Catégorie : Evénements

  • François et le 3ème Secret de Fatima

     

     

    Tout commence le 13 mai 1917 à Fatima, une petite ville portugaise à 130 km au nord de Lisbonne, et plus précisément près du village d’Aljustrel, à 2 km de Fatima. Trois enfants, Lucia Dos Santos 10 ans, ses cousins Jacinta 7 ans et Francisco Marto 9 ans, ramènent à la maison le troupeau de moutons qu’ils ont gardé toute la journée lorsqu’ils voient apparaître la Vierge, « une très belle dame qui vient du ciel », dans un chêne vert à la Cova de Iria, lieu-dit où ils gardaient leur troupeau. Elle leur demande de réciter le chapelet tous les jours en l’honneur de Notre Dame du Rosaire et de revenir le 13 de chaque mois pendant les cinq prochains mois.

    C’est avec 60 personnes que les enfants reviendront le 13 juin 1917, 5 000 le 13 juillet. En août ce sont 18 000 personnes qui attendent l’apparition mariale. Pourtant, ce jour-là, les trois enfants ne viendront pas : ils ont été arrêtés, mis en prison et soumis à plusieurs interrogatoires fermes et musclés avec force pressions psychologiques qui dureront jusqu’au 16 août. En septembre, 30 000 personnes sont présentes. La foule distingue un globe lumineux et voit tomber des flocons de neige. Le 13 octobre, malgré la pluie et la boue, 70 000 personnes viennent assister au miracle annoncé : ils témoigneront tous avoir vu  le soleil danser, zigzaguer dans le ciel durant dix minutes. Leurs vêtements trempés et boueux à 12h00 sont entièrement secs à 12h10. Ce phénomène astronomique a été vu dans un rayon de 40 km dans des fermes ou des hameaux isolés. Difficile de nier un phénomène vu par 70 000 personnes, annoncé quatre mois à l’avance et confirmé par des témoins isolés.

    Au cours de ses apparitions, La Vierge Marie livre aux enfants trois messages destinés aux hommes du monde entier :

    • Dans le premier, elle livre aux enfants une vision d’épouvante et d’horreur, celle de l’enfer.
    • Dans le second message, elle demande aux hommes de changer de comportement s’ils veulent être sauvés et connaître la paix.
    • Le troisième message n’a jamais été divulgué. Sauf la fin : « Ceci, ne le dites à personne. A François, oui, vous pouvez le dire. »

    Ce 3ème secret aurait un lien avec l’avenir de l’humanité. Après le déluge de Noé, un châtiment nous attendrait comme l’ont annoncé le pape Jean-Paul II ou l’apôtre Jean dans l’  « Apocalypse ». En effet, tous les papes ont connu et connaissent le contenu du troisième message. Mais aucun n’a souhaité l’annoncer au monde, comme la Vierge le leur avait demandé de le faire en 1961.

     

    « Etant donnée la gravité de son contenu, mes prédecesseurs dans l’office de Pierre ont diplomatiquement préféré surseoir à sa révélation. Beaucoup veulent savoir seulement par curiosité et par sensation, mais ils oublient que la connaissance porte également avec elle la « responsabilité ». A tous les chrétiens, il peut suffire de savoir ceci : s’il existe un message où il est écrit que les océans inonderont des régions entières de la Terre et que, d’un moment à l’autre, périront des millions d’hommes, est-ce le cas de tant désirer la divulgation d’un tel secret ? » Interview de Jean-Paul II  lors de son pélerinage en Allemagne (Revue « Stimme des Glaubes »).

     

    Le pape François le fera t-il ? Celui même dont le nom est cité à la fin du 3ème message et qui annonce partout et tout le temps le martyre du denier pape, sa mort, la 3ème guerre mondiale et la fin de son règne en 2017. Dès son intronisation, au balcon de la basilique, il demande aux croyants de prier pour lui. Depuis son élection un 13 mars 2013 (l’apparition de Fatima eut lieu un 13 mai), il demande systématiquement de « prier pour lui ». C’est devenu sa façon habituelle de clore ses messages. Lors de conférences de presse, il annonce sa mort, que « tout cela durera deux à trois ans, et puis, à la Maison du Père ! », ce qui porte à 2017 cette mort, date qui correspond également au centenaire de l’apparition de Fatima. Le Pape François a annoncé qu’il se rendrait à Fatima pour le centenaire des apparitions. François, 112ème pape (voir la prophétie de Malachie), premier jésuite élu (voir la prédiction de Nostradamus sur le « Capuchon Noir »), ne ménage pas sa peine et ses voyages pour rétablir la paix dans un monde en guerre. Dans le collimateur : la bombe atomique et les ventes d’armes.

     

    « Notre monde est en guerre. Il s’agit d’une guerre non conventionnelle, disséminée, par morceaux, avec des crimes, des massacres, des destructions (..). Je le répète, nous vivons la troisième guerre mondiale, mais fragmentée (..). Quand je parle de guerre, je suis sérieux : il y a une guerre des intérêts pour l’argent, pour les ressources de la nature, il y a des guerres pour la domination des peuples, voilà la guerre ! Certains pourront penser que je suis en train de parler de guerre des religions, mais non : toutes les religions veulent la paix (…) Il y a des systèmes économiques qui doivent faire la guerre pour survivre. Alors on fabrique et on vend des armes. Ainsi, les bilans des économies qui sacrifient l’homme sur l’autel de l’argent réussissent à se rétablir. »

     

    Sur ses pages Facebook et Twitter, le pape François ne cesse d’avertir les hommes, de désigner les responsables et de fournir le remède. Il est intervenu à Cuba comme en Syrie. Tout comme en 1961, lorsque Kennedy et Kroutchov furent invités au Vatican pour éviter une guerre nucléaire : « La paix est le rêve de Dieu. C’est le projet de Dieu pour l’humanité, pour l’histoire. Dans le combat entre Dieu et l’Ange déchu, l’année 2017 sera sans doute une étape marquée par le discours du pape François du 13 mai 2017 à Fatima pour le centenaire. S’il y arrive sain et sauf.

     

    Interview de Pierre Barnerias :

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  • La robe de Marilyn vendue aux enchères

     

     

    New-York, Madison Square Garden, 19 mai 1962. Une blonde pulpeuse ôte son manteau blanc d’hermine pour se dévoiler moulée dans une robe incroyable couleur chair, avant d’entonner avec sensualité, face aux 15 000 invités, aux caméras et aux yeux ébahis des téléspectateurs du monde entier, un « Happy Birthday » pour les 45 ans de son amant qui n’est autre que le président des Etats-Unis, John F. Kennedy. Trente secondes entrées dans la légende et qui auront suffi à déclencher une pluie de rumeurs au sujet de la liaison entre la star et le président. Le ton intime de la chanteuse et sa façon de marquer l’arrêt avant de prononcer le « Mr President », sussuré, presque soupiré, ont enflammé le public.

    De couleur chair, brodée de 2 500 cristaux, la robe avait été cousue à même le corps de l’actrice peu avant qu’elle n’entre en scène. Elle épousait parfaitement son corps voluptueux, ne supportant aucun sous-vêtement. Marilyn voulait « faire son effet » ce jour-là. Elle avait commandé cette robe au couturier Jean Louis, précisant qu’elle voulait que ce soit « une robe historique ». Sans doute avait-elle un peu forcé sur une quelconque boisson alcoolisée pour se donner du courage. Ce même courage qu’il a fallu à Jackie Kennedy pour encaisser cet affront public mondial. Dès le lendemain, elle prend son téléphone pour appeler la star et lui passer un sacré savon. Trois mois plus tard, Marilyn décédait d’une overdose de barbituriques. Elle aurait eu 90 ans cette année. L’année suivante, le président Kennedy était assassiné.

    Cette robe sera mise aux enchères le 17 novembre 2016 à Los Angeles par la maison Julien’s Auction pour une valeur estimée entre 2 et 3 millions de dollars. Elle sera exposée avant la vente, pour les petits chanceux qui passeraient dans le coin, du 25 septembre au 22 octobre, au centre d’art Mana Contemporary à Jersey City dans le New Jersey, puis du 29 octobre au 6 novembre en Irlande au Museum of Style Icons de Newbridge et enfin du 11 au 19 novembre à Los Angeles chez Julien’s Auction. Elle avait déjà été vendue une première fois en 1999 chez Christie’s à l’homme d’affaires et financier Martin Zweig pour la somme de 1,3 million de dollars. Celui-ci étant décédé, les gestionnaires de son héritage ont décidé de la remettre en vente. Une autre de ses robes iconiques, celle du film « Certains l’aiment chaud » sera également mise aux enchères l’automne prochain.

     

     

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  • Felice Varini et Le Corbusier, corps à corps sur les toits de Marseille…

     

     

    Après Xavier Veilhan, Daniel Buren et Dan Graham, c’est au tour de Felice Varini d’investir jusqu’au 2 octobre 2016 le MaMO, sur le toit-terrasse de la Cité Radieuse à Marseille.

     

    Véritable musée à ciel ouvert installé par le designer Ora ïto en 2013 sur le toit-terrasse de la Cité Radieuse, le MaMO (Marseille | Modulor # Marseille | Main Ouverte) accueille donc l’exposition « A Ciel Ouvert » de l’artiste suisse Felice Varini, qui se lance dans un corps à corps endiablé avec le lieu conçu par Le Corbusier.

     

    « C’est la première fois que j’expose sur, dans et avec une architecture pensée par Le Corbusier. Ce lieu est un monument, un monstre d’influence. Un véritable microcosme, pensé comme une petite ville avec ses volumes si différents et si complexes. Une petite ville avec vue sur la grande ville de Marseille. C’est extrêmement excitant ! »

     

    Une invitation logique selon Ora ïto, qui considère tout simplement Felice Varini comme l’un des seuls très grands artistes contemporains : « A pouvoir jouer, souligner et surligner aussi bien une architecture qu’une ville entière. L’espace est son support naturel. Je suis très fier de lui avoir fait visiter et découvrir ce toit terrasse qu’il ne connaissait qu’en photo. »

    Quant à la « Maison du Fada », comme l’appellent affectueusement les Marseillais, elle vient de rejoindre la prestigieuse liste des 1031 sites classés au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Et ce ne sont pas moins de 17 sites conçus par Le Corbusier qui figurent désormais sur cette liste.

    A découvrir absolument…

     

    [arve url= »https://vimeo.com/186948964″ title= »Felice Varini : s’amuser avec la rigueur corbuséenne » description= »Felice Varini » upload_date= »2021-01-05″ align= »center » maxwidth= »900″ loop= »no » muted= »no » /]

     

     

     

  • Le Corbusier : 17 sites classés au Patrimoine Mondial de l’Unesco

     

     

    L’œuvre architecturale de Le Corbusier vient d’être reconnue par le patrimoine mondial de l’Unesco.

     

    « Choisis dans l’œuvre de Le Corbusier, les dix-sept sites qui composent ce bien en série, répartis sur sept pays, témoignent de l’invention d’un nouveau langage architectural en rupture avec le passé, a expliqué l’Unesco dans un communiqué. Ils ont été réalisés sur un demi-siècle, tout au long de ce que Le Corbusier a nommé une “recherche patiente” ».

    L’ensemble, à vocation transnationale, comprend, dans l’ordre chronologique : les maisons La Roche et Jeanneret (1923) à Paris, une villa au bord du Lac Léman (1923) à Corseaux (Suisse), la Cité Frugès (1924) à Pessac (Gironde), la Maison Guiette (1926) à Anvers (Belgique), les Maisons de la Weissenhof-Siedlung (1927) à Stuttgart (Allemagne), la villa Savoye et la loge du jardinier (1928) à Poissy (Yvelines), l’immeuble Clarté (1930) à Genève, l’immeuble locatif de la Porte Molitor (1931) à Boulogne-Billancourt (Haut-de-Seine), l’Unité d’habitation (1945), dite « Cité Radieuse », à Marseille (Bouches-du-Rhône), la Manufacture (1946) à Saint-Dié-des-Vosges (Lorraine), la maison du Docteur Curutchet (1949) à La Plata (Argentine), la Chapelle Notre-Dame-du-Haut (1950) à Ronchamp (Haute-Saône), le Cabanon de Le Corbusier (1951) à Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes), le Complexe du Capitole (1952) à Chandigarh (Inde), le Couvent Sainte-Marie-de-la-Tourette (1953) à Eveux (Rhône), le Musée National des Beaux-arts de l’Occident (1955) à Taito-Ku (Japon) et la Maison de la Culture (1953) à Firminy (Loire).

     

    « L’oeuvre de Le Corbusier témoigne du génie créateur humain », selon Khalil Karam, l’expert du Liban au siège de l’Unesco à Paris.

     

    La série des dix-sept sites (dont six sont situés en France) de l’architecte rejoint donc la prestigieuse liste qui comprend 1031 sites dans 163 pays. « Cette bonne nouvelle survient après plus de dix ans de travail, de concertation et deux échecs », s’est félicité dans un communiqué Benoît Cornu, 1er adjoint à Ronchamp (Haute-Saône), qui préside depuis 2016 l’Association des Sites Le Corbusier créée en 2010. Charles-Édouard Jeanneret-Gris, plus connu sous le pseudonyme de Le Corbusier est décédé le 27 août 1965 à l’âge de 77 ans.

    Découvrez ci-dessous un aperçu en images des 17 sites répartis sur sept pays dont la France.

     

     

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Le Corbusier Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Fondation Le Corbusier

     

     

     

  • Waiting for The Get Down

     

     

    La première partie de « The Get Down », composée de six épisodes, débarque le 12 août sur Netflix.

     

    Plus que quelques jours avant de pouvoir découvrir la nouvelle sensation de l’été Made in Netflix. La série « The Get Down », écrite et mise en scène par le réalisateur de « Moulin Rouge », Baz Luhrmann, s’offre un dernier trailer avant que la plateforme américaine ne dévoile en intégralité les six épisodes de la première saison.

    Comme la précédente bande-annonce diffusée en janvier 2016, cet ultime trailer met en avant les différents courants musicaux qui vont rythmer la série. Mais cette fois, les nouvelles images font la part belle au hip-hop et au street art. Des coupes afro, en passant par le scratching et l’apparition d’un groupe de jeunes MC, rien n’est laissé au hasard, la reconstruction historique et culturelle semblant extrêmement réaliste.

     

    Official Trailer (Juin 2016)

    [youtube id= »AfAWak0yoRA » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    La deuxième partie du trailer se concentre davantage sur le côté soap du show et l’histoire d’amour façon « Romeo + Juliet » qui servira de sous-intrigue. Très rythmée, baignant dans un festival de couleurs, avec la bénédiction du rappeur américain Nas à la production, « The Get Down » a toutes ses chances pour prétendre au titre de série de l’été.

    Pour rappel, ce drama se concentre sur la période allant de la fin du disco à l’arrivée des nouvelles scènes musicales du Bronx dans les années 1970. À travers le destin de plusieurs jeunes New-Yorkais qui tentent de s’exprimer et de trouver leur identité aussi bien dans l’art et la danse que la musique, la série dépeint les lieux iconiques de ce New York en pleine mutation.

    Et avant de vous jeter sur « The Get Down » dès sa sortie sur Netflix, comme la vérole sur le bas-clergé, mettez-vous déjà dans l’ambiance en vous refaisant le docu « From Mambo to Hip-Hop, a South-Bronx Tale », que nous avions diffusé dans le cadre d’un article paru en avril 2015.

    Allez, salut maintenant !

     

    Ultime Trailer (Août 2016)

    [youtube id= »nHdPQpf0liI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • Le premier site Web fête ses 25 ans

     

     

    Il y a un quart de siècle, Tim Berners-Lee, le « père » du World Wide Web, mettait en ligne le tout premier site Web. Vingt-cinq ans plus tard, on approche du milliard de sites et l’on recense plus de trois milliards d’internautes.

     

    Tout a donc commencé au Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire (CERN), à quelques jours de Noël, il y a vingt-cinq ans. Le 20 décembre 1990, Tim Berners-Lee mettait en ligne le tout premier site Web créé à partir des standards HTML qu’il avait lui-même inventés, depuis un ordinateur NeXT du Cern. L’adresse http://info.cern.ch héberge aujourd’hui une archive de la page historique, que l’on peut même visiter avec un simulateur de navigateur en ligne de commande (car en effet, à l’époque, il n’existait pas encore de possibilités de clics sur les liens hypertextes, ni même d’images).

    Ainsi, cette toute première page Web, dont l’adresse était très exactement info.cern.ch/hypertext/WWW/TheProject.html, fournissait aux chercheurs des informations sur l’avancée du « Projet WorldWideWeb », qui deviendrait ensuite le Web tel qu’on le connaît aujourd’hui, ainsi que sur les protocoles techniques développés pour écrire du contenu au format HTML, utitiser l’hypertexte et donc créer des liens entre les pages, interroger des serveurs afin d’y récupérer des pages ou encore envoyer des informations.

    La page fournissait également des liens pour se tenir au courant des avancées et permettait aussi de s’inscrire sur la mailing list de ce qui allait devenir plus tard le W3C (World Wide Web Consortium) visant à établir les standards de façon consensuelle avec la communauté des développeurs. Vingt-cinq ans plus tard, Tim Berners-Lee dirige toujours le W3C, qui compte désormais 407 membres, essentiellement industriels.

     

    Instant-City-Premier-Site-Web-003

     

    Dans un message du 6 août 1991 posté sur un newsgroup, Tim Berners-Lee présentait son projet de partage d’informations fondé sur les liens hypertextes. Une étape importante, qui a contribué à mener le système vers le public.

     

    Il y a vingt-cinq ans jour pour jour, le Web sortait ainsi de l’enceinte fermée du CERN. Le 6 août 1991, Tim Berners-Lee, physicien de formation, présentait sur un newsgroup (alt.hypertext) le concept de son système, basé sur les liens hypertextes, en proposant à ses correspondants d’y contribuer. Sur un serveur FTP, le CERN mettait même à leur disposition un navigateur leur permettant de commencer à explorer les premières pages mises en ligne quelques mois plus tôt.

    Petit rappel historique : le 12 mai 1989, Tim Berners-Lee présentait au CERN son projet de partage de l’information en ligne, jugé à l’époque « vague, mais prometteur » par ses collègues. Le 20 décembre 1990, il mettait donc en ligne le premier site Web sur Internet. Le 30 avril 1993, le CERN plaçait le World Wide Web dans le domaine public. En 1994, le Web s’ouvrait largement au grand public, avec déjà 10 millions d’utilisateurs et la toute première grande conférence qui lui était consacrée.

    « Pour suivre un lien, le lecteur clique avec une souris (ou entre un nombre s’il ne possède pas de souris). Pour chercher et indexer, le lecteur indique des mots-clés (ou d’autres critères de recherche). Ce sont les seules opérations nécessaires pour accéder au monde entier des données » résume ainsi le père du World Wide Web dans son message du 6 août 1991. Les bases de cet « Esprit du Web » était posées, et Berners-Lee y affirmait déjà son intérêt pour l’interopérabilité et le multimédia.

    AOL, à l’époque nommée Quantum Computer Services, lance pour sa part le premier fournisseur de services Internet avec « America Online », un programme destiné au transfert de données et courriers électroniques.

    En 2014, Tim Berners-Lee appelait à la création d’une « Charte de l’Internet ». Il exhortait les utilisateurs à reprendre en main le Web, pour garantir les libertés que devrait offrir son invention. Vingt-cinq ans après sa présentation hors des frontières du CERN, le Web est encore le moyen privilégié de trouver de l’information sur Internet, malgré la montée en puissance des applications dans nos habitudes d’utilisation de cet outil révolutionnaire.

     

    Instant-City-Première-Page-Web-001

     

     

     

  • Daniel Angeli, photographe majeur @ Global TV Saint-Tropez

     

     

    « La photographie est un art mineur »

     

    Modeste, presque timide, Daniel Angeli est un oeil exceptionnel qui a passé sa vie à choper les « Vies Privées » à la volée, et qui maintenant nous prépare un livre remarquable de sensibilité sur « Les Vies Publiques » : la mienne, la vôtre, celle de tout un chacun, dans sa solitude, sa gravité existentielle. Un photographe à maturité avec un éternel coeur d’enfant : curieux et généreux. De retour à Saint-Tropez, il expose à l’Hôtel de Paris, et dédicacera son livre à l’occasion du vernissage du 26 juillet à partir de 19h30, entouré de sa famille, de ses amis, et des anciennes proies d’un homme qui a su faire de son métier un art de vivre.

    Rendez-vous donc le 26 Juillet à l’Hôtel de Paris avec Daniel et Charlotte Angeli.

    Et retrouvez Daniel Angeli sur le premier plateau de TV Pampelonne à Moorea : https://goo.gl/RG30h2

     

    [arve url= »https://www.facebook.com/globaltvsaintropez/videos/528910237314937″ title= »Daniel Angeli : La photographie est un art mineur » description= »Daniel Angeli » align= »center » maxwidth= »900″ loop= »no » muted= »no » /]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Global TV Saint-Tropez @ Facebook

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Global TV Saint-Tropez Official

     

     

     

  • Daniel et Charlotte Angeli : L’art, une affaire de famille…

     

     

    Daniel Angeli vient de publier un livre de photos, « Vies privées », un recueil de photos inédites. De renommée internationale, souvent surnommé « le roi des paparazzis » ou « le paparazzi gentleman », Daniel Angeli est un personnage hors du commun, une bible vivante des années Stones, Lennon, Piaf, Bardot, Taylor et autres grandes stars sur papier glacé. Pour Instant City, il a accepté de nous recevoir et de se raconter. Voyage au pays des people.

     

    Nous arrivons au pied d’un immeuble ancien. Nous n’avons pas le code. J’attrape mon smartphone pour l’appeler, mais inutile. Monsieur Angeli arrive de la boulangerie, cheveux et barbe blanches, son pain sous le bras. Il tape son code. La lourde porte en bois clair s’ouvre sur un hall d’entrée aux carreaux de ciment anciens. Daniel Angeli appelle l’ascenseur tout en s’excusant. Je m’y engouffre en premier. Il est minuscule et nous y tenons à peine à trois, collés les uns aux autres : contact établi. Daniel nous annonce une surprise : sa fille Charlotte et la maman de Charlotte, Elisa, seront là aussi. Sur le palier, trois portes doubles en bois de couleur vert-anglais. Sur celle de droite, une photo : le portrait d’une femme au grand sourire et au regard doux. « C’est mon père qui a fait la photo. C’est le portrait de la voisine. Elle avait mis une photo mais mon père ne la trouvait pas belle, alors il en a pris une autre et la lui a offerte. » nous expliquera Charlotte. Daniel ouvre la double porte du milieu. Nous voici chez lui… Il s’agit d’un très joli appartement ancien au parquet qui craque et aux murs blancs. Nous sommes dans l’entrée spacieuse. Face à nous, une porte-fenêtre en boiseries blanches et petits carreaux qui donne sur le double-séjour. A notre gauche, le couloir qui dessert la cuisine et une chambre. A notre droite, une autre chambre. Sur le mur, une photo de Daniel Angeli serrant la main de Jacques Chirac. Le préambule d’un livre de souvenirs que monsieur Angeli va nous faire l’honneur d’ouvrir pour nous.

    C’est très émouvant et nous sommes, Christophe et moi, extrêmement honorés d’entrer dans ce lieu intime, très touchés par la confiance qui nous est accordée. Les murs blancs sont ornés de ses photos : les Stones au mariage de Bianca et Jagger, Bardot allongée en maillot topless à la Madrague, Lennon à l’aéroport tenant la main de Yoko, Claudia Cardinale cernée par la foule et les photographes, Elizabeth Taylor..ils sont tous là, autour de lui, ceux qu’il a côtoyés et photographiés durant 30 ans. A gauche, le coin salon aux canapés et fauteuils en cuir marron type club et à droite une table carrée en bois exotique. D’immenses fenêtres laissent passer la lumière. Charlotte et Elisa nous accueillent avec un sourire chaleureux et nous proposent «  Un café, un thé, un jus d’orange.. ? ». Nous nous asseyons autour de la grande table. Charlotte part en cuisine et revient avec des cafés et de l’eau. Daniel a déjà commencé son récit. Il conte. Il raconte. Il déroule, intarissable, les milliers d’anecdotes qu’il a emmagasinées durant toutes ces années de planque et nous sommes comme le sultan Shahryar, hypnotisés par les contes des mille et une nuits, émerveillés.

     

    Daniel Angeli« Il faut que vous parliez de ma fille, elle est très talentueuse, c’est une peintre douée. Elle peint beaucoup depuis qu’elle est toute petite. Elle customisait des meubles pour des clients et on a eu une idée, après avoir vu l’exposition du Centre Pompidou de Metz : qu’elle s’exprime sur mes images, à sa manière. »

     

    Metz, Centre Pompidou, 2014. Le Centre consacre une exposition pluridisciplinaire sans précédent au phénomène et à l’esthétique de la photographie paparazzi, à travers plus de 600 œuvres. L’exposition se penche sur le métier de chasseur d’images en abordant les rapports complexes mais passionnants qui s’établissent entre le photographe et la célébrité shootée. On a ainsi souvent parlé du rapport ambigü qu’entretenait Lady Diana avec les paparazzi, tantôt rejetés, tantôt utilisés.

     

    Daniel Angeli« Je suis allé avec ma fille Charlotte au musée Pompidou à Metz. C’était incroyable pour moi : les paparazzi rentraient au musée ! Il y a eu un grand article dans Paris-Match dans lequel j’apparaissais en photo parmi tous les autres photographes de l’époque ». L’article faisait six pages. On rendait hommage à ceux qu’on qualifiait de « voleurs d’images ». C’était incroyable, un véritable tournant pour la photo de paparazzade, qui devenait une œuvre d’art et le paparazzi, un artiste. »

     

    Instant-City-Daniel-Angeli-Interview-002

     

     

    L’idée : utiliser les photos people de Daniel Angeli comme toiles pour sa fille peintre Charlotte. Première étape de ce projet familial, régler les problèmes juridiques. Direction le bureau d’avocat d’un ami de longue date de la famille, Gilles Hittinger-Roux qui se trouve être aussi un grand amateur d’art doublé d’un mécène. Cet homme a la passion, l’oeil et les compétences professionnelles. Ses conseils vont s’avérer précieux. Le premier : rassembler toutes les photos de Daniel Angeli, il y en a près d’un million, et protéger ce capital incroyable, à la fois pour la transmission à ses enfants et pour recenser l’ensemble de l’oeuvre. Après la faillite de son agence de presse, c’est l’agence Bestimages qui conserve les photos dans son fonds d’archives.

     

    Daniel Angeli : « Bestimages est dirigée par une amie à moi qui a repris mon fonds d’images et tout mon personnel, environ 80 photographes, après mon dépôt de bilan.Mon agence était dans les trois premières de Paris. Après mon accident (Daniel Angeli a fait un AVC), j’ai cherché à regrouper toutes mes photos pour garnir le Fonds de dotation. »

     

    Car Gilles Hittinger-Roux, leur ami et avocat, leur propose de créer un Fonds de Dotation, un mix entre la Fondation et l’Association. Il s’agit d’un cadre juridique dans lequel une personne morale (un individu ou un collectif), appelée aussi marraine si c’est une femme ou parrain s’il s’agit d’un homme, est utilisé comme outil de financement, de gestion et d’administration. Cette personne reçoit et gère les biens de manière désintéressée et non lucrative en les capitalisant dans le but de réaliser une œuvre, celle de Daniel Angeli, l’ensemble de son œuvre d’art photographique, 30 ans d’histoire people de 1966 à 1996.

     

    Daniel Angeli : « Comme je passais des heures, parfois seul, à attendre les stars, elles finissaient par m’accorder un rendez-vous. J »ai des millions d’images. Parfois je ne m’en souviens même plus. On sort des photos dont je ne me rappelle même plus. »

     

    C’est Mylène Demongeot qui acceptera d’en être la marraine, une amie de longue date que toute la famille adore, en particulier les enfants. La famille est grande et recomposée, Daniel Angeli s’étant marié quatre fois. Une première union dont il aura une fille, Rachel, aujourd’hui disparue. Une seconde union avec Elisa dont il a eu deux filles, Charlotte et Caroline. Une troisième, avec la journaliste Cécile Riboulet, la maman de César et Léo, 16 et 18 ans. Et un quatrième mariage qui n’aura duré que deux ans et dont le divorce tout frais date de trois mois. La famille, ses enfants, s’il n’a pas toujours été facile de les concilier avec sa vie de paparazzi, Daniel Angeli en parle aujourd’hui avec beaucoup de tendresse. Ses deux garçons, ses filles, il voudrait les protéger et leur léguer un héritage, ses photos, des centaines de milliers d’images, le travail de toute une vie. Cet homme souvent rejeté et dénigré pour son travail est flatté et honoré de se retrouver depuis peu au musée et de voir ses photos maintenant présentées comme des œuvres d’art. On ne peut qu’imaginer l’importance capitale de ce brusque changement de statut : on passe du « voleur d’image » montré du doigt à l’artiste montré dans des expositions. Ironie de la vie. Ce ne sont plus les magazines comme « Paris-Match » ou « Jours de France » qui vont s’arracher ses photos à prix d’or, mais le public des collectionneurs. Un retournement de situation que le gamin immigré de 15 ans d’origine italienne n’aurait jamais osé imaginer.

     

    Daniel Angeli, 1966 – 1996 : 30 ans de paparazzade

     

    Sa mère est décédée quand il avait cinq ans. Se décrivant comme un cancre à l’école, il poursuit tout de même jusqu’au lycée, à Buffon. Son père, maître d’hôtel, souhaitait le faire entrer dans le métier comme groom ou autre chose. Grâce à ses relations, il le fait embaucher comme assistant à « Jour de France » alors détenu par Marcel Dassault. Il y est stagiaire. Il a seize ans. Puis il change pour l’agence DALMAS, dans laquelle il travaillera d’abord au labo, au développement des photos, poste où il voit déjà défiler de nombreuses stars du Festival de Cannes sur papier, avant d’arriver enfin sur le terrain. Il est rapidement envoyé en reportage par le rédacteur en chef Claude Otzenberger, pour couvrir les soirées parisiennes . Il s’occupe des stars de la Rive Gauche comme Brassens, Léo Ferré, Jacques Brel. Edith Piaf.

     

    Daniel Angeli : « Jacques Brel était vraiment sympa. Il était à l’Olympia. Tous les soirs on allait au restaurant avec lui après le spectacle. Il amenait tellement de people dans la salle que ça m’a donné l’idée de faire Jacques Brel côté scène et côté salle. C’est un peu mes premières paparazzades. J’ai commencé ensuite à les suivre. Est né le groupe allemand « Voici » et on s’est mis à prendre des photos au téléobjectif. Etant très timide, je préférais me cacher derrière mon boitier. Ca me servait bien. »

     

    C’est aussi l’époque où Daniel s’occupe d’une succursale à l’aéroport d’Orly où il photographie les stars du monde entier arrivant dans la capitale française. Le 2 juin 1962, il est à l’aéroport quand survient le crash d’un avion d’Air France. Il se déguise en bagagiste et photographie le drame. Ses photos feront de nombreuses Unes. Sa carrière est lancée. Il raconte à ce sujet au micro de Philippe Vandel sur France Info :

     

    Daniel Angeli : « J’étais en train de draguer une hôtesse de l’air quand cet avion s’est écrasé à Villeneuve-le-Roi. C’était le premier grand accident d’avion. Je déjeunais dans un des restaurants en terrasse. Il y avait un monsieur dont tous les membres de la famille étaient dans l’avion. Il s’est évanoui. J’ai vite enfilé une cotte de l’Aéroport de Paris car il y avait un service de sécurité et j’ai pu aller faire des photos sur place, déguisé en bagagiste. J’ai eu du mal à m’en remettre. J’ai trimballé des cadavres dont les bras tombaient, grillés. Ca a été une épreuve très difficile pour moi. »

     

    Après son service militaire, il se met à son compte et fonde sa propre agence, l’agence de presse Angeli. On est en 1968. Daniel Angeli devient maître dans les photos dites « people ». Il calque son emploi du temps sur celui des stars, l’été à Saint- Tropez, l’hiver à Gstaad et entre les deux, sur le Rocher de Monaco et à Cannes pour le Festival,un rêve de gamin. « Aujourd’hui tout le monde est derrière une corde et personne n’a le droit de bouger » raconte t-il dans une interview de Benjamin Locoje à Paris-Match en 2015.

     

    Daniel Angeli : « J’ai vécu les premières époques en faisant des saisons : je louais une maison et j’emmenais ma famille. Ma femme et les enfants me suivaient. Mes filles sont nées à Saint-Tropez parce que c’était la saison et que ma femme accouchait où je me trouvais. Les filles ont grandi et on a toujours fait les saisons. Elles avaient des cours le matin avec un percepteur et elles skiaient l’après- midi.J’ai commencé à gagner ma vie grâce aux stars italiennes que je photographiais en France. En Italie la presse people était déjà développée, il y avait un vrai marché. En France c’est venu tardivement. Il y avait seulement « Jour de France » ou « Paris-Match. »

     

    C’est l’époque des années 1960, Saint-Tropez, Bardot, La Madrague…

     

    Daniel Angeli : « La Madrague… On était cinq photographes planqués dans l’eau à attendre qu’elle sorte pour la photographier. Elle savait très bien qu’on était là mais elle faisait semblant de ne pas nous voir. Elle s’étendait sur son ponton, seins nus. Parfois elle envoyait son chien pour qu’il nous morde mais le chien remontait très vite. »

     

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    Il noue des liens privilégiés avec les personnalités de l’époque. D’Aristote Onassis à Elizabeth Taylor en passant par John Lennon jusqu’à Gianni Agnelli qu’il photographie l’été 1977 nu sautant de son bateau. Cette photo fit scandale à l’époque car le PDG de Fiat venait d’être enlevé. Cette photo d’Agnelli est aujourd’hui l’une des plus connues et reste un symbole de la photo paparazzi.

     

    Daniel Angeli : « On me parle encore de la photo d’Agnelli qui saute de son yacht. Mais je n’ai pas fait que cette image-là ! A l’époque elle m’avait été payée par Match 1500 francs. Il fallait en faire pour gagner sa vie ! Cette photo a fait le tour du monde. Elle a été publiée je ne sais pas combien de fois ! Ce n’est pas une image volée pour rien. A cette époque-là on avait enlevé le PDG de Fiat France. Les ravisseurs demandaient une forte rançon et pendant ce temps-là le patron sautait dans la grande bleue à Saint Jean Cap Ferrat. Il a ensuite demandé à me rencontrer et on est devenus amis. La première grande star que j’ai été amené à suivre c’était Liz Taylor. Richard Burton montait dans ma voiture avec moi et me disait : emmène moi jusqu’au village boire un verre. On n’avait pas le sentiment de vivre dans leur ombre parce que pour faire ces images, on connaissait leur vie. On connaissait les habitudes de ces gens. Par exemple, Nicholson, avec qui on a eu tout le temps des rapports drôles nous a montré ses fesses un jour où on le photographiait sur le port de Saint-Tropez ! Ce que je voudrais dire, c’est qu’il y avait une complicité avec ces gens-là. C’est l’époque de ma vie que j’ai préférée. »

     

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    Sa photo la mieux vendue est celle de Grace de Monaco photographiée à côté de sa voiture sur le parking du Beach, une Rover, au volant de laquelle est décédera quelques semaines plus tard. La photo d’Aristote Onassis en compagnie de La Callas alors que le couple était censé être séparée, Onassis étant marié à Jacky, fit la Une de Paris-Match pour 1 million de francs. Sa plus belle prise ? Sarah Ferguson, l’épouse du prince Andrew, topless au bord d’une piscine dans le sud de la France, aux côtés d’un financier américain John Bryan, qui lui suce les orteils en 1992. Le divorce sera prononcé un an plus tard. Son plus gros ratage : la photo de Lady Diana sur le yacht avec Dodi Al Fayed. Sa femme était sur le point d’accoucher et il a envoyé un collègue italien sur le coup. Ce fut le plus gros coup de toute l’histoire de la photo à sensation : 3 millions d’euros. Le secret le mieux gardé ? Mazarine Mitterand. La rencontre la plus frappante ? Edith Piaf.

     

    Daniel Angeli : « J’étais arrivé en retard pour le rendez-vous shooting. Tous les photographes avaient déjà fait leurs images. J’étais devant le théâtre quand le marie d’Edith Piaf est venu me dire de partir. J’ai expliqué et je ne sais pourquoi, il m’a dit de venir. J’étais un gamin. J’avais à peine 20 ans. Je me suis retrouvé devant la scène, face à Edith Piaf, mon appareil photo à la main. J’étais très timide. Elle m’a regardé et m’a dit sur un ton fâché et agécé :

    • « Qu’est-ce que vous faites-là ? ».
    • J’ai répondu « Je voudrais faire une photo. Est-ce que vous pourriez faire semblant de chanter ? »
    • « Edith Piaf ne fait pas semblant de chanter »

    Elle a fait un signe de la main à ses musiciens. Tout l’orchestre s’est mis à jouer. Elle a chanté quelques notes, j’ai pris deux ou trois photos, elle a arrêté et je suis vite reparti ». Cette photo est unique. Il n’y en a aucune autre sur laquelle on voit Edith Piaf chanter pendant une répétition. »

     

    iCity : A Cannes, vous étiez à la fois le photographe officiel du Festival et paparazzi. Comment gère-t-on cette double casquette ?

     

    Daniel Angeli : « En tant que photographe officiel, on a des infos que le paparazzi peut utiliser. Par exemple, en 1972, j’ai su la date et l’heure d’arrivée de Paul Newman à Cannes. Il venait présenter son film « De l’influence des rayons Gamma sur le comportement des marguerites» dans lequel sa femme (Joanne Woodward) jouait le premier rôle. Je savais qu’il arrivait à 6 heures du matin en train. Il descend du train et je le photographie. J’avais toujours mes instincts de paparazzi. Aujourd’hui j’ai toujours ça dans la peau. Mylène (Demongeot) m’avait donné un rendez vous pour un reportage sur l’île de Porquerolles (où elle réside): au cours du séjour chez elle, elle me demande de l’accompagner au cimetière pour rendre visite à son mari . J’ai choisi de faire les photos au téléobjectif, à la manière des photos volées des paparazzi. La photo a été bien plus belle. »

     

    iCity : Vous racontez dans votre livre que Lennon vous aurait proposé de le photographier assis aux toilettes. Vous avez également photographié les Stones au mariage de Bianca et Jagger en bien mauvais état. Il semble que les stars vous aient laissé les photographier sans pudeur.

     

    Daniel Angeli : « Ce n’est pas de l’impudeur. Vous devez avoir connu les années 1968 pour comprendre. A cette époque soufflait un vent de liberté totale de la part de ces gens là. La proposition de Lennon, c’était un peu pour rire. D’ailleurs je ne l’ai pas faite, l’image. Lennon incarnait la liberté spirituelle. Cette année-là (1978), il présentait deux films à Cannes dont un à « La quinzaine des réalisateurs » qui montrait une mouche posée sur le sexe de sa femme en gros plan. Dans le second film, on voyait un ballon qui s’élevait depuis un parc dans le ciel, puis plus rien , juste le ciel, tout seul, filmé pendant presque un quart d’heure. C’était ça Lennon. Des clins d’oeil. L’anecdote du shooting dans les toilettes, c’était un clin d’oeil. Il a voulu m’embarquer dans l’avion ensuite, mais je n’avais pas un rond sur moi. Lui et Yoko partaient à Gibraltar. J’aurais dû monter quand même, et pourtant j’ai refusé parce que je n’avais pas mon portefeuille. Je le regrette vraiment aujourd’hui. Ces stars, Liz Taylor, Lennon qui constituaient les people connus, ça n’existe plus. Aujourd’hui, on n’a plus que des stars de téléréalité qui sont éphémères, c’est pas le même boulot ni le même contact. Ce que j’ai fait ne serait plus faisable car les stars ne sont plus aussi accessibles: il y a leurs agents et tout un tas de choses qui font barrière. Tout a explosé dans les années 1990. La situation s’est dégradée avec l’arrivée des groupes de presse allemands en France Ca a été la course à l’argent. Les prix ont flambé.On se retrouvait à dix voir à quinze sur un même coup. Il n’y avait plus de limites, les photographes devenaient agressifs .Et la « Star Academy » plus tard n’a fait qu’accentuer le phénomène. Des gamins devenaient des stars pour cinq à six semaines puis disparaissaient. »

     

    iCity : Avez-vous rencontré Serge Gainsbourg ? Je me rappelle cette photo de famille avec Serge, Jane et ses deux filles posant devant un hamac.

     

    Daniel Angeli : « Cette photo a été prise à Gassin, au Mas de Chastelas (un hôtel 5 étoiles de Saint-Tropez). Serge m’avait donné rendez-vous parce qu’on se connaissait. Je l’avais planqué avec Bardot, la seule photo qui existe d’eux d’ailleurs : les deux ensemble, dans la voiture. Il avait son appartement sur les quais, un truc donné par l’Etat avant l’ile Saint Louis, une chambre avec un piano. Je l’ai rencontré à maintes reprises. C’est Rostain qui était très pote avec lui. Gainsbourg est venu faire un jour l’émission de Sébastien sur la 5. Je me suis retrouvé avec lui à ramasser à la cuillère. On a fumé 6 paquets de clopes, on s’est bourré la gueule tous les deux, on s’est raconté des histoires de plateau comme celle de la femme de Le Pen à poil balayant le sol. Une fois que tu étais parti avec lui, tu finissais dans les roses. On a bu du mauvais vin. J’ai été malade. Tout ça parce que Patrick l’a fait attendre sur le plateau. On nous amenait du Côte-du-Rhône. J’ai dormi sur le plateau, je n’ai même pas pu rentrer chez moi. Ce soir-là, on a dû ramener Serge aussi. C’est le seul vrai contact que j’ai eu avec Serge. Je n’ai fait que le croiser.A l’époque de la photo de Saint-Tropez, il tournait un clip. Je lui demande un rendez-vous et il me dit de venir à Saint-Tropez. Là, j’ai fait cette photo avec toute la famille sur un hamac. J’ai des centaines de photos de Serge à une première ou sur un plateau. Mais pas de moments privilégiés ou de photos de paparazzi. Cet homme avait un charisme fou. »

     

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    iCity : Vous êtes dans l’appartement de François Mitterand. Vous le voyez étendu sur son lit de mort. Prenez-vous la photo ?

    (Sortie dans Paris-Match en 1996. Publiée par Roger Théron, patron de l’hebdomadaire. Le mystère demeure encore de savoir qui l’a prise. A lire sur le sujet l’article du Monde : François Mitterrand : le mystère de la dernière photo)

     

    Daniel Angeli : « J‘ai envie de la faire. Oui, je la fais. C »est très difficile de répondre à cette question. La seule photo que je n’ai pas faite, c’est celle du fils de Romy. Il y a un mec qui l’a faite… Une fois qu’on a fait la photo, on peut aussi décider de ne pas la diffuser… On a vu des photos horribles comme celle de Mc Queen sur son lit.

     

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    Je me souviens de l’enterrement d’Eddy Barclay. C’était la fête. Tous ses amis étaient là, Johnny, Carlos. Il y avait Collaro dans le salon qui rigolait. Tous les trois ont enterré Eddy. On a appelé ça «Les obsèques blanches». On m’a assis devant lui sur la table du salon avec une bouteille de très bon bordeaux. Il était étendu et j’ai eu peur de ce truc là. En fait c’était très bien : Eddy maquillé, en costume, j’ai eu une pensée pour lui. Carlos, était mon mailleur ami dans la profession. Puis il y a eu Anconina. »

     

    Le flot de paroles s’écoule, indomptable, ininterrompu, souvent décousu et difficile à suivre. On aimerait faire une pause, approfondir un sujet en particulier, mais impossible. Monsieur Angeli ne se laisse pas couper la parole ou bien se fâche, et il est intarissable. Quand il est parti à parler des anecdotes relatives à sa vie de paparazzi, on ne l’arrête plus. Le téléphone sonne. Elisa nous informe que Daniel a encore deux interview après la nôtre. Celui-ci l’interrompt.« elle attendra un peu. On est bien là. ».Et c’est vrai. On est bien. On fait un voyage dans le temps. La fumée des cigarettes envahit peu à peu la pièce. On ouvre la fenêtre du salon en grand. Charlotte et Elisa sont assises face à moi et dos à la fenêtre. Daniel est à ma gauche et Christophe à ma droite. Je le regarde poser ses questions, lui, le fan absolu de Gainsbourg et de ces années 1960. Nous n’en revenons pas d’être là, assis à écouter toutes ces histoires qu’on nous raconte. Mes yeux balaient les murs, passant d’une photo à une autre, de Lennon à Jagger, de Bardot à Claudia Cardinale ou Liz Taylor. J’imagine les scènes, j’entends les bruits de crépitement des flashs, les appels des photographes, les cris des fans qui réclament un autographe. J’essaie de ressentir l’atmosphère si particulière de ces années-là. 30 années à se cacher, à attendre tapi dans l’ombre, à manger des sandwichs, boire des bières, fumer pour s’occuper les mains et l’esprit. Ces journées entières d’attente interminable avec un matériel de plus de 15 kilos à portée de main. Deux appareils photos à l’époque de l’argentique, quand le numérique n’existait pas encore.

     

    Daniel Angeli : « On avait toujours deux appareils car on shootait beaucoup, on avait peur de rater LA photo parfaite et les pellicules défilaient à toute vitesse. Ce n’est pas comme aujourd’hui avec le numérique. On peut prendre autant de photos qu’on veut. On a des pouces de plusieurs gigas. Mais à l’époque, il fallait deux appareils. En cas de panne ou si la pellicule était finie, on pouvait attraper le second appareil d’urgence. On gardait toujours deux ou trois photos en bout de pellicule « au cas où », il se passerait quelque chose. »

     

    Daniel Angeli, 2010 – 2016 : de la rue au musée.

     

    En 2010, Daniel Angeli publie un livre de photos truffé d’anecdotes, « Vies Privées » (aux Editions Grund), préfacé par Raymond Depardon, dans lequel il revient en détails sur sa carrière. Et puis vient ce projet de fond de dotation. Daniel en est le fondateur.

     

    Daniel Angeli : « J’ai quatre enfants qui sont très proches. Les deux sœurs et les deux frères ne sont pas de la même fratrie mais ils s’entendent merveilleusement. Chacun a un rôle, président, secrétaire, ce qui créé une synergie et apporte un regard innovant de la part des enfants sur mes photos : Charlotte avec la partie artistique, César le fils aîné qui veut assurer la pérennité des images, Caroline qui dirige les expos. Ils ont tous des idées. C’est une force vive pour moi car mes enfants sont très actifs. Il y a une transmission qui se fait. »

     

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    Charlotte : « Si demain on perd notre père, on aura toujours les images qui parleront de lui. La photo de paparazzi est entrée au musée et de ce fait, étant désormais possiblement reconnue comme une œuvre d’art, notre projet était inattaquable. »

    Daniel Angeli : « Nous choisissons une photo. A chaque fois je raconte à Charlotte l’histoire qui entoure cette photo. Elle tient alors compte de cette histoire pour imaginer la façon dont elle va peindre par-dessus.Le but étant de faire une expo. »

     

    Le concept est le suivant : il s’agit d’offrir une seconde vie aux photos prises par le père. Père et fille sélectionnent des photos. Puis la fille prend ses pinceaux et habille la photo de peinture acrylique. Deux projets d’exposition sont en cours : l’une qui aura lieu à Saint-Bath dont le thème est celui des paysages inédits de l’île, l’autre autour des people.

     

    Daniel Angeli : « Ces photos qui ont été vues et revues prennent d’un seul coup une autre ampleur avec ce que ma fille fait dessus. »

    Charlotte : « C’est compliqué de reprendre une photo de papa et de peindre dessus : je ne me vois pas dans dix ans entendre mes enfants me dire « tiens maman je vais prendre une de tes toiles et peindre par-dessus » ! Il faut équilibrer ces deux arts qui se mêlent : l’art et la photo. Il y a un choix très long à faire. Le monde de l’Art est demandeur d’anecdotes et de légendes sur les stars. Cela permet d’offrir une nouvelle vie aux photos de mon père. »

     

    Charlotte nous montre une de ses toiles : sur une photo de Chagall et de sa femme prise par Daniel Angeli, elle a peint des éléments piochés dans les tableaux du célèbre peintre.

     

    Daniel Angeli : « C’est grâce à un coup de chance que j’ai pu prendre cette photo. Je travaillais sur Travolta et j’avais loué un bateau au Cap d’Antibes. J’entends des clapotis autour du bateau et je reconnais le peintre en train de nager autour de mon bateau. J’ai fait deux images. »

    Charlotte : « On a fait un tirage photo noir et blanc à partir d’ un négatif couleur à la base et j’ai encollé cette reproduction sur une plaque de zinc. »

    Daniel Angeli : « Ce sont des photos qui ont une histoire et elle les traite avec son art. »

    Charlotte : « Chagall mettait toujours un oiseau bleu sur ses peintures, alors j’en ai peint un sur la photo. J »ai un peu du culot de faire du Chagall sur du Chagall : il faut considérer ça non pas comme une copie mais comme un clin d’oeil. »

     

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    C’est exactement ça, l’idée du père et de la fille. Raconter l’histoire de la photo à travers la peinture.

     

    Photos de rue par la fenêtre…

     

    La fumée envahit de plus en plus la pièce. Je me lève pour faire une pause. Je me dirige vers la fenêtre ouverte côté salon et me penche pour voir la vue. De l’appartement on voit le haut de la Tour Eiffel et les toits de Paris. Au pied de l’immeuble, un arrêt de bus, une boite aux lettres, un passage-piétons. Au pied de la fenêtre, sur le parquet, le matériel photo de Daniel Angeli. C’est de là que, sur le petit balcon, il photographie la rue et ses passants anonymes.

     

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    Daniel Angeli : « J’ai besoin de faire des images. Je ne suis pas vraiment à la retraite. J’ai été photographe de plateau sur des films. Je fais l’actualité de Mylène Demongeot. Je me suis mis à faire des milliers de photos depuis la rue. J’en ai 10 000 dans mon ordinateur. Je photographie les gens dans la rue. J’ai l’impression de me prendre pour Cartier Bresson, mais avec un œil du 5ème. Ce que je fais là me permet de tuer l’ennui. Je photographie la solitude des gens âgés comme j’en fais un peu partie et des situations drôles quelquefois. Ma recherche est plus dans une confrontation. Il y a un risque, mais si quelqu’un se reconnaît, on retirera la photo. Le monde de l’art est une protection : c’est le cas des photographes de guerre. Ce que je fais est risqué mais ça me passionne. C’est la façon dont s’habillent les gens qui est fascinante. L’arrêt de bus est un truc très drôle car certaines fois on ne voit que les pieds qui dépassent et selon les saisons, les vêtements changent. J’ai un pêcheur qui est passé devant chez moi. En plein quartier de la Défense ! J‘ai fait « Vies privées », maintenant je fais « Vies publiques » : tout en volant des images. Ce que j’aime c’est voler des images. »

     

    19h30. Nous sommes arrivés à 15h00. Plus de quatre heures de partage à discuter comme de vieux amis autour d’un café. Il est temps de dire au-revoir. Nous sommes épuisés mais tellement heureux. On se quitte en s’embrassant, contents d’avoir partagé ce moment exceptionnel, accueillis avec tant de générosité. Daniel est au téléphone en interview. Nous papotons encore un peu sur le pallier avec Charlotte et Elisa que nous remercions du fond du cœur pour tout ce temps accordé à deux parfaits inconnus. Nous nous promettons de nous revoir, de dîner un soir tous ensemble. Nous sommes déjà deux étages plus bas dans l’escalier au tapis moelleux qui recouvre les marches en bois lorsque nous entendons Daniel Angeli nous appeler. Il a raccroché le téléphone. Nous remontons rapidement. « Alors, qu’est-ce que vous avez pensé des toiles de ma fille ? ». Daniel Angeli est photographe certes, mais avant tout un père.

     

    Mini questionnaire de Proust :

     

    iCity : Un endroit sur Terre ?

    Daniel AngeliSaint Bart…

     

    iCity : Le meilleur scoop de ces dernières années ? 

    Daniel AngeliHollande en casque sortant de chez Julie Gayet.

     

    iCity : La valeur la plus importante à vos yeux ?

    Daniel Angeli : Le respect de l’espace privé. Je n’ai jamais shooté quelqu’un chez lui ou un enfant. J’étais tout le temps dans un espace public : la rue, l’eau…

     

     

     

  • L’érection selon Jim

     

     

    Jim est un compagnon de route fidèle d’Instant City. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la lecture de « Une Nuit à Rome » et de « L’Invitation » dont Michael Cohen a tiré un long-métrage qui sortira à la rentrée prochaine. C’est donc avec plaisir et curiosité que nous avons découvert son dernier né : « L’érection ». La bande dessinée est parue le 1er juin 2016 aux éditions Bamboo, dans la collection Grand Angle. Une histoire de couple comme les aime l’auteur, qui retrouve Lounis Chabane au dessin avec lequel il avait déjà co-réalisé les deux tomes de « Héléna ». Le pitch : quelques jours avant Noël, Léa et Florent, la quarantaine, reçoivent un couple d’amis, Alexandra et Jean-Fabrice. Au cours du dîner, ces derniers annoncent leur intention de se séparer. Emue, Léa pose alors sa main sous la table sur la cuisse de Florent et découvre que celui-ci est en pleine érection. S’en suit une nuit de disputes et d’événements inattendus qui feront éclater toutes les vérités…

    Les dessins sont très beaux, la couleur est magnifique, avec ces bleus (qui rappellent la couleur de la pilule), ces vieux roses et parfois ces pointes de rouge qui font relief. Le lecteur se positionne comme un spectateur face à une scène de théâtre. Il assiste à une comédie de boulevard, un vaudeville. Jim s’amuse. Après le titre gentiment provocateur à la manière d’une blague de sale gamin, il joue avec les défis : économie de décors et de personnages, huis-clos, histoire en deux actes. Comme au théâtre. Souvenir d’enfance des soirées familiales le vendredi soir devant le poste de télévision et le rendez-vous incontournable de « Au Théâtre ce Soir ». On a tous en tête les fameux « costumes de Donald Cardwell » et les « décors de Roger Harth ». « L’érection », c’est aussi tout un tas de clins d’oeil placés ça et là : des détails de décors comme le petit robot de Star Wars près de la crèche en Playmobils, des prénoms, des anecdotes dont Jim vous livre le secret. Interview…

     

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    iCity : Bonjour Jim. Comment allez-vous ?

    Jim : Bien ! Mais si la question s’applique à ce jour précis, je dirais que j’enrage car rien n’avance aussi vite que voudrais. J’attends des réponses qui tardent, et ça me rend juste fou… Mais sorti de là, tout va bien ! C’est juste le quotidien d’un impatient…

     

    iCity : Justement, sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

    Jim : Je mélange moments de BD au dessin et écriture de films. Quand on est en phase d’attente de réponses comme en ce moment, on se sent un peu freiné dans son élan… Mais du coup, j’avance la BD, et dès que les réponses tombent, je saute sur mon clavier. Alors qu’en vérité, on aimerait avancer d’un même mouvement, sans la moindre coupure. Mais ces phases d’attente permettent aussi de laisser refroidir le projet pour avoir un peu de recul.

     

    iCity : Trois publications en 2015 : les Tomes 2 de « Un petit livre oublié sur un banc » et de « Héléna », encore avec Lounis Chabane. Puis aussi « De beaux moments ». Comment expliquez-vous cette boulimie de travail ?

    Jim : Les albums prennent du temps à se faire et parfois il y a des effets de cumul. C’étaient des albums sur lesquels je bossais depuis longtemps et de fait, il peut y avoir une légère impression d’embouteillage vu d’un oeil extérieur. J’aime beaucoup avoir une actualité et des livres en librairie, mais il y a aussi des moments où il ne se passe rien. Il m’est arrivé il y a quelques années d’avoir onze nouveautés sorties la même année, mais certaines d’entre elles avaient démarré trois ans plus tôt. Quand on est dessinateur, il faut parfois un an voire un an et demi pour faire un album, plus certains dont je suis seulement au scénario, et parfois on peut avoir une impression curieuse de cumul, ce qui n’est pas le cas.

     

    iCity : Pourquoi publiez-vous chez divers éditeurs (Vent d’ouest, Grand angle, Casterman) ?

    Jim : Ca dépend des projets. En ce moment, je ne suis que chez Grand Angle parce qu’on est bien ensemble, on a les mêmes envies, le dialogue est simple et positif.

    Chez eux, j’ai trouvé une réelle mise en avant du livre, ce qui n’est pas toujours le cas chez tous les éditeurs. « Une Nuit à Rome » a eu du succès aussi grâce à son éditeur. Un album peut être bien ou mal traité. Certains éditeurs, par manque d’ambition, peuvent freiner le développement d’un album, ou au contraire le pousser en avant. Grand Angle croyait dès le départ en « Une Nuit à Rome » et voulait l’aider à trouver son public. Il ne mettait pas de barrages à son expansion : cinéma, édition de luxe, par exemple. Quand on ne trouve par le bon éditeur, on peut être amené à en changer. Pareil si on ne veut pas s’encroûter, car hélas la relation à l’éditeur n’est pas éternelle, on est souvent contraint de tester de nouvelles relations pour se renouveler. Ça permet de changer de mode de fonctionnement et sans doute parfois est-il important de rappeler à un éditeur qu’on peut aussi papillonner ailleurs. C’est de bonne guerre, les éditeurs travaillent avec de nouveaux auteurs en permanence. On n’est pas enfermé l’un avec l’autre. Je suis un auteur médian : pour l’instant, je n’ai pas de souci pour me faire éditer, mais je ne peux pas non plus faire ma star. On ne peut rien imposer à son éditeur. Ce qui fait la différence lors du choix de mon éditeur, c’est l’honnêteté de la relation, la franchise, sa capacité à donner sa chance à un projet, de sentir qu’il sera porté par une réelle envie. Que tout ça se fasse dans le plaisir, simplement !

     

    iCity : A quoi correspond la collection Grand Angle chez Bamboo ?

    Jim : Bamboo était au départ sur de la bande dessinée humour. Ils ont voulu créer une collection, un label pour des albums plus sérieux et plus réalistes.

     

    iCity : C’est votre seconde collaboration avec Lounis Chabane : un choix de votre éditeur ?

    Jim : C’est Lounis qui a apprécié « Une Nuit à Rome » qui avait demandé à l’éditeur si on pouvait travailler ensemble. Il a lu plusieurs scénarii que j’avais écrits et a accroché sur celui d’« Héléna ». On a bossé sur l’album et on a eu envie de continuer notre collaboration. J’aime bien quand celle-ci perdure sur plusieurs albums. On a fait des progrès ensemble et on va plus loin que sur « Héléna ». Je crois qu’on est meilleurs. L’album « L’érection » est mieux dessiné et mieux écrit, même si c’est difficile d’en juger vraiment, en temps qu’auteurs. Mais je nous sens plus efficaces. Il existe une réalité très simple quand on créé une bande dessinée : parfois on est content, un peu ou moyennement de ce qu’on a réalisé, aucun de nous deux ne peut dire si à l’arrivée nous serons satisfaits du résultat final. Il se trouve que là, on est plutôt contents.

     

    iCity : Comment fonctionnez-vous ensemble, lui à Paris et vous à Montpellier ?

    Jim : Oh, ça se fait très naturellement. Je suis très investi dans le découpage : c’est une phase que j’adore. Je fais le story-board et Lounis fait le crayonné. Il me le montre et quand ça nous va à tous les deux, il attaque l’encrage, scanne les planches, les envoie par mail. Il faut être en phase pour travailler ensemble. Lounis est très bosseur et perfectionniste : il sait qu’à chaque fois qu’on pinaille ou retravaille une pose, c’est pour optimiser le résultat à l’arrivée. Il est très investi, on a une relation très franche et perfectionniste. Ca peut être contraignant pour un dessinateur d’avoir quelqu’un qui donne son avis sur les planches. Le fait que je dessine aussi est à la fois un avantage et un inconvénient. Avec nous, ça marche dans les deux sens : Lounis me propose aussi des modifications sur les dialogues quand il veut arranger certaines choses. Ce fut le cas par exemple avec les dialogues entre les jeunes de la fête du dessus. Je supervise aussi les couleurs que fait Delphine au fur et à mesure que l’album avance. Pour aller plus loin, j’aimerais un jour pouvoir faire un album sans rien voir du travail en cours et ne découvrir l’ensemble uniquement qu’une fois imprimé. Je donne mon scénario, le texte que j’ai écrit, l’histoire que j’ai créée et elle m’échappe, elle ne m’appartient plus. Quelques semaines ou mois plus tard, je découvre une œuvre totalement réappropriée. J’aimerais alors être surpris de voir de quelle manière elle a été restituée. Mais ça demande un lâcher prise que je n’ai pas encore, même si je cours après ça ! (Rires).

    Pour l’instant je pense qu’il y a une chose que je sais bien faire et qui imprime un ton à mon histoire, plus que le scénario, je crois que c’est le découpage. J’ai du mal à me priver de ça. On peut vraiment abîmer un scénario ou au contraire le mettre en valeur avec le découpage. Je suis sensible à cette phase-là et j’ai du mal à lâcher là- dessus. Je fais des croquis très rapides de chaque case. Cela me prend environ une à deux heures pour une page de découpage, trouver le bon rythme, la bonne narration. Lounis imagine alors tous les décors, les attitudes, les visages et leurs expressions, les vêtements etc… Il lui faut compter environ trois à quatre jours pour une page. Il faut que tout se tienne et que l’ensemble reste fluide. C’est Delphine, ma femme, qui met ensuite le tout en couleur. Elle n’apparaît pas en première de couverture mais sur la page du titre à l’intérieur, comme tous les coloristes. Il y avait eu des tentatives par le passé pour faire apparaître le nom du coloriste sur la couverture, mais cela n’a pas tenu. Le coloriste est hélas davantage considéré comme un technicien de la couleur que comme un artiste créateur au même titre que le scénariste ou le dessinateur, et il faut se battre parfois contre son éditeur pour qu’il ai un pourcentage de droits sur l’album. D’ailleurs, ce pourcentage, ce sont les auteurs qui le retirent de leur part la plupart du temps. Ce qui est injuste. Le coloriste est trop souvent à part dans le processus alors que c’est ici un travail qui met en valeur dessin et scénario. On y attache tous une vraie importance, et je suis heureux que dans quasiment chaque critique, le soin porté aux ambiances soit souligné.

     

    iCity : Pourquoi faites- vous certaines BD seul, scénario et dessins, et d’autres en collaboration avec un dessinateur ?

    Jim : Si je faisais tout, tout seul, je ne ferais qu’un album tous les deux ans. Ce qui serait un vrai problème car j’ai envie de raconter des histoires tout le temps ! En vérité, ça me plait plus de les écrire que de les dessiner. C’est agréable de donner son texte à un dessinateur et de voir ce qu’il va en faire, d’être surpris de la manière dont il va l’emmener ailleurs. J’ai pris des cours de dessin étant gamin. J’aime ça. Pourtant, je pourrais très bien ne pas du tout dessiner. Ce ne serait pas grave. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est de raconter l’histoire. Tous les jours, je vais noter un petit bout de dialogue alors que je ne dessine pas forcément tous les jours. Certains griffonnent en permanence sur des carnets de dessin. Pour ma part, je dessine uniquement parce que c’est ce qui me permet de raconter mes histoires. C’est un paradoxe. j’aime bien dessiner, c’est agréable mais ce n’est pas ma finalité. Seule exception, mais récente, Marie d’« Une Nuit à Rome » a rencontré du succès. Alors je m’amuse à la dessiner en dehors de sa BD, et c’est un lien intéressant qui m’aide à vivre en dehors de la BD à strictement parler. Je ne sais pas d’où vient cette envie d’écrire des histoires. Ecrire, c’est peut-être une insatisfaction à se contenter de vivre. C’est une envie de faire mieux que ce qu’offre la vie. Je trouve passionnant d’arriver à capturer les gens, à créer des personnages. J’aime faire rire et émouvoir des gens, enfermer des émotions dans un livre et qu’à l’autre bout du pays quelqu’un, chez lui, allongé dans son lit ou sur un coin de canapé, puisse ressentir des émotions fortes. Quel bonheur ! Ca a à voir avec le partage. Je ne supporte pas de voir un film seul : j’ai besoin de le partager. C’est fabuleux de chercher des idées, d’en trouver, de s’étonner soi-même, de ne pas savoir comment le personnage va s’en sortir, comment il va évoluer. J’écris en ne connaissant pas la fin des albums. J’aime trouver le chemin. Pour la dispute de « L’érection », cette longue engueulade qui est le noeud du récit, j’ai ressenti une espèce d’excitation à l’écrire. Sans jeu de mots – érection, excitation, mon dieu… ! – j’étais enfermé dedans, emporté et c’est venu d’un seul jet – le problème des jeux de mots qui viennent sans le vouloir, c’est qu’ils viennent par deux, désolé – d’un coup comme ça, dans le plaisir immédiat. C’est la seule fois où j’ai éprouvé autant de plaisir à écrire. Une idée me vient comme une évidence. Puis j’ai envie de la creuser. Pour « L’érection », j’avais envie de partir d’une situation minimaliste, sans effet, sans besoin d’un tas de décors ni de beaucoup de personnages. J’avais juste envie de m’amuser avec les dialogues, de creuser de ce côté-là.

     

    iCity : Comment vous est venue l’idée de cette « joyeuse dispute » ? Vous dites avoir d’abord eu « envie de ce titre » je vous cite : « C’est un bonheur rare d’avoir dans sa bibliographie un album s’appelant « l’érection ».

    Jim : Oui, au tout départ, j’ai eu l’envie de ce titre. Puis très vite m’est revenue en tête une soirée passée en festival avec un auteur de BD me racontant sa première nuit sexuelle avec renfort médicalisé. Mais s’il n’y avait eu que ça, le titre ne m’aurait pas intéressé. Ce titre m’a juste permis d’avoir un angle particulier d’attaque pour aller plus loin dans l’approche des rapports de couple. Ce qui est intéressant dans le travail d’écriture, c’est de tenir ce sujet-là, l’érection, et de trouver une suite puis une fin à l’histoire qui tiennent la route. C’est ça qui m’amuse. C’est un truc de sale gamin. L’aventure de « L’érection » est partie du désir totalement irrationnel de deux auteurs, et on a essayé de garder ce désir assez pur, cette envie première, de ne pas trop la corrompre avec les avis des autres. J’ai essayé de m’accrocher à une idée qui m’amusait. Il a été longtemps question de changer le titre car cela posait des problèmes de référencement. On a tout entendu sur l’album : que la FNAC, Amazone ne le référenceraient pas, que les ventes seraient catastrophiques, que les libraires ne pourraient pas le mettre en avant, qu’aucune femme n’oserait l’acheter… Il y a eu une sorte de pression pour ne pas que sorte un livre avec ce genre de titre. C’est un pari, on verra bien, il y a aussi ceux que ça amuse… Et puis, on est en 2016, non ?

     

    iCity : A nouveau une adaptation cinéma, comme pour « L’invitation » ?

    Jim : On a en effet signé l’adaptation cinéma de « L’érection ». Le titre de travail du film est « La Surprise » qui est beaucoup plus passe-partout. Je préfère n’en parler que plus tard, quand ça sortira, car les projets cinématographiques sont des projets très très longs. Je bosse le scénario pour des producteurs avec Bernard Jeanjean. Ca prend les 2/3 de mon temps mais je préfère n’en parler que lorsque ce sera du concret, avec des acteurs, un tournage… Je connais trop les aléas de ce métier et je préfère être prudent, mais nous en reparlerons dans quelques temps avec grand plaisir !

     

    iCity : La BD semble se prêter parfaitement au théâtre pourtant…

    Jim : J’aimerais beaucoup que l’on me fasse une proposition pour adapter « L’érection » au théâtre. Cependant, quand on est un auteur de BD comme moi et qu’on se met a écrire pour le cinéma, on a tout un réseau de connaissances à créer et je ne pourrais pas faire les mêmes recherches pour le théâtre. Je n’ai qu’une vie. Si quelqu’un est intéressé par contre et me contacte, quel régal. C’est la première vocation de l’album. Je ne peux être qu’à l’écoute de quelqu’un qui aurait envie de se lancer dans une adaptation…

     

    iCity : Combien de temps cela vous a t-il pris pour écrire le scénario de « L’érection » ?

    Jim : La version texte correspondant aux deux albums a été faite en dix jours. Après, c’est là que le vrai boulot commence, beaucoup de travail de peaufinage, de découpage, préparer les pages en BD, trouver le rythme en BD, mais le texte pur est venu assez facilement. J’étais à fond dans cette engueulade avec ces personnages, j’ai pris beaucoup de plaisir à l’écrire. C’est un super luxe de pouvoir ainsi se consacrer à l’écriture. On est hanté par un sujet et on ne fait plus que ça : écrire. On y pense à table, le soir avant de s’endormir… Je me lève tôt le matin pour retranscrire mes notes. On est complètement habité par les personnages, on ne pense qu’à ça et le but c’est d’avancer dans l’histoire. Je suis à fond dedans, c’est un vrai luxe que j’apprécie énormément. D’un point de vue social, il y a des absences : on est un peu parti avec ses personnages, mais tous ceux qui écrivent connaissent ça !

     

    iCity : Lorsque vous écrivez, est-ce que vous en parlez à votre femme, vos amis ? Est-ce que vous leur faites lire votre travail pour leur demander ce qu’ils en pensent ?

    Jim : Lorsqu’on part sur une idée, il faut que celle-ci nous plaise vraiment car nous allons y travailler durant de longues années. De l’idée de départ, à l’écriture du scénario, en passant par le dessin, la mise en couleur, sur deux tomes, puis le film qui ne sortira que dans deux ans… Quatre, cinq, voire six ans peuvent s’écouler… Il faut donc une idée sur laquelle on va s’accrocher et qui résistera aux avis et aux courants contraires. On a besoin d’avoir la foi pour porter ainsi une idée pendant aussi longtemps. Je parle de mes projets pour les tester, pour voir quel effet ils produisent sur les gens. Rien que de parler d’une idée, je vois de suite à la réaction des gens si elle est bonne ou pas,. Et une idée doit aussi te poursuivre : si l’idée s’envole au bout de deux ou trois jours, si elle ne reste pas accrochée à ton esprit, c’est qu’il ne faut pas la garder. Une vraie bonne idée est tenace.

    Ma femme est très partie prenante dans ce que j’écris, on se connaît tellement bien. Il y a aussi quelques copains : Arnaud, mon ancien agent de cinéma, qui a un très bon regard sur ce que j’écris, avec un avis très pertinent. Il ne laisse rien passer. Quelques copains que j’appelle « Les Chacals » car ils n’aiment jamais rien, il est donc difficile pour moi de les épater, pourtant c’est ce que j’essaie de faire. Je montre également mon travail à des personnes plus neutres, moins professionnelles, davantage « grand public ». Et bien entendu, je le montre à mon éditeur et à mon directeur de collection dont les avis sont primordiaux.

    Je travaille actuellement sur le scénario de « Une Nuit à Rome » Tome 3. J’ai passé la moitié des barrages d’un point de vue écriture, mais seulement la moitié… Je ne suis pas totalement convaincu. Je rebosse et je corrige… Parfois je choisis des personnes au hasard sur mon blog et je leur envoie mon scénario à lire pour voir quelles seront leurs réactions. Si plus de quatre personnes butent sur une même scène, alors je me dis qu’il y a un souci … Mais même si je prends l’avis des autres avant de me lancer, l’écriture reste une dictature car c’est une création personnelle et au final je n’en fais qu’à ma tête sur le texte. L’art n’est pas démocratique, si on commence à écouter chaque avis, on va dans le mur. Sur un projet perso, c’est donc moi qui enlève la décision ultime. Oui, c’est intéressant de prendre des avis, mais à un moment donné, il faut faire ce qu’on sent… et avoir une vraie tête de cochon.

     

    iCity : Est-ce que ça arrive en BD comme au cinéma que des éditeurs, comme des producteurs, vous imposent un point de vue, des coupures ?

    Jim : Ca m’est arrivé en effet : sur une page de « Nuit à Rome », Tome 2. J’ai été gentiment censuré sur une planche jugée trop sexe. L’éditeur a eu le dernier mot. J’ai demandé à être totalement libre sur les Tomes 3 et 4 (dont je ne sais pas s’ils seront très sexuels au final, de toute façon). Sinon, les interventions se passent simplement et touchent principalement la couverture, le titre ou l’approche commerciale, rarement le contenu puisque la décision de faire ou non le projet a déjà été prise en amont. Dans la BD, on est plutôt assez libre de faire ce qu’on souhaite, de s’adresser directement à ses lecteurs, sans barrage.

     

    iCity : Pourquoi avoir situé l’histoire en pleine période de Noël ? Un moment idéal pour une bonne engueulade ?

    Jim : Parce que c’était très visuel. J’aimais bien ce côté « enfermé à cause du froid dehors » alors que c’est bouillant à l’intérieur. Il y a quelque chose d’anachronique d’être en érection tandis qu’il fait froid. Ce fut intuitif, pas du tout raisonné. C’est souvent le cas d’ailleurs, et après coup, on peut trouver plein de raisons justifiants les choix instinctifs… Mais en l’occurrence, ils sont dans l’hiver de leur sexualité, et Florent essaie de passer une nuit brûlante.

     

    iCity : Avez-vous eu recours à l’aide ou à l’avis d’une femme, la vôtre par exemple, pour écrire les propos tenus par Léa ?

    Jim : En réalité, non, je ne crois pas. J’ai des personnages-femmes assez masculins et inversement. Je ne fait pas de distinguo, je ne les découpe pas comme ça. J’essaie de ne pas le penser comme ça non plus. J’ai pris l’avis de lectrices mais les critiques revenaient sur l’aspect hystérique de la femme, qui peut encore gêner, et je le comprends. mais avant tout, c’est une farce, une comédie. C’est tout l’avantage quand on passe d’un média à l’autre : on peut s’écouter, suivre notre voie jusqu’au bout sans tenir compte des avis de tout le monde.

     

    iCity : Léa est brune, Alexandra est blonde : y a t-il un sens derrière ce choix ?

    Jim : Non, c’était juste pratique pour distinguer les personnages. On avait fait une héroïne blonde dans « Héléna » avec Lounis, on s’est dit qu’on allait changer, c’est aussi simple que ça. D’instinct, selon le cliché, la blonde est plus écervelée, et comme ça en une case, le lecteur sait tout de suite de quelle manière elle va se comporter, quel type de personnage elle va être… quitte à surprendre au final ?

     

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    iCity : Une érection, ça fait plutôt marrer, non ? Pourquoi est-ce que Léa s’emballe comme ça jusqu’à même parler de « trahison ». Ce ne serait pas un peu exagéré ? Sa mauvaise humeur latente n’est-elle pas due en fait à sa contrariété de vieillir ?

    Jim : On ne peut s’empêcher de penser que si Léa fait tant d’histoires pour si peu, c’est parce qu’elle cache une culpabilité. On dirait qu’elle provoque volontairement cette dispute… qu’elle a besoin d’entrer en affrontement. En réalité, elle affronte sans doute plus le temps qui passe et l’inéluctable, c’est contre ça qu’elle est en colère…

     

    iCity : Pourquoi est-ce que Florent ne lui dit pas tout de suite la vérité ? Le viagra, ça peut être un joke assez fun « pour essayer » et se marrer un peu ?

    Jim : Il a un peu honte : il voulait montrer qu’il était en forme, qu’il assurait. Je pense qu’il ne l’aurait pas forcément dit. Je ne sais pas en fait, s’il l’aurait avoué à Léa ou non… Ce qui est sûr, c’est qu’il ne pensait absolument pas que cela finirait en dispute ! Il avait vu ça comme un plan un peu improvisé. Et puis ça a mal tourné…

     

    iCity : Vos personnages ont tous des failles. Vous ne racontez pas une histoire, mais des caractères, des personnalités, des humeurs, des périodes de bon ou de mauvais moral. Les histoires semblent secondaires. Elles semblent n’être là que pour planter un décor aux tempéraments et aux humeurs des personnages…

    Jim : Mes histoires sont des puzzles : je pars de petits bouts de dialogues, d’anecdotes, de notes que j’ai prises et j’essaie de les assembler de manière cohérente. J’essaie de raccommoder entre elles des idées qui paraissent bonnes. Il est vrai que je décris un peu toujours le même personnage masculin. Celui-ci est une sorte d’alter-égo. Il vit des histoires différentes au fil des albums et vieillit tout comme je vieillis. Il évolue, comme moi, au fil de la vie. J’aime raconter des choses proches de la vie des gens, à hauteur d’homme. Cela me fait penser au film avec Hippolyte Girardet, « Un Monde sans Pitié ». Il subit la vie. Il aimerait que tout soit merveilleux mais se cogne à chaque fois à la réalité. Florent avait imaginé une nuit géniale grâce à son subterfuge et la réalité est toute autre, ça tourne à la catastrophe. Pour les prénoms de mes personnages, j’aime piocher parmi ceux de mes amis : ce sont les prénoms de personnes de mon entourage que je connais bien… et qui se reconnaîtront… Des jokes persos !

     

    iCity : Léa a des mots très durs pour Alexandra : une femme parle vraiment comme ça de sa copine pour qui elle a, dites-vous, « une vraie tendresse » ?

    Jim : C’est pour une comédie. Je trouve amusant de voir Léa, bobo, un peu bourge, se mettre à cracher son venin à la moindre petite occasion. Ce contraste est comique. C’est un code qui renvoie au théâtre. C’était aussi un défi : je ne voulais pas faire une BD mettant en scène un couple de bourgeois dans un appartement chic. Je voulais faire ressortir des contrastes : c’est pourquoi il y a autant de tableaux rocks accrochés aux murs de cet appartement ancien, par exemple. Il y a aussi un contraste entre ce qu’ils laissent paraître à l’extérieur et ce qu’ils sont vraiment à l’intérieur. Florent a une érection mais au fond il manque de confiance en lui et a eu besoin de tricher. Léa semble sûre d’elle et vocifère, mais au fond, elle a peur de vieillir et de ne plus être désirable. Petit à petit, ça m’intéresse de voir « tomber les masques ».

     

    iCity : Pensez-vous comme Florent que « Toutes les femmes sont des hystériques » ?

    Jim : Du tout, ce n’est d’ailleurs même pas lui qui le dit, mais Léa qui l’accuse de penser ça. Je voulais jouer avec l’excès. J’ai deux points de départ : le titre, et l’envie de déplacer le curseur de l’engueulade, d’explorer cette facette du couple. Donc, à partir de là, je cherche comment et pourquoi une érection dans un couple pourrait donner lieu à une forte dispute : parce qu’elle n’est pas naturelle ! Ce que j’aime aussi, c’est me lancer des défis. Ici le challenge, c’est de tenir deux albums dans un seul appartement. C’est une contrainte difficile mais c’est cela qui m’amuse. Florent est la victime : il est faible et gêné alors qu’il devrait être un conquérant en érection, un héros. Léa elle, est la conquérante alors qu’elle aurait dû être la victime du désir sexuel de son mari. Je trouve ce renversement de situation comique. C’est la femme qui domine malgré l’érection de son mari.

     

    iCity : Ainsi les hommes penseraient à offrir ce genre de cadeau à leur femme ?

    Jim : L’un de mes très bons amis s’est inscrit sur Meetic après sa séparation d’avec sa femme. Il manquait de confiance en lui et s’est mis au viagra. Dans « L’érection », cette anecdote de départ tient vraiment à cela : un manque de confiance en soi de la part de Florent.

     

    iCity : Léa s’ennuie, dirait-on, dans cet appartement, dans son couple, dans sa vie : on dirait qu’elle reporte cette frustration sur Florent.

    Jim : Une partie de l’histoire parle de la volonté d’être désirée encore et l’érection est le symbole de ce désir. Léa se rend compte que cette érection n’est pas naturelle. Elle en conclut que son mari ne la désire plus. L’excuse de la prise d’une aide médicamenteuse au départ sert à appuyer sur cette faille-là.

     

    iCity : L‘histoire de la bonne vieille réconciliation sur l’oreiller : les hommes ne doutent de rien, on dirait…

    Jim : C’est mécanique, c’est assez masculin…

     

    iCity : On dirait qu’il y a un petit souci avec la place du sapin à travers les cases…

    Jim : J’avoue, je ne me soucie guère de ces préoccupations au découpage. Je privilégie l’esthétique et surtout l’efficacité de la mise en scène, sans tenir compte du plan de l’appartement. Je privilégie le déplacement des personnages et je rajoute un sapin de Noël où il me semble que ce sera le plus joli. Aviez-vous remarqué la place de ce sapin en première lecture ?

     

    iCity : Non, en effet. J’en ai eu la curiosité en lisant le commentaire de Lounis en épilogue.

    Jim : C’est exactement ça. Je ne m’en tiens qu’à cette première lecture parce que je fais ce que je trouve le plus efficace pour être happé par le récit, la logique des décors viendra après. Je préfère privilégier celle du sentiment des personnages. Je suis par contre très attaché à la compréhension du texte et de l’histoire : ceux-ci doivent être fluides et s’imposer comme une évidence. Je ne supporte pas que le lecteur soit obligé de relire une page parce qu’il a perdu le fil de l’intrigue. Je n’aime pas qu’une queue de bulle soit mal placée et gêne la lisibilité du dessin. Parfois il faut tricher sur certaines choses, comme des éléments du décor, pour rendre l’ensemble plus efficace et compréhensible.

     

    iCity : Il y a une dédicace toute petite en fin de livre qui passe presque inaperçue « à Philippe L. ». Pourquoi ne pas l’avoir mise en début de livre ?

    Jim : Oh, c’est un petit clin d’oeil perso adressé à une seule personne… En matière d’érection, restons discret.

     

    iCity : Apres « L’érection », quelle sera votre prochaine « bêtise de potache » ?

    Jim : Des albums plus matures… des titres un peu plus sérieux, je crois. « L’érection » sera-t-il mon dernier coup d’éclat en matière de gaminerie ? Je ne sais pas. Cinquante ans, que diable, n’y a t-il pas obligation à acquérir une certaine respectabilité ? Je pose la question… !

     

    iCity : Etes-vous satisfait des retours suite à la sortie de « L’érection » : de la part des lecteurs et en matière de ventes ?

    Jim : Pour ce qui est des ventes, aucune idée… Les retours des lecteurs sont très emballants, pas de souci là-dessus. J’ai même eu une lectrice hier qui m’a avoué avoir été toute émoustillée à la lecture… Je n’avais pas pensé un seul instant que cette phrase puisse aussi avoir un effet sur la libido ! Les joies de ce métier, vraiment…

     

    iCity : Vieillir, c’est pour l’homme avoir peur de ne plus bander et pour la femme celle de ne plus être désirée ?

    Jim : Ne plus être désirée et ne plus bander, ce sont les deux mêmes croix, mais je pense qu’il y en a bien d’autres. Vieillir, c’est surtout la peur que le temps qui reste soit moins amusant que le temps passé. Alors qu’on ne veut qu’une chose, au fond, dans ce monde trop grave : s’amuser…

    Merci à vous pour ce long entretien !

     

     

     

     

     

    « L’érection »

    Scénario de Jim & Dessins de Lounis Chabane

    Livre 1 (48 pages, 16,90 euros)

     

     

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    Ils sont morts parce qu’ils étaient humoristes, dessinateurs, caricaturistes, journalistes. Ils sont morts parce qu’ils croyaient à la liberté d’expression, à la démocratie, à la laïcité.

    Ils sont morts parce qu’ils étaient juifs, catholiques, bouddhistes, musulmans, agnostiques.

    Ils sont morts parce qu’ils étaient jeunes, parce qu’ils étaient vieux, parce qu’ils aimaient se retrouver entre amis à boire et à manger en terrasse.

    Ils sont morts parce qu’ils allaient à des concerts, parce qu’ils aimaient la musique et la fête.

    Ils sont morts parce qu’ils s’amusaient, parce qu’ils riaient, parce qu’ils parlaient de tout et de rien.

    Et puis ils sont morts aussi parce qu’ils étaient homosexuels, trans, bi, travestis ou lesbian.

    Ils sont morts d’avoir pu choisir quelle vie ils souhaitaient, avec qui baiser, sucer, enculer, aimer, parler, s’enivrer, jouir.

    Ils sont morts tous autant qu’ils sont parce qu’ils étaient libres de danser, chanter, lever les bras en l’air s’ils en avaient envie.

    Ils sont tous morts pour la même raison.

    Ils sont morts parce qu’ils célébraient la vie, cette vie, la seule, brève, fugace, faite de courts instants de bonheur qu’il faut savoir cueillir comme on cueille les cerises.

    Ils sont morts parce qu’ils espéraient, parce qu’ils croyaient tous à la lumière et aux forces du bien.

    Ils sont morts parce qu’ils étaient en vie, que ceux qui les ont tués vivent quant à eux dans la peur, la colère, les ténèbres, et n’aspirent plus à rien d’autre que le silence et le froid du tombeau.

    Notre monde était arc-en-ciel…