Catégorie : Bande Dessinée

  • Bande Dessinée : Tintin fête ses 90 ans

     

     

    Tintin, le célèbre personnage créé par Hergé en 1929, reste à ce jour l’un des plus grands héros de BD, comptant partout dans le monde des fans inconditionnels et très fins connaisseurs de son histoire.

     

    Tout a donc commencé le 10 janvier 1929, lorsqu’un nouveau personnage apparaît dans le supplément jeunesse d’un grand journal belge. Ce journal c’est « Le Vingtième Siècle », et son supplément, c’est « Le Petit Vingtième »… Quant au dessinateur, c’est Georges Remi, alias Hergé, qui a reçu une commande de son rédacteur en chef.

    Et la commande est relativement sommaire : un héros, reporter du « Petit Vingtième », qui part en URSS… C’est la naissance de Tintin et de son fidèle compagnon Milou. Tintin, reporter du « Petit Vingtième »… Publiées d’abord en feuilleton, ces premières aventures de Tintin sortent finalement en album en septembre 1930.

    L’album en question, c’est « Tintin au pays des Soviets », longtemps introuvable et qui fait l’objet d’un culte absolu chez les Tintinophiles. Un album tabou, plus encore que « Tintin au Congo », tout du moins au départ ! On accuse en effet Hergé d’avoir versé dans l’antisoviétisme primaire, et d’être à la solde de l’extrême droite…

    Hergé rééditera 500 exemplaires de cet album en 1966, à compte d’auteur et simplement pour ses amis. En 1969, une édition pirate est saisie chez les libraires, mais en 1973, Casterman le réédite enfin en même temps que les deux albums suivants, « Tintin au Congo » et « Tintin en Amérique ». L’occasion pour Hergé de revenir sur la genèse de « Tintin au pays des Soviets »… Il est ici l’invité de Bernard Pivot dans « Ouvrez les Guillemets », l’ancêtre d’Apostrophes.

     

    « Il est certain que ça se passait dans un journal catholique, d’extrême droite, anti-soviétique. » (Hergé)

     

     

     

    Le contexte mondial auquel Hergé fait allusion pour justifier la genèse de « Tintin au pays des Soviets », il ne va finalement jamais cesser d’y coller.

    C’est aussi l’Anschluss, dans une aventure très antifasciste publiée en 1938-1939, « Le Sceptre d’Ottokar », avec comme grand méchant le terrible Müsstler, mi Mussolini, mi Hitler.

    Dans l’aventure suivante, « Tintin au pays de l’or noir », terminée seulement à la fin des années 40, c’est le pétrole, nouvel enjeu géopolitique majeur, non seulement au  Moyen-Orient mais bientôt partout dans le monde.

    C’est encore la conquête spatiale, avec deux albums, « Objectif Lune » en 1953 et « On a marché sur la Lune » en 1954. Et quand les Soviétiques envoient en orbite Spoutnik avec la chienne Laika en 1957, vers qui les journalistes se précipitent-ils ? Eh bien, vers Hergé bien sûr !

     

    « Monsieur Hergé, que pense Tintin du lancement de Spoutnik ? »

    « Ah, Tintin évidemment admire profondément l’exploit réalisé là. Mais il est un peu inquiet, car s’il ne connaissait pas le professeur Tournesol comme il le connaît, il aurait été tenté de le soupçonner d’avoir communiqué aux Soviétiques les plans de sa fusée lunaire ! »

     

    Hergé dira de Tintin qu’il est apolitique, mais la politique est partout dans Tintin, et même quand celui-ci ne fait « jamais » de politique…

    Le moins politique des aventures de Tintin est sans doute « Tintin au Tibet », album magnifique de 1959, où le blanc domine ; l’album préféré d’Hergé, une belle histoire d’amitié, dans laquelle Tintin part retrouver Tchang, perdu depuis « Le Lotus Bleu » en 1934. Une histoire sans méchant, qui marque d’ailleurs pour Hergé la fin d’une très longue période de dépression. Tintin y pleure de joie en retrouvant Tchang, après avoir pleuré une première fois, de tristesse, en quittant le même Tchang, 25 ans plus tôt.

    Et même cet album a une portée géopolitique majeure, finalement. Alors que Hergé n’y dit pas un mot de la répression chinoise et du départ du Dalaï Lama, ce même Dalaï Lama déclarera en 2006 : « Ne vous y trompez pas, « Tintin au Tibet » a permis à un nombre de personnes considérable de par le monde de connaître l’existence du Tibet. Hergé a contribué à une prise de conscience internationale beaucoup plus aigüe du Tibet. En nous envoyant son reporter, son rôle fut très significatif ».

    Voilà qui en dit long sur l’importance politique et historique d’un petit bonhomme à la houppette né il y a 90 ans.

     

    Mais comment est né le célèbre reporter créé par Hergé ?

    Au gré des 24 aventures de Tintin, il n’y a officiellement qu’un seul secret, celui de la Licorne. En réalité, la vie du nonagénaire Tintin regorge d’autres petits secrets.

    D’abord, d’où vient le nom de Milou ? Hergé n’a pas cherché très loin pour baptiser le fidèle compagnon de Tintin, omniprésent dans ses aventures. « C’était le surnom de la première petite amie de Hergé quand il était adolescent. Elle s’appelait Marie-Louise, mais on l’appelait Milou », révèle Benoît Peeters, auteur de « Hergé, fils de Tintin ».

     

    Les petits secrets du capitaine Haddock

    Quant aux Dupont, les fameux policiers aussi jumeaux que stupides, on les reconnaît grâce à leurs moustaches : l’une est droite, l’autre rebique sur les côtés. Deux piètres policiers sortis de l’inconscient de Hergé.

    Le capitaine Haddock a lui aussi ses petits secrets. Un personnage haut en couleur, présent sur la plupart des couvertures d’albums. Concernant les jurons qui nourrissent ses colères, c’est Hergé lui-même qui a essuyé la première insulte du genre un jour sur un marché, et ça l’a inspiré…

     

    A noter que Tintin devrait bientôt avoir droit à son deuxième film au cinéma, à l’initiative du duo Peter Jackson-Steven Spielberg, mais aussi peut-être à un album inédit, a indiqué le directeur éditorial des éditions Casterman : « J’aimerais beaucoup publier cette année, je ne désespère pas de le faire, un inédit, « Tintin et le Thermo-Zéro », a annoncé Benoît Mouchart. C’est vraiment un témoignage intéressant, beaucoup plus complet que l’Alph’art. L’histoire est terminée, le dessin n’est pas totalement encré ».

    A suivre, donc…

     

     

     

  • Il y a 40 ans, Goldorak débarquait en France

     

     

    Goldorak, le célèbre robot de combat japonais, est apparu pour la première fois à la télévision française le 03 juillet 1978, dans l’émission « Récré A2 » sur Antenne 2.

     

    Lundi 3 juillet 1978, donc… Il est 16h sur le service public : ce jour-là, Antenne 2 lance une nouvelle émission d’été destinée aux enfants, « Récré A2 ». À sa tête, une jeune animatrice, Dorothée. La jeune femme n’est pas encore connue : elle n’est speakerine sur la chaîne que depuis un an, et c’est la toute première émission qu’elle présente.

     

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    Le programme de ce Récré A2 est marqué par l’arrivée d’une série animée inédite en provenance du Japon : « Goldorak ». Pour la première fois, la télé française propose un produit issu de la culture manga. Jusqu’ici, les programmes pour enfants étaient des productions françaises (« Chapi Chapo », « Bonne Nuit les Petits », « L’Ile aux Enfants »…) ou importés des Etats-Unis (« La Panthère Rose », « Félix le Chat », « Casper »…)

    « Goldorak », le dessin animé devenu culte, est adapté de l’oeuvre du dessinateur japonais Gō Nagai. Il raconte l’histoire du Prince d’Euphor, Actarus, un extra-terrestre qui trouve refuge sur terre.

    « Goldorak » est donc le tout premier manga diffusé à la télévision française. A l’époque, il sera choisi car il coûte moins cher qu’une production nationale. Et très vite, Goldorak et son fulguropoing enregistre des records d’audience. En tout, 74 épisodes seront diffusés en France.

    Car il y a bien un avant et un après Goldorak… Succès immédiat, le dessin animé draine avec lui un merchandising colossal, inhabituel pour un programme télé à l’époque. Disques, figurines, bandes dessinées, mais aussi puzzles, jeux de cartes et même bateaux pneumatiques, garnissent les rayons de jouets. Une mécanique bien huilée qui sera appliquée à l’identique à l’autre série animée japonaise phare lancée par Récré A2, « Candy ».

    « Goldorak » et « Candy » ouvrent ainsi la voie au succès phénoménal de l’animation japonaise en France. « Albator », mis à l’antenne un an plus tard, connaîtra le même succès. À la fin des années 1980, avec le départ de Dorothée pour TF1, la génération suivante se passionne pour de nouvelles séries en provenance de Tokyo : « Dragon Ball », « Juliette je t’aime », « Ranma 1/2 », « Ken le Survivant »

    Véritable phénomène de société, Goldorak a même fait… la couverture de Paris-Match ! Le numéro 1547 du 19 janvier 1979 consacre la « folie Goldorak », avec ce robot « devenu le Messie des enfants français ». 40 ans plus tard, Goldorak continue à passionner. En témoigne sa récente sortie en coffret Blue Ray (AB Vidéo), destinée à conquérir les enfants de la génération 78.

     

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  • Jim et Hubert Touzot, exposition croisée à la galerie Octopus

     

     

    Quoi de mieux qu’une exposition croisée pour célébrer la belle amitié entre deux grands talents ? L’auteur de BD Jim et le photographe Hubert Touzot, alias « Dévoreur », se donnent magnifiquement la réplique en investissant les murs de la Galerie Octopus à Paris.

     

    La Galerie Octopus est heureuse de vous présenter l’exposition croisée de l’auteur et dessinateur de BD Jim et du photographe Hubert Touzot, dans son local du 3ème arrondissement, 80 rue des Gravilliers à Paris.

    Thierry Terrasson, alias Jim ou encore Tehy, est un auteur et dessinateur de BD prolifique, avec plus d’une centaine d’albums à son actif. Consacré, entre autres, pour son œuvre en trois tomes, « Une Nuit à Rome », sa ligne parfaitement juste et élégante esquisse régulièrement les affres de l’amour, du désir, du corps et du cœur. Il exposera ses dessins à la galerie en regard des photos de Hubert Touzot, dont il reprend certains travaux dans ses albums, en hommage à son ami de toujours.

    Hubert Touzot, Photographe Dévoreur, est un artiste qui se dédie aujourd’hui avant tout à la photographie. Quand il revêt l’habit du photographe, Hubert devient Dévoreur et mange les images avec avidité : couleurs tranchantes, lignes puissantes, superpositions de corps et de figures qui se découpent ou se perdent dans le cadre. Il présente pour la première fois son travail dans le cadre intimiste de la Galerie Octopus, en vis-à-vis des planches de Jim, mettant en avant leurs liens intimes et artistiques.

    En 2016, Jim nous déclarait à propos de son ami : « Hubert Touzot est un photographe qui a un vrai talent et mérite que l’on découvre son travail. Je lui rends d’ailleurs hommage dans l’un de mes derniers albums « De beaux moments ». C’est aussi un super ami, la personne la plus drôle que je connaisse. Il a un cerveau connecté je ne sais où, ce qui lui permet de constamment partir en vrille sur n’importe quel sujet. Il a fait un peu de scène à une époque… Il me conseille, je le conseille. Nous avons même fait un livre ensemble : « T’chat ». Nous nous faisions passer pour une fille et faisions tourner en bourrique des hommes avides de sexe sur les premiers réseaux sociaux. On en pleurait de rire ! L’éditeur un peu moins quand il a vu les chiffres de vente désastreux (rires). C’était il y a cinq ans environ. Hubert l’avait signé U’br. Il écrit toujours, le bougre. Mais son vrai virage est la photographie. »

    Les deux comparses, dont nous suivons ainsi le parcours depuis quelques années et à qui nous avons déjà consacré un certain nombre d’articles, de portraits ou d’interviews, nous touchent par leur gentillesse et leur bienveillance, alliées à une culture impressionnante. Alors, courez à la Galerie Octopus, avec le secret espoir qu’ils s’y trouvent, et vous aurez peut-être la chance de pouvoir papoter avec eux, de tout et de rien, mais surtout de BD, de photo ou encore de cinéma…

    L’exposition croisée Jim et Hubert Touzot, à ne rater sous aucun prétexte…

     

     

     

     

  • Steve Cutts : Happiness

     

     

    A l’heure du Black Friday et des périodes de soldes incessantes, de la surconsommation et de l’achat compulsif, Steve Cutts nous livre sa version animée du monde actuel, entre folie collective et schizophrénie. 

     

    Avec son court-métrage d’animation « Happiness », primé aux Webby Awards 2018, dans la catégorie « Animation », Steve Cutts nous conte l’histoire de la recherche implacable du bonheur et de l’accomplissement personnel d’un rongeur, pris dans une course effrénée, funeste et sans but.

    Le regard de l’illustrateur anglais est acerbe et féroce sur le monde qui l’entoure, à la manière des caricaturistes d’un autre temps ou des Freak Brothers. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que tout passe à la moulinette impitoyable de son trait de crayon, des marques internationales aux excès de la société de consommation, en passant par notre mode de vie ou notre addiction au téléphone portable.

    Dans les illustrations de Steve Cutts, le consommateur en prend pour son grade, représenté comme un être décérébré et hideux, gavé à la mal-bouffe et aux anxiolytiques. On pourrait penser que Cutts va trop loin, mais quelques scènes hallucinantes filmées ces dernières années à l’occasion du Black Friday aux Etats-Unis ou d’opérations promotionnelles en France (pour une pâte à tartiner, ça vous dit quelque chose ?) nous ramènent au triste constat que la réalité dépasse souvent la fiction…

    A noter que Steve Cutts a réalisé un des « Couch Gags » de la série d’animation « The Simpsons » en 2016 ainsi que le clip vidéo animé du titre de Moby, « Are You Lost In The World Like Me ? ».

    A découvrir…

     

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    Et en prime, le « Couch Gag » réalisé pour la série The Simpsons en 2016, le clip vidéo du titre de Moby « Are You Lost In The World Like Me ? », ainsi que quelques illustrations de Steve Cutts…

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Steve Cutts Official

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Steve Cutts Blog

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Steve Cutts Vimeo

     

     

     

  • Superman fête ses 80 ans

     

     

    Superman, le plus célèbre des super-héros en collants bleus fête ses 80 ans. L’occasion pour nous de vous raconter les origines d’un des héros préférés des enfants d’hier et d’aujourd’hui. 

     

    « C’est un oiseau ! C’est un avion ! Non, c’est Superman ! ». Il y a 80 ans, le dernier fils de Krypton faisait sa toute première apparition dans les pages du premier numéro de la revue « Action Comics », daté de juin 1938.

    Ses créateurs, le scénariste américain Jerry Siegel et le dessinateur canadien Joe Shuster, ne s’imaginaient sans doute pas que leur personnage rencontrerait un tel succès et encore moins que 80 ans plus tard, il serait toujours aussi populaire.

    S’il n’est pas tout à fait le premier super-héros de l’histoire – cet honneur revient à Doctor Occult créé trois ans plus tôt par les mêmes Siegel et Schuster – il est sans nul doute celui qui, parmi tous les super-héros qui feront leur apparition au fil du temps, en deviendra le plus emblématique.

     

     

     

    Superman a en effet immédiatement rencontré un énorme succès. A tel point qu’un an seulement après sa création, il fut le premier super-héros à avoir droit à sa propre revue « Superman » en 1939, puis à son feuilleton radiophonique, « Les Aventures de Superman » en 1940, ainsi qu’à son dessin animé en 1941.

    Un succès dans lequel se sont engouffrés de nombreux autres super-héros créés dans la foulée, parmi lesquels : Batman en 1939, Captain Marvel, Flash et Green Lantern en 1940, Wonder Woman et Captain America en 1941…

    Mais si Superman occupe une place à part dans l’imaginaire collectif américain, ça n’est pas simplement parce qu’il fut le premier. Ou en raison de son costume flanqué d’un grand « S » sur la poitrine, reconnaissable entre mille, voire de ses pouvoirs extraordinaires.

    Mais bien parce qu’assez rapidement, Superman est devenu l’archétype de l’icône américaine. Tant du fait des valeurs qu’il défend, comme héros et comme reporter : « la vérité, la justice et le rêve américain », que du fait de son histoire personnelle : celle d’un immigré seul survivant de sa planète, recueilli bébé par un couple d’agriculteurs du Kansas, qu’ils prénomment Clark Kent, comme ultime preuve de l’immense pouvoir d’accueil et d’assimilation des Etats-Unis.

    Une histoire qui fait écho à celle de nombreux Américains, mais aussi à celle de ses créateurs, Jerry Siegel et Joe Shuster, tous deux enfants d’immigrants juifs d’Europe de l’Est.

     

     

     

    En effet, contrairement à l’image de « boy scout » qu’on lui prête souvent, Superman n’a jamais hésité à s’engager contre les injustices. Quitte à créer parfois la polémique.

    En 1946, dans un épisode resté célèbre de l’émission de radio « Les Aventures de Superman », il fut ainsi un des premiers héros à s’en prendre ouvertement au Ku Klux Klan.

    Aux fils des ans, DC Comics, son éditeur, l’a également utilisé lors de campagnes contre le racisme et l’intolérance religieuse ou encore pour l’accueil des réfugiés.

     

     

     

    En 2011, la décision d’un de ses scénaristes de le faire renoncer à la nationalité américaine et se tourner vers les Nations-Unies, pour ne plus être accusé de ne défendre que les intérêts américains, avait aussi causé quelques controverses aux Etats-Unis.

    Tout comme celle, en septembre 2017, de le faire s’interposer entre un suprématiste blanc et des immigrés clandestins pour défendre ces derniers, un mois seulement après la tuerie de Charlottesville.

    Mais comme aime à le préciser DC Comics, Superman « personnifie ce qu’il y a de meilleur dans le rêve américain ».

     

    « On ne compte plus le nombre de personnes dans le monde qui arborent un t-shirt Superman, sans pourtant avoir forcément lu une seule page des aventures du personnage. Mais Superman porte en lui l’espoir qu’un meilleur est possible. Et tant que cet espoir subsiste, rien n’est tout à fait perdu. » (François Hercquet, Directeur Éditorial de « Urban Comics »)

     

    Superman a donc 80 ans en 2018 mais il n’a finalement pas pris une ride, tant il colle à son époque… Normal, Superman est un super-héros. Depuis 1938, des centaines de BD ont été publiées et une dizaine d’acteurs ont endossé la cape à l’écran. Pourquoi le public actuel se reconnaît encore dans ce héros d’un autre siècle ? 

     

     

     

    Superman apparaît en 1938, au moment où les grandes métropoles américaines connaissent un essor fulgurant, accompagné d’une corruption et d’une criminalité croissantes. Le super-héros redresseur de tort, c’est alors la bonne conscience des lecteurs face aux travers du monde.

    En 2018, la dureté et la déshumanisation des mégalopoles sont d’actualité et les combats de Superman gardent ainsi un fort écho. Le personnage, quant à lui, à l’instar d’autres super-héros, à commencer par Batman, devient plus complexe et sombre, moins lisse.

     

     

     

    Et puis, Superman est à sa façon un migrant, un réfugié. Son monde natal, la planète Krypton, a été détruit lorsqu’il était enfant. Superman est un étranger qui n’aspire qu’à se fondre parmi la population du pays qui l’a accueilli, les Etats-Unis. Encore un thème fort de notre temps…

    Enfin, le pire ennemi du héros, c’est Lex Luthor, un mauvais génie milliardaire et mégalomane qui fomente de bien sombres projets. Pour certains, ce personnage apparu en 1940 serait simplement une préfiguration des grands patrons d’internet. Bref, du haut de ses 80 ans, Superman nous raconte finalement la société d’aujourd’hui. 

     

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    Source : Vincent Leblé pour La Nouvelle République (Juin 2018)

     

     

     

  • Promotion canapé pour les Simpson…

     

     

    Dans la série The Simpsons, son créateur Matt Groening a mis en place un rite humoristique obligatoire pour le générique de chaque épisode : « The Couch Gag » ou « Gag Canapé ». Voici donc comment Paul Robertson et Ivan Dixon, Bansky, ou encore Sylvain Chomet et Guillermo del Toro, ont imaginé cette séquence devenue aujourd’hui incontournable pour tous les fans des Simpson.

     

    Les artistes Paul Robertson et Ivan Dixon ont signé, sur une musique de Jeremy Dower, ce générique des Simpsons entièrement pixelisé, dans le pur style des premiers jeux vidéo des années 80.

     

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    Si l’univers présenté par Banksy est sombre, il n’est pourtant pas si éloigné de la réalité, faisant directement référence à la sous-traitance en Corée du Sud d’une grosse partie du travail de production de la série.

     

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    Sylvain Chomet, quant à lui, y va peut-être un peu fort sur les clichés ou diverses images d’Epinal : Lisa joue de l’accordéon, Marge parle Français, et Homer engloutit des escargots… Mais c’est aussi ce qui fait la force de son cinéma d’animation.

     

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    C’est à l’occasion d’Halloween, et pour un spécial Horror Show, que Guillermo del Toro, le réalisateur du Labyrinthe de Pan, de Blade, de Pacific Rim, ou encore d’Hellboy, adapte le générique du célèbre dessin animé américain à la sauce fantastique.

     

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    Et pour finir, la réponse de Jonnystyle à Banksy, sur le générique des Simpsons…

     

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  • Gwenn Germain : « Celles et Ceux des Cimes et Cieux »

     

     

    Inspiré par les univers de Hayao Miyazaki et Moebius, Gwenn Germain réalisait en 2015 un petit chef-d’oeuvre d’animation salué dans le monde entier.

     

    Gwenn Germain, âgé aujourd’hui de 26 ans, est déjà connu dans le monde entier pour avoir réalisé en 2015 un film d’animation absolument fabuleux ! Seul aux commandes de ce projet, ce jeune prodige a créé un court-métrage à mi-chemin entre les univers de Moebius, Hayao Miyazaki et Syd Mead. Ces trois artistes ont inspiré le jeune Français, qui nous embarquait dans une aventure exceptionnelle au coeur du monde de « Celles et Ceux des Cimes et Cieux ».

     

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    Gwenn Germain était en 2015 étudiant au Creapole ESDI (École Supérieure de Design Industriel). A l’époque, âgé de seulement 23 ans, « seul dans sa cabane », le jeune homme réalisait un film d’animation exceptionnel au design incroyable. Inspiré par Moebius, Hayao Miyazaki et Syd Mead, il nous livrait une animation époustouflante, encensée par les fans du monde entier. Il lui aura fallu cinq longs mois de dur labeur pour arriver à un tel résultat !

    Le film met en scène un jeune garçon vivant dans un village, sur un arbre gigantesque. Après quelques péripéties, celui-ci chute brutalement de l’arbre pour atterrir en territoire inconnu… Comment fera-t-il pour retrouver les siens ? On vous laisse le découvrir dans ce petit court-métrage aussi grandiose que magnifique, qui promet de belles surprises.

     

     

     

    Merci à Gwenn Germain pour cet incroyable court-métrage digne des plus grands réalisateurs. A la rédaction, nous sommes encore surpris qu’il n’ait mis que cinq mois, qui plus est seul, pour réaliser un tel chef-d’oeuvre. On vous encourage à soutenir ce jeune prodige français, dont on pourrait entendre parler dans les années à venir.

    A découvrir d’urgence…

     

     

     

  • Cinquante ans après leur création, les Shadoks pompent toujours

     

     

    Les Shadoks ont 50 ans ! C’est en 1968 qu’apparaissaient pour la première fois à la télévision française ces drôles d’oiseaux créés par Jacques Rouxel. Leur style, leur univers décalé et leur humour absurde sont au cœur d’une exposition au musée Tomi Ungerer, à Strasbourg, jusqu’au 08 juillet 2018. Instant City vous propose de découvrir ou de redécouvrir cette série télévisée OVNI.

     

    Les Shadoks, la fameuse série télévisée d’animation imaginée par Jacques Rouxel en 1968 donne lieu à une exposition au Musée Tomi Ungerer, à Strasbourg. Par leur humour surréaliste et absurde, ces drôles d’oiseaux obsédés par la construction de machines infernales qui ne fonctionnent jamais et immortalisés par la voix de Claude Piéplu ont révolutionné le dessin animé.

     

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    Il y a cinquante ans, donc, débarquaient sur le petit écran les aventures cosmiques des Shadoks. Vous vous souvenez ? Ces oiseaux pas très futés, aux ailes minuscules, qui ont pour ennemis jurés les intelligents Gibis qui s’amusent toute la journée. De la Cour des Shadoks à Paris aux côtés du réalisateur Thierry Dejean au Musée Tomi Ungerer à Strasbourg, avec la commissaire d’exposition Thérèse Willer, nous reparcourons ensemble le phénomène « Shadoks », véritable révolution pour toute une génération.

     

    « Au tout début, l’émission fit scandale. Les gens écrivaient en masse pour se plaindre, arguant entre autres choses que c’était une honte d’avoir à payer la redevance pour voir des programmes aussi stupides. » (Thierry Dejean, réalisateur et auteur du livre « Les Shadoks de Jacques Rouxel » paru aux Editions Hoëbeke)

     

    « Outre l’idiotie du sujet, les dessins sont vraiment en dessous de tout. La technique y est vraiment ramenée à sa plus simple expression. J’espère pour vous que seul le manque de crédits en est la cause. » (lettre de protestation lue par Jean Yanne en février 1969 dans le cadre de la chronique télévisée « Les Français écrivent aux Shadoks »)

     

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    « A l’époque, il se disait communément que les Shadoks avaient partagé la France en deux et que c’était la nouvelle bataille d’Hernani, opposant éternellement les modernes et les classiques, ou encore qu’ils avaient contribué au déclenchement des événements de mai 68. » (Thierry Dejean)

     

    Les secousses cosmiques des Shadoks interviennent tous les soirs à la télévision française, à une heure de grande écoute. Et c’est la voix mythique de Claude Piéplu, narrateur de la série, qui rythme ce rendez-vous quotidien. En 1993, à l’occasion des 25 ans de la première diffusion des Shadoks, Michel Field interroge Jacques Rouxel et Claude Piéplu dans Le Cercle de Minuit :

     

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    Le véritable créateur des Shadoks, c’est donc Jacques Rouxel. Il se présente au Service de la Recherche de l’ORTF, son projet sous le bras, avec le désir d’adapter à la télévision le principe des comic strips, ces courtes bandes dessinées en général composées de quatre à six cases disposées horizontalement, que l’on pouvait trouver à la fin des quotidiens de l’époque. Jacques Rouxel est non seulement le concepteur des Shadoks, mais il en est aussi l’auteur, tant du scénario que des textes et du dessin. Son style graphique est épuré, minimaliste. Un rond, un triangle, deux lignes suffisent à figurer un Shadok. Cette utilisation des formes géométriques témoigne ainsi de la forte influence de la peinture moderne chez Rouxel.

     

     

    Parmi ses sources d’inspiration, on trouve pêle-mêle un tableau très célèbre de Paul Klee s’intitulant « La Machine à Gazouiller » peint en 1922 et exposé au MoMa à New York, dans lequel on peut reconnaitre la forme caractéristique des Shadoks, jusqu’aux dessins d’un illustrateur célèbre de l’époque, Saul Steinberg, qui a fait beaucoup de couvertures pour le NewYorker.

     

     

    Les cartoons de Saul Steinberg étaient extrêmement connus pour la sobriété de leur ligne, ce que l’on appelait le « One Line Drawing ». Et Jacques Rouxel s’est aussi très certainement souvenu des « Trois Brigands » de Tomi Ungerer pour concevoir ses Shadoks.

     

     

     

    Au delà des influences graphiques, les Shadoks suivent la vague des expérimentations sonores de l’époque. Robert Cohen-Solal compose la bande son du programme, avec comme influence majeure Pierre Schaeffer, en charge à l’époque du Service de la Recherche de l’ORTF et considéré comme l’inventeur de la musique concrete.

     

    « La Musique Concrète, ce sont les premiers samples, bien-sûr, mais aussi les premières expériences d’enregistrement de sons provenant du quotidien, et qui sont rejoués et retravaillés à l’aide d’instruments électro-acoustiques. » (Thierry Dejean)

     

     

    Cette inventivité dans les formes artistiques s’accompagne d’une réflexion sur la méthode de travail. Chaque saison des Shadoks comporte 52 épisodes, pour quatre saisons au total. Cela signifie beaucoup de Shadoks à dessiner, et un rythme effréné à suivre en terme de production, puisque l’émission sera diffusée chaque soir entre 1968 et 1973.

     

    « La première saison des Shadoks sera réalisée grâce à une machine ingénieuse dénommée l’animographe, inventée par Jean Dejoux, chercheur à la RTF. Cet appareil avait été conçu à l’origine pour réaliser des dessins animés, mais il obligeait les animateurs à travailler sur un format très petit. On disait d’ailleurs à l’époque qu’il était inconcevable de faire du Walt Disney avec l’animographe. Face au manque cruel de budget à la télévision française, la série des Shadoks fut donc créée avec très peu de moyens. Cette machine permettait ainsi de faire du dessin animé à moindre coût. »

     

    Dans les Shadoks, on peut voir une critique acerbe du travail. Les personnages passaient leur existence entière à pomper… pour rien. Y est abordé aussi le thème de l’absurdité de la condition humaine : pourquoi doit-on se tuer à travailler alors qu’on est condamné à mourir ? Tout ça dans le contexte de mai 68, les Shadoks nous renvoient aux slogans de l’époque : « ne perdez pas votre vie à la gagner » ou encore « ne travaillez jamais ». Les Shadoks étaient donc définitivement dans l’air du temps.

     

    « Pour moi, Les Shadoks, c’était un peu ma madeleine de Proust, avec la sensation que ce programme était un moment de liberté que la télévision nous offrait, à nous, enfants. Alors qu’au départ, Les Shadoks s’adressaient aux adultes et étaient d’ailleurs diffusés à un moment de la journée qui leur était plutôt réservé… »

     

    Pendant toute la période de diffusion des épisodes des Shadoks, Jacques Rouxel recevra ainsi une abondante correspondance d’enfants qui lui témoigneront leur reconnaissance et leur soutien…

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour Aller Plus Loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Les Shadoks Fan Page

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  • Un Printemps à Tchernobyl

     

     

    Une association d’auteurs, « Les Dessin’ Acteurs », propose à Emmanuel Lepage de faire partie du voyage organisé à Tchernobyl, 22 ans après la catastrophe. Il s’agit d’une association engagée via le dessin d’investigation. Grâce à des appels à financements, les membres de l’association organisent des voyages-reportages sur des sites ciblés, afin de témoigner par le dessin des réalités du terrain et de lever des fonds pour venir en aide aux victimes, ici les enfants contaminés de Tchernobyl. De ce voyage naîtront trois ouvrages : « Les fleurs de Tchernobyl », « Carnets de voyage en terre irradiée », édités par l’association, et « Un printemps à Tchernobyl ».

    Le voyage a duré 15 jours, aux frontières de la zone interdite. Avec Gildas Chasseboeuf le photographe, Ania la traductrice, Cathy journaliste à Télérama, ils filent vers Kiev, Tchernobyl, Pripiat. Emmanuel Lepage nous raconte la décision, difficile à prendre, de partir en zone contaminée, le voyage, les lectures en amont sur la catastrophe et ses dégâts. Il nous raconte le site, l’histoire, celle des liquidateurs qui prirent les morceaux de graphite à pleines mains pour les jeter dans la gueule béante du réacteur et qui sont morts pour sauver l’Europe, pour nous sauver. Il raconte la zone interdite, le sarcophage, les villages abandonnés, la ville fantôme de Pripiak. Les planches de dessin sont impressionnantes et magnifiques. Comment faire passer à travers le dessin le ressenti face à ces paysages de désolation ? Du noir et blanc, du fusain, des craies grasses aux tons ocres ou bleutés, quelques touches de couleurs, parfois, parce que parfois, la vie est là, aussi, au milieu de la mort qui rôde ici depuis 22 ans.

    Puis la couleur prend le dessus en fin d’ouvrage, comme la vie prend le dessus. Le présent victorieux sur le passé, la chaleur humaine plus forte que les radiations, la vie malgré tout, l’amour, la musique, les sourires. On sent peu à peu l’inquiétude s’apaiser, la boule au ventre disparaître, le cœur se vider de sa tristesse pour se remplir de joie. Les enfants, leurs jeux, les villages qui résistent, les jeunes qui restent : cette terre qui semblait morte regorge d’animaux, de fleurs, de lacs, de soleil. Des gens vivent là. C’est cette réalité-là, aussi, que l’auteur ramène dans sa valise. Venu se confronter à la mort, c’est finalement la vie qui l’a surpris.

     

    Un Printemps à Tchernobyl

    Emmanuel Lepage

    Editions Futuropolis (2012)

     

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Article de « Rue 89 »

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Les Dessin’ Acteurs

     

     

     

  • L’érection selon Jim

     

     

    Jim est un compagnon de route fidèle d’Instant City. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la lecture de « Une Nuit à Rome » et de « L’Invitation » dont Michael Cohen a tiré un long-métrage qui sortira à la rentrée prochaine. C’est donc avec plaisir et curiosité que nous avons découvert son dernier né : « L’érection ». La bande dessinée est parue le 1er juin 2016 aux éditions Bamboo, dans la collection Grand Angle. Une histoire de couple comme les aime l’auteur, qui retrouve Lounis Chabane au dessin avec lequel il avait déjà co-réalisé les deux tomes de « Héléna ». Le pitch : quelques jours avant Noël, Léa et Florent, la quarantaine, reçoivent un couple d’amis, Alexandra et Jean-Fabrice. Au cours du dîner, ces derniers annoncent leur intention de se séparer. Emue, Léa pose alors sa main sous la table sur la cuisse de Florent et découvre que celui-ci est en pleine érection. S’en suit une nuit de disputes et d’événements inattendus qui feront éclater toutes les vérités…

    Les dessins sont très beaux, la couleur est magnifique, avec ces bleus (qui rappellent la couleur de la pilule), ces vieux roses et parfois ces pointes de rouge qui font relief. Le lecteur se positionne comme un spectateur face à une scène de théâtre. Il assiste à une comédie de boulevard, un vaudeville. Jim s’amuse. Après le titre gentiment provocateur à la manière d’une blague de sale gamin, il joue avec les défis : économie de décors et de personnages, huis-clos, histoire en deux actes. Comme au théâtre. Souvenir d’enfance des soirées familiales le vendredi soir devant le poste de télévision et le rendez-vous incontournable de « Au Théâtre ce Soir ». On a tous en tête les fameux « costumes de Donald Cardwell » et les « décors de Roger Harth ». « L’érection », c’est aussi tout un tas de clins d’oeil placés ça et là : des détails de décors comme le petit robot de Star Wars près de la crèche en Playmobils, des prénoms, des anecdotes dont Jim vous livre le secret. Interview…

     

    Instant-City-Jim-Lounis-Chabane-Lerection-001

     

     

    iCity : Bonjour Jim. Comment allez-vous ?

    Jim : Bien ! Mais si la question s’applique à ce jour précis, je dirais que j’enrage car rien n’avance aussi vite que voudrais. J’attends des réponses qui tardent, et ça me rend juste fou… Mais sorti de là, tout va bien ! C’est juste le quotidien d’un impatient…

     

    iCity : Justement, sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

    Jim : Je mélange moments de BD au dessin et écriture de films. Quand on est en phase d’attente de réponses comme en ce moment, on se sent un peu freiné dans son élan… Mais du coup, j’avance la BD, et dès que les réponses tombent, je saute sur mon clavier. Alors qu’en vérité, on aimerait avancer d’un même mouvement, sans la moindre coupure. Mais ces phases d’attente permettent aussi de laisser refroidir le projet pour avoir un peu de recul.

     

    iCity : Trois publications en 2015 : les Tomes 2 de « Un petit livre oublié sur un banc » et de « Héléna », encore avec Lounis Chabane. Puis aussi « De beaux moments ». Comment expliquez-vous cette boulimie de travail ?

    Jim : Les albums prennent du temps à se faire et parfois il y a des effets de cumul. C’étaient des albums sur lesquels je bossais depuis longtemps et de fait, il peut y avoir une légère impression d’embouteillage vu d’un oeil extérieur. J’aime beaucoup avoir une actualité et des livres en librairie, mais il y a aussi des moments où il ne se passe rien. Il m’est arrivé il y a quelques années d’avoir onze nouveautés sorties la même année, mais certaines d’entre elles avaient démarré trois ans plus tôt. Quand on est dessinateur, il faut parfois un an voire un an et demi pour faire un album, plus certains dont je suis seulement au scénario, et parfois on peut avoir une impression curieuse de cumul, ce qui n’est pas le cas.

     

    iCity : Pourquoi publiez-vous chez divers éditeurs (Vent d’ouest, Grand angle, Casterman) ?

    Jim : Ca dépend des projets. En ce moment, je ne suis que chez Grand Angle parce qu’on est bien ensemble, on a les mêmes envies, le dialogue est simple et positif.

    Chez eux, j’ai trouvé une réelle mise en avant du livre, ce qui n’est pas toujours le cas chez tous les éditeurs. « Une Nuit à Rome » a eu du succès aussi grâce à son éditeur. Un album peut être bien ou mal traité. Certains éditeurs, par manque d’ambition, peuvent freiner le développement d’un album, ou au contraire le pousser en avant. Grand Angle croyait dès le départ en « Une Nuit à Rome » et voulait l’aider à trouver son public. Il ne mettait pas de barrages à son expansion : cinéma, édition de luxe, par exemple. Quand on ne trouve par le bon éditeur, on peut être amené à en changer. Pareil si on ne veut pas s’encroûter, car hélas la relation à l’éditeur n’est pas éternelle, on est souvent contraint de tester de nouvelles relations pour se renouveler. Ça permet de changer de mode de fonctionnement et sans doute parfois est-il important de rappeler à un éditeur qu’on peut aussi papillonner ailleurs. C’est de bonne guerre, les éditeurs travaillent avec de nouveaux auteurs en permanence. On n’est pas enfermé l’un avec l’autre. Je suis un auteur médian : pour l’instant, je n’ai pas de souci pour me faire éditer, mais je ne peux pas non plus faire ma star. On ne peut rien imposer à son éditeur. Ce qui fait la différence lors du choix de mon éditeur, c’est l’honnêteté de la relation, la franchise, sa capacité à donner sa chance à un projet, de sentir qu’il sera porté par une réelle envie. Que tout ça se fasse dans le plaisir, simplement !

     

    iCity : A quoi correspond la collection Grand Angle chez Bamboo ?

    Jim : Bamboo était au départ sur de la bande dessinée humour. Ils ont voulu créer une collection, un label pour des albums plus sérieux et plus réalistes.

     

    iCity : C’est votre seconde collaboration avec Lounis Chabane : un choix de votre éditeur ?

    Jim : C’est Lounis qui a apprécié « Une Nuit à Rome » qui avait demandé à l’éditeur si on pouvait travailler ensemble. Il a lu plusieurs scénarii que j’avais écrits et a accroché sur celui d’« Héléna ». On a bossé sur l’album et on a eu envie de continuer notre collaboration. J’aime bien quand celle-ci perdure sur plusieurs albums. On a fait des progrès ensemble et on va plus loin que sur « Héléna ». Je crois qu’on est meilleurs. L’album « L’érection » est mieux dessiné et mieux écrit, même si c’est difficile d’en juger vraiment, en temps qu’auteurs. Mais je nous sens plus efficaces. Il existe une réalité très simple quand on créé une bande dessinée : parfois on est content, un peu ou moyennement de ce qu’on a réalisé, aucun de nous deux ne peut dire si à l’arrivée nous serons satisfaits du résultat final. Il se trouve que là, on est plutôt contents.

     

    iCity : Comment fonctionnez-vous ensemble, lui à Paris et vous à Montpellier ?

    Jim : Oh, ça se fait très naturellement. Je suis très investi dans le découpage : c’est une phase que j’adore. Je fais le story-board et Lounis fait le crayonné. Il me le montre et quand ça nous va à tous les deux, il attaque l’encrage, scanne les planches, les envoie par mail. Il faut être en phase pour travailler ensemble. Lounis est très bosseur et perfectionniste : il sait qu’à chaque fois qu’on pinaille ou retravaille une pose, c’est pour optimiser le résultat à l’arrivée. Il est très investi, on a une relation très franche et perfectionniste. Ca peut être contraignant pour un dessinateur d’avoir quelqu’un qui donne son avis sur les planches. Le fait que je dessine aussi est à la fois un avantage et un inconvénient. Avec nous, ça marche dans les deux sens : Lounis me propose aussi des modifications sur les dialogues quand il veut arranger certaines choses. Ce fut le cas par exemple avec les dialogues entre les jeunes de la fête du dessus. Je supervise aussi les couleurs que fait Delphine au fur et à mesure que l’album avance. Pour aller plus loin, j’aimerais un jour pouvoir faire un album sans rien voir du travail en cours et ne découvrir l’ensemble uniquement qu’une fois imprimé. Je donne mon scénario, le texte que j’ai écrit, l’histoire que j’ai créée et elle m’échappe, elle ne m’appartient plus. Quelques semaines ou mois plus tard, je découvre une œuvre totalement réappropriée. J’aimerais alors être surpris de voir de quelle manière elle a été restituée. Mais ça demande un lâcher prise que je n’ai pas encore, même si je cours après ça ! (Rires).

    Pour l’instant je pense qu’il y a une chose que je sais bien faire et qui imprime un ton à mon histoire, plus que le scénario, je crois que c’est le découpage. J’ai du mal à me priver de ça. On peut vraiment abîmer un scénario ou au contraire le mettre en valeur avec le découpage. Je suis sensible à cette phase-là et j’ai du mal à lâcher là- dessus. Je fais des croquis très rapides de chaque case. Cela me prend environ une à deux heures pour une page de découpage, trouver le bon rythme, la bonne narration. Lounis imagine alors tous les décors, les attitudes, les visages et leurs expressions, les vêtements etc… Il lui faut compter environ trois à quatre jours pour une page. Il faut que tout se tienne et que l’ensemble reste fluide. C’est Delphine, ma femme, qui met ensuite le tout en couleur. Elle n’apparaît pas en première de couverture mais sur la page du titre à l’intérieur, comme tous les coloristes. Il y avait eu des tentatives par le passé pour faire apparaître le nom du coloriste sur la couverture, mais cela n’a pas tenu. Le coloriste est hélas davantage considéré comme un technicien de la couleur que comme un artiste créateur au même titre que le scénariste ou le dessinateur, et il faut se battre parfois contre son éditeur pour qu’il ai un pourcentage de droits sur l’album. D’ailleurs, ce pourcentage, ce sont les auteurs qui le retirent de leur part la plupart du temps. Ce qui est injuste. Le coloriste est trop souvent à part dans le processus alors que c’est ici un travail qui met en valeur dessin et scénario. On y attache tous une vraie importance, et je suis heureux que dans quasiment chaque critique, le soin porté aux ambiances soit souligné.

     

    iCity : Pourquoi faites- vous certaines BD seul, scénario et dessins, et d’autres en collaboration avec un dessinateur ?

    Jim : Si je faisais tout, tout seul, je ne ferais qu’un album tous les deux ans. Ce qui serait un vrai problème car j’ai envie de raconter des histoires tout le temps ! En vérité, ça me plait plus de les écrire que de les dessiner. C’est agréable de donner son texte à un dessinateur et de voir ce qu’il va en faire, d’être surpris de la manière dont il va l’emmener ailleurs. J’ai pris des cours de dessin étant gamin. J’aime ça. Pourtant, je pourrais très bien ne pas du tout dessiner. Ce ne serait pas grave. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est de raconter l’histoire. Tous les jours, je vais noter un petit bout de dialogue alors que je ne dessine pas forcément tous les jours. Certains griffonnent en permanence sur des carnets de dessin. Pour ma part, je dessine uniquement parce que c’est ce qui me permet de raconter mes histoires. C’est un paradoxe. j’aime bien dessiner, c’est agréable mais ce n’est pas ma finalité. Seule exception, mais récente, Marie d’« Une Nuit à Rome » a rencontré du succès. Alors je m’amuse à la dessiner en dehors de sa BD, et c’est un lien intéressant qui m’aide à vivre en dehors de la BD à strictement parler. Je ne sais pas d’où vient cette envie d’écrire des histoires. Ecrire, c’est peut-être une insatisfaction à se contenter de vivre. C’est une envie de faire mieux que ce qu’offre la vie. Je trouve passionnant d’arriver à capturer les gens, à créer des personnages. J’aime faire rire et émouvoir des gens, enfermer des émotions dans un livre et qu’à l’autre bout du pays quelqu’un, chez lui, allongé dans son lit ou sur un coin de canapé, puisse ressentir des émotions fortes. Quel bonheur ! Ca a à voir avec le partage. Je ne supporte pas de voir un film seul : j’ai besoin de le partager. C’est fabuleux de chercher des idées, d’en trouver, de s’étonner soi-même, de ne pas savoir comment le personnage va s’en sortir, comment il va évoluer. J’écris en ne connaissant pas la fin des albums. J’aime trouver le chemin. Pour la dispute de « L’érection », cette longue engueulade qui est le noeud du récit, j’ai ressenti une espèce d’excitation à l’écrire. Sans jeu de mots – érection, excitation, mon dieu… ! – j’étais enfermé dedans, emporté et c’est venu d’un seul jet – le problème des jeux de mots qui viennent sans le vouloir, c’est qu’ils viennent par deux, désolé – d’un coup comme ça, dans le plaisir immédiat. C’est la seule fois où j’ai éprouvé autant de plaisir à écrire. Une idée me vient comme une évidence. Puis j’ai envie de la creuser. Pour « L’érection », j’avais envie de partir d’une situation minimaliste, sans effet, sans besoin d’un tas de décors ni de beaucoup de personnages. J’avais juste envie de m’amuser avec les dialogues, de creuser de ce côté-là.

     

    iCity : Comment vous est venue l’idée de cette « joyeuse dispute » ? Vous dites avoir d’abord eu « envie de ce titre » je vous cite : « C’est un bonheur rare d’avoir dans sa bibliographie un album s’appelant « l’érection ».

    Jim : Oui, au tout départ, j’ai eu l’envie de ce titre. Puis très vite m’est revenue en tête une soirée passée en festival avec un auteur de BD me racontant sa première nuit sexuelle avec renfort médicalisé. Mais s’il n’y avait eu que ça, le titre ne m’aurait pas intéressé. Ce titre m’a juste permis d’avoir un angle particulier d’attaque pour aller plus loin dans l’approche des rapports de couple. Ce qui est intéressant dans le travail d’écriture, c’est de tenir ce sujet-là, l’érection, et de trouver une suite puis une fin à l’histoire qui tiennent la route. C’est ça qui m’amuse. C’est un truc de sale gamin. L’aventure de « L’érection » est partie du désir totalement irrationnel de deux auteurs, et on a essayé de garder ce désir assez pur, cette envie première, de ne pas trop la corrompre avec les avis des autres. J’ai essayé de m’accrocher à une idée qui m’amusait. Il a été longtemps question de changer le titre car cela posait des problèmes de référencement. On a tout entendu sur l’album : que la FNAC, Amazone ne le référenceraient pas, que les ventes seraient catastrophiques, que les libraires ne pourraient pas le mettre en avant, qu’aucune femme n’oserait l’acheter… Il y a eu une sorte de pression pour ne pas que sorte un livre avec ce genre de titre. C’est un pari, on verra bien, il y a aussi ceux que ça amuse… Et puis, on est en 2016, non ?

     

    iCity : A nouveau une adaptation cinéma, comme pour « L’invitation » ?

    Jim : On a en effet signé l’adaptation cinéma de « L’érection ». Le titre de travail du film est « La Surprise » qui est beaucoup plus passe-partout. Je préfère n’en parler que plus tard, quand ça sortira, car les projets cinématographiques sont des projets très très longs. Je bosse le scénario pour des producteurs avec Bernard Jeanjean. Ca prend les 2/3 de mon temps mais je préfère n’en parler que lorsque ce sera du concret, avec des acteurs, un tournage… Je connais trop les aléas de ce métier et je préfère être prudent, mais nous en reparlerons dans quelques temps avec grand plaisir !

     

    iCity : La BD semble se prêter parfaitement au théâtre pourtant…

    Jim : J’aimerais beaucoup que l’on me fasse une proposition pour adapter « L’érection » au théâtre. Cependant, quand on est un auteur de BD comme moi et qu’on se met a écrire pour le cinéma, on a tout un réseau de connaissances à créer et je ne pourrais pas faire les mêmes recherches pour le théâtre. Je n’ai qu’une vie. Si quelqu’un est intéressé par contre et me contacte, quel régal. C’est la première vocation de l’album. Je ne peux être qu’à l’écoute de quelqu’un qui aurait envie de se lancer dans une adaptation…

     

    iCity : Combien de temps cela vous a t-il pris pour écrire le scénario de « L’érection » ?

    Jim : La version texte correspondant aux deux albums a été faite en dix jours. Après, c’est là que le vrai boulot commence, beaucoup de travail de peaufinage, de découpage, préparer les pages en BD, trouver le rythme en BD, mais le texte pur est venu assez facilement. J’étais à fond dans cette engueulade avec ces personnages, j’ai pris beaucoup de plaisir à l’écrire. C’est un super luxe de pouvoir ainsi se consacrer à l’écriture. On est hanté par un sujet et on ne fait plus que ça : écrire. On y pense à table, le soir avant de s’endormir… Je me lève tôt le matin pour retranscrire mes notes. On est complètement habité par les personnages, on ne pense qu’à ça et le but c’est d’avancer dans l’histoire. Je suis à fond dedans, c’est un vrai luxe que j’apprécie énormément. D’un point de vue social, il y a des absences : on est un peu parti avec ses personnages, mais tous ceux qui écrivent connaissent ça !

     

    iCity : Lorsque vous écrivez, est-ce que vous en parlez à votre femme, vos amis ? Est-ce que vous leur faites lire votre travail pour leur demander ce qu’ils en pensent ?

    Jim : Lorsqu’on part sur une idée, il faut que celle-ci nous plaise vraiment car nous allons y travailler durant de longues années. De l’idée de départ, à l’écriture du scénario, en passant par le dessin, la mise en couleur, sur deux tomes, puis le film qui ne sortira que dans deux ans… Quatre, cinq, voire six ans peuvent s’écouler… Il faut donc une idée sur laquelle on va s’accrocher et qui résistera aux avis et aux courants contraires. On a besoin d’avoir la foi pour porter ainsi une idée pendant aussi longtemps. Je parle de mes projets pour les tester, pour voir quel effet ils produisent sur les gens. Rien que de parler d’une idée, je vois de suite à la réaction des gens si elle est bonne ou pas,. Et une idée doit aussi te poursuivre : si l’idée s’envole au bout de deux ou trois jours, si elle ne reste pas accrochée à ton esprit, c’est qu’il ne faut pas la garder. Une vraie bonne idée est tenace.

    Ma femme est très partie prenante dans ce que j’écris, on se connaît tellement bien. Il y a aussi quelques copains : Arnaud, mon ancien agent de cinéma, qui a un très bon regard sur ce que j’écris, avec un avis très pertinent. Il ne laisse rien passer. Quelques copains que j’appelle « Les Chacals » car ils n’aiment jamais rien, il est donc difficile pour moi de les épater, pourtant c’est ce que j’essaie de faire. Je montre également mon travail à des personnes plus neutres, moins professionnelles, davantage « grand public ». Et bien entendu, je le montre à mon éditeur et à mon directeur de collection dont les avis sont primordiaux.

    Je travaille actuellement sur le scénario de « Une Nuit à Rome » Tome 3. J’ai passé la moitié des barrages d’un point de vue écriture, mais seulement la moitié… Je ne suis pas totalement convaincu. Je rebosse et je corrige… Parfois je choisis des personnes au hasard sur mon blog et je leur envoie mon scénario à lire pour voir quelles seront leurs réactions. Si plus de quatre personnes butent sur une même scène, alors je me dis qu’il y a un souci … Mais même si je prends l’avis des autres avant de me lancer, l’écriture reste une dictature car c’est une création personnelle et au final je n’en fais qu’à ma tête sur le texte. L’art n’est pas démocratique, si on commence à écouter chaque avis, on va dans le mur. Sur un projet perso, c’est donc moi qui enlève la décision ultime. Oui, c’est intéressant de prendre des avis, mais à un moment donné, il faut faire ce qu’on sent… et avoir une vraie tête de cochon.

     

    iCity : Est-ce que ça arrive en BD comme au cinéma que des éditeurs, comme des producteurs, vous imposent un point de vue, des coupures ?

    Jim : Ca m’est arrivé en effet : sur une page de « Nuit à Rome », Tome 2. J’ai été gentiment censuré sur une planche jugée trop sexe. L’éditeur a eu le dernier mot. J’ai demandé à être totalement libre sur les Tomes 3 et 4 (dont je ne sais pas s’ils seront très sexuels au final, de toute façon). Sinon, les interventions se passent simplement et touchent principalement la couverture, le titre ou l’approche commerciale, rarement le contenu puisque la décision de faire ou non le projet a déjà été prise en amont. Dans la BD, on est plutôt assez libre de faire ce qu’on souhaite, de s’adresser directement à ses lecteurs, sans barrage.

     

    iCity : Pourquoi avoir situé l’histoire en pleine période de Noël ? Un moment idéal pour une bonne engueulade ?

    Jim : Parce que c’était très visuel. J’aimais bien ce côté « enfermé à cause du froid dehors » alors que c’est bouillant à l’intérieur. Il y a quelque chose d’anachronique d’être en érection tandis qu’il fait froid. Ce fut intuitif, pas du tout raisonné. C’est souvent le cas d’ailleurs, et après coup, on peut trouver plein de raisons justifiants les choix instinctifs… Mais en l’occurrence, ils sont dans l’hiver de leur sexualité, et Florent essaie de passer une nuit brûlante.

     

    iCity : Avez-vous eu recours à l’aide ou à l’avis d’une femme, la vôtre par exemple, pour écrire les propos tenus par Léa ?

    Jim : En réalité, non, je ne crois pas. J’ai des personnages-femmes assez masculins et inversement. Je ne fait pas de distinguo, je ne les découpe pas comme ça. J’essaie de ne pas le penser comme ça non plus. J’ai pris l’avis de lectrices mais les critiques revenaient sur l’aspect hystérique de la femme, qui peut encore gêner, et je le comprends. mais avant tout, c’est une farce, une comédie. C’est tout l’avantage quand on passe d’un média à l’autre : on peut s’écouter, suivre notre voie jusqu’au bout sans tenir compte des avis de tout le monde.

     

    iCity : Léa est brune, Alexandra est blonde : y a t-il un sens derrière ce choix ?

    Jim : Non, c’était juste pratique pour distinguer les personnages. On avait fait une héroïne blonde dans « Héléna » avec Lounis, on s’est dit qu’on allait changer, c’est aussi simple que ça. D’instinct, selon le cliché, la blonde est plus écervelée, et comme ça en une case, le lecteur sait tout de suite de quelle manière elle va se comporter, quel type de personnage elle va être… quitte à surprendre au final ?

     

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    iCity : Une érection, ça fait plutôt marrer, non ? Pourquoi est-ce que Léa s’emballe comme ça jusqu’à même parler de « trahison ». Ce ne serait pas un peu exagéré ? Sa mauvaise humeur latente n’est-elle pas due en fait à sa contrariété de vieillir ?

    Jim : On ne peut s’empêcher de penser que si Léa fait tant d’histoires pour si peu, c’est parce qu’elle cache une culpabilité. On dirait qu’elle provoque volontairement cette dispute… qu’elle a besoin d’entrer en affrontement. En réalité, elle affronte sans doute plus le temps qui passe et l’inéluctable, c’est contre ça qu’elle est en colère…

     

    iCity : Pourquoi est-ce que Florent ne lui dit pas tout de suite la vérité ? Le viagra, ça peut être un joke assez fun « pour essayer » et se marrer un peu ?

    Jim : Il a un peu honte : il voulait montrer qu’il était en forme, qu’il assurait. Je pense qu’il ne l’aurait pas forcément dit. Je ne sais pas en fait, s’il l’aurait avoué à Léa ou non… Ce qui est sûr, c’est qu’il ne pensait absolument pas que cela finirait en dispute ! Il avait vu ça comme un plan un peu improvisé. Et puis ça a mal tourné…

     

    iCity : Vos personnages ont tous des failles. Vous ne racontez pas une histoire, mais des caractères, des personnalités, des humeurs, des périodes de bon ou de mauvais moral. Les histoires semblent secondaires. Elles semblent n’être là que pour planter un décor aux tempéraments et aux humeurs des personnages…

    Jim : Mes histoires sont des puzzles : je pars de petits bouts de dialogues, d’anecdotes, de notes que j’ai prises et j’essaie de les assembler de manière cohérente. J’essaie de raccommoder entre elles des idées qui paraissent bonnes. Il est vrai que je décris un peu toujours le même personnage masculin. Celui-ci est une sorte d’alter-égo. Il vit des histoires différentes au fil des albums et vieillit tout comme je vieillis. Il évolue, comme moi, au fil de la vie. J’aime raconter des choses proches de la vie des gens, à hauteur d’homme. Cela me fait penser au film avec Hippolyte Girardet, « Un Monde sans Pitié ». Il subit la vie. Il aimerait que tout soit merveilleux mais se cogne à chaque fois à la réalité. Florent avait imaginé une nuit géniale grâce à son subterfuge et la réalité est toute autre, ça tourne à la catastrophe. Pour les prénoms de mes personnages, j’aime piocher parmi ceux de mes amis : ce sont les prénoms de personnes de mon entourage que je connais bien… et qui se reconnaîtront… Des jokes persos !

     

    iCity : Léa a des mots très durs pour Alexandra : une femme parle vraiment comme ça de sa copine pour qui elle a, dites-vous, « une vraie tendresse » ?

    Jim : C’est pour une comédie. Je trouve amusant de voir Léa, bobo, un peu bourge, se mettre à cracher son venin à la moindre petite occasion. Ce contraste est comique. C’est un code qui renvoie au théâtre. C’était aussi un défi : je ne voulais pas faire une BD mettant en scène un couple de bourgeois dans un appartement chic. Je voulais faire ressortir des contrastes : c’est pourquoi il y a autant de tableaux rocks accrochés aux murs de cet appartement ancien, par exemple. Il y a aussi un contraste entre ce qu’ils laissent paraître à l’extérieur et ce qu’ils sont vraiment à l’intérieur. Florent a une érection mais au fond il manque de confiance en lui et a eu besoin de tricher. Léa semble sûre d’elle et vocifère, mais au fond, elle a peur de vieillir et de ne plus être désirable. Petit à petit, ça m’intéresse de voir « tomber les masques ».

     

    iCity : Pensez-vous comme Florent que « Toutes les femmes sont des hystériques » ?

    Jim : Du tout, ce n’est d’ailleurs même pas lui qui le dit, mais Léa qui l’accuse de penser ça. Je voulais jouer avec l’excès. J’ai deux points de départ : le titre, et l’envie de déplacer le curseur de l’engueulade, d’explorer cette facette du couple. Donc, à partir de là, je cherche comment et pourquoi une érection dans un couple pourrait donner lieu à une forte dispute : parce qu’elle n’est pas naturelle ! Ce que j’aime aussi, c’est me lancer des défis. Ici le challenge, c’est de tenir deux albums dans un seul appartement. C’est une contrainte difficile mais c’est cela qui m’amuse. Florent est la victime : il est faible et gêné alors qu’il devrait être un conquérant en érection, un héros. Léa elle, est la conquérante alors qu’elle aurait dû être la victime du désir sexuel de son mari. Je trouve ce renversement de situation comique. C’est la femme qui domine malgré l’érection de son mari.

     

    iCity : Ainsi les hommes penseraient à offrir ce genre de cadeau à leur femme ?

    Jim : L’un de mes très bons amis s’est inscrit sur Meetic après sa séparation d’avec sa femme. Il manquait de confiance en lui et s’est mis au viagra. Dans « L’érection », cette anecdote de départ tient vraiment à cela : un manque de confiance en soi de la part de Florent.

     

    iCity : Léa s’ennuie, dirait-on, dans cet appartement, dans son couple, dans sa vie : on dirait qu’elle reporte cette frustration sur Florent.

    Jim : Une partie de l’histoire parle de la volonté d’être désirée encore et l’érection est le symbole de ce désir. Léa se rend compte que cette érection n’est pas naturelle. Elle en conclut que son mari ne la désire plus. L’excuse de la prise d’une aide médicamenteuse au départ sert à appuyer sur cette faille-là.

     

    iCity : L‘histoire de la bonne vieille réconciliation sur l’oreiller : les hommes ne doutent de rien, on dirait…

    Jim : C’est mécanique, c’est assez masculin…

     

    iCity : On dirait qu’il y a un petit souci avec la place du sapin à travers les cases…

    Jim : J’avoue, je ne me soucie guère de ces préoccupations au découpage. Je privilégie l’esthétique et surtout l’efficacité de la mise en scène, sans tenir compte du plan de l’appartement. Je privilégie le déplacement des personnages et je rajoute un sapin de Noël où il me semble que ce sera le plus joli. Aviez-vous remarqué la place de ce sapin en première lecture ?

     

    iCity : Non, en effet. J’en ai eu la curiosité en lisant le commentaire de Lounis en épilogue.

    Jim : C’est exactement ça. Je ne m’en tiens qu’à cette première lecture parce que je fais ce que je trouve le plus efficace pour être happé par le récit, la logique des décors viendra après. Je préfère privilégier celle du sentiment des personnages. Je suis par contre très attaché à la compréhension du texte et de l’histoire : ceux-ci doivent être fluides et s’imposer comme une évidence. Je ne supporte pas que le lecteur soit obligé de relire une page parce qu’il a perdu le fil de l’intrigue. Je n’aime pas qu’une queue de bulle soit mal placée et gêne la lisibilité du dessin. Parfois il faut tricher sur certaines choses, comme des éléments du décor, pour rendre l’ensemble plus efficace et compréhensible.

     

    iCity : Il y a une dédicace toute petite en fin de livre qui passe presque inaperçue « à Philippe L. ». Pourquoi ne pas l’avoir mise en début de livre ?

    Jim : Oh, c’est un petit clin d’oeil perso adressé à une seule personne… En matière d’érection, restons discret.

     

    iCity : Apres « L’érection », quelle sera votre prochaine « bêtise de potache » ?

    Jim : Des albums plus matures… des titres un peu plus sérieux, je crois. « L’érection » sera-t-il mon dernier coup d’éclat en matière de gaminerie ? Je ne sais pas. Cinquante ans, que diable, n’y a t-il pas obligation à acquérir une certaine respectabilité ? Je pose la question… !

     

    iCity : Etes-vous satisfait des retours suite à la sortie de « L’érection » : de la part des lecteurs et en matière de ventes ?

    Jim : Pour ce qui est des ventes, aucune idée… Les retours des lecteurs sont très emballants, pas de souci là-dessus. J’ai même eu une lectrice hier qui m’a avoué avoir été toute émoustillée à la lecture… Je n’avais pas pensé un seul instant que cette phrase puisse aussi avoir un effet sur la libido ! Les joies de ce métier, vraiment…

     

    iCity : Vieillir, c’est pour l’homme avoir peur de ne plus bander et pour la femme celle de ne plus être désirée ?

    Jim : Ne plus être désirée et ne plus bander, ce sont les deux mêmes croix, mais je pense qu’il y en a bien d’autres. Vieillir, c’est surtout la peur que le temps qui reste soit moins amusant que le temps passé. Alors qu’on ne veut qu’une chose, au fond, dans ce monde trop grave : s’amuser…

    Merci à vous pour ce long entretien !

     

     

     

     

     

    « L’érection »

    Scénario de Jim & Dessins de Lounis Chabane

    Livre 1 (48 pages, 16,90 euros)

     

     

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