Catégorie : Culte

  • Albert Camus, mort un 04 janvier…

     

     

    Il y a soixante ans précisément, le 04 janvier 1960, disparaissait l’un des plus grands écrivains de la littérature française. S’il voue sa vie entière au théâtre (« Caligula », « L’État de Siège », « Les Justes »), ses romans (« L’Etranger », « La Peste », « La Chute ») et son œuvre de journaliste l’imposent comme l’un des principaux acteurs de son temps.

     

    Journaliste, philosophe, romancier et dramaturge, Albert Camus reçoit le Prix Nobel de Littérature en 1957. Pour ce « Français d’Algérie » pauvre et sans racines, le tragique est indissociable de l’aspiration à un bonheur qu’il sait aussi précaire que le soleil de midi.

    « Je fus placé à mi-distance de la misère et du soleil », écrit Albert Camus dans « L’Envers et l’Endroit ». Il est né dans un domaine viticole près de Mondovi, dans le département de Constantine, en Algérie. Son père a été blessé mortellement à la bataille de la Marne, en 1914. Une enfance misérable à Alger, un instituteur, M. Germain, puis un professeur, Jean Grenier, qui savent reconnaître ses dons ; la tuberculose, qui se déclare précocement et qui, avec le sentiment tragique qu’il appelle l’absurde, lui donne un désir désespéré de vivre, telles sont les données qui vont forger sa personnalité.

    Il écrit, devient journaliste, anime des troupes théâtrales et une maison de la culture, fait de la politique. Ses campagnes à Alger Républicain pour dénoncer la misère des musulmans lui valent d’être obligé de quitter l’Algérie, où on ne veut plus lui donner de travail.

    Pendant la guerre en France, il devient un des animateurs du journal clandestin Combat. À la Libération, Combat, dont il est le rédacteur en chef, est un quotidien qui, par son ton et son exigence, fait date dans l’histoire de la presse. Mais c’est l’écrivain qui, déjà, s’impose comme un des chefs de file de sa génération. Camus a déjà publié à Alger « Noces » et « L’Envers et l’Endroit », quand il est introduit par André Malraux à la NRF : « L’Étranger » paraît en mai 1942, « Le Mythe de Sisyphe » en octobre et « Caligula » en 1944, tandis que Camus achève « La Peste », qui sera son premier grand succès.

    L’écrivain sympathise en janvier 1943 avec Michel Gallimard qui, dès la fin de l’année, le fait entrer au comité de lecture. Directeur de la collection « Espoir » après avoir quitté la rédaction de Combat, il y est moins impliqué que Jean Paulhan ou Raymond Queneau, mais considère la NRF comme son « adresse perpétuelle ». Il y défend Romain Gary, Michel Vinaver, Robert Pinget, Violette Leduc et son « frère » René Char, et est l’éditeur des œuvres posthumes de Simone Weil.

     

     

     

    « J’aime mieux les hommes engagés aux littératures engagées. Du courage dans sa vie et du talent dans ses œuvres, ce n’est déjà pas si mal. » (Albert Camus, « Carnets », 1946)

     

    Rattaché à tort au mouvement existentialiste, qui atteint son apogée au lendemain de la guerre, Albert Camus écrit en fait une œuvre articulée autour de l’absurde et de la révolte. C’est peut-être Faulkner qui en a le mieux résumé le sens général : « Camus disait que le seul rôle véritable de l’homme, né dans un monde absurde, était de vivre, d’avoir conscience de sa vie, de sa révolte, de sa liberté. »

    Et Camus lui-même a expliqué comment il avait conçu l’ensemble de son œuvre : « Je voulais d’abord exprimer la négation. Sous trois formes. Romanesque : ce fut L’Étranger. Dramatique : Caligula, Le Malentendu. Idéologique : Le Mythe de Sisyphe. Je prévoyais le positif sous trois formes encore. Romanesque : La Peste. Dramatique : L’État de siège et Les Justes. Idéologique : L’Homme révolté. J’entrevoyais déjà une troisième couche autour du thème de l’amour. »

    « La Peste », ainsi, commencé en 1941 à Oran, ville qui servira de décor au roman, symbolise le mal, un peu comme « Moby Dick » dont le mythe bouleverse Camus. Contre la peste, des hommes vont adopter diverses attitudes et montrer que l’homme n’est pas entièrement impuissant en face du sort qui lui est fait. Ce roman de la séparation, du malheur et de l’espérance, rappelant de façon symbolique aux hommes de ce temps ce qu’ils venaient de vivre, connut un immense succès.

    « L’Homme Révolté », en 1951, ne dit pas autre chose. « J’ai voulu dire la vérité sans cesser d’être généreux », écrit Camus, qui dit aussi de cet essai qui lui valut beaucoup d’inimitiés et le brouilla notamment avec les surréalistes et avec Sartre : « Le jour où le crime se pare des dépouilles de l’innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c’est l’innocence qui est sommée de fournir ses justifications. L’ambition de cet essai serait d’accepter et d’examiner cet étrange défi. »

    Cinq ans plus tard, « La Chute » semble le fruit amer du temps des désillusions, de la retraite, de la solitude. « La Chute » ne fait plus le procès du monde absurde où les hommes meurent et ne sont pas heureux. Cette fois, c’est la nature humaine qui est coupable. « Où commence la confession, où l’accusation ? », écrit Camus lui-même de ce récit unique dans son œuvre. « Une seule vérité en tout cas, dans ce jeu de glaces étudié : la douleur et ce qu’elle promet. »

    Le prix Nobel est décerné à Camus en 1957, pour ses livres et aussi, sans doute, pour ce combat qu’il n’a jamais cessé de mener contre tout ce qui veut écraser l’homme. On attendait un nouveau développement de son œuvre quand, le 4 janvier 1960, il trouvait la mort dans un accident de voiture.

     

    Source : Gallimard

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

     

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  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 16 : La Marseillaise by Gainsbourg

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Nous ne pouvions pas quitter cette année 1979 sans évoquer la Marseillaise version Reggae de Serge Gainsbourg… Parti à Kingston pour enregistrer son album « Aux Armes et Caetera » avec les plus grands musiciens jamaïcains, le chanteur français en rapporte un scandale fondateur.

     

    Ça n’est plus une offense que de passer en 2019 la Marseillaise Reggae de Serge Gainsbourg sur les ondes du service public. 40 ans après l’affaire « Aux Armes et Caetera », les passions se sont apaisées et ce bon Gainsbarre est désormais célébré jusqu’au sommet de l’état comme l’un des plus géniaux représentants de notre culture populaire. Si nous parlons aujourd’hui de cet enregistrement qui fit scandale en 1979, c’est justement pour tenter d’aller un peu plus loin que les grandes pétitions de principe qui, d’un bord et de l’autre, s’affrontèrent à l’époque.

    Une première remarque, tout d’abord : en 1979, lorsqu’il part à Kingston, en Jamaïque, enregistrer cet album reggae qui va véritablement révolutionner sa carrière, Serge Gainsbourg n’a guère connu le succès auparavant. En fait, à deux reprises uniquement. Une première fois, en 1969, avec « Je t’aime moi non plus » et une seconde fois en 1978 avec « Sea, Sex and Sun », 45T qui fut l’un des tubes de cet été-là.

    À l’époque où Serge Gainsbourg décide d’enregistrer « Aux Armes et Caetera », sa cote d’amour navigue donc à marée basse et ses derniers disques – « Rock Around the Bunker », « L’Homme à Tête de Chou » – furent autant d’échecs commerciaux. Seule sa maison de disques Philips semble encore croire en lui en tant qu’interprète.

    Et les musiciens qu’il va rencontrer en Jamaïque, Sly Dunbar, Robbie Shakespeare et quelques autres légendes du reggae, ne connaissent en fait rien de Serge Gainsbourg, si ce n’est cela… Eh oui, toujours « Je t’aime moi non plus », ici dans une version quelque peu salace du jamaïcain Judge Dread datée de 1974. Car « Je t’aime moi non plus » est la seule chanson de Gainsbourg qui ait traversé l’Atlantique en 1979…

     

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    Mais Gainsbourg, avec sa Marseillaise version Reggae, va aussi enseigner aux Français quelques singularités de leur hymne national. Par exemple, le dernier couplet de son « Aux Armes et Caetera »… Il n’est en fait pas de Rouget de Lisle, mais de l’abbé Antoine Pessonneaux, professeur de rhétorique à Vienne en 1792. L’abbé qui écrit ce que l’on appelle « le couplet des enfants », que Gainsbourg a réappris à des millions de Français.

     

    « Nous entrerons dans la carrière

    Quand nos aînés n’y seront plus

    Nous y trouverons leur poussière

    Et la trace de leurs vertus »

     

    D’ailleurs, lors de sa dernière tournée en 1988, Gainsbourg choisira de chanter encore un autre couplet à la fin de sa Marseillaise. Un couplet beaucoup plus patriotique, au premier degré.

     

    « Tout est soldat pour vous combattre,

    S’ils tombent, nos jeunes héros,

    La terre en produit de nouveaux,

    Contre vous tout prêts à se battre ! »

     

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    Mais il est vrai que Gainsbourg n’avait jamais exprimé de sentiments particulièrement opposés à la Nation Française en tant que telle, et appelons un chat un chat, il a toujours apprécié la fréquentation des militaires ou des policiers.

    Son anti-communisme était d’une virulence assez forte pour qu’il ne méfie pas assez des militaires… Et a-t-on vraiment prêté attention à ce qu’il dit au moment du célèbre incident de Strasbourg ? Cherchez bien, vous vous souvenez ? Les paras qui veulent empêcher le concert d’avoir lieu, les musiciens jamaïcains qui refusent de monter sur scène, Gainsbourg le point levé, et ça donne ça. Gainsbourg l’insoumis, le vrai, pas à la mode mélanchoniste…

     

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    Etats-Unis, Gabon, Bahamas… Serge Gainsbourg était autant artiste que voyageur. Les pérégrinations de cet iconoclaste l’ont même mené jusqu’en Jamaïque, La Mecque du renouveau musical. C’est ainsi dans la patrie de Bob Marley que Gainsbourg entre dans sa période Gainsbarre, s’inspirant de la force révolutionnaire et jusqu’au-boutiste du reggae. Un changement de cap symbolisé notamment par le fameux scandale de La Marseillaise… Retour sur la genèse du concert où Gainsbourg mit les « paras au pas ».

     

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    « C’était mon époque reggae, j’en avais marre de Londres, je suis parti après la mort des Sex Pistols… je me suis cassé et j’ai pris les musicos de Tosh et la femme de Marley. J’ai fait deux 33T avec eux, le premier à Kingston et le second à Nassau. » (Serge Gainsbourg)

     

    Lorsque Gainsbourg décide avec son producteur Philippe Lerichomme d’aller en Jamaïque, il prend contact avec Chris Blackwell, le boss du label Island Records, pour qu’il lui arrange le coup et lui trouve les meilleurs musiciens de l’île.

    Aujourd’hui, avec le recul, on peut dire que le casting organisé était parfait : Sly Dunbar à la batterie, Robbie Shakespeare à la basse, Robbie Lyn et Ansel Collins aux claviers, Mikey Chung et Dougie Bryan aux guitares, Sticky Thompson aux percussions et les I-Threes (Rita Marley, Marcia Griffiths et Judy Mowatt) aux chœurs.

    À signaler également, la présence du très regretté Geoffrey Chung derrière la console pour les prises de sons et le mixage.

     

    « Le reggae me branchait par son côté voyou, contestataire, plus proche de l’Afrique. Mais il y a aussi la religion rasta et le feeling. À cette époque, j’étais très fan du chanteur Leroy Smart. J’étais aussi persuadé que mon phrasé « talk over », parlé plutôt que chanté, allait parfaitement coller aux rythmiques reggae. » (Serge Gainsbourg)

     

    Pourtant, lorsque Serge Gainsbourg débarque dans les studios Dynamic Sound en janvier 1979, l’affaire est loin d’être gagnée : « Le premier jour, j’ai rencontré Robbie qui m’a dit : Je dois te prévenir, je ne parle pas. Donc, silence. Et puis on a dû attendre trois jours Geoffrey qui était à New York. C’était l’angoisse car je ne savais pas avec qui on allait enregistrer. »

    « Finalement, je me suis mis au piano du studio et ça les a snobés. Ils ont compris que j’étais l’auteur de « Je t’aime moi non plus », gros hit en Jamaïque. L’ambiance s’est dégelée. Pourtant, contrairement à ce que j’ai dit à mon label, je suis arrivé en Jamaïque sans avoir écrit un seul texte, j’avais juste les titres des différentes chansons ! Il y a eu d’abord deux jours de rythmique, une demi-journée avec les chœurs et ensuite une nuit blanche à écrire… Le lendemain, j’ai mis presque toutes les voix en boîte. J’ai même refait certaines paroles dans le studio. Tout ou presque a été enregistré en une prise. »

     

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    « J’ai toujours eu une affection pour ce genre de plan, Marley, Tosh, mais sur des harmonies trop sophistiquées, ça ne roule pas. Il faut deux harmonies maximum. Comme « Aux Armes et Caetera » et tout ce que j’ai fait sur mon premier album reggae. Il n’était pas question d’avoir plus de trois, quatre harmonies, c’était pas possible. Et c’est comme ça que ça roule avec les rastas… Shakespeare et Dunbar sont parmi les plus grands, mais ils se sont fait jeter par James Brown, faut pas oublier… parce qu’ils pouvaient pas assurer des harmonies trop… sophistiquées. Sur une ou deux harmonies, ils sont superbes… (il rythme), (rires)… autrement, ça va pas. »

     

    Malgré tout ce qu’a pu vivre Serge auparavant, il est tout de même impressionné par l’ambiance qui règne à Kingston : « faut être cool pour survivre là-bas. Quand on rentrait du studio à une heure du matin, certains coins faisaient vraiment peur. En fait, je ne suis resté qu’une semaine et je n’ai rien vu du reste de l’île. »

     

    Ce qui surprend surtout à l’écoute de l’album « Aux Armes et Caetera », c’est l’adéquation entre les versions instrumentales et la voix de Serge – que les musiciens ont surnommé le « Barry White français » – cette impression de fluidité et de légèreté : rarement la langue de Molière a aussi bien sonné en musique.

    Sur ce 33 tours, Gainsbourg revisite deux de ses anciens titres : « Pauvre Lola » [« Lola Rastaquouère »] et « La Javanaise » [« Javanaise Remake »). On y trouve également une adaptation de « Vieille Canaille », une chanson de 1931. Comme à son habitude, Serge s’amuse sur quelques titres, comme « Les Locataires » : « eau et gaz à tous les étages ». Sans oublier le texte « Brigade des Stups » qui prend tout son sens au pays de la ganja. Mais le reste des paroles est beaucoup plus sérieux, Serge maniant l’ironie et la dérision comme peu d’auteurs ont su le faire avant lui (« Des Laids des Laids », « Pas Long Feu » ou « Daisy Temple »).

    Cet album fait aussi beaucoup parler de lui à cause de la polémique sur sa réinterprétation de l’hymne national en version reggae. Le journaliste du Figaro, Michel Droit, reprochant même à Serge Gainsbourg de « propager inconsciemment l’antisémitisme en associant cette parodie scandaleuse avec notre hymne national ». On se souvient aussi de son concert à Strasbourg investi par des membres d’une association d’anciens parachutistes qui désapprouvent sa réinterprétation de « La Marseillaise ». Gainsbourg leur répond en chantant l’hymne national a cappella et le poing levé !

    Loin de lui porter ombrage, cette polémique porte le disque, une jeune génération s’entiche des 12 morceaux, et découvre Gainsbourg en même temps que cette musique venue tout droit de Jamaïque, le Reggae. « Aux Armes et Caetera » deviendra le premier album platine de Serge Gainsbourg et connaîtra une suite presque aussi réussie avec « Mauvaises Nouvelles des Etoiles ».

     

    En ce premier jour de l’année 2020, nous sommes ravis de clore ce 40ème anniversaire de l’année 1979 avec Serge Gainsbourg, car quel autre précurseur que lui aurait pu aussi bien symboliser cette année-charnière qui scellait le sort de nos dernières utopies… Après 1979, rien ne fut plus jamais comme avant.

     

    Sources : Musiq XXL / Bertrand Dicale / Sens Critique

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 15 : Reggatta de Blanc

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Never Mind The People

    Du côté de l’Angleterre, l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en mai 1979 laisse présager des lendemains bien douloureux. Le pays se débat en effet dans une crise économique et sociale terrible, ultime convulsion d’un monde en pleine mutation. Les usines et les mines de charbon ferment les unes après les autres, laissant sur le bord de la route deux générations de Britanniques, condamnés au chômage de masse et à une inéluctable paupérisation.

    « L’hiver du mécontentement », le roman de Thomas B. Reverdy, dont le nom a figuré sur la liste du Goncourt en 2015, a pour cadre cette Grande-Bretagne de 1978-1979, paralysée par des grèves monstrueuses qui vont finir par propulser à la tête du gouvernement une inconnue, Margaret Thatcher, femme inflexible.

    Le pays entre dans une nouvelle ère, celle des jeunes loups aux dents aiguisées, bientôt connectés à l’ensemble de la planète, sans morale, sans dieu, vénérant le fric plus que leur propre mère. Ils préparent la grande révolution à venir, celle qui n’a pas besoin de grand soir, de rêves romantiques, d’idéaux en stuc… Ils veulent prendre les commandes de la City, devenir banquiers, actionnaires, hommes d’affaires, assureurs, courtiers, avocats fiscalistes… Et les ouvriers qui crèvent dans leurs bâtiments de briques insalubres, ils s’en foutent, à vrai dire…

     

    « Le reste, on va le liquider. Privatisations, faillites en série, licenciements massifs. Ce sera les grands soldes d’hiver, avant changement de collection (…). Les chômeurs seront de plus en plus nombreux. Mais au moins, ils seront de droite. »

     

    C’est dans ce contexte que paraît l’album « Reggatta de Blanc » du groupe de rock britannique The Police. Sorti le 5 octobre 1979 chez A&M Records, ce disque, à l’image de la société anglaise qui entre dans une période de mutation profonde, va permettre au groupe de sortir de la mouvance punk dont il était encore peu de temps avant l’un des piliers, avec The Clash, en saupoudrant dans sa musique des ingrédients tels que reggae, world music, pop ou rock.

    Le gris bleuté de la pochette, avec ces trois blondinets qui fixent l’auditeur potentiel d’un regard glacial, en cette fin d’année 1979, ne laisse cependant pas présager un seul instant que ce jeune trio deviendrait, en un temps record, le groupe de rock le plus demandé, adulé et imité de la fin des 70’s. Tout juste un an après le succès de leur premier album, « Outlandos d’Amour », la bande à Sting a le vent en poupe et compte bien surfer sur l’immense succès des « Roxanne » et autres « Can’t Stand Losing You » qui continuent d’inonder les programmations radio.

    Avec ce deuxième opus, le trio anglais se doit donc de frapper un grand coup. Il reproduit ainsi la recette imparable du premier album, avec cependant de savantes petites retouches qui vont contribuer à propulser The Police au sommet des charts du monde entier. A commencer par « Message In The Bottle » ou « Walking On The Moon » qui contiennent tous les ingrédients de tubes planétaires, avec leurs mélodies immédiates, cette petite touche reggae et des arrangements qui s’affinent nettement.

     

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    Car cette année 1979 est définitivement l’année de l’explosion du reggae à l’international, marquant le virage radical d’un certains nombre de groupes, qui surfent sur la vague initiée par Bob Marley et son oeuvre ultime, « Survival ». Dans son sillage, donc, des albums majeurs vont venir ajouter leur petite pierre à l’édifice, rendant universel et planétaire le discours de la musique jamaïcaine : « Reggatta de Blanc » de Police, « London Calling » de Clash, « Aux Armes et Caetera » de Serge Gainsbourg ou encore le hit infaillible des Specials, « Gangsters »…

     

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    « Reggatta de Blanc » est un album qui étonne par son originalité, sa fraîcheur et le son minimaliste qu’il dégage. La singularité de Police réside aussi dans le fait qu’ils ont su créer une musique avec des espaces et des silences qui la rendent unique. Le son cristallin et aérien de la Fender d’Andy Summers est sans conteste la marque de fabrique du groupe. La frappe ravageuse, précise et opportuniste de Stewart Copeland pose les bases d’une rythmique carrée qui sous-tend l’ensemble.

    Ajouté à cela, un son travaillé, peaufiné et affiné par une multitude d’effets que maîtrise à la perfection le trio anglais et la basse ultra perfectionniste et inventive de Sting qui vient compléter cet assemblage délibérément rock. Mais pas que… Grâce aussi à un manager (Miles Copeland, le frère de Steward) redoutablement efficace, le trio va sortir une des plus innovantes et surprenantes galettes de l’histoire du rock, en cette fin des années 70. Il en résulte un album net, précis, efficace, dont vous ne ne pourrez pas écarter grand chose…

    Les Anglais ont vite appris de leurs erreurs et les corrigent dès leur second album, avec notamment moins d’approximation dans l’écriture, ce qui donne un disque plus homogène. C’est au détriment des titres les plus bruts et rock, puisque la musique de The Police se lisse sensiblement et l’aspect pop l’emporte désormais sur l’énergie brute, clef de voûte de l’exercice précédent. Si les influences reggae sont omniprésentes (« The Bed’s Too Big Without You », « Walking On The Moon »…), des sonorités électroniques apparaissent sur la popisante « Contact », alors que l’intro au piano de « Does Anyone Stare » installe une ambiance blues, nouvelle pour le groupe.

    Avec « Reggatta de Blanc », The Police fait son trou et est au sommet de son succès, à défaut d’être au sommet de son art, atteint en 1983 avec l’album ultime, « Synchronicity ». Mais ce disque défriche le terrain et assoit définitivement la popularité des Londoniens. L’ascension est fulgurante, comme le sera la carrière du groupe qui s’achèvera au bout de six ans et cinq albums. Il n’en faut pas plus pour écrire la légende du groupe et de ses membres, et inscrire « Reggatta de Blanc » dans la grande histoire du rock.

    En cette fin de la décennie 70, The Police ont certes acquis une certaine reconnaissance en France, avec leur premier opus « Outlandos d’Amour », mais c’est certainement leur passage live le 23 décembre 1979 sur la scène du Théâtre de l’Empire, dans le cadre de l’émission musicale Chorus, qui va établir définitivement la réputation du groupe. C’était donc il y a quarante ans et c’était bien…

     

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  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 13 : McDonald’s

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    17 septembre 1979, ouverture officielle du premier McDonald’s en France. Ça, c’est pour la version officielle… Car l’histoire a été réécrite de toutes pièces : c’est en effet un certain Raymond Dayan qui a importé la marque comme le concept du fast-food en France sept ans plus tôt, en 1972, alors que la maison-mère américaine était très sceptique quant à la viabilité d’une implantation dans notre doux pays.

     

    Cet anniversaire ne serait donc qu’une escroquerie barbouillée de ketchup et surmontée d’une rondelle de pickle ? Ce 17 septembre 1979, c’est pourtant encore aujourd’hui très officiellement la date gravée dans le marbre de l’histoire du géant américain de la restauration rapide, ainsi que sur la façade de la première enseigne McDonald’s ouverte en France, à Strasbourg. « Nous étions des pionniers », se souvient Michel Ksiazenicer, le premier franchisé. « Cependant l’accueil fut plutôt chaleureux, et les réactions des Alsaciens plus curieuses qu’hostiles », comme nous indique le site de la maison-mère. Sans doute… Car ça fleurait bon le bonheur qui dégouline entre deux buns, à en croire le reportage du journal télévisé de l’époque.

     

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    Mais il n’en reste pas moins que l’histoire a été réécrite de toutes pièces… Car McDonald’s cherche en fait depuis quarante ans à effacer des tablettes un homme, Raymond Dayan, celui qui importa la marque comme le concept du fast food en France sept ans plus tôt, en 1972, après une première expérience à Chicago. Les hamburgers en France, McDo n’y croit pas et accorde une licence à des conditions plus qu’avantageuses à l’entrepreneur français, qui obtient de surcroît l’exclusivité sur tout le territoire.

    Raymond Dayan est ainsi autorisé à ouvrir jusqu’à 150 restaurants et la licence lui est accordée pour trente ans. Mais surtout, les conditions financières négociées par l’homme d’affaires sont royales : il ne doit reverser que 1,5 % de son chiffre d’affaires à la maison mère contre près de 20 % aujourd’hui pour un franchisé McDo lambda.

     

    « Je suis vraiment l’incarnation du rêve américain, le seul pays au monde où un émigrant qui a l’esprit d’entreprise et qui a une nouvelle idée, peut venir, y concrétiser son projet et réussir. La France, c’est le pays de l’excellence culinaire. Et venir y importer un concept tel que le hamburger, McDonald’s n’y croyait évidemment pas. Manger avec les doigts, souvent debout, les Américains pensaient que les Français ne s’y mettraient jamais… » (Raymond Dayan en 1984)

     

    Le premier McDo ouvre donc, non pas à Strasbourg en 1979, mais à Créteil, en région parisienne, le 30 juin 1972. Un fast food qui existe d’ailleurs encore aujourd’hui… Les débuts sont cependant quelque peu laborieux. Si les curieux se pressent à Créteil pour voir ce nouveau concept qui cartonne aux Etats-Unis, la mayonnaise ne prend pas immédiatement.

    Raymond Dayan a beau ouvrir un second McDonald’s sur les Champs-Elysées à Paris en 1973, il faudra attendre trois ans pour que ses restaurants cessent de perdre de l’argent. Mais à la fin des années 70, l’homme d’affaires est le roi du hamburger. Il est à la tête de quatorze restaurants qui servent 6 millions de repas par an et réalisent 60 millions de francs de chiffre d’affaires (près de 33 millions d’euros actuels en prenant en compte l’érosion monétaire).

     

    « En 1972, après avoir ouvert le premier McDonald’s à Créteil, j’ai du trouver très rapidement des gens qui sachent faire des hamburgers pour mes autres restaurants. Comme j’étais le premier à lancer le concept, j’ai du former le personnel…  » (Raymond Dayan en 1972)

     

    McDonald’s réalise alors son erreur et propose dans un premier temps à Raymond Dayan de racheter ses restaurants. Celui-ci refuse et la marque américain contre-attaque en invoquant le non-respect de ses règles d’hygiène. S’ensuit une terrible bataille juridique remportée finalement par le géant américain en 1982. Si l’entrepreneur français gagne le procès en première instance, il perd finalement en appel et doit rebaptiser ses 14 restaurants O’Kitch. La marque sera rachetée ensuite par le belge Quick, qui veut se faire une place au soleil sur le marché français.

    Aujourd’hui la filiale française de McDonald’s est l’une de plus florissantes du groupe. Près de 1500 restaurants, 69.000 salariés et 1,8 million de repas servis par jour. Elle se paie même le luxe de posséder le McDo qui réalise le plus gros chiffre d’affaires du monde, celui des Champs-Elysées à Paris, l’artère sur laquelle Raymond Dayan avait ouvert son deuxième restaurant en 1973. Manger avec les doigts, parfois debout, les Français s’y sont finalement mis…

     

     

     

  • Le film « Les Bronzés font du ski » fête ses quarante ans

     

     

    Vendredi 22 novembre 2019, le film culte « Les Bronzés font du Ski » de Patrice Leconte fêtait ses quarante ans. Un coffret vient de sortir afin de célébrer comme il se doit cet anniversaire. L’occasion de replonger avec délectation dans l’ambiance de ces bonnes vieilles vacances de ski à l’ancienne…

     

    Le 21 novembre 1979, le film « Les Bronzés font du Ski » de Patrice Leconte débarquait donc sur grand écran. Des bronzés au style caractéristique et à l’esprit moqueur qui imposaient des dialogues rentrés depuis quarante ans dans l’inconscient collectif. Inoubliable aussi : la musique signée Pierre Bachelet, qui nous transporte instantanément sur les pentes de Val d’Isère, là précisément où a été tourné le film. Une station pas loin d’être devenue un lieu de pèlerinage…

    Après « Les Bronzés », sorti exactement un an plus tôt, le 22 novembre 1978, qui avait fait 2,3 millions d’entrées, un bon résultat mais pas un record pour l’époque, c’est le producteur Yves Rousset-Rouard, oncle de Christian Clavier, qui persuade la troupe du Splendid et le réalisateur Patrice Leconte d’ajouter un deuxième volet à la série, qu’un troisième épisode viendra compléter en 2006.

     

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    A sa sortie, « Les Bronzés font du Ski » marche, mais sans déchaîner les foules, faisant moins d’entrées que le premier volet (1,6 million). Le film s’impose cependant au fil du temps et de ses nombreuses rediffusions à la télévision, « 17 à ce jour », précise Patrice Leconte, comme l’un des incontournables de la comédie française, « propulsant avec un petit turbo », ajoute-t-il, sa carrière ainsi que celle de ses acteurs.

     

    « C’est aussi un film qui ne vieillit pas », souligne Patrice Leconte, estimant que « des films du Splendid, c’est sans doute le plus familial ».

     

     

    Le réalisateur se souvient aussi d’un tournage parfois un peu compliqué. Notamment la fameuse scène de la dégustation de la liqueur de crapaud. « Ça nous faisait rire, c’est aussi bête que ça. Cette espèce d’étincelle dans l’oeil me plaît énormément. Et c’est vrai que lorsqu’on regarde la scène chez les Savoyards qui les recueillent, on sent qu’ils ne sont pas loin d’éclater de rire ». Et voilà comment « Les Bronzés » ont révolutionné la comédie à la Française.

     

    « La troupe du Splendid vient du café-théâtre ; le café-théâtre a rebattu les cartes et vraiment modifié la donne du spectacle vivant en France. C’était une nouvelle génération qui était beaucoup plus libre, mais surtout plus proche du public et des thématiques propres à la jeunesse de ces années 70. » (Alexandre Raveleau, Auteur de « Les Bronzés, la véritable histoire » paru aux Ed. Hors Collection)

     

    Et dire que la troupe du Splendid ne voulait pas à l’origine tourner cette suite au premier volet, « Les Bronzés », sorti un an plus tôt. Mais quarante ans plus tard, chaque passage télé des « Les Bronzés font du Ski » continue à faire tomber les records d’audience les uns après les autres.

     

     

    « Sur un malentendu »

    « Ecoute Bernard, je crois que toi et moi on a un peu le même problème, c’est-à-dire qu’on ne peut pas vraiment tout miser sur notre physique, surtout toi. Alors si je peux me permettre de te donner un conseil, c’est : oublie que tu n’as aucune chance, vas-y, fonce ! On sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher. » (Michel Blanc, dans le rôle de Jean-Claude Dusse, à Gérard Jugnot, dans celui de Bernard)

     

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    « Vous avez de la pâte ? Vous avez du suc ? » 

    « Vous avez de la pâte ? Vous avez du suc’ ? Alors, avec la pâte vous faites une crêpe, et puis vous mettez du suc’ dessus ! » (Bruno Moynot dans le rôle de Gilbert Seldman, à Marie-Anne Chazel alias Gigi, qui travaille dans une crêperie)

     

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    « Quand te reverrais-je… »

    « Quand te reverrai-je, pays merveilleux, où ceux qui s’aiment, vivent à deux… » (Jean-Claude Dusse chantant sur un télésiège où il est bloqué pour la nuit)

     

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    « Excusez-moi, mais vous êtes en train d’uriner sur ma voiture. » 

    (Bruno Moynot, jouant Gilbert Seldman, à Gérard Jugnot, dans le rôle de Bernard)

     

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    « L’année prochaine, je skie au mois de juillet » 

    « Moi j’ai acheté cet appartement du 15 au 30, si tout le monde dépasse d’une demi-journée, qu’est-ce qu’il se passe ? L’année prochaine, je skie au mois de juillet. » (Bernard au locataire précédent de son appartement)

     

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    « Copain comme cochon » 

    « Copain, c’est son nom. On l’a appelé comme ça, Copain comme cochon... »  « Mais bouffez-le, votre cochon ! » (Jérôme, médecin généraliste joué par Christian Clavier, et un couple qui lui amène un cochon à soigner)

     

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    « Le planter de bâton » 

    « Monsieur Dusse, ce qui ne va pas, c’est le planter du bâton. »  « Je vais te le planter, le bâton, moi ! » (Le moniteur de ski et Jean-Claude Dusse)

     

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    « Je sais pas ce qui me retient de te casser la gueule ! La trouille, non ? Ouais, ça doit être ça… » 

    (Michel Blanc et Thierry Lhermitte, alias Popeye)

     

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    « Conclure » 

    « Ça veut dire qu’éventuellement, si vous étiez au bout du rouleau, on pourrait envisager de conclure ? » (Jean-Claude Dusse à Nathalie – Josiane Balasko – et Gigi, quand ils attendent les secours dans la montagne)

     

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    « Je suis végétarien ! » 

    « C’est quoi les petits trucs blancs dedans ? »  « Ça, c’est les vers. Ben oui, comme ça, il y a de la viande aussi. »  « Je suis végétarien ! » (Jean-Claude Dusse et les montagnards qui leur font goûter une spécialité locale, la fougne)

     

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  • Depeche Mode : Le romantique sculpté dans des synthés – Partie 2

     

     

    Deuxième partie : Drogue, Blues & Repentir

     

    Comme pour toute descente sur l’autre versant d’une montagne, elle s’avère souvent bien plus périlleuse que la montée. L’important, c’est d’essayer de défier la gravité et savoir toujours se relever pour continuer…

     

    Alors devoir enchaîner après un album comme « Violator », c’était là pour Depeche Mode une gageure quasi-homérique. Un peu comme les Beatles après leur album « Revolver », qui transformeront pourtant l’essai avec « Sergent Pepper’s Lonely Hearts Club Band », ou encore Bowie, qui après « The Man who Sold The World » propose dans la foulée « Hunky Dory ». En effet, peu d’artistes et de groupes ont su ainsi maintenir cette maîtrise sur le même fil et faire durer cet état de grâce. Depeche Mode vont eux aussi y parvenir, mais dans la douleur et l’affliction. Cela tombe bien car ce sera d’ailleurs le thème de leur prochain album…

    Car Dave Gahan se gave d’héroïne et il a perdu beaucoup de poids. Son apparence tient désormais plus de la rockstar maudite, aux cheveux longs et sales et à l’Eyeliner dégoulinant. Quant aux autres membres du groupe, ils vont devoir prendre sur eux… Tout ce beau monde s’envole donc pour l’Espagne, pour l’enregistrement de ce nouvel opus. Même producteur que pour le précédent, avec Alan Wilder de nouveau aux manettes du projet. Les sessions sont longues et douloureuses. On se demande d’ailleurs ce qui va bien pouvoir sortir au terme de cet accouchement aux forceps…

    « Songs for Faith and Devotion » paraît en 1993, soit trois années après « Violator ». C’est d’ailleurs à partir de ce nouvel album que les sorties des prochains disques vont commencer à s’espacer de plus en plus, sur fonds de peine, de difficultés, et probablement d’une certaine lassitude. Mais contre toute attente, ce qui va nous être proposé tient en fait tout simplement du miracle.

    Car « Songs for Faith and Devotion » est certainement le dernier grand album de Depeche Mode. Comme une sorte de pendant à « Violator », mais plus sombre encore, plus organique, plus rock, et la voix de Gahan est cette fois-ci déchirante, bouleversante. La présence des guitares est toujours plus prégnante, quand d’autres instruments à cordes viennent enluminer la production. Elégiaque, intense, puissant et sauvage, ce huitième album va tout comme « Black Celebration » d’abord diviser, pour mieux rentrer dans l’inconscient et devenir définitif.

    Dix morceaux, parmi lesquels, dans l’ordre d’écoute, « I Feel You », ritournelle en rock fiévreux qui ouvre le bal, « Walking In My Shoes » et son intro qui hérisse le poil, « Mercy In You » qui aurait pu figurer sur « Violator » tant elle est cabossée, « In Your Room », sublimissime transe, empoisonnée et désespérée, qui évoque la dépendance à l’héroïne, « Rush » qui aurait pu servir d’influence à Tricky et son futur univers vénéneux, et enfin « One Caress », magnifique chanson habillée uniquement de violons et violoncelles, chantée par Martin L. Gore.

    Les quatre morceaux restants, même s’ils sont légèrement en dessous des six autres, demeurent malgré tout de belle facture. Le néo-gospel fait d’ailleurs son grand retour, avec « Condemnation » et « Get Right With Me ». Et l’ambiance rock générale plus soulignée encore qu’à l’accoutumée marque un virage pour le groupe, en se fondant assez naturellement dans leur univers.

     

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    La tournée mondiale qui va suivre la sortie de « Songs for Faith and Devotion » ne va pas arranger les rapports entre les membres du groupe. Alan Wilder ne supporte plus l’ambiance délétère et les frasques de Dave Gahan, qui sombre chaque jour un peu plus. Dealers, overdoses et crises d’un chanteur toujours plus difficiles à gérer sont au menu de ce tour du monde.

    Pourtant, paradoxalement, cette tournée offre probablement les plus beaux concerts que le groupe ait pu donner, avec des versions incroyables des nouveaux morceaux comme des plus anciens. Dave Gahan apparaît sur scène, tour à tour tel un christ déchiré, un ange maléfique ou une totale rockstar ayant vécu plusieurs vies. Tout cela apporte finalement de la densité et du fond supplémentaire et vu de l’extérieur, Depeche Mode reste un groupe unique, avec des concerts indissociables des albums. Le temps des petits minets à la coiffure en brosse s’activant sagement derrière des claviers semble bien loin, comme dans une autre vie.

    Mais hélas, c’est décidé, irrévocable, Wilder jette l’éponge en 1995 et abandonne le groupe à ses errances. Depeche Mode et ses fidèles ne s’en rendent peut-être pas encore compte, mais ils vont bientôt devenir orphelins…

     

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    Il faut attendre encore quatre longues années depuis la sortie de « Songs for Faith and Devotion » avant d’avoir de nouveau des nouvelles de Depeche Mode, qui désormais ne roule plus qu’à trois. Après moultes remises en question, cures de désintoxication, overdoses et divers comas, les trois rescapés semble avoir cette fois-ci abandonné l’idée de continuer. Dans ces conditions, il paraît peu probable de pouvoir créer de nouveau.

    Ce n’est un secret pour personne mais Andrew Fletcher n’a jamais vraiment été d’un grand apport créatif à la bonne marche du groupe. Et même durant les concerts, il semble faire de la figuration, en tapotant sur un clavier qui n’est peut-être même pas branché… C’est donc Martin L. Gore qui doit reprendre les choses en main après le douloureux départ de celui qui insuffla la respiration, l’âme et l’ADN de Depeche Mode. D’autant plus que pour l’instant, en ce qui concerne Dave Gahan, on ne peut pas dire que ça soit franchement la grande forme…

    Mais alors que l’on y croyait plus, on apprend courant 1996 que les trois survivants sont de nouveau en studio. C’est donc une énorme gageure que représente ce mystérieux nouvel opus, même si Gore doit faire appel à des renforts pour comble le vide immense qui a résulté du départ de leur ancien acolyte Wilder. Et c’est finalement Tim Simenon, le producteur connu surtout sous le nom de Bomb The Bass, qui vient prêter main forte.

    Et c’est ainsi en 1997 que sort le nouvel album de Depeche Mode, « ULTRA », attendu fébrilement par des fans qui restent malgré tout très perplexes quant à la capacité du groupe à rebondir. Pourtant, ce 9ème disque est loin de la catastrophe redoutée. Bien au contraire, il étonne dès la première écoute par son homogénéité. Alors, oui, bien-sûr, on va tout de même ressentir quelques subtiles prémices du fléchissement de l’inspiration du groupe.

    Car « ULTRA » ne révolutionne rien, et ne se renouvelle pas davantage. Pour tout dire, cet album ne prend aucun risque. Le trio (ou duo, pour les mauvaises langues…) reste arc-bouté sur ses acquis, avec l’apport désormais acté des guitares et d’un son electro blues. Certes, la production est propre et la voix de Dave Gahan reste un gage de qualité. « Barrel Of A Gun », qui ouvre l’album et qui est également le 31ème single du groupe, sorti un peu avant le disque, vient démontrer que Depeche Mode est toujours dans la place, mais ne parvient cependant pas à surprendre. Le troisième titre, « Home », chanté par Gore, apporte un peu d’ampleur à ce nouvel édifice. « It’s No Good », gros tube en puissance, vient également assoir le savoir-faire du groupe, désormais sans Alan Wilder…

    « Useless », morceau très rock et sous influence Radiohead, est le troisième single extrait du plus que convenable « ULTRA ». A tout cela, lorsque l’on enlève les trois titres uniquement instrumentaux et pas forcément très utiles à l’ensemble, il reste un album qui a du mal à reprendre sa respiration et qui essaie coûte que coûte de colmater les brèches. Mais pour un album transitoire, cela reste tout de même très correct.

     

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    Il faudra ensuite de nouveau patienter pendant quatre ans, le temps que Gahan se sorte tant bien que mal de sa dépendance à l’héroïne, et que Gore se refasse lui aussi une santé musicale en retrouvant l’inspiration qui l’avait quelque peu quitté. Mais aussi quatre années nécessaires aux trois compères pour parvenir à faire définitivement le deuil d’Alan Wilder et se débarrasser en même temps de l’ancienne peau du groupe. Martin L. Gore rumine tout cela, décortique ce qui constitue ce son si particulier et cette magie qui caractérisent tant les six albums sortis sous l’ère Wilder, et que l’on n’a pas retrouvés sur « ULTRA », tout aussi respectable que pouvait être ce disque.

    En 2001, sort donc « Exciter ». Nouveau millénaire et nouvelle direction. Gahan semble guérit. Il s’est coupé les cheveux. Le nouveau producteur sur ce projet n’est autre que Mark Bell, le cofondateur du duo LFO. On s’attend donc à un album puissant et un brin bourrin aux entournures. Eh bien non, en fait, c’est tout le contraire. Depeche Mode revient en douceur, par la petite porte, sans faire de bruit. le résultat est d’abord frustrant à la première écoute et puis le charme opère… Ou pas… Dans mon cas, il s’agit bien là d’un bain de jouvence que nous offrent les trois survivants de 1993.

    Car « Exciter » est un disque pur, qui s’écoute d’une traite. Il offre bien-sûr ses habituels morceaux incontournables ; avec dès le premier track, « Dream On » et la voix de Dave Gahan, grave, directe, simple. La guitare est là, évidemment, et revient dans plusieurs morceaux de l’album, comme une signature. Il semblerait également que les Anglais aient laissé tomber le blues et les velléités rock. On a affaire à un album de régénération. Beaucoup sont déçus et frustrés, certes, mais si l’on parcourt attentivement la discographie du groupe, c’est une façon de mieux préparer l’auditoire à la suite des évènements.

    Avec « Exciter », on revient donc aux fondamentaux. Les mélodies et les arrangements sont sophistiqués. Les sons sont organiques et on pourrait presque comparer cet album à celui de Björk, « Verspertine », avec comme seule différence que celui de l’Islandaise nous faisait sombrer dans un repos éternel fait de neige et de glace, tandis que le 10ème opus des Depeche Mode exprime plutôt la quiétude du soleil et une forme de chaleur régénératrice.

    Mais pour consoler malgré tout les amateurs du bon gros son Depeche Mode, le morceau « I Feel Loved » et ses atours entremêlés de disco futuriste et d’électro noir luisant, chevauchés par la voix traînante et sublime de Dave Gahan, calmeront un peu les déceptions en tous genres. On reconnaît sur ce titre surtout la patte de Mark Bell…

     

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    Sachant désormais qu’ils ne pourront plus délivrer comme auparavant un album pratiquement chaque année et qu’ils doivent prendre plus de temps pour se remettre en question et ne pas décevoir leur public, Gahan et Gore mettent entre parenthèses le groupe pour se pencher chacun de leur côté sur leurs propres albums solo. En 2003, ils sortent donc chacun leur album, tout ça malgré tout dans une atmosphère de profond respect mutuel ; « Paper Monsters » pour Gahan et « Conterfeit » pour Gore.

    En 2004, six coffrets gris anthracite sont proposés aux fans hardcore du groupe, qui compilent tous les titres emblématiques depuis « Speak And Spell », sous différentes formes de remixes, maquettes ou divers titres inédits ; véritable mine d’or pour tous ceux qui sont constamment à la recherche du moindre son original de Depeche Mode, du genre de morceaux avec lesquels épater ses copains et les rendre verts de jalousie…  Sobrement intitulées « DMBX », ces anthologies renferment de nombreuses pépites, inédits et curiosités oubliées.

    L’année 2005 marquerait-elle le grand retour de Depeche Mode ? Là encore, rien n’empêcherait le trio de raccrocher. Ils ont connu la gloire, il ont gagné beaucoup d’argent et en gagneront encore des tonnes, avec ou sans nouvel album. Beaucoup d’autres, bien moins populaires qu’eux, auraient déjà arrêté ou n’auraient plus fait que des tournées et sorti un Best Of de temps à autre. Mais non, les trois comparses semblent avoir encore des choses à dire, ou plutôt à nous faire écouter… La recette est d’ailleurs assez simple et elle est gravée dans le marbre : désormais, tous les quatre ans, ils sortiront un nouvel album, suivi de la tournée de tous les stades de la planète. Bon…

     

    En cette année 2005, donc, « Playing The Angel », la toute nouvelle livraison, pourrait faire penser de prime abord à un inventaire. Non pas qu’ils se caricaturent comme certains ont pu le laisser entendre, mais s’invitent dans leur propre univers en retravaillant la matière qui a fait leur succès et leur identité. Nous ne sommes pas ici dans la nouveauté ou le surprenant. Ce qui étonne plus, en revanche, c’est l’énergie de certains morceaux, véritables pièces combustibles faites de métal et de propane.

    « Playing The Angel » est un disque qui alterne une partie énergique en montée, pour glisser ensuite de l’autre côté, sur un chemin plus sinueux et tourmenté et se clore sur un final résolument emprunt d’absolu et de noirceur.

    Le premier morceau qui ouvre l’album, comme à l’accoutumée, se doit de donner le ton de l’ensemble. Et là, en l’occurence, c’est le titre « A Pain That Used To » qui donne le La. Un La puissant, carnassier, qui prend résolument ses distances avec « Exciter » et démontre avec brio que non, Gore ne connaitra jamais le syndrome de la page blanche. Ce premier titre est d’une inventivité folle, en juxtaposant puissance des sons bruts et douceur d’une guitare derrière. Très fort !

    S’ensuivent les morceaux « John The Revelator », « Suffer Well », jusqu’à « Precious » ; autant dire un sans faute. Gore chante pour sa part deux chansons, mais ce ne sont pas les meilleures. Un peu dommage, d’ailleurs, car elles cassent le rythme de l’ensemble. Heureusement, il reste encore deux autres morceaux de bravoure, jusqu’au final somptueux. Ça peut sembler un peu bateau, mais Depeche Mode semblent toujours vouloir conclure leurs derniers titres d’album comme s’ils allaient mourir juste après l’enregistrement.

    En tout cas, « Playing The Angel » s’écoute et se réécoute d’une seule traite, en donnant finalement l’impression que les trois survivants de Basildon n’en ont pas fini avec leur histoire. Loin de là, même. et nous voici amplement rassurés… La tournée internationale qui suit sera la plus grande de toute leur carrière, avec pas moins de 123 concerts donnés dans 33 pays visités. L’album est un très gros succès, notamment avec le single « Precious ».

     

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    En 2006 paraît un nouveau Best Of intitulé… « Best Of »… Etre fan de Depeche Mode, c’est un peu comme avec Björk ou The Beatles. C’est se délecter de toutes leurs créations, bonnes ou mauvaises, puissantes ou plus faiblardes. C’est apprécier le moindre son qui émanerait de leurs âmes. Et pour le fan inconditionnel, le fait de posséder cette compilation, ce « Best Of », tient plus de l’objet qu’on ajoute à sa collection que de toute autre démarche. Dans le passé, le groupe s’était déjà fendu de compilations de ce genre, certes. Mais définitivement bien plus réussies que cette galette fadasse et inutile, hormis un inédit, « Martyr », qui s’oublie néanmoins juste après sa première écoute et le single « Strange Love », qui n’existait ni en version radio ni dans le clip de l’époque.

    Ce qui frappe avant tout et qui heurte l’oreille du fidèle et consciencieux auditeur, c’est l’agencement des morceaux au fil de la tracklist, voire même le choix des morceaux. Comme si tous les standards, ainsi que d’autres titres plus confidentiels, avaient été notés sur de petits papiers jetés au fond d’un chapeau et sélectionnés après tirage au sort. Aucune cohérence… Tel le mode aléatoire d’un lecteur MP3, la sélection semble avoir été composée par un sourd, muet et de surcroît aveugle.

    Il y avait pourtant matière à faire quelque chose de plus original, en utilisant tous les morceaux, pas forcément vus comme des tubes, mais qui auraient pu en revanche constituer des étapes symboliques ou des paliers dans l’ascension du groupe. Bref, avec ce « Best Of », nous avons plutôt affaire à un banal disque pour touristes. Ce qui nous rappelle au passage que Depeche Mode est devenu entretemps une grosse entreprise, une planche à billet implacable, entre bons et mauvais albums, remixes ou compilations discutables. Et nos Anglais se doivent d’occuper le terrain, coûte que coûte.

    Dans son coin, Dave Gahan sort son deuxième album solo, « Hourglass ». Là encore, il faut être un fanatique aveugle et assujetti au magnétisme du chanteur pour apprécier ces poussives chansons portant des textes un peu nian-nian…

     

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    Fort du regain de santé du groupe avec son précédent opus, le trio rentre en studio en 2008 pour accoucher de ce qui devrait une fois de plus révolutionner le son Depeche Mode. La communication autour de la sortie de ce nouvel album repose d’ailleurs sur le retour en force de bons vieux synthétiseurs dont Martin L.Gore aurait fait l’acquisition. Bref, sonorités rétro-futuristes avec lesquelles ce dernier s’amuse…

    L’album en question sort finalement en grande pompe, agrémenté de 13 morceaux et sobrement intitulé « Sounds Of The Universe ». Est-ce de l’ironie ? Car il faut bien reconnaître que « Wrong », le premier single qui nous est proposé, émoustille les plus réfractaires et tous les inconsolables qui pensent que Depeche Mode est mort suite au départ d’Alan Wilder en 1994.

    C’est un morceau neuf qui débarque, nihiliste à souhait, comme seul Gore sait nous les concocter. Puissant et diablement efficace, ce titre n’augure que du bon et laisse penser que l’album pourrait bien surclasser « Playing The Angel ». Les giga-fans peuvent même acheter le CD sous forme d’un gros coffret avec cartes, photos, livret et pins. Le fan service bat son plein. Ok, super, mais l’album, finalement ? Douche froide ou erreur sur la marchandise, mais ce n’est pas du tout ce que l’on avait commandé…

    Si « Playing The Angel » était une comète, ce « Sounds Of The Universe » n’en serait que la queue… Conservant malgré tout encore quelques moments de grâce, ce nouvel album de Depeche Mode n’est qu’une frangipane indigeste. Il s’écoute péniblement et difficilement d’une traite. Aucun morceau ne semble vouloir décoller. Au point que « Wrong », que l’on avait pu découvrir avant l’album, paraît même être un intrus, au beau milieu de cette enfilade de chansons qui ressembleraient plus à des faces B ou d’obscurs bonus réhabilités. Pour preuve, même « In Chains », le titre qui ouvre l’album, ne convainc guère…

     

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    Alors certes, on peut sans doute se consoler avec le travail fourni, le soin apporté à la production et découvrir tout un étrange appareillage de sons organiques et spatiaux, entre bande originale d’un film SF des années 50, les débuts du groupe et cette résurgence d’électro-rock qui secoue depuis quelque temps le groupe. Mais ce qui pêche justement dans « Sounds Of The Universe », c’est sa sophistication un peu laborieuse et son manque de brutalité qui résonnait justement dans son prédécesseur. Cet album est finalement moins sombre et plus accessible, sans doute destiné à un public toujours plus large.

    La palme de la pire chanson revient probablement à « Peace », qui enfonce le clou. A croire que Vince Clarke est revenu pendant la nuit ajouter cet horrible hymne niaiseux et guimauve à souhait à la tracklist. Presque comme un retour au tout premier album en 1981, ou sonnant comme une vulgaire chanson de Coldplay ou Muse. Trois fois « Beurk » !

    Car c’est bel et bien la première fois que le groupe déçoit à ce point. La tournée va pourtant cartonner, mais paradoxalement, les morceaux qui seront joués sur scène seront surtout les anciennes gloires du groupes. Les concerts de Depeche Mode se donnent désormais dans d’immenses stades, tels de grandes messes où trois générations se retrouvent et communient sur leur musique, qui prend désormais une direction différente.

    Quant à Dave Gahan, il faut bien reconnaître que c’est un monstre de scène. Il commence toujours le concert avec une veste, dont il se débarrasse immanquablement pour se retrouver torse nu au bout de trois chansons, exhibant tatouages et corps musculeux. Il semble d’ailleurs rajeunir d’année en année et rien que pour ses démonstrations scéniques, on ne peut pas passer à côté d’un live de DM…

     

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    Dorénavant il semblerait que le groupe et son avenir soit liés par le même contrat Faustien. Soit enregistrer un nouvel album pour à chaque fois pouvoir mieux vendre des billets de concert. Pour preuve, s’il en faut une, avec l’annonce d’une tournée en 2012, alors que le groupe vient de rentrer en studio pour l’enregistrement d’une nouvelle galette. Curieux timing…

    C’est en 2013 qu’est donc livré « Delta Machine ». « Heaven », le single sorti en éclaireur quelques semaines avant la sortie de l’album, n’épate pas autant que n’avait pu le faire « Wrong » avant l’album « Sounds Of The Universe ». On a ici affaire à un titre au rythme lent, qui nécessite plusieurs écoutes avant d’offrir ses entrailles. Mais au final, c’est une très bonne chanson, avec un Dave Gahan impérial qui module sa voix comme une complainte. Après le précédent album très décevant (et c’est un euphémisme…), « Delta Machine » a un côté bain de jouvence fort plaisant. C’est de nouveau Ben Hillier aux commandes, pour la troisième fois consécutive.

    Un nouvel opus assez évident, finalement, dès la première écoute. Cette fameuse première écoute où l’on guette le tube, le morceau phare, un nouveau « Strange Love », « Enjoy The Silence » ou « Stripped »… En ouverture, les Anglais nous livre « Welcome To My World », une sorte de pendant granuleux du « World In My Eyes » de « Violator ». On a ensuite « My Little Universe », dépouillé, radical, qui pousserait l’expérience électro de « Violator » encore plus loin. Culotté… « Should Be Higher », sans doute le meilleur morceau de l’album, qui dès les premières vagues synthétiques de l’intro, vous donne la chair de poule. On est bien là dans l’univers Depeche Mode et ses fondamentaux, son savoir-faire et ses tours de magie.

    Martin L. Gore avait annoncé que ce nouvel opus tenterait de revenir vers l’esprit de leur chef d’oeuvre de 1990. Bon, il ne faut pas exagérer non plus, Martin… Alan Wilder qui a tant marqué de son influence le son Depeche Mode est peut-être un peu présent ici. Son esprit n’est pas mort et ce n’est pas son fantôme qui hante les arrangements de « Delta Machine », mais son aura est pourtant palpable. Mimétisme ou influence, l’album possède une élégance, une tenue, qui rassurent les fans de la première heure. Son écoute est limpide et évidente.

     

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    Il y aurait donc deux écoles distinctes qui apprécient Depeche Mode, pour des raisons différentes. D’un côté les adeptes du son de base électro et industriel et puis ceux, sans doute venus après, qui penchent plutôt pour la veine electro-blues, insufflée par Dave Gahan et Martin L.Gore. Comme si l’ambition de Depeche Mode avait été de tenter de réconcilier ces deux écoles. La richesse de l’inspiration, les mélodies, la voix de Dave Gahan, lui qui semble avoir de nouveau trente ans, toute cette énergie déployée, impressionnent.

    A une ou deux exceptions près, « Broken » et « The Child Inside », pour ne pas les citer, titres plus faibles coincés entre les autres, « Delta Machine » s’avère être finalement un beau cadeau offert par le groupe qui, avec une simplicité déconcertante, n’en finit pas de remettre les pendules à l’heure, là où tant d’autres se prennent les pieds dans les fils.

     

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    Seulement trois ans plus tard (eh oui, comme quoi, il ne faut pas désespérer…), un nouveau single tout chaud sort du four, « Where’s The Revolution ». On reste circonspect, dubitatif et on a beau écouter, réécouter et écouter encore cette nouvelle chanson, il faut bien admettre que ça sent plus le vide intersidéral que le son de l’univers… Pour la première fois, ce sont des textes politiques qui sont scandés par Dave Gahan ; un constat sur l’état du monde, mais l’ensemble n’est pas très convaincant. Et ça nous rappelle plutôt ce que Gahan fait en solo. Oups…

    « Spirit » sort donc en 2016, soit quelques mois après ce pétard mouillé. Le 14ème album de Depeche Mode est produit cette fois-ci par James Ford, un jeune et prolifique musicien, batteur des Artic Monkeys et fondateur du fantastique « The Last Shadow Puppets ». Cela aurait pu laisser présager le meilleur, mais…

    On attend à chaque fois fébrile, tremblotant, le nouveau Depeche Mode, comme si toute notre vie en dépendait. Rares sont d’ailleurs les groupes récents ou encore en activité qui peuvent susciter un tel engouement et surtout une telle ferveur. Jusqu’à présent, même si Depeche mode ont parfois déçu, il y avait toujours deux ou trois morceaux pour rattraper l’ensemble. Mais pouvait-on imaginer qu’un jour, ce serait l’album tout entier qui deviendrait le pire de leur discographie ?

    Premier souci de taille : Dave Gahan s’occupe ici personnellement de quatre chansons. Et on a la douloureuse impression d’avoir affaire à un nouvel album solo du chanteur. Mais une chose est sûre, ça ne sonne plus Depeche Mode. Tout le pendant electro-blues est toujours un peu plus envahissant et contamine tout l’édifice. Dave Gahan a réussi à imposer son style et ses influences rock et colle une voix hasardeuse sur des morceaux plus inconsistants les uns que les autres.

     

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    Le morceau qui ouvre l’album, avec son riff de guitare lambda, est un bon indicateur de ce que sera cette purge. Oubliés les thèmes fédérateurs, les tubes imparables, les arrangements sophistiqués. On a droit à une succession de chansons pop-rock, un brin électro, qui vont de passables à médiocres, en passant par insignifiantes. Le pompon revient à « Eternal » de Martin Gore.

    Pour relativiser, si Depeche Mode avait le statut de nouveau groupe qui sort son premier disque, on pourrait peut-être l’apprécier de façon plus objective. Et c’est d’ailleurs ce que les néophytes ressentent en encensant « Spirit ». Mais pour les vieux de la vieille, le constat est plus amer… Déjà que le single « Where’s The Revolution » ne sentait pas très bon, tant cette resucée d’inspiration « Songs For Faith And Devotion », en plus mou, ne laissait guère présager des cieux bien cléments. Mais contre toute attente, c’est sans doute le titre le plus audible pour les fans de la première heure…

    Tout y est apathique, terne et sans élan. Et le fait que les textes soient plus politiques et engagés, en tentant de coller à l’époque, ne fait pas plus décoller l’ensemble… On peut se passer et se repasser en boucle cet album, au bout de six chansons, on a juste envie de le balancer pour qu’il se fracasse contre un mur et oublier cette vilaine blague que le groupe nous a fait. Presque envie de pleurer… On ne reconnaît plus notre groupe fétiche. On se sent trahi, hagard, sans voix.

    Bon, on se calme… On finit tout de même par ramasser les morceaux du disque qui jonchent le sol et on se dit que sur autant d’albums sortis à ce jour, quand bien même il y aurait juste « un vilain petit canard » égaré dans leur discographie, ce n’est finalement pas la fin du monde. Alors, on sèche ses larmes d’amant éconduit car on vient d’apprendre que Depeche Mode rentre de nouveau en studio pour un nouvel opus suivi d’une tournée prévue en 2020.

    Et là, le cœur bat la chamade. Tous les espoirs sont permis et le monde semble beau, d’un coup. Les Depeche Mode sont increvables. On leur pardonne tout. Certes, ils ont eu des hauts et des bas, mais ils ont quand même souvent tutoyé les sommets. Alors, on va patienter et on sera là, quoiqu’il arrive. Toujours…

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 12 : Asteroids

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    En France, les premiers jeux vidéo font leur apparition dans les années 70 et vont connaître un engouement immédiat, qui ne se démentira plus. Le jeu Pong sur Atari VCS (Video Computer System) fait une entrée fracassante au coeur des foyers français, tandis que les premiers jeux d’arcade viennent supplanter les bons vieux flippers dans les cafés. La Révolution est en marche et ne pourra plus être stoppée.

     

    L’idée de créer le premier jeu vidéo remonte en fait à 1951. Ralph Baer, un ingénieur américain, future icône des gamers, se voit confier la mission de concevoir le meilleur téléviseur au monde par la société qui l’emploie, le fabricant de postes de télévision Loral Electronics. Rien que ça… Il pense y intégrer un module de jeu, mais l’idée ne sera pas retenue. A noter aussi que cette année 1951 voit la naissance de la société Sega au Japon, en pleine guerre de Corée, dont l’activité principale est l’importation et la maintenance de juke-boxes, à destination des bases militaires américaines présentes sur le territoire japonais durant le conflit.

     

     

     

    Le tout premier jeu vidéo de l’histoire sera finalement créé un an plus tard, en 1952, par un Anglais, A.S. Douglas, un chercheur de l’Université de Cambridge qui tente d’illustrer sa thèse sur l’interaction entre l’homme et l’ordinateur. Il s’agit d’un jeu de réflexion prénommé « OXO », dans lequel l’humain joue contre l’ordinateur. La règle semble simple mais constitue néanmoins une gageure technologique majeure : le gagnant est le premier des deux joueurs qui réussira à créer un alignement de points.

    OXO, considéré comme le premier jeu vidéo de l’histoire, même si ce fait est contesté par certains historiens du jeu vidéo, n’est en fait que la transposition à l’écran d’un  jeu vieux comme le monde : le Morpion. Mais OXO n’aura aucun succès… Et pour cause, l’ordinateur sur lequel il a été conçu, l’EDSAC, ou Electronic Delay Storage Automatic Calculator, à savoir le tout premier ordinateur primitif à tubes à vide électronique, n’existe qu’à l’université de Cambridge…

     

     

     

    En 1958, Willy Higinbotham, un physicien du Brookhaven National Laboratory (centre de recherche nucléaire gouvernemental) crée le premier jeu vidéo multi-joueurs de l’histoire, sur un ordinateur analogique couplé à un oscilloscope : un jeu de tennis dénommé « Tennis For Two ». A l’origine, l’ordinateur servait en fait à calculer les trajectoires des missiles nucléaires ! Le court est une simple ligne horizontale sur laquelle un point rebondit.

    Il ne déposera aucun brevet pour cette première console de jeu car il n’y croyait pas… C’était pour lui un simple amusement conçu dans le but d’amuser les physiciens pendant les pauses café ! Le jeu vidéo multi-joueurs est donc né grâce à la guerre froide !

     

     

     

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    En mai 1962, trois étudiants au MIT, S. Russel, J.M. Graetz et W. Wiitanen, créent « SpaceWar! », le premier vrai jeu sur ordinateur (un PDP-1 conçu par la firme informatique américaine DEC, pour Digital Equipment Corporation, dont 50 exemplaires furent construits entre 1959 et 1970). Le jeu sera fourni avec chaque ordinateur vendu, au prix unitaire de 120.000 dollars de l’époque (par comparaison, la Cadillac Eldorado Biarritz était vendue 7 286 $ en 1959). « SpaceWar! » est un shoot ’em up multidirectionnel en deux dimensions qui met en scène deux vaisseaux dans un combat spatial, et qui doivent échapper à l’attraction d’une planète. Un étudiant qui deviendra célèbre dix ans plus tard y fera ses premières armes : Nolan Bushnell, le futur concepteur du mythique « Pong ».

     

     

     

    En 1967, Ralph Baer réalise enfin son rêve, à savoir d’offrir un nouveau rôle au poste de télévision, en créant les premiers jeux jouables sur une télé : un jeu de tennis et un jeu de voitures. Baer est ainsi le véritable inventeur de la console de jeu, dont il dépose le brevet en 1968. Le premier jeu vidéo sur télé est né : « Chase Game », dans lequel un joueur pourchasse l’autre, qui disparaît lors d’une collision (un peu dans le même genre que Pac-Man). Amusée par le jeu, la direction ne s’oppose pas au projet et demande à l’équipe d’améliorer le prototype.

     

    Game Chassis, TV Game Unit (1967)

     

    Game Chassis, TV Game Unit (1967)

     

     

    En 1971, Galaxy Game, la toute première borne d’arcade, est conçue à l’université de Stanford mais ne sera pas diffusée à grande échelle. Deux mois après Galaxy Game, Nolan Bushnell conçoit une machine au look futuriste : le Computer Space, un remake de « SpaceWar! » (dont il était fan) dans un boîtier très design et moderne ; c’est la vraie naissance des bornes d’arcade pour le grand public.

     

     

     

    En 1972, l’Odyssey est conçue par l’icône des gamers, Ralph Baer, et commercialisée par Magnavox. La toute première console de salon est née ! L’Odyssey utilisait un système de calque que l’on déposait sur l’écran du téléviseur. Le grand public est cependant resté assez hermétique au concept… La console est encore considérée comme une extension de la télé et non comme un véritable appareil dédié au jeu, et beaucoup pensent à tort qu’elle fonctionne uniquement sur les téléviseurs de marque Magnavox…

    Finalement, contre toute attente, le fait de pouvoir désormais jouer sur une télévision est un concept tellement inédit et révolutionnaire en ce début des années 70 qu’il nécessitera un certain temps d’adaptation pour que le public l’intègre pleinement.

     

     

     

    Cette même année 1972 voit la naissance d’un futur géant du jeu vidéo, Atari. Atari est à l’origine une entreprise américaine fondée par Nolan Bushnell et Ted Dabney, considérée comme pionnière et fondatrice de l’industrie du jeu vidéo, devenue française en 2003 suite à son rachat par Infogrames. Elle se spécialise d’abord dans le développement des jeux vidéo mais se diversifie rapidement dans la fabrication de bornes d’arcade, de consoles de jeux ou d’ordinateurs personnels.

    Les deux compères avaient initialement choisi le nom de « Syzygy » mais comme celui-ci était déjà déposé, ils se sont alors rabattus sur Atari, un terme japonais issu du jeu de Go.

     

     

     

    Il aura donc fallu attendre 20 ans, et l’arrivée des ordinateurs à la maison, pour que le jeu vidéo prenne son envol. C’est « Pong », créé en 1972 par Nolan Bushnell, le PDG de la firme américaine Atari, qui marquera l’entrée en force du jeu vidéo dans le quotidien des gens et qui sera le tout premier jeu vidéo à connaître un succès planétaire. Le principe de Pong, c’est le tennis, tout simplement… La balle est lancée à partir du milieu de l’écran, dans une direction aléatoire, et les joueurs doivent se la renvoyer. Et Pong va faire un véritable carton…

    Avec « Pong », Bushnell veut lancer un jeu simple et facile à comprendre (contrairement à Computer Space). Il sortira dans la foulée la borne d’arcade Pong, programmée par le génial Al Alcorn. Environ 10.000 bornes furent commandées, début du succès-story pour Atari !

     

     

     

     

    En 1973, c’est la création de Konani, une société japonaise de développement et d’édition de jeux vidéo, l’une des plus importantes et célèbres du secteur. En 1974, Nintendo sort un jeu d’arcade basé sur un pistolet optique : « Wild Gunman ». À ses débuts, en 1889, la société produisait des cartes à jouer japonaises : les Hanafuda. C’est à partir des années 1970 que Nintendo a diversifié ses activités en concevant des jouets et des bornes d’arcade. Elle a été l’une des principales sociétés précurseurs du jeu vidéo. En 1975, Taïto sort « Gunfight », le premier jeu à utiliser un vrai microprocesseur plutôt que des transistors.

     

     

     

    En 1976, La marque Coleco (Connecticut Leather Company) lance la Telstar, première console Pong utilisant des circuits intégrés (circuits analogiques auparavant), vendue 50$. On dénombrera neuf modèles différents et Coleco rencontrera un vif succès.

     

     

     

    La même année, Fairchild Camera & Instruments lance son « Video Entertainment System », renommé « Channel F », la première console à utiliser des cartouches et à disposer d’un microprocesseur. Du côté de chez Steve Jobs & Steve Wosniak, futurs fondateurs d’Apple et employés à l’époque chez Atari, ils mettent au point « Breakout », sur une idée de Nolan Bushnell ; un jeu révolutionnaire de nouvelle génération, un casse-brique, qui sera conçu et réalisé en seulement cinq jours.

     

     

     

    En 1977, Atari sort sa console Pong pour les foyers à 99$, l’Atari Pong C100, et passe à la vitesse supérieure en présentant dans la foulée une console de jeux ultra-puissante : l’Atari Video Computer System (VCS), renommée ensuite Atari 2600. A l’origine du projet, son petit nom de code était « Stella »… Elle sera lancée en décembre au prix de 199$, avec deux manettes et un jeu fournis. L’Atari 2600, c’est LA console mythique de l’histoire du jeu vidéo !

     

     

     

    Toujours en 1977, Nintendo embauche Shigeru Miyamoto et sort sa première console de jeu « Pong », conçue en collaboration avec Mitsubishi Electronic : la Color TV Game 6. Alors, Miyamoto, ce sera accessoirement le co-créateur des franchises Super Mario, Donkey Kong, The Legend of Zelda, Star Fox, F-Zero et Pikmin pour le compte de Nintendo. Certains des jeux de ces séries sont considérés comme les meilleurs de leur génération, comme Super Mario Bros., Super Mario 64 ou The Legend of Zelda: Ocarina of Time. Un bon petit gars plein d’avenir…

     

     

     

    1978, année majeure dans l’histoire du jeu vidéo… Taito Corporation sort « Space Invaders ». le jeu connaît d’abord un succès-monstre au Japon, avant de devenir le tout premier « Blockbuster » de l’histoire du jeu vidéo. C’est aussi le 1er jeu d’arcade qui sauvegarde le meilleur score. A partir de « Space Invaders », rien ne sera plus jamais comme avant…

    De son côté, Magnavox lance l’Odyssey 2 aux USA, pour tenter de concurrencer l’Atari 2600. L’Odyssey 2 possède un clavier permettant de rentrer son nom dans les jeux, ou même de taper de petits programmes basiques, sans pouvoir néanmoins les sauvegarder…

     

     

     

    1979… Je vous parle d’un temps que les moins de… de 50 ans ne peuvent pas connaître… Mais pour les autres, et plus particulièrement ceux nés entre 1960 et 1969, cette année 1979, c’est la double-peine. Tandis que les bornes d’arcade commencent à fleurir un peu partout en France, précipitant la disparition programmée des flippers et divers autres jeux mécaniques de cafés, Atari nous assénait un deuxième coup sur la tête, en sortant « Asteroids », en réponse au « Space Invaders » de Taito.

    « Asteroids » sort donc en novembre 1979. Le succès est absolument phénoménal, au point qu’il demeure le jeu d’arcade le plus vendu de l’histoire d’Atari, avec environ 70.000 unités produites. La demande fut si importante qu’Atari arrêta la fabrication de « Lunar Lander », le premier jeu vectoriel de la firme, sorti seulement trois mois plus tôt, pour augmenter la capacité de productions des bornes « Asteroids ». Deux cent unités « Asteroids » restèrent ainsi habillées d’un meuble « Lunar Lander »… Sega a par la suite exploité le jeu dans les salles d’arcade japonaises.

    Le 17 juin 1980, « Asteroids » et « Lunar Lander » sont les deux premiers jeux vidéo à être enregistrés au United States Copyright Office. « Asteroids » a ensuite été adapté successivement sur Atari 2600, Atari 7800, Atari 8-bit (1981), Atari 5200 (prototype seulement) et Game Boy (1991). Il est depuis régulièrement réédité sur des supports de nouvelles générations, notamment à travers des compilations comme « Atari Anniversary » et « Atari Anthology ».

     

     

     

    Depuis « Pong » sorti en 1972, le jeu vidéo n’a eu de cesse que d’évoluer. Après Super Mario Bros, le tout premier héros de jeu vidéo né en 1985, les premières consoles de jeu apparues au milieu des années 80, de Game Boy à Playstation, en passant par XBox, vont bouleverser l’univers du jeu vidéo. Au point qu’aujourd’hui, on peut vivre des histoires complètement dingues en ne bougeant pas de son canapé, dans une réalité complètement reconstituée.

    Et mieux encore, partager ces aventures et des émotions avec une infinité d’autres joueurs partout sur la planète, grâce au jeu vidéo en réseau. Aujourd’hui, un Français sur deux pratique un jeu vidéo de façon régulière. Autant d’hommes que de femmes, d’ailleurs… La moyenne d’âge des joueurs qui était de 21 ans en 1999 est aujourd’hui de 35 ans. Petits et grands, finalement, même combat…

    Et cerise sur le gâteau, un succès mondial qui permet à la France de pousser un grand cocorico, puisque selon le rapport annuel du Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs, la France est le deuxième plus important créateur de jeux au monde, après les Etats-Unis.

    Mais ça, c’est une autre histoire…

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 11 : Breakfast In America

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Le morceau « Breakfast in America » du groupe anglais Supertramp a donné son nom à un album mythique, sorti il y a 40 ans, le 29 mars 1979. Retour sur un succès international et une pochette controversée.

     

    Ce sixième opus de Supertramp est également l’album qui fera entrer le groupe anglais, formé dix ans plus tôt, dans la légende. « Breakfast in America » s’est en effet vendu depuis sa sortie en 1979 à plus de 20 millions d’exemplaires et a reçu deux Emmy Awards. C’est d’autre part le 4ème album le plus vendu en France de tous les temps, après ceux de Céline Dion, Francis Cabrel et Michael Jackson.

    En 1979, le disco a investi toutes les pistes de danse de la planète, mais Supertramp va venir jouer les trouble-fêtes avec son album « Breakfast in America », qui se hisse au sommet des charts et s’y maintiendra durant plusieurs semaines, aux Etats-Unis, en France ou encore en Allemagne. Dans d’autres pays, on lui a préféré cette année-là le disco de « Y.M.C.A. ». Etrange, d’autant que de Village People, nous n’aurons finalement vraiment retenu que ce titre. Alors que « Breakfast in America », hormis le titre éponyme, c’est aussi « The Logical Song », « Goodbye Stranger », « Take the Long Way Home » ; que des tubes…

     

    « Au moment où on enregistrait cet album, je savais qu’on tenait là une série de très bonnes chansons. C’était une époque où j’avais le sentiment qu’il n’était pas utile de refaire un album concept comme « Crime of the Century ». Il fallait que ce soient des chansons qu’on aurait plaisir à jouer, avec de bonnes mélodies et une belle énergie. » (Roger Hodgson)

     

    En mars 1979, donc, le titre « The Logical Song » est le premier single extrait de l’album, et il devient dès sa sortie un succès planétaire. Paul McCartney en fait d’ailleurs sa chanson préférée de l’année 1979. A noter qu’en Angleterre, « The Logical Song » devient le titre le plus étudié à l’école. Autre extrait incontournable de l’album, le morceau « Breakfast In America » que Roger Hodgson compose en Californie, où le Britannique réside depuis déjà six ans.

     

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    « Alors, il y a pas mal de moments dans l’album « Breakfast in America » où le groupe joue fort. C’est aussi une époque où on se sentait bien, on était heureux d’habiter en Californie, et je crois que ce disque recèle l’esprit de la Californie, bien plus que tous les autres albums de Supertramp. » (Roger Hodgson)

     

    Et pour la petite histoire, Supertramp comme « Breakfast in America » ont bien failli ne jamais exister… Retour en 1969, Roger Hodgson monte un groupe. Son nom : Argosy. A ses côtés pour ce projet, un certain Reginald Kenneth Dwight. Les deux compères enregistrent leur premier single, « Mr Boyd / Imagine » qui sera un échec commercial. Suite à cette déconvenue, Hodgson participe à l’audition « Genuine Opportunity », organisée par Rick Davies.

     

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    Rick Davies, fasciné par la voix d’Hodgson le choisit finalement. La première version de Supertramp est alors composée de Rick Davies, du chanteur guitariste, bassiste et pianiste Roger Hodgson, ainsi que de Richard Palmer (guitare, balalaïka, chant), un passionné de The Band et de Traffic, qui plus tard deviendra parolier pour King Crimson, et de Robert Bob Millar (batterie, percussions et harmonica). À cette époque, d’ailleurs, on ne peut pas dire que l’entente entre les membres du groupe soit des plus parfaites…

    Le groupe va brièvement se choisir le nom de Daddy pendant quelques mois, avant de devenir, sur les conseils de Richard Palmer, Supertramp, d’après le titre d’un roman écrit par William Henry Daviesen en 1908, intitulé « The Autobiography of a Super-Tramp » (« L’Autobiographie d’un super-vagabond »).

    Quant à Reginald Kenneth Dwight, il se fera connaître sous le nom d’Elton John, devenu l’icône pop absolue et le performer de tous les records, avec ses 50 ans de carrière au compteur et plus de 300 millions d’albums vendus.

     

    Une pochette aussi mythique que controversée

    Quant à la pochette de « Breakfast in America », elle est devenue tout aussi mythique, et elle a d’ailleurs fait perdre la tête à quelques-uns. En effet, elle montre une vue de Manhattan prise depuis un avion. Au premier plan, la comédienne Kate Murtagh en serveuse, qui prend la pose de la Statue de la Liberté. Or, des adeptes des théories du complot ont eu l’idée de placer un miroir face à la pochette : les lettres « UP » de Supertramp qui dominent les tours jumelles sont alors devenues respectivement 9 et 11. Ils ont ensuite pris une loupe et repéré un avion dessiné sur le menu que tient la serveuse. Serveuse dont le jus d’orange posé sur le plateau semble enflammer les tours…

     

     

     

    Ajoutez à cela que les événements de ce terrible 9/11 ont eu lieu à l’heure du breakfast. Et que « Breakfast in America » est sorti 22 ans avant… Il n’en faut pas plus pour que plusieurs théories conspirationnistes ne naissent pour expliquer le 11 septembre : l’une d’entre elles vise les francs-maçons qui auraient planifié de longue date ce vol à destination des Twin Towers. Or, le milliardaire qui a soutenu financièrement le groupe lors de sa formation a été vu avec un pendentif maçonnique. « Je pense que c’est un amas d’idioties, d’âneries ! C’est dingue ce que les gens peuvent penser ou faire », rétorque sentencieusement le musicien John Helliwell.

    Une explication pour le moins extravagante, mais qui a l’intérêt de nous rappeler la devise du théoricien du complot : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Et c’est comme ça qu’il se retrouve à détailler une pochette de disque avec un miroir et une loupe…

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 09 : Les Radios Libres

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Mai 1981, les radios libres s’emparent des ondes. Presque quarante ans plus tard, il faut bien admettre que le concept de la bande FM est bien éloigné des premiers idéaux qui ont amené à sa libéralisation à l’époque. Retour sur ces années…

     

    Jusqu’en 1981, sept radios seulement émettent en France : trois de service public (France Culture, France Musique et France Inter) et quatre radios périphériques (Europe 1, RMC, RTL, Sud Radio) qui se partagent le territoire. Valéry Giscard d’Estaing veille instamment au respect de ce monopole, et tout piratage est sévèrement puni…

    Antoine Lefébure fut l’un des premiers à s’intéresser à la liberté des ondes en France. Il avait commencé à se pencher sur le sujet dès la fin des années 60, à l’époque des radios pirates, comme Radio Caroline ou Radio London, qui émettaient vers l’Angleterre à partir de bateaux amarrés en dehors des eaux territoriales. Après quelques premières expériences assez confidentielles, comme à la Fac de Jussieu, il fonda en 1974 avec Philippe Lorrain la revue « Interférences » consacrée à ces sujets.

    En 1977, il reçoit l’aide du magazine Actuel et grâce à une alliance pirates / écolos, il crée Radio Verte, dont la première émission historique date du 13 mai, diffusée avec l’aide de Brice Lalonde depuis le domicile de Jean-Edern Hallier (décidément dans tous les coups !). La voie était ouverte !

     

     

     

    L’idée de créer une radio libre trotte en fait dans la tête d’Antoine Lefébure depuis le début des années 70. Après une tentative avortée en 1975, le grand jour arrive à l’occasion des élections municipales de 1977.

    Le dimanche 20 mars 1977, Brice Lalonde annonce en direct sur le plateau d’Antenne 2 la naissance de Radio Verte. En réalité, ce qu’il fait entendre sur un transistor n’est qu’une émission factice, préenregistrée et diffusée à l’aide d’un émetteur FM compact dans un rayon de quelques mètres par son complice, Antoine Lefébure, présent en coulisses. Cette anecdote, maintes fois racontée, a surtout contribué à faire connaître auprès du grand public l’existence des radios libres et à encourager leur essor.

    La véritable première émission sera diffusée le 13 mai 1977, depuis l’appartement de Jean-Edern Hallier sur la fréquence 92 MHz, à l’aide un émetteur de 50 W bricolé par Sylvain Anichini et Jean-Luc Sendowski. Pour cette émission, Radio Verte devait d’abord émettre depuis les locaux du Nouvel Observateur, mais son directeur Claude Pedriel n’était pas favorable à cette idée. L’émission fut donc enregistrée et réalisée par Andrew Orr et Jean-Marc Fombonne dans les studios de France Culture, et sera ensuite diffusée intégralement et sans brouillage.

    Radio Verte émet ensuite de nouveau les 16 et 17 mai, puis le 18 juin 1977, subissant le brouillage implacable de TDF. Elle reprend ensuite l’antenne depuis les locaux du Matin de Paris du 12 au 14 juillet 1977, en direct cette fois-ci. Les dernières émissions seront diffusées quasiment sans discontinuer tous les jours du 7 décembre 1977 à la mi-mars 1978. Mais après les élections législatives de mars 1978, la radio devient muette. Elle ne réapparaitra qu’entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1981.

    Radio Verte sera ensuite autorisée en partage de fréquence avec NRJ ; mais elle n’émettait déjà plus depuis longtemps. Une partie des membres de Radio Verte rejoindra plus tard Radio Nova.

     

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    Un autre de ces pionniers des premières radios libres fut Patrick Van Troeyen, influencé par Michel Lancelot et son émission « Campus » sur Europe 1 en 1969, un des rares espaces de liberté radiophoniques à l’époque. Il participa en 73 à la Fac de Jussieu à Radio Entonnoir (le surnom de Michel Debré, ministre de De Gaulle puis de Pompidou), avant de créer Radio Nid de Coucou en 1978 (toujours les asiles…).

    Radio Ivre, « La Radio-Pirate des Parisiens », une station locale parisienne d’expression, créée le 19 novembre 1978 par Jean-Marc Keller, Stéphane Billot et Patrick Leygonie, émet depuis une chambre de bonne située dans le 16ème. Elle existait déjà sous une première version et diffusait du reggae depuis Colombes, puis Courbevoie… Les trois compères sont vite rejoints par Jean-François Aubac, créateur de Radio Noctiluque, et Patrick Van Troeyen, créateur de Radio Nid de Coucou, deux autres pionniers de la diffusion FM pirate sur Paris.

     

    « Nous étions tous trois assis dans mon salon du 37 avenue Gambetta Paris 20ème, à l’automne 1978 : Patrick VanTroeyen, Claude Monnet, qui créera ensuite Oblique FM, et moi-même. s’ensuivirent 18 mois de cache-cache avec TDF (brouillages), les RG, etc… avant que nous rencontrions Patrick Leygonie et Jean-Marc Keller qui avaient lancé depuis peu une station exclusivement reggae appelée Radio Ivre, émettant depuis une chambre de bonne dans le 16ème. Je sais qu’Annick Cojean a pensé que ces 18 mois étaient anecdotiques, mais ils étaient le plus clair du temps passés à réellement faire de la radio pirate. » (Jean-François Aubac)

     

    En septembre 1979, Ivre, Coucou et Noctiluque fusionnent alors dans une association (ADRI), pour donner naissance à la nouvelle « Radio Ivre », qui émettra jusqu’au 10 mai 1981, dans un premier temps uniquement les nuits du vendredi et samedi. L’objectif était de « créer le média par le média », sans recours à la presse écrite comme les mouvements de radios libres politiques.

    L’équipe de Radio Ivre s’installe progressivement dans des émissions en continu, tandis que le studio change constamment d’endroit, pour des raisons évidentes de sécurité, parmi lesquels la Tour Eve, la tour de la CLT sur le front de Seine, l’immeuble au dessus de Montparnasse, le duplex chez Brigitte Rouan au Panthéon, avenue Gambetta, chez le fils Bécaud à la Défense, au Palace, l’appartement de la rue d’Hauteville (n°70 ?) chez Alain Blanc, autrement nommé « Bretzel Liquide » ou « Bretzel Gazeux », chez Alain Corrieras, 26 rue du Plateau, aux Buttes Chaumont (la radio n’avait jamais été aussi bien « captée »), chez José Gerson, le sculpteur de la place Léon Blum, chez Doumé, dans une ancienne usine rue de Palikao dans le 20ème, au Théâtre Noir dans le 12ème, et pour finir place du Tertre, après l’épisode de « Radio Liberté ». Patrick Van Troeyen en sera le leader et porte parole.

     

     

     

     

    Née avant l’abolition du monopole d’Etat de radiodiffusion, Radio Ivre est la première radio pirate parisienne à disposer de vrais programmes et d’un émetteur de qualité. Elle émet sur 98 MHz puis sur 88.8 MHz. Après 1981, Ivre se porte candidate à l’attribution d’une fréquence légale, qu’elle obtiendra en 1982 par l’intermédiaire du mariage avec le projet Radio Nova. le 14 juillet 1982, l’équipe de Radio Ivre célèbre ainsi la fin de sa diffusion pirate, en organisant un grand bal populaire place du Tertre.

    Elle revient sur les ondes en septembre 1982 sous le nom de Nova Ivre, pour devenir Radio Nova en 1983. Avec cette fusion, Radio Ivre perdit son âme dans une union contre nature entre l’une des radios les plus spontanées de l’histoire et une autre, à l’époque plus « expérimentale » et « robotisée », sous l’influence d’anciens de France-Culture (J.M. Fonbonne, Pierre Lattes, Andrew Orr), et où il était même mal vu de faire du direct ; c’était trop « commun »… Par la suite, la tendance s’inversa, et Nova devint la station de la « Sono Mondiale ». Il ne restait malheureusement déjà plus grand monde de l’équipe originelle de Radio Ivre. Mais ça, c’est une autre histoire…

     

     

     

    « A l’époque, je participais très activement à cette épopée en créant le 1er avril 1978 Radio Noctiluque. Nous étions nombreux à attendre de Giscard D’Estaing le droit d’émettre, mais le premier juillet de la même année, l’assemblée nationale en décida autrement. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Patrick VanTroeyen et que nous avons décidé de fusionner nos « stations » et de continuer d’émettre alors que tous les autres s’arrêtaient. C’est ce que nous avons fait jusqu’en 1980 sous le nom de « Noctiluque-Nid de Coucou ». Pas facile à mémoriser, non ? » (Jean-François Aubac)

     

     

     

    Nous continuons à évoquer cette période bénie des radios libres avec Ici & Maintenant, et son site internet resté bien dans son jus. A visiter, c’est du roots ! Fondée en 1980 par Didier de Plaige, Gérard Lemaire et Guy Skornik, cette radio a depuis sa naissance joué la carte de l’interactivité : libre antenne aux auditeurs, qui pouvaient aussi composer des programmes et les diffuser par le réseau téléphonique.

     

    « A la suite de quelques discussions téléphoniques avec Skornik et Deplaige en 80, j’ai aidé à la première installation d’un studio stable pour la radio chez Guy (près du Trocadéro), en fournissant platine et table de mixage, lesquelles seront confisquées plus tard par les flics lors de leur descente sur I&M. Descente diffusée d’ailleurs pour partie en direct à l’antenne… » (Xavier « Gideon » Gentet)

     

    A signaler aussi qu’une solution originale avait été trouvée pour diffuser les programmes : ce n’étaient pas le studio et l’émetteur qui bougeaient ensemble de lieu en lieu dans Paris, comme pour Radio Ivre, mais l’émetteur seul qui voyageait entre cinq ou six hôtes équipés d’antennes, et une simple réception de ligne PTT venant du studio permettait à Ici & Maintenant d’émettre. Il est d’ailleurs arrivé que l’émetteur voyage seul en taxi d’un point à un autre ; c’est ainsi, pour un simple problème d’adresse, qu’il s’est perdu pendant 36 heures dans la nature…

    Un des animateurs historiques de cette radio est Jean-Paul Bourre, un personnage très intéressant et talentueux : il a écrit de nombreux livres, souvent en rapport avec l’ésotérisme, et fait des émissions passionnantes dans lesquelles il raconte ses souvenirs pendant des heures entières. Parmi ses thèmes favoris, les années psychédéliques, mais il parle tout aussi bien de Nietzsche, des débuts du Rock, des Blousons Noirs, de l’histoire de France, de l’Italie ou de l’Atlantide.

    Ici & Maintenant fut interdite par le CSA en 1995, sous prétexte de dérapages trop fréquents lors d’interventions d’auditeurs. Finalement, en 1997, le Conseil d’Etat lui donnait raison contre le CSA et les programmes pouvaient reprendre.

     

    Comment parler des premiers pas de ces radios libres sans évoquer évidemment Carbone 14. Au début des années 80, le monopole d’Etat sur la radiodiffusion explose et des centaines de radios libres investissent la bande FM. Le 14 décembre 1981, la radio Carbone 14 émet pour la première fois sur Paris. Elle va connaître un succès grandissant avant d’être interdite par l’Etat en 1983.

    « Carbone 14, le Film » rend compte de l’ambiance survoltée de cette radio hors-norme qui comptait parmi ses animateurs : Supernana, Jean-Yves Lafesse, David Grossexe, Robert Lehaineux, José Lopez… Radio irrespectueuse, devenue mythique, Carbone 14 était l’une des stations les plus inventives et drôles de sa génération.

    Sélectionné au festival de Cannes en 1983, ce film ovni constitue l’un des rares témoignages en images sur le mouvement des radios libres. Il sort de la clandestinité en 2011, à l’occasion des 30 ans de Carbone 14 et de la libération de la bande FM.

     

    [arve url= »https://vimeo.com/24003687″ align= »center » title= »Carbone 14, le Film » maxwidth= »900″ /]

     

     

    Parmi les autres radios pionnières, on pourrait également citer Radio Tchatch, fondée par Serge Kruger, l’une des premières stations à programmer essentiellement de la musique black, Salsa, Antillaise ou Africaine, Radio Onz’Débrouille 102 MHz fondée par Alain Léger, qui émit sur Paris tous les jours du 15 février 1978 jusqu’à la fin juillet 78, puis depuis la Fac de Vincennes, avec un grand direct lors de l’arrivée de la grande marche des paysans du Larzac, Gilda avec Patrick Fillioud, le fils du ministre, Radio Tomate (Bruno Guattari), Aligre FM, avec Philippe Vannini, Nova, La Voix du Lézard (devenue Skyrock), Carol FM, Oblique, Cité Future (Le Monde), NRJ, RFM, Boulevard du Rock, et bien d’autres…

     

    1979 : le Parti Socialiste se lance dans la bataille des radios libres, alors non autorisées, en lançant le 28 juin « Radio-Riposte », station pirate créée spécialement par le Parti socialiste pour dénoncer la mainmise sur les réseaux d’information par le président Valéry Giscard d’Estaing.

     

    Le 28 juin 1979, donc, sur Radio Riposte, François Mitterrand dénonce dans une allocution préenregistrée la situation scandaleuse de l’information et sa confiscation giscardienne. Le message est brouillé par les forces de l’ordre qui, vers 20 heures, donnent l’assaut au 12 de la cité Malesherbes, à Paris, annexe du siège du PS, d’où est  diffusée l’émission. Laurent Fabius et François Mitterrand seront inculpés pour infraction au monopole.

    Autant dire que le 10 mai 1981, soir de l’élection présidentielle, lorsque apparaît sur les écrans de télévision le visage de François Mitterrand, les ailes des candidats à la libération des ondes poussent à grande vitesse. En quelques heures à peine, dès la nuit venue, des centaines de radios se mettent à émettre dans toute la France. Une semaine plus tard, elles seront trois mille…

     

    Sources : SchooP / Wikipedia

     

     

     

  • Il était une fois… Le Boy

     

     

    Philippe Fatien, homme d’affaire opportuniste et ex forain reconverti en roi de la nuit, crée le Boy à la fin des années 80…  Et c’est la révolution. Retour en arrière… A Paris, dans les années 70, les clubs réservés aux gays étaient quasi inexistants ou juste des timbres poste, au mieux des arrière-salles de bars plus ou moins définies comme telles.

     

    Il y avait bien le Sept, club mythique de la Rue Sainte-Anne, fréquenté par Saint Laurent, Kenzo et Lagerfeld. C’était légèrement trash, avec ce vernis happy few décadent qui rendait l’endroit faussement sulfureux. S’y mélangeaient mannequins à la mode, célébrités et parfaits inconnus, venus renifler de près toute cette crème hype. Mais l’endroit était minuscule et souffrait de ne plus pouvoir contenir une population sans cesse grandissante et toujours un peu plus nombreuse à assumer et revendiquer sa place dans les folles nuits parisiennes.

    Il faudra attendre 1978 et l’ouverture du Palace, Rue du Faubourg Montmartre, pour que toute la faune branchée du Sept migre vers cet ancien théâtre reconverti en nouveau temple underground et select, et rende les nuits de la capitale encore plus novatrices et incontournables, en matière de soirées et d’ambiance.

    Début 80, ce sont les Bains Douches très vite rebaptisé Les Bains, Rue du Bourg-l’Abbé, qui vont voir le jour, avec leur cortège de VIP, de coke et de musiques inédites et décalées. Endroit plus petit que le Palace, mais avec une amplitude de branchitude bien plus importante encore. La redoutable physio dénommée Marilyn, telle un cerbère, sélectionne les clients comme Pedro le ferait avec chaque grain de café.

     

     

     

    Mais en ce qui concerne les lieux gays purs et durs, des petits cabarets, davantage que des boites de nuit, émergent vers la fin des années 70, comme Le Scaramouche, Rue Vivienne, Le Rocambole, Le Sélénite ou Le Mocambo en banlieue parisienne. Courant 80, c’est Le Broad dans le quartier des Halles, Rue de la Ferronnerie, qui ouvre et devient forcément très vite « the place to be », lorsqu’on est jeune et que l’on aime le fun… Et qu’on est homo aussi.

    Il faudra pourtant laisser s’écouler toute la satanée décennie des vestes à giga-épaulettes pour voir s’ouvrir un lieu de grande taille comme Le Palace, entièrement consacré aux hommes qui aiment les hommes, avec des DJs talentueux et à l’inspiration musicale avant-gardiste. Fini l’underground et le dissimulé. Terminé la marginalisation ou la clandestinité.

    L’idée du Boy, c’est de transformer les nuits gays en de vastes fêtes populaires ouvertes à tous. En prenant comme modèle le célèbre club new-yorkais, le Paradise Garage, Philippe Fatien, le futur propriétaire du Queen, sent l’opportunité lui sourire en ouvrant Rue Caumartin, juste sous l’Olympia, son propre sanctuaire dédié à la House Music, Acid House, Garage et New Beat, tous ces nouveaux courants musicaux venu de Chicago, Detroit et New York.

    C’est une révolution, surtout pour tous les petits gars qui débarquent de leur province, en découvrant ce lieu où l’on programme un son jamais entendu jusqu’alors. Avec l’émergence de cette nouvelle musique, à l’aune de la techno, les gays découvre une identité musicale qui répondra parfaitement à leur époque, en formant un tout.

    Une identité revendicatrice qui passe d’abord par des marqueurs vestimentaires, avec l’attitude et le mode de vie qui les accompagnent. Bonjour le short cycliste avec la grande chemise blanche large portée par-dessus, ou encore le t-shirt à manche courte ultra-moulant qui rappelle un peu Laurent Fignon… La casquette et son gros Boy’z London en métal dessus, avec des petites ailes. Le DJ bag, les Ockleys et les grosses chaussures. Au revoir la sobriété et le bon goût. Le gay n’a plus peur et il s’affiche.

    C’est aussi au Boy que l’on découvre cette musique noire américaine, entre gospel et soul, teinté d’électronique, qui émerge des cendres du disco dès le début des années 80. Un phoenix qui va également prendre sous son aile, au coeur de ces grandes villes outre-Atlantique, tous les laissés pour compte du grand rêve américain, celui qui lavait plus blanc que blanc et de préférence hétérosexuel.

     

     

     

    Alors, à Paris comme à New York, la communauté queer, gay, trans et travestie, communie tous les soirs au Boy. Et ils sont plus de mille, les bras en l’air et le sourire aux lèvres, à se remuer sur la piste jusqu’à 5 ou 6 heures du matin, sur « Vogue » de Madonna, Frankie Knuckles, David Morales, les Masters At Work, Erick Morillo, Todd Terry et tant d’autres encore. On y transpire et on y suinte, on y drague accessoirement, mais ça passe toujours après la danse…

    Dans ces années sida qui ratissent large, Les soirées gay ne seront désormais plus sordides, sombres et mélancoliques, mais lumineuses, pleines de paillettes et de musiques enivrantes. On danse au Boy plutôt que de hanter les sanisettes de gare, les parkings ou les escaliers de la station du RER Auber. On aspire à la lumière de la piste et à ces hauts cubes sur lesquels des danseurs lambda viennent se mesurer et avoir leur minute de gloire, à grands coups de chorégraphies synchros. A l’entrée, Sandrine la physio, impassible, encadrée de deux gorilles. Derrière les portes, ce grand escalier qui mène jusqu’à l’arène…

    Se souvenir avec délice du son d’abord sourd d’un morceau House comme « Good Life » d’Inner City en 1989, ou encore « Promised Land » de Joe Smooth, qui vous bourdonnent dans les oreilles pour exploser dès que vous franchissez les portes insonorisées, en kyrielle de notes et de voix Soul comme du chocolat chaud avec des éclats de noisette. Les basses qui vrombissent dans vos oreilles et chatouillent vos tympans…

     

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    Laurent Garnier sera DJ résident tout le temps que durera l’aventure du Boy. Soit tout juste trois années inoubliables, précieuses et rares. Dans son sillage, s’engouffreront ses apôtres, David Guetta, Stéphane Pompougnac, Joachim Garraud, Fred Rister, Bruno Kauffmann et Marco, le DJ Belge qui importera en France le son Techno venu directement d’Europe du Nord, la New Beat.

    Dans ce temple païen, refuge de tous les orphelins des années 80, cette décennie qui n’a pas été tendre avec les homosexuels, les nuits y sont folles. C’est aussi l’apparition pour la première fois des Drag Queens, ce phénomène pourtant apparu plus de dix ans plus tôt outre-Atlantique, à New York, et qui explose seulement maintenant en France. Tous les jeudi soir, place aux Incroyables, avec une débauche de créatures insensées, Burtoniennes, qui dansent au-dessus de la foule en transe, sur des cubes ou dans des cages. Visions baroques et oniriques qui apportent tout ce dont rêvent ceux qui viennent ici…

    Mais en 1992, le couperet tombe. Une fermeture administrative vient clore cette parenthèse enchantée, qui commençait à faire grincer pas mal de dents, à commencer par celles des riverains qui se plaignaient tous les soirs de voir défiler sous leurs fenêtres cette faune bigarrée et transgressive. Il sera question d’une sombre histoire de viol, puis de trafic de drogue, qui condamnent définitivement cette arche de Noé 2.0 à fermer ses portes.

    Un temps, les aficionados vont se rabattre sur des substituts, comme Le Scorpion, spécialisé dans la Techno, le Rex Club, Le Haute Tension, La Luna et Le B.H, d’autres clubs également très prisés par une clientèle plus spécifique, pour ne pas dire Hardcore.

    Philipe Fatien, le créateur de cette boîte de nuit devenue en seulement trois ans une institution, entrevoit la seconde opportunité de recréer le Boy, en accédant à une adresse beaucoup plus prestigieuse encore. Fort de sa réputation qui l’accompagne désormais comme un halo, le Boy réouvre ses portes sur les Champs Elysées un an plus tard et redevient dans les premiers temps forcément la référence absolue… Mais aussi une marque de fabrique dont on parle en province et dans le monde entier.

    Voici le nouveau royaume de la nuit où tout le monde veut se rendre. Désormais, agenouillez-vous devant Le Queen

     

     

     

    Mais difficile de reproduire les mêmes tours de magie, quand on sait justement qu’il n’y a pas de trucs et qu’il s’agit de magie pure. Ce qui s’est passé au Boy était de l’ordre de l’impensable, du miracle et avec le Queen, c’est une nouvelle époque.

    Sa majesté va devoir désormais rivaliser avec d’autres lieux qui espèrent récupérer un peu du gâteau et de cette population toujours plus nombreuse, qui en ces temps d’avant téléphone portable, internet et attentats, ne pense qu’à une chose : sortir, sortir et toujours sortir. L’Enfer d’abord, derrière les Champs Elysées, non loin du Queen, puis au pied de la Tour Montparnasse, sera surtout réputé pour ses Afters.

    Le Club, Rue Saint Denis, et sa clientèle Afro-Antillaise, comme d’autres lieux réquisitionnés uniquement les samedis soir pour une clientèle qui ne se reconnaît pas forcément dans le faux luxe de cette reine de la nuit autoproclamée comme telle.

    Le Queen sera plus grand et plus meanstream, attirant une clientèle toujours plus diluée (et tous ces hétéros en goguette qui venaient frôler du pédé comme on va au zoo). Des soirées à thème mais qui deviennent des parodies, des caricatures, comme les dimanches soir appelés « le jour des coiffeuses », animés par Galia, une transexuelle qui débite des conneries au micro pour faire rire un public blasé et déjà triste. Les soirées OverKitch…

    Entre temps la musique devient techno, ambiant, electro, deep et s’exporte dans tous les clubs de France et de Navarre. Le Queen n’a donc plus l’exclusivité de ce son et va hélas durant les années qui vont suivre s’essouffler petit à petit.

    Dans la foulée, Le Palace, tombé en désuétude presque en même temps que les Bains, va connaître un temps une seconde vie avec ses « Gay Tea Dance » le dimanche et enchaîner le soir avec le Privilège, son club en sous-sol où la part belle est donnée à la musique pure et à tous ceux qui viennent pour exclusivement danser jusqu’à en mourir d’épuisement.

    DJ André et ses sons magiques, quand House et Garage n’ont jamais provoqué autant d’orgasmes auditifs. La salle de concert L’Elysée Montmartre, tous les samedis soir, va programmer également des soirées gay, mais ouvertes à toutes et à tous, avec une programmation musicale toujours plus pointue et inouïe. Le Bataclan viendra proposer également des samedi thématiques, pour la faune gay parisienne.

    Mais les années 2000 auront eu raison de ces chapelles païennes où l’on se rendait comme d’autres allaient à la messe, par une sorte de nostalgie anticipée, pour allumer une bougie. Tous savaient que cela ne durerait pas. Les bulles sont éphémères.

     

     

     

     

    Il y avait de la magie avec Le Boy quand ça n’était plus que prestidigitation avec le Queen…

    Le Queen traversera donc les années 90 sans trop d’encombre, puis les années 2000, mais le club auparavant mythique en est réduit à ne plus être qu’un logo et un patronyme dénué de sens. Les gays ont déserté les lieux depuis belle lurette et l’endroit est désormais ringard et sinistre. L’agonie durera encore jusqu’en 2015, date à laquelle le club déménage pour aller s’installer un temps juste en face sur l’avenue, et pour enfin définitivement fermer ses portes à peine deux ans plus tard, dans l’indifférence générale.

    Si la crise et les attentats en pagaille auront eu raison de ces vastes lieux de communion, où tout le monde était happy, les nouveaux modes de communications, de rencontre et de drague auront aussi eu leur part de responsabilité dans l’histoire. Aujourd’hui, c’est le Dépôt, Rue aux Ours, qui fait office de synthèse aux nouvelles habitudes de sortie chez les mecs. Un bar, un club, mais surtout la plus grande backroom d’Europe.

    … Mais rappelez-vous encore un peu de cette époque bénie où tout passait par le prisme de la boîte de nuit. Instantané de vie, de la vie d’un gay lambda comme on pouvait en croiser des tonnes à cette époque, avec leurs préoccupations, leurs doutes, leurs souhaits.

     

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