costumes et des décors somptueux. Mais c’est probablement ce qui a permis de faire connaître Mogador. » (Laurent Bentata)

     

    Tandis qu’au Moulin-Rouge, les revues étaient constituées de tableaux successifs sans véritable fil rouge, à Mogador, sous la direction des frères Isola, on assistait à de vrais spectacles, avec intrigues et rebondissements. Certaines pièces sont importées des Etats-Unis, telles que « No No Nanette », un classique qui sera repris plusieurs fois à Mogador entre 1926 et 1966.

     

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    Henri Varna va perpétuer l’héritage des frères Isola en prenant la direction du Théâtre Mogador entre 1940 et 1969. Sous sa houlette, Marcel Merkès et Paulette Merval forment le couple numéro un de l’opérette à partir de 1947, avec notamment « Rêve de Valse ». Après lui, le théâtre se cherche un second souffle. On peut y croiser Annie Cordy en « Hello Dolly » en 1972.

    C’est ainsi que Mogador commence à accueillir d’autres types d’événements artistiques au début des années 80, entre les concerts des Clash ou d’Higelin en 1981, jusqu’aux spectacles de Jérôme Savary. Le metteur en scène élira ainsi domicile à Mogador avec son « Cyrano de Bergerac » en 1983. Une grande dame est aussi passée par ici… Barbara. La chanteuse y fit d’ailleurs ses débuts comme choriste à 17 ans, dans la pièce « Violettes Impériales » de Vincent Scotto. Elle revient à Mogador en 1990, pour trois mois de concerts. Mogador était le théâtre de Barbara, et c’est grâce à elle qu’il fut classé monument historique.

     

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    Avec les années 90, c’est le retour aux sources pour le Théâtre Mogador, qui devient le repère parisien de la comédie musicale, entre « La Légende de Jimmy », « Les Misérables », « Cabaret », « Starmania » ou encore « Notre-Dame de Paris », avec un modèle de spectacle adapté spécifiquement aux goûts du public français, alliant des numéros musicaux et des tubes qui s’enchaînent.

    En 2007, la version française du succès mondial « Le Roi Lion » est présentée pour la première fois au Théâtre Mogador, ouvrant la voie à d’autres mastodontes tels que « Mamma Mia! », « Sister Act », « Grease » ou encore le légendaire « Cats » de Broadway. Un autre nom de comédie musicale emblématique s’étale aujourd’hui en grosses lettres au fronton du Théâtre Mogador, « Chicago, le Musical ».

     

    « Chicago a véritablement révolutionné Broadway. Ça n’est pas pour rien que ce spectacle est un record absolu de longévité. A l’époque où il fut créé, en 1975, le chorégraphe américain Bob Fosse jouissait déjà d’une énorme réputation, pour avoir mis en scène certains des plus grands succès de la comédie musicale. » (Laurent Bentata)

     

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    ✓ « Chicago, le Musical », mis en scène de Ann Reinking et Véronique Bandelier, jusqu’au 30 juin au Théâtre Mogador.

     

     

     

  • Le Festival de Cannes… à Orléans.

     

     

    C’est une idée pour le moins originale… Le Comité Jean Zay (Ministre de l’Education et des Beaux-Arts orléanais, à l’initiative de la création du Festival de Cannes en 1939) organisera en novembre 2019 la fameuse première édition du Festival, annulée à cause du début de la seconde guerre mondiale. 

     

    Les films sélectionnés à l’époque seront projetés à Orléans, parmi lesquels « Le Magicien d’Oz » avec Judy Garland ou « La Loi du Nord » avec Michèle Morgan. Un jury établira un palmarès, comme tous les ans sur la Croisette depuis 1946. 

    Assassiné en 1944, Jean Zay n’avait finalement pas pu voir son idée de festival de cinéma international devenir réalité. 

     

     

     

    Tout avait pourtant si bien commencé…

    En Septembre 1939, après plusieurs mois de discussions diplomatiques et de négociations économiques, la ville de Cannes est prête à accueillir son premier Festival international du Film. Mais ce qui aurait dû être un rassemblement cinématographique « du monde libre », pour contrer les dérives totalitaires ressenties à la Mostra de Venise de 1938, sera finalement rattrapé par l’Histoire…

    Un mois avant le début de la manifestation, les stars et les touristes commencent à affluer sur la Croisette. La MGM affrète un transatlantique avec, à son bord, les plus grandes vedettes américaines de l’époque : Tyrone Power, Gary Cooper, Douglas Fairbanks ou encore Norma Shearer. Louis Lumière, Fernandel et la Duchesse de Windsor sont également présents.

    Dans cette archive audio, Jean Zay explique les missions du Festival en devenir et expose le déroulé de la manifestation. Dîner d’inauguration, Nuit du Cinéma, Dîner de l’élégance et autres réjouissances sont au programme.

     

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    Le premier Festival International du film de Cannes est à la veille de son inauguration, les fêtes battent leur plein et les invités vivent au rythme de la Dolce Vita méditerranéenne. Le Palm Beach et les villas accueillent les touristes aristocrates et les illustres résidents Cannois. Le Comte d’Herbemont, chargé des festivités, prévoit un calendrier mondain pour la durée du Festival et, avant le début de la manifestation, organise une fabuleuse soirée à l’Eden Roc.

    La haute société se presse également au Bal des Petits Lits Blancs, gala caritatif au profit des enfants atteints de tuberculose. Ce soir-là, alors que Fernandel se prépare en coulisses, un violent orage éclate au-dessus de la Croisette, comme pour annoncer les événements aux portes de la France.

     

     

     

    1er septembre : invasion de la Pologne à la date prévue de l’inauguration du Festival

    D’abord retardé en raison des circonstances internationales, le Festival est officiellement annulé le 27 août 1939. En effet, la signature du pacte germano-soviétique le 23 août a sonné le glas des festivités et la ville a commencé à se vider aussi rapidement qu’elle s’était remplie. Le 1er septembre, date prévue de l’inauguration du Festival, les troupes allemandes envahissent la Pologne.

    Le 3 septembre, la guerre est déclarée. Les 26 films qui composent la Sélection 1939 ne rencontreront jamais leur public à Cannes. Seule projection à être maintenue en privé malgré la situation : « Quasimodo » (« The Hunchback of Notre-Dame ») de William Dieterle, pour lequel les Américains ont construit une reproduction de Notre Dame en carton-pâte sur la plage.

    En 1958, Philippe Erlanger, initiateur du Festival de Cannes, reviendra sur la gestation de la manifestation et le spectre de l’édition 1939 auprès de François Chalais, journaliste indissociable de la légende cannoise tant ses « Reflets de Cannes » ont forgé la mythologie de l’évènement.

     

    La Palme d’or 1939 décernée en 2002

    En 2002, Le Festival décide de rendre hommage à cette édition laissée dans l’ombre de son histoire. Sept titres de la Sélection de l’époque sont projetés, parmi lesquels « Le Magicien d’Oz » de Victor Fleming. Un Jury nommé pour l’occasion sous la présidence de l’écrivain Jean d’Ormesson et composé de Dieter Kosslick, directeur du Festival de Berlin, Alberto Barbera, directeur de Festivals en Italie (directeur artistique de la Mostra de Venise depuis 2012, la boucle est bouclée !), Lia Van Leer, directrice du Festival de Jérusalem, Ferid Boughedir, réalisateur tunisien et Raymond Chirat, historien du Cinéma, est chargé d’attribuer le Palmarès du Festival 1939.

    Avec 63 ans de retard, donc, la Palme d’or est décernée à l’unanimité à « Pacific Express » (« Union Pacific ») de Cecil B. DeMille, dont le titre fait écho au projet initial du Festival « de créer entre tous les pays producteurs de films un esprit de collaboration ». Non sans humour, le Jury rend également hommage « à deux espoirs féminins pour lesquels il forme des vœux chaleureux et confiants et auxquels il ose promettre une grande carrière, Judy Garland dans « Le Magicien d’Oz » (« The Wizard of Oz ») de Victor Fleming et Michèle Morgan dans « La Loi du Nord » de Jacques Feyder… »

     

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