Catégorie : Spectacle

  • La Comédie des Champs-Elysées, un ébranlement de la tradition

     

     

    Un ébranlement de la tradition. Voici comment, en 1913, un parisien aurait pu définir la naissance de ce curieux bâtiment, fruit de l’imagination des Frère Perret, qui abrite aujourd’hui le Théâtre, la Comédie et le Studio des Champs-Élysées.

     

    Première structure en béton armé dans une salle de spectacle, imposante façade de marbre blanc aux lignes épurées : l’édifice, véritable incarnation de la Modernité, pare les bords de Seine d’un style résolument Art Déco. Il faut dire que les plus grands ont concouru à en faire un lieu exceptionnel : Lalique, Vuillard, Bourdelle ou encore Roussel ont marqué l’endroit de leur génie.

    Moderne, la Comédie des Champs-Élysées le sera dès son inauguration en 1913 par Léon Poirier (neveu de Berthe Morisot). Elle révèle en effet son audace dès la fin de la guerre, avec le scandale de la pièce « Le Bœuf sur le Toit » de Jean Cocteau, sous la direction de Jacques Hébertot puis, sous celle de Firmin Gémier, avec la programmation d’auteurs étrangers tels que August Strindberg et sa pièce « Mademoiselle Julie ».

    Symbole de l’avant-garde dès 1922 quand débute l’ère Jouvet, la Comédie continue d’offrir au public de nombreuses pièces qui ont marqué l’histoire du Théâtre : c’est ici que « La Machine Infernale » de Jean Cocteau connaît son premier grand succès. C’est également à cette même époque que naît, sous l’impulsion de Louis Jouvet, le Studio des Champs-Élysées, ancienne galerie de peinture reconvertie en salle de spectacle à vocation de théâtre d’Art et d’Essai. Ce directeur aux trente-quatre pièces, vingt-neuf rôles et vingt décors ancre alors et pour longtemps l’identité du lieu.

    La Comédie se développe ensuite durant quelques années sous des directions brèves et variées (Jean Sarrus, Roger Capgras, Roland Pietri, Claude Sainval), poursuivant toujours la même mission : promouvoir et soutenir le théâtre d’essai. Cette vocation si chère à l’institution est notamment prépondérante sous la direction de Claude Sainval qui verra, dès 1948, Jean Anouilh créer nombre de ses pièces, pour la première fois, à la Comédie.

    Dès 1977, la relève est assurée et la Comédie poursuit sa mission d’excellence, de créativité et d’exigence. Les années Guy Descaux sont rythmées par les performances de comédiens de renom tels que Jean-Claude Brialy, Maria Pacôme, Lambert Wilson, Robert Hirsch. La salle Art Déco sera, quelques années plus tard, sous la direction de Jacqueline Cormier, le cadre de grands succès de Théâtre, notamment « Art », de Yasmina Reza, qui remporte deux Molière en 1995 et dont la renommée est aujourd’hui internationale.

    A partir de 1994, la Comédie, résolument avant-gardiste, s’anglicise sous l’impulsion de Michel Fagadau qui, en véritable connaisseur, programme et met en scène de nombreuses pièces du répertoire anglo-saxon afin de les faire connaître au grand public : Donald Margulies, Bernard Shaw, Agatha Christie, Andrew Payne ou encore Harold Pinter illustrent alors la ligne artistique de l’institution de l’avenue Montaigne. C’est en 2007 que sa fille, Stéphanie Fagadau-Mercier, directrice artistique du Studio des Champs-Élysées programme, pour la première fois, des spectacles à destination du jeune public.

    Depuis le décès de Michel Fagadau en février 2011, Stéphanie Fagadau-Mercier perpétue l’héritage d’un siècle de création théâtrale au sein d’une maison engagée pour la découverte, l’originalité, l’exigence et l’affirmation d’une vraie politique en faveur du Théâtre, dans ce qu’il a de plus vivant, de plus libre et de plus essentiel, prouvant ainsi le dynamisme d’une institution privée centenaire et qui s’efforce, depuis sa naissance, de présenter au public ses propres créations.

    De grands noms du théâtre s’y sont succédés tels que Jacques Hébertot, Louis Jouvet, Jean Anouilh, Jean Cocteau, Claude Sainval, Michel Fagadau, ainsi que des distributions remarquables tels que Pierre Brasseur, Jacqueline Maillan, Fabrice Lucchini, Catherine Frot, Mathilde Seigner, Robert Hirsch, Anny Duperey, Bernard Giraudeau, Jean Piat, Philippe Noiret, Jean Rochefort, Claude Rich, Michel Bouquet, ou encore plus récemment Gaspard Proust.

     

     

     

  • Gaspard Proust : Dansons Vite avant l’Apocalypse

     

     

    Gaspard Proust, le maître de l’humour noir, est de retour sur scène pour les ultimes représentations de ce « Nouveau Spectacle ». Son écriture millimétrée, son phrasé subtil et le regard ironique qu’il porte sur le monde qui nous entoure font de lui un humoriste singulier. Impertinent, cynique et corrosif, vous serez sensible à sa plume et à son humour ravageur.

     

    Que n’a-t-on pas entendu sur Gaspard Proust ? Impertinent, cynique, corrosif, brillant… Il se définit d’ailleurs lui-même comme un « cartésien désabusé » ! Une chose est sûre, dès ses premières apparitions sur scène, il a raflé la mise en conquérant un public depuis lors acquis à sa cause, au point de parvenir à devenir incontournable, sans pour autant être vraiment présent médiatiquement. Celui qu’on a longtemps considéré comme le fils spirituel de Pierre Desproges, n’épargnant rien ni personne, décoche des flèches acérées, l’air de rien, avec son allure de dandy désenchanté.

     

    « Gaspard Proust est dérangeant, sans concession, à l’aise plus que jamais dans son rôle de punk en habit de bourgeois. » (Le Monde)

     

    Petit-fils, par son père, d’une rescapée de Ravensbrück et d’un enrôlé de force dans l’armée allemande, Gašper Pust naît et grandit en république socialiste de Slovénie, avant de s’installer, à cause du travail de son père, en Algérie où il vit durant douze ans. Il y fréquente l’école primaire française d’Hydra, dans une atmosphère « à la Camus, mais pour de vrai ».

    En 1994, à la suite des attentats qui secouent Alger, il quitte le pays pour Aix-en-Provence où il finit sa terminale C dans une institution catholique. Il sort diplômé de la Faculté des Hautes Etudes Commerciales de l’Université de Lausanne et devient gestionnaire de fortunes en Suisse en 2000. Mais il réalise vite qu’il s’ennuie, ne voyant pas de finalité intéressante à ce travail qui n’est motivé que par l’argent. Il concède se sentir très loin de ce qu’il est vraiment…

    C’est alors qu’il perçoit un important bonus, qui lui permet de démissionner et de partir s’installer dans les Alpes, à Chamonix, pour s’adonner à sa passion, l’alpinisme. Il se met ensuite à l’écriture de textes humoristiques et débute sur scène en Suisse, puis à Paris.

    A l’instar d’autres humoristes qui se sont frottés à la vraie vie avant d’entrer dans la carrière, l’histoire de Gaspard Proust commence donc par un triple renoncement… Renoncement au socialisme, au passeport français et à la facilité obscène du monde de la finance. Ce qui dénote d’une intelligence vive, alliée à une lucidité implacable et un détachement face au monde qui l’entoure.

    Et c’est probablement la raison pour laquelle Gaspard Proust se permet tout. Ses plus fidèles aficionados savent que soir après soir, il va taper sans distinction aucune sur les hommes, les femmes, les catholiques, les juifs, les musulmans, les bourgeois, les bobos, les Parisiens, les riches, les pauvres, la gauche ou la droite. Ce qui devrait pourtant nous sembler grotesque et pathétique, Gaspard Proust parvient par son humour sans filtre à nous en amuser.

     

    [arve url= »https://www.dailymotion.com/video/x16gt6e » align= »center » title= »Gaspard Proust déclenche un fou rire en imitant François Hollande » description= »Gaspard Proust » maxwidth= »900″ /]

     

    Tout le monde en prend pour son grade, regarde son voisin, se pince pour y croire avant de s’installer dans un rire généreux et essoufflé par la rapidité avec laquelle cette fine gâchette de l’humour lâche ses coups. Gaspard Proust déteste les interviews et ne se sent bien que sur scène, même si ce n’est en fait pas vraiment lui qu’on vient y voir, « mais ce monstre que le public paie pour être dans la surenchère ».

     

    « Sur scène, il règne encore une vraie liberté, pour peu que l’on construise un truc cohérent et que les gens soient avertis de ce qu’ils vont voir. Mais, moi qui viens d’un pays communiste, une société où on doit tout le temps faire attention avant de s’exprimer m’inquiète. De ce point de vue, la France me fait parfois penser à l’ex-Yougoslavie. La seule différence est qu’on ne risque pas d’aller au goulag, mais qu’on risque plutôt une mort sociale. »

     

    Car Gaspard Proust s’agace qu’on ne puisse plus tout dire en France. Et c’est sûrement l’un des derniers humoristes à ne pas trop se brider de ce point de vue-là qui en fait le triste constat… Mais il s’en fout, il n’est pas Français et n’envisage plus de le devenir… « La France, ce n’est pas seulement une vague idée fumant au dessus de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Non, la France, c’est une réalité brute, c’est une terre, un peuple, une culture ; bref, un monde, avec sa musique, sa respiration. Tourmentée, diverse, fabuleuse. Mais aujourd’hui, je connais peu de personnes venant des pays de l’Est, et je ne parle même pas de nos amis suisses, qui voudraient du passeport français. Car un pays qui se méprise à ce point, qui s’incline devant tout, n’est plus attirant. Qu’est-ce qu’être Français aujourd’hui ? Sincèrement, moi, je ne sais plus ». Celui qui se dit qu’aujourd’hui Serge Gainsbourg « ne pourrait sans doute plus écrire une chanson comme « No Comment » », n’est « pas sûr que Voltaire reconnaîtrait son pays ».

    Alors, pour combattre ce recul de la liberté d’expression, il opte pour le « naturel ». Pour l’instant, il est l’un des rares humoristes à remplir encore les salles, mais il assure que le jour où ça ne marchera plus, « il y aura toujours quelque chose à en apprendre. Je ne recherche pas d’exposition ». Lui préfère compter sur le bouche-à-oreille pour gagner sa vie plutôt que « d’aller me vendre dans des émissions en disant : « Venez, c’est formidable ». Ce n’est pas dans ma nature ».

     

    [arve url= »https://vimeo.com/233271093″ align= »center » title= »Bande-Annonce du « Nouveau Spectacle » de Gaspard Proust » description= »Gaspard Proust » maxwidth= »900″ /]

     

     

    Loin des promos fracassantes, des affiches provocantes, des fixettes pathologiques d’humoriste engagé pétant dans la soie à la Christophe Alévêque ou des interviews larmoyantes façon Stéphane Guillon, vous savez, le gars né à Neuilly, qui critique tout mais qui court les plateaux télé pour expliquer tellement c’est dur de se faire licencier, Gaspard Proust est devenu un véritable phénomène. Son « Nouveau Spectacle », inauguré à la Comédie des Champs-Élysées fin 2016, a déjà attiré 300.000 spectateurs en 450 représentations.

    De retour Avenue Montaigne depuis octobre 2019, le comédien fait salle comble et annonçait au Point en novembre qu’il prolongeait la dernière version de ce seul-en-scène jusqu’en avril 2020. À l’heure où les humoristes font grise mine, il est l’un des seuls à remplir son théâtre. Et ses fidèles parmi les fidèles savent que, soir après soir, il se renouvelle, refuse les facilités et va déranger…

    Il souffle sur ce « Nouveau Spectacle » un vent de fraîcheur et de cynisme qui égalera, à n’en pas douter, le succès de son précédent spectacle, « Gaspard Proust Tapine ». Et nous pouvons faire confiance à son écriture millimétrée, à son phrasé subtil, au regard ironique qu’il porte sur le monde qui nous entoure. Tiens, si nous l’écoutions quelques instants parler des bobos-écolos Parisiens qu’il affectionne tout particulièrement…

     

    « J’ai bien davantage de respect pour les soixante-huitards qui ont eu les couilles d’aller dans le Larzac pour élever des chèvres. Ils ont eu du bon sens et ont surtout appliqué leur idéologie plutôt que faire des fraises en rooftop. Ce localisme de pacotille me fait doucement rigoler. Je trouve ça grotesque. Et on va nous expliquer que c’est écolo ! Quel rapport véritable à la nature peut-on avoir en vivant à Paris ? Est-ce que ces gens ont regardé une fois avec un œil neutre où ils habitaient ?

    Les écolos-urbains, c’est un oxymore. Ils ne comprennent rien à la nature. Ils pensent que faire de l’écologie, c’est arroser trois carottes qui poussent sous un arbre greffé sur un trottoir de la place Monge dans un atelier « écolo-participatif jardinatoire de vivre-ensemble urbain à composter ». Ils ne savent pas ce que c’est d’aller chercher du bois en forêt, de le couper, d’allumer un feu de cheminée. Ils vivent en apesanteur. Si ce n’était que ça, ça m’irait encore, mais, en plus, ils donnent des leçons de morale aux autres. Je veux bien qu’on m’apprenne la vie quand on la connaît. Faire des pistes cyclables au milieu des voitures : quel intérêt ? Il n’y a que d’un esprit malade que peuvent sortir de telles idées. Et le pire ? On en est fier. Ils font tous la course pour être le plus écolo. Dans quel but ? Transformer Paris en Creuse… Mais, allez-y dans la Creuse ! Allez au bout de votre raisonnement, repeuplez les campagnes ! Il y a l’embarras du choix. »

     

    Gaspard Proust, « Dansons Vite avant l’Apocalypse » !

     

    Comédie des Champs-Elysées, Paris
    Du 19 septembre 2019 au 25 avril 2020
    Durée : 1h30 environ

     

     

     

  • « Starouarz », ou comment Disney a transformé l’héritage de Lucas en un gros sac de Chamallows

     

     

    Si l’on osait la comparaison, l’empire de Mickey serait un gros globule blanc. Disney qui, depuis le rachat de Pixar en 2006, n’a de cesse que de phagocyter tout ce qu’il acquiert, nivelle tout ce qui devient sa propriété, pour proposer ensuite des produits de contrefaçon juste bons à servir eux-mêmes d’outils de communication, avec comme objectif ultime d’écouler du produit dérivé à la tonne.

     

    C’est d’ailleurs la même bonne vieille recette qui est utilisée depuis toujours par Disney pour ses parcs d’attractions, où pour cinq minutes de fun (je ne compte pas l’heure de queue avant…), vous êtes obligés de passer deux heures dans un supermarché de jouets et goodies, posé là, sur votre chemin vers la sortie, dans le seul but de vous faire les poches un maximum et d’engraisser toujours un peu plus toute cette cynique entreprise.

    Walt Disney n’a plus rien à dire, si tant est qu’il eut par le passé déjà quelque chose d’intéressant à raconter. Ou alors il y a bien longtemps… Car il est vrai que ce parangon de l’animation de long métrage, dite de prestige, s’est finalement fait rattraper par des concurrents bien plus pertinents, au début des années 80, comme Don Bluth, dissident et ancien collaborateur émérite de la souris gloutonne, très vite disparu après juste une poignée de films d’animation qui ne rapportèrent pas assez d’argent.

    Mais c’est surtout au Japon, avec le Studio Ghibli, le pendant asiatique de Disney, d’une richesse thématique inouïe, chez qui poésie, lyrisme et messages emplissent le moindre celluloïd, que les limites du géant américain se révèleront au grand jour. Miyasaki va élargir la brèche et oser rivaliser avec malice avec Disney, en nous proposant des films inoubliables.

     

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    C’est pourtant bien avant cela qu’il faut pour le muridé vorace (terme encyclopédique pour désigner une souris, bande d’incultes…) trouver d’autres paysages à envahir pour redéfinir son image. Bref, se repositionner pour ne plus jamais perdre la main. Des cerveaux se sont mis à réfléchir…

    Dès les années 50, Mickey se lance dans le long métrage live, avec des propositions toujours aussi niaiseuses, qui rencontrent cependant un relatif succès, surtout sur son continent d’origine. Mais il faudra attendre 1964, avec le triomphe de « Mary Poppins », pour prétendre au succès mondial, en jonglant sur les deux médiums. Rester roi de l’animation tout en devenant le roi du cinéma de divertissement familial, avec des œuvres techniquement ébouriffantes et jamais vues.

    En essayant de sortir un peu de son carcan guimauve et familial, la firme de l’oncle Picsou va ainsi traverser une période assez longue et douloureuse, s’essayant à ses propres films d’animation originaux, comme « Taram et Le Chaudron Magique » et surtout en live avec « The Black Hole » en 1979, qui tente de surfer sur le succès mondial d’un fameux « Star Wars » (tiens tiens…). Le film est un énorme bide et ébranle même sérieusement tout l’édifice de fromage entassé depuis la création de Disney en 1923.

    Car le Trou Noir arrive trop tard et même si sa direction artistique semble intéressante, toute l’entreprise pèse trois tonnes. C’est un gros truc balourd et statique venu d’un autre temps. Et Disney est complètement à côté de la plaque… « Star Wars » a révolutionné le genre, en proposant, en plus des vaisseaux spatiaux et des robots, la vitesse et en introduisant dans ces récits technologiques de l’aventure et du serial. Quant à George Lucas, il a su mélanger avec brio différents thèmes et histoires pour retranscrire à un moment charnière ce que les gens rêvaient de voir sans l’espérer.

     

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    Inutile de préciser que Mickey l’a mauvaise… Mickey est revanchard. Et Mickey est tout rouge… Soit, si l’empire aux grande oreilles, coloré, sucré et souriant en apparence, ne peut prétendre à surprendre et cartonner avec ses propres créations, alors il rachètera un après l’autre tous ceux qui pourraient devenir des concurrents et surtout constituer des mannes en devenir ; des créateurs de légendes, en somme. Là où pour l’instant la souris cupide n’avait su que dépoussiérer les contes d’Andersen, des frères Grimm ou d’autres écrivains européens oubliés, il lui faut désormais s’approprier de vraies mythologies Yankee, celles dans lesquelles le peuple américain se reconnaîtra sûrement. Mickey, totalement mégalomane, veut devenir le maître du monde…

    Robert (dit Bob) Iger, le nouveau PDG de The Walt Disney Company depuis 2005, lance alors une implacable offensive. Et Disney va désormais dévorer tous ceux qui pourraient faire de l’ombre à la petite souris… A commencer par Pixar en 2006, puis Marvel Studios en 2009 ; toute son écurie de super-héros (ou presque) en fait d’ailleurs les frais. Mais il faudra attendre 2019 pour que la souris obèse croque également l’indéboulonnable Twenty Century Fox, et puisse user jusqu’à la corde la franchise des X-Men, préservée jusqu’à ce funeste jour dans le giron des célèbres studios. Ne reste finalement plus que Spiderman, toujours chez Sony-Colombia, que les Japonais ne veulent pas offrir en pâture au rongeur ogre (tiens tiens (bis)…).

     

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    Mais c’est sans doute avec la vente de LucasFilm que le choc sera le plus retentissant. Abandonnant son bébé, George Lucas, homme d’affaire avisé avant d’être le visionnaire que l’on veut naïvement croire, devait bien savoir que sa lointaine galaxie allait échoir dans des mains peu scrupuleuses. Mais Lucas traîne son enfant depuis 1977, connaissant un inégal succès, certes, mais surtout beaucoup de déconvenues, de cris et de larmes chez l’entité monstrueuse qu’il a créée sans le faire exprès et dont il a totalement perdu le contrôle, à la merci d’un public fanatisé qui voit en « Star Wars » sa nouvelle religion. Ainsi, pour échapper à diverses fatwas et reprendre une vie normale, loin du tumulte de la foule haineuse qui a élevé la saga au rang de finalité de vie, Lucas accepte de vendre le package et ses emmerdes avec.

    Pourtant, en signant le contrat en 2012 pour la modique somme de 4,05 milliards de dollars, notre George préféré reçoit encore de la part de ses acheteurs toutes les scrupuleuses attentions relatives à la ligne éditoriale des prochains opus, des séries pour la télé et autres histoires issues de la célèbre saga. Même les ébauches de scénarios pour d’éventuelles suites, soit les futurs épisodes VII, VIII et IX, déjà plus ou moins couchées sur le papier par Lucas, sont fournies dans le cadre du rachat, ainsi que Kathleen Kennedy, déjà présidente de LucasFilm. Tous les cadres de la souris enragée et revancharde jurent sur leurs mères et leurs enfants réunis, ainsi que sur la tête de Tata Rachel, que « Star Wars » sera respecté, aimé et qu’il ne lui sera jamais fait aucun mal.

    Huit années plus tard… Dans une galaxie pas très lointaine, en Californie précisément, « Star Wars » est aujourd’hui dans le bien piètre état qu’on lui connaît. Non seulement les pontes de Disney n’en ont eu strictement rien à fou… faire de ce que Lucas souhaitait pour la suite de ces aventures spatiales et intersidérales, mais de surcroît, ils ont fait exactement ce que l’on pouvait redouter. A savoir « Marveliser », ripoliner notre saga préférée, la rendre tiédasse à souhait. Bref, « Star Wars » est devenu « Les Cochons Dans L’Espaaaaaaaace »…

    Inutile de revenir sur le piteux épisode VII et son manque flagrant d’audace et de nouveauté, tout ce contre quoi Lucas s’était toujours battu. En produisant des « Star Wars », le réalisateur du mythique « American Graffiti » voulait, à chaque nouvel opus, repousser les limites techniques et offrir des spectacles toujours plus novateurs. Même si George Lucas n’a jamais été un génial réalisateur ou même un éminent scénariste, reste qu’il faut tout de même lui concéder un indéniable talent de conteur, de mixeur brillant, pour faire se télescoper des concepts et des images inédites. Mais là, c’est la douche froide… Non seulement « L’Eveil de la Force » ne propose rien de nouveau mais cet épisode VII se paye en plus le luxe de réchauffer au micro-ondes des pans entiers de l’épisode IV, « Un Nouvel Espoir ».

    On sait ensuite comment la gestion de cette nouvelle histoire et de ses personnages va être malmenée dans l’épisode VIII, où le nouveau réalisateur ne semble pas s’être spécialement intéressé aux fondations de cette nouvelle trilogie. Cependant, même si « Les Derniers Jedi » divise (et c’est un euphémisme), il faut quand même reconnaître à Rian Johnson son sens de l’ampleur et une certaine ambition de cinéma, qui font depuis toujours cruellement défaut chez J.J. Abrams. « Les Derniers Jedi », à défaut d’être cohérent avec la mythologie « Star Wars », propose, essaye, tente des pistes. Le film et son réalisateur deviennent pourtant, après Eric Zemmour, ce qu’il y a de pire au monde…

     

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    Et force est de constater que tout cela fleure bon l’amateurisme général et cette façon désinvolte de traiter par dessus la jambe un tel monstre de l’inconscient collectif. Les histoires paraissent écrites au fur et à mesure, sans qu’il n’y ait de réelle vue d’ensemble. Le réalisateur Colin Trevorrow, censé boucler l’ultime épisode, est remercié et remplacé au pied levé par ce cher J.J. Abrams (encore…), qui réécrit finalement toute l’histoire. On est bien là en train de parler de « Star Wars », hein !! Pas de « Plus Belle La Vie », entre l’épisode 450, 451 et 452. Ok ??

    Alors en attendant cet ultime épisode IX qui va sortir dans quelques jours, on nous promet depuis plusieurs mois, à grand renfort de bandes-annonces, de teasers, spots TV en pagaille, de théories de geeks, d’images et d’interviews de tel ou tel intervenant, tous plus rassurants les uns que les autres, que cette fois-ci, ça y est, ça va être fou et que l’on va tous faire « sploutch » dans nos slips ou « sprooch » dans celui des filles…

    Mais le petit souci, en fait, c’est que depuis l’épisode VII, ni l’histoire, ni ses enjeux, ni ses méchants, ni rien d’ailleurs, n’offre un quelconque intérêt, une éventuelle surprise. « Bon les gars, notre méchant a été tué dans l’épisode VIII… Il nous reste quand même encore un épisode à torcher. Il nous faut un autre méchant… Bon, des idées ? Plait-il, J.J. ? faire revenir l’empereur ? Mais il n’était pas mort ? Quoi ? tu t’occupes de tout ? N’oublie pas que tu n’as que deux mois pour ficeler un scénario… Ca ira quand même ? Ok, cool, yeap ! »

     

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    Alors oui, c’est par réflexe Pavlovien que l’on va courir comme des sots encore cette fois-ci, parce qu’on se dit : « Eh, Starouarz quand même ! ». Effectivement, il y eut bien un petit miracle avec « Rogue One », le premier crossover, soit un épisode qui ne rentre pas dans la série officielle, mais qui s’y raccroche quand même pour combler certains trous laissés ça et là… Le film, tout en étant plaisant, offrait un autre aspect de l’univers, moins édulcoré et plus sombre, plus mélancolique. Quant à « Solo », le film conçu justement autour du personnage de Han Solo… Ce fut non seulement une purge mais de surcroît un énorme bide au box office mondial (ouf). On pensait que cela allait faire réfléchir un peu tous les zombies aux commandes et à la manœuvre ? Que nenni…

    La mini-série appelée « The Mandalorian » est également un infâme brouet fan-service, avec en prime toutes les peluches kro-kro mignonnes vues dans les films de la série. Avec cette impression qu’à chaque nouvel épisode (beeen oui, parce que le gros fan de Starouarz, même s’il critique, ne manque pas un seul épisode, tellement hypnotisé qu’il est…), le producteur de ce programme a en fait placé des caméras dans la chambre de son fils, qui joue à la « Guerre des Etoiles » avec toutes ses figurines et ses vaisseaux. Et on grossit à peine le trait, tant le scénario s’avère être à peu près de ce niveau-là…

    Alors, pour ce qui est de « L’Ascension de Skywalker », que souhaiter ? Comme le dirait Georges Abitbol dans « La Classe Américaine » : « Ce flim n’est pas un flim sur le cyclisme… ». Car ces nouveaux Star Wars ne sont pas des films, comme ils n’ont finalement rien à voir avec le cinéma. Ils ne tentent rien, ne proposent rien, n’essayent rien. C’est le degré zéro de l’invention. Ce que Disney veut avant toute chose, tel un nouvel empire qui souhaite transformer le monde à son image, c’est que personne ne bronche. Il veut juste servir au public ce qu’il attend. Ne surtout pas le brusquer, ni l’étonner. Oh non, surtout pas l’étonner !

    Starouarz, ce sont ces Chipsters chimiques qui proposent encore et encore de nouveaux goûts, de nouvelles saveurs, oignon, barbecue, fromage, etc… mais qui restent de vulgaires Chipsters, car c’est tout ce qu’on leur demande, après tout, dans ce monde Disneyien…

     

     

     

  • Une Bonne Soirée avec Kyan Khojandi

     

     

    Vous n’allez peut-être pas me croire, mais j’ai passé la soirée d’hier avec Kyan Khojandi et son gros… micro. Et c’était vraiment « Une Bonne Soirée »… On s’est bien marré, il m’a ramené chez lui, dans son univers. Je l’ai trouvé super attachant, lui et son gros… micro. Tout était là, comme dans un rêve avec Kyan Khojandi, en fait. La vitrine avec mille chevaliers du zodiaque, la boite de préservatifs sous son lit… Je me suis tout de suite senti à l’aise.

     

    Bon, pour être tout à fait honnête… Je ne le connaissais que vaguement encore hier. Je disais d’ailleurs à une amie pas plus tard que dans l’après-midi : « ce soir, je vais au spectacle de… euh… de… et merde… du mec de Bref, quoi. ». Et là, d’un coup d’un seul, je me prends un « Bref ? » en retour. Grand moment de solitude… Moi : « Ben, le mec de Bref sur Canal ». Elle : « Je ne sais pas, j’ai pas Canal ».  Moi : « Mais enfin, tu le connais forcément ! Kia… Kion quelque chose… ». Bref, tout ça pour dire, je le connaissais vaguement.

    Puisque j’ai pris la décision d’être tout à fait honnête avec vous, j’arrive chez lui, enfin, à L’Européen, et je m’aperçois avec effroi que je ne suis pas tout seul. En fait, la salle est bondée… C’est quoi, ce plan foireux ?? Parce qu’en ce qui me concerne, le côté communion collective, moi, eux, Kyan et son gros… micro, ça n’est vraiment pas mon truc. J’aurais préféré un cadre plus intimiste, pour faire connaissance. Bref, on va faire avec…

    C’est Navo qui ouvre le bal. Lui, pour la peine, je le connaissais encore moins que le mec de Bref que je connaissais vaguement. Mais faute avouée à moitié pardonnée, il l’admet lui-même en introduction : « je suis l’autre mec de Bref, celui qu’est pas connu ». Et franchement, très bonne surprise. Tout dans la maladresse feinte et l’auto-dérision, mais très drôle. Et on sent vite que les deux compères, quant à eux, se connaissent très bien.

     

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    « Le spectacle de Kyan ? Ouais, je l’ai vu au début des années 20. » 

     

    C’est au tour de Kyan Khojandi de monter sur scène, et là, j’ai un peu honte, parce qu’il reçoit un accueil de feu de la salle, qui semble très bien le connaître, quand je ne le connaissais que vaguement quelques heures plus tôt… Bref, j’ai un peu honte…

    Je parviens enfin à surmonter mon embarras pour découvrir au fil d’un show rondement mené un bien bel artiste. Probablement le meilleur spectacle de stand up que j’ai eu l’occasion de voir. Un vrai fil rouge, une histoire, et pas simplement une succession de sketchs. L’écriture est pointue et rythmée. Kyan Khojandi parvient à faire le grand écart entre la modernité du propos et les valeurs héritées de ses origines orientales.

    Drôle et à la fois profond, l’artiste se livre totalement, en alternant à merveille moments de rire et instants plus poignants et émouvants. Tout sonne juste, tant il maîtrise l’art de transformer avec talent les petites galères de la vie en sketchs absolument hilarants. Bref, un vrai numéro d’équilibriste.

    Il a beau prétendre « qu’un jour, il est né, et que depuis, il improvise », Kyan Khojandi sait où il va, et surtout d’où il vient… Et ces deux certitudes, qui sont loin d’être anecdotiques, donnent une personnalité de toute évidence tournée vers les autres et reposant sur quelques valeurs qu’il est parfois utile de rappeler, telles que gentillesse, honnêteté et transmission.

    Seule ombre au tableau… Je dois avouer que cette histoire avec Christophe Schneider, je… je l’ai un peu pris personnellement, m’appelant moi-même Christophe. Alors maintenant, Kyan, je me devais de te le dire… Tu as passé la soirée à me pointer du doigt. Du pouce, en fait. Eh bien, après toutes ces années, tu avais encore la crotte de nez de Christophe Schneider collée sur ta main… Et c’était quand même un peu dégueu…

    Mais malgré cette sombre histoire de crotte de nez, une heure trente de pur bonheur… Bref, je suis heureux de pouvoir enfin dire : « Hier, je suis allé voir Kyan Khojandi sur scène à L’Européen et c’était génial ».

     

    En cadeau, l’intégrale de son spectacle précédent, « Pulsions », créé en 2016.

     

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  • Pierre Desproges (1939-1988) : « Je ne suis pas n’importe qui »

     

     

    Pierre Desproges, disparu en 1988, aurait eu quatre-vingts ans le 09 mai 2019. Inclassable trublion, spécialiste des blagues potaches, éternel gamin dans la vie de tous les jours, roi de la provocation, père attentionné, amateur de bon vin, travailleur acharné, écorché, grand pessimiste, bon vivant… Pierre Desproges surprend par ses multiples facettes, parfois contradictoires.

     

    Mort en pleine gloire voilà trente-et-un ans, Pierre Desproges nous parle toujours… Bien-sûr, certains textes, très liés à l’actualité, ont vieilli. Mais tant d’autres, qui traitent de thèmes universels et chers à l’humoriste, résonnent encore aujourd’hui.

     

    « Tout dans la vie est une affaire de choix, ça commence par la tétine ou le téton, ça se termine par le chêne ou le sapin. » (Textes de scène, Éditions du Seuil)

     

    Chercher à raconter la vie de Pierre Desproges : c’est une gageure. Comme le rire qui résiste obstinément à toute tentative de définition, l’homme ne se laisse pas enfermer facilement dans une case. Difficile en effet de faire l’inventaire de l’œuvre d’un cinglant lettré, d’une personne au parcours atypique ; d’un homme qui fustigeait les bonnes consciences, de son personnage misanthrope et antihumaniste qui lui permettait d’aller très loin. Mais qui était vraiment Pierre Desproges, qui, aujourd’hui encore, continue d’être considéré comme une référence ? Comment expliquer sa modernité et sa singularité ?

     

    « La culture, c’est comme l’amour. Il faut y aller par petits coups au début pour bien en jouir plus tard. » (Réquisitoire contre André Balland, Éditions du Seuil, Tôt ou Tard)

     

    Le meilleur moyen de partager la vie et l’œuvre de Pierre Desproges est de faire entendre une série de points de vue qui suggèrent l’homme à différents moments de sa vie. De la guerre d’Algérie à la Madeleine, du Petit Rapporteur au Théâtre Fontaine, de l’écriture au cimetière du Père-Lachaise, ce documentaire invite à déambuler sur les différents territoires de Desproges. Il remonte le temps pour découvrir Pierre Desproges à travers celles et ceux qui l’ont côtoyé : sa fille, Perrine ; Jacques Catelin, son ami de jeunesse ; Francis Schull, son collègue au quotidien l’Aurore ; Jean-Louis Fournier, réalisateur attitré et complice ; Yves Riou, l’ami humoriste.

     

    « Je me heurte parfois à une telle incompréhension de la part de mes contemporains, qu’un épouvantable doute m’étreint : suis-je bien de cette planète ? Et si oui, cela ne prouve-t-il pas qu’eux sont d’ailleurs ? » (Chroniques de la haine ordinaire, Éditions du Seuil)

     

    Ces témoignages révèlent une personnalité sans concession, angoissée et complexe, à laquelle font écho ses thèmes de prédilection. Des sujets les plus universels (la vie, l’humour et le rire, l’écriture, l’amitié et l’amour, la mort, le racisme) aux plus singuliers (les cintres, les cons, les coiffeurs, la maladie), qui se confondent dans la vie de homme, et dans l’œuvre de cet artiste aux talents protéiformes.

     

    « Humoriste, c’est un mot grave et prétentieux comme philosophe ou spécialiste : je ne suis pas un spécialiste de l’humour. C’est par humilité que je ne veux pas être humoriste. En revanche, c’est par vanité que je ne veux pas être comique. Un comique, c’est un type qui a le nez rouge, qui pète à table, qui se met une fausse barbe : ça me glace totalement. Ce sont des mots impropres. Pareil pour « écrivain », je dirais plutôt écriveur. Parce qu’écrivain, c’est à la fois outrecuidant et trop incisif. » (Libération, 3 mars 1986)

     

    Il ne suffit pas d’être heureux. Encore faut-il que les autres soient malheureux… Trente-et-un ans après sa mort, portrait intime par ses proches d’un homme tendre et angoissé, à l’humour sans ambiguïté ni concession : « me courber me fait mal au dos. Je préfère rester debout ».

     

    « J’ai le plus profond respect pour le mépris que j’ai des hommes. » 

     

    Article et Documentaire signés Romain Masson pour France Culture (février 2018)

     

     

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    Une émission de Romain Masson, réalisée par Anne Perez-Franchini – Prise de son : Yann Fressy, Ollivia Branger – Mixage : Claude Niort – Archives INA : Arnaud Plançon – Liens internet : Annelise Signoret.

    Archives PMP Productions (Perrine Desproges) : Spectacles au Théâtre Fontaine (1984) et au Théâtre Grévin (1986), réalisés par Jean-Louis Fournier. Archives INA – 30 millions d’amis, « Les animaux extraordinaires de Pierre Desproges », TF1, le 8 novembre 1979 – ​Boîte aux lettres​​​, Jérôme Garcin​, FR3, le 26 juin février 1983 – Mardis du théâtre, Lucien Attoun, France Culture, le 25 novembre 1986.

     

    Remerciements

    Hélène Desproges, Jérôme Garcin, Marie-Ange Guillaume, Nina Masson, Myriam Nguyen, Philippe Pouchain, les Editions du Courroux, PMP Productions, Les Jardins du Marais.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges –  Je vais être sincère…  (Entretien publié dans Les Inrocks le 29 novembre 1995)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges interviewe Françoise Sagan pour le Petit Rapporteur  (Novembre 1975)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Entretien au coin du feu  (Archive INA, 12 mars 1977)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Chaîne spéciale Desproges sur Dailymotion

     

     

     

  • Les 100 ans de Mogador

     

     

    Cette année, le Théâtre Mogador fête ses cent ans. Inspiré du Palladium de Londres, c’est une des plus grandes salles de spectacle de Paris, qui accueillit les revues de Mistinguett dans les années 30, puis le théâtre de Jérôme Savary, avant de devenir le temple de la comédie musicale à la Française dans les années 90. Aujourd’hui, Mogador héberge un spectacle de Broadway en version française, « Chicago ». 

     

    Le Théâtre Mogador, c’est cent ans de spectacle, et surtout cent ans de spectacles musicaux, de Mistinguett à Annie Cordy, de « Starmania » à « Chicago ». Une salle monumentale où les grandes comédies musicales de Broadway ou du West-End de Londres font aujourd’hui escale à Paris. Pas étonnant puisqu’on doit son existence à un producteur londonien, formé par l’inventeur du music-hall en personne, Charles Morton.

     

    « La création du Théâtre Mogador naît d’une belle histoire. Une histoire d’amour… Un impresario anglais, Sir Alfred Butt, décida de bâtir et d’offrir ce théâtre à son amoureuse, une danseuse française, Régine Fleury, qu’il découvrit lors d’un spectacle. Il lui fit donc cadeau de ce théâtre à l’Anglaise, constitué d’un seul bloc, sans poteau, ce qui vous permet de bien voir la scène, quelle que soit la place que vous occupez. » (Laurent Bentata, Directeur de Mogador)

     

    Pour concevoir Mogador, Sir Alfred Butt s’inspira d’un des théâtres dont il était propriétaire à Londres, le Palladium. Le premier nom du Mogador était le Palace Théâtre. Il est inauguré en 1919, avec une revue menée par la danseuse et maîtresse de l’homme d’affaires anglais. Un fiasco… Il finit par délaisser son amoureuse. Constatant que Butt avait pris ses distances suite à l’échec du lancement de son théâtre, elle en fit de même, de façon certes plus radicale, en se donnant la mort.

    Cette fin tragique n’a cependant pas porté malheur au théâtre parisien… A la tête du Théâtre Mogador à partir de 1925, les frères Isola vont marquer l’esprit du lieu. Prestidigitateurs, déjà propriétaires de l’Olympia et des Folies-Bergère à Paris, Emile et Vincent Isola vont imposer durablement le genre de l’opérette.

     

    « Les frères Isola ont toujours voulu investir et ils pariaient surtout sur de gros spectacles, avec toujours le souci d’en donner au spectateur pour son argent. les shows démesurément couteux qu’ils produisaient l’étaient souvent à fonds perdus, du fait du nombre d’artistes sur scène, des costumes et des décors somptueux. Mais c’est probablement ce qui a permis de faire connaître Mogador. » (Laurent Bentata)

     

    Tandis qu’au Moulin-Rouge, les revues étaient constituées de tableaux successifs sans véritable fil rouge, à Mogador, sous la direction des frères Isola, on assistait à de vrais spectacles, avec intrigues et rebondissements. Certaines pièces sont importées des Etats-Unis, telles que « No No Nanette », un classique qui sera repris plusieurs fois à Mogador entre 1926 et 1966.

     

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    Henri Varna va perpétuer l’héritage des frères Isola en prenant la direction du Théâtre Mogador entre 1940 et 1969. Sous sa houlette, Marcel Merkès et Paulette Merval forment le couple numéro un de l’opérette à partir de 1947, avec notamment « Rêve de Valse ». Après lui, le théâtre se cherche un second souffle. On peut y croiser Annie Cordy en « Hello Dolly » en 1972.

    C’est ainsi que Mogador commence à accueillir d’autres types d’événements artistiques au début des années 80, entre les concerts des Clash ou d’Higelin en 1981, jusqu’aux spectacles de Jérôme Savary. Le metteur en scène élira ainsi domicile à Mogador avec son « Cyrano de Bergerac » en 1983. Une grande dame est aussi passée par ici… Barbara. La chanteuse y fit d’ailleurs ses débuts comme choriste à 17 ans, dans la pièce « Violettes Impériales » de Vincent Scotto. Elle revient à Mogador en 1990, pour trois mois de concerts. Mogador était le théâtre de Barbara, et c’est grâce à elle qu’il fut classé monument historique.

     

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    Avec les années 90, c’est le retour aux sources pour le Théâtre Mogador, qui devient le repère parisien de la comédie musicale, entre « La Légende de Jimmy », « Les Misérables », « Cabaret », « Starmania » ou encore « Notre-Dame de Paris », avec un modèle de spectacle adapté spécifiquement aux goûts du public français, alliant des numéros musicaux et des tubes qui s’enchaînent.

    En 2007, la version française du succès mondial « Le Roi Lion » est présentée pour la première fois au Théâtre Mogador, ouvrant la voie à d’autres mastodontes tels que « Mamma Mia! », « Sister Act », « Grease » ou encore le légendaire « Cats » de Broadway. Un autre nom de comédie musicale emblématique s’étale aujourd’hui en grosses lettres au fronton du Théâtre Mogador, « Chicago, le Musical ».

     

    « Chicago a véritablement révolutionné Broadway. Ça n’est pas pour rien que ce spectacle est un record absolu de longévité. A l’époque où il fut créé, en 1975, le chorégraphe américain Bob Fosse jouissait déjà d’une énorme réputation, pour avoir mis en scène certains des plus grands succès de la comédie musicale. » (Laurent Bentata)

     

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    ✓ « Chicago, le Musical », mis en scène de Ann Reinking et Véronique Bandelier, jusqu’au 30 juin au Théâtre Mogador.

     

     

     

  • Thierry Le Luron, l’inimitable

     

     

    L’humoriste star des années Giscard et Mitterrand, Thierry Le Luron, nous quittait il y a tout juste trente-deux ans.

     

    Une carrière d’imitateur fulgurante et une fin tragique pour un être qui masquait ses failles d’enfant non-désiré et une grande mélancolie derrière le rire et l’excitation de la nuit. Hommage au « Petit Prince de l’humour »…

    Provocateur et persifleur, trente-deux ans après sa mort, Thierry Le Luron reste l’inimitable imitateur. De 1971 à 1985, avec ses parodies et un succès fulgurant, Thierry Le Luron n’aura pas seulement été le miroir d’une décennie, il aura aussi bouleversé la profession.

     

    « On m’a souvent demandé si je n’en avais pas assez de prendre la personnalité des autres. Est-ce que vous n’avez pas plutôt envie de trouver un jour la vôtre ? Je crois que j’imite les gens justement avec ma personnalité. Ca n’est donc pas un personnage qui prend ma personnalité, c’est moi qui lui donne la mienne au travers de la sienne… »

     

    Avec son auteur Bernard Mabille et le documentariste Mathias Goudaud, voyons comment, en quinze ans de carrière, ce joyeux luron a redéfini les règles de l’exercice de l’imitation.

    « Il va inventer l’imitation et vraiment en faire un art à part entière, sur la base d’un spectacle d’une heure et demi à deux heures, comme toutes les stars de l’époque, du chanteur à l’humoriste. » (Mathias Gouraud)

     

    « C’est le premier à faire accéder le petit imitateur de première partie de spectacle au statut de vedette à part entière. On n’avait jamais vu ça avant. » (Bernard Mabille)

     

    Révélé par la télévision en 1970, Le Luron va très vite vendre énormément de disques. Il est un grand chanteur, il voulait d’ailleurs être chanteur d’opéra, et il se sert de toutes les chansons connues de l’époque pour les transformer en parodies implacables. Au début de sa carrière, il compte déjà une vingtaine de voix à son répertoire. En tout, il en utilisera une centaine. Il fut aussi un des premiers à imiter autant les voix de femmes, de Dalida à Mireille Mathieu, en passant par Line Renaud ou Alice Sapritch, qui seront autant ses amies que ses victimes, s’avouant même parfois blessées par ses imitations, mais lui pardonnant finalement sa délicieuse insolence, tant son talent était immense.

    Mais plus qu’une simple voix, certes de caméléon, Le Luron a vite compris qu’il fallait aussi du fond. Il ajoutera donc rapidement des politiques à son répertoire. C’est ainsi qu’il se retrouve naturellement avec Coluche sur ce même terrain de l’humour politique.

     

    « Thierry Le Luron ne va pas bouleverser la politique, certes, mais il n’empêche qu’il devient vite un caillou dans la chaussure de pas mal d’hommes politiques. » (Mathias Gouraud)

     

    Il devient plus féroce et caustique dès l’instant où il découvre Lenny Bruce aux Etats-Unis, un des plus grands imitateurs américains, et il se dit tout naturellement que pour exister et surtout durer, il va falloir qu’il ajoute cette corde à son arc, tout en devenant plus « mordant », au delà de ses premières imitations de chanteurs ou de chanteuses.

    Ayant compris que les hommes politiques n’appréciaient guère son humour corrosif, et qu’ils étaient même prêts à utiliser la censure contre lui, voire les ciseaux puisqu’il fut régulièrement coupé au montage de certaines émissions, Le Luron va ainsi privilégier le direct, sans même répéter l’après-midi. La surprise est donc totale, et ses coups d’éclat n’en seront que plus jubilatoires.

    Ce sera le cas avec « L’emmerdant, c’est la rose » en 1984, adressé à Mitterrand, président depuis trois ans. On n’avait jamais vu un imitateur aller aussi loin, brocardant le président de la sorte, en le regardant droit dans les yeux, à travers une caméra. Evidemment, cela fait l’effet d’une bombe, d’autant plus que c’est un public majoritairement de gauche qui assiste au show, et qui va reprendre en coeur cette chanson.

     

    « Thierry Le Luron, c’était no limit, il se permettait tout, avec un culot incroyable. » (Bernard Mabille)

     

    Thierry Le Luron meurt deux ans plus tard, à l’âge de trente-quatre ans seulement. Il aura notamment ouvert la voie au « Bebette Show » de Collaro ou aux « Guignols de l’Info », en permettant l’entrée des imitateurs qui lui succéderont dans le star system.

     

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  • La Scala de Paris : un nouveau théâtre ouvre sur les ruines d’un ancien cinéma porno

     

     

    La naissance d’un nouveau lieu culturel à Paris est assez rare pour être signalée. La Scala renaît donc de ses cendres, sur les ruines d’un ancien cinéma porno, après 18 mois de travaux et 19 millions d’euros d’investissements privés.  

     

    Il y a dans Paris des lieux singuliers, aux destinées bien étranges, bien extraordinaires. C’est le cas de la Scala-Paris, sise Boulevard de Strasbourg. Sortie de terre en 1873, dans une capitale en pleine révolution européenne, elle est née d’un caprice, celui d’une riche veuve amoureuse du célèbre opéra milanais. Tentative égotique de rivaliser avec cet édifice de renommée mondiale, la salle, aux dimensions certes plus modestes, devient très vite un café-concert prestigieux, la coqueluche du Tout-Paris.

    De Fréhel à Félix Mayol, en passant par Mistinguett et Yvette Guilbert, tous se pressent à la Scala jusqu’en 1910, en ce lieu où politiques et artistes viennent se divertir jusque tard dans la nuit. L’après-guerre et la crise de 1929 entraînent une baisse de fréquentation et scelle le destin de ce haut lieu du cabaret parisien.

    Entré en léthargie, le lieu se réveille en 1935, flambant neuf, totalement modifié, suite au rachat par un exploitant de cinéma. Transformée en un cinéma « Art Déco » de toute beauté, la Scala-Paris redevient très vite à la mode, réunissant lors de nombreuses avant-premières tout le gratin du 7ème art jusque dans les années 1960. Puis, le quartier subissant de profondes mutations, les ateliers d’antan disparaissant les uns après les autres pour laisser place peu à peu à la prostitution, aux trafics de drogues et aux squats, l’endroit devient de moins en moins fréquentable.

     

     

     

    Abandonnée, vendue une nouvelle fois, la salle devient en 1977 le premier multiplex de cinéma porno. C’est le début d’une longue déchéance. Très vite, comme le dit le nouveau propriétaire, Frédéric Biessy, l’endroit devient de moins en moins recommandable, de plus en plus glauque, « un des plus grands lupanars de la capitale ».

    Véritable lieu de perdition, la Scala-Paris pense avoir tout vu… Suite à une succession de ventes, conséquence d’une spéculation immobilière féroce, l’ancienne salle mythique tombe en 1999 dans l’escarcelle de la secte « l’Église Universelle du Royaume de Dieu », qui compte bien faire du lieu sa succursale parisienne. Vent debout, les édiles parisiens se lèvent pour faire barrage à ce dessein, en imposant aux nouveaux et heureux propriétaires une affectation culturelle.

    La salle, dans un état pitoyable, se rendort à nouveau. En 2006, un détail architectural – un voisin obtient l’autorisation de s’agrandir en rognant sur la sortie de secours limitant ainsi le nombre de places possibles à une future salle de spectacle – va bloquer tout projet à venir. James Thierrée, un temps intéressé, va finir par abandonner l’idée d’en faire son théâtre.

     

    « Au cœur de Paris, une fosse éventre la capitale. Propre, nette, elle marque l’emplacement de la Scala-Paris, lieu légendaire de la fin du XIXème siècle, tombée en désuétude au fil du temps et des aléas de la vie des Grands Boulevards. Cette salle au destin chaotique, chargée d’histoires, devrait renaître de ses cendres à l’automne 2018 grâce au rêve fou des Biessy, un couple, amoureux de théâtre. »

     

    Après ces multiples vies, certaines plus glorieuses que d’autres, La Scala-Paris renaît enfin de ses cendres. Mélanie et Frédéric Biessy, respectivement associée-gérante du fonds d’investissement Antin Infrastructure Partners et producteur-tourneur privé de spectacle via sa société Les Petites Heures, en font l’acquisition, espérant redonner vie à la scène d’antan, la transformer en un lieu atypique, où l’art vivant pourra s’exprimer sans contrainte. La salle, imaginée par Richard Peduzzi, le scénographe de Patrice Chéreau et Luc Bondy, devra être astucieusement modulable.

    Avant d’investir plus de 15 millions d’euros, dont près de 9 millions apportés par le seul couple sur leurs fonds propres, nos deux passionnés de théâtre font une étude approfondie des lieux, sollicitent l’avis de différents corps de métiers pour évaluer la viabilité de leur projet, trouver une autre sortie de secours et améliorer la capacité d’accueil. Un petit tour sur Google Earth, une plongée dans les dédales de passages inter-immeubles, et une possibilité voit le jour en passant par la rue du faubourg Saint-Denis. Le rêve fou d’ouvrir un nouveau théâtre d’envergure en plein cœur de la capitale se concrétise.

     

    « La Scala est bleue des pieds à la tête, les loges, les murs. Le sol est gris-bleu. C’est le bleu, l’histoire de la Scala, le rêve. » (Richard Peduzzi, scénographe)

     

    En 2016, au moment de leur rachat, les lieux étaient improbables : « C’était une friche totalement abandonnée depuis plus de dix ans, en ruine, et habitée par 200 pigeons », se souvient Frédéric Biessy. Avec son épouse Mélanie, ils n’ont cependant pas reculé devant l’ampleur des travaux qui ont duré un an et demi. La scénographie du lieu a été confiée à Richard Peduzzi, qui a signé la plupart des décors de théâtre et d’opéra de Patrice Chéreau.

    Leur problématique est simple : que faire de cet immense bloc de béton de 25 mètres sur 15 ? Comment l’aménager en une salle moderne, attractive et totalement transformable, pour passer de 550 à 700 places ? Pas de souci, les Biessy font appel aux talents, aux réflexions de nombreuses personnalités du monde du spectacle pour avoir leurs avis et donner corps à leur utopie. Alors qu’il ne reste que les murs, les artistes de tous horizons se succèdent pour visiter le chantier – la plupart seront associés au spectacle à venir.

    Ainsi, Isabelle Huppert, Micha Lescot, les sœurs Labèque, Catherine Frot, Aurélien Bory, Jan Fabre, entre autres, viennent s’approprier les lieux, s’en inspirer, réinventer l’espace. En parallèle, le couple propose à Pierre-Yves Lenoir, l’ancien administrateur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Olivier Schmitt, écrivain et ancien journaliste, à Rodolphe Bruneau-Boulmier, compositeur et producteur à France Musique et enfin à Aline Vidal, galeriste, de rejoindre l’équipe. L’objectif : créer un lieu de vie singulier, unique, un théâtre transcendé, différent de ce qu’offre déjà la capitale, à l’économie alliant les avantages des modèles américains et français. Un pari audacieux, qui pourrait bien dépasser leurs espérances les plus folles.

     

    « C’est un lieu qui attire parce qu’il est nouveau, parce qu’il est un peu particulier dans l’environnement culturel parisien. » (Mélanie Biessy)

     

    Les travaux commencés, les fondations creusées, l’ouverture prévue pour septembre 2018, il est temps pour Mélanie et Frédéric Biessy de se pencher sur leur première programmation. Ils l’ont présentée en avant-première lors du dernier festival d’Avignon, au cours d’une mini-croisière sur le Rhône. Et elle sera exceptionnelle…

     

    Pour commencer, c’est Yoann Bourgeois, l’artiste circassien jouant des équilibres, qui essuiera les plâtres avec un spectacle inspiré par la magie des lieux, qui s’appellera tout simplement « Scala ».

     

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    Puis, Thomas Jolly reviendra avec l’un de ses premiers spectacles, « l’Arlequin Poli par l’Amour » de Marivaux.

     

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    Le réalisateur Jaco Van Dormael et sa complice Michèle Anne de Mey présenteront plusieurs de leurs spectacles dont « Cold Blood », « Kiss and Cry » et « Amor ».

     

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    Le metteur en scène, sociétaire de la Comédie-Française, Clément Hervieu-Léger montera « La Dame de la Mer » d’Henrik Ibsen courant 2018.

     

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    En parallèle, Alain Platel fera découvrir au public parisien son « Projet Bach », Bertrand Chamayou y jouera des pièces pour piano de John Cage. Enfin, en février-mars 2019, une carte blanche sera offerte à l’artiste plasticien Aurélien Bory pour investir les lieux à sa guise. Loin d’être exhaustive, cette liste d’événements a tout pour nous mettre l’eau à la bouche… Car il y aura aussi du nouveau cirque, du théâtre, des concerts, de la danse, soit une programmation plus proche du théâtre subventionné que du théâtre privé. Et l’objectif de fréquentation est ambitieux. Mélanie Biessy prévoit « une jauge de 80 à 90 % de remplissage ».

    Alors, y a-t-il encore de la place pour de nouvelles salles à Paris et suffisamment de spectateurs ? On peut s’interroger même si ces nouvelles salles font des efforts sur la politique tarifaire. Jean Robert-Charrier, le directeur du théâtre de la Porte-Saint-Martin, voisin de la Scala, se montre plutôt optimiste, même s’il faut tenir compte de l’enjeu financier : « Il est difficile de tenir économiquement une salle, en créer une est encore plus difficile. Mais, ajoute-t-il, il n’y a que le projet artistique qui compte ».

     

    « Plus on propose des spectacles exigeants, plus on a un public jeune. » (Jean Robert-Charrier, à la tête du théâtre de la Porte-Saint-Martin)

     

    Jean Robert-Charrier affirme que le renouvellement du public ne se fait pas avec « les vieux spectacles et les vieilles recettes » du théâtre privé, mais avec des affiches plus qualitatives. « Les jeunes se concentrent sur des spectacles exigeants. Et ça c’est très rassurant », conclut-il.

     

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    Source :  pour L’Oeil d’Olivier

     

     

     

  • Chocolat | Le Clown Nègre

     

     

    Footit et Chocolat étaient les clowns vedette des cirques de Paris en 1900.

    L’un était blanc, Georges Foottit (orthographié souvent Footit) ; l’autre, noir, fut surnommé… Chocolat. Certes, l’époque était coloniale, avec des zoos humains, des bals Nègres et des clowns Chocolat. Mais l’histoire va bien au delà de ce constat…

    Issu d’une famille africaine réduite en esclavage et déportée à Cuba, Chocolat semble s’être appelé de son vrai nom Rafael Padilla. Né vers 1868, il est rapidement devenu orphelin, et à l’âge de 8 ou 10 ans, il est vendu comme garçon de ferme à un riche marchand qui possède un comptoir à Bilbao, et qui l’emmène en Espagne. Après s’être enfui vers l’âge de 14 ans, il traine sur les quais où il danse dans les cafés. Il est repéré en 1884 par un célèbre clown, Tony Rice, qui le prend à son service. Rafael Padilla est tour à tour domestique, homme à tout faire, avant de devenir le partenaire de Rice. C’est à cette époque qu’il prend le nom de « Chocolat ». Arrivé à Paris vers 1885, il fait ses débuts au Nouveau Cirque, Rue Saint-Honoré, toujours avec Tony Rice. Il est ensuite le partenaire de Jérôme Médrano, puis d’un autre clown, George Foottit, dit « Footit ».

    Footit et Chocolat connaissent un grand succès en imposant un duo comique entre un clown blanc autoritaire et un auguste noir souffre-douleur. L’expression « je suis chocolat », signifiant « je suis berné », a été popularisée par les dialogues de leur numéro. Ils resteront partenaires pendant une vingtaine d’années. Dès 1887, Chocolat se vit donner le rôle titre d’une pantomime comique à grand succès, « La Noce de Chocolat », construite autour de son personnage d’auguste, et dans laquelle toute la noce finissait dans l’eau… Henri de Toulouse-Lautrec l’a immortalisé en 1896 et c’est d’abord par cette illustration que l’on connaît Chocolat. Saisi de trois quarts dos, casquette vissée sur le crâne, une main à la taille, un bras relevé en corolle, on y voit Chocolat dansant au Irish American Bar.

    « Footit enchantait les enfants ; mais il réussissait ce tour de force de plaire aussi aux grandes personnes et de leur restituer leur enfance. L’enfance se trouve de plain-pied avec cette excitation nerveuse des clowns lorsqu’ils apprennent une farce nouvelle et décident de l’essayer sur un camarade, avec le ton de gronderie de l’écuyer-chef, les refus de travailler, les désobéissances et les fautes de syntaxe. Chocolat, nègre stupide en culotte de soie noire collante et frac rouge, servait de prétexte aux brimades et taloches. Par ses gros mollets nus, ses culottes à pompons, ses cols empesés, sa mèche d’étoupe blonde, son maquillage cruel, la grimace de ses lèvres sanglantes, son chapeau pointu d’où les claques faisaient sortir un nuage de farine, ses corselets de paillettes, sa voix de duchesse folle, bref par un mélange de bébé, de nurse et de grande dame anglaise (sa coiffure tenait de Sarah Bernhardt et de la Reine Alexandra), Footit apportait sur la piste une atmosphère de nursery du diable, où les enfants retrouvaient leurs malices sournoises et dont les grandes personnes subissaient la grandeur. » (Jean Cocteau, Portraits-Souvenirs 1900-1914, Paris, 1935).

    Plusieurs films de Louis Lumière immortalisent leurs numéros au Nouveau Cirque, Rue Saint-Honoré, le 30 septembre 1900. Footit et Chocolat ont aussi prêté leurs noms et leurs visages à de nombreuses publicités, notamment celle pour le savon La Hêve, vers 1895. En 1905, leur contrat au Nouveau Cirque n’est pas renouvelé. Ils sont ensuite engagés aux Folies Bergère, jusqu’à leur séparation en 1910.

    Chacun poursuit désormais sa carrière en solo, mais le succès n’est plus vraiment au rendez-vous. Chocolat s’essaye à une carrière d’acteur, puis revient au cirque comme clown avec son fils adoptif Eugène Grimaldi (1891-1934) dans « Tablette et Chocolat » en 1912. Eugène obtiendra quant à lui une certaine renommée comme clown blanc dans les années 1920 et jouera même les succès de son père en duo avec le fils de George Foottit en 1921.

    Chocolat sombre dans l’alcoolisme et finit sa vie dans la misère à 49 ans, en 1917, alors qu’il travaille dans la troupe du cirque Rancy de Bordeaux. Il sera inhumé dans la partie du cimetière protestant de Bordeaux réservée aux indigents, carré M, rangée 7, emplacement 2.

    Footit, quant à lui, lança son propre cirque, puis tint un bar, 6 Rue Montaigne à Paris. Alcoolique également, il meurt à son domicile, Rue Montaigne, le 29 août 1921 à l’âge de 57 ans. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise, division 93.

    Un film sur la vie de Chocolat est sorti le 3 février, avec Omar Sy dans le rôle du clown.

     

    Source : Circopedia et Dominique Jando

     

     

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  • Les Cabarets de Montmartre en 1909

     

     

    En 1789 est décidée la création des boulevards extérieurs le long de l’enceinte de Paris, séparée de ses faubourgs jusqu’en 1860 par les barrières d’octroi. De multiples cabarets et guinguettes fleurissent alors le long de ces barrières, et notamment entre celles des Martyrs et de Montmartre, dans lesquels on boit le vin de Montmartre au pied de sa Butte. Devenues Boulevard de Clichy ou Boulevard de Rochechouart, ces artères très passantes voient pousser à la fin du 19ème siècle des constructions nouvelles qui remplacent les anciennes guinguettes. Ces établissements affichent souvent des décors étonnants, destinés à attirer le promeneur ou le noceur en goguette. La plupart de ces cabarets n’existent plus aujourd’hui. Quant aux survivants de cette époque révolue, ils ont vu disparaitre depuis longtemps leurs exubérantes façades. En 1909, l’Agence Rol en immortalisait heureusement certaines…

    Source : John d’Orbigny Immobilier / Gallica / BNF

     

     

     

    Dans l’ordre d’apparition du diaporama :

     

    Le Moulin Rouge (82 Bd de Clichy – 1909) : Le Moulin-Rouge est un cabaret fondé en 1889 par Joseph Oller et Charles Zidler. Il est situé sur le boulevard de Clichy, au pied de la butte Montmartre. Le Moulin-Rouge est détruit lors d’un incendie le 27 février 1915. Ce n’est qu’en 1921 que les travaux de reconstruction du Moulin-Rouge débuteront.

    Les Quat’ Z’-Arts (62 Bd de Clichy – 1909) : Fondé vers 1893, le cabaret inaugura en ses lieux « Le Mur » qui consistait en un panneau situé dans l’enceinte et ouvert à toutes formes d’expression graphiques. La liberté de ton y était totale. Par la suite, le cabaret des Quat’z’Arts publia un journal illustré hebdomadaire à partir du 6 février 1897 intitulé « Les Quat’z’Arts Journal ».

    Le Trianon (80 Bd de Rochechouart – 1909) : bâti en 1894 à l’emplacement du jardin de l’Élysée-Montmartre, « Le Trianon-Concert », premier nom de cette salle de spectacles, accueille dès l’année suivante de célèbres artistes comme Mistinguett, La Goulue, Grille d’égout, Valentin le Désossé. Mais en 1900, un incendie détruit la salle et une partie des dépendances de l’Élysée-Montmartre. L’architecte Joseph Cassien-Bernard entreprend la reconstruction de l’établissement qui est inauguré fin 1902 sous le nom de Trianon-Théâtre, puis Trianon. En 1908, le Trianon devient une succursale de l’Opéra-Comique spécialisée dans l’opérette.

    Le Néant (34 Bd de Clichy – 1909) : Le Cabaret du Néant fondé en 1892 par Dorville se situait au 34 boulevard de Clichy. Il avait la particularité d’avoir des cercueils en guise de tables et un éclairage venant de bougies enfoncées dans des crânes.

    Le Moulin de la Galette (Façade sur la Rue Lepic depuis la Rue Tholozée – 1909) : Le Moulin de la Galette est constitué de deux moulins : le « Blute-Fin » et le « Radet ». Il est l’un des derniers témoins de l’ancienne Butte Montmartre, autrefois hérissée de moulins utilisés pour presser le raisin et moudre le grain. Le Moulin de la Galette (ex Blute-Fin) a été transformé en guinguette en 1870.

    La Cigale (120 Bd de Rochechouart – 1909) : La salle de café-concert a été construite en 1887 à l’emplacement du « Bal de la Boule Noire » (édifié en 1822). D’une capacité d’environ 1000 places, elle se spécialise immédiatement dans la revue. Elle est agrandie en 1894 et accueille les spectacles de Mistinguett, Maurice Chevalier, Yvonne Printemps, Gaston Ouvrard, Arletty, Raimu, ou Max Linder. Après la Première Guerre Mondiale, on y joue des opérettes, des vaudevilles, et les soirées futuristes de Jean Cocteau. Un cabaret s’installe au sous-sol de l’établissement en 1924. Mais le caf’-conc. ferme ses portes en 1927. Il est remplacé temporairement par un petit music-hall baptisé « La Fourmi ». Dans les années 1940, La Cigale devient une salle de cinéma, un moment spécialisée dans les films de Kung-Fu, puis dans les films classés X. En 1987, la Cigale est réouverte pour des concerts…

    La Lune Rousse (36 Bd de Clichy – 1909) : « Le Logiz de la Lune Rousse », plus connu sous son nom abrégé « La Lune Rousse », est un cabaret fondé en novembre 1904 et disparu en 1964. Ouvert au 36, boulevard de Clichy, il est ensuite transféré en 1914 au 58 Rue Pigalle, à l’emplacement du « Tréteau de Tabarin ». Lorsqu’il ferme définitivement ses portes en 1964, il avait été transféré au 58 Rue Victor Massé. À sa première adresse, boulevard de Clichy, se trouve aujourd’hui le « Théâtre de Dix Heures ».

    Le Cabaret Bruant (84 Bd de Rochechouart – 1909) : Le 84 Boulevard de Rochechouart a une longue histoire montmartroise, dominée par la figure d’Aristide Bruant. C’est là que Rodolphe Salis ouvrit en 1881 un cabaret dans un ancien bureau de poste. Il le baptisa « le Chat Noir ». En 1885, quand le cabaret est transféré au 12 Rue de Laval (aujourd’hui Rue Victor Massé), Bruant achète le local et le baptise : « le Mirliton ». Le Mirliton survit sous le nom de « Cabaret Bruant » jusqu’en 1958.

    Les cabarets jumeaux « Le Ciel » et « L’Enfer » (53 Bd de Clichy – 1909) : Considérés comme les pionniers des cafés-cabarets à thème, ils furent ouverts en 1896 par Antonin, le créateur du « Cabaret du Néant ». Le cabaret avait en fait deux entrées, l’une peinte en bleu et blanc menait au paradis, l’autre en rouge et noir conduisait à l’enfer ! Ils furent détruits après-guerre, vers 1952. Un supermarché a été construit à leur emplacement.

    Le Lapin Agile (22 Rue des Saules – 1909) : « Au Lapin Agile » est un cabaret situé sur la butte Montmartre. Le bâtiment date de 1795. L’année 1903 verra arriver Frédéric Gérard (photo), dit « Le Père Frédé », grâce à qui le Lapin Agile deviendra un lieu incontournable de la bohème artistique montmartroise.

    Le Cabaret des Truands (100 Bd de Clichy – 1909) : Cette salle, ouverte en 1905, connaîtra de nombreuses enseignes avant de devenir le « Théâtre des Deux-Ânes » en octobre 1921. La salle, inoccupée en 1916, est démolie et reconstruite en 1920 pour accueillir le « Théâtre des Deux-Ânes » quelques mois plus tard.

    La Boîte à Fursy (58 Rue Pigalle – 1909) : Cabaret artistique, fondé en 1899 par le chansonnier Fursy. Directeur du « Tréteau de Tabarin » (au 58 Rue Pigalle), Fursy fonda son propre cabaret, « La Boîte à Fursy », dans l’ancien « Hôtel du Chat-Noir », rue Victor Massé (1899), puis le transféra au 58 Rue Pigalle.

    Le Chat Noir (68 Bd de Clichy – 1909) : « Le Chat Noir » était un célèbre cabaret de Montmartre, fondé en novembre 1881 par Rodolphe Salis. Deux ans après la mort de Rodolphe Salis survenue en 1897, le cabaret est racheté par le chansonnier montmartrois Henri Dreyfus dit « Fursy » et rebaptisé « La Boîte à Fursy ». Situé au pied de la butte Montmartre au 68 boulevard de Clichy dans le 18ème arrondissement de Paris, « Le Cabaret du Chat-Noir » fut l’un des grands lieux de rencontre du Tout-Paris et le symbole de la Bohème de cette fin du XIXe siècle.

    Élysée Montmartre (72 Bd de Rochechouart – 1909) : Il est attesté que depuis 1807, un bal existait à cet endroit. Vers 1870, l’établissement se composait de trois corps de bâtiment et d’un vaste jardin. Dans les années 1885-1890, les lieux voient s’y produire des artistes aux noms étranges : La Goulue, Valentin le Désossé, Grille d’Egout, … En 1894, un nouveau propriétaire modifia les lieux de fond en comble. Le jardin fut supprimé pour faire place au « Trianon-Concert ». Un premier incendie détruisit l’Elysée-Montmartre en février 1900. Il fut reconstruit, et intègra des décorations Art Nouveau. En 2011, un second incendie détruisait de nouveau L’Élysée Montmartre, et rendit sa salle inutilisable. Elle fait l’objet de travaux de rénovation depuis 2014. La réouverture de l’établissement est prévue cette année.

     

     

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