Catégorie : Photographie

  • Mike Mitchell, enfin dans la lumière

     

     

    Nos souvenirs des Beatles sont souvent noirs & blancs… Vêtus de leurs costumes sombres, jouant sur des instruments parfaitement monochromatiques, John, Paul, George et Ringo n’ont jamais autant impressionné la pellicule que dans ces deux segments très spécifiques du spectre de couleurs.

     

    C’est à l’occasion d’un concert mémorable au Coliseum de Washington D.C. en février 1964, soit deux jours après l’apparition du groupe au Ed Sullivan Show, passée à la postérité, que le photographe américain Mike Mitchell, alors âgé de 18 ans, saisit cette incroyable série de clichés des Beatles. Ces 450 photos prises avec un Nikon 35 mm sans flash, parfois floues, au grain épais et incomparable, capturent les premiers pas des Fab Four aux Etats-Unis.

    « Vous ne pouvez pas oublier huit-mille filles en transe, hurlantes. C’était comme la naissance de ma génération… » confie Mike Mitchell au magazine Reuters en 2014, lors de la célébration du 50ème anniversaire du premier concert américain des Beatles. « Le Coliseum était plongé dans le noir complet avant que le concert ne débute. J’avais réussi à me procurer une carte de presse mais je n’avais pas assez d’argent pour me payer un flash. Je suis monté sur scène, afin de pallier le manque de lumière, lorsque soudain, les projecteurs se sont allumés et le concert a démarré. Je n’ai pas réalisé sur le moment ma proximité avec le groupe, et je me suis mis à mitrailler frénétiquement. Les filles hurlaient si fort que je suis probablement le seul à avoir entendu la musique ce soir-là… »

    En 2011, Mike Mitchell est inconnu du grand public lorsqu’il se décide enfin à dévoiler ces négatifs et planches-contacts vieux de presque cinquante ans. Il passe alors plus de mille heures à les restaurer méticuleusement. Christie’s sélectionne finalement 46 clichés qui seront tirés sur papier afin d’être vendus aux enchères. D’abord estimées à 100.000 $, les photos se vendront finalement 362.000 $.

     

     

     

    [youtube id= »XMF8cFkif_0″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    [youtube id= »cQkXGpzsYRA » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

    [youtube id= »oB-sCe9fCtU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • Kristy Chatelain : Brooklyn Changing

     

     

    La photographe américaine Kristy Chatelain, originaire de Brooklyn, témoigne avec sa série de clichés intitulée « Brooklyn Changing » de la métamorphose de son quartier, où les façades de ses maisons et commerces passent peu à peu dans la grande lessiveuse gentrifugeuse du hipster new-yorkais.

     

    Il suffit de se rendre à pied de Manhattan à Brooklyn, et de traverser le borough du Nord vers le Sud, depuis le Williamsburg Bridge jusqu’au Brooklyn Bridge, en passant par Bedford Avenue, pour constater que ce quartier où se concentrait il y a encore une dizaine d’années la plupart des vendeurs de vinyles de New York, n’en compte aujourd’hui plus un seul… Ce qui ne signifie pas pour autant que le quartier a complètement perdu de son intérêt, mais il faut dire que l’amateur de musique qui pouvait passer des jours entiers à chercher son bonheur dans les magasins de disques du coin ne risquera dorénavant plus l’excédent de bagages à son retour… Et ce qui vaut pour les vinyles vaut pour le reste.

    Originaire de la Nouvelle Orléans, Kristy Chatelain est d’abord passée par Berlin pendant deux années pour affiner sa sensibilité aux architectures urbaines, avant de revenir trainer ses guêtres dans les rues de la Grande Pomme, et y décrocher un master en arts visuels.

    Durant ces huit dernières années, elle va donc fixer sur sa pellicule numérique ce borough de Brooklyn, de Greenpoint au Dumbo (Down Under the Manhattan Bridge Overpass) en passant par Williamsburg, et témoigner du lifting qu’ont opéré les hipsters sur les rues new-yorkaises, où les graffitis laissent place aux façades bien propres sur elles…

    Tiens, d’ailleurs, où est donc passé ce magnifique Space Invader que vous aurez sûrement remarqué sur la photo choisie comme image à la une de cet article ?

     

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Kristy Chatelain Official

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Kristy Chatelain Instagram

     

     

     

  • L’Instant Gainsbourg avec Tony Frank

     

     

    Tony Frank n’est pas un simple photographe de stars. Il a toujours su saisir l’âme des célébrités pour mieux les raconter. En mai 2016, l’artiste s’exposait à la Galerie de l’Instant pour commémorer le 25ème anniversaire de la disparition de Serge Gainsbourg. Par les clichés intimes et léchés de Tony Frank, Gainsbourg n’aura jamais été aussi vivant. « Ça vous étonne, mais c’est comme ça »… Une rencontre suspendue dans le temps et bercée par les notes de Melody Nelson.

     

    Vous présentez jusqu’au 31 mai des clichés de Serge Gainsbourg à la Galerie de l’Instant. Quelle est l’histoire de cette exposition ?

    A l’occasion des 25 ans de la mort de Serge Gainsbourg, j’ai été contacté par de nombreuses galeries afin de lui rendre hommage. Je connais Julia Gragnon depuis très longtemps, elle avait déjà exposé au sein de sa galerie des photographies de Serge Gainsbourg. C’était donc une occasion de se retrouver.

     

     

    Vous l’avez évoqué : nous commémorons cette année les 25 ans de la disparition de Serge Gainsbourg. Comment expliquez-vous qu’il fascine toujours autant aujourd’hui ?

    Je dirais même qu’il fascine encore plus aujourd’hui que par le passé. Je me souviens que lorsque « Melody Nelson » est sorti, nous étions tous comme des fous à l’idée de découvrir cet album-concept. Le disque a cependant été boudé par le public, ce qui a vraiment affecté Gainsbourg. En tant qu’interprète, il a bien marché seulement à la fin de sa carrière. Je me souviens notamment de sa joie quand il est remonté sur scène après plus de dix ans, avec Bijou, le groupe de rock. Ensemble, ils se sont produits au Théâtre Mogador avec une reprise de la chanson « Les Papillons Noirs ». Et j’ai eu la chance d’assister à ce beau moment.

    Aujourd’hui « Melody Nelson » est reconnu comme un album majeur et a influencé de nombreux musiciens comme Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, les deux membres du groupe Air. Ils l’écoutent religieusement tous les ans ! Serge est également devenu mythique grâce à tous les titres qu’il a écrits pour les autres, et notamment pour les femmes. J’imagine qu’au fil des années, son talent a enfin été reconnu. Le public a compris à quel point il était rock’n’roll, dans le fond…

     

    Parmi les photos mythiques de cette exposition, celle de la pochette du concept-album « Melody Nelson ». Comment s’est déroulé la séance ?

    J’ai l’habitude de discuter avec les artistes avant de réaliser leurs pochettes d’albums. Mais en ce qui concerne « Melody Nelson », je n’en avais aucune idée, même si j’avais entendu quelques bribes lorsque Serge composait l’album à Londres. Il m’a demandé de venir en studio afin de prendre la photo de l’album. Jane Birkin, alors enceinte de trois mois, était seule quand je suis arrivé. Serge était en retard. J’ai donc commencé à tout installer et à faire les premiers réglages sans vraiment savoir ce que cela allait donner. Puis Serge est arrivé : il était parti chercher une perruque car le personnage de Melody, qu’il avait créé, avait les cheveux rouges. J’ai dirigé Jane de manière générale. Serge, lui, savait ce qu’il voulait. La photo est née de cette manière.

     

     

    Quel rapport Serge Gainsbourg avait-il avec la photographie et en particulier vos portraits de lui ?

    Serge adorait l’image. Il a même mis en scène des clips et des moyens métrages. Il a également publié un livre de photos, « Bambou et les Poupées ». Il avait une idée assez précise de ce qu’il voulait et m’a souvent demandé des conseils techniques.

    En ce qui concerne les portraits que j’ai faits de lui, il était en général assez content du résultat, je crois. Certains clichés figuraient d’ailleurs parmi ses préférés. Il me demandait d’immortaliser des moments de vie. Et nous choisissions les photos ensemble.

     

     

    De Frank Zappa à Sammy Davis Junior, en passant par Alain Bashung ou Léo Ferré, vous avez photographié beaucoup de célébrités. Pourquoi avoir choisi de les photographier eux, plutôt que des inconnus ?

    Je ne suis pas fasciné par les célébrités, je n’ai jamais été un fan. J’ai plutôt été ami avec les personnes que je photographiais, sinon je n’aurais pas pu travailler avec eux. Au début, j’ai fait des photos de jazzmen, car j’adorais le jazz. Puis j’ai commencé à photographier les artistes sur scène comme Louis Armstrong, Modern Jazz Quartet ou Gerry Mulligan. J’avais la passion de la photo et de la musique.

    Avec l’arrivée du rock’n’roll, j’ai commencé à sortir au Golf Drouot, fréquenté à l’époque par Johnny Hallyday ou Eddy Mitchell. C’est là que je les ai rencontrés et j’ai commencé à bosser avec eux, puis avec James Brown, les Who… J’ai également travaillé sur les tournages de films où j’ai pu photographier Alain Delon ou Jean-Paul Belmondo.

     

     

    En plus de cinquante ans de carrière, quelle célébrité auriez-vous aimé immortaliser ?

    Je regrette de ne pas avoir pu photographier Frank Sinatra et Elvis Presley.

     

    Vous êtes également l’auteur de la photo de Michel Polnareff qui a tant fait scandale à l’époque. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette affaire ?

    A l’époque, nous avions fait cette photo comme un gag potache. J’ai été convoqué à la brigade des moeurs et nous avons été condamnés à payer une amende. Je peux vous dire que je n’en menais pas large lorsque j’ai atterri Quai des Orfèvres… Ma photo a été saisie au même titre que de vulgaires magazines pornos, alors qu’elle n’avait rien à voir avec cela.

    Avec le recul, je pense qu’il en faudrait plus aujourd’hui pour choquer les gens. Quand je vois les magazines affichés sur les devantures des kiosques à journaux, je ne trouve d’ailleurs pas toujours cela de bon goût. Je me rends compte aussi que dès que l’on parle de Polnareff, on fait référence à cet épisode, ce qui, à l’époque, avait le don de l’agacer. Aujourd’hui, je crois qu’il est assez content que l’on en parle, finalement.

     

     

    Pour reprendre notre « baseline », en quoi êtes-vous un photographe « not like the others » ?

    Parce que j’ai eu les cheveux longs avant les autres, peut-être… Plus sérieusement, c’est une question difficile. De quels autres parle-t-on ? Je crois que j’ai toujours respecté les gens. J’ai toujours essayé de parler avec eux avant de faire une photo pour savoir dans quel contexte ils vivent, quelles sont leurs racines… j’ai à cœur de ne pas trahir leur esprit. Cette confiance est importante à mes yeux. C’est peut-être ce qui me différencie des autres.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size=« large »] Tony Frank Official

    [kleo_icon icon= »link » icon_size=« large »] Tony Frank à la Galerie de l’Instant

     

     

     

  • Gilles Caron : Paris 1968 à l’Hôtel de Ville de Paris (du 04 mai au 28 juillet 2018)

     

     

    Gilles Caron, le photographe qui immortalisa les premiers pas de Daniel Cohn-Bendit à la tête des manifestations étudiantes de Mai 68, est mis à l’honneur à l’Hôtel de Ville de Paris depuis le 04 mai 2018, et ce jusqu’au 28 juillet. 300 clichés qui évoquent la capitale en mai 68, les icônes de la révolution, les grands lieux de l’insurrection ; des événements qui pousseront ensuite le jeune photo-reporter à partir couvrir les grands conflits de la planète pour l’agence Gamma. Instant City vous fait découvrir le travail de ce témoin de notre siècle, disparu au Cambodge en 1970.

     

    Il a capturé dans son objectif quelques-unes des grandes icônes de Mai 68. Le photo-journaliste Gilles Caron a 29 ans cette année-là et a su capter avec justesse les moments les plus marquants de la Vème République. Rencontre avec l’historien de la photographie Michel Poivert, qui nous a ouvert les portes de son exposition pendant son installation à l’Hôtel de Ville de Paris. Une occasion de remettre à plat les grandes figures de cette époque, à commencer par la plus célèbre, Daniel Cohn-Bendit.

     

    « On voit l’étudiant qui cherche manifestement à provoquer le policier. Ils se dressent l’un en face de l’autre, presque visage contre visage. Cette image est particulièrement intéressante, puisque c’est le moment où Daniel Cohn-Bendit voit le photographe. A partir de cet instant, on a véritablement l’impression que la réalité et la fiction vont se mêler, que l’étudiant va surjouer la provocation pour le photographe, et faire de cette situation une des images les plus célèbres de Mai 68. On avait dans cette série de photos quasiment tous les ingrédients de confrontation de l’ordre et de la jeunesse. »

     

     

     

    Gilles Caron commence sa carrière au milieu des années 60. Il appartient pleinement à cette génération « Pop » qu’il incarne et qu’il représente. Photographe de presse, il navigue entre reportages de guerre, voyages politiques officiels ou coulisses du showbiz, et décrypte cette société du spectacle en train de naître.

     

    « Le sujet de Gilles Caron, derrière la question de la vedette ou de la célébrité, c’est la jeunesse. Et cette jeunesse qui est finalement en train de devenir pratiquement une classe sociale, ou tout du moins une classe sociologique, c’est vraiment cela que Gilles Caron essaie de capter. Comment le jeune devient une figure de la modernité. »

     

    Dès le mois de mars 1968, Gilles Caron documente le mouvement qui se met en place à la Faculté de Nanterre. Dans tout le corpus de Caron en 68, la femme est omniprésente. Pas simplement la jeune femme héroïne, mais aussi la mère de famille avec ses enfants ou l’ouvrière plus âgée qui manifeste avec la CGT. Il a compris, des amphis de Nanterre jusqu’aux pavés de la Rue du Havre, à quel point la femme joue désormais un vrai rôle politique. Avec Gilles Caron, on assiste à un tournant dans le traitement photographique de l’événement historique.

     

    « Sur cette photo, c’est Jean Hélion. Il est en train de peindre sur le motif. Il fait des croquis sur le vif des CRS qui sont en train de reprendre la Sorbonne. On a affaire, avec Gilles Caron, à un reporter qui connaît très bien la peinture, qui est le meilleur ami du fils d’André Derain. Il voit Hélion dans la rue, le reconnait et va aller le photographier. Il compare d’ailleurs son travail de photographe à celui du peintre sur le motif… »

     

     

     

    Cette connaissance de l’histoire de l’art permet à Gilles Caron de créer de véritables motifs visuels, comme celui des lanceurs. On voit dans la manifestation du 6 mai la perspective de la Rue Saint-Jacques, qui est d’ailleurs totalement noyée dans les gaz lacrymogènes. Le photographe a pris position derrière les tireurs ou les lanceurs les plus aguerris, qui vont avancer au plus près des forces de l’ordre. On sait à travers toutes les photos prises par Gilles Caron dès 1967 que lorsqu’il est dans une manifestation, le lanceur est pour lui l’incarnation de la rébellion. Et ses images vont s’imposer comme une sorte de stéréotype de la lutte, jusque finalement dans l’actualité actuelle la plus chaude, avec les intifadas en Palestine.

    En tant que reporter de guerre, Gilles Caron a compris depuis l’Algérie que les guerres sont désormais des épisodes qui mettent en scène civils et militaires. Que ça se passe dans les villes, jusque dans le quotidien des gens. De nouveaux théâtres de conflit, véritables guérillas urbaines, qui vont acquérir une force particulière avec ses clichés nocturnes.

     

     

    « On a avec ces nocturnes de Gilles Caron en mai 68 le cas d’un photographe qui cumule à peu près toutes les contraintes : le chaos, la nuit, la pluie… Finalement tous les éléments qui ne permettent pas de faire une bonne photo. Et pourtant, il parviendra à créer avec toutes ces contraintes un univers dramatique unique. »

     

    Gilles Caron disparaît en 1970, à 31 ans, lors d’un reportage photo au Cambodge. Une vie et une carrière fulgurante qui contribueront aussi, à force de commémorations et d’hommages, à faire de lui le photographe iconique de Mai 68.

    Cette exposition propose donc de plonger dans le Paris de l’année 1968, capitale d’une révolte que Gilles Caron met en résonance avec le monde, à travers ses photographies. Une France des premiers combats étudiants, du succès du cinéma de la Nouvelle Vague, de la mode des sixties ; mais également une France dont la vie politique tourbillonne autour du Général de Gaulle.

    Le parcours, composé de sept sections, fait revivre ce Paris de 68 et les étapes d’une année décisive dans l’histoire des mentalités. Trois cents photographies sont ici présentées : des clichés d’époque ainsi que des épreuves modernes d’après les négatifs originaux conservés dans les archives de la fondation Gilles Caron.

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Fondation Gilles Caron

     

     

     

  • Serge Gainsbourg, 5 bis rue de Verneuil…

     

     

     

    Derrière cette célèbre adresse du 5 bis Rue de Verneuil à la façade devenue culte se cache l’antre de Serge Gainsbourg. Il y vécut de 1969 jusqu’à sa disparition en 1991. Ce petit hôtel particulier, acheté par l’artiste pour y abriter ses amours clandestins avec Brigitte Bardot, ponctuera ensuite tous les autres moments importants de sa vie, des débuts de son histoire avec Jane Birkin, en passant par la naissance de Charlotte, sa rencontre avec Bambou, jusqu’à la naissance de son fils Lulu…

     

    Cette maison, dont sa fille Charlotte héritera en 1992, n’a pas changé depuis la mort de Serge Gainsbourg. Rien n’a bougé… Comme dans un songe, on y trouve encore le cendrier plein de gitanes, le frigo rempli, les bouteilles de vin entamées… Tony Frank a eu le privilège de fréquenter, dans le cadre de cet écrin exceptionnel, le propriétaire des lieux, qu’il photographia à plusieurs reprises dans son décor favori, dès les débuts de leur rencontre à la fin des années 60.

    Au printemps 2017, plus de 25 ans après la mort de l’artiste, Tony Frank est revenu, non sans une certaine émotion, dans cette demeure si riche en souvenirs, où y plane encore l’ombre de Serge. On y découvre avec surprise que Gainsbourg admirait Marilyn Monroe, on croise l’immense portrait de Bardot, qui lui brisa le cœur avant qu’il ne rencontre Jane… On reconnaît le manuscrit original de La Marseillaise qu’il acheta aux enchères en 1981, et « l’Homme à la Tête de Chou »… Gainsbourg est tombé par hasard sur cette sculpture de Claude Lalanne à la vitrine d’une galerie d’art contemporain. Immédiatement fasciné par l’oeuvre, il l’achètera sur le champ, « cash » comme il se plaisait à le dire non sans une certaine fierté, et la fera livrer chez lui, pour l’installer dans sa cour intérieure.

    Le temps s’est donc arrêté au 5 bis de la Rue de Verneuil… C’est en ce lieu que Serge Gainsbourg a composé ses plus sublimes chansons et a façonné, au fil des années, un univers esthétique unique peuplé de milliers d’objets et de souvenirs. Une fois passée la célèbre façade recouverte de graffitis, et franchie la grille, on entre dans le grand salon tout tapissé de noir. C’est alors que commence la découverte de ce lieu fascinant. Œuvre de décorateur, de collectionneur et d’esthète, l’hôtel particulier de Serge Gainsbourg fut aussi un lieu de vie, et le repaire d’un des créateurs les plus importants du siècle dernier.

    Nous avons choisi de présenter une sélection des clichés de Tony Frank, pris en 1982 comme lors du retour récent du photographe au 5 bis Rue de Verneuil, mêlant ainsi le passé et le présent, le musicien et son ombre qui plane encore sur ce sanctuaire étonnant.

     

    « Voilà, c’est chez moi. Je ne sais pas ce que c’est : un sitting-room, une salle de musique, un bordel, un musée… »

     

    Dès l’entrée dans la maison, par le grand salon au rez-de-chaussée, on est immergé dans l’univers chargé d’objets de Serge. Appuyé sur la cheminée, le portrait grandeur nature de Brigitte Bardot, réalisé par Sam Levin au début des années 60, comptait beaucoup pour Serge. Il ne voulait en aucun cas qu’on le déplace ne serait-ce que de quelques centimètres.

     

     

    Dans l’angle gauche du séjour se trouve le buste de Jane Birkin, sculpté par E. Godard, et un écorché en papier maché grandeur nature dans le style de l’anatomiste Honoré Fragonard. On reconnaît également « l’Homme à la Tête de Chou » de Claude Lalanne créé en 1969. Sur la gauche, un orgue électrique Lowrey de 1980 au-dessus duquel est accroché « The Bishop’s Children », une huile de l’école anglaise du XIXème.

     

     

    Le séjour, toujours… Très complice avec les forces de police, qui le déposaient régulièrement chez lui au petit matin, Serge aimait se faire offrir des insignes, menottes et diverses munitions… au point qu’il s’était constitué une impressionnante collection de plus de 250 pièces ! A gauche, sur la table, on aperçoit une mallette à cocktails, et sur le mur, un article du Journal du Dimanche : « Gainsbourg face au paras ».

     

     

    La cuisine est éclairée par un lustre en bronze doré à riche décor de fleurs et feuilles de liseron en pâte de verre de Murano datant du XIXe. C’est Serge qui avait imaginé ce réfrigérateur dont la porte est en verre. Il trouvait ridicule d’avoir à l’ouvrir sans cesse…

     

     

    Juste derrière la salle de bain, la chambre d’artiste dans toute sa splendeur. Derrière le grand lit, une toile persane imprimée de la fin du XIXe. Un banc en forme de sirène, un paravent d’osier doré et, sur la gauche, un flambeau de bois sculpté à six bras laqué blanc d’origine allemande. Au pied du lit, une paire de Repetto blanches.

     

     

    Serge Gainsbourg chez lui le 15 Avril 1982.

     

     

    Gainsbourg sur son lit, entouré de quelques-uns de ses albums souvent illustrés par des photos de Tony Frank, en 1979.

     

     

    Retour dans le salon… Quel musicien n’a pas rêvé un jour de posséder un Rhodes Seventy Three, piano électrique d’une qualité sonore exceptionnelle ! Sur la droite, un pan entier de mur est réservé à des articles de journaux consacrés à la chanson « Je t’aime moi non plus » sortie en 1968.

     

     

    Serge Gainsbourg chez lui à côté de « l’Homme à la Tête de Chou » le 15 Avril 1982.

     

     

    Serge Gainsbourg à table dans sa cuisine, en 1982

     

     

    Serge Gainsbourg chez lui, jouant avec une marionnette à son effigie, en 1982.

     

     

    Serge Gainsbourg en blazer, avec son insigne des parachutistes.

     

     

    La Galerie de l’Instant nous permet donc de nous immiscer dans l’intimité du dandy au fil des photographies de Tony Frank. Une exposition nostalgique et poignante, qui raconte en images le quotidien de Serge Gainsbourg et de sa famille. Les gitanes s’entassent dans le cendrier, les bouteilles de rouge sont à moitié vides, le piano est ouvert, prêt à accueillir de nouvelles mélodies… Du grand salon illuminé par le portrait de Brigitte Bardot à la chambre de style persan où l’on aperçoit les Zizi blanches au pied du lit, en passant par le séjour rempli de vinyls et de beaux souvenirs qui prêtent à l’anecdote, la maison de Serge Gainsbourg semble encore habitée par sa présence magnétique.

    Sur son trône en velours dans l’entrée ou allongé sur le tapis d’Orient de sa chambre, entouré de marionnettes à son effigie, de poupées de porcelaine, le dandy se prête au jeu, avec malice et tendresse. Et pour un instant, ce lieu nous devient familier, porteur de tant de fantasmes et de légendes.

    En février 2018, Charlotte Gainsbourg relançait sur France Inter l’idée d’ouvrir au public le sanctuaire de son père, à l’exception de la chambre à coucher. L’actrice y est d’ailleurs retournée récemment pour tourner le clip de « Lying With You », extrait de son album « Rest » paru en novembre 2017, chanson dans laquelle elle s’adresse à lui. Mais ce musée est un serpent de mer… Charlotte Gainsbourg en avait déjà parlé au Monde en 2007 en évoquant un projet de l’architecte Jean Nouvel : « depuis quinze ans, nous y songeons ».

     

    [youtube id= »g7b6J63QHXM » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « 5 bis rue Verneuil, photographies de Tony Frank », du 29 mars au 10 juin 2018 à la Galerie de l’Instant, 46 Rue de Poitou, 75003 Paris

    Crédit photo : Serge Gainsbourg, 5 bis rue de Verneuil © Tony Frank

     

    [ultimate_google_map width= »100% » height= »300px » map_type= »ROADMAP » lat= »48.857138″ lng= »2.331635″ zoom= »15″ scrollwheel= » » infowindow_open= »infowindow_open_value » marker_icon= »default » streetviewcontrol= »false » maptypecontrol= »false » pancontrol= »false » zoomcontrol= »false » zoomcontrolsize= »SMALL » top_margin= »page_margin_top » map_override= »0″][/ultimate_google_map]

     

     

     

  • Une guerre sans nom, Algérie

     

     

    Le Centre International du Photojournalisme et le Mémorial du Camp de Rivesaltes s’unissent une nouvelle fois pour présenter l’exposition « Une guerre sans nom, Algérie ». Des photographies de Raymond Depardon, Marc Riboud, Pierre Boulat, Jacques Hors ou encore Pierre Domenech y sont présentées et aident à comprendre la complexité de cette guerre et les répercutions qu’elle a pu avoir.

     

    Du 15 mars au 15 mai, l’exposition sera visible au Centre International du Photojournalisme et au Mémorial du Camp de Rivesaltes. Une centaine de clichés des plus grands photojournalistes de l’époque sélectionnés pour leur travail et leur volonté d’apporter une plus grande visibilité à cette guerre camouflée en événements et qui ne disait pas son nom. Parmi les photographies exposées, celles de Marc Riboud, Raymond Depardon, Jacques Hors ou Pierre Boulat. Jean Marc Pujol, natif de Mostaganem, a répondu à nos questions sur cette période de l’histoire de France. Vernissage, le 15 mars à 18h00 au CIP, le 23 mars à 15h30 au Mémorial de Rivesaltes.

     

    ♦ Force des événements et intimité de la vie en Algérie française : L’historien Jean-Jacques Jordi a écrit l’exposition pour nous aider à mieux comprendre cette guerre qui ne dit pas son nom.

    Questionné au sujet de son enfance dans la commune du Nord-Ouest de l’Algérie, Jean Marc Pujol évoque « une enfance joyeuse mais inquiète ». Le Maire de Perpignan est né à Mostaganem, il fut contraint à l’exil avec sa famille en 1961, pour rejoindre Béziers. Il se remémore « une vie normale malgré les attentats ». Un sentiment confirmé par le directeur éditorial de l’exposition, Jean-Jacques Jordi : « Au sortir de la seconde guerre mondiale, les positionnements idéologiques se cristallisent plus que par le passé. Le soulèvement en Kabylie en mai 1945 et la répression qui s’ensuit creusent encore plus le fossé entre les communautés. Mais au-delà des prises de position, on a l’impression que l’Algérie elle-même reste coupée entre insouciance et paupérisation ».

    En écho, le Mémorial du Camp de Rivesaltes renvoie l’image d’un espace où si la guerre n’est pas présente, les acteurs de cette guerre le sont : photographes amateurs et journalistes suivent les arrivées et départs de membres du FLN, l’arrivée ensuite des ex-supplétifs de l’armée française, en une série d’images fortes.

     

    ♦ 6 juin 1958, De Gaulle « Vive l’Algérie française »

    Le discours du Général De Gaulle ne change rien au déroulement de l’histoire. Jean-Marc Pujol, âgé de neuf ans en 1958, a assisté à cette prise de parole présidentielle. Son père avait amené le jeune garçon qu’il était écouter le discours aux pieds du balcon de l’hôtel de ville de Mostaganem. Jean-Marc Pujol en garde « un souvenir précis ».

    Ce discours ne parvient pas à apaiser les tensions dans le département français, bien au contraire, il exacerbe les antagonismes. Charles De Gaulle est contraint dès 1959 à évoquer publiquement le « droit des Algériens à l’autodétermination ». Le héros de la seconde guerre mondiale parle de trois issues possibles à cette crise : « la sécession, la francisation ou l’association ». Une parole vécue comme « un coup de tonnerre » sur le terrain, précipitant dans la guerre « les ultras » de l’armée française qui s’organisent  en créant l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète).

     

    ♦ « Être au plus proche des évènements »

    Dans la ville qui est depuis près de 30 ans le centre du monde du photojournalisme, le travail de ces reporters de l’image n’est plus à démontrer. À une époque où la censure est bien présente, ce constat est encore plus vrai : Le photographe de guerre Marc Riboud confiait : « Le plus important, c’était d’être rapidement là où il se passait quelque chose ». Il fallait être parmi les premiers, être au plus proche des événements, quitte à prendre des risques et à se trouver dans le double mouvement de manifestations des nationalistes algériens qui brandissent pour la première fois et ouvertement le drapeau algérien, et celle des « ultras » de l’Algérie française qui veulent en découdre avec les gardes mobiles pour garder l’Algérie à la France.

     

    « Riboud, Depardon et Boulat en saisissent toute la force, toute la violence. Jacques Hors, quant à lui, nous dévoile l’intime des populations qu’il croise » écrit le docteur en histoire et spécialiste de cette période, Jean-Jacques Jordi.

     

    ♦ Le 19 Mars, « une date faussement symbolique » pour Jean-Marc Pujol

    C’est sur une proposition des socialistes, qu’en novembre 2012, le 19 mars est devenue la « Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ».

    Depuis cette date, Jean-Marc Pujol n’a cessé de critiquer ce choix. Il écrivait en 2016 à François Hollande : « En choisissant de commémorer le 19 mars 1962, vous commettez une double forfaiture. Morale d’abord, car vous oubliez les victimes civiles et militaires de « l’après 19-mars » : les assassinats perpétrés par les combattants du FLN contre les harkis, les enlèvements d’innocents… et les massacres du 5 juillet 1962 à Oran »… Loin de commémorer cette date à Perpignan, le Maire choisit tous les ans de mettre les drapeaux de la ville en berne, « par respect pour les victimes d’après 19 mars 62 ». Pour rappel, depuis 2003 et jusqu’en 2012, il existait une journée d’hommage consacrée aux seuls « morts pour la France durant la guerre d’Algérie ».

    Questionné sur les éléments que cette exposition ne doit pas passer sous silence, Jean-Marc Pujol confie : « Les massacres des harkis et les disparus ».

     

    ♦ Devoir de mémoire pour les jeunes générations

    Jean Marc Pujol souhaite par dessus tout que soit dite la vérité et « l’ouverture des archives ». Particulièrement sensible au devoir de mémoire et de transmission de l’histoire aux jeunes générations, il a voulu insuffler à la politique jeunesse de la ville un travail autour de la mémoire et en particulier celle de la « Retirada ». Les jeunes de la ville ont ainsi recueillis des témoignages de survivants de cette période, qui voit en 1939, l’exode massif de près d’un demi-million de réfugiés espagnols fuyant le franquisme.

     

     

    Exposition du 15 mars au 13 mai 2018 au Couvent des Minimes de Perpignan et au Mémorial de Rivesaltes.
    Entrée gratuite du mardi au dimanche de 11h à 17h30.

     

    Photo à la Une : © Marc Riboud, Alger Juillet 62

     

     

     

  • Exposition « Marilyn, encore un instant » à la Galerie de l’Instant à Paris, jusqu’au 13 février 2018

     

     

    Julia Gragnon, directrice de la Galerie de L’Instant, consacre une nouvelle exposition à l‘icône américaine absolue, Marilyn Monroe, avec des clichés inédits de Sam Shaw, Lawrence Schiller ou encore Bert Stern.

     

    Julia Gragnon, fille du grand photographe de « Paris Match » François Gragnon, croyait décidément avoir fait le tour de Marilyn Monroe en lui ayant consacré trois expositions depuis l’ouverture de sa Galerie de l’Instant dans le Marais (Paris), il y a treize ans. Mais c’était sans compter sur des rencontres opportunes, la chance et surtout l’envie de faire partager encore et encore sa passion pour la belle blonde. « Depuis que je suis petite, j’ai toujours aimé Marilyn. C’est quelqu’un que je trouve très émouvant et qui me touche beaucoup », confie-t-elle. Et comme elle est seule maître à bord à la galerie, elle a décidé de se faire plaisir en présentant au public de nouvelles images de Norma Jeane Baker.

    On pensait donc avoir tout vu ou tout entendu sur Marilyn Monroe… La tragédie de sa vie, sa beauté insolente, son jeu, ses hommes…Alors pouvait-il exister encore des images inédites de la star qui auraient échappé au filtre implacable des médias modernes ? Apparemment oui… Car Marilyn fait bel et bien partie de ces rares personnages publics qui fournissent encore de la matière à notre insatiable appétit, même plusieurs décennies après leur disparition. Et face à la profusion des photos de Marilyn, en découvrir des inédites, c’est un peu comme retrouver un Picasso dans un grenier ou découvrir un Chagall au fond d’un tiroir…

     

    « Il faut bien comprendre que Marilyn Monroe a été photographiée toute sa vie. Elle a joué de son image plus que n’importe quelle autre star. J’ai eu la chance d’être invitée par la famille du photographe Sam Shaw à consulter ses archives. Et j’y découvris des images peut-être moins habituelles sur Marilyn. La photo où elle mange un hot-dog, par exemple. A l’époque, personne n’aurait publié ça. On découvre ici une autre facette de Marilyn, moins glamour et sexy, plus mélancolique mais probablement plus proche du personnage réel. »

     

    Julia Gragnon est une chasseuse d’images, capable de parcourir le monde à la découverte de clichés méconnus. Mais la passion ne suffit pas, et il faut aussi pouvoir compter sur des contacts pris lors de ses nombreux voyages, parmi lesquels parfois les enfants ou des membres de la famille des photographes qui ont eu la chance d’immortaliser la star, et qui viennent vers Julia pour lui proposer des photos retrouvées dans les archives de leurs parents. C’est ainsi qu’elle a réussi à réunir tous ces clichés exceptionnels et surtout complètement inédits. Notamment ces photos que Marilyn avait elle-même écartées de sa sélection en les barrant au marqueur rouge, tant l’iconique actrice pouvait être perfectionniste.

     

    « Les croix au marqueur sur les planches-contact ou les diapos, ce sont toutes les photos qu’elle n’a pas choisies et qu’elle ne souhaitait pas voir publier. Le photographe n’a finalement pas respecté sa volonté… D’un côté, c’est amoral parce que c’est malhonnête, mais nous serions passés à côté de photos extraordinaires. Quand on regarde cette photo, la mélancolie qu’elle a dans le regard… Cette autre photo surnommée « le crucifix » est tellement prémonitoire de ce qui va arriver deux mois plus tard. Avec cette croix qui barre la photo, on a l’impression que Marilyn est crucifiée, et quelque part, ça nous renvoie à son histoire personnelle, comme si Marilyn avait été crucifiée sur l’autel de la gloire et du star system… »

     

     

    Marilyn avait une façon de poser face à l’objectif qui était très particulière, toujours avec une précision incroyable. Les yeux mi-clos, la tête vers le haut… Alors ces clichés écartés par Marilyn fournissent la matière à cette exposition exceptionnelle.

     

    « Avec Marilyn, tout était dans le contrôle. Elle avait tellement travaillé cette image parfaite qu’elle renvoyait sans cesse. L’ouverture de la bouche, cette façon de fermer les yeux, cette espèce de glamour posé, elle avait assimilé toutes les techniques. Quand on voit cette dernière séance avec Bert Stern, la plupart des photos sont sur ce mode extrêmement travaillé. Cette séance était une commande du magazine Vogue en 1962, deux mois avant sa mort. Il y a plusieurs jours de shooting, entre mode pure, nu et glamour. »

     

    Cette exposition nous fait donc découvrir de nouveaux trésors, tandis que Marilyn nous emporte avec elle, sa grâce, son sourire, sa mélancolie… comme un puits sans fond ! On connaît, bien sûr, les images de Sam Shaw, surtout celles si célèbres du tournage de « 7 ans de réflexion », avec sa robe volant sur la bouche de métro, qui avait fait scandale à l’époque. Mais surtout, l’exposition nous fait découvrir ici des images méconnues, datant notamment de sa première année de mariage avec le dramaturge Arthur Miller, au printemps 1957…

     

    « On présente aussi beaucoup de photos de tournage, notamment à la période du « Milliardaire », ou encore des clichés plus personnels, avec Yves Montand ou lors d’un diner en compagnie de Simone Signoret, Montand et Arthur Miller. On plonge ici au coeur de ce huit-clos entre ces quatre personnages. Tout le monde sait ce qui se passe entre Marilyn et Montand, et tout le monde joue à faire semblant, comme si de rien n’était. Une série assez étonnante… »

     

    On y découvre une Marilyn joyeuse, resplendissante, sans doute à un des meilleurs moments de sa vie, dansant dans son jardin comme une enfant, se promenant dans New York, s’arrêtant pour prendre un hot dog, se reposant sur une fontaine… On est loin des poses figées de la star inaccessible, et s’y révèle une femme épanouie, facétieuse et amoureuse. Des photographies plus naturelles, plus en phase avec leur époque…

     

    « C’est quelqu’un qui n’a pas eu une vie facile. On parle actuellement beaucoup de l’affaire Weinstein. Je pense que des affaires Weinstein, Marilyn en avait sans doute beaucoup dans ses dossiers. C’était une autre époque, très violente pour les femmes. Pour réussir, il fallait vraiment être forte et prête à tout… »

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] La Galerie de l’Instant

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Marilyn Monroe, sa dernière séance

     

     

     

  • Colorama, retour sur la « Kodak Way of Life »

     

     

    À l’origine de la collection Colorama, les immenses images Kodak rétroéclairées, exposées dans le hall de Grand Central à New York de 1950 à 1990. La firme américaine y proclamait ainsi sa toute-puissance photographique. Alors utilisés comme espaces publicitaires dans la mythique gare ferroviaire de Manhattan, les clichés placardés étaient des transparents aux dimensions exceptionnelles de 18 mètres de large sur 6 mètres de haut. Du jamais vu dans le monde de la photographie.

     

    Par leurs mises en scènes spectaculaires, presque surréalistes, ces panoramiques conçus à l’origine comme des outils de communication au service de la promotion des pellicules et des appareils de prise de vue de la marque Kodak sont peu à peu devenus un véritable feuilleton au long cours. Le Kodak Colorama Display a su mettre en scène pendant plus de 40 ans l’histoire de la famille idéale, sans contradiction ni contestation. Ces clichés géants furent ainsi l’expression lisse et consensuelle du rêve américain d’après-guerre, son versant le plus aimable et le plus universellement adoptable.

    Les images de la collection Colorama servaient avant tout à la promotion commerciale des produits de la firme Kodak, que l’on aperçoit d’ailleurs dans chaque mise en scène. Mais ces panoramas en appellent surtout au thème commun et classique du passage du temps, pour mettre en valeur la fonction de l’appareil photo, moyen de saisir et de conserver les meilleurs instants d’une vie, qu’il s’agisse d’anniversaires, de réunions de famille, de mariages ou de scènes de vacances.

    Ces clichés monumentaux, par leur esthétique et leur ambition, dépassent ainsi le simple constat publicitaire et la prouesse technologique. Ils racontent aussi l’histoire d’une famille idéale et dispensent un discours volontairement patriote et conservateur sur l’Amérique des années 50. Dans cette promotion du fameux « American Way of Life », la contre-culture semble inexistante et tout semble tellement pur derrière les couleurs éclatantes et les sourires figés de personnages enjoués.

    A découvrir…

     

     

     

     

  • Loes Heerink : Vendors From Above

     

     

    En 2015, la photographe hollandaise Loes Heerink a eu l’idée lumineuse d’une série de photographies plutôt inventive et bien pensée intitulée « Vendors from Above ». En se plaçant sur des ponts de la ville de Hanoi, elle saisit ainsi vu d’en haut les vendeurs ambulants à vélo. Résultat : des clichés étonnants et bigarrés qui constituent à eux seuls une bien belle invitation au voyage.

     

    La patience… Voici l’élément clé qui a permis à la jeune photographe hollandaise de saisir ces vendeurs de rue à Hanoï. Installée depuis quelques années au Vietnam, Loes Heerink a souhaité à travers cette série photo partager la beauté de ce spectacle ambulant. Vus d’en haut, ces marchands de rue sont de véritables œuvres d’art. La composition et les couleurs des marchandises qu’ils transportent sont autant de patchworks qui donnent des clichés vraiment uniques !

    Pour réaliser « Vendors from Above », elle a parfois du passer des heures à attendre, installée en haut d’un pont de la capitale du Vietnam. La majorité des vendeurs de rue de Hanoï sont des migrants. Pour rendre hommage à ces femmes, Loes Heerink a souhaité réunir ses clichés dans un livre photo et lançait ainsi une campagne Kickstarter en 2016 afin de financer son projet.

    Découvrons à présent ces magnifiques photos hautes en couleur…

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Loes Heerink Official

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Loes Heerink Kickstarter

     

     

     

  • Rétrospective Irving Penn au Grand Palais, à partir du 21 septembre

     

     

    Irving Penn est mondialement connu pour ses portraits de personnalités et ses photos de mode réalisés pour le magazine Vogue. Le photographe américain, décédé en 2009, est à l’honneur au Grand Palais, à Paris, jusqu’au 29 janvier 2018. Pour cette rétrospective consacrée à l’artiste, 235 tirages ont été réunis, qui couvrent soixante-dix ans d’une carrière marquée par l’éclectisme.

     

    Si ses portraits ont fait le tour du monde, Irving Penn est aussi le photographe de sublimes natures mortes, de nus surprenants, ou de mégots de cigarette qu’il rend étonnement poétiques. L’exposition au Grand Palais montre ainsi toutes les facettes de son travail. Irving Penn, l’homme des portraits, photographie aussi bien les inconnus que les stars. Représentants des petits métiers parisiens, Indiens de Cuzco, femmes du Bénin ou personnalités en vue posent en studio, tous devant le même rideau acheté à Paris en 1950. C’est le cas notamment du jeune Yves Saint Laurent…

     

     

    « Yves Saint Laurent vient tout juste d’être désigné comme le successeur de Christian Dior à la tête de la maison Dior. C’est donc un inconnu dont on ne connait pas encore la personnalité. Irving Penn va saisir immédiatement, comme on le voit sur son portrait, à la fois cette fragilité physique et en même temps, dans ce regard, cette détermination qui est le signe d’un grand artiste qui a un programme en tête et qui va mettre en oeuvre ce programme. Il est d’ailleurs frappant de voir comment Penn se focalise sur le regard de ses personnages. » (Jérôme Neutre, Commissaire de l’exposition)

     

    Irving Penn, qui réalise la même année, en 1957, un incroyable portrait de Picasso, saisissant dans son seul oeil droit la vérité de l’artiste, explore l’âme, mais aussi les corps, avec sa série sur les nus réalisée en 1950 et demeurée inconnue jusqu’en 2002. Le photographe plasticien montre les corps, sans tabou.

     

     

    « Ces nus, il faut les imaginer comme des morceaux de corps féminins, très en chair, avec une « végétation pubienne » fournie, comme disait Irving Penn, ce qui dans l’Amérique puritaine de la fin des années 40, début des années 50, n’est pas du tout évident à montrer. Et le cadrage des corps sur ces clichés, qui nous font plus penser à des sculptures qu’à des photos de pin up… Avec un travail plastique extrêmement innovant, osé et radical, notamment en décolorant les photographies noir & blanc, de façon à rendre ces corps quasiment d’albâtre. On a l’impression de voir du marbre sculpté, dans la blancheur diaphane de ces corps. » (Jérôme Neutre, Commissaire de l’exposition)

     

    L’exposition qui est consacrée à Irving Penn au Grand Palais se referme avec la dernière photo prise par l’artiste en 2007 : une cafetière napolitaine, devenue œuvre d’art par la magie de son regard…

     

    [youtube id= »6WXSqyuIW2M » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] The Irving Penn Foundation

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Irving Penn au Grand Palais