Catégorie : Interview

  • Ulysse Terrasson, un auteur « Plein de Promesses »

     

     

    Ulysse Terrasson est un auteur « Plein de promesses ». Le format autant que l’écriture, les personnages et leur histoire contribuent à la réussite de ce premier roman dont le succès à venir est sans nul doute assuré. Car ce n’est pas un petit livre anecdotique.

     

    Dans ce roman, il y a plusieurs niveaux de lecture. Le plaisir, d’abord : le ton est à l’humour, omniprésent, aux phrases choisies, travaillées pour être percutantes. Les chapitres sont très courts, rythmés. L’émotion ensuite, produite en grande partie par une tendresse infinie qui émane de l’écriture. La verve transpire de chaleur et de bienveillance à l’égard des ces personnages parfois malmenés par les mots, mais pour lesquels on sent une immense affection. Et enfin l’histoire, dont on a tant envie de connaître l’issue.

    Qui remportera les suffrages d’Ulysse, ce jeune homme de presque vingt ans dans quelques jours, qui navigue entre Ingrid et Claire, Victor et Marius, son appartement et L’Esprit Vin, Paris et Montpellier, Nicolas Rey et Frédéric Beigbeder ? Car, au-delà du passage à l’âge adulte, l’auteur nous raconte un parcours amoureux. On est surpris de manière assez globale, qu’un jeune de dix-neuf ans parle en ces termes du couple, de la paternité, des enfants. Et il en est beaucoup question. Le père, ou plutôt le papa, prend une place assez importante dans le livre. Le papa qu’on a eu et celui qu’on va devenir. Les enfants, ceux des autres, celui qu’on a été, ceux de la fratrie, ceux que l’on regarde par la fenêtre, un des thèmes forts du livre avec la relation amoureuse et la maturité.

    Pour Instant City, Ulysse Terrasson a accepté de répondre à nos questions. De cet échange a émergé la partie cachée de l’iceberg, une comparaison qui lui est chère. Les personnages en première lecture égoïstes ou narcissiques eu égard à leur jeune âge, un peu immatures aussi, apparaissent en fin de roman transformés. On sent qu’une prise de conscience a eu lieu. Le passage de dix-neuf à vingt ans, comme la traversée d’une rive à l’autre, de l’état d’enfant à celui d’adulte, s’accompagne d’une compréhension du monde adulte. Il s’agit de faire des choix, de comprendre la relation à l’autre, de vouloir en toute conscience tirer parti des événements plutôt que de les subir.

    Explications par l’auteur lui-même, riche d’un univers déjà bien construit.

     

    Instant City : Bonjour Ulysse, comment est-ce qu’on se sent à trois jours de la sortie de son premier livre ?

    Ulysse Terrasson : On se sent comme un type qui est interviewé pour la première fois de sa vie. C’est très excitant. Depuis un mois, je m’amuse à faire un compte à rebours sur Facebook et Instagram. Chaque jour, hop, un petit post. Des choses évidentes comme la couverture du livre, deux-trois citations, les dédicaces prévues… Mais aussi d’autres choses plus intimes, plus personnelles. Quand j’ai tenu « Plein de Promesses » pour la première fois dans mes mains, par exemple. Et là, aujourd’hui, c’est cette interview que je veux partager. Ce moment. Ce jour historique qu’est J-3, pour moi.

     

    Instant City : Comment imaginez-vous les jours, les semaines qui vont suivre cette sortie ?

    Ulysse Terrasson : Je les imagine comme des jours qui se suivent mais ne se ressemblent pas. Il y a cette chose incroyable qui apparaît en même temps qu’un livre : les dédicaces. Et il y a cette chose encore plus incroyable : la complicité entre les dédicaces en question et mon cheminement personnel. À Montpellier, par exemple. Je bosse parfois en intérim à la Fnac de Montpellier. Et bim, où vais-je dédicacer vendredi 19 mai ? À la Fnac de Montpellier. De même, j’ai travaillé quatre années de suite à la Comédie du Livre. Je faisais partie de l’équipe des bénévoles qui s’occupent des écrivains, les amènent sur leurs stands pour dédicacer, à tel ou tel café pour qu’ils soient interviewés… Et bim, où vais-je dédicacer le week-end du 25 au 27 mai ? À la Comédie du Livre. Je trouve ça magique. Les semaines qui vont suivre et ne pas se ressembler seront pour moi une gigantesque enquête, à découvrir et comprendre l’arrière du spectacle…

     

    Instant City : Si vous deviez vous présenter à vos futurs lecteurs ?

    Ulysse Terrasson : D’abord, je leur dirais bonjour. Parce que la politesse, c’est essentiel. En tout cas, le grand philosophe Vald semble de cet avis… (Rires). Et puis, ensuite, je ne sais pas, je leur parlerais de l’éternelle difficulté pour la jeunesse d’exister par elle-même. De « La Confession d’un enfant du siècle » chez Musset, devenue 150 ans plus tard le « Monde sans Pitié » d’Eric Rochant. Peut-être aussi des « 37°2 le matin » de Philippe Djian et de Jean-Jacques Beinex. Parce que « Plein de promesses », c’est un peu tout ça à la fois. C’est essayer de sauvegarder sa jeunesse tout en jouant le jeu du réel autour de soi. Comment survivre à l’éloignement de nos plus proches ? Comment s’aimer quand la magie des rencontres est remplacée par les algorithmes de Tinder ? Et surtout : comment rester jeune quand la publicité nous interdit de vieillir, et en même temps comment vieillir quand le monde du travail nous interdit de rester jeune ?

     

    Instant City : Selon vous, qu’est-ce qui vous définit ?

    Ulysse Terrasson : Je dirais : l’intimité. Mon but ultime, c’est d’être l’écrivain de l’intime. Mais une intimité qui se mêle à une ambiance un peu rock. Mes lectures préférées sont toutes comme ça : elles allient l’émotion des grands moments au fun des plus petits. Et plus que mes lectures, on peut dire que mes histoires préférées sont toutes comme ça. Ce que j’aime, au fond, c’est le genre de la comédie dramatique. S’il y a autant de dialogues dans mes écrits, c’est parce qu’il y a énormément de séries TV parmi mes influences. Je pense à « Californication », mais aussi à « How I Met Your Mother », « Friends »…

     

    Instant City : Racontez-nous la genèse de votre roman.

    Ulysse Terrasson : Au début, c’était très intime. Je piochais dans mon vécu pour en faire des nouvelles. Mon but, c’était de traduire mes émotions le plus fidèlement possible, en les transposant sur la page le plus sincèrement possible. Et, idéalement, de dégoter une petite vérité universelle là-dedans. J’étais très attiré par le romantisme américain des Bukowski, John Fante, Kerouac, Henry Miller… Ce mélange entre la vie insérée dans l’écriture et l’écriture insérée dans la vie. Et un jour, j’ai sauté le pas. J’en ai envoyé une à Nicolas Rey. Et il l’a aimée. Je me souviendrai toujours de ce moment-là. Dans la nuit, le téléphone sonne. Et c’est Nicolas Rey. Je me demande si je ne suis pas en train de rêver. Après tout, c’est la nuit. Et il me dit que ce n’est pas une nouvelle, ce que je lui ai envoyé. Que c’est le début d’un roman. Qu’il me faut écrire le roman. Et voilà. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Vous vous seriez recouchée ? (Rires)

     

    Instant City : Comment avez-vous travaillé ?

    Ulysse Terrasson : En interrogeant beaucoup mes amis. C’est ensemble qu’on a convenu d’une « crise de la vingtaine ». Dans un monde qui va toujours plus vite, où les plus jeunes obtiennent plus tôt les choses des plus grands, ça nous est apparu comme une évidence : on vieillit de plus en plus jeune. D’abord, il y a eu la crise de la cinquantaine. Ensuite, celle de la quarantaine. Enfin, celle de la trentaine. Et maintenant, voili voilou : la crise de la vingtaine. Bon, ça ne veut peut-être pas dire grand-chose. Mais quand j’imagine un monde où tout est devenu à portée de main, de doigts, de clics, quand je pense à la génération de mes parents, poireautant pendant des heures dans l’espoir d’un appel, le téléphone fixe sur les genoux, rêvant à l’intonation d’une voix, aux choses qui seront dites, et quand je me rappelle avec quelle précipitation la mienne de génération a eu accès à tout ça, et encore plus, je me dis : ça a tué l’attente, la magie de l’attente. Même au cinéma, on peut réserver nos places à présent. Pour le prochain Star Wars, je n’aurai pas à patienter trois plombes dans une queue interminable : j’ai juste à être au Gaumont Multiplexe, place M17, à 13h20. Sauf que l’imagination vient justement de cette attente, de cette frustration, de cette incompréhension.

    Bref, c’est comme ça que j’ai écrit « Plein de Promesses » : en reprenant goût à cette attente, cette frustration, cette incompréhension. En débranchant Internet, d’abord. En éteignant mon portable, ensuite. Et en m’enfermant chez moi ou dans un café (l’Esprit Vin), enfin. Pour écrire vraiment. C’est-à-dire : en essayant de piger les choses par moi-même, plutôt qu’en les googlisant. Mais j’interrogeais aussi beaucoup mes potes sur leur rapport au couple, aux amis, aux parents, à l’avenir – à la vie, quoi. Parce que je voulais savoir ce qu’il y avait de commun à cette génération, au-delà de mon petit cas personnel. Je voulais embrasser la vie d’un jeune homme de presque vingt ans et en saisir les rêveries, les fantasmes, les émotions, sans les étouffer tout de suite par l’immédiateté des technologies. Ça a tout déclenché. Les chapitres sont très courts, mais c’est une rapidité qui va de paire avec l’époque. C’est une suite d’épisodes avec les mêmes personnages, mais c’est comme ça qu’est faite la vie. C’est encore parfois très naïf, mais c’est une naïveté qui va de paire avec l’âge décrit. Enfin, j’aime à le croire… Ça me rassure de penser que c’est fait exprès… (Rires)

     

    « Le meilleur café de Montpellier – et donc du monde – se situe au 3 place Chabaneau. Cette place est si merveilleuse que Francis Ponge en personne a décidé d’y naître, le 27 mars 1899. Ça n’est nullement une coïncidence. L’Esprit Vin est à côté. » (p. 14)

     

    Instant City : Vous êtes chez vous maintenant à l’Esprit Vin (auquel un chapitre est consacré) ?

    Ulysse Terrasson : C’est mon Q.G. ! D’ailleurs, à ce sujet, une petite anecdote que je trouve rigolote. J’étais censé recevoir quelques exemplaires du livre avant sa sortie. Plusieurs fois par jour, j’allais voir du côté de ma boîte aux lettres si le colis était arrivé. Avec mon père, on s’appelait souvent : « Tu l’as reçu, toi ? Dis, est-ce que tu l’as reçu ? », « Non, pas encore. », « T’es sûr ? Tu ne me mens pas afin de le garder pour toi ? », « Non, je t’assure. », « Ouais, c’est ça, je veux une preuve ! » (Rires). Bref, j’avais hâte de tenir l’objet dans ma main. Et puis, un jour, je reçois un appel. Mon père. « Va faire un tour à l’Esprit Vin, une surprise t’y attend ». Curieux, je suis son jeu de piste. Et sitôt arrivé, le serveur me sort un petit colis et, vlan ! Je me retrouve à tenir le livre dans mes mains, l’objet, la matérialisation d’un rêve, pour la première fois de ma vie. C’était le bonheur ! J’aime cette idée d’avoir un petit endroit pour soi, pour venir écrire, pour rejoindre ses potes, comme le prolongement de son propre appartement – et de soi, un peu, par la même occasion. Philippe Jaenada a son Bistrot Lafayette ; Frédéric Beigbeder a son Café de Flore ; j’ai mon Esprit Vin. J’aime cette idée d’un écrivain dont la vie intime est accessible à tout le monde. Et je continue d’y aller. Plusieurs fois par semaine, même…

     

    Instant City : Comment s’est fait le choix de l’éditeur « Bamboo Edition » ?

    Ulysse Terrasson : Ça s’est fait en deux temps, en fait. Comme Bamboo publiait seulement des BD, je n’avais pas pensé à leur envoyer un manuscrit. C’est mon père qui, auteur chez eux, curieux de savoir ce qu’ils en penseraient, leur en a envoyé un Long story short, ce qu’ils ont lu leur a plu et ils ont voulu l’adapter en BD. Je n’étais pas contre, mais je faisais la fine bouche parce que je voulais le publier en roman – d’abord. Si je me permettais de faire le compliqué comme ça, c’était parce que, au même moment, Flammarion s’intéressait à moi. Pendant une année, Robert Macia des éditions Flammarion et moi avons rebossé le manuscrit comme des malades mentaux. Voilà pour le premier temps. Sauf que, au bout de la dix-neuvième version, ça ne lui plaisait toujours pas et on a laissé tomber. Et puis, pouf : le deuxième temps. Par je ne sais quel miracle, Bamboo a fait : « Bon, rien à foutre, on ouvre une section littérature ! Ulysse, tu te joins à nous ? » J’étais tellement honoré, je me suis empressé d’accepter.

     

    Instant City : Qu’est-ce que vous appelez « rebosser sur un manuscrit » ?

    Ulysse Terrasson : Ce petit enfer qu’est la grande minutie. Hemingway racontait que le premier jet de n’importe quoi était de la merde. Je ne sais pas pour lui, mais pour moi, c’est sûr à 100 %. D’ailleurs, c’est ce que m’a raconté Robert Macia lorsque mon manuscrit a atterri sur son bureau : « Le potentiel n’est pas suffisamment exploité. Allez, au boulot ! ». J’ai eu de la chance. Il a réussi, par je ne sais quel miracle, à dégoter un peu de potentiel derrière le fouillis de mon texte. Il me l’a ensuite renvoyé, raturé au possible – de notes pertinentes, avec du rouge partout, j’avais l’impression de retourner à l’école. Il m’a donné de nombreuses pistes de travail et de réécriture : passages à modifier, passages à rajouter, passages à laisser tomber. Au tout début, il y a eu une intuition : le premier jet était la tentative d’exprimer cette intuition dans une forme romanesque. J’ai énormément écrit. Le plus souvent, tôt le matin ou tard la nuit ; j’étais en classe prépa, je venais de me faire larguer, je manquais de temps. Par je ne sais quel miracle, j’ai réussi à écrire 800 pages en une année. Ces 800 pages furent cette tentative. Ensuite, il a fallu tout retoucher et retourner à l’intuition initiale, revenir à l’émotion première. Robert Macia m’y a sacrément aidé. En fait, quand j’y pense, ce livre n’est pas si éloigné de la première version. C’est la première version qui s’éloignait du livre, plutôt…

     

    Instant City : Dans quelle mesure votre roman est-il autobiographique ?

    Ulysse Terrasson : Aïe, la question qui fâche ! (Rires). Je me rappelle Nicolas Rey me donnant un superbe conseil, une fois : « Quand tu écris et que tu penses : « Oups, non, ça c’est trop perso, pas moyen de révéler ça, c’est mon secret », eh bien, c’est très simple : tu vires tout ce qu’il y avait avant et tu commences là. Parce que c’est là que ça devient intéressant. ». Et je crois qu’il a raison. Je pense comme lui que, si ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, ce qui nous tue un peu nous rend plus vrai. C’est pourquoi le livre est autant autobiographique. Parce que c’est dans les secrets, dans ce qu’on cache habituellement, que le lecteur se retrouve vraiment – enfin, je crois. Céline disait qu’il fallait « mettre sa peau sur la table ». Et c’est aussi un peu ça, « mettre sa peau sur la table », pour que le lecteur ensuite se glisse dedans…

     

    Instant City : Que ressent-on au moment de donner à lire le contenu à son entourage ?

    Ulysse Terrasson : On fait les cent pas dans son appartement, en se posant mille questions. Oui, quelque chose dans le genre : un pas, dix questions. Mais ce n’est pas aussi angoissant qu’on peut le croire. Au contraire. Bon, je suis peut-être maso sur les bords, mais je crois que j’aime carrément ça. J’aime que mon entourage me connaisse vraiment, comme j’aime à le connaître tout à fait. J’ai une bande d’amis qui sont pour moi une véritable famille, avec qui on déconne pas mal, mais avec qui on se dévoile beaucoup aussi. Et je refuse de leur cacher quoi que ce soit, parce que c’est très désagréable d’être aimé pour ce que l’on n’est pas. C’est tricher. Et les décevoir parfois fait partie du jeu. Même si, bien sûr, les décevoir parfois n’arrive jamais…! (Rires)

     

    Instant City : Quelle a été leur réaction ? Dans le livre, vous décrivez celle de Claire qui le prend plutôt mal…

    Ulysse Terrasson : Oh oui, Claire… Je m’en veux toujours, pour Claire… Au fond, il y a eu quelque chose comme trois sortes de réactions. La réaction style Claire : « Adios, tu n’es plus mon amigos ! ». La réaction qui n’en est pas vraiment une : « Je n’arrive pas à croire que tu aies écrit un roman entier, c’est dingue ! ». Et la réaction plus positive : « J’ai l’impression de te connaître davantage, et pour ça j’ai l’impression de t’aimer davantage. ». Aussi étrange que ça puisse paraître, je préfère cette dernière sorte de réaction. Avec mon amoureuse, par exemple, c’est ce qui s’est passé : on se draguait un peu, et puis je lui ai mis mon manuscrit dans les mains. Et elle a eu l’impression de me connaître davantage. Et juste pour ça, je suis l’écrivain le plus heureux du monde !

     

    Instant City : Quels retours avez-vous de votre livre ?

    Ulysse Terrasson : Il y a votre retour, qui me fait extrêmement plaisir… En fait, il n’y en a pas encore vraiment. Pas assez, du moins. J’attends la sortie du livre ! Même les critiques, celles qui m’enfonceront six pieds sous terre, je les attends de pied ferme. Bien sûr, je veux écrire des livres que j’aimerais lire. Mais je veux aussi écrire des livres que les autres aimeraient lire. Et pour ça, je veux absolument progresser. M’améliorer. Bon, je ne rechignerai pas non plus sur les compliments, hein… Je ne sais pas pourquoi, je les trouve globalement supportables… (Rires)

     

    Instant City : Quelles valeurs vous sont les plus chères ?

    Ulysse Terrasson : Je dirais l’amour et la communication. Toutes les histoires commencent avec un manque de communication. Ça marche aussi bien avec les livres, les films, qu’avec la réalité. Quelqu’un cache quelque chose à un autre quelqu’un, et c’est parti pour les quiproquos, les malentendus, les disputes. Au fond, je crois que tous les problèmes du monde sont liés à l’ego : parce qu’on veut avoir un coup d’avance sur l’autre, parce qu’on cherche le contrôle plus qu’on ne s’abandonne, la communication vient à manquer. Et ainsi l’intimité. Et ainsi l’amour. Mais pourquoi a-t-on si peu confiance en soi qu’on craint pour notre sécurité intime ? C’est sûrement très naïf, voire carrément utopique, mais si, là maintenant, tout le monde osait se dire ce qu’il avait sur le cœur, franchement, que se passerait-il ? Les gens se comprendraient, non ? Et peut-on haïr quelqu’un qu’on comprend, quand ses lâchetés sont des failles déguisées en frimes ? Qu’est-ce qu’on a à perdre, en gagnant à redevenir humain ? Ah, euh, oups ! Pardon d’être devenu sérieux, tout à coup ! (Rires)

     

    Instant City : Parlez-nous du choix du format : des chapitres très courts.

    Ulysse Terrasson : Ça va de paire avec les séries TV que je regarde, et un conseil que m’a donné Nicolas Rey. Les séries TV, d’abord. J’ai remarqué un truc : quand je me mate un film, je le regarde jusqu’à la fin et puis voilà. Quand je me mate une série, je suis poussé par le désir de binge-watcher. Et le soir, je me retrouve à passer plus de temps devant l’écran. Alors, je me suis demandé pourquoi, sachant que les épisodes de séries sont plus courts. Et j’ai réalisé ceci : justement, ils sont plus courts. Suffisamment longs pour faire avancer la narration, et suffisamment courts pour fabriquer une petite frustration. C’est comme avec les cigarettes : à peine le temps d’en savourer une qu’elle est déjà finie. Alors, pourquoi ne pas s’en griller une autre ? Le chapitre court, c’était le moyen de créer l’équivalent de la série TV en littérature : en recréant cette petite frustration qui pousse au chapitre suivant. Le rêve de tous les écrivains, c’est que le lecteur ouvre son bouquin à 22 ou 23 h, pensant : « Je vais lire dix-quinze pages et dormir », et puis qu’il le referme à 3 h du matin en maudissant l’auteur. Ensuite, le conseil de Nicolas Rey. Il m’a dit : « L’essentiel d’un chapitre, c’est son accroche et sa chute. Ce qu’il y a à l’intérieur, au fond, le lecteur s’en fout. Ça l’emmerde. Et retiens ceci, Ulysse : il est absolument interdit d’emmerder le lecteur. » La parole de Nicolas Rey est une parole biblique, pour moi. Alors, j’ai fait tous mes efforts pour retenir ce conseil…

     

    Instant City : L’inclusion de six chapitres « mon enfant » : leur rôle, leur rédacteur ?

    Ulysse Terrasson : Là aussi, ça vient de deux choses. Il y a eu la chanson de Benjamin Biolay : « Ton héritage ». Et ensuite, il y a eu un mot écrit par mon père pour mes vingt ans. Ma sœur m’avait fait un truc formidable, pour mes vingt ans. Elle avait rempli un livre vierge d’un tas de photos de nous, de moi, de tout, quoi. Elle avait demandé à tous mes proches d’écrire un quelque chose à mon sujet, et elle avait tout glissé à l’intérieur. Parmi ces proches, forcément, il y a eu mon père. Et il m’avait écrit un quelque chose sur le temps qui passe, mon premier appartement, et pourquoi je ne retournais pas vivre chez mes parents. Ce petit mot m’a tellement ému que j’ai voulu l’insérer dans le livre. C’est le premier chapitre « mon enfant ». Et j’aimais tant le principe que j’en ai écrit cinq autres dans la même veine. Les chapitres « mon enfant » étaient pour moi l’occasion de faire le point sur ma vie, mon passé, mais également le moyen de parler à l’enfant qu’hypothétiquement j’aurai un jour. Que j’ai cru être sur le point d’avoir – mais je n’en dirai pas plus, pour ne pas spoiler. Au fond, je crois que « Plein de Promesses » ne raconte pas tant le passage à la vingtaine que le passage en général. L’idée du passage. Passage du temps, passage à la vie adulte, passage d’une génération à une autre… La transmission, si on veut. Et qu’est-ce que l’écriture, sinon une forme de transmission ?

     

    Instant City : Nicolas Rey et Frédéric Beigbeder sont vos mentors dans le livre : qu’est-ce qui vous plait chez eux ?

    Ulysse Terrasson : Dans son bouquin « Ardoise », Philippe Djian note un truc intéressant : que tous les livres qu’on lit, on les lit pour retrouver l’émotion du tout premier. Celui qui nous a ouvert les portes de la lecture. Il va encore plus loin : cette émotion originelle, c’est celle que tous les écrivains, ensuite, tentent de reproduire dans leurs écrits. Et pour moi, le tout premier livre, celui qui m’a donné le déclic, c’est « L’amour est déclaré » de Nicolas Rey. J’avais déjà pris quelques claques, avant ça. Je me rappelle « Sur la Route » de Kerouac, « Le Petit Prince » de Saint-Exupéry, « L’amour dure trois ans » de Beigbeder. Mais avec ce livre, Nicolas Rey ne s’est pas contenté d’une claque. Il m’a giflé si fort que ma vie entière s’en est retrouvée chamboulée. Je me souviens avoir ouvert le livre, m’être dit : « Bah, je vais lire dix-quinze pages et refermer le truc », puis m’être pris la première phrase dans la tronche, puis m’être pris toutes les autres aussi. J’avais l’impression d’une rencontre, pas tant avec un livre, qu’avec une âme. Une vraie personne. Un frère. J’aime cet homme. J’aime sa sincérité et ses déguisements empruntés, sa mélancolie, ses joies, son romantisme excessif comme ses confidences pudiques.

    Je me souviens, après deux-trois pages, avoir pensé : « Eh mais ça claque ! Moi aussi, je veux faire ça ! » C’est pourquoi il a autant d’importance pour moi. Parce qu’il en a eu une immense sur ma vie. Parce que c’est lui qui m’a donné envie d’écrire. Au début, bien sûr, j’ai eu envie de « faire comme ».  J’ai passé des heures à recopier sur mon ordi mes livres préférés, intégralement, afin d’en comprendre la structure, pourquoi tel chapitre est placé à tel endroit, comprendre comment tout cela est construit, et puis le style, les mots, les phrases, les paragraphes, apprendre, apprendre, apprendre. Chez Beigbeder, c’est son don pour l’aphorisme qui m’épate. « L’amour dure trois ans », « 99 francs », ce sont deux suites ininterrompues d’aphorismes déguisées en romans. Tout un tas de petites phrases que j’ai envie d’apprendre par cœur. Comme si elles avaient été écrites pour se retrouver sur Evene ou Babelio. J’adore. Et puis, il y a ses titres. « L’amour dure trois ans », par exemple. Ça fait partie du top trois de mes titres préférés. Définitivement. Avec « J’aimerais que quelqu’un m’attende quelque part » et « Quelques uns des cent regrets ». J’adore !

     

    Instant City : Parmi vos influences, vous citez « Californication », la série de Tom Kapinos jouée par David Duchovny.

    Ulysse Terrasson : Ça mêle intime et rock : ça aussi, j’adore. C’est du Bukowski mis à l’épreuve du format série. Par contre, Tom Kapinos n’est pas le seul derrière les manettes. Jusqu’à la saison 5 – il me semble –, il travaillait sur le scénario avec Gina Fattore. Et son aide à elle était essentielle : à la seconde où elle est partie, la série a tout perdu de ses envoûtements. Tom Kapinos, solo, s’est mis à se répéter, à devenir un cliché de lui-même, à faire et refaire du sous-Bukowski invraisemblable. Mais avant, ah la la, avant ! C’était un riff de Jimmy Page enrôlé autour d’un poème de Raymond Carver. C’était profondément léger, et romantique, et drôle, et triste, et humain. C’était, et c’est toujours, une gigantesque source d’inspiration pour moi.

     

     

     

     

    Instant City : Traitons de ces thèmes qui se dégagent de votre roman. Tout d’abord, la paternité. On sent bien la transformation entre l’avant et l’après vingt ans. Au départ, un jeune plutôt ado, enferré dans le reproche vis-à-vis de son père, puis cet adulte qui prend conscience qu’il y a un homme derrière ce père.

    Ulysse Terrasson : Ce qui m’intéressait dans le traitement d’une « crise de la vingtaine », c’était toutes les petites transformations qui changent un enfant en homme. Qui dans son entourage est le mieux placé pour lui filer un conseil, sinon son papa ? Sauf qu’Ulysse ne le voit pas de cet œil-là. Sur le moment, il préfère se chercher un nouveau père, en quelque sorte un mentor, dans ces figures d’écrivains qu’il adule. Sauf que, tous ces écrivains s’avèrent de la même trempe que son père : une génération d’hommes qui sortent, voient leurs amis, font la fête, souvent travaillent, ne sont donc pas forcément disponibles ou partent du principe qu’il vaut mieux laisser la jeunesse grandir par elle-même – en les laissant faire leurs propres choix, leurs propres erreurs. Toute sa vie, le héros a vu son papa comme ce type inaccessible alors que, en réalité, c’était seulement lui qui le rendait inaccessible. Il l’a tellement idéalisé qu’il en veut à présent à ce père d’être une version idéalisée de lui-même. Parler du père, c’est parler d’une version idéalisée de soi. Or, il faut accepter que le père soit juste un être humain. Derrière la fonction, il y a un homme qui a vécu et qui a plein de choses à nous apporter. Il faut sortir de l’idéalisation.

     

    Instant City : Vous avez écrit cette phrase magnifique : « Freud avait tort. Il ne s’agit pas de tuer le père, mais de lui donner naissance. » (p. 83)

    Ulysse Terrasson : Oh, merci ! Oui, c’est une de ces petites phrases que j’apprécie beaucoup dans le roman. Ça arrive justement au moment où le héros réalise qu’il a fait le con. Et puis, que la relation père-fils se déroule en deux temps : d’abord, le père permet la naissance du fils ; ensuite, le fils permet celle du père. Il découvre l’homme caché derrière la représentation qu’il s’est faite du père : un homme, juste un homme, qui fait de son mieux au quotidien, un homme comme lui-même en est un.

     

    Instant City : Le second thème, c’est la relation amoureuse des jeunes vingtenaires. On ressent à nouveau cette dualité objet du  livre : rester enfant ou devenir adulte,  la liberté sexuelle ou la quête d’un bonheur durable en couple, la parentalité ou l’avortement. Le ton utilisé pour parler des femmes oscille entre sexe et romantisme. On retrouve là beaucoup l’univers de Beigbeder et de « L’amour dure trois ans ». La femme à la fois considérée comme un partenaire sexuel et comme une Vénus transformée en Graal. Le héros oscille entre le bad boy et l’hyper romantique.

    Ulysse Terrasson : C’est vrai, il y a un peu de ça. Cette attitude a peut-être à voir avec le travail solitaire de l’écrivain qui plonge dans son intériorité. Quand on a passé le cul vissé sur une chaise pendant de longues semaines, à s’efforcer de traduire en mots ce qui nous anime à l’intérieur, eh bien, ça nous éteint un peu à l’extérieur. Alors, quand enfin on redécouvre le dehors, c’est avec l’envie d’en récolter tous les fruits ! Et puis, il y a aussi peut-être une lutte entre deux conditionnements : celui de la jeunesse, plus insouciant, avec sexe, drogue, déconne, et celui plus petit-bourgeois, avec cet autre à trouver, à chérir jusqu’à la nuit des temps, à aimer jusqu’à l’épreuve de la grande mort. Derrière ça, c’est la lutte entre le jeune et l’adulte qui est racontée. La lutte entre le boulot à trouver, le fric à gagner, les meubles Ikea à acheter, et cette sensation que, au fond, quatre murs et un toit, un frigo pour ranger la bière, et un lit aussi peut-être, ça suffit. C’est l’éternelle lutte entre la réalité et le rock ‘n’ roll. Entre la lumière et le côté obscur de la Force. Le Bien et le Mal…

     

    Instant City : « La fidélité, j’ai essayé » dit Victor. La relation plurielle semble acceptée : un phénomène visible chez les 20 ans ?

    Ulysse Terrasson : Ce sont des personnages à la recherche d’un plaisir faux, par défaut, par faiblesse un peu, par refus des responsabilités permettant le vrai bonheur. Des personnages qui essayent de s’en sortir à plusieurs, pour moins souffrir tout seul. Et puis, à plusieurs, il y a moins d’intimité : c’est plus un jeu qu’un dévouement sérieux. Si je parle autant de « crise de la vingtaine », c’est parce qu’il y a justement une crise dans ce choix à faire, entre jouer ou être. Mais je m’égare… Ce que je veux dire, c’est que ce sont des personnages blessés, aux cœurs brisés, qui tentent d’en recoller les morceaux à travers l’autre. En remplaçant la personne absente par une autre présente. Comme si ça leur suffisait pour récupérer ce quelque chose qui leur manque. Comme si c’était une solution. Enfin, du moins, ils agissent comme ça jusqu’à comprendre que, finalement, la solution est en eux. Et ce qui leur manque, ce n’est pas tant une personne que le courage d’affronter le passage du temps.

     

    Instant City : Les femmes de vingt ans prennent le contrôle et semblent plus libérées encore que leurs homologues masculins; Ingrid va jusqu’à proposer la vie à trois…

    Ulysse Terrasson : Elles sont libres. Elles sont belles. Elles veulent s’amuser, être heureuses. Pourquoi devraient-elles attendre jusqu’au mariage si elles en ont envie ? Pourquoi devraient-elles se soucier de ce que pensent la voisine, la famille, tous les qu’en-dira-t-on ? Heureusement, nous ne sommes plus dans un monde où les hommes sont les maîtres de maison. En tout cas, presque plus. En tout cas, je l’espère. Le rapport homme/femme me paraît complètement faussé. C’est seulement un rapport de personne à personne. On doit s’ôter de la tête toutes ces conneries que sont les préjugés. Pourquoi la sensibilité serait-elle l’apanage des femmes et l’adultère celui des hommes ?

    Quant à Ingrid, son comportement a plus à voir avec sa fragilité qu’avec sa sexualité – je pense. Ingrid, c’est le personnage que je trouvais le plus intéressant, quoique peut-être le plus discret. Elle est à la fois mystérieuse, fascinante, manipulatrice, et blessée, vivante, libre. Elle est bien plus libre que le narrateur, par exemple. Et cette proposition de vie à trois, ça traduit son état d’esprit : elle est tiraillée entre Ulysse et Guillaume, entre deux histoires d’amour. Elle sait que choisir engendrera une insatisfaction, alors, pourquoi choisir ? Ce n’est pas vraiment une revendication de liberté sexuelle. C’est davantage lié à sa psychologie personnelle. Les personnages sont excessifs, mais c’est peut-être parce qu’ils craignent le vide qui les attend : ce qu’ils considèrent comme la vie adulte. En fait, au fond, ils sont juste des personnages en manque d’amour. Ils demandent à être aimés, sans savoir eux-mêmes le faire. Mais dans leurs choix, on se rend compte qu’ils ne réfléchissent pas aux conséquences de leurs actes.

     

    Instant City : Le risque de grossesse fortuit est-il un vrai sujet pour les jeunes de vingt ans, l’avortement, l’alcoolisme ?

    Ulysse Terrasson : C’est vrai, c’est une question qui se pose. Dans mon entourage, ça s’est répété plusieurs fois. On picole, on couche ensemble, on avorte : ce sont des choses qui arrivent. Je me suis souvent demandé pourquoi il y a autant d’alcool dans les soirées. J’imagine que ça a toujours été le cas. Mais peut-être que la mort du Coca-Cola a joué un rôle là-dedans. Une amie de cinquante ans m’a raconté qu’avant, dans un bar, elle avait le choix entre boire un Coca ou un verre d’alcool. Qu’on pouvait boire du Coca et être cool. Aujourd’hui, dans les bars, il suffit qu’un jeune commande un Coca pour qu’on le harcèle de questions : « T’es sûr ? Tout va bien ? T’as une pancréatite aiguë, c’est ça ? Ton foie t’a lâché ? Tu as décidé de changer de camp ? Tu nous lâches pour devenir un sportif végétarien ? Vas-y, explique-nous pourquoi tu t’en vas méditer dans un monastère tibétain pendant trois ans ! Mec, je ne te reconnais plus ! ». Et c’est triste. Même si, bon, j’exagère peut-être un peu… (Rires)

     

    Instant City : La maturité : Le ton oscille entre jeunesse et maturité.

    Ulysse Terrasson : C’est ce qui m’amusait dans le livre, justement. Tout cela découle du concept initial : la crise de la vingtaine. Ce passage entre l’avant et l’après vingt ans. Les personnages, et le héros tout particulièrement, jonglent entre ces deux états d’esprit : la jeunesse insouciante, la vieillesse plus sérieuse. Et comme le passage n’est pas évident, Ulysse est sujet à quelques égarements. Avec son père et sa petite sœur, par exemple. S’il est dans le jugement, s’il regarde tout ce beau monde de haut, c’est parce qu’il ne se sent proche d’aucun d’eux. Il n’est pas encore un adulte comme son père, il n’est plus vraiment un jeune comme sa sœur. Il est perdu, complètement perdu. « Plein de Promesses », j’ai essayé d’en faire l’histoire d’un peu tout le monde. De ces gens qui, comme moi, ont enclenché le pilotage automatique une fois entré dans le système scolaire. Ces gens qui sont passés, sans réfléchir, de l’école primaire au collège, du collège au lycée, du lycée à la fac. Ces gens qui, d’un coup, au moment où il faut trouver un boulot, regardent avec nostalgie le passé, les anniversaires surprises, les premiers amours, le temps où c’était plus simple. Quand ils mouraient d’impatience d’avoir 18 ans pour quitter leurs parents, pour enfin être libres, et qui découvrent, quand ça arrive, quand enfin ils ont atteint le stade de liberté qu’ils croyaient absolu, que ce n’étaient rien d’autres que des fantasmes, des attentes cristallisées sur un chiffre, que les choses ne seront pas aussi simples que prévues…

     

    « Mon avenir est chaque jour un peu plus tracé. » (p. 102)

     

    Instant City : L’appartement et la fin des études : deux symboles forts du passage à l’âge adulte.

    Ulysse Terrasson : Carrément. Avant, il y a les journées de cours et le dodo chez les parents. C’est inscrit en soi, parce que ça a toujours été comme ça. Et puis après, boum ! Plus de journées de cours, plus de dodo chez les parents ! Plus rien. Et dans le livre, Ulysse souffre de ce plus rien. Il pensait que sa vie démarrerait à ce moment-là. Et il découvre qu’en réalité, elle s’arrête. Ses amis partent dans d’autres villes, pour leurs études. Son amoureuse veut qu’ils emménagent ensemble. Il n’a jamais vraiment décidé de ce qu’il fera quand il sera grand : et voilà qu’il l’est, grand. C’est vraiment un passage, un pont, entre deux mondes que sont la jeunesse et l’âge adulte. Et si Ulysse refuse de traverser ce pont, il voit aussi tout le monde s’occuper à le franchir. Et même lui dire : « Hé, mec ! Tu viens ? ». Et il comprend que rester jeune, ce sera peut-être rester seul. Et il n’en a pas tellement envie, finalement…

    Ulysse est quelqu’un d’un peu passif. Il attend que le monde lui apporte le bonheur plus qu’il ne part lui-même à sa recherche. Il est enchaîné à tellement de choses, quand on y pense : son pote, ses parents, sa chérie. Il a besoin d’apprendre à transcender tout ça. Il a besoin d’apprendre à devenir lui-même. Et c’est ce que raconte le roman : comment il y est parvenu. Comment il a perdu beaucoup de choses : des amis, des amours, des emmerdes. Mais aussi comment il en gagné d’autres : un père, un livre, une meilleure compréhension de lui-même. Bref, comment il est devenu adulte. C’est-à-dire : comment il a traversé le pont, vers une nouvelle vie pleine de promesses…

     

    Instant City : Vous avez répondu à beaucoup de questions. Quelle question n’aimez-vous pas que l’on vous pose ?

    Ulysse Terrasson : Je suis comme tout le monde. Quand j’entends : « T’as l’air fatigué, aujourd’hui. Tout va bien ? », ça n’est pas vraiment du miel pour mes oreilles… Mais sinon, je ne sais pas. Je n’ai absolument aucune idée. Euh, celle-ci peut-être ? (Rires)

     

    Instant City : Quelle question ne vous pose-t-on jamais alors que vous auriez aimé y répondre ?

    Ulysse Terrasson : J’aimerais bien qu’un jour quelqu’un vienne me voir pour me demander : « Tu veux boire une bière avec Dieu ? » Alors je répondrais : « Ouais, grave. » Et on me dirait : « C’est bon. Il t’attend dans son bureau. ». Je serais curieux d’avoir une conversation avec le Grand Bonhomme. Enfin, s’il existe. Enfin, même s’il n’existe pas, je serais curieux… Ah, vous vouliez dire : au sujet de mon livre ? Oh, mince… (Rires)

     

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  • The Avener : pour la musique, rien que la musique…

     

     

    Avant de s’initier aux platines, Tristan Casara, alias The Avener, jouait du piano classique. Son grand sens des harmonies et son style inclassable ont longtemps empêché le DJ niçois de trouver sa place dans un paysage électronique trop cloisonné. Mais un coup de génie le fait sortir de l’ombre fin 2014 : son « Fade Out Lines », remix de la chanson de Phoebe Killdeer, a dépassé les 44 millions de vues sur YouTube, et s’est classé numéro 1 dans une vingtaine de pays sur iTunes.

     

    Depuis cette consécration, « beaucoup de choses ont changé dans ma vie, mais surtout le fait de pouvoir faire désormais ce que j’aime et d’en vivre », confie le DJ de 29 ans. « C’est un vrai bonheur », répète-t-il à l’envi. Ce succès planétaire lui a permis de sortir en janvier 2015 son premier album, « The Wanderings of the Avener », un patchwork composé de tout ce qu’il avait mis de côté depuis des années. Des « errances » teintées de deep house, dans lesquelles il emprunte au funk, à la soul, à la pop. Nouveau jackpot : « The Wanderings of the Avener » est sacré meilleur album électronique aux Victoires de la Musique 2016.

     

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    Comment avez-vous déniché la chanson « Fade Out Lines », dont vous avez fait un tube ?

    The Avener : « J’officiais à l’époque comme DJ résident dans les bars et discothèques de la région niçoise, et je cherchais continuellement de quoi alimenter ma playlist. Je suis tombé sur ce morceau original de Phoebe Killdeer & The Short Straws, et j’ai tout de suite pressenti qu’il y avait un autre chemin artistique à prendre avec ce titre. Partir d’un morceau très soul dans le tempo pour en faire quelque chose de très dansant. C’était ma vision première. J’ai travaillé ça en une seule nuit, et dès le lendemain, j’ai joué pour la première fois ce morceau dans un tout petit bar à Nice. La réaction a été très favorable, j’ai senti qu’il y avait un potentiel populaire à travers cette musique, qui ne l’était pas du tout pour moi à la base.

    Du coup, j’ai retenté l’expérience deux soirs de suite dans des bars et discothèques, et j’ai constaté les mêmes réactions dans le public. Les gens venaient me voir en me demandant : « C’est quoi ce morceau ? Est-ce qu’il est sorti ? Ou est-ce qu’on peut le trouver ? ». Pour la peine, j’ai été assez surpris ! Ensuite, les choses se sont passées simplement. J’ai posté cette version sur la plate-forme Soundcloud dans un premier temps. Les vues ont grimpé. Ensuite le morceau est sorti sur un petit label parisien, 96 Music. Le morceau s’est vite fait connaître grâce aux partages, aux DJs et voilà. Ensuite, ça a été une envolée pour pouvoir créer une démarche plus personnelle, à savoir un album. »

     

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    Avec le recul, comment analysez-vous le succès phénoménal de ce morceau ?

    The Avener : « C’est toujours très difficile à dire. Pourquoi un plat plaît plus qu’un autre dans un restaurant ? Je pense que c’est une version assez multi-générationnelle. Dans mes reworks, j’essaie toujours de trouver un bon compromis avec la musique électronique, sans que ça agresse l’oreille ou que ça méprise la production originale. Je pense aussi que ce qui a fait le succès de « Fade Out Lines », c’est que la chanson pouvait aussi bien s’écouter dans la voiture le matin qu’en dansant le soir. Il y a une vocation multiple à ce morceau, avec de l’âme, un beau refrain et la voix de Phoebe Killdeer, qui est extraordinaire. »

     

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    Vous préférez parler de rework plutôt que de remix. Quelle différence faites-vous entre les deux ?

    The Avener : « J’ai lancé cette appellation avec l’album, parce que la démarche était assez différente d’un remix, d’un point de vue technique. Dans un remix, généralement, on va vraiment chercher la différence avec le morceau original en changeant l’instrumental, l’harmonisation, en ajoutant des parties. Alors que moi, j’essaie plutôt de trouver la partie la plus sincère, celle qui me touche le plus dans le morceau pour la mettre en avant, la ré-arranger avec la rythmique électronique, rajouter des basses, lui donner plus d’énergie avec la couleur de la musique actuelle. Un rework c’est plus un ré-arrangement, une recomposition, une rhapsode. Le mot juste serait peut-être « sublimer ». »

     

    Vous avez un côté chercheur d’or : vous fouillez pour trouver la pépite que vous allez travailler…

    The Avener : « Oui, c’est une vraie passion depuis que j’ai commencé le métier de DJ. On a la chance de vivre dans une période artistique extrêmement riche et à portée de tous. Je passe deux ou trois heures par jour à chercher de la musique. En fait, dès que j’ai un moment de libre, je me mets à fouiner, à cadrer mes recherches autour de différentes plateformes, de différents endroits sur Internet. C’est tellement large qu’on trouve toujours quelque chose de très intéressant. »

     

    Comment définissez-vous votre style musical ?

    The Avener : « Je n’ai pas vraiment de limites au niveau du style. Je suis DJ à la base, je suis quelqu’un qui partage la musique, et c’est vraiment important de pouvoir revendiquer toutes mes influences, que ce soit de la musique afro, de la musique funk, etc. Cet éclectisme, les maisons de disque me l’ont toujours refusé, les petits labels comme les grosses majors. On me disait qu’il fallait que je m’en tienne à un seul style musical, que je ne me disperse pas.

    Mais on a fini par me donner cette chance, et aujourd’hui je suis content de pouvoir raconter une histoire à travers cet album, en passant par de la soul, du blues, et de la musique électronique. C’est ce que je cherchais à faire depuis longtemps, et je suis très satisfait du résultat. Je pense que les gens ont besoin de diversité aujourd’hui, dans la musique comme dans leur vie quotidienne. »

     

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    Comment envisagez-vous la scène ?

    The Avener : « C’est vraiment au feeling. Je pense qu’il y a une vraie relation qui se crée aujourd’hui entre les DJ et la foule, que ce soit moi ou les autres. Parce que chaque morceau est un outil pour amener le public dans une autre ambiance. Pour ça, je n’ai pas que des platines, j’ai aussi deux synthés et une machine qui me permet de faire des rythmiques en live. C’est tout un cockpit de machines intégrées.

    Donc j’apporte quelque chose de très dynamique, je fais voyager les gens en passant un peu par tous les styles. Je joue les morceaux, je fais les remix en live, avec pas mal d’impro aussi. J’essaie d’apporter un set neuf, pas un truc carré, préparé à l’avance à 100 %. Je vais parfois vous faire écouter des parties plus instrumentales sur quatre minutes, et derrière vous faire danser pendant un quart d’heure. Un set avec beaucoup de vagues, beaucoup de différence entre chaque morceau mais que j’essaie de mettre sur un même chemin pour que le message soit bien compris. »

     

    Comment s’est passé le rapprochement, très surprenant, avec Mylène Farmer ?

    The Avener : « On a des contacts en commun puisqu’on est dans le même label, Universal. Elle a été amenée à écouter mon album un peu avant sa sortie, en décembre 2014. J’ai reçu un coup de fil de sa part : elle voulait qu’on se rencontre. J’étais impressionné parce que c’est quand même une légende de la variété française, qui a largement dépassé les frontières. J’ai rencontré une personne extrêmement charmante, attentionnée, très sensible à la musique et à l’écoute de ce que je pouvais proposer pour ses prochains projets.

    On a fait quelques démos ensemble, et il y avait cette démo de « Stolen Car » avec Sting, dont je suis un grand fan… Elle m’a laissé carte blanche sur le déroulement du single, sur la production, sur la composition. C’était vraiment nouveau pour moi parce que je n’ai pas l’habitude de faire de la chanson pop, donc j’ai apporté ma patte un peu plus électronique, et ça collait bien. Et le morceau a fait numéro 1 dans quatorze pays. »

     

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    Votre deuxième album est en cours de préparation…

    The Avener : « Tout à fait, je suis en train de préparer mon deuxième album. Ça va prendre un peu de temps parce que je veux faire les choses différemment, ne pas aller là où les gens m’attendent. Il y aura beaucoup plus d’originaux sur cet album, et aussi bien évidemment des reworks. Je suis en plein dedans, et c’est un vrai bonheur de pouvoir se remettre à travailler, d’avoir aussi des opportunités de collaborations que je n’aurais même pas pu imaginer avant. C’est de la création pure, je vais y mettre beaucoup de sentiments. »

     

    Pour quand est prévue la sortie ?

    The Avener : « Je n’ai pas de perspective exacte parce que je me suis juré de m’enlever ce genre de contraintes. C’est en travaillant avec la pression que l’on bâcle et qu’on finit par ne pas être fier de son travail. J’ai bien informé ma maison de disques qu’il fallait me laisser du temps, ce qu’elle m’a accordé. Donc je suis vraiment tout à fait relax sur ça. Pour l’instant, je suis dessus, et je donnerai une date quand j’aurai 50 ou 60 % de l’album terminé. »

     

    Aujourd’hui, quel serait votre rêve ?

    The Avener : « Je vis déjà un rêve actuellement. C’est vraiment beaucoup de bonheur, beaucoup de satisfaction personnelle. Mais si j’avais un rêve, je dirais que je me verrais bien dans quelques années pouvoir composer de la musique de film. J’ai une grande passion pour la musique sur image, donc pourquoi ne pas pouvoir composer des bandes originales. C’est un rêve que j’ai depuis que je suis tout petit. Quoi qu’il en soit, je continuerai à faire des concerts, à faire de la musique, à faire ce que j’ai envie de faire. Bref, à vivre ma passion. »

     

     

    Propos recueillis par Chloé Bossard, journaliste au Courrier de l’Ouest

     

     

     

     

     

  • Exposition « Marilyn, encore un instant » à la Galerie de l’Instant à Paris, jusqu’au 13 février 2018

     

     

    Julia Gragnon, directrice de la Galerie de L’Instant, consacre une nouvelle exposition à l‘icône américaine absolue, Marilyn Monroe, avec des clichés inédits de Sam Shaw, Lawrence Schiller ou encore Bert Stern.

     

    Julia Gragnon, fille du grand photographe de « Paris Match » François Gragnon, croyait décidément avoir fait le tour de Marilyn Monroe en lui ayant consacré trois expositions depuis l’ouverture de sa Galerie de l’Instant dans le Marais (Paris), il y a treize ans. Mais c’était sans compter sur des rencontres opportunes, la chance et surtout l’envie de faire partager encore et encore sa passion pour la belle blonde. « Depuis que je suis petite, j’ai toujours aimé Marilyn. C’est quelqu’un que je trouve très émouvant et qui me touche beaucoup », confie-t-elle. Et comme elle est seule maître à bord à la galerie, elle a décidé de se faire plaisir en présentant au public de nouvelles images de Norma Jeane Baker.

    On pensait donc avoir tout vu ou tout entendu sur Marilyn Monroe… La tragédie de sa vie, sa beauté insolente, son jeu, ses hommes…Alors pouvait-il exister encore des images inédites de la star qui auraient échappé au filtre implacable des médias modernes ? Apparemment oui… Car Marilyn fait bel et bien partie de ces rares personnages publics qui fournissent encore de la matière à notre insatiable appétit, même plusieurs décennies après leur disparition. Et face à la profusion des photos de Marilyn, en découvrir des inédites, c’est un peu comme retrouver un Picasso dans un grenier ou découvrir un Chagall au fond d’un tiroir…

     

    « Il faut bien comprendre que Marilyn Monroe a été photographiée toute sa vie. Elle a joué de son image plus que n’importe quelle autre star. J’ai eu la chance d’être invitée par la famille du photographe Sam Shaw à consulter ses archives. Et j’y découvris des images peut-être moins habituelles sur Marilyn. La photo où elle mange un hot-dog, par exemple. A l’époque, personne n’aurait publié ça. On découvre ici une autre facette de Marilyn, moins glamour et sexy, plus mélancolique mais probablement plus proche du personnage réel. »

     

    Julia Gragnon est une chasseuse d’images, capable de parcourir le monde à la découverte de clichés méconnus. Mais la passion ne suffit pas, et il faut aussi pouvoir compter sur des contacts pris lors de ses nombreux voyages, parmi lesquels parfois les enfants ou des membres de la famille des photographes qui ont eu la chance d’immortaliser la star, et qui viennent vers Julia pour lui proposer des photos retrouvées dans les archives de leurs parents. C’est ainsi qu’elle a réussi à réunir tous ces clichés exceptionnels et surtout complètement inédits. Notamment ces photos que Marilyn avait elle-même écartées de sa sélection en les barrant au marqueur rouge, tant l’iconique actrice pouvait être perfectionniste.

     

    « Les croix au marqueur sur les planches-contact ou les diapos, ce sont toutes les photos qu’elle n’a pas choisies et qu’elle ne souhaitait pas voir publier. Le photographe n’a finalement pas respecté sa volonté… D’un côté, c’est amoral parce que c’est malhonnête, mais nous serions passés à côté de photos extraordinaires. Quand on regarde cette photo, la mélancolie qu’elle a dans le regard… Cette autre photo surnommée « le crucifix » est tellement prémonitoire de ce qui va arriver deux mois plus tard. Avec cette croix qui barre la photo, on a l’impression que Marilyn est crucifiée, et quelque part, ça nous renvoie à son histoire personnelle, comme si Marilyn avait été crucifiée sur l’autel de la gloire et du star system… »

     

     

    Marilyn avait une façon de poser face à l’objectif qui était très particulière, toujours avec une précision incroyable. Les yeux mi-clos, la tête vers le haut… Alors ces clichés écartés par Marilyn fournissent la matière à cette exposition exceptionnelle.

     

    « Avec Marilyn, tout était dans le contrôle. Elle avait tellement travaillé cette image parfaite qu’elle renvoyait sans cesse. L’ouverture de la bouche, cette façon de fermer les yeux, cette espèce de glamour posé, elle avait assimilé toutes les techniques. Quand on voit cette dernière séance avec Bert Stern, la plupart des photos sont sur ce mode extrêmement travaillé. Cette séance était une commande du magazine Vogue en 1962, deux mois avant sa mort. Il y a plusieurs jours de shooting, entre mode pure, nu et glamour. »

     

    Cette exposition nous fait donc découvrir de nouveaux trésors, tandis que Marilyn nous emporte avec elle, sa grâce, son sourire, sa mélancolie… comme un puits sans fond ! On connaît, bien sûr, les images de Sam Shaw, surtout celles si célèbres du tournage de « 7 ans de réflexion », avec sa robe volant sur la bouche de métro, qui avait fait scandale à l’époque. Mais surtout, l’exposition nous fait découvrir ici des images méconnues, datant notamment de sa première année de mariage avec le dramaturge Arthur Miller, au printemps 1957…

     

    « On présente aussi beaucoup de photos de tournage, notamment à la période du « Milliardaire », ou encore des clichés plus personnels, avec Yves Montand ou lors d’un diner en compagnie de Simone Signoret, Montand et Arthur Miller. On plonge ici au coeur de ce huit-clos entre ces quatre personnages. Tout le monde sait ce qui se passe entre Marilyn et Montand, et tout le monde joue à faire semblant, comme si de rien n’était. Une série assez étonnante… »

     

    On y découvre une Marilyn joyeuse, resplendissante, sans doute à un des meilleurs moments de sa vie, dansant dans son jardin comme une enfant, se promenant dans New York, s’arrêtant pour prendre un hot dog, se reposant sur une fontaine… On est loin des poses figées de la star inaccessible, et s’y révèle une femme épanouie, facétieuse et amoureuse. Des photographies plus naturelles, plus en phase avec leur époque…

     

    « C’est quelqu’un qui n’a pas eu une vie facile. On parle actuellement beaucoup de l’affaire Weinstein. Je pense que des affaires Weinstein, Marilyn en avait sans doute beaucoup dans ses dossiers. C’était une autre époque, très violente pour les femmes. Pour réussir, il fallait vraiment être forte et prête à tout… »

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] La Galerie de l’Instant

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Marilyn Monroe, sa dernière séance

     

     

     

  • Petit Biscuit, le jeune prodige de l’électro, confirme son talent sur son premier album, « Presence »

     

     

    Révélé via la plateforme de streaming musical Soundcloud il y a 18 mois avec « Sunset Lover », une ritournelle électronique qui cumule désormais 350 millions d’écoutes sur le net, Petit Biscuit vient de sortir « Presence », son tout premier album, le jour même de ses 18 ans. Avec ce disque varié, le jeune prodige rouennais affirme son style et impressionne. Rencontre…

     

    Une double formation : classique et autodidacte

    Comment naissent les prodiges musicaux ? Petit Biscuit pratique la musique depuis l’âge de cinq ans, à sa demande. Pourtant, ni ses parents ni personne de sa famille n’est musicien. « J’avais demandé à ma mère de faire du violoncelle, je ne sais plus trop pourquoi. J’avais sans doute confondu avec le violon puisqu’il m’a semblé alors qu’il y avait erreur sur la marchandise », se souvient-il.

    « Mais au final, j’ai préféré le violoncelle parce que c’était plus original comme instrument et plus élégant, ça me parlait ». Il n’a jamais arrêté depuis, et il s’est même mis à jouer du piano et de la guitare, de façon autodidacte, à l’âge de 8 et 9 ans. A 13 ans, il composait sur son ordinateur, dans sa chambre. Aujourd’hui, il maîtrise tous ces instruments, mais aussi les percussions, les instruments électroniques, et s’avère même convaincant au micro – il chante sur deux titres de son premier album, en particulier sur « On The Road ».

     

     

    Fraîcheur et poésie digitale

    Avec « Sunset Lover », un titre électronique frais et doux au refrain entêtant, posté sur Soundcloud sans trop y croire il y a 18 mois, Petit Biscuit a fait mouche. Il a depuis sorti un EP, écumé les festivals et joué devant des centaines de milliers de personnes dans le monde entier. Vendredi 10 novembre, le jour même de ses 18 ans, il publiait son premier album, « Presence »,  un 14 titres d’une grande richesse. On y retrouve son style singulier couplant mélodies obsédantes bien marquées et foisonnement de textures et de rythmiques. Des chansons synthétiques à la croisée de la techno, de l’ambient et de la trap music, particulièrement bien pensées et bien construites, piquées d’influences globales et d’instruments classiques.

    Des petits bijoux de poésie digitale plutôt contemplatifs, mais sur lesquels on peut désormais aussi danser, comme sur « Problems », un R&B très réussi, avec le producteur Lido au micro, ou « Gravitation », une ballade trépidante dans le cosmos en compagnie de Mome et de Isaac Delusion. Et surtout sur notre coup de cœur, la merveille « Waterfall » avec Panama en featuring, un hit exaltant qui donne envie de tout lâcher pour aller tourbillonner dans les étoiles ou plus prosaïquement sur le dance-floor.

    Des yeux de chat rieurs, un visage enfantin aux cheveux bouclés en bataille sur une longue silhouette, Petit Biscuit, Medhi de son vrai prénom, parle comme un adolescent, mais il a pourtant mûri à grande vitesse ces derniers mois : avant sa majorité, il a déjà dû faire des choix essentiels. Et il a opté pour l’indépendance : cet auteur, compositeur, producteur et interprète est désormais à la tête de son propre label, Petit Biscuit Music.

     

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    Interview

    Dans quel état d’esprit as-tu réalisé cet album, qu’est-ce qui a guidé ton travail ?

    Je l’ai fait dans des états d’esprit très différents, c’est pour ça qu’il est très varié. Je dis souvent qu’il est schizophrénique, parce que tu passes de la plus pure poésie à un déchaînement extrême, sur « The End » notamment. Je pense qu’on y retrouve le Petit Biscuit qu’on connait, et qu’on en découvre d’autres facettes, notamment le côté pulsionnel, un peu plus tribal, comme sur le titre « Break Up », un morceau entre world et trap music avec une basse, des percussions et une voix qui prend toute la place. J’ai voulu du changement, il y a une grosse évolution, avec pas mal de morceaux plus trap et plus hip hop qu’avant. Je faisais de la musique assez ambient avec « Sunset Lover » et maintenant c’est de la musique beaucoup plus en mouvement.

    L’as-tu pensé pour le live ?

    C’est un album qui a été pas mal pensé pour le live. Parce que j’ai fait beaucoup de live depuis un an et demi et ça a totalement changé ma vie. Ça m’a fait considérer la musique autrement. Je suis passé du côté un peu statique de « Sunset Lover » à quelque chose de plus mouvementé, avec des rythmiques beaucoup plus fortes, des basses plus profondes. Les breaks et les grosses montées sont pensés pour le live. C’est là où la chanson et l’EDM se mélangent. Mais cet album, je l’ai surtout pensé pour moi. Il est beaucoup plus moi que ce que je faisais avant.

    Dirais-tu que tu te cachais auparavant ?

    Oui, je me cachais sous une espèce de pop music jolie, je tentais d’atteindre une beauté universelle. Maintenant c’est beaucoup plus vivant, plus nuancé, il y a une progression au sein des morceaux. Sur des titres comme « Presence », l’évolution est assez flagrante, ce n’est jamais pareil du début à la fin : ça passe de quelque chose de très beau, d’assez orchestral, à une basse qui vient tout casser, tu as un break apocalyptique et ça repart sur une basse et un synthé encore plus déchainés. C’est un combat.

    L’idée c’était plutôt de transmettre le côté yoyo émotionnel  ?

    Oui, de toute façon, une carrière musicale, c’est un yoyo émotionnel, parce que tu as beaucoup de bonheur mais aussi de gros moments de stress et de fatigue. Tu passes par toutes les émotions et j’ai l’impression que quand tu commences à te lancer dans de l’artistique, tu deviens encore plus exposé, tu ressens les choses dix fois plus fortement que les autres. D’ailleurs pour moi, le thème de l’album, c’est une prise de maturité.

     

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    En quoi as-tu changé depuis « Sunset Lover » ?

    Il y a un an et demi, quand je disais en interview que j’avais du vécu, je me rends compte que c’était faux. Maintenant je peux le dire parce que pendant un an et demi il s’est passé des choses vraiment extraordinaires, je suis allé jouer aux quatre coins du monde, je me suis réveillé dans le tour bus roulant en plein désert aux Etats-Unis, comme dans un autre monde. J’ai fait énormément de rencontres, des gens plus gentils les uns que les autres, des gens un peu plus requins aussi, mais je m’en suis séparé vite fait. J’ai dû décider si je restais indé (je le suis resté), ou si je choisissais de déléguer toute une partie de mon travail pour me concentrer sur l’artistique. J’ai beaucoup appris. Tout ça a forgé mon esprit. Je pense que c’est ça la vraie prise de maturité et ça se retrouve forcément dans ma musique de façon indirecte.

    Comment travailles-tu ? Tu joues sur des instruments, tu enregistres des voix et ensuite tu les retravailles ?

    Ce n’est pas tout le temps pareil : en général je pars d’une mélodie assez forte, d’un gimmick que je joue soit au synthé direct, qui correspond bien à la mélodie, soit au piano, soit à la guitare, soit même au violoncelle comme sur « Beam ». Pour ce titre j’ai enregistré sur une sorte de violoncelle que j’ai ensuite trafiqué, c’est la première fois que je fais ça, donc c’est un peu exceptionnel. Composer c’est plein de manières différentes de créer un gimmick, quelque chose qui reste en tête,  et de créer autour.

    Où nourris-tu ton goût pour la world music dont tu parsèmes certains morceaux ?

    Ca vient de partout. C’est world parce que c’est traditionnel, mais c’est surtout hors du temps. Il n’y a pas une destination en particulier dont je me nourris parce que j’ai envie qu’on ne sache pas d’où ça vient. Certains vont dire que ça sonne indien, d’autres que c’est oriental. C’est juste partir à la découverte, être curieux de la différence. Il y a un côté ultra élégant et intemporel dans la world music.

     

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    Qui t’a donné envie de te lancer dans la musique électronique ?

    Sans doute Bonobo, Flume et Porter Robinson. Mais c’est surtout la myriade de petits artistes que je ne cite pas mais que j’ai vus se lancer dans l’électronique sur Soundcloud qui a déclenché mon envie. En fait, les grands artistes sont un peu des gourous, tu les respectes, mais les petits artistes tu te dis que ça pourrait être toi. C’est donc plutôt eux qui m’ont décidé en me montrant que je n’étais pas tout seul à me lancer.

    Tu aimes beaucoup le rap américain, pourquoi n’as-tu aucun rappeur en featuring sur ton album ?

    J’ai sûrement quelques idées en tête pour la suite (dit-il en rosissant un peu, l’air mystérieux). Aux Etats-Unis et en Angleterre, beaucoup de rappeurs se mettent à rapper sur de l’électronique, comme Asap Rocky sur Mura Masa ou Flume. Le producteur prend une place plus forte qu’avant où il n‘était même pas cité. Aujourd’hui, le producteur inspire même les textes des rappeurs. Pour le moment, je me concentre sur mon projet mais je pourrais produire par la suite. Il faudrait qu’on amène en France ce mouvement. Produire est toujours intéressant. Mais si tu fais juste une instru pour un rappeur c’est un simple exercice. Tandis que si tu as une réflexion commune avec le rappeur afin qu’il y ait une cohérence entre l’instru et les textes, là ça devient intéressant, ça devient de l’artistique.

     

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    Tu étais en terminale S au printemps, quelles études fais-tu maintenant ?

    J’évite désormais de parler de mes études. En fait j’essaye de faire des études, mais c’est très compliqué et du coup je n’ai pas envie que les gens sachent où je suis, ça m’a déjà posé des problèmes au lycée. Surtout, on a trop parlé de mes études et de mon âge, et pas assez de ma musique dans certains médias. Ils en ont fait le principal atout du projet alors que je n’ai pas envie que ça soit ça. Alors disons que le plan A c’est de faire de la musique mon métier. Mais j’ai aussi un plan Z. Et faire des études me permet de m’ouvrir à d’autres gens et d’autres choses.

    Tu fais une tournée des Zénith ce mois-ci (voir dates ci-dessous), tu as le trac ?

    Je suis prêt mais c’est un tout nouveau show, alors il y a toujours le petit trac des premières. Je suis carrément excité de proposer ça parce que c’est un album pensé pour le live. Il y aura du spectacle, avec des visuels superbes réalisés par mon copain Quentin Deronzier. C’est un show très préparé en amont. Certains disent qu’ils préfèrent sentir que c’est fait en direct mais pour moi il y a une petite part de science dans un show avec des moments ultra cadrés. Bien sûr, je joue beaucoup en live même si je lance certaines séquences en playback parce que je ne peux pas tout faire en même temps. Sur scène, il y aura davantage de spectacle qu’avant parce que j’ai réfléchi à l’effet que ça allait produire sur les spectateurs. Ce qui m’intéresse c’est que le public comprenne bien ce que je joue pour faire monter la pression et ménager des effets de surprise.

     

    Album « Presence » de Petit Biscuit (Petit Biscuit Music / Believe Digital) est sorti vendredi 10 novembre 2017

     

    Petit Biscuit est en tournée des Zénith
    ✓ Le 14 novembre à Lille
    ✓ Le 16 novembre à Nantes
    ✓ Le 20 novembre à Toulouse
    ✓ Le 21 novembre à Paris

    Il sera aussi le 27 novembre à Bruxelles, le 1er février à Rouen et le 3 février à Bordeaux

     

    Article par Laure Narlian, journaliste et responsable de la rubrique Rock-Electro-Rap de Culturebox.

    Photo à la Une © Jonathan Bertin

     

     

  • Interview exclusive : Eric Denimal, auteur de « La Bible pour les Nuls »

     

     

    Auteur d’une trentaine d’ouvrages, journaliste, écrivain, théologien, Eric Denimal répand « le plus prestigieux des mystères », comme il dit, dans le monde entier. Son livre « La Bible pour les nuls » sorti en 2004, est devenu un best-seller avec plus de 150 000 exemplaires déjà vendus. Ce qui l’intéresse, et ce qui nous a nous aussi intéressés, ce sont toutes les références documentaires du livre de la Bible qu’il nous donne, avec l’extraordinaire talent pédagogique dont il fait preuve. Car Eric Denimal commence par le commencement, et c’est ce qui nous plait. Et au commencement de la Bible, il y a un texte. Un texte qui se vend à pas moins de 50 millions d’exemplaires par an, traduit dans 400 langues, soit le livre le plus vendu et le plus traduit au monde.

     

    Eric Denimal : Aucun livre ne connait une diffusion constante d’une telle ampleur depuis l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, en 1451. Le premier livre qui sortit de sa presse fut d’ailleurs une Bible. « La Bible pour les nuls » répond donc à un désir de mieux connaître la Bible, dont je n’avais pas mesuré l’importance. (p. 01)

    Instant City : Nous aussi, nous somme très désireux de mieux connaître ce texte qu’on appelle la Bible.

    Eric Denimal : C’est un monument littéraire incontestable. Une Bible, dans une édition relativement ordinaire, est un livre d’un millier de pages. Cet ouvrage impressionnant est en fait toute une collection de livres écrits à diverses époques, par une quarantaine d’auteurs parfois très différents, ne s’exprimant pas toujours dans la même langue et moins encore dans un même style (p. 01) (..) La Bible n’est pas un livre comme les autres. Son histoire est exceptionnelle. (p. 09)

     

    Dans un premier temps, « La Bible pour les Nuls » s’attache donc à nous présenter ce texte et Eric Denimal nous fournit des informations sur son ou ses origines, sa transmission et sa conservation à travers les siècles.

     

    Instant City : Le Tanakh est le texte hébreu de la Bible (Bible hébraïque), avec des passages en Araméen. Le livre le plus ancien du Tanakh est la Torah. Il aurait été « écrit » par Moïse. Est-ce par tradition qu’on attribue ce texte à Moïse ou cela s’appuie-t-il sur des bases historiques et scientifiques ?

    Eric Denimal : Depuis Moïse jusqu’à Gutenberg, les écrits sacrés (comme les autres, d’ailleurs…) ont été copiés, recopiés et encore recopiés des centaines de fois. (p. 28). On sait qu’Abraham n’a pas écrit, ni Jésus ! Et même si ces personnages avaient écrit, nous n’aurions certainement pas leur texte original. Il n’y a pas de textes originaux, ni pour l’Ancien ni pour le Nouveau Testament. Nous n’avons d’ailleurs aucun texte original d’une quelconque oeuvre de l’Antiquité, pour la simple et bonne raison qu’aucun matériau n’a pu traverser les siècles. C’est la raison pour laquelle il y a eu autant de copies successives. Les conservateurs savaient la fragilité des supports. Comme aujourd’hui, nous faisons de nombreuses sauvegardes de nos écrits, les anciens veillaient à ce que les textes ne se perdent pas. En multipliant les copies et en évoluant avec les supports, on arrive ainsi à conserver des traces. Si la plupart des copies (papyrus, parchemins, codex) n’ont été retrouvées que dans les régions sèches, c’est simplement parce que l’humidité est l’ennemi des archivistes.

    La Torah est l’essentiel de la Loi juive et elle est formée des cinq premiers livres de la Bible hébraïque (Le Pentateuque dans l’Ancien Testament). La tradition juive a toujours attribué à Moïse ces livres, et dans les autres textes de la Bible, on évoque toujours la Loi en citant Moïse qui l’aurait reçue de Dieu. Cette conviction est encore présente dans le Nouveau Testament et même dans les propos de Jésus. Par exemple, sur la question du divorce, les prêtres interpellent Jésus et ce dernier cite les prescriptions de Moïse dans la Torah. (Voir Marc 10.2-9). On ne peut donc que se fier à ce que, de génération en génération, on a répété pendant au moins trois mille ans. La science n’est pas capable de faire mieux. Concernant « La Bible pour les Nuls », le but n’était pas d’entrer dans la polémique des interprétations, mais il fallait partir d’une base communément admise, avec une option (qui est déjà une prise de position personnelle) : la Bible explique la Bible, et elle est un livre fiable.

     

    Instant City : Le texte de la Bible viendrait donc d’une tradition orale juive parmi le peuple hébreu. On parle aussi de culture orale, de patrimoine oral ou encore de littérature orale. Il s’agit là d’une façon de « préserver et de transmettre une histoire, la loi et la littérature, de génération en génération dans les sociétés humaines qui n’ont pas de système d’écriture  » (Wikipedia). Parfois, le texte véhiculé oralement se transforme, faisant apparaître des variantes, même si le noyau reste commun. Or, ce qui serait extraordinaire avec le texte de la Bible, ce serait justement l’incroyable conformité à la virgule près des copies à travers le temps et selon les centaines, voire milliers, de copistes. Vous dites que le nombre de copies d’un texte vaut attestation. (p. 41). En quoi la copie de copies sur plusieurs siècles sans erreurs est-elle une preuve de la véracité (ou devrait-on dire de la fiabilité) des textes ?

    Eric Denimal : Il n’y a pas de ponctuation dans l’Hébreu ancien, donc la formule « à la virgule près » n’est pas conforme. C’est pourquoi Jésus préfère dire que « pas un iota ne changera de la loi » ; le iota étant la plus petite des lettres. Je dis que le nombre impressionnant de copies identiques de diverses époques, sans variations notables et vérifiables, même dans les traductions différentes (pour le Nouveau Testament), est exceptionnel et quasiment unique dans l’histoire de la transmission de textes anciens. Si un texte est falsifié, les copies de ce texte répercutent cette falsification. On devrait donc trouver des copies différentes entre les « originales » et les falsifiées. Mais on n’en trouve pas. Les textes du Nouveau Testament ont très vite été copiés, traduits et cités par les pères apostoliques et par les pères de l’Eglise. Sur les centaines de copies, les milliers de citations, les nombreuses traductions en diverses langues du bassin méditerranéen, on devrait trouver des divergences. Et ce n’est pas le cas. C’est la raison pour laquelle je pense que ce texte est fiable. Les théories (notamment musulmanes) selon lesquelles les textes de l’Ancien et du Nouveau Testament ont été falsifiés sont postérieures au Coran et sont injustifiées. De plus, on sait les différents importants entre les Juifs et les Chrétiens, jusque dans l’interprétation des mêmes textes. Chacun des partis aurait pu, avec le temps, falsifier les textes pour les formater selon ses croyances respectives, or les textes hérités sont identiques de part et d’autre. S’il y a falsification, il faut qu’il y ait eu entente entre les Juifs et les Chrétiens pour que les textes soient falsifiés identiquement dans chacune des religions.

    Avant la découverte des manuscrits de la mer Morte, les théologiens libéraux et les philosophes agnostiques mettaient largement en doute la fiabilité des textes anciens. Selon eux, il devait y avoir eu falsification entre les originaux et les copies en notre possession. Les manuscrits de la mer Morte représentent des milliers de textes conservés – et qui ne sont pas que des textes religieux – mais ce sont encore des archives. Autrement dit, tous les textes de l’Ancien Testament qu’on y a trouvés (et qui ont été cachés sans doute avant l’invasion des Romains) sont également des copies de copies. Mais ils sont tous plus anciens que les plus anciens que nous possédions. Parfois, ces archives ont fait faire un bond en arrière de cinq-cents ans par rapport aux textes conservés dans nos musées. La comparaison entre ces nouvelles archives et les documents déjà trouvés, répertoriés, analysés, a permis de vérifier qu’il n’y avait quasiment pas de différences, à quelques lettres près. En tout cas pas de différences qui changent le sens des textes connus. On peut décider que ce n’est encore pas une preuve de fiabilité, mais alors, quelle genre d’autre preuve espérer ?

     

    Instant City : Reprenons les mots : « Texte fiable ». Cela signifie que le texte est crédible, qu’on peut lui faire confiance, qu’on peut le croire. On tombe très vite sur un vocabulaire qui prête à confusion : croire. Ne peut-on utiliser, en toute vérité, d’autres mots ?  Un acte (ou encore un document) est jugé « authentique » quand il a été rédigé par un officier public ou ministériel, une personne autorisée par l’Etat à exercer une tâche de service public, nous donne la définition du dictionnaire. Or, le Canon a été constitué par des religieux juifs, des personnes dignes de confiance.

    Eric Denimal : Votre définition d’un acte authentique est une définition moderne et qui ne peut être prise en compte qu’à partir d’une certaine époque. Par exemple, jusqu’au XVIème siècle, l’Etat Civil français n’existait pas et c’est l’Eglise catholique qui enregistrait l’existence des personnes. Ses registres étaient pourtant authentiques. Dans l’Ancien Testament, on lit bien que c’est la synagogue et les religieux qui gèrent même la vie civile. Il n’y a pas de mairie ! Pendant des siècles, c’est l’Eglise qui a subventionné les artistes : il n’y avait pas de ministère de la culture… Les écrits religieux conservés par des religieux, c’est donc assez normal. Même Napoléon qui a rédigé le Code Civil, a voulu se faire reconnaître Empereur par le pape. Il est vrai qu’il s’est couronné lui-même tant il croyait à son caractère divin…

     

    Instant City : S’il est admis que le terme « authentique » signifie « dont l’autorité ne peut être contestée parce qu’il émane (le document) d’une autorité non contestée » – comme les registres d’Etat Civil tenus par le clergé – alors, les documents qui émanent des autorités juives de l’époque peuvent-ils être considérés comme authentiques ?

    Eric Denimal : La réponse est dans la question. Pourquoi mettre en doute le travail des autorités juives ? La dimension religieuse de ce peuple est dans son ADN et celui qui se présente comme le peuple élu de Dieu accorde à toute chose une importance spirituelle forte jusqu’à l’extravagance, avec une multitude d’interdits pour ne pas pervertir ce qui est juif depuis l’alimentation jusqu’au tissage du tissu, en passant par l’hygiène et l’éloignement de tout ce qui corrompt. Cette attitude que là, on peut juger comme étant intégriste, a au moins l’avantage de respecter la loi et le droit. Cependant, si l’intégrité, l’honnêteté et le sens de la vérité étaient au même niveau à l’époque que sont ces mêmes vertus dans notre présent siècle, tout peut alors être contesté et il ne reste qu’un grand vide et une perte cruelle de sens.

     

    Instant City : Dans votre livre, page 41, vous parlez de tous ces ouvrages datant de l’Antiquité, qui sont considérés comme « fiables » et « authentiques » sans aucune preuve. Par exemple (p. 42) , « La Guerre des Gaules » de Jules César, écrite entre 58 et 50 avant Jésus-Christ. Nous ne possédons aucun texte original écrit de la main même de Jules César, daté et authentifié comme tel. Nous n’avons que des copies, une dizaine environ, qui datent du XVème siècle, soit milles-quatre-cents ans plus tard ! Et pourtant, tous les historiens s’accordent à les trouver « fiables », et ils sont cités en référence comme fondement de l’Histoire de France. Comment expliquer que ce ne soit pas le cas pour la Bible, dont il existe plus de 5 000 copies conformes à la virgule près seulement trois-cents ans après la mort de Jésus ?

    Eric Denimal : C’est surtout à partir du XIXème siècle que le rationalisme s’est mis à contester la fiabilité de la Bible et à démonter tout ce que la tradition avait véhiculé. C’est d’ailleurs à cause de ces critiques que la reine Victoria a financé les premières fouilles archéologiques en Terre Sainte afin de trouver des preuves de ce que la Bible racontait. Et l’histoire de l’archéologie (parfois dite biblique) est absolument passionnante, avec des découvertes qui ont quasiment toujours confirmé ce que la tradition biblique avait transmis.

     

    Instant City : On ne trouve aucune trace archéologique de l’Exode cependant.

    Eric Denimal : Cet argument n’est pas suffisant : on ne trouve aucune trace des migrations datant de plus de trois-mille ans de peuples dans des zones désertiques. Même des villes entières sont aujourd’hui introuvables (jusqu’ici…) alors que de nombreux documents évoquent leur existence. La découverte des manuscrits de la mer Morte a authentifié tous les textes anciens que l’on possédait, dans le sens de « confirmé ».

     

    Instant City : En conclusion, serait-il juste de dire que des textes écrits par des personnes reconnues comme des autorités morales, issus de la tradition orale, dont des centaines de copies exactes à la virgule près ont passé les siècles, peuvent être par conséquent considérés comme fiables à défaut de pouvoir être qualifiés d’authentiques ?

    Eric Denimal : Je ne cesse de dire que ces textes sont fiables, dignes de confiance. Mais dans la confiance et la fiabilité, il y a – étymologiquement – place à la foi. J’ai tendance à faire confiance au texte dont la profondeur et la sagesse ne dépendent pas des auteurs ni des époques de rédaction. Lorsque j’apprécie un « vieux proverbe chinois », je reçois et médite sur le proverbe sans me soucier de son auteur dont le nom et l’existence m’importe peu. C’est le croyant qui décide que les textes bibliques sont authentiques. La raison me permet de dire que les textes sont fiables. La foi me permet de dire que les textes sont authentiques … pour moi !

     

    Instant City : L’argument le plus couramment entendu est qu’au moment de la fixation définitive du Canon lors des Conciles de 397 puis de 1546, les hommes d’église auraient « arrangé » les textes pour que ceux-ci répondent à leur besoin d’obéissance et de soumission du peuple. Est-ce qu’il serait possible que des hommes à cette époque aient réfléchi à une explication de la genèse du monde, à la place de l’homme dans le monde, et qu’ils aient réussi à trouver une croyance qui réponde à toutes les interrogations de l’homme sur l’existence, la mort, la morale ? La Bible pourrait-elle être une création humaine et non la parole de Dieu ?

    Eric Denimal : La liste des livres conservés dans la Bible a été fixée bien avant 397. Les Conciles cités ont entériné et confirmé ce qui avait déjà été établi plus tôt. Si vous voulez absolument que les textes aient été arrangés pour les raisons que vous évoquez, il faut qu’ils l’aient été avant la première officialisation en 397 parce qu’en 1546, le Concile de l’époque a confirmé ce qui était déjà fixé en 397. Il est clair que la Bible, comme tout ce qui existe, peut être mise en doute par toutes sortes de théories du ou des complots. Il ne faut pas donner plus de crédit à Dan Brown qu’aux Pères de l’Eglise. Il y a des croyances et des explications du monde fantasmées ou bricolées en fonction de présupposés, voire des systèmes de pensée complaisants avec ce qui convient à ceux qui les proposent, qui les imposent. Sur l’origine de l’univers et du vermisseau qui s’y tortille (l’homme), il convient d’avoir une extrême humilité. Il n’est pas humiliant de réhabiliter le mystère. Et la science n’est pas une déesse, elle est une orgueilleuse qui n’accepte jamais de reconnaître ses erreurs. Par exemple, c’est elle qui, il y a à peine cent ans, démontrait encore que certains humains étaient inférieurs à d’autres. Ce qui a cautionné l’extermination d’handicapés, d’homosexuels et de juifs par millions. Dès lors, je ne peux me fier aux prétentions de la science…

    La Bible offre une explication du monde, mais ce n’est qu’une explication. Le récit de la Genèse et les premiers chapitres sont à recevoir comme une espèce de parabole explicative pour le cerveau limité des hommes. La puissance de la vie dépasse très largement les capacités intellectuelles des mortels. Pour moi, l’important n’est pas de savoir comment le monde est devenu monde, mais d’accepter le principe d’une méga-puissance dont nous ne percevons qu’un contour flou. Pour que l’humain, issu de l’humus, sorte de la glaise et envisage une éternité, un infini, une éthique et une morale, il a dû recevoir (et non concevoir de lui-même) un souffle d’ailleurs. Pour moi, j’envisage aisément l’intervention d’un extra-terrestre totalement céleste.

     

    Instant City : Pensez vous que la Bible réponde à un besoin affectif de l’homme ?

    Eric Denimal : La Bible répond à tous les besoins. Nos psy ont, par exemple, établi que le tout premier besoin de l’homme est d’être aimé avant même d’aimer. La Bible le dit depuis longtemps : Dieu nous a aimé le premier, puis vient la consigne récurrente : aimez-vous les uns les autres, et apprenez à vous aimer vous-même. Vous pouvez prendre la pyramide des besoins de Maslow et découvrir que la Bible n’en oublie aucun, qu’elle donne des consignes d’une extrême sagesse pour y répondre dans un vivre ensemble d’une grande modernité, et sans l’angélisme de nos politiques. La Bible donne un sens à la vie en lui faisant percevoir une dimension d’éternité. Elle donne des pistes qui touchent toutes les sphères de notre existence. En cette année électorale, par exemple, je découvre dans ses pages des principes remarquables qui éclairent sur des notions comme le pouvoir, l’exercice du pouvoir, les limites du pouvoir, le statut de chef, le statut du peuple, les relations entre les politiques et les citoyens. Il est clair que la Bible ne traite pas seulement de l’aspect spirituel de l’homme croyant. L’enfermer dans ce domaine, c’est n’avoir rien compris de ce qu’elle est. La plus grosse erreur du Christianisme est de l’avoir confisquée alors qu’elle est pertinente pour toute l’humanité et pas seulement un guide pour la foi.

     

    Instant City : Quel était votre cible, le public visé ?

    Eric Denimal : J’ai souvent été présenté comme un « remarquable vulgarisateur ». J’aime beaucoup être perçu comme un vulgarisateur, même si je suis aussi théologien. Nous ne sommes pas nombreux à rendre accessible ce qui est parfois présenté comme hermétique par des spécialistes jaloux de leur savoir. Il n’est pas difficile d’être « remarquable » et donc remarqué, quand nous sommes peu à décider de montrer la lisibilité de la Bible, et son accessibilité. En son temps, l’Église catholique du Moyen-âge a voulu une traduction latine moderne de la Bible. Cette traduction de Saint-Jérôme a été appelée la Vulgate, c’est-à-dire en langue « vulgaire », à l’usage du plus grand nombre. Depuis le XVème siècle, le Protestantisme (et avant lui les pré-réformateurs) a toujours insisté pour que le lecteur puisse lire la Bible dans sa propre langue afin d’avoir un lien étroit et personnel avec le texte. Mon souci permanent est de permettre au plus grand nombre de découvrir la richesse et la beauté de cette Bible.

     

    Instant City : Lors de votre relecture, avez-vous veillé à votre vocabulaire ? Avez-vous censuré des mots trop érudits ?

    Eric Denimal : En tant que journaliste, j’ai un jour essayé de suivre les entretiens de Bichat. Il s’agit d’une session de travail durant laquelle de grands spécialistes en médecine traitent de tout ce qui touche à la santé. Le néophyte est complètement largué alors que les participants jouissent intellectuellement de tous les échanges sur les travaux en cours. Aussi passionnant que soit le monde (microcosme) de ces savants et praticiens médicaux, ils sont dans une bulle impénétrable. Les théologiens, comme n’importe quels spécialistes, sont aussi dans leur univers avec un langage propre. Mais ce langage a été forgé par des hommes pour définir autant que possible ce qu’ils tentent de comprendre. Et souvent le langage complexifie ce qu’il veut expliquer. On peut parler de substitution pour expliquer le principe du sacrifice, ou de transsubstantiation pour parler du dernier repas de Jésus, mais alors, qui percute quelque chose ? Un Français moyen dispose d’un lexique de 5000 mots mais 10 % de la population française ne dépasse pas les 400 à 500 mots. Cela montre le travail nécessaire !

     

    Instant City : Qu’en est-il de ce projet intéressant d’une « Théologie pour les nuls » ou d’une « Exégèse pour les nuls » ? Je trouve que c’est une excellente idée car certains lecteurs, dont je fais partie, ont beaucoup de mal à trouver sur internet des interprétations (des explications), des paraboles ou des évangiles, par exemple. Une synthèse des interprétations…

    Eric Denimal : Le succès de librairie que connait la « Bible pour les Nuls » tient en grande partie au fait que c’est un livre qui explique le contenu de la Bible mais qui n’apporte pas d’interprétations. C’est ce qui fait que ce livre a été salué autant par les catholiques que par les protestants et même par les juifs. C’est avant tout non une énième traduction de la Bible mais une introduction à la Bible. Sans oublier l’histoire de sa rédaction et de sa composition : une histoire unique. Une « Théologie pour les Nuls » devrait proposer les interprétations possibles des textes. Si la piste est intéressante, il faut savoir que ce sont les interprétations différentes qui ont provoqué les scissions, les schismes et parfois même les guerres entre croyants. J’ai, dans ma bibliothèque, un livre de cinq-cents pages qui tente de faire une synthèse des meilleures interprétations de l’Apocalypse de Jean. L’Apocalypse, dans ma Bible, c’est un texte de 18 pages. Le commentaire se nomme « La Clarté de l’Apocalypse » et franchement, la clarté des synthèses n’est pas aussi évidente que cela.

    Tout au long des vingt siècles du Christianisme, et depuis plus longtemps encore pour le Judaïsme, des hommes érudits ont disséqué le texte biblique et des millions de volumes ont été écrits. Le chantier n’est donc pas nouveau et ne sera jamais achevé. Personnellement, et pour un autre livre, je me suis arrêté sur un thème : le Christ selon Jésus. Je ne me suis servi que de l’Evangile de Marc (le plus court des quatre) pour faire le portrait du Messie attendu au travers des actes et des propos du fils du charpentier. Ce simple angle journalistique m’a ouvert des pistes insoupçonnées et a élargi ma perception de la personne de Jésus. La Bible est un diamant brut dont on peut faire jaillir tant et tant d’éclats qu’on ne peut qu’aboutir à la conclusion suivante : c’est un livre exceptionnel. Les Éditions First viennent de rééditer en format « Poche » un de mes livres épuisés depuis quelque temps : « Le serpent qui parle ». Dans ce livre, je suis sur un tout autre registre puisque j’aborde des sujets difficiles de la Bible, notamment les épisodes dans le Jardin d’Eden, et je tente une interprétation. Cette fois, je suis dans le rôle du théologien et non plus du journaliste. Et le livre est tout différent.

     

     

    Instant City : Lorsque vous dites que vous n’aviez pas mesuré l’importance de l’engouement qu’allait susciter le livre, à quoi vous attendiez-vous ?

    Eric Denimal : Pendant près de dix ans, j’ai été éditeur dans une petite structure protestante. En lien avec de très nombreux éditeurs « confessionnels », je savais quel était le seuil des ventes des livres à thème religieux ; le succès d’un titre restait un chiffre relativement modeste (environ 2 000 exemplaires pour les « succès »). Mais en même temps, les éditeurs confessionnels (outre de grosses maisons catholiques, mais souvent généralistes comme Cerf) ont des réseaux de distribution peu performants. Les librairies religieuses ne sont pas légions. C’est la raison pour laquelle, mon intuition était que pour toucher le grand public, il fallait passer par une maison d’édition généraliste avec une diffusion aussi large que possible. Les éditions First, avec leur collection « Pour les Nuls », étaient idéales pour atteindre ce double objectif. Ce qui a intéressé l’éditeur, c’est que je suis à la fois théologien et journaliste. Il fallait, pour la lisibilité et le sérieux mentionnés plus haut, à la fois quelqu’un qui maîtrise le sujet, et qui sache restituer les informations de façon accessible.

     

    Instant City : « J’ai découvert qu’il y a une curiosité, une soif , une attente de découvrir la Bible », dites-vous. Comment expliquez-vous le succès de « La Bible pour les Nuls », face aux centaines de livres disponibles sur la Bible ? Ce n’est après tout qu’un énième livre en plus. La différence tient-elle au format (à la formule) ? Est-ce un genre de manuel pédagogique à destination des prêtres ou catéchistes pour leur apprendre à s’adresser aux non-croyants ou aux convertis débutants ?

    Eric Denimal : Il existe beaucoup de livres sur la Bible, mais souvent, ils sont proposés par des maisons d’éditions confessionnelles et les lecteurs ont alors peur d’une récupération, d’une orientation. L’avantage de la collection « Pour les Nuls », c’est qu’elle est généraliste. La réputation de ses manuels pédagogiques n’est plus à faire. « La Bible pour les Nuls » est sans doute utilisée par des prédicateurs laïques, par des catéchistes (notamment La Bible pour les Nuls Junior), mais aussi par beaucoup de chrétiens « ordinaires » qui ont envie de se documenter. Sans parler des personnes curieuses de savoir ce que contient la Bible et qui refusent d’être entrainées dans un système de pensée plus ou moins ecclésial. Par ailleurs, « La Bible pour les Nuls » est une véritable encyclopédie qui permet de tout savoir (ou presque) sur la Bible.

     

    Instant City : Vous avez dû recevoir énormément de courrier contenant des remarques, des demandes de corrections ? Qui a le plus mal accueilli votre livre ?

    Eric Denimal : L’accueil a été globalement très positif et le succès permanent de ce livre prouve qu’il est apprécié. Quelques théologiens ont regretté que je ne mette pas de réserve sur le texte, notamment le courant libéral qui aurait préféré que je dise que des doutes existent sur tel auteur, tel livre etc… Mais alors, cela devenait de la théologie et ce n’était pas l’objectif du livre. Quelques personnes se sont étonnées qu’un tel volume soit l’oeuvre d’un seul auteur et non d’une équipe de rédaction. Quand je me suis lancé dans le « Jésus-Christ pour les Nuls », je me suis associé à un autre grand spécialiste pour enrichir l’information. Écrire à plusieurs mains est un exercice bien intéressant. Cette fois, certains m’ont demandé : « Pourquoi as-tu fait appel à Matthieu Richelle et pas à … ? » On suscite toujours de drôles de réactions, et passablement de jalousie.

     

    Instant City : Quel est votre personnage biblique préféré ?

    Eric Denimal : Joseph vendu par ses frères, dans l’Ancien Testament. Jésus, naturellement, dans le Nouveau Testament.

     

    Instant City : « Je suis un passeur, je montre un chemin, je suis un poteau indicateur : j’oriente la réflexion ». Pourquoi avoir choisi l’écriture comme mode de partage ?

    Eric Denimal : C’est mon meilleur mode d’expression. Je suis nul en musique, en sculpture, en peinture… Un autre lieu d’expression possible aurait été le théâtre. Cette passion se vérifie quelque part puisque j’ai écrit avec Roland Giraud et avec Gisèle Cascadesus. Mais avec eux, je suis resté journaliste. Pour tout vous dire, mon rêve serait aujourd’hui d’écrire pour le théâtre. J’ai apprécié l’audace de Frédéric Lenoir et sa pièce « Bonté divine » dans laquelle a d’ailleurs joué Roland Giraud.

     

    Nos remerciements les plus chaleureux à Eric Denimal pour le temps passé à nous répondre.

     

     

    Bibliographie :

    ✓ La Bible illustrée pour les nuls (nouvelle édition, octobre 2016)

    ✓ 50 notions clés sur la Bible pour les nuls (mai 2016)

    ✓ Le serpent qui parle (2016)

    ✓ Le Nouveau Testament pour les nuls (novembre 2011)

    ✓ L’Ancien Testament pour les nuls (novembre 2011)

    ✓ Jésus-Christ pour les nuls (2014)

    ✓ Les grands personnages de la Bible (2006)

     

     

     

  • Rencontre avec une artiste-peintre : Charlotte Angeli

     

     

    Mardi 15 février. J’arrive devant un immense portail vert en fer forgé, quelque part dans une rue de Levallois-Perret. Charlotte Angeli m’attend pour une interview. Nous avons découvert cette artiste-peintre quelques mois plus tôt, lorsque nous avions rencontré son père : Daniel Angeli, paparazzi des années Bardot, Newman, Jagger, Lennon, Taylor, puis Deneuve, Gainsbourg et de tant d’autres stars. Elle nous avait bluffés par son talent, son authenticité et cette formidable histoire d’amour familial devenue aujourd’hui une marque de fabrique. Car l’histoire de la fille ne peut s’écrire sans celle du père, même si Charlotte a un prénom qui n’a pas attendu après le nom de son père pour être connu et apprécié. Elle ne peut pas s’écrire non plus sans celle de ses grands-parents : Odette, la grand-mère paternelle et Bernard son grand-père maternel, tous deux peintres également.

     

    « Petite, je baignais dans ce milieu d’artistes. A la mort de mon grand-père, ma maman a retrouvé parmi ses toiles la toute première peinture que j’avais faite et que mon grand-père avait conservée précieusement. »

     

    Une jeune fille sur la plage en robe bleue balayée par le vent, tenant son chapeau pour ne pas qu’il s’envole. Ce même tableau qu’elle a conservé et qu’elle me montre aujourd’hui parmi ses trésors. Devenue étudiante, Charlotte fait une école de stylisme et étudie l’histoire de l’art. Ce qu’elle aime, c’est la matière et les couleurs. Son rêve : une carrière à l’international. Pour l’heure, un foutu code nous sépare encore. Charlotte vient à ma rencontre et nous sommes heureuses de nous serrer à nouveau dans les bras. Elle me guide à travers une cour, puis me fait entrer dans un immense loft aux murs très hauts et au plafond de vitres. Le père photographe et la fille artiste-peintre se sont trouvés là un écrin digne de leur talent pour abriter leurs œuvres.

     

    « Toute la famille s’est installée là début janvier. Mon père, ma grande sœur Caroline, ma mère et moi. Tout le monde participe au projet, chacun selon ses compétences. Il y a aussi mes deux frères, 17 et 20 ans. Ils viennent un week-end sur deux. »

     

    Le projet dont parle Charlotte, c’est un espace pour stocker et conserver les œuvres, un autre pour les exposer et encore un autre pour travailler : un atelier pour peindre, un bureau pour gérer l’administratif. Il y a du pain sur la planche ! L’espace est immense. Au sol, du béton ciré gris. Au milieu de l’immense loft, quatre colonnes de béton peintes en gris et terminées par des moulures. D’immenses murs blancs très hauts, parfaits pour exposer des tableaux ou des photographies, et en guise de plafond, une incroyable verrière. Un paradis pour artistes… Cette immense pièce est divisée en plusieurs blocs : un coin bureau équipé d’un ordinateur pour l’administratif mais aussi pour regarder, trier, scanner les photos de Daniel. Un showroom pour exposer les œuvres du père et de la fille, un atelier pour peindre. Une nouvelle année, un nouveau projet et un nouveau départ pour toute la famille. Exaltant.

     

    « Papa et moi sommes des artistes. Nous passons beaucoup de temps, moi à peindre et papa à trier et choisir ses photos. Nous n’avons pas le temps de travailler notre communication, de gérer les appels, de répondre aux demandes de rendez-vous, d’expositions ou d’interviews. Nous recevons énormément d’appels et de messages. Il fallait du monde pour s’en occuper. Nous avions besoin d’un agent pour mettre en avant notre travail, vendre les œuvres. Sans parler de toute la logistique de la vie quotidienne. C’est une vraie PME familiale. »

     

    Cet agent, c’est Elisa, la mère. Et à la gestion administrative on trouve Caroline, la sœur, également présidente du Fonds de dotation.

     

    « Ma mère a un rôle très important : c’est notre fée Clochette. Elle connait toutes les histoires des photos de mon père. Elle porte un regard particulier sur la carrière de papa. Elle a vécu avec lui. Elle sait beaucoup de choses qui peuvent aider dans la mise-en-scène des photos. »

     

    L’idée, c’est la suivante : Daniel Angeli, le père, a pris près de 50 millions d’images. Ces images représentent un patrimoine énorme que la famille souhaitait préserver. Pour cela, elle a créé un fonds de dotation. Un cadre juridique plus léger que celui d’une fondation et qui permet, de façon non lucrative, de développer et d’exposer ce trésor. Il s’agit à la fois de protéger et de faire connaître l’oeuvre de Daniel Angeli. L’utilisation ou le prêt des photos sera conditonné au versement d’une subvention, un don, qui servira à financer le fonds.

     

    « L’idée est de trier les photos par séries. Par exemple « Les peintres », « Les acteurs », « Saint-Tropez », « Saint Bart », « Les nones »… Dans chaque série, on visionne les photos à la recherche d’images inédites qui n’ont pas été montrées ou publiées à l’époque. Papa visionne les planches contact et les négatifs. Il sélectionne une image forte. On scanne, on envoie au labo, on fait imprimer. Certaines photos restent « pures » : elles seront exposées en tant que photos, telles quelles. D’autres seront peintes. Nous avons la chance de disposer, avec ce fonds de 50 millions d’images, d’une source intarissable sur tout un tas de thèmes. L’oeuvre de notre père, ce n’est pas que du « people ». Il y a du vrai reportage photo. Papa avait pris des photos de la cité Falguière, d’une prison, sur des tournages de films, ou encore lors d’un voyage au Cambodge pour l’UNICEF. Il appelle ça « faire du sujet » ou « la vie ». Ce sont des idées de thèmes à travailler. »

     

    Une sonnerie de porte interrompt notre discussion. On vient livrer un meuble-vitrine dans lequel seront exposés des appareils photo et divers objets appartenant à Daniel Angeli. Dans un angle de la pièce, à côté d’un piano blanc, trône un mannequin habillé d’une veste baroudeur, sac de photographe reporter sur l’épaule, appareil photo autour du cou et chapeau sur la tête. Le décor du showroom prend forme. Elisa, Charlotte et Caroline, mère et filles, installent le nouveau meuble contre l’un des hauts murs blancs. Mon regard s’arrête sur une peinture de Charlotte posée contre un pan de mur. Sur une photographie de Paul Newman arrivant en gare de Cannes pour le festival prise par Daniel, Charlotte a peint des marguerites, le pull en rouge et des lettres : « 6h00 du matin. Gare de Cannes » et cette phrase : « de l’influence des rayons ANGELI sur le comportement des marguerites ».  Après une petite discussion entre elles sur la position des étagères et la couleur des ampoules d’éclairage, le travail reprend comme si de rien n’était. Elisa passe un coup de fil à Mylène Demongeot, marraine du Fonds de dotation, pendant que Charlotte répond à une interview et que Caroline m’explique le fonctionnement de la PME familiale. Puis Charlotte m’explique sa toile :

     

    « Chaque pièce est unique. Elles ne portent pas de nom mais elles ont chacune une histoire. Aucune œuvre ne sera refaite, sauf si j’ai une demande particulière : à ce moment-là, ce sera forcément le même thème, mais traité avec une photo différente (la précédente ou la suivante de la même série, par exemple) et à un autre format. Les œuvres sont répertoriées en fonction de leur thème, de la personnalité représentée sur l’image, comme ici la « Newman sortant du train ». Paul Newman était attendu au Festival de Cannes pour accompagner sa femme Joan Wodward qui était à l’affiche du film que lui-même avait réalisé, « De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites » en 1972. Mon père a eu une info : il n’arriverait pas à l’aéroport, mais en train à 6h00 du matin en gare de Cannes. C’est comme ça qu’il a pu le shooter. Il a été le seul à avoir des images ! »

     

     

     

    « Chaque œuvre tire des éléments de son histoire : les marguerites rappellent l’affiche du film sur laquelle Joan Woodward se tient au milieu d’une prairie. Le titre, « 6h du matin gare de Cannes », parce que papa est allé le paparazzer ce jour-là, à son arrivée à la gare. Le titre « de l’influence des rayons gamma » me fait penser aux noms des trois grosses agences de presse de l’époque qu’étaient Gamma, Sipa et Angeli ; c’est pour ça que j’ai mis Angeli à la place de Gamma. La veste rouge rappelle le manteau rouge de l’actrice sur l’affiche. « No Way » c’était déjà sur le train « Access ». Cela signifie : ne venez pas par là ; c’est une grosse expression chez les stars. Cette année-là, Paul Newman avait refusé toutes les séances photo. Mon père a été le seul à réussir à capturer cette arrivée à la gare. »

     

    Les premières œuvres de Charlotte concernant ce projet ont été vendues cet été à Saint-Tropez. Charlotte en avait apporté quelques-unes afin de faire une sorte de test pour savoir si son travail allait plaire au public. Lors d’une interview de Daniel Angeli sur la plage, alors qu’il était venu présenter son livre de photos au salon du livre de Roquebrune-cap-Martin, on dispose ces œuvres en guise de décor d’arrière-plan. Daniel Lagrange, directrice de l’Hôtel de Paris, un prestigieux palace 5 étoiles, demande aussitôt la série entière, douze tableaux, pour les exposer dans le hall de l’hôtel.

     

    « Elle m’a dit : « vous êtes à l’aube de votre naissance. Vous avez un talent incroyable ». Les œuvres étaient en expo-vente. On a eu pas mal de retours. Beaucoup de monde voulait nous contacter après ça pour nous passer des commandes, nous faire des propositions d’expositions, écrire des articles. Il a donc fallu créer des sites officiels où nous joindre sur les réseaux sociaux, facebook et instagram, puis trouver quelqu’un pour alimenter ces pages avec notre actualité. Nous avons commencé à recevoir pas mal de messages auxquels il fallait répondre. C’est ma sœur Caroline qui a pris cet apect-là en main. »

     

    Charlotte est ensuite contactée, par l’intermédiaire de Mylène Demongeot, marraine du Fonds de dotation, par la Fondation Brigitte Bardot. Cette dernière organise une vente aux enchères destinée à ramener des fonds pour la Fondation, une vente animée par Mylène Demongeot, Henri-Jean Servat et le commissaire priseur de  la salle de vente Rossini. Le principe : un artiste sélectionné offre une de ses œuvres sur le thème « Brigitte Bardot » à la Fondation pour la mise aux enchères. Charlotte et Daniel proposent une œuvre sur une photo de Brigitte à la Madrague prise par son père, « Brigitte Bardot sur le ponton de la Madrague à Saint-Tropez », d’après une photo de Daniel Angeli (Technique mixte sur toile. 100 x 150 cm, vendue 4 000 euros le 5 novembre 2016)

     

     

     

    « On reconnaît le village de Saint-Tropez, village que j’ai placé à l’envers comme si Brigitte Bardot y songeait, comme dans une bulle de bande-dessinée. J’ai refait les matelas typiques et très connus de la Voile Rouge, la mythique plage privée de Pampelonne à Ramatuelle. Brigitte avait ces matelas de Paul, le patron des lieux. Et le Vichy pour les robes Vichy bien connues de Bardot. Depuis cette vente aux enchères, je suis rentrée au Art Price, un peu comme une société quand elle entre en bourse et de fait, peut être cotée. »

     

    Plusieurs éléments font le caractère unique du travail de Charlotte Angeli. Tout d’abord, il y a le support : une photo originale, unique, prise par son père, Daniel Angeli. Puis il y a le travail de mise-en-scène ; chaque photo possède son histoire. Une histoire racontée par Daniel ou Elisa : ce jour-là, dans ces circonstances particulières, il s’est passé telle ou telle chose. C’est à partir de ces anecdotes que Charlotte imagine sa peinture par-dessus la photo. Et c’est ce troisième élément qui est également important.

     

    « Je n’ai droit qu’à un seul essai. Je ne peux pas me permettre de me tromper car la photo a été imprimée et cela a un coût. Lorsque je mets mon premier coup de pinceau, puis tous les autres, il faut que je sois sûre de moi. Je ressens alors de la peur.  Peur de gâcher le travail de mon père, d’écraser sa photo. Mais c’est une bonne peur. Certaines photos me rappellent une histoire et mon histoire à travers mon père. Quand je vois une photo de mon père, vierge, je me dis « waow ». Je me replonge dans l’histoire, je réfléchis quelques jours, je fais des esquisses, des croquis et après je me lance. Il y en a qui sortent tout de suite et d’autres qui sont plus ou moins longues, qui mettent plus de temps et pour certaines techniques de travail, ça peut mettre des heures. Pas le droit de rater mais souvent les plus grandes erreurs ont fait les plus grands tableaux. Renverser un pot de peinture, par exemple, qui au rinçage donnera un effet. Une fois fini, je trouve que c’est bien, c’est un beau mélange de deux talents qui s’entremêlent. Ca matche parce que je suis la fille de mon père. Je ne suis pas déçue en général, même si je n’ai pas une grande confiance en moi. »

     

    Mais ce dont Charlotte est la plus fière, c’est d’avoir donné une seconde vie au travail de son père.

     

    « Le monde de l’Art est demandeur d’anecdotes et de légendes sur les stars. Cela permet d’offrir une nouvelle vie aux photos de mon père. Mes peintures permettent également de porter un regard nouveau sur ces images. Bien sûr, on utilise pour le moment des photos connues afin d’attirer le public et les investisseurs amateurs d’art ou collectionneurs. Mais dans un second temps, nous aimerions au contraire faire vivre toutes les photos encore inconnues qui dorment dans des cartons et qui sont pourtant dix fois plus fortes émotionnellement parlant. Je suis  fière de sa carrière, de sa manière de capter les choses, de la chance qui l’a poursuivi. Je suis fière de l’avoir retrouvé car cela a fait naître ce projet. Je suis fière qu’on arrive à partager tout simplement ensemble. Le lien qu’on voit sur la photo a toujours existé mais on a chacun de la pudeur et mêler nos passions plutôt que nos sentiments personnels me semble une bonne idée. On est artistes, on n’est pas comme les autres, on a du mal à exprimer nos sentiments autrement que dans notre art. Alors, de ce coté-là, on se comprend bien. Il me laisse totalement m’exprimer. Il ne regarde plus du tout ce que je fais sur ses photos comme ça pouvait être le cas au début. J’ai maintenant carte blanche. On communique sur l’histoire de la photo avant de peindre. J’ai besoin de parler avec lui de l’image. Ensuite, je vais faire des recherches sur l’histoire du personnage : je me renseigne sur sa biographie, sur son parcours, je fais des croquis et je réfléchis sur le matériau à utiliser. Petite fille, j’étais frustrée de ne pas pouvoir dessiner, alors j’ai créé des techniques qui me sont personnelles et le dessin me vient petit à petit. J’utilise également la coulure dans mes peintures. La coulure, il faut la maîtriser. Elle doit être droite et nette. Ce n’est pas couler pour faire couler. J’ai toujours signé comme ça. Je préfère que mon passé coule… Il y a une vraie expression, c’est un peu le temps qui s’écoule, pour moi ça marque quelque chose profondément, c’est mon sablier, le temps qui passe. Ce qui est compliqué ; c’est que je ne peux utiliser la photo qu’une seule fois. Je ne peux pas faire d’essais, puis tout effacer. Je n’ai droit qu’à une seule chance. C’est pour cette raison que je dois bien me préparer avant, savoir exactement où je vais et ce que je veux faire avant de me lancer. »

     

     

     

    Charlotte Angeli est pleine de projets : plusieurs de ses toiles ont été sélectionnées pour une expo à Saint-Barth, des commandes de particuliers à honorer, une expo sur le thème de la cité Falguières à préparer et un projet sur les peintres photographiés par son père comme Dali, Miro, Chagall, Buffet, Fujita, Baltus, John One… Quant à Daniel Angeli, il n’est pas près d’être à la retraite : il vient d’être sélectionné dans le cadre d’une expo sur Steeve Mc Queen – le bikini – et une rétrospective de son travail dans le quartier du Marais pour cet été. Comment voit-elle son avenir ?

     

    « Je ne me projette pas du tout. Je rêve de création, c’est tout, c’est mon seul objectif. Je suis perchée dans ma peinture. Si je ne crée pas, j’étouffe. Le seul rêve que je pourrais avoir, ce serait des expos à l’international. Tu rencontres des gens, tu t’inspires. C’est la vie qui m’inspire : les plis d’une serviette sur la tête d’une femme qui s’est lavé les cheveux, un passant. Chaque fois que je voyage, je reviens avec des milliers d’idées… Je déteste la routine. J’aime faire des choses nouvelles. Je me dis que l’art c’est trop « open » pour faire toujours les mêmes choses. Avec Charlotte, on ne se dira jamais : « tiens, ça c’est Charlotte », on ne reconnaitra jamais une de mes oeuvres. A force, tu as toujours « une patte », mais les tableaux ont changé. Je ne vais pas faire que de la coulure. J’apprends à faire des choses, donc il y a  des techniques qui apparaissent au fur et à mesure dans mon travail. En ce moment je suis dans le point. »

     

    Le destin est en marche. Les photographies de Daniel sont de plus en plus demandées, pour illustrer un sujet de reportage, pour un décor d’hôtel ou de cinéma, pour une publicité, ou plus simplement une exposition ou un livre. Les toiles de Charlotte sont elles aussi de plus en plus courues, par des particuliers ou pour des expositions. Du travail en perspective dans ces nouveaux locaux où ateliers côtoient archives, laboratoire et bureaux. Les journées s’annoncent bien remplies en cette nouvelle année 2017 pour un avenir qui lui s’annonce radieux. La photo de paparazzi est définitivement entrée dans le monde de l’Art.

     

     

     

    Vidéo de Charlotte en train de peindre :

    https://www.facebook.com/angelicharlotteofficiel/videos/188641138276696/?hc_ref=PAGES_TIMELINE

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Charlotte Angeli Officiel

     

     

     

  • Valentin Grethen : l’âme des rues

     

     

    L’âme des rues est un projet de court métrage fantastique en milieu urbain, réalisé par Valentin Grethen. Tournage du 10 au 13 Mars 2017. 

     

    Laurent est un sans abri de 28 ans errant dans les rues de Paris après avoir agressé son patron. Hormis le réconfort que lui apporte Renaud, son compagnon de galère, l’indifférence des gens est une souffrance pour lui. Il trouve alors un masque à gaz qui semble rapidement avoir une influence sur lui. Cette force le pousse au meurtre en lui donnant l’illusion qu’on lui accorderait enfin de l’attention. Il se retrouve alors confronté à un dilemme entre cette emprise que sa morale réprouve et son besoin de reconnaissance.

     

    Valentin Grethen, le réalisateur de « L’âme des rues », est actuellement étudiant en 2ème année à l’ESRA Paris (école de réalisation audiovisuelle) et fan de cinéma de genre. Il nous lance aujourd’hui un appel à contribution via la plateforme de crowdfunding Ulule, car il aimerait mettre plus de moyens dans ce projet que dans ses derniers travaux, afin de lui donner plus d’ampleur et exploiter au maximum ce qu’il a appris ces dernières années. Son objectif : présenter le film en festival, y rencontrer des gens et échanger autour de son court-métrage et du cinéma en général. Un beau projet, donc, pour ce jeune homme qui est intarissable dès qu’il s’agit de cinéma…

     

    Instant City : Tu sembles affectionner tout particulièrement le genre fantastique.

    Valentin Grethen : Le genre fantastique possède un aspect métaphorique qui permet d’aborder de nombreux thèmes et notamment, dans « L’âme des rues », celui de la reconnaissance sociale. Cet aspect est en partie dû à ce que l’on appelle « l’ambiguïté subjective », qui est une façon de mettre en scène des éléments du récit sans que le spectateur sache s’il s’agit de la réalité ou de l’imagination du personnage. Dans ce court métrage, le jeu sur l’ambiguïté permet de sonder l’âme de Laurent : le pouvoir du masque est-il réel ? ou lui sert-il seulement de projection inconsciente pour ses pulsions ? Si le masque semble avoir une réelle influence sur lui, certains détails dissimulés tout au long du film laissent penser que ces pulsions meurtrières sont peut-être inhérentes à sa personne.

    Dans beaucoup d’oeuvres du genre, les éléments fantastiques du récit sont le reflet de l’intériorité du personnage principal. Dans « Le Horla » de Guy De Maupassant, il s’agit d’une métaphore de la solitude du personnage, alors que « Le Labyrinthe de Pan » montre l’imaginaire fantastique comme un refuge à la petite Ofelia ; dans « Fire walk with me » de David Lynch, le fantastique illustre le passage à l’âge d’adulte et la perte de repères liés à l’adolescence.

     

    Instant City : De prime abord, Laurent semble être un type banal. Qu’est-ce qui confère à son histoire son caractère fantastique ?

    Valentin Grethen : Le fait de centrer l’intrigue autour d’un personnage qui n’a rien d’héroïque (il a déjà eu recours à la violence par le passé) et qui est tiraillé par un dilemme intérieur me semble très intéressant. En effet, le spectateur, ayant développé pour lui une certaine empathie, sera également au centre d’un dilemme lorsqu’il verra le personnage commettre des actes qu’il réprouve en temps normal.

     

    Instant City : Tes influences ?

    Valentin Grethen : Cet attrait que j’éprouve pour ces protagonistes me vient du Nouvel Hollywood, une période du cinéma américain durant laquelle une nouvelle génération de cinéastes (Coppola, Scorsese, Cimino, De Palma, Hopper, Kubrick, Altman…) a révolutionné la façon de faire des films à Hollywood, en jouant, entre autres, sur le caractère nuancé de ses personnages. Mais le cinéaste de ce mouvement qui a eu une vraie influence sur moi lors de l’écriture de ce court métrage est William Friedkin. En effet, en plus des descentes aux enfers fascinantes qu’il a écrites et réalisées (« Sorcerer », « French Connection », « Cruising »…) et des anti-héros qu’il filme, c’est son utilisation du fantastique qui m’intéresse.

    Dans « l’Exorciste », il a une façon très intéressante d’exploiter le fantastique, en le mêlant à des problématiques contemporaines : le film parle de mono-parentalité et surtout de l’importance de la croyance dans une société où la religion a beaucoup moins d’impact qu’avant (urbanisation, montée de l’individualisme…). Ici, ma démarche est relativement similaire : toujours dans un cadre urbain, il est question du rapport à notre image et de la reconnaissance sociale, qui semble primordiale aujourd’hui. Le cadre urbain de « L’âme des rues » a été également influencé par le film « Candyman » qui utilise le fantastique pour parler d’un sujet de société : la façon dont sont délaissés les quartiers défavorisés et les dérives que cela crée. Ce film de Bernard Rose a également en commun l’utilisation avec parcimonie d’une atmosphère onirique pour casser avec l’environnement crasseux de la rue.

     

    Instant City : Est-ce le masque qui rend Laurent définitivement violent ? Pas de prédisposition chez lui ?

    Valentin Grethen : Le fait que l’esprit prenant possession de Laurent soit logé dans un masque à gaz n’est pas laissé au hasard. En effet, en temps de guerre, ce masque cache le seul moyen de différencier les soldats : leur visage. Ils ne forment donc plus qu’une masse uniforme et sont privés de leur identité propre. Notre personnage perd ainsi son humanité en masquant son visage et en obéissant au masque pour que, paradoxalement, il représente enfin quelque chose pour les gens. C’est ce paradoxe qui représente son conflit interne.

     

    A noter que la bande originale du film sera composée par Michael Chereau du collectif L’Archipel.

    Quant à l’affiche, on la doit à Mickael Icm.

     

    L’affiche :

     

    Le court-métrage « MIC. In » réalisé par Valentin Grethen en octobre 2016 :

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] L’âme des rues @ Ulule

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] L’âme des rues @ Facebook

     

     

     

  • Interview Exclusive | Pierre Jovanovic

     

     

    Pierre Jovanovic est journaliste. C’est quelqu’un de franc, d’honnête et de très direct. Il est l’auteur du livre « Enquête sur l’existence des anges gardiens » sorti en 1993 et ré-édité puis enrichi depuis chaque année.

     

    Tout a commencé en 1988 alors qu’il est en voiture près de San Francisco. Sans savoir pourquoi, il se jette soudainement sur sa gauche. C’est alors qu’une balle traverse le pare-brise, exactement à l’endroit de la place passager où il se trouvait. Il s’agit d’un incident courant aux Etats-Unis. Des snipers se postent aux abords des autoroutes et font un carton sur cible vivante.

    Pierre Jovanovic raconte cette anecdote autour de lui, un peu comme on le ferait sur le mode : « Vous ne devinerez jamais ce qui m’est arrivé ! ». C’est alors que d’autres collègues journalistes lui racontent des faits similaires : « Comment, au moment même de la mort impossible à éviter, quelque chose d’inexplicable leur avait sauvé la vie, quelque chose qui n’avait pas une chance sur un million d’arriver… ». Puis ce sont des correspondants de guerre, des pilotes. Commence alors une longue enquête de six années, jalonnée de lectures, d’interview, de rencontres. D’abord sur les NDE dans des services hospitaliers comme celui de Garches, puis sur les Anges gardiens. Existerait-il un ange chargé de veiller sur nous ? Pour lui, la réponse est clairement « oui ».

    Pierre Jovanovic a accepté de répondre à quelques questions et je souhaite l’en remercier très sincèrement au regard de son habitude de l’exercice.

     

    Instant City : Bonjour, Merci d’avoir accepté de nous accorder du temps. Quelle est votre actualité ?

    Pierre Jovanovic : Mon actualité, c’est avant tout ma revue de presse. C’est surtout ça, mon activité depuis neuf ans. De temps en temps, j’ai des livres qui sortent mais c’est surtout la revue de presse qui m’occupe.

     

    Instant City : On vous sollicite depuis plus de vingt ans à propos de votre livre sur les Anges gardiens : est-ce que cela ne vous lasse pas ? 

    Pierre Jovanovic : Non pas du tout. Ce livre, c’est mon bébé.

     

    Instant City : Comment en êtes-vous venu à prendre la décision de publier ce livre ?

    Pierre Jovanovic : Après l’épisode de la balle qui a traversé le pare-brise, j’ai ressenti le besoin de comprendre ce qui venait de m’arriver. Pas sur l’instant même, mais à force d’en discuter avec des confrères, au moment où je me suis rendu compte que des tas d’autres personnes avaient vécu la même chose. Je n’ai pas percuté tout de suite en me disant que ce n’était pas un hasard mais qu’il s’agissait de l’intervention de mon Ange gardien. Comme je l’explique en détails dans le premier chapitre de mon livre, ce n’est que longtemps après que j’ai fait des connexions entre ce qui m’était arrivé et la notion de « Temps suspendu » que vivent par exemple des personnes ayant vécu des expériences de NDE (mort imminente).

     

    « Moi aussi j’avais oublié. Puis après une enquête sur le phénomène de la vie après la mort, je n’ai pu m’empêcher d’établir un rapprochement entre les expériences aux frontières de la mort et ces anecdotes de journalistes, de photographes et de pilotes sauvés in extremis par une voix ou une action inexpliquée » (Extrait)

     

    Instant City : Après la rédaction de votre article sur les NDE pour « Le Quotidien de Paris », vous écrivez dans votre livre que vous avez préféré, pendant un temps, tout oublier. « Cela m’obligeait à trop réfléchir », ditez-vous.

    Pierre Jovanovic : J’ai lu et enquêté pendant six ans, après mon épisode de la balle, pour essayer de comprendre ce phénomène. J’ai lu tout un tas de livres plus nuls les uns que les autres. Aucun ne répondait à la question de mon expérience. Car quand une telle expérience vous arrive, il y a de quoi vous poser des questions toute votre vie. On vit dans un monde actuellement où tout est expliqué par la science ou par les nouvelles technologies. Accepter qu’il puisse exister une autre réalité, ça n’a pas été évident. C’était difficile pour moi. J’ai lutté contre cette idée. J’ai même pensé que j’étais devenu fou. J’en ai parlé à un prêtre…

     

    « Un homme souriant d’une trentaine d’années (..) Quand je voulus l’orienter sur les anges, le frère X m’arrêta. Il se leva, signifiant la fin de l’entretien et me dit : « Les Anges, les apparitions de la Vierge et toutes ces stupidités, je n’y crois pas. » (Extrait)

     

    Pierre Jovanovic : … alors que ce prêtre était censé être le représentant de cette dimension sur terre. Je pensais faire de mes notes un livre de 200 pages maximum qui n’intéresserait que 3 000 personnes.

     

    Instant City : Ca n’a pas dû être facile à l’époque de convaincre un éditeur avec un tel sujet.

    Pierre Jovanovic : Ca n’a pas été facile du tout, croyez-moi, de proposer le manuscrit à un éditeur car c’était un sujet qu’ils ne connaissaient pas. J’ai essuyé le refus d’une dizaine de maisons d’édition qui s’en sont mordu les doigts ensuite. C’était compliqué d’expliquer qu’il y avait une façon différente d’écrire sur la spiritualité. A l’époque, il fallait que ce soit un curé qui écrive sur ce genre de choses, sinon c’était impossible à accepter.

     

    Instant City : Est-ce facile d’assumer vis à vis de sa famille, de son entourage, de ses collègues de travail, des journalistes etc… que l’on croit que les Anges gardiens existent bel et bien ?

    Pierre Jovanovic : Au début, je pensais qu’on allait me prendre pour un dingue. Pourtant je ne me cachais pas. C’était un sujet qui me passionnait. J’en parlais ouvertement avec toute personne voulant m’entendre. Je pensais que tous mes collègues allaient se moquer de moi, sans parler de toutes les attachées de presse de Paris. Je m’en moquais. Je n’ai pas peur du « qu’en dira-t-on ». De fait, plein d’autres journalistes sont venus me raconter leurs histoires d’Anges gardiens. Le livre a ouvert une porte. Il a validé des choses que des millions de personnes avaient elles-mêmes vécues. Cela fait maintenant trente ans qu’on étudie les NDE. On ne peut plus nier les preuves scientifiques accumulées par des dizaines de milliers de médecins, dont nombre d’entre eux ont écrit sur le sujet. Cela ne relève plus seulement du simple domaine de la foi. Quand vous avez par exemple des pilotes d’Air France, des médecins qui disent tous la même chose, vous ne pouvez plus le nier. On n’est plus comme autrefois dans la crainte. Aujourd’hui les gens parlent ouvertement de ce sujet dans les hôpitaux. Médecins et infirmières parlent des expériences de mort imminente de leurs patients. 90 % des personnes ayant lu mon livre se disent ébranlées et retrouvent la foi. Des musulmans qui ont lu mon livre se convertissent. Cela vous donne la dynamique de ce livre.

     

    Instant City : Ne souhaitez-vous pas répondre aux arguments de vos détracteurs ?

    Pierre Jovanovic : Je n’ai aucun souci avec le fait qu’on se moque de moi. Je ne cherche à convaincre personne. J’ai écrit pour moi, pour mettre noir sur blanc l’ensemble des connaissances accumulées sur le sujet au cours de ces six années de lecture, d’enquête et de recherches sur un thème qui me passionnait. Je suis ravi des effets positifs du livre mais, encore une fois,  je ne cherche à convaincre personne. Je fuis tous ceux qui vous disent : « je vais vous convaincre ». Je crois que le destin de chacun est suffisamment long pour trouver rapidement confirmation de ce domaine dans des moments de douleur ou de perte.

     

    Instant City : Parlons de votre rencontre avec le docteur Kübler-Ross, pionnière des soins palliatifs et de l’accompagnement des personnes en fin de vie.

    Pierre Jovanovic : Il y a eu beaucoup d’autres rencontres. Le docteur Kübler-Ross en est une. Elle m’a donné un certain nombre de cas stupéfiants. Son approche et son expérience m’ont aidé. J’ai retranscrit la totalité de mon entretien avec elle dans mon livre. Après quarante ans d’expériences aux frontières de la mort, elle a eu le temps d’en faire le tour. Elle-même a vécu une expérience colossale sans accident. Elle est passée de l’autre côté et a vu toutes les personnes qu’elle avait accompagnées au long de sa carrière vers l’autre dimension.

     

    Instant City : En postface, vous conseillez à vos lecteurs de parler régulièrement à leur Ange gardien : « Si vous lui demandiez tous les matins de vous guider et de vous conseiller au cours de votre journée, alors seulement cette connexion pourrait s’établir ». Comment fait-on pour parler à son Ange gardien ?

    Pierre Jovanovic : Parlez-lui à haute voix, mettez-le au défi de vous prouver qu’il existe chaque jour. Quand votre Ange commence, il use de plusieurs moyens pour vous faire comprendre son message. Vous le comprenez par des signes, des synchronicités incroyables ou des rêves.

     

    Après cinq ans de lectures et neuf mois de rédaction, Pierre Jovanovic termine cette incroyable aventure de la rencontre avec l’Ange gardien par ces mots : « Ce livre avait pour ambition de convaincre (tiens, tiens), mais hélas je ne sais guère si j’ai atteint mon but et je me garderais bien de vous conseiller, comme San Antonio, que si vous ne croyez pas à l’efficacité de l’Ange gardien après ça, vous n’avez qu’à rapporter ce bouquin à votre librairie, afin de l’échanger contre un livre de cuisine ».

     

    Un grand Merci à monsieur Jovanovic pour le temps accordé à cette interview.

    Interview par Anne Feffer pour Instant City.

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Jovanovic Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Revue de Presse

     

     

     

  • Romain Gary s’en va-t-en guerre

     

     

    À l’occasion de la publication de « Romain Gary s’en va-t-en guerre » de Laurent Seksik, revenons sur la vie et l’oeuvre du diplomate et romancier français originaire de Lituanie.

     

    Il est l’homme aux deux prix Goncourt et aux multiples identités. Romain Gary, alias Emile Ajar, de son vrai nom Roman Kacew, double prix Goncourt, d’abord en 1956 pour « Les Racines du Ciel », puis en 1975, sous un autre nom, Emile Ajar, pour « La Vie Devant Soi », naît à Vilna, en Russie, en 1914 (Aujourd’hui, Vilnius en Lituanie).

    Aviateur, diplomate, mais surtout écrivain à la fécondité exceptionnelle, capable d’écrire plusieurs ouvrages en même temps, Romain Gary a livré une oeuvre littéraire drôle, tendre et humaniste.

    Romain Gary, c’est une vie marquée par sa relation avec sa mère. Quant à son père, il va abandonner la famille pour épouser une autre femme, avoir d’autres enfants, avant de mourir dans le ghetto pendant la guerre.

    Rencontre avec Laurent Seksik, qui vient tout juste de publier « Romain Gary s’en va-t-en guerre », Myriam Anissimov, sa biographe, auteur de « Romain Gary, le Caméléon » (Editions Folio), et Joann Sfar qui a illustré « La Promesse de l’Aube » en 2014.

     

    « Gary se levait tôt, il descendait vers 7h00 du matin, dès que les bistrots ouvraient. Ils les faisait tous, en écoutant toutes les conneries que les gens disaient, les notant minutieusement en mangeant un oeuf dur. Puis il remontait chez lui et travaillait jusque midi, une heure. » (Myriam Anissimov).

     

    « Gary écrit puissamment. C’est un flot, c’est une colère, c’est ininterrompu. Puis il y a des redites, il répète beaucoup les choses. On sent le diplomate rompu à l’écriture de mémos, qui a l’habitude de composer une littérature efficace, qui a une grande connaissance du cinéma et du roman américain, et qui pour se purger, se détendre ou faire plaisir à sa maman qui n’est plus là, écrit du roman. » (Joann Sfar)

    Sa maman, justement, il en fait une des plus belles héroïnes littéraires dans la « Promesse de l’Aube » publiée en 1960. Ce que cette femme a d’intéressant, c’est qu’elle est une héroïne sans homme, toute entière dévouée, peut-être pas intrinsèquement au bonheur de son fils, mais plutôt à l’avénement d’un fils roi.

     

    « J’ai écrit la Promesse de l’Aube pour m’exorciser, pour me débarrasser du fantôme de ma mère, qui vécut à mes côtés pendant quinze ou vingt ans, et qui semblait encore demander quelque chose. Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus libre, Je me suis, comme on dit, affranchi… » (Romain Gary en 1960)

     

    Romain Gary a réussi à échapper au cadre très rigide du roman français traditionnel, pour introduire dans la littérature française quelque chose de nouveau, à savoir l’idée de l’émigré, avec la notion de métissage entre les cultures française et juive, yiddish d’Europe orientale, plus précisément.

    Il y a chez Gary, outre cette poésie et une façon peu commune de décrire les sentiments, les émotions ou les personnages, en les esquissant, cette forme d’humour, humour juif, humour du désespoir, plein de tendresse.

    Aviateur dans les Forces Françaises Libres pendant la Seconde Guerre Mondiale, voyageur et diplomate, Romain Gary ancre les thèmes de ses romans dans l’actualité du monde. En 1956, avec « Les Racines du Ciel » récompensé par le prix Goncourt, il livre l’un des premiers récits écologiques. Autre exemple avec « Chien Blanc » en 1970, sur la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, et contre le racisme. Autant de sujets qui n’ont rien perdu de leur pertinence.

     

    « Chien Blanc préfigure Donald Trump. Quand on parle de l’actualité de Gary, tout ce qu’il dit sur l’Europe, sur la montée des périls ou sur l’Amérique, résonne aujourd’hui de façon totalement hallucinante. » (Laurent Seksik)

     

    C’était un humaniste, un homme profondément généreux qui aimait les autres hommes, mais aussi les femmes. Il en parlait d’ailleurs comme on en parlait peu à l’époque, comme des égales, des partenaires, aussi bien sur le plan amoureux que plus généralement dans la vie.

    En 1975, Romain Gary invente Emile Ajar, pseudonyme sous lequel il va remporter un second prix Goncourt pour « La Vie Devant Soi ».

     

    « Il a voulu se débarrasser de Romain Gary pour qu’enfin, on le lise vraiment. Il se plaignait toujours qu’on ne le lisait jamais. Tout roman de Gary relève du doute. Il a mis tellement d’énergie à raconter des mensonges qui lui plaisaient, à s’inventer un personnage qui lui convenait. Il a décidé que le roman, c’était finalement plus important que l’existence. Quand on prend cette décision-là, on peut finir un jour avec le canon d’un fusil dans la bouche. » (Joann Sfar)

     

    En 1980, Romain Gary décide donc de mettre fin à ses jours. ll eut cette phrase avant de se supprimer : « Je me suis totalement exprimé ». Comme pour Gary, il n’y avait que le roman qui importait, on peut imaginer qu’au moment de commettre l’irréparable, il eut le sentiment de s’être totalement exprimé sur le plan romanesque.

    Romain Gary est un génie, même si le terme peut paraître aujourd’hui quelque peu galvaudé. Déjà par le fait que c’est un auteur qui est extrêmement facile à lire. Et puis il y a cet humour irrésistible allié à un sens de l’auto-dérision poussé à son paroxysme… De ce point de vue, « Gros Câlin » est probablement le roman dans lequel l’humour de Gary, allié à un sens inné du surréalisme, est le plus jubilatoire. Oui, Romain Gary est un humaniste. Et finalement, est-ce que ce n’est pas ça, réussir sa vie ?

    Profitez de la sortie de « Romain Gary s’en va-t-en guerre » pour aller jeter un oeil à « La Promesse de l’Aube » illustrée par Joann Sfar. C’est magnifique…

     

     

     

     

  • Papooz, une histoire d’amitié

     

     

    Bourré de vitamines et autres drogues douces, le premier album du duo Papooz, formé par Ulysse Cottin et Armand Panicaut, risque de rester collé à votre mange-disques tout l’automne. On vous explique pourquoi dans notre interview.

     

    Après une prestation remarquée au Printemps de Bourges, une Maroquinerie pleine à craquer en mai dernier et un clip signé Soko qui a fait le tour de la toile, le duo Papooz nous révèle enfin son premier album “Green Juice”. Au programme : des mélodies pop folk gorgées de soleil, des vitamines (Green Juice), des chinoiseries où l’on s’imagine descendant le Gange en fumant de l’opium (Trampoline), des basses jouissives rappelant le Norvégien Whitest Boy Alive (Stories of Numbers, Ann Wants to Dance), des airs jazzy (Chubby Baby) et même des échos de Pete Doherty, époque solo Grace / Wastelands (One Of Those Days). Il n’en fallait pas plus pour aiguiser notre curiosité et les rencontrer.

     

    Papooz, c’est une histoire d’amitié ?

    Ulysse : C’est ça, c’est une histoire d’amitié. A l’époque, Armand venait à une réunion qu’on organisait tous les mardis, dans le but de monter un journal littéraire et artistique. Finalement, on ne l’a jamais fait. On s’est vu régulièrement mais on n’était pas très amis au début. Et puis on a commencé à traîner ensemble et à faire des chansons.

     

    Vous avez des goûts plutôt complémentaires ou similaires ?

    Ulysse : On est plutôt complémentaires, après on n’a pas que des points en commun. Je me lève très tard et lui tôt… non je rigole (rires) ! A vrai dire, on est tous les deux du même signe astrologique, Taureau, donc on a quand même plein de points en commun. On a à peu près les mêmes goûts musicaux. C’est juste l’éducation qui diffère. On ne vient pas exactement du même milieu. En plus, Armand a un jumeau. Moi je suis l’aîné. Ça forge des caractères différents. Mais sur la musique, on est plutôt très vite d’accord.

     

    Entre les auditions inRocKs Lab de 2013 et aujourd’hui, trois ans se sont écoulés. Il a fallu tout ce temps pour arriver à un album qui vous convienne ?

    Ulysse : On a pris tout ce temps pour trouver la bonne manière d’enregistrer, pour que ça sonne cool, un peu comme on est en live. On a ainsi enregistré plusieurs fois la même chose, de différentes manières et dans différents studios. Voilà pourquoi ça a pris du temps, pour trouver cette « science » et pour tenter de comprendre ce qui nous correspondait sur l’enregistrement.

     

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    Où a été enregistré cet album, justement ?

    Ulysse : On a fait une session avec tout le groupe dans le Sud de la France pendant presque un mois. Dans ma maison du Cap Ferret, au bord de l’eau et en plein hiver, on a installé notre home studio. On a enregistré en live tous les instruments pour garder la même énergie qu’on a justement en concert.

    Armand : Même la voix est enregistrée en live avec les autres instruments. Par contre, on a fait beaucoup d’overdub : on a rajouté à posteriori des arrangements et d’autres instruments (violon, contrebasse, guitare), parfois même d’autres musiciens. On a donc complété avec des sessions enregistrées dans des studios à Paris.

     

    Pourquoi avoir enregistré l’album en live et pas piste par piste ?

    Ulysse : On avait déjà enregistré piste par piste des morceaux avec le groupe au Studio Saint Germain, mais ça sonnait trop propret, ça ressemblait moins à notre live. Donc on ne l’a jamais sorti. C’est pour ça que ça a pris un peu de temps. On voulait reproduire l’effet en live où l’on s’éclate sans forcément que ça soit surproduit.

     

    Si on regarde les titres de l’album : « Dance », « Simply Baby », « Trampoline », « Good Times On Earth », « Green Juice », on se dit que Papooz est un pays plutôt heureux ?

    Ulysse : Oui, mais il y a aussi des chansons tristes et mélancoliques. Après, c’est vrai qu’on est des garçons plutôt heureux et cool dans la vie. On n’aime pas la musique qui est trop négative, on préfère que ça soit facile à écouter, c’est dans notre nature, je pense.

     

    On sent le soleil aussi sur votre disque…

    Ulysse : Ce sont les cheveux d’Armand, on l’appelle « Petit Soleil » (rires). C’est la maison dans le Sud aussi. On a beaucoup traîné au Cap Ferret, on a une bande au bord de l’eau. Le groupe s’est construit là bas. Ce qui nous a quand même donné un esprit assez solaire, même si on est des gars de Paris, hormis le batteur et le bassiste qui viennent de là-bas.

     

    Vous chantez tous les deux. Le timbre des voix est si léger qu’on a déjà dû vous demander s’il y avait une voix féminine ?

    Ulysse : Armand a la voix la plus haute, la plus féminine. A vrai dire on a à peu près les mêmes tessitures de voix, mais la sienne est plus féminine. On nous le dit tout le temps…

    Armand : Avant on chantait beaucoup à deux, à l’unisson. Et ça s’est vite transformé : celui qui écrit le titre, devient le lead vocal. Et on fait des harmonies derrière ce lead. Sur cet album, c’est comme ça qu’on a procédé.

     

    Le clip de « Ann Wants To Dance » est signé Soko. D’où est née cette rencontre ?

    Ulysse : On avait repéré une vidéo de Sacha, la petite copine de Soko de l’époque sur Instagram, en train d’écouter un super morceau et de mâcher son chewing-gum tout en faisant de la gym. Moi j’avais adoré ce truc. Par l’intermédiaire de notre manageur, on l’a contactée. Elle était à Rhodes, en Grèce, en train de tourner un film dans un hôtel, on est allé la rejoindre là-bas pendant ses trois jours de repos, et on a tourné ça. On s’est décidé une semaine à l’avance.

     

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    Comment s’est passé le tournage ?

    Armand : Soko voulait une image DIY des année 80, donc on a pris une caméra Sony à cassettes. On est arrivé là-bas et elle ne marchait pas, les batteries étaient mortes. Heureusement, j’avais apporté une caméra de secours qui devait appartenir à mon père, un truc waterproof vraiment pourri : ça rendait un peu TF1, genre L’Ile de la Tentation. Donc on a tourné avec ça et après on a mis un filtre. Et comme on avait une batterie de merde, on devait s’arrêter souvent pour la recharger. On a fait le clip en deux après-midis.

     

    Vous avez aussi repris « Simply Are » d’Arto Lindsay. Une reprise pour un premier album, c’est un peu gonflé ?

    Armand : Maintenant c’est peut-être gonflé, mais si tu écoutes les premiers albums de Rolling Stones, par exemple, il n’y a pas une seule chanson qu’ils aient écrite. Idem pour les Beatles… Et puis, on adore Arto Lindsay, un artiste très décalé et étrange, et très bon compositeur…

    Ulysse : On l’a fait un peu au dernier moment. Puis on se l’est réappropriée, c’est pas une pâle copie. On l’aimait tellement.

     

    Vous savez si Arto Lindsay l’a écouté ?

    Ulysse : Non, on a essayé de le contacter. Mais les nouvelles technologies, à priori, c’est pas encore son truc. (rires)

     

    « Wanted », c’est la seule chanson de l’album sur laquelle vous avez invité une chanteuse, n’est-ce-pas ?

    Armand : Oui, c’est ma petite copine. C’est elle qui signe aussi tout notre univers graphique, elle s’appelle Victoria Lafaurie. Elle avait écrit et composé une chanson, elle nous plaisait beaucoup, donc on a décidé de l’enregistrer.

     

    Album « Green Juice » sur le label Half Awaye, disponible en digital (ItunesSpotifyDeezer)
    En concert : le 11 octobre à l’Alhambra (Paris)

     

    Interview de Abigail Ainouz pour LesInrocks