Catégorie : Culte

  • Histoire d’un Hit : « Gaby » d’Alain Bashung (1980)

     

     

    Alain Bashung nous quittait le 14 mars 2009. A l’occasion du 10ème anniversaire de sa disparition, de nombreux hommages à son talent et à l’héritage musical qu’il nous laissait lui sont rendus. Revenons aujourd’hui sur l’histoire de l’un de ses plus grands tubes « Gaby Oh! Gaby », sorti en 1980.

     

    C’est l’histoire d’une chanson qui était vouée à n’être que la face B d’un autre single et qui deviendra pourtant l’un des hymnes du rock français des années 80. « Gaby Oh! Gaby », écrite par Boris Bergman, signe également le début des années-succès pour Alain Bashung, alors âgé de 33 ans, lui qui essayait de percer depuis le milieu des années 60 et son premier single sorti en 1966 chez Barclays, « Pourquoi Rêvez-Vous des Etats-Unis ? ».

     

    Reportage : L. Hakim / N. Berthier / M. Savineau

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    De « Max Amphibie » à « Gaby » et ses blagues

    « Gaby Oh! Gaby » devait d’abord s’appeler « Max Amphibie », en référence à Max Amphoux, éditeur des chansons d’Alain Bashung et de son parolier Boris Bergman. Une première maquette fut enregistrée, que l’on peut découvrir sur le coffret « Alain Bashung, Immortel, l’Intégrale 1977-2018 », sorti à l’occasion des dix ans de la disparition du chanteur. Une version moins rock, plus douce. Et surtout sans les paroles rajoutées au dernier moment par Boris Bergman, au départ pour faire une blague à son complice de toujours.

    « Alors à quoi ça sert la frite si t’as pas les moules ? Ça sert à quoi le cochonnet si t’as pas les boules » : deux phrases désuètes et joliment décalées pour faire rire Bashung, comme une sorte de rituel entre eux. « Moi, je rajoutais toujours des bêtises sur les textes » se souvient Boris Bergman. « D’habitude, il éclatait de rire et on recommençait. Mais là, il s’est marré après. La version qui figure sur le disque est donc la première version enregistrée ».

     

    Nouveau souffle

    Avec ces paroles étonnantes et un son inédit, un souffle nouveau s’était définitivement levé sur le rock français. « Ils ont mélangé une espèce d’argot de musiciens avec de l’argot des banlieues. Le texte est complètement surréaliste. Ça donne quelque chose d’incroyable que l’on n’avait jamais entendu », selon Stéphane Deschamps, auteur de « Alain Bashung, sa belle entreprise » (Ed. Hors Collection).

    Une simple private joke devenue un tube intemporel, et qui a surtout permis à Alain Bashung d’accéder à la notoriété et de continuer sa belle et longue carrière. Quelques mois seulement après la sortie de « Gaby Oh! Gaby », le duo Bergman-Bashung frappait de nouveau un grand coup avec « Vertiges de l’Amour ».

     

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  • The Cure, 40 ans de musique et de laque

     

     

    En mai dernier, le tout premier album de The Cure, « Three Imaginary Boys », fêtait son 40ème anniversaire, avec son ambiance post-Punk minimaliste, sa pochette rose bonbon et ses appareils ménagers.

     

    Pour les fans les plus pointus ou les historiens du rock, la rencontre entre les trois membres fondateurs du futur groupe The Cure, Lol Tolhurst, Michael Dempsey et Robert Smith, qui en deviendra le leader charismatique, remonte à 1976. Après plusieurs formations successives aux doux noms de The Group, The Obelisks, Malice ou encore Easy Cure (on se rapproche…), les trois acolytes finirent par arrêter leur choix sur le nom qui leur permettra de traverser quarante années de musique. S’ensuivent des petits concerts ici et là et c’est finalement en 1978 que celui dont la coupe de cheveux fut copiée plus tard par Tim Burton bombarde les maisons de disques avec une maquette composée des quatre premiers titres originaux de The Cure.

    Chris Parry, l’ex-manager des Jam, directeur artistique chez Polydor, souhaite à l’époque fonder son propre label indépendant (Fiction Records). Il perçoit de suite avec The Cure l’opportunité de concrétiser son projet. Cette histoire d’amour et de fidélité durera jusqu’en 2001. Avec l’avènement du mouvement Punk à la toute fin de cette décennie, The Cure commence à s’inventer en se créant enfin une identité propre, tandis que l’Angleterre rentre dans une crise économique durable, implacable, qui laissera sur le carreau un bon nombre de Britanniques.

    Tandis que les Sex Pistols et surtout The Clash se font les nouveaux chantres de l’opposition à la première ministre Margaret Thatcher et à sa politique d’austérité, The Cure, même s’ils surfent dans un premier temps sur cette vague Punk, vont quant à eux privilégier les contenus plus littéraires et poétiques à la basique contestation politique. Et face au marasme général, Robert Smith, qui écrit tous les textes des chansons du groupe, distille plutôt un spleen romantique tout droit sorti des poèmes de Baudelaire ou d’Edgar Allan Poe.

    Tel un message subliminal, le premier single du groupe, « Killing an Arab », dont le thème est emprunté à un texte d’Albert Camus, offre d’ailleurs une lecture à peine voilée du racisme ambiant qui prévaut en Angleterre durant ces années de profonde mutation. Trois ans après leurs débuts dans la petite ville anglaise de Crawley, The Cure font leur toute première apparition télé en décembre 1979 au Théâtre de l’Empire à Paris, dans le cadre de l’émission « Chorus » d’Antoine de Caunes. On notera le pyjama rose du poupon Robert Smith qui n’avait pas encore adopté le fameux look curiste qu’il arborera ensuite.

     

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    Entretemps, Robert Smith fera quelques vacations en tant que simple guitariste au sein du groupe Siouxsie and The Banshees. Il en gardera dès lors cet esprit Glam-Rock en version dark (eye liner, rouge à lèvres baveux, tenue de corbeau, cheveux crêpés et fixés avec trois tonnes de laque), qui deviendra dans les années 80 une esthétique à part entière baptisée « Gothique », et la silhouette reconnaissable entre toutes de cet enfant-adulte à la mine narquoise originaire de Crawley dans le Sussex.

    Pour l’adolescent français tout juste sorti de l’enfance, The Cure s’impose ainsi comme une expérience sensorielle, vestimentaire et intellectuelle ; une empreinte qui façonnera durablement son ADN, avec une approche particulière du monde qui l’entoure, cette manière diffuse d’entretenir la flamme d’une éternelle mélancolie et ce grand écart entre réalité et imagination morbide.

    Pour toutes ces raisons, The Cure deviendra le groupe qui sous-tendra le mieux les doutes existentiels qui peuvent naturellement traverser cette période-clé chez l’adolescent, avant qu’il ne devienne un homme, un vrai… ou pas… En recherche permanente de repères et de modèles à singer, le jeune bien souvent en lutte avec l’autorité parentale et le monde qui l’entoure, se choisit alors cette panoplie et la posture qui va avec.

     

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    Et ça n’est pas avec le premier album « Three Imaginary Boys », ni même avec sa réédition agrémentée du premier single et futur classique du groupe, « Boys Don’t Cry », que la métamorphose se produit. Car tout est question de timing… Non, c’est surtout avec la trilogie sortie entre 1980 et 1982, « Seventeen Seconds », « Faith » et « Pornography », (les) trois (meilleurs) albums, peut-être un peu (ou sûrement) sous influence des quatre groupes majeurs de l’époque que sont Joy Division, Sisters of Mercy, Bauhaus et Killing Joke, que The Cure prend véritablement son envol pour devenir le groupe représentatif des errements de cette génération tiraillée entre la musique Punk qu’elle juge un peu trop violente à son goût, du Rock FM lavasse et du Funk joyeux et sautillant.

    Mais les influences et les citations, qu’elles soient en musique, au cinéma ou dans tout autre domaine artistique, sont des volutes et des boucles… Aujourd’hui, rétrospectivement, The Cure doit en effet en partie son son aux groupes cités plus haut, comme inversement d’autres groupes tels que The Smashing Pumpkins, Placebo ou plus récemment The XX se sont par la suite grandement goinfrés des accords et des tonalités du groupe toujours en noir.

    A commencer par ce fameux son de basse utilisé par toutes ces formations, comme un poids, une ombre, une menace latente qui revient sans cesse sur tous leurs morceaux et qui ici est distillé par le guitariste Simon Gallup, comme un poison moelleux ; une gravité, une mélancolie qui vous ensorcelle et qui sera la signature de The Cure pendant plusieurs années. On appellera ce nouveau genre musical la « Cold Wave ».

    Rester dans sa chambre des après-midi d’automne et d’hiver entiers, avec en fond musical « A Forest », « Secrets », « The Hanging Garden » ou « Primary », s’avérait être une expérience immersive assez saisissante. Le son lourd et amniotique qui vous enveloppait, la voix douce et lointaine de Robert Smith, caressante, qui accompagnait ces mélodies lancinantes et dépressives.

     

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    Avec le recul, la filiation entre le premier album « Three Imaginary Boys » sorti en 1979, qui s’inscrivait encore dans cette mouvance post-Punk, et ce que le groupe allait proposer par la suite, ne semblait pas si évidente que cela. Et même si, au premier abord, « Seventeen Seconds » fût difficile d’accès, il finit par trouver son public et ses fans. « Faith », enregistré dans la foulée, poussait plus loin encore les frontières de cet univers musical glacial et déprimant à souhait. Quant au troisième volet de la trilogie, « Pornography », il devait parachever l’oeuvre, avec ses batteries lourdes et martiales, ses textes morbides, cauchemardesques, et toujours ce son de basse qui vous enveloppe autant qu’il vous étrangle. De tous les groupes de l’époque, malgré ses spécificités, The Cure est celui qui va marquer le plus l’inconscient collectif.

    Alors, comme souvent, après une ascension à ce point fulgurante, The Cure va connaître ensuite une période plus décousue. Peut-être que Robert Smith ne souhaite pas non plus être enfermé dans un genre ; probablement pressent-il que ce succès si rapide risque de le condamner pour l’éternité à ces ambiances atmosphériques et quasi expérimentales. Toujours est-il que les fans de la première heure sont assez déconcertés à l’écoute des singles qui vont suivre…

    Tout en voulant goûter de nouveau à d’autres influences, Robert Smith opte pour le tout synthétiseur avec « Let’s Go to Bed », « The Walk » ou encore une heureuse anomalie et le son jazzy barré de « Love Cats ». Nous entrons en effet à ce moment précis en pleine révolution électronique, avec Depeche Mode, Soft Cell, Visage, XTC, New Order, Anne Clark, OMD, Ultravox, The Human League et bien d’autres groupes émergeants de l’époque.

     

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    En 1984, The Cure sort enfin un véritable nouvel album, psychédélique et déroutant : « The Top ». Plusieurs directions et autant de styles abordés. Mais une fois encore, pour les aficionados, cette livraison ne fait pas l’unanimité. Mis à part « The Caterpillar », « Birdmad Girl » ou peut-être « Shake Dog Shake », les autres morceaux du 33 tours nous laissent quelque peu dubitatifs. Le succès est relatif et les critiques musicaux restent sur leur faim. Mais Robert Smith ne se résigne pas et continue à chercher la recette gagnante. Il veut remporter le jackpot avec un album qui plaira au plus grand nombre.

    Deux ans plus tard, l’album « The Head On The Door » et ses tubes planétaires « In Between Days » et « Close To Me » déferlent sur toutes les radios. A l’heure du tout clip vidéo, chaque chanteur, chaque groupe, se doit d’avoir son clip pour illustrer et soutenir les ventes de disques. Celui réalisé pour « In Between Days » va marquer les esprits durablement. Le réalisateur Tim Pope deviendra d’ailleurs le directeur artistique attitré du groupe, affichant une liste impressionnante de clips produits entre 1982 et 1997. Dépositaire du style, il saura parfaitement retranscrire en image l’esprit de The Cure, comme une marque déposée doublée d’un concept fort.

     

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    The Cure entre ainsi dans la cour des grands. On les voit partout, en particulier en France, jusque chez Michel Drucker le samedi soir dans son émission de variétés Champs Elysées. Un succès cependant à double tranchant, car les fans de la première heure ne s’y reconnaissent plus du tout ; ce qui faisait le sel du groupe, son identité… Et ils n’aiment pas cette façon qu’a Robert Smith de se diluer pour essayer de plaire au plus grand nombre. The Cure perd certes une partie de ses fans parmi les plus radicaux, mais en conquiert quatre fois plus par ailleurs. The Cure devient mondialement connu…

    Là encore, l’album « The Head On The Door » n’est pas désagréable et l’on y retrouve parfois un peu de l’esprit sombre et dépressif des débuts, avec notamment deux morceaux, « A Night Like This » et « Sinking » qui clôt l’album. Mais les deux véritables tubes n’ont quant à eux rien de déprimant, et c’est probablement pour cette raison qu’ils deviennent de tels monuments. Ils s’inscrivent plutôt dans un registre Pop-Folk et même si les textes ne sont pas très portés sur la gaudriole, on sent que le divorce est désormais consommé avec leur première période musicale.

    Fort de cet énorme succès, The Cure publie son septième opus en 1987, « Kiss Me Kiss Me Kiss Me », un double album qui propulse définitivement le groupe en orbite, en se voulant encore plus gros et plus fort que le précédent, qui avait pourtant ouvert la voie à tous les records… Mais cette fois-ci, cette nouvelle salve de chansons fait l’effet d’un gavage d’oie. Les concerts qui vont suivre la sortie des deux singles qui seront eux aussi des tubes (« Why Can’t I Be You » et « Just Like Heaven », un morceau intégralement instrumental) se joueront cette fois dans des stades, à l’instar de Depeche Mode, INXS ou U2, ces groupes qui cartonnent à la fin de ces années 80.

     

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    The Cure est au firmament, à son apogée, en proposant une musique plus variée que jamais ; un son Rock et Folk qui enterre définitivement les ambiances Cold Wave des débuts. Pourtant, en 1989, prenant tout le monde à revers et surtout les fans de la première heure qui n’y croyaient plus, arrive « Disintegration ». De tous les albums confondus, Robert Smith tient enfin son chef d’œuvre absolu… Le disque qui réconcilie les anciennes et les nouvelles influences. Un album dense, puissant, sombre et magnifique, où chaque morceau est un diamant noir ciselé, aux multiples facettes.

    Sous ses abords rutilants de magnifique production promise au succès facile, se cachent dans « Disintegration », en deuxième écoute, des mélodies entêtantes et précieuses. Et hormis les tubes que l’on entend sans cesse sur les ondes (« Lullaby », « Fascination Street » et « Lovesong »), toutes les chansons s’avèrent essentielles à cet édifice grandiose, qui forme une cathédrale élevée à la gloire de Robert Smith et de la contre-culture. L’album dont rêvaient tous les admirateurs depuis « Pornography ». On retrouve d’ailleurs ce son lourd et ces guitares qui pleurent, comme la pluie battante.

    En cette année 1989 qui marque l’avènement des sons électroniques et de l’Acid House, il faut reconnaître que le pari de prendre le contre-pied des tendances émergeantes en revenant ainsi à ses fondamentaux, après dix années d’exposition et de succès, pouvait paraître quelque peu osé. Mais le pari de reprendre l’expérience Cold Wave laissée en friche sept ans plus tôt s’avère payant, car écouter à fond les douze morceaux qui composent « Disintegration », c’est sentir un vent puissant et mélancolique souffler dans les cheveux. Nous revoilà donc adolescents…

     

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    L’album qui suivra en 1992, « Wish », semble vouloir garder le même cap que son prédécesseur. Les dix morceaux qui le composent sont cependant moins inspirés et on sent bien que Robert Smith peine à réitérer le même exploit. Nous rêvions tous en secret d’une nouvelle trilogie mais le miracle n’aura pas lieu. Certes, « High » ressortira de l’ensemble mais hélas, le reste évoque plus le pot pourri que le disque qui marquera les esprits. Même si « Wish » est à ce jour, en terme de ventes, le plus gros succès national et international de The Cure, en se plaçant pour la toute première fois de l’histoire du groupe numéro 1 des charts en Angleterre, la fée de l’inspiration semble cette fois-ci bel et bien envolée…

    « Wild Mood Swings », le nouvel album qui sort quatre ans plus tard ne parviendra pas non plus à nous réveiller de notre profonde léthargie. Après des tensions au sein du groupe, des procès et des portes qui claquent, Robert Smith tente d’intégrer d’autres musiciens à ce nouveau projet. Le résultat final n’est que chansons banales, rythme général décousu, sans aucune ligne réelle qui pourrait donner de la cohérence à l’ensemble.

    En 2000, Robert Smith, toujours accroché à la barre du vaisseau contre vents et marées, sort « Bloodflowers » et tente une nouvelle fois de rééditer le miracle « Disintegration ». C’est peine perdue. L’album s’écoute sans que l’on ne retienne un seul des morceaux qui le composent. Il en ressort une énième redite paresseuse et l’on ne croit plus à cette mélancolie d’adolescent blafard ; indigeste et tout au plus bourratif.

    On aurait pu penser avec l’album éponyme « The Cure » sorti en 2004 qu’enfin, les compteurs allaient être remis à zéro et que nous allions assister à une vraie renaissance. Robert Smith & Co nous proposent cette fois-ci un album plus sec, moins produit et plus rock. Des riffs de guitare tonitruants pour des chansons paradoxalement sans véritable force… On n’y ressent ni la ferveur d’antan, ni le renouveau escompté, voire espéré. C’est comme si le logiciel « The Cure » avait été installé dans votre esprit et qu’il devait désormais en théorie façonner à l’infini les mêmes morceaux, même si dans la pratique, on s’éloignait de plus en plus de l’univers originel du groupe.

    Le dernier album paru à ce jour s’intitule « 4 :13 Dream ». Nous sommes en 2008, à savoir presque trente ans après la sortie de la graine originelle, « Three Imaginary Boys ». Tout ce qui pouvait nous ramener à ce qu’était The Cure vingt ans plus tôt n’est plus que vain espoir. On cherche sur chacun des morceaux ce qui pourrait ressembler à du Cure d’avant, neuf et débarrassé de tous les tics encombrants.

    Et pour la première fois, il faut se rendre à l’évidence : il est difficilement envisageable de parvenir à écouter les treize morceaux d’une seule traite, tant l’expérience est douloureuse pour les oreilles. Pathétiques ritournelles qui semblent encore avoir été créées par des algorithmes piochant ici et là dans la discographie du groupe, entre envolées pop, solos de guitare reconnaissables ou encore la façon de chanter de son leader. Tout sonne faux. Tout tourne à vide.

    Au point que certains en oublient que Robert Smith est un grand guitariste et un immense artiste, probablement un des musiciens parmi les plus influents du 20ème Siècle, qui a aussi consacré des Debussy, Rachmaninov, Ravel, Satie, Messiaen, Chostakovitch, Prokofiev, Bernstein, Riley, Cage, Villa-lobos, Morricone et bien d’autres encore. Conféré son passage télé chez Ardisson en juillet 2003, quand une bande d’idiots semblent ne pas avoir conscience qu’ils sont face à un artiste majeur, à l’immense culture et à la sensibilité exacerbée. On peut comprendre que Smith ait souvent fui les plateaux télé pour privilégier la scène, là où tout est vrai…

     

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    Depuis 2009, The Cure, réduit désormais à trois membres, se contente donc d’écumer les festivals à travers le monde. Sa popularité est pourtant restée intacte, malgré les errements artistiques des vingt dernières années. Robert Smith se cantonne à reprendre indéfiniment ses standards, en surfant depuis dix ans sur la vague de la nostalgie en tube. Tous les vieux dinosaures n’ont d’ailleurs jamais autant tourné dans ces festivals. Et chaque année, on ressort de son bocal telle ou telle célébrité d’un autre siècle…

    Quel étrange paradoxe, qui d’un côté montre l’accélération exponentielle de la technologie et des rapports froids et déshumanisés qui l’illustrent, et de l’autre, inversement, cette course effrénée à la nostalgie et au passéisme, où l’on n’a de cesse que de convoquer les fantômes et divers motifs d’antan. Que ce soit pour la musique ou pour le cinéma, du reste… Toutes ces vieilles badernes ont décidément encore de beaux jours devant elles, à ressasser leurs vieux titres ou se contenter comme Depeche Mode de continuer à enregistrer des disques ineptes, tandis que leurs concerts ne reposent pratiquement plus que sur leurs gloires passées.

    Alors, dans un futur plus ou moins proche, Robert Smith tentera-t-il une nouvelle fois de franchir le Rubicon en poussant la porte d’un studio d’enregistrement. ll sait au fond de lui que malgré l’érosion du temps, l’attente est restée intacte, pour les vieux fans de la première heure que nous sommes restés, qui passent toujours en boucle chez eux les morceaux qui ont tant compté pour eux, quand ils avaient 13 ans, qu’ils étaient dans leur chambre et qu’il pleuvait dehors…

     

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  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 03 : « Moi, Christiane F. »

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    En 1979, Christiane Felscherinow racontait sa descente aux enfers dans « Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… ». Le livre, adapté au cinéma en 1981, est devenu un best-seller et continue encore aujourd’hui à se vendre en librairie. 

     

    Dix ans après Woodstock et à la fin de cette décennie des années 70 qui avait salement douché les derniers espoirs des baby boomers, le monde était de nouveau confronté à la dure réalité des événements, bien loin des rêves d’amour et de paix partagés par la génération précédente de petits bourgeois citadins préservés des guerres et des crises qu’avaient pu connaître leurs parents.

    En 1979, le livre avait fait l’effet d’une bombe. « Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… » racontait l’adolescence de Christiane Felscherinow, jeune SDF allemande rencontrée par les journalistes Kai Hermann et Horst Rieck, qui ont écrit cette histoire suite aux nombreux entretiens qu’ils ont pu avoir avec elle. Cet ouvrage avait ouvert les yeux de toute une génération sur les problèmes de la drogue et de la prostitution, mais plus largement sur le désespoir des jeunes. Écoulé à près de cinq millions d’exemplaires et traduit dans une vingtaine de langues (parution en Français en 1981), ce livre est devenu un best-seller qui continue à se vendre aujourd’hui.

    Ce qui devait être une simple mise en garde tourne tragiquement à l’inspiration malsaine, entre drogue et prostitution, sur fond de mouvement Punk. L’héroïne du roman autobiographique allemand « Moi Christiane F. » devient rapidement un modèle. La vie de l’auteure inspire toute une génération qui imitera ses déboires jusqu’à inquiéter les autorités allemandes.

     

    « Ce livre terrible a connu un retentissement considérable en France et dans toute l’Europe. Ce que raconte cette jeune fille sensible et intelligente qui se prostitue à la sortie de l’école pour payer sa dose quotidienne d’héroïne et la confession douloureuse de la mère font de Christiane F. un livre sans exemple. Il nous apprend beaucoup de choses, non seulement sur la drogue et le désespoir, mais aussi sur la détérioration du monde d’aujourd’hui. »

     

    En 1981 sort au cinéma l’adaptation du roman-témoignage, conçu à l’origine pour être publié sous la forme d’article dans les colonnes du magazine Stern. Berlin la Mythique nous y révélait ses traits les plus sombres et le film nous dépeignait cette jeunesse souterraine vivant nuit et jour aux alentours de la station de métro du Zoo. On se souvient évidemment de « Christiane F. », la bande originale de David Bowie, regroupant des titres déjà parus sur les albums précédents du chanteur, en particulier ceux de sa période berlinoise, « Heroes » (1977) et « Lodger » (1979), et les chansons « TVC 15 » et « Stay » qui y figurent dans leurs versions raccourcies parues à l’origine en 45 tours.

     

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    La nouvelle vie de l’auteure de « Moi, Christiane F. »

     

    En 2013, trente-quatre ans après la première publication de « Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… », paraissait « Moi, Christiane F., la vie malgré tout », la suite du célèbre témoignage devenu culte. Christiane Felscherinow s’y confiait à la journaliste Sonja Vukovic. Elle racontait notamment comment elle fut rattrapée par ses démons. A 21 ans, après cinq ans d’abstinence, la jeune femme reprenait de l’héroïne…

     

    « C’est ce jour, il y a cet Africain qui a sonné à la porte de notre colocation à Hambourg… Il voulait qu’on stocke des paquets… Et il n’est jamais revenu, il a dû se faire arrêter… Alors voilà, il y avait ces cartons dans le grenier, et je sentais, je devinais ce qu’il y avait dedans », raconte-t-elle à « M le Magazine du Monde ».

     

    A 33 ans, l’Allemande donna naissance à son premier enfant, un petit garçon prénommé Philip. Mais toujours à cause de la drogue, elle en perdra la garde. Aujourd’hui, Christiane suit toujours un traitement de substitution à la méthadone et son corps souffre encore des séquelles de son addiction. Elle est atteinte d’une hépatite C et d’une cirrhose du foie…

     

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  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 02 : London Calling

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Never Mind The People

    Du côté de l’Angleterre, l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en mai 1979 laisse présager des lendemains bien douloureux. Le pays se débat en effet dans une crise économique et sociale terrible, ultime convulsion d’un monde en pleine mutation. Les usines et les mines de charbon ferment les unes après les autres, laissant sur le bord de la route deux générations de Britanniques, condamnés au chômage de masse et à une inéluctable paupérisation.

    « L’hiver du mécontentement », le roman de Thomas B. Reverdy, dont le nom a figuré sur la liste du Goncourt en 2015, a pour cadre cette Grande-Bretagne de 1978-1979, paralysée par des grèves monstrueuses qui vont finir par propulser à la tête du gouvernement une inconnue, Margaret Thatcher, femme inflexible.

    Le pays entre dans une nouvelle ère, celle des jeunes loups aux dents aiguisées, bientôt connectés à l’ensemble de la planète, sans morale, sans dieu, vénérant le fric plus que leur propre mère. Ils préparent la grande révolution à venir, celle qui n’a pas besoin de grand soir, de rêves romantiques, d’idéaux en stuc… Ils veulent prendre les commandes de la City, devenir banquiers, actionnaires, hommes d’affaires, assureurs, courtiers, avocats fiscalistes… Et les ouvriers qui crèvent dans leurs bâtiments de briques insalubres, ils s’en foutent, à vrai dire…

     

    « Le reste, on va le liquider. Privatisations, faillites en série, licenciements massifs. Ce sera les grands soldes d’hiver, avant changement de collection (…). Les chômeurs seront de plus en plus nombreux. Mais au moins, ils seront de droite. »

     

    C’est dans ce contexte que sort l’album « London Calling » des Clash  : un album dont la chanson-titre est un appel à la révolte des laissés-pour-compte dans une Angleterre qui a vu le rock devenir punk dans la foulée des tensions sociales. Quarante ans après, l’hymne punk « London Calling » fait partie de la légende du rock.

     

    Punk, la musique de la colère

    Les Beatles sont séparés depuis moins de dix ans et l’époque du Peace & Love et des bed-in semble désormais bien lointaine. La situation économique et sociale a fait surgir de nulle part le Punk, la musique du désespoir et de la colère portée telle un étendard par des groupes comme les Sex Pistols. « Le mouvement punk arrive. C’est un grand coup de pied dans la fourmilière. On ne sait pas bien jouer mais on a une énergie… On va vous montrer. On est là pour défoncer la porte et c’est ce que l’on va faire. » (Alain Lahana, producteur de festivals)

    Et puis un jour de décembre 1979 explose sur les ondes le titre « London Calling ». Un appel à la résistance qui ramène les Anglais quarante ans en arrière, quand ils écoutaient Radio Londres. Un hymne subversif signé The Clash, un groupe punk né en 1976 dans la banlieue londonienne de Ladbroke Grove, sous l’impulsion du duo Joe Strummer et Mick Jones, tous deux à la guitare et au chant.

    Avec ce troisième album studio, The Clash nous livre un instantané saisissant de l’époque et un chef-d’œuvre qui marquera l’histoire de la musique en devenant l’un des meilleurs albums de rock de tous les temps. « London Calling » est un mélange de styles musicaux extrêmement convaincant, animé par une passion pour l’action et un désir féroce de justice sociale, hurlant des paroles qui restent finalement très actuelles.

     

    « London calling to the faraway towns
    Now war is declared, and battle come down
    London calling to the underworld
    Come out of the cupboard, you boys and girls
    London calling, now don’t look to us. » 

     

    Le premier couplet est sans équivoque :

    « L’appel de Londres aux villes lointaines
    Maintenant la guerre est déclarée et la bataille approche
    L’appel de Londres au monde souterrain
    Sortez du placard, vous tous garçons et filles. » 

     

    Et les icônes en prennent un coup…

    « Phoney Beatlemania has bitten the dust » 
    « Toute cette Beatlemania bidon a mordu la poussière »

     

    Le regard sur le monde est désabusé, sans illusion :

    « The ice age is coming, the sun’s zooming in
    Engines stop running, the wheat is growing thin
    A nuclear error, but I have no fear
    ‘Cause London is drowning, and I live by the river. »

    « L’âge de glace arrive, le soleil se rapproche de plus en plus
    Les machines s’arrêtent, les récoltes de blé sont maigres
    Une erreur nucléaire, mais je n’ai pas peur
    Car Londres est en train se noyer et je vis près de la Tamise. »

     

    L’album « London Calling », The Clash l’ont voulu double mais vendu au prix d’un simple, avec déjà dans l’idée d’en faire tant un manifeste social qu’un appel à la résistance. Et sa pochette reprend la police de caractères et la mise en page du premier album d’Elvis Presley sorti 23 ans plus tôt. Déjà 23 ans… Juste 23 ans, on ne sait plus bien comment le dire. En tout cas, les deux covers semblent vouloir exprimer la même énergie et la même rage, entre un Paul Simonon fracassant sa basse sur scène et Presley qui fait souffler avec son album un vent délibérément nouveau sur la musique américaine. Le monde change, de plus en plus vite…

     

     

     

    « Ils se permettent de dire : on vient de là mais on le réinterprète et on a le droit de faire ce qu’on veut. C’est une manière de dire on vous emmerde ! » (Manuel Rabasse, auteur de « Anarchy in the UK » publié aux Editions Camion Blanc)

     

    The Clash ont gravé dans le marbre de la légende du rock un hymne punk qui a secoué le monde bien au-delà des frontières de la vieille Angleterre. Le magazine Rolling Stone a d’ailleurs classé « London Calling » à la 8ème place dans la longue liste des 500 plus grands albums de tous les temps. Avant leur séparation en 1986, Joe Strummer et ses acolytes nous livreront encore deux monuments, « Should I stay or Should I Go? » et « Rock The Casbah ».

     

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    « London Calling » fête donc ses quarante ans, et c’est l’occasion rêvée pour rendre hommage à l’album culte de The Clash, avec une exposition événement dans la capitale britannique.

     

    Le carnet d’un tout jeune Joe Strummer, sa machine à écrire, la basse cassée par Paul Simonon sur la scène du Palladium à New York, le brouillon des paroles de « London Calling », les baguettes de Topper Headon, des tenues portées sur scène, des photos, des films… Du 15 novembre 2019 au printemps 2020, le Museum of London accueillera une exposition gratuite consacrée à l’une des figures de proue du mouvement Punk outre-Manche.

    Le mythique troisième album de The Clash « London Calling » a eu, dès sa sortie le 14 décembre 1979, un impact déterminant. « Un cri de ralliement pour les Londoniens et à travers le monde. Les paroles de l’album reflètent les problématiques de l’époque, dont beaucoup sont encore d’actualité », affirme Beatrice Behlen, conservatrice principale du département Mode et Arts Décoratifs du Museum of London. Une contemporanéité renforcée par l’émancipation du Punk « traditionnel » pour des influences musicales plus diverses.

    Un livre célébrera également l’anniversaire de l’album. Les fans y trouveront des reproductions de manuscrits, des photos et du contenu inédit… à feuilleter avec la réédition de « London Calling » en CD incluse. Et les plus nostalgiques ont jusqu’au 11 octobre pour explorer leur grenier à la recherche de leur bon vieux magnétophone, afin de profiter de la réédition de l’album sur cassette (également disponible en CD et vinyle).

     

    Sources : eil.com / Wikipedia / Causeur

     

     

     

  • Robert Frank, l’Amérique dans le viseur

     

     

    Robert Frank, considéré comme l’un des photographes les plus importants du XXème siècle, est mort à l’âge de 94 ans. Américain d’origine suisse, il était devenu célèbre avec son album « Les Américains » paru en 1958, un livre de clichés en noir et blanc tiré de ses voyages à travers les Etats-Unis, qui a révolutionné l’histoire de la photographie.

     

    Robert Frank, considéré comme l’un des photographes les plus importants du XXème siècle, est mort lundi 09 septembre, à l’âge de 94 ans au Canada, a annoncé le New York Times (en anglais) ce mardi 10 septembre, citant son galeriste new-yorkais Peter MacGill.

     

    « Il a tiré de l’Amérique un triste poème », disait Jack Kerouac.

    Né dans une famille juive allemande à Zurich (Suisse) en 1924, Robert Frank développe un intérêt précoce pour la photographie. A vingt ans, il se rend aux Etats-Unis et trouve rapidement un emploi de photographe chez Life et Harper’s Bazaar. Mais il quitte rapidement cette position confortable pour une vie de photographe itinérant qui lui convient davantage.

    Influencé par Walker Evans, dont il fut l’assistant, mais aussi par Bill Brandt et André Kertész, ou encore par la Beat Generation, il publie en France en 1959 son premier livre de clichés en noir et blanc, « The Americans » ; un manifeste préfacé par Jack Kerouac, fruit d’un périple de deux ans à travers les Etats-Unis (ou « faire la route » comme Kerouac), qui révolutionne la photographie d’après-guerre.

    « Avec son petit appareil photo, qu’il élève et manipule d’une seule main, il a tiré de l’Amérique un triste poème, prenant sa place parmi les poètes tragiques de ce monde », avait écrit Jack Kerouac, l’auteur de « Sur la Route », avant d’ajouter : «  A Robert Frank j’envoie ce message : vous avez des yeux ».

     

     

     

    Son regard a influencé de nombreux photographes

    Le regard sensible et pourtant sans concession de Robert Frank tend alors un miroir honnête et sans concession à son pays d’adoption, l’Amérique, et fait date. Les Etats-Unis et ses habitants y sont saisis dans toute leur diversité. Drive-in, bars, snacks, haute société, laissés pour compte, religion, politique, ségrégation, paysages nus, rues bondées, rien n’échappe à son objectif. A l’époque, « The Americans », qui s’inscrit dans la lignée de la Beat Generation (mouvement littéraire et artistique) et fera de lui une figure de la contre-culture, avait été considéré comme déprimant et subversif, révélant la face sombre de l’American Dream : pauvreté, ségrégation, inégalités et solitude.

    Il a « fait naître une nouvelle iconographie où des visages anonymes s’amalgament au bord de routes tristes, dans les excroissances urbaines ou les vides d’un territoire démesuré », résume la galerie du Jeu de Paume, qui l’a exposé en 2009.

    Le regard de Robert Frank influencera à son tour plusieurs générations de photographes, de Diane Arbus à Lee Friedlander et Garry Winogrand.

     

    Censuré par les Rolling Stones au cinéma

    Après ce coup de maître photographique, Robert Frank se consacre jusqu’au début des années 70 au cinéma. Son premier court-métrage, « Pull My Daisy » (1959), adapté d’une pièce inachevée de Jack Kerouac, est typique de la Beat Generation et l’on y croise d’ailleurs les figures du mouvement, Allen Ginsberg, Peter Orlovsky et Gregory Corso. Ce film qui privilégie l’improvisation est suivi de « Me and My Brother » (1965-68) et « Conversations in Vermont » (1969).

     

    [arve url= »https://vimeo.com/92403607″ align= »center » title= »Robert Frank : « Pull My Daisy » » description= »Pull My Daisy (1959) is a short film that typifies the Beat Generation. » maxwidth= »900″ /]

     

     

    Robert Frank a également signé « Cocksucker Blues » (1972), le célèbre documentaire consacré à la tournée américaine des Rolling Stones, après la sortie de l’album « Exile On Main Street ». Ce film est connu pour montrer l’envers du décor, en particulier des scènes d’excès et de débauche en coulisse (hôtels, backstages, avions privés, limousines), mais aussi des scènes d’ennui et de solitude peu glamour. Mais de ce fait, il n’a jamais été distribué ou diffusé officiellement en raison d’une interdiction par le groupe anglais.

    Installé dans son repaire canadien de Mabou en Nouvelle-Ecosse, il revient ensuite à la photographie avec des photomontages très libres de négatifs et de polaroïds griffonnés et s’engage dans un travail plus autobiographique et introspectif qui donne lieu à plusieurs publications, dont « The Lines of My Hand ».

     

    « Je détruis ce qu’il y a de descriptif dans les photos pour montrer comment je vais, moi », explique-t-il alors. «  Quand les négatifs ne sont pas encore fixés, je gratte des mots : soupe, force, confiance aveugle… J’essaie d’être honnête. »

     

    Il continue le cinéma expérimental en parallèle avec « Energy and How to Get it » (1981), « This Song for Jack » (1983) puis « Candy Mountain » (1987), un road-movie tourné entre New York et la Nouvelle-Ecosse (Canada) et co-dirigé avec Rudy Wurlitzer, dans lequel jouent Tom Waits, Joe Strummer de Clash et Bulle Ogier. Sa vidéo la plus récente, « True Story », remonte à 2004. Le photographe et cinéaste, qui a perdu sa fille Andrea en 1974 puis son fils Pablo en 1994, y explore les thèmes de la mémoire et de la perte.

     

    Source : France Info / Wikipedia

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Claude Sautet ou le Romanesque concret

     

     

    En 1960, lorsque Lino Ventura pousse son ami Claude Sautet à réaliser son premier film pour le cinéma, « Classe Tous Risques », ce dernier n’est encore qu’un obscur assistant-réalisateur, avec certes quelques courts métrages à son actif, mais qui n’ose pas franchir le cap du long-métrage. Timide et discret, il aura donc fallu que ses intimes le convainquent de s’affranchir de cette fonction de subalterne.

     

    Tiré d’un roman de José Giovanni, « Classe Tous Risques » fait pourtant sensation, et les gens du métier sont étonnés tant par la maîtrise de ce jeune réalisateur que par son sens du cadre. Le film asseyant toujours un peu plus l’ancien catcheur dans le vedettariat, Lino Ventura est heureux pour son ami et lui propose d’enfoncer le clou en lui suggérant un deuxième projet, « L’Arme à Gauche », une histoire d’aventure et de machination. Là encore, le succès est au rendez-vous lorsque le film sort en salle en 1965.

    Le jeune Sautet est sous l’influence d’un cinéma de genre américain, un style de films qui plaît au public de l’époque. Mais l’homme aux cheveux poivre et sel et au phrasé saccadé a bien d’autres idées en tête… Car il veut définitivement s’émanciper et créer son propre style, même s’il ne sait pas encore précisément lequel… Il est juste convaincu qu’il se sentirait plus à l’aise avec des personnages qui lui ressemblent, avec les mêmes attentes de la vie.

    Sautet souhaite en fait être le plus sincère possible et faire des films proches des gens. Il veut ainsi renouer avec un cinéma bien français à la Jacques Becker et plus particulièrement sa période après-guerre (« Antoine et Antoinette », « Rendez-Vous de Juillet », « Edouard et Caroline », « Rue de L’Estrapade »). Du romanesque, certes, mais dans la réalité et dans le concret. Paradoxalement, les deux expériences successives qu’il vient de vivre lui ont été douloureuses. Car il n’a pas aimé réaliser… Et on va d’ailleurs lui proposer bien d’autres scénarios d’intrigues policières qu’il va refuser en bloc.

    Sa rencontre avec Jean-Loup Dabadie en 1969 va pourtant être décisive et sceller ainsi une amitié professionnelle sur six films. Ce sera comme un déclic pour Sautet et peut-être enfin l’opportunité de faire ce qu’il avait en tête. Pourtant, monter « Les Choses de la Vie » ne sera pas si évident puisque les deux hommes se voient refuser d’abord le projet par de nombreuses grosses maisons de production.

    Du roman de Paul Guimard, Dabadie, le scénariste et ami d’Yves Robert, va ainsi en tirer une adaptation qu’il propose à Claude Sautet, qui aussitôt accepte de le faire. Les deux hommes collaboreront ensuite sur « Max et les Ferrailleurs », « César et Rosalie », « Vincent, François, Paul et les Autres », « Une Histoire Simple » et « Garçon ! ».

    « Les Choses de la Vie », ce film auquel personne ne croyait, avec en vedette Michel Piccoli et cette actrice allemande, Romy Schneider, connue pour avoir incarné Sissi adolescente en 1956, et qui depuis se trouve dans le creux de la vague (malgré son rôle un an plus tôt au côté d’Alain Delon dans « La Piscine » de Jacques Deray), s’avère être un énorme succès et assoit Claude Sautet comme un véritable réalisateur-auteur, avec une vision, un ton et son identité propre.

     

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    « Les Choses de la Vie » restera notamment célèbre pour la fameuse scène de l’accident de voiture. Anecdote curieuse à ce sujet, puisqu’il faut savoir que cette scène tournée avec plusieurs caméras filmant en même temps, devint une référence et un modèle pour toute une génération de réalisateurs hongkongais contemporains de John Woo, très influencés par cette idée de tourner avec plusieurs caméras, afin d’obtenir différents angles de la même scène. On a souvent prêté à tous ces réalisateurs chinois plutôt des influences de Jean-Pierre Melville. Il s’agissait peut-être de la forme et de la stylisation de ses œuvres, mais en tout cas pas de sa technicité ni de sa réalisation.

    A partir de 1970, c’est alors le début des grandes collaborations de Claude Sautet, pas seulement avec Jean loup Dabadie mais aussi avec Romy Schneider et Michel Piccoli. L’autre rencontre déterminante sera celle avec Philippe Sarde, qui ne quittera plus jamais Sautet et sera son ombre sur tous ses films, jusqu’à « Nelly et Monsieur Arnaud » (à l’exception, cela dit, d’« Un Cœur en Hiver » dont la bande originale puise dans l’œuvre de Maurice Ravel). La musique qui accompagne en les illustrant toutes ces histoires est une évidence, une pulsation, un sang qui irrigue chacun de ces corps filmiques et tellement organiques.

     

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    Claude Sautet était le sismographe des états d’âme de nos contemporains, un sociologue de son temps. Pour dépeindre la société française, qu’elle fût bourgeoise ou prolétarienne, il a tel un maître impressionniste su montrer avec tact et finesse toute l’étendue de l’âme humaine. Les récits d’amour, d’argent, les trahisons, les amitiés, les changements… François Truffaut disait même en parlant de Sautet qu’il était depuis Jean Renoir, le plus français des réalisateurs en activité en France.

    Pour son quatrième film en 1971, « Max et les Ferrailleurs », Sautet reprend le couple Piccoli-Schneider. On aurait pu croire qu’il s’agit pour le réalisateur d’un retour au polar, mais il n’en est rien. Même s’il est question d’un policier et d’une prostituée, avec en toile de fond des malfrats dans le Montrouge de ce début des années 70, on brasse ici d’autres thématiques et bien d’autres enjeux, mais toujours avec cette manière minutieuse de dépeindre l’époque. Nous n’avons pas affaire avec ce film à un drame sentimental, mais plutôt à la perversité, au double jeu et à la manipulation, qui mèneront immanquablement tous les protagonistes à la tragédie.

     

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    Un an plus tard, « César et Rosalie » reprend le motif amoureux des « Choses De La Vie », mais cette fois-ci avec deux hommes qui aiment la même femme. Yves Montand, Romy Schneider et Sami Frey dans un triangle amoureux qui ne finira jamais. La magnifique musique de Philippe Sarde, les éclats de César, la lettre de Rosalie, le troublant David… Il s’agit probablement du film le plus emblématique et le plus romanesque de Claude Sautet. Comme avec déjà ses deux précédents opus, on peut retrouver ce goût immodéré qu’a le réalisateur pour ces ambiances de cafés, de brasseries enfumées, mais aussi pour les groupes et les atmosphères animées qui sonnent comme dans la vraie vie. Cela deviendra indéniablement l’une de ses marques de fabrique.

     

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    « Vincent, François, Paul et les Autres » sort en 1974. Certaines critiques de l’époque reprochent à Sautet de faire un cinéma de Bourgeois, où l’on ne traite uniquement que de leurs vicissitudes. Toutes ces personnes trop empêtrées dans leur morale de gauche n’auront rien compris du tout à ce que le réalisateur tend à raconter à travers tous ses films, ce qu’il y dépeint, ce qu’il cherche à nous transmettre.

    Il s’agit ici d’une histoire au coeur de laquelle des amis quinquagénaires font le constat amer de leur vie. Lâcheté, mensonge, orgueil ou renoncement, alors que tout semble leur avoir réussi… Ils font ainsi la douloureuse expérience de leur propre échec et de leurs désaveux. Montand, Piccoli, Reggiani, Depardieu… Un film chorale où l’on confronte justement divers milieux et diverses sensibilités, qui dépeint une fois encore la France à un instant précis, comme un témoignage unique et rare.

     

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    En 1976, Claude Sautet va pousser l’expérience encore plus loin avec le film « Mado » en traitant des remous sociaux de l’époque. Il creuse davantage, alors que la crise se laisse pressentir de plus en plus. Face à une société en pleine mutation, Il y parle de chômage, de prostitution et même de suicide. C’est sans doute son film le plus sombre avec le suivant, « Une Histoire Simple ». Il fait ainsi voler en éclat les persiflages de ses détracteurs qui voulaient absolument le faire rentrer dans la case des réalisateurs qui n’avaient rien à dire.

    Sans doute agacé par ce qu’il avait pu lire au sujet de ses deux précédents films, Sautet va consciencieusement retourner les éléments peut-être trop « cinéma cossu » pour les rendre sales ou dérangeants. A commencer par son égérie Romy Schneider qui tient un petit rôle secondaire et qui joue une alcoolique mal coiffée et démaquillée qui finira en cure de désintoxication. « Mado » n’est décidément pas un film aimable, mais c’est sans doute l’un de ses plus passionnants et de ses plus riches en thématiques propres à l’époque.

    En 1978, Claude Sautet continue cette cure de désacralisation de son cinéma avec « Une Histoire Simple », qui marque aussi le retour de Jean Loup Dabadie au scénario et aux dialogues. Certes moins ambitieux que « Mado », ce nouveau film continue pourtant son ouvrage sociologique, avec comme but de coller le plus possible à la réalité de l’époque et un nouveau thème fort, à savoir celui de l’avortement. Le film dresse le portrait d’une femme seule mais qui se bat, bien plus résolue que les personnages masculins dépeints comme des lâches et des vaincus.

    Sautet nous y parle aussi de renaissance, d’espoir et dresse des portraits de femmes lumineuses. Sans doute son film le plus féministe. Cette fois-ci, on est bien loin de l’image façonnée par une presse ignare et vindicative qui voulait absolument étiqueter Claude Sautet jusqu’à la fin de ses jours comme l’archétype du réalisateur de films confortables et conformistes.

    1980, « Un Mauvais Fils ». Claude Sautet rebat de nouveau les cartes. Fini, les Michel Piccoli, Romy Schneider ou Yves Montand. Place à Patrick Dewaere, Yves Robert, Brigitte Fossey et Jacques Dufilho. Toujours dans cette logique depuis trois films de désormais souligner les grands thèmes sociaux, ses bouleversements et ce qui touche vraiment les gens dans la vraie vie, il aborde le sujet de la toxicomanie. On sait que l’acteur des « Valseuses » était héroïnomane et c’est ce qui confère au film un accent encore plus âpre et plus cru.

     

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    Mais cela fait déjà trois films que Claude Sautet ne fait plus recette dans les salles. Même s’ils sont pourtant très réussis, le public, en plein tournant entre les années 70 et 80, ne veut plus voir ce genre de drames réalistes. S’il se déplace au cinéma, c’est désormais pour rêver ou rire. On entre dans l’ère des « blockbusters » et des films qui ne froissent pas l’âme…

    1983. De nouveau un grand revirement de la part de Sautet, car il doit absolument renouer avec le public s’il veut continuer à faire son métier et à raconter des histoires pour le cinéma. Ce sera le film « Garçon ! » qui semble avoir été produit autour et pour Yves Montand. L’intrigue, les dialogues, le thème, tout semble avoir été pensé dans le seul but d’attirer les foules.

    Effectivement, sans surprise, le film est un énorme succès ; sans doute le plus gros de la carrière du réalisateur. « Garçon ! » est une bulle, une parenthèse. Il ne dérange pas, il n’est le témoin de rien, si ce n’est une vitrine attractive pour un touriste qui fantasme Paris, ses célèbres brasseries et la cuisine française.

     

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    Dès lors, et ce malgré le triomphe qui accompagne le film, goûtant assez mal l’ironie, Claude Sautet va vouloir renouer avec un cinéma peut-être plus intime, à défaut d’être auteurisant. D’abord avec « Quelques Jours avec Moi » dans lequel Daniel Auteuil et Sandrine Bonnaire s’aiment, au coeur de ce qui ressemblerait à une sorte de huit clos à la Roman Polanski, mais surtout avec une façon de dépeindre la bourgeoisie provinciale en louchant sur le cinéma de Claude Chabrol.

    Car pour la première fois, Sautet raconte une histoire qui se déroule en province. Décalé, baroque, on a du mal à y retrouver ce que l’on aimait chez Sautet, mais le résultat est suffisamment intriguant pour ne pas complètement gâcher notre plaisir.

    « Un Cœur en Hiver », le film suivant, va pousser encore plus loin et de manière plus radicale cette esquisse, avec des personnages plus éthérés, conceptuels et stylisés. La musique de Ravel et ses trios pour cordes et piano ajoute à l’aspect romantique glacé. Tout devient plus abstrait, froid et les histoires qui nous sont contées cette fois, entre Daniel Auteuil, Emmanuelle Béart et André Dussollier, ressemblent à des estampes japonaises. Le triangle amoureux rappelle d’abord bien-sûr celui de « César et Rosalie », mais abordé ici de manière bien plus cérébrale.

    « Nelly et Monsieur Arnaud », dernier film du cinéaste, pourrait prétendre à une certaine forme testamentaire. Le personnage joué par Michel Serrault, avec cette coupe et cette couleur de cheveux, ses costumes sombres, ses traits de caractère et ses colères froides, rappelle indéniablement Claude Sautet lui-même. Emmanuelle Béart, avec ses chignons, ses allures de femme émancipée, libre, détachée de toute contrainte, convoque bien-sûr le fantôme de Romy Schneider… Mais cette histoire ne prend absolument pas. La photographie, les décors, les seconds rôles et l’intrigue, tout semble à côté, dépassé, vide, terne, exsangue… La magie n’est plus là. On s’ennuie à mourir et un malaise indéfinissable nous envahit. Comme une gêne…

    Là aussi, le film semble expurgé de ce qui faisait toute l’humanité des films précédents. Claude Sautet ne semble désormais plus comprendre l’époque dans laquelle il vit et son romanesque laisse place à une description clinique de la mort s’avançant lentement mais sûrement. Rétrospectivement, on imagine Michael Haneke découvrant ce dernier film du réalisateur de « Max et les Ferrailleurs » et qui entrevoit déjà ce que pourrait être son futur film « Amour ».

    Claude Sautet nous quittera cinq ans plus tard, laissant un monde, une société, des gens qu’il ne reconnaît plus.

     

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  • L’acteur américain Peter Fonda, star du film culte « Easy Rider », est mort à l’âge de 79 ans

     

     

    Sorti en 1969, « Easy Rider » est l’un des films étendards de la contre-culture américaine des années soixante. Tandis que nous célébrons cette semaine le 50ème anniversaire du festival de Woodstock, c’est justement l’un des symboles de cette période de l’histoire des Etats-Unis qui décide de nous quitter, Peter Fonda.

     

    Peter Fonda laisse toute une génération orpheline. L’acteur américain, rendu célèbre par son rôle de motard dans le film « Easy Rider » en 1969, est mort, vendredi 16 août, à son domicile de Los Angeles, à l’âge de 79 ans. Fils de la star d’Hollywood Henry Fonda, petit frère de Jane Fonda et père de Bridget Fonda, il a succombé à un arrêt respiratoire, provoqué par un cancer du poumon.

    « Easy Rider », écrit par Peter Fonda, Dennis Hopper et Terry Southern, interprété par les deux premiers et réalisé par Hopper, raconte l’épopée de deux motards, Wyatt et Billy, dont le voyage à travers l’Amérique est semé d’embûches. Il évoque la quête de liberté, à travers une odyssée à moto dans les grands espaces du sud-ouest américain. L’image de Peter Fonda, les jambes étendues sur son chopper Harley-Davidson peint aux couleurs du drapeau américain, est emblématique du cinéma de cette époque.

     

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    « Tandis que nous pleurons la perte de cet homme doux et gracieux, nous souhaitons aussi célébrer son esprit indomptable et son amour de la vie, écrit la famille de l’acteur en annonçant sa mort. En l’honneur de Peter, portez un toast à la liberté, s’il vous plaît ». Jane Fonda s’est dite « très triste ». « C’était mon gentil petit frère adoré, le bavard de la famille, a déclaré l’actrice. J’ai passé des moments merveilleux seule avec lui ces derniers jours. Il est parti en riant. »

     

    Il allait fêter les 50 ans du film culte « Easy Rider »

    « Easy Rider », film pour lequel Peter Fonda a été nommé aux Oscars dans la catégorie meilleur scénario, a ouvert une nouvelle ère à Hollywood. Depuis sa fin marquée par une mort violente, les conventionnelles « happy ends » ont laissé place à des épilogues moins enchantés.

    Après ce succès, Peter Fonda a multiplié les rôles dans différents registres, aussi bien au cinéma qu’à la télévision. En 1998, il avait concouru aux Oscars pour son rôle dans le film « L’Or de la Vie » de Victor Nuñez, qui lui a finalement valu un Golden Globe. Plus récemment, Peter Fonda avait joué Méphistophélès dans « Ghost Rider » (2007). La même année, il avait effectué une apparition remarquée dans le remake du western « 3h10 pour Yuma », aux côtés de Christian Bale et Russell Crowe. Son dernier film, « The Last Full Measure », avec Samuel L. Jackson, Morgan Freeman et Laurence Fishburne, doit sortir fin octobre aux Etats-Unis.

    Pour célébrer le 50ème anniversaire de la sortie du cultissime « Easy Rider », Peter Fonda avait organisé une projection de ce long-métrage de légende, à New York, le 20 septembre prochain. Des musiciens devaient y interpréter la célèbre bande-son rock du film, dont l’inoubliable « Born to Be Wild », du groupe Steppenwolf.

     

    Un écologiste de longue date

    Né en 1940 à New York, Peter Fonda a été très tôt orphelin de sa mère, Frances Ford Seymour, qui s’est suicidée. Il a déclaré dans des entretiens n’avoir été informé que bien plus tard qu’il s’agissait d’un suicide. Il admirait son père, Henry Fonda, tête d’affiche de films comme « Les Raisins de la Colère » ou « Douze Hommes en Colère », mais a ensuite décrit celui-ci comme émotionnellement distant.

    Peter Fonda laisse derrière lui sa femme, Margaret DeVogelaere, et les enfants qu’il a eus d’une précédente union avec Susan Brewer, Bridget et Justin Fonda. Ses deux enfants ont aussi travaillé à Hollywood.

    Militant écologiste de la première heure, l’acteur avait fait sensation au festival de Cannes en 2011, lorsqu’il avait qualifié le président américain de l’époque, Barack Obama, de « putain de traître ». Il lui reprochait sa gestion d’une marée noire dans le Golfe du Mexique, provoquée par le naufrage de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon.

     

    Source : FranceInfo Culture

     

     

     

  • L’album mythique d’AC/DC « Highway to Hell » fête ses 40 ans

     

     

    Le 03 août 1979, AC/DC sortait son sixième album studio, « Highway to Hell ». Ce jour-là, tout fan inconditionnel du groupe australien s’est probablement rué au magasin de disques le plus proche, est ensuite rentré chez lui à la hâte, a posé le vinyle sur sa platine, non sans une certaine excitation, et les premiers accords du morceau éponyme qui ouvre l’album se sont instillés dans son esprit pour toujours. Et il y a fort à parier que cette même scène se soit reproduite partout dans le monde ce vendredi 03 août…

     

    Car quarante ans plus tard, force est de constater que lorsque nous faisons le compte, rares sont les albums qui évoquent quelque chose à toutes les générations qui se sont succédées depuis leur sortie. Rares sont aussi les albums dont tout le monde connaît les premiers accords, identifiables en une seule seconde, et dont la pochette est presque aussi célèbre que les morceaux qui y sont gravés. Mais ce qui est sûr, c’est que parmi ces albums figure forcément « Highway to Hell ».

     

    Parfaite symbiose

    Le 27 juillet 1979, il y a donc quarante ans, le groupe de hard rock australien sortait son magnum opus, d’abord chez lui en Australie puis le 03 août partout dans le monde. L’album qui allait mettre tout le monde d’accord : des fanatiques de punk bien senti aux traditionalistes du rock ‘n’ roll pur et dur, en passant par les métalleux pro-Black Sabbath et les familles biberonnées à la pop britannique. Car « Highway to Hell », c’est l’album qui va définitivement propulser AC/DC au rang d’icône du rock.

     

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    Quand « Highway to Hell » paraît, les Australiens ont déjà plusieurs albums à leur actif, et tous ont connu un retentissement plus ou moins important en Australie comme à l’international. Ils se distinguent invariablement par des rythmes lourds, des accords de guitare rythmique imposants, grattés par la cheville ouvrière du groupe, Malcolm Young. Son frère Angus arrache quant à lui de sa fameuse Gibson SG des chorus démoniaques, virevoltant lorsque la voix de l’extravagant chanteur Bon Scott ne s’empare pas de tout l’espace sonore. Les chansons d’AC/DC sont la définition même de la symbiose d’un groupe, dont aucun des membres n’aurait pu exister sans les autres…

     

    « AC/DC, c’est de la musique rock ’n’ roll. Rien de plus, rien de moins. Peut-être jouée un peu plus fort, mais il n’y a aucune autre différence… » (Angus Young)

     

    Avec des chansons comme « It’s a Long Way to the Top », « T.N.T. », « Let There Be Rock », « Whole Lotta Rosie » ou « Riff Raff », AC/DC s’est peu à peu imposé comme le groupe maître du rock qui tache, tirant le meilleur parti de l’héritage de Led Zeppelin mixé à une passion prononcée pour le blues aux racines prolixes. Certains classent même Angus et sa bande dans la case heavy metal, aux côtés de Black Sabbath et Judas Priest. Ce que le guitariste réfute : « C’est de la musique rock ‘n’ roll. Rien de plus, rien de moins. C’est peut-être un peu plus fort, mais il n’y a aucune autre différence ».

     

    De géant australien à légende internationale

    Du rock ‘n’ roll pourtant unique, particulièrement identifiable. Et en partie grâce à « Highway to Hell », qui cristallise en 1979 toutes les attentes qui entouraient AC/DC. L’album fait ainsi passer le groupe du statut de géant australien à celui de légende internationale, capable de remplir des stades immenses, quel que soit le pays où il se produit. On se souviendra évidemment de certains shows démesurés, comme au stade de River Plate à Buenos Aires en 2009 ou encore au Stade de France la même année. Mais le concert qui marquera les esprits pour l’éternité est celui du 09 décembre 1979 au Pavillon de Paris, qui servira de base au documentaire musical « Let There Be Rock » réalisé par Eric Dionysius et Eric Mistler, sorti sur grand écran en 1980, et qui restera à l’affiche de quelques cinémas parisiens pendant des années…

     

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    La recette de « Highway to Hell » repose en partie sur sa production. Robert « Mutt » Lange est imposé pour produire l’album, et lui donne une sonorité moins brute, plus accessible à la bande FM. Laissant les influences blues au « Some Girls » des Rolling Stones, les membres du groupe s’ingénient à écrire des refrains en forme d’hymnes puissants, assimilables par une foule gigantesque.

    C’est avec cette stratégie en tête que naissent des tubes. « Highway to Hell » en premier lieu, la chanson ultime du groupe, qui fixe sur bande toute l’ambition de ce disque monstre. Les parties de guitare semblant mener une course effrénée contre la batterie, la voix d’orfèvre de Bon Scott et son refrain plus qu’iconique en font un objet d’adoration pour tout amateur de rock.

     

    Usine à tubes

    Et si la chanson-titre est la plus célèbre, le reste de l’album n’a pas à rougir. « Girls Got Rhythm » ne peut que faire s’agiter une longue chevelure de métalleux. « Walk All Over You » calme le jeu sur son lourd refrain pour mieux projeter son énergie sur des couplets diaboliques. « If You Want Blood (You Got It) » offre peut-être le riff de guitare le plus typique d’AC/DC. Si on y ajoute « Shot Down in Flames » ou encore « Night Prowler », le disque ressemble plus à une crasseuse usine à tubes qu’à un album de rock.

     

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    Et à l’écoute des mécaniques de cette usine, il est aisé de comprendre en quoi « Highway to Hell » a pu devenir un objet sacré du rock. En quelques albums, AC/DC est passé d’un hard rock costaud aux influences blues à un hard rock démentiel, taillé pour enflammer (plus ou moins littéralement) les foules.

     

    Chant du cygne involontaire

    Mais cet album ne limite pas son statut culte à sa seule qualité intrinsèque. Son histoire a aussi son rôle à jouer. Le 19 février 1980, après une soirée trop alcoolisée, la voix emblématique du chanteur Bon Scott s’éteint définitivement. Il avait 33 ans, et laisse derrière lui un public orphelin et un groupe au bord de la rupture. « Highway to Hell » restera son chant du cygne involontaire.

    En hommage à son chanteur charismatique, et avec le petit nouveau Brian Johnson derrière le micro, AC/DC publiera en juillet 1980 « Back in Black », qui deviendra d’ailleurs le deuxième album le plus vendu de tous les temps derrière « Thriller » de Michael Jackson sorti en 1982. Et si quelques titres de « Back in Black » résonnent encore dans les têtes des rockers des années 80, comme « Hells Bells » ou « Shook Me All Night Long », les riffs simples mais ravageurs de « Highway to Hell » devraient garder encore longtemps la première place dans leurs coeurs. Et lui permettre de rester l’Album d’AC/DC, avec un grand A…

     

     

    Article de Thomas Hermans (FranceInfo Culture) et Christophe Mayet (Instant City)

     

     

     

  • Les 50 ans de Woodstock : la célébration impossible

     

     

    Le 15 août 1969, Le « Woodstock Music and Art Fair » ouvrait ses portes, pour trois jours de concerts qui allaient marquer l’histoire de la musique comme celle de la contre-culture, d’abord aux Etats-Unis, alors en pleine tourmente, puis partout dans le monde. Les initiateurs du festival historique de 1969 rêvaient d’organiser son « remake » en août 2019, pour en célébrer le 50ème anniversaire. Mais l’événement a du être annulé, de guerre lasse, après de multiples défections d’artistes et changements de lieux susceptibles d’accueillir Woodstock 2019.

     

    Au printemps 1969, personne, et encore moins les jeunes organisateurs de cet événement qui allait marquer l’histoire, ne pouvait prévoir que le festival de Woodstock deviendrait à ce point emblématique de toute une génération et du mouvement hippie naissant. Avec son message idéaliste de paix et d’amour, il tranchait avec la décennie finissante, faite de contestation violente et de meurtres, sur fond de guerre du Vietnam.

    En 1969, la société américaine est en effet fracturée comme elle ne l’avait jamais été auparavant, entre manifestations contre cette guerre à l’autre bout de la planète, le mouvement des droits civiques et les assassinats de Martin Luther King Jr et Robert Kennedy, un an plus tôt. Ultime remède à la colère, Woodstock promet « trois jours de paix et de musique ».

    A l’origine du projet, il s’agissait avant tout de promouvoir, avec une série de 32 concerts, la fine fleur de la musique populaire américaine, qu’elle fût montante ou déjà confirmée. C’était donc il y a 50 ans, du 15 au 18 août 1969, un temps où le rock venait tout juste de naître, où porter les cheveux longs était un acte de rébellion et où les manifestations contre la guerre étaient quasi-quotidiennes.

    Entre 400.000 et 500.000 personnes devaient ainsi rallier les champs de luzerne détrempés appartenant à un certain Max Yasgur, pour entendre des musiciens vedettes de l’époque, comme Janis Joplin ou Jimi Hendrix, dans une atmosphère de liberté et de fraternité, illustrée par les images devenues cultes de ces jeunes gens marchant à moitié nus, voire complètement, main dans la main, partageant herbe ou acide, au beau milieu du déchaînement des éléments…

    Les organisateurs avaient initialement prévu d’accueillir 50.000 spectateurs et fixé à 18 dollars le prix des billets, pour ces trois jours de musique réunissant des groupes aux noms devenus mythiques comme Creedence Clearwater Revival, The Who ou encore Crosby, Stills, Nash and Young. Mais les initiateurs du projet, John Roberts, Joel Rosenman, Michael Lang et Artie Kornfeld, tous âgés à l’époque d’une vingtaine d’années, avaient dû se résigner à rendre l’accès du site libre, confrontés à des embouteillages monstres qui paralysaient toutes les routes de campagne menant à Bethel, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de la ville de Woodstock. De surcroît, dès les premiers accords, des trombes d’eau se mirent à tomber, transformant la prairie en un immense champ de boue.

     

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    « C’était légendaire » 

     

    Sri Swami Satchidananda, maître yogi venu d’Inde, devait donner le ton du festival en l’ouvrant par un appel à la compassion. « Je suis ravi de voir tous les jeunes d’Amérique rassemblés ici au nom de cet art qu’est la musique », déclarait cet homme mince et barbu, assis en tailleur, entraînant la foule dans des vibrations de sons « Om̐ ». D’autres chants plus musclés allaient suivre : Joe McDonald du groupe de rock psychédélique Country Joe and the Fish allait faire reprendre par l’assistance un retentissant « Fuck », avant d’entonner le chant anti-guerre par excellence, « I Feel Like I’m Fixin’ to Die Rag ».

    Alors que des milliers de gens repartaient déjà vers le « monde réel », en ne se rendant aucunement compte qu’ils venaient d’écrire une des plus grandes pages de l’histoire des années 60, le festival se terminait sur une réinterprétation hautement contestataire de l’hymne national américain, « The Star-Spangled Banner », par Jimi Hendrix. La guitare du gaucher légendaire figurait les attaques des bombardiers au Vietnam et les explosions mortelles mêlées aux notes de l’hymne.

     

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    Comme un film torpillé par la critique avant de devenir culte, l’événement avait alors été traité avec dédain par les grands médias. « Les rêves de marijuana et de rock ont attiré quelque 300.000 fans et hippies dans les Catskills, guère plus sains d’esprit que les lemmings qui se jettent dans la mer pour mourir », jugeait le New York Times dans un éditorial du 18 août 1969. Annie Birch, festivalière âgée de 20 ans à l’époque, se souvient au contraire d’un moment « très paisible, vu la masse de gens réunis pour l’occasion ». « Malgré cette pluie démentielle, on avait un feu étonnant qui ne s’éteignait jamais », a-t-elle indiqué. « Tous ces groupes sont devenus mythiques (…) C’était légendaire ». Un demi-siècle plus tard, Annie Birch, désormais septuagénaire, s’estime « heureuse » d’avoir participé à un événement aussi marquant. « Je resterai éternellement dans l’espoir que, pour le bien de l’humanité, une célébration aussi incroyable puisse se reproduire », dit-elle. « Je préfère infiniment l’amour et la paix à la guerre et la haine ».

     

     

    Peur des attentats et des fusillades

     

    Mais cinquante ans après, une répétition du Woodstock originel s’est donc avérée impossible à organiser, dans un pays désormais hanté par la peur des attentats et des fusillades. Les initiateurs du festival d’août 1969 rêvaient pourtant d’un « remake », afin de célébrer dignement ce 50ème anniversaire. Leurs efforts se sont révélés vains, à l’ère des détecteurs de métaux, des chiens renifleurs de bombe et des fouilles systématiques de sacs. « On n’autoriserait pas, de nos jours, un événement comparable à Woodstock », souligne Stuart Cameron, chef de la police du comté de Suffolk, à l’est de New York, et spécialiste de la sécurité des festivals. « Il y aurait trop de risques pour la sécurité du public ». Les comptes rendus de l’époque sont parfois contradictoires, mais les trois jours du festival en 1969 n’auraient fait que deux morts : l’un écrasé par un tracteur de nettoyage et un autre (au moins…) décédé d’une overdose.

    Pour cet anniversaire avorté, Michael Lang, l’un des organisateurs du festival originel, avait pourtant invité quelque 80 groupes ou musiciens à venir jouer, du rappeur Jay-Z à Santana, espérant faire renaître, cinquante ans plus tard et le temps d’un week-end, l’esprit du Woodstock de 1969. Mais impossible de trouver un paysan prêt à les accueillir sur son terrain. Les organisateurs se sont aussi vu refuser l’un après l’autre les permis nécessaires, pour des raisons tenant au dispositif d’assistance médicale, à l’eau, à la nourriture ou au personnel de sécurité. Au-delà du simple aspect sanitaire, la multiplication des fusillades et attentats ces dernières années aux Etats-Unis, notamment lors de concerts, a sensiblement compliqué l’organisation de ce genre de rassemblements de masse.

    « Autrefois, on s’inquiétait surtout des gens qui introduisaient alcool et drogues en douce, maintenant ce sont ceux qui apportent des armes de destruction massive pour tuer tout le monde », souligne Joseph Giacalone, détective retraité, qui travailla longtemps à sécuriser les célébrations du Nouvel An à Times Square à New York. Et l’ex-détective de lâcher : « La société a changé au cours des 20-30 dernières années (…) Les gens qui ont vécu les années 1960 ne connaîtront plus jamais la même expérience ».

     

     

     

    Source : Woodstock Official, France Info et Wikipedia

     

     

     

  • Jean Rochefort : Prince Sans Rire

     

     

    En novembre 2017 paraissait la première et unique biographie à ce jour de Jean Rochefort, l’un de nos trésors nationaux, comme l’ont montré l’incroyable émotion et la pluie d’hommages qu’a suscité sa mort un mois plus tôt, le 9 octobre 2017. Quelques ouvrages lui avaient déjà été consacrés de son vivant, mais aucun qui ne fasse à ce point figure de référence, en racontant cette vie, de scène, de théâtre et de mots.

     

    Jean Rochefort, le comédien inoubliable du « Crabe-Tambour », « Un éléphant ça trompe énormément » ou encore des « Boloss des Belles-Lettres », a accordé des centaines d’interviews au travers desquelles il n’a eu de cesse que de distiller avec cet humour inimitable ce qu’il a toujours refusé de coucher sur le papier. Pour le biographe, outre les 94 pages de notes reprenant les sources des très nombreuses citations qui figurent dans le livre, il en a résulté un véritable jeu de piste sur les traces de cet homme bien plus complexe que ne le laisse imaginer son image de « gentleman farceur », à l’autodérision portée en étendard, au verbe haut et au rire contagieux.

     

    Les Boloss des Belles Lettres : « Les Liaisons Dangereuses »

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    Jean-Philippe Guerand a ainsi mené l’enquête pendant huit années, scrutant sa vie et sa carrière, recueillant et confrontant des dizaines de témoignages, et lui donnant le plus souvent possible la parole. Partir à la découverte de Jean Rochefort, c’est aussi parcourir plus de six décennies d’histoire du spectacle et de vie culturelle française, un bonheur… Un travail colossal, et une approche qui avait déjà fait le succès sept ans plus tôt de « Bernard Blier, un homme façon puzzle », devenue LA biographie de référence d’un autre monument du cinéma français, Bernard Blier.

     

    Arte – Blow Up : C’était quoi, Jean Rochefort ?

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    Jean Rochefort, c’est cet élégant gentleman-farmer breton dont les fous rires évoquent les hennissements de ces chevaux qu’il aimait tant et qui lui ont valu le Mérite agricole. Tout petit déjà, l’écolier tiré à quatre épingles amuse ses camarades, à défaut de briller au tableau noir. Ecrasé par un père autoritaire qui voudrait le voir réussir aussi bien que son frère aîné, il rêve d’un autre monde en écoutant des représentations théâtrales à la radio avec sa mère.

    Faute de devenir comptable, il va jouer la comédie, sympathiser au Conservatoire avec Jean-Paul Belmondo, Claude Rich, Bruno Cremer et Annie Girardot, convertir Philippe Noiret à l’équitation et échanger bon nombre de rôles avec son ami de toujours Jean-Pierre Marielle. Au théâtre, chez Anton Tchekhov et Harold Pinter, puis au cinéma, chez Yves Robert, Patrice Leconte et Bertrand Tavernier, Jean Rochefort glisse des emplois de clown à ceux de séducteur, de la légèreté de « Cartouche » et « Angélique » à la gravité du « Crabe-Tambour » ou « Un étrange voyage ». Avec comme signes reconnaissables entre tous sa moustache, son oeil malicieux, son refus de l’injustice, ses singeries irrésistibles, sa fantaisie et un sens du verbe qui rajeunit joyeusement nos classiques dans « Les Boloss des belles-lettres ».

    Née de huit ans d’une enquête minutieuse, cette biographie donne abondamment la parole à Jean Rochefort pour dessiner le portrait chinois d’un des acteurs préférés des Français, couronné de trois César, dont la vie épouse six décennies de notre histoire et dont quatre femmes, cinq enfants et d’innombrables animaux jalonnent l’existence trépidante.

     

    Écrivain et journaliste spécialisé dans le cinéma, de Première à TéléCinéObs, en passant par Le Film Français et L’Avant-Scène Cinéma, Jean-Philippe Guerand est l’auteur de plusieurs livres consacrés à Woody Allen, Cyril Collard, James Dean, Jacques Tati et Bernard Blier (ce dernier, « Bernard Blier, un homme façon puzzle », également publié chez Robert Laffont).

    Et pour pousser le rire, avec délicatesse, soulignons cette pétition, relayée par François Morel, entre autres, et qui demandait à Dieu de retirer immédiatement la mort de Jean Rochefort.

     

    « Compte tenu du contexte international actuel, compte tenu de la situation économique et politique de notre pays, étant donné que plus de 1600 personnes meurent déjà en moyenne chaque jour dans notre pays, nous ne pensons pas que cette disparition soit appropriée. Nous demandons le retrait immédiat de cette mesure et le retour à la situation précédente, qui satisfaisait tout le monde. »

     

    https://twitter.com/morelexplo/status/918775497777131520?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E918775497777131520&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.actualitte.com%2Farticle%2Fmonde-edition%2Fjean-rochefort-prince-sans-rire-une-biographie-et-une-petition-pour-annuler-sa-mort%2F85417

     

    « Jean Rochefort – Prince Sans Rire » de Jean-Philippe Guerand paru en novembre 2017 aux Editions Robert Laffont, 22 €