Catégorie : Appfilm

  • Diamants sur canapé | Episode 3

     

     

    La Fête…

    « 5ème Avenue, 5 heures du matin, Audrey Hepburn, Diamants sur canapé et la genèse d’un film culte » par Sam Wasson – Sonatine Editions – 2010 (Extraits)

     

    Le tournage n’a duré qu’une semaine à New-York. Le temps des scènes chez Tiffany et de quelques extérieurs. Tout le reste du film fut tourné à Los Angeles dans les studios de la Paramount. On dit que miss Hepburn aurait amené pas moins de trente-six valises ainsi que son mari, Mel Ferrer et leur fils de dix mois, Sean. On logea toute la petite famille dans une maison de Coldwater Canyon.

     

    25:17 : La fête bat son plein.

    Pour filmer la scène de la fête, Blake Edwards a l’idée d’en organiser une vraie, pour mettre les acteurs « en condition ». Rien de tel pour filmer « sur le tas » de vraies scènes de comédie hilarantes. Il s’agissait de laisser libre cours au naturel. Cette petite sauterie dura pas moins de huit jours pleins. Blake Edwards voulait de vrais acteurs pour cette scène, pas des figurants. C’est ce qu’il avait demandé au bureau de casting. Pas de grands acteurs, non, mais des acteurs de seconds rôles qui seraient capables, le moment venu, de tourner plusieurs prises d’une situation cocasse observée durant la fête. « Convaincre le studio de rémunérer des acteurs jusqu’à 125 dollars par jour quand les figurants sont beaucoup moins chers ne fut pas facile à négocier ». Il fallut une semaine, du 2 au 9 novembre, à Blake Edwards pour avoir la matière suffisante à une scène qui durerait 13 minutes dans le film. Il fallut également engager une chorégraphe, afin que chaque morceau de fête, chaque personnage mis en avant, chaque scène soit organisée et les déplacements orchestrés.

    Blake eut certaines idées, comme celle du téléphone dans la valise, du fou rire devant la glace ou de la douche. D’autres fois, il demandait aux acteurs d’improviser, comme pour la scène de la dispute. Ou encore, les idées étaient saisies au bond, comme celle de tenir ses chaussures à la main lorsqu’on a trop mal aux pieds. Blake Edwards avait organisé une vraie fête, et comme dans toutes les fêtes, certains acteurs avaient des coups de barre qui étaient filmés au vol. Une autre fois, Georges Peppard pinça les fesses de Joyce Meadows qui dansait moulée dans une robe blanche. Elle poussa un cri et la scène fut enregistrée. On ne savait jamais à quoi s’attendre !

    La scène de la chute, quant à elle, faillit tourner au drame. « Cette fois c’était l’actrice Dorothy Whitney qui s’y collait ; elle interprétait Mag Wildwood et devait tomber directement devant l’objectif en gardant les bras le long du corps. Cette pitrerie fut un véritable cauchemar pour l’actrice. Elle était terrorisée. – Je n’y arrive pas, je n’en suis pas capable ! Disait Dorothy. Blake a insisté jusqu’à ce qu’il obtienne gain de cause. » Il a fallu plus de treize prises.

    Quand Audrey Hepburn arriva sur le plateau numéro 9 de la Paramount début du mois de novembre 1960, la fête battait son plein depuis déjà plusieurs jours. 540 litres de thé glacé et de Canada Dry, de la viande froide, des sandwichs, plus de 60 cartouches de cigarettes et 20.000 dollars de frais de production. « Il y avait du monde partout ! ». On avait fait venir un enfumoir à abeilles pour recréer l’ambiance enfumée d’une fin de soirée. Audrey était coiffée d’une choucroute énorme parsemée de mèches blondes décolorées. « Entre les scènes, elle était douce, modeste et gentille avec tout le monde. Certaines stars regagnent leur loge entre les prises, mais pas elle. »

    La scène fut une réussite. A tel point que Blake et le scénariste Tom Waldman décidèrent d’en faire tout un film : c’est comme ça qu’est née l’idée de « La Party ».

     

     

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  • Diamants sur canapé | Episode 2

     

     

    Les croissants…

     

    « 5ème Avenue, 5 heures du matin, Audrey Hepburn, Diamants sur canapé et la genèse d’un film culte » par Sam WassonSonatine Editions – 2010 (Extraits)

     

    Dimanche 2 octobre 1960. New-York, 5ème Avenue, il est 5 heures du matin. La rue est déserte. Il fait froid. Audrey Hepburn, oscarisée pour son rôle dans « Vacances Romaines », s’apprête à tourner la toute première scène de « Diamants sur canapé », sous la réalisation de Blake Edwards. Une comédie ! Elle n’a jamais joué dans une comédie et malgré l’heure matinale, nerveuse, fume cigarette sur cigarette. Elle attend dans un taxi jaune l’ordre de tourner. Dans sa main, un sac en papier brun. « Action ! »

     

    Un taxi jaune apparaît. Il s’arrête le long du trottoir, devant une boutique au N°727 de la 5ème Avenue. Une jeune femme en descend, claque la portière. Elle porte une robe noire, un collier de perles, des gants noirs, des lunettes de soleil malgré l’heure matinale. Elle est coiffée d’un chignon. Sans doute rentre-t-elle d’une soirée chic. Elle lève la tête vers l’enseigne : « Tiffany ».

    « Ca tourne » ! Le second assistant-réalisateur fait signe au chauffeur de taxi qui démarre. La rue avait été spécialement évacuée pour la scène. Il fallait faire vite. Le soleil brillerait bientôt bien trop haut pour illustrer un matin aux aurores. De plus, le premier ministre soviétique, Nikita Khrouchtchev, devait faire une apparition sur cette même 5ème Avenue à 7h30 précises. Cela ne laissait donc que deux heures pour tourner. Mais Audrey Hepburn ne souhaite pas bâcler la scène. Elle se dit que si Holly, la call-girl dont elle joue le rôle, ne se sent chez elle que chez Tiffany, alors il lui faut prendre son temps et savourer cet instant comme un pur moment de bonheur. Aussi, plutôt que de s’approcher tout de suite de la vitrine, choisit-elle de s’arrêter au bord du trottoir et de lever les yeux. Blake Edwards ne lui avait-il pas demandé de se fier à son intuition là où d’autres réalisateurs exigeaient un mot-à-mot parfait ?

     

    0:48 : La jeune femme avance à petits pas telle une geisha vers la vitrine du magasin. Elle regarde les bijoux.

    Sam Wasson raconte : « Il avait fallu coudre deux robes uniquement pour ces quelques secondes. Une pour déambuler devant le magasin, fendue sur le côté afin de lui permettre de se déplacer, l’autre pour les scènes statiques, tellement ajustée qu’elle ne lui permettait aucun mouvement. Audrey devait enfiler les deux robes alternativement. »

     

    1:02 : La jeune femme tient dans sa main un petit sac de papier dont elle sort un croissant qu’elle met à la bouche et un gobelet contenant un café.

    « Comment allait-elle faire pour avaler ce truc ? Audrey ne voulait pas faire d’histoire mais elle avait les viennoiseries en horreur et avait demandé à Blake si cela le dérangerait qu’elle déambule devant la vitrine de Tiffany en mangeant plutôt un cornet de glace. Mais il avait refusé. Evidemment, sa décision était entièrement justifiée. C’était l’heure du petit déjeuner après tout et ce ne serait pas vraisemblable. »

     

    2:22 : La jeune femme jette la pochette en papier dans une poubelle avant de s’éloigner sur le trottoir. Le générique prend fin.

    « Les badauds commençaient à s’attrouper déjà par groupes de deux ou trois, et, un court instant plus tard, ce qui n’était au début qu’un petit attroupement s’était mué en une foule de curieux ». Sur une photo, on voit la foule prendre des photos du tournage, sur le trottoir d’en face. C’était la première fois qu’on tournait un film à l’intérieur du magasin Tiffany. Cet exploit avait necessité six longs mois de tractations et la contrepartie, c’était Audrey ! « Laisser une équipe entière s’installer parmi certains des bijoux les plus coûteux de la planète représentait un défi logistique et un cauchemar pour les assureurs, certes, mais d’un point de vue promotionnel, cela représentait une opportunité en or pour le joaillier. Il n’y avait qu’à mettre le collier Schlumberger au cou d’Audrey et de laisser les photographes la mitrailler. » Et en effet, c’est ce qui se passa. Audrey Hepburn fut photographiée dans la boutique Tiffany avec à son cou le collier créé par Jean Schlumberger, au centre duquel se trouvait le plus gros diamant jaune du monde, de 8 centimètres de diamètre pour un poids de 128,54 carats. « Jusque là, le collier n’avait été porté que par une seule femme, Madame Sheldon Whitehouse, épouse d’un sénateur qui avait présidé le bal donné par Tiffany en 1957. »

    Ce bijou apparaît brièvement à l’écran, protégé derrière une vitrine, dans la scène où Holly et Paul font graver la bague trouvée dans un paquet de friandises.

     

    65:26 : « Il m’est arrivé de remonter la 5ème Avenue très souvent, mais c’était la nuit. Est-ce que vous aimez Tiffany ? Ce n’est pas magnifique ? Il semble que rien de désagréable ne peut arriver dans un magasin de ce genre. En réalité je me fiche des bijoux, à part les diamants, bien entendu. Regardez ça ! Qu’est-ce que vous en dites ? Bien sûr, je serais insensée de porter des diamants avant 40 ans. »

     

     

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  • Diamants sur canapé | Episode 1

     

     

    Histoire de la Petite Robe Noire…

     

    « 5ème Avenue, 5 heures du matin, Audrey Hepburn, Diamants sur canapé et la genèse d’un film culte » par Sam WassonSonatine Editions – 2010

    Le film « Diamants sur canapé » de Blake Edwards (1961) n’aurait jamais dû voir le jour en raison de son sujet sulfureux pour l’époque. Audrey Hepburn y campe une call-girl, Holly Golightly, inspirée de la mère du romancier Truman Capote. Le scénario, rédigé par George Axelrod (« Sept ans de réflexion ») est tiré de la nouvelle éponyme « Breakfast at Tiffany’s ». A l’époque, Audrey Hepburn dans un rôle de garce généralement alloué à Bette Davis, c’est une révolution. Parce que c’était elle, soudain, vivre seule, sortir, avoir l’air sublime, boire un petit coup de trop et être célibataire ne semblait plus honteux mais amusant. Le film fut un véritable succès. Parce que c’était elle, et aussi, grâce à une certaine petite robe noire.

    La costumière, Edith Head, avec huit Oscars à son actif, était une institution à la Paramount. Elle fit la connaissance d’Audrey Hepburn sur le tournage de « Vacances Romaines ». Elle avait l’habitude de tourner avec Grace Kelly, celle « qu’elle préférait habiller » car elle avait une beauté emblématique des années 1950 : « Elle avait le tour de taille idéal, les sourcils parfaitement dessinés et rentrait tout naturellement dans le moule ». Audrey, c’était une autre histoire ! Il fallait dissimuler son cou grêle derrière des foulards ou des colliers, élargir sa carrure pour mettre son visage en valeur, cacher ses bras trop frêles sous des manches, ses jambes d’échalas sous des jupes longues et sa petite poitrine en attirant le regard sur sa taille de guêpe. Sans parler de ses sourcils trop épais…

    Pour le film « Sabrina », en 1954, Billy Wilder avait demandé à un jeune couturier parisien de 26 ans (Audrey en avait 24), Hubert de Givenchy, de transformer la jeune fille normale de Long Island en élégante parisienne. Deux brindilles se rencontrent donc au 8 Rue Alfred de Vigny, l’une de deux mètres de haut et l’autre de 1m73, aux mensurations peu généreuses : 805580. Une robe de cocktail noire au décoletté en V dans le dos, tenue par deux petits nœuds aux épaules, transforma Audrey en icône de la mode et en muse de Givenchy.

     

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    Durant l’ère victorienne, le noir était presque exclusivement réservé au deuil. C’est la couleur qui était associée à la féminité et à la séduction : il fallait que la femme attire le regard de l’homme. Dans les années 1920, les garçonnes se glissent dans les robes-tubes de satin noir. Chanel s’empare de ce concept de modernisation et la petite robe noire se démocratise. Après le Krach boursier, elle devient le symbole de la nouvelle austérité. Et après la guerre, Dior en fait, à Paris, un signe de luxe et d’élégance. Mais dans le cinéma hollywoodien des années 1950, c’est encore la couleur qui représente l’emblème de la féminité, le noir étant réservé aux femmes vénéneuses, les vamps qui font souffrir et par qui le malheur arrive (« Gilda » avec Rita Hayworth). En 1960, Hubert de Givenchy reçoit le script de « Diamants sur canapé » :

     

    « La portière du taxi s’ouvre et une fille en descend. Elle est vêtue d’une robe de soirée décolletée dans le dos et porte, en plus de son sac à main, un sac en papier brun. »

     

    La scène avait lieu au petit matin. Et Audrey était l’archétype de la fille saine et gentille : porter du noir, à New-York, alors que Holly est une fille toute simple du Texas qui ne connaît rien à la mode parisienne et n’a pas d’argent ! C’était du jamais vu. Grâce à cette scène de « Diamants sur canapé », le glamour devint accessible aux femmes de milieu modeste : n’importe qui pouvait devenir chic grâce à la petite robe noire. Pendant que Doris Day s’amusait avec des motifs floraux sur fonds de bleu et de rose, Audrey Hepburn osa la robe noire qui symbolisait le pouvoir et l’expérience sexuelle. Sur elle, cette couleur devint sophistiquée et glamour. Des millions de femmes allaient se rendre compte qu’elles pouvaient s’approprier ce qui jusque là était réservé aux femmes très riches s’habillant chez les grands couturiers français. De par sa simplicité, la petite robe noire, facile à coudre à la maison, allait entrer dans tous les foyers.

     

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  • « En Liberté ! » de Pierre Salvadori, loufoque et jubilatoire

     

     

    Du cinéma, avec la sortie en salle le 31 octobre de « En Liberté ! », comédie française portée par Pio Marmaï et Adèle Haenel. 

     

    Une jeune policière veuve découvre que son défunt mari était en fait un ripou. Elle se met en tête de protéger un des innocents qu’il a envoyés en prison. Leur rencontre va donner lieu à des situations totalement loufoques.

    Fort, intègre et mort en héros, c’est en tout cas ce que croit la veuve du capitaine Santi, Yvonne, elle-même inspectrice de police.

     

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    L’innocent, c’est Antoine, libéré après huit ans de prison. Il en garde, comment dire, quelques séquelles… Incarné par Pio Marmaï, Antoine est une sorte de psychopathe cartoonesque qui attaque les gens au hasard dans la rue.

    Sa rencontre avec Yvonne provoque une escalade d’épisodes totalement rocambolesques, qui s’appuient sur des quiproquos, l’absurde, le simulacre, le jeu des vérités et des mensonges.

     

    « Il y a chez lui cette violence, cet esprit de vengeance, et en même temps, Antoine est un type qui souhaite juste rentrer dans la normalité. Et évidemment, c’est compliqué. A présent, attaquer quelqu’un dans la rue et lui arracher le lobe de l’oreille, peut-être que c’est ça, de nos jours, la normalité… » (Pio Marmaï)

     

    Des scènes burlesques, des personnages déjantés, une nouveauté pour Adèle Haenel, plutôt habituée aux rôles dramatiques.

     

    « Avec un rôle comme celui d’Yvonne, c’est vraiment le plaisir physique du jeu. C’est de l’énergie pure et je dois avouer que je me suis vraiment amusée à le faire. » (Adèle Haenel)

     

    Avec « En Liberté », Pierre Salvadori lâche les chiens avec cette comédie policière endiablée et loufoque, qui mélange les genres, en passant du polar au burlesque, dans un rythme effréné et une écriture décomplexée. Le film est roublard et plein d’idées. Jouissif en tous points…

    On y retrouve également Audrey Tautou, certes dans un rôle secondaire, mais très à l’aise dans cette comédie, ainsi que Vincent Elbaz et Damien Bonnard.

     

    « En Liberté ! » (Bande Annonce), réalisé par Pierre Salvadori, avec Pio Marmaï, Adèle Haenel, Audrey TautouVincent Elbaz, Damien Bonnard

    Date de sortie : 31 Octobre 2018

    © 2018 – Memento Films Distribution

    Photo à la Une © 2018 – Paris Match

     

     

     

     

     

  • A propos du « Dracula » de Francis Ford Coppola (1992)

     

     

    Avec son « Dracula » réalisé en 1992, Francis Ford Coppola, à l’instar de Martin Scorsese, veut embrasser le cinéma tout entier et en explorer les thèmes et les genres.

     

    Bram Stoker avait déjà en son temps révolutionné le roman victorien avec « Dracula », tout comme Oscar Wilde et « Le Portrait de Dorian Gray ». Une époque sur les non-dits et la chasuble en guise de blue jean… En l’espèce, deux romans se servant du Fantastique pour mieux infiltrer la libido de l’époque, sans choquer personne. Oscar Wilde, sous prétexte du thème de la jeunesse éternelle, discourait sur l’homosexualité tandis que Stoker parvenait sans faute de goût à faire monter la température en imaginant un comte roumain venant de Transylvanie jusqu’en Europe pour mieux y dépuceler des vierges anglaises si chastes et niaises. Les morsures et les différentes transformations de Vlad Tépés, créature maudite, reniée par la Sainte Mère l’Eglise, représentaient ainsi tout le bestiaire connu et récupéré des contes de Perrault… Le loup, la chauve-souris, les rats, la vapeur verte… Autant d’animaux et d’éléments chargés de symboles et d’analogies rattachés aux choses de la sexualité.

    En revanche, le roman de Stoker ne faisait jamais état d’un quelconque penchant amoureux du comte pour l’une de ses victimes.  L’illustration du romancier se bornait uniquement à montrer les manifestations bestiales de ce que pouvait représenter un mâle hétéro assoiffé de sexe, sans distinction et appartenance de caste pour l’époque… Pour le film de Francis Ford Coppola, il est curieux donc de lire sur l’affiche qu’il s’agit là de la version la plus fidèle du roman de l’auteur du 19ème siècle. Ce n’est pas tout à fait exact. On devrait plutôt y lire « Dracula vu et digéré par Coppola ».

    Quant aux raisons qui pousseraient le vampire de Coppola à mordre et à tuer, ainsi que ses éventuelles circonstances atténuantes, il faut plutôt se pencher sur une romancière qui au début des années 80 a su réinvestir en grande pompe le monde vampirique avec un éclairage nouveau sur ces caractères. Il s’agit d’Anne Rice ; « Entretien avec un Vampire », « Lestat Le Vampire », « Armand le Vampire », etc… Tous ses romans démontrent en effet que ces personnages fascinants et dangereux étaient avant tout des humains, qui par le biais de leur transformation, leurs pouvoirs et leur soif accrue, ne se sont pas transformés en Vampire, au sens strict de la définition du Larousse, ne pensant qu’à montrer les crocs, mais en êtres sublimant les sentiments humains et notamment ceux de l’amour. Alchimie ainsi réussie dans la plupart des romans de cette Américaine Cajun.

    Ce « Dracula » constitue donc un héritage narratif qui utilise les mêmes références de pudibonderie victorienne magnifiquement traitée, avec son imagerie, ses décors et cette ambiance studio reflétant tout à fait les longues descriptions du roman de Stoker. L’aspect épistolaire du roman d’origine est ici traité de même et converge vers une forme inattendue, servant judicieusement le propre récit du film, sa construction, jusqu’aux moindres détails ornementaux. Le film devient ainsi objet visuel, non pas d’un film dans le film mais d’un film dans le roman, une mise en abîme qui passerait par les écrits, ses origines, pour passer au fur et à mesure d’une histoire de papier à une histoire en celluloîd et fusionner ainsi avec ce renouveau littéraire et moderne orchestré par Anne Rice. Une telle déclaration d’amour à la fiction et au cinéma n’avait pas été faite depuis Godard et son « Histoire Du Cinéma ».

     

     

     

    Le nouveau Dracula tue certes, mais plus avec plaisir. Il est une de ces créatures romantiques, tristes, recherchant depuis des centaines d’années sa défunte amante sacrifiée à l’ennemi et aujourd’hui réincarnée sous les traits d’une jeune fille anglo-saxonne.

     

    Dans le « Dracula » de Coppola, tout est magnificence ; les costumes, le nouveau look proposé par le réalisateur pour un Dracula campé par Gary Oldman, tour à tour inquiétant, attirant, beau, touchant et pathétique. Alors que Francis Ford Coppola, en ce début des années 90, n’avait plus rien à proposer en terme de cinéma, ayant laissé derrière lui des chefs d’oeuvre qui lui ont valu la postérité, il revient avec une oeuvre personnelle et précieuse, une synthèse sur l’amour, celui des sentiments et des amants, l’amour du cinéma, de cet objet infini et fascinant, l’amour des histoires, des contes et merveilles, du bestiaire de monstres qui hantent nos nuits et règnent sous notre lit. Tout avait déjà été dit par Lewis Caroll, Perrault, les frères Grimm, Shelley, Poe, Stoker, Rice… En littérature, peut-être, mais jamais de manière aussi pure et absolue au cinéma.

     

     

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    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dévoreur Hubertouzot

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images

     

     

  • « Red Sparrow » de Francis Lawrence, entre manipulation et séduction

     

     

    « Red Sparrow » de Francis Lawrence avec Jennifer Lawrence, Jeremy Irons et Charlotte Rampling, est probablement le meilleur film d’espionnage de ces dernières années, après les mythiques « Spy Game », « Zero Dark Thirty », « Jason Bourne » ou encore « Les Trois Jours du Condor ».

     

    On n’avait pas eu un tel plaisir à regarder un film d’espionnage aussi bien ficelé depuis « La Taupe » en 2011. Ca fait long à attendre… On peut donc dire que « Red Sparrow » est vraiment réussi, tant le film parvient à garder le spectateur sur le qui-vive « presque » jusqu’au bout, incapable de dire clairement quel camp la protagoniste va choisir, comment elle va se sortir de tout ça et par quel stratagème (même s’il m’a été possible de le deviner dans les dix dernières minutes), ce qui laisse tout de même 2h10 de pur bonheur.

    Le casting est réussi, de la belle Jennifer Lawrence à un Jeremy Irons impérieux, avec une mention toute particulière à Charlotte Rampling, parfaite dans ce rôle de formatrice soviétique froide. La réalisation crue, descriptive, chirurgicale, qui ne cache rien, prend son temps et ne recule pas devant la cruauté, est excellente. Au moins ici, et sans doute pour une rare fois, les bagarres laissent des traces. Contrairement à « Spy Game », on n’est pas dans l’aventure, l’exotique ou le voyage. On est, même si les pays changent, davantage dans l’enfermement étouffant et la source d’angoisse d’un Empire Soviétique oppressant, véritable machine à broyer. Les décors sont soignés et ajustés à l’atmosphère.

    L’une des raisons de ce succès est sans doute liée au livre dont est tiré le scénario, premier volet d’une trilogie « Palace of Treason » et dont l’auteur, Jason Matthews, est un ancien agent de la CIA pour laquelle il a travaillé durant 33 ans. Pas de gadget à la James Bond, ni d’effets spectaculaires à la « Mission Impossible ». On est sur le terrain, avec une jeune fille presque ordinaire (une ballerine quand même, avec tout ce que cela implique d’efforts, de travail, de courage, de force et de sacrifice) soumise à un destin extraordinaire : l’espionnage. Chaque situation est à ce point réaliste qu’il est facile de s’y projeter. Le héros masculin est accessible, il a du ventre, un physique ordinaire, presque banal. C’est ce réalisme qui pimente le suspense de situations indénouables. Ne boudons pas notre plaisir d’avoir, après « Salt », une héroïne féminine pour succéder à Angelina Jolie.

     

    D’après un livre de Jason Matthews et un scénario de Justin Haythe (« Les Noces Rebelles » en 2009, « A Cure for Life » en 2017, « Infiltré » et « Lone Ranger » en 2013)

     

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  • 120 Battements par Minute

     

     

    On se sent toujours un peu ennuyé, voire même coupable, lorsqu’on a le sentiment d’être passé à côté d’un film qui croule sous une avalanche de dithyrambes… Mais c’est pourtant ce que j’ai ressenti avec « 120 Battements par Minute ».

     

    Même si je fus un protagoniste de cette période, ou plutôt un figurant, je ne me suis pas retrouvé dans cette description qui se veut factuelle d’une époque, avec les événements qui s’y rattachent. Je n’ai jamais été ni activiste ni séropo, ou quoi que ce soit qui pourrait s’assimiler à l’histoire des personnages du film « 120 Battements Par Minute » de Robin Campillo. J’y retrouve cependant tel ou tel trait de caractère que j’avais noté dans le comportement de ceux que j’ai pu croiser à l’époque, pris dans leurs combats.

    Je vivais pourtant à Paris et je jouissais d’une vie de jeune gay tout ce qu’il y a de plus lambda, sans avoir été confronté une seule fois à une situation vraiment douloureuse. Je me protégeais, et même si je cotoyais ou couchais avec des séropositifs, ces derniers n’évoquaient jamais leur drame intime. On savait la période dure pour ceux qui avaient contracté le HIV, mais néanmoins floue car tout était encore bien nébuleux au sujet de ce virus.

    C’était l’avènement de la House et du Garage, et les boites de nuit gay étaient à cette époque paradoxalement d’incroyables temples païens où la danse constituait un exutoire, une communion, et où l’on allait d’abord pour danser avant de draguer. En ce sens, les scènes de clubbing dans le film sont extrêmement belles et comptent parmi les plus réussies.

    Alors, même si le film de Robin Campillo décrit avec force détails le fonctionnement d’Act Up, les enjeux de l’époque, et tous ces personnages inspirés de la réalité, il nous manque pourtant quelque chose. Sans doute une hauteur, une ampleur… Les trois histoires présentées dans le film s’imbriquent mal. Elles se mélangent, se superposent mais interagissent difficilement entre elles. Du fait d’un budget restreint, d’un cadrage trop serré et d’un nombre limité de décors, le film finit par être étouffant, suffoquant. Peut-être était-ce une volonté artistique du réalisateur, mais les scènes d’intervention, les coups d’éclat, les manifestations manquent de force et de hargne. Elles sont trop « cheap » et sonnent faux.

    En voulant sans doute coller aussi à une stricte réalité et ne pas tomber dans un misérabilisme flamboyant façon « Les Nuits Fauves » ou certains des films de Patrice ChereauL’homme Blessé », « Ceux Qui M’aime Prendront Le Train »…), 120 Battements prend le parti-pris d’un naturalisme « Pialesque » sans savoir où couper. On se retrouve ainsi avec des scènes étirées qui éclipsent certaines autres, plus courtes mais pourtant plus réussies. On ne s’attache que difficilement aux personnages, mis à part Nathan, une sorte d’être lumineux et bienveillant. Quant aux autres, ils sont surtout des stéréotypes que l’on a tous déjà côtoyés dans les milieux gay que l’on pouvait fréquenter à l’époque. Personnellement, ces individus m’agaçaient de par leur hargne, leurs rapports conflictuels et l’arrogance affichée comme seul moyen de communication.

    Avec si peu d’empathie et cette morgue comme seule alternative pour expliquer les enjeux, on se demande où réside l’intérêt du film aujourd’hui et surtout à qui il s’adresse, finalement… Aux gays ayant vécu cette période, comme une piqure de rappel ? A un jeune public qui ne connaîtrait pas cette époque symboliquement forte du militantisme en France ? A un public qui voudrait en savoir plus sur la communauté LGBT ? D’autant que cela retrace l’histoire d’Act Up, quand tout restait encore à faire. Depuis, heureusement, et sans doute en grande partie grâce à eux, des progrès considérables ont été mis en oeuvre pour le traitement des malades.

    Au-delà de la dimension historique, didactique, je m’attendais malgré tout à être secoué, galvanisé, en regardant un film puissant et électrique. Je pensais aller voir un morceau brut d’énergie pure, une ode à la vie. Une expérience sensitive et bouleversante… On me dira que le combat est donc toujours d’actualité, certes, mais je me penche ici uniquement sur l’expérience cinématographique et non pas sur les idées qu’elle défend. Et en tant qu’oeuvre qui voudrait s’adresser à un large public, je crains que beaucoup restent sur le bas côté et n’entendent rien à ce 120 Battements qui exprime plus le sentiment de mort que l’espoir ou la lumière.

    La fin est pesante, interminable et inutilement arrache-larme, et tout ce qu’avait tenté d’éviter le réalisateur durant le métrage, à savoir ce pathos omniprésent, nous explose ici à la figure de manière maladroite et crispante. Le générique final enfonce le dernier clou de ce cercueil qu’est « 120 Battements Par Minute » et notre coeur, quant à lui, s’est arrêté de battre…

     

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  • Conjuring 1… Mais 2…

     

     

    A la manière d’un Tarantino, James Wan fait des films en citant sans complexe tous ceux qui lui ont sans doute donné le goût du cinéma de genre.

     

    Avec « Saw » d’abord, le premier du nom, James Wan égrenait déjà autant de références empruntées à ses pères transalpins comme Dario Argento, Lucio Fulci, Mario Bava, tout en créant un genre en soi, le « Torture Porn Movie »… « Insidious », ensuite, reprenait sans vergogne tous les codes de « Poltergeist » qui lui même faisait déjà référence à « La Maison du Diable » de Robert Wise, grand film de maison hantée, dans lequel la peur était sculptée dans la suggestion. On peut donc dire que ce jeune réalisateur talentueux connait ses classiques sur le bout des doigts et sait les utiliser pour mieux les réinterpréter, les réinventer. Enfin, avec « Conjuring », c’est « Amityville » et surtout « L’Exorciste » qui servaient ici de référence, de modèle et de moule.

    En optant alors pour un traitement à contre-courant des figures imposées aujourd’hui, par lesquelles violence crue et scènes graphiques inondent le moindre centimètre de pellicule, le réalisateur de « Dead Silence » préférait quant à lui s’essayer au pur travail de mise en scène. A ce titre, « Conjuring » pouvait se targuer d’être un modèle du genre, tant son décor principal, la maison, était utilisé comme un personnage à part entière. En ayant très peu recours aux effets faciles tels que les « Jump Scares » ou autres effets spectaculaires, tout consistait ici à rendre l’atmosphère du film très rapidement immersive, afin que le spectateur se sente lui aussi réellement dans la maison. De nombreux plans-séquences permettaient cette empathie et créaient ainsi l’angoisse.

    S’appuyant également sur un casting solide, le film, même s’il n’échappait pas aux facilités d’usage ou encore à des références quelque peu lourdes, se montrait jusqu’au bout toujours honnête et franc. Ne cédant jamais à l’ironie facile tout en essayant d’être une sorte d’ultime film de genre, généreux et appliqué, « Conjuring » s’avérait jusqu’à ce jour être le digne rejeton de ses illustres ainées.

    Le problème avec James Wan, c’est qu’à contrario de ses prédécesseurs qui prenaient le risque de changer de genre à chaque nouveau film, lui ose la suite, au son des cloches du succès que connurent « Insidious » et « Conjuring ». Rejouer le même tour de passe-passe, à ses risques… Ainsi, avec « Conjuring 2 », il tente le tout pour le tout. Patatra… L’opus 2 se vautre donc dans tous les travers que le premier avait su si justement éviter.

    Premier problème de taille, le rythme. Deux heures dix pour un film d’horreur, c’est beaucoup trop long pour retenir l’attention et maintenir l’angoisse du spectateur. Surtout que cette fois-ci, l’histoire, décalque du premier volet, nous ressert les mêmes ingrédients dans une ambiance davantage fête foraine, où les « Jump Scares » sont revenus au galop, comme si le film n’avait plus d’autre ambition que de n’être juste qu’un banal train fantôme. Même si on tente de nous flatter avec cette prétendue histoire dans l’histoire, ou du film dans le film, peut-être que tout cela n’est finalement qu’un coup monté, un rêve ou une pièce de théâtre, qui sait.

    Côté monstres et démons, il faut donc se contenter d’un vieillard sénile inspiré du croque-mort du « Phantasm » de Don Coscarelli, ou d’une nonne démoniaque ayant piqué le maquillage du chanteur-rockeur Marylin Manson. Bref, un peu chiche niveau trouvaille visuelle. Le couple Warren, les Ghostbusters si impliqués dans le premier opus, semble cette fois-ci se foutre un peu trop de ce qui lui arrive. Le mari nous pousse même à un moment la chansonnette avec sa guitare. « Conjuring 2 » ne fait donc absolument pas peur, traîne en longueur, et devient vite un vrai chemin de croix, compte tenu du public venu voir le film, aussi infect séance après séance, puisqu’il n’est quasiment composé que de pré-adolescents ayant été sûrement élevés au Pal, la pâtée des champions…

    Bref, le petit maître de l’horreur serait prié de renouveler son stock de fantômes et autres cas de possession, car les ficelles commencent sérieusement à se voir. Et c’est un fan de « L’Exorciste », « Amityville » et « Massacre à la Tronçonneuse » qui le dit !

     

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Dévoreur Hubertouzot

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images

     

     

     

  • Conversation autour d’un film culte : Paroles et Musique (1984)

     

     

    Deux rédacteurs d’Instant City, Anne et Hubert, conversent autour de leurs films cultes. Le principe : chacun leur tour, ils choisissent donc un film et le soumettent aux commentaires de l’autre.

     

     

    Conversation autour d’un film culte

    Episode 1 : « Paroles et Musique » (Eli Chouraqui, 1984)

     

     

    Anne : L’enjeu pour moi en redécouvrant ce film que j’avais vu lors de sa sortie (j’avais alors 17 ans) était de savoir si l’on pouvait ou non revoir un vieux film des années 80, un film âgé de plus de trente ans, sans que celui-ci ne soit démodé, vieillot ou dépassé. C’est un peu le challenge des films anciens. Ce qui fait la qualité d’un grand classique, c’est selon moi son caractère indémodable. Peut-on regarder un film muet de Charlie Chaplin sans s’ennuyer ? La réponse est « oui » car on y a toujours quelque chose à apprendre et certains problèmes de société sont encore d’actualité. Nous sommes un public tellement gavé d’effets spéciaux, de thrillers aux scénarios alambiqués à souhait qu’il me paraissait, avant le visionnage, très difficile d’effacer les années 2010.

    Et en effet, ce film dont j’avais un souvenir nostalgique, à la manière de « Péril en la Demeure », ou dans un autre style « Tchao Pantin », n’est pas parvenu à dépasser le cap du second visionnage. Je n’ai pas revu ces films des années 80 qui ont bercé mon adolescence, comme « La Boum », « Les fugitifs », « La vie est un long fleuve tranquille », « Le dernier métro », « Viens chez moi, j’habite chez une copine », « A nos amours », « Subway », « Trois hommes et un couffin », « J’ai épousé une ombre »… Parce qu’il me semble que cela gâcherait le souvenir que j’en ai. J’ai peur d’ouvrir ce livre-là et d’être déçue. Tous ces films d’avant 1985, avec les grandes stars que vénéraient nos parents, Deneuve, Depardieu, Dewaere, Miou-Miou, Annie Girardot, Romy Schneider, tous ces films de Godard, Pialat, Tavernier, Chabrol, Patrice Leconte, Mocky, Yves Boisset ou Lautner, appartiennent à un courant bien spécifique, une certaine génération qui n’est pas la mienne et que je trouve démodée. C’est le cas de « Paroles et Musique ». Je me suis ennuyée en le regardant et je l’ai trouvé démodé.

     

    Hubert : Tout d’abord bonsoir et merci de me recevoir dans cette émission de débat, de point de vue et de catch dans la boue. Avant de rentrer dans le vif du sujet et d’évoquer ce chef d’œuvre qu’est « Paroles et Musique » (et je pèse mes mots), je voudrais juste revenir sur ce qui a été dit un peu plus haut en guise de préambule.

    En effet, commencer par suggérer que les parents en général, et probablement les miens, « vénéraient » Romy Schneider, Depardieu, Deneuve, Dewaere, Girardot, ainsi que des réalisateurs comme Bertrand Tavernier, Chabrol, Mocky, Boisset, Lautner, Godard… Tout en rangeant tout ce beau monde dans un même sac… Euh, c’est un joli panel de nos grands noms du cinéma français, mais je ne vois pas spécialement le rapport avec la choucroute, voire même la tarte aux fraises (pâte sablée), et encore moins avec le film d’Elie Chouraqui.

    Si mes parents aimaient un certain cinéma populaire, c’était déjà parce qu’on ne leur proposait que ça à l’époque à la télévision : des films de Robert Enrico, Lautner, certes, mais aussi Claude Zidi, André Hunebelle ou Philippe De Broca. Quant aux acteurs, à part Romy Schneider-Noiret, connexion avec Robert Enrico et le film que tous les parents français de cette génération adorent, je parle du « Vieux Fusil », Louis de Funès, Yves Montand, Gabin, Signoret, Lino Ventura, Delon, Belmondo, tous ces acteurs populaires qui passaient régulièrement, multi-rediffusés dans des films qu’ils connaissaient par cœur…

    Mais dans l’absolu, c’était surtout le cinéma américain qui les faisait rêver. Des westerns, des policiers, des films d’aventure dont ils ne connaissaient pas les auteurs car ils s’en fichaient, au même titre d’ailleurs que les réalisateurs français. Alors pensez donc que Godard, Pialat ou Tavernier sont des noms qui sonnent étrangement dans l’intro de cet article qui va être consacré à « Paroles et Musique ».

    Passé le couplet sur nos parents respectifs dans le contexte de ces années 80, voilà que je me transforme d’un seul coup en Hulk (en fait c’est progressif, car d’abord il y a la chemise qui se déchire sur les pectoraux, ensuite les chaussures, le pantalon, et l’épiderme qui se teinte d’une couleur olivâtre…). En effet, lorsque vous écrivez que Godard, Chabrol, Pialat, sont des réalisateurs démodés et que vous les mettez dans le même sac que le réalisateur de « La Boum », Claude Pinoteau, et Luc Besson, auteur à l’époque de « Subway »… Et qu’ils appartiendraient tous, je vous cite, à un courant bien spécifique, euh… Excuse me, what do you say ?! Je crois que je vais mettre sur pause. Réduire de la sorte tout un pan du cinéma français, qu’il soit issu de la Nouvelle Vague ou qu’il soit juste à ambition populaire, en synthétisant de la sorte « courant bien spécifique »… Là, non. Pas du tout, non, non et non.

    Chacun des réalisateurs cités appartient surtout à lui-même. Que l’on évoque ces réalisateurs issus de la Nouvelle Vague comme ceux de l’ancienne rédaction des Cahiers Du Cinéma, de Godard à Chabrol, en passant par Truffaut, Rivette, Rohmer ou Eustache, ils ont chacun d’eux proposé des films bien spécifiques et très différents les uns des autres, au point qu’on ne serait pas en mesure de les intégrer à un courant ou un genre similaire. Ils ont tous été auteurs de films, en reflétant leur époque, avec pour certains une réflexion politique, sensorielle et formelle (Godard, Eustache), romanesque, littéraire ou naturaliste (Truffaut, Rivette et Rohmer).

    Avec Maurice Pialat, c’est le social et une déconstruction systématique des habitudes conformistes et bourgeoises du cinéma de l’époque (« Nous Ne Vieillirons pas Ensemble », « Loulou », « A Nos Amours »). Une bourgeoisie également la cible préférée de Chabrol et ses fables sur cette bourgeoisie provinciale déguisées en thriller sous influence Hitchcockienne (« Que La Bête Meure », « Le Boucher »). Une bourgeoisie également traitée chez Sautet, avec ici une réflexion plus nuancée sur l’évolution des mœurs, avant et après le début des années de crise en France (« César Et Rosalie », « Vincent, François, Paul et les Autres », « Une Histoire Simple », « Mado »). Mais aussi Tavernier, autre grand baromètre de son époque, avec des films comme « L’Horloger de Saint Paul », « Les Enfants Gâtés », « Une Semaine de Vacances »).

     

    Anne : Je suis tout à fait d’accord avec toi : il ne faut pas mettre ces réalisateurs tous ensemble « dans le même sac » ni les identifier tous au même courant cinématographique. Bien entendu, tu as tout à fait raison, c’est indiscutable et tu as bien fait de le préciser, je ne peux qu’être du même avis, bien entendu. Ce que je voulais dire, je me suis sans doute mal exprimée, c’est qu’en tant que spectateur ignorant de la culture cinématographique, tous ces films, de tous ces réalisateurs des années 1980-1985, sont pour la plupart démodés, irregardables et ennuyeux. Ce n’est évidemment pas mon avis concernant certains films dits cultes de cette époque, ceux qu’on appelle « Les grands classiques ». Mais le sujet n’est pas là. La question soulevée est : est-ce qu’un spectateur non cinéphile peut regarder « Paroles et Musique » sans s’ennuyer ? Je ne parle pas d’un spectateur cinéphile, d’un amoureux du cinéma, d’un amateur de culture cinématographique ou d’un abonné aux « Cahiers du Cinéma ». Je parle du spectateur lambda.

    Ce n’est ni péjoratif, ni dépréciatif. Il faut de tout pour tous. Et pardon, mais j’aime le cinéma, je me considère comme cinéphile, mais oui, je me suis ennuyée. Et oui, je trouve beaucoup de films de ces années-là démodés et dépassés. Alors, sans doute ont-ils un intérêt purement culturel, en tant qu’oeuvre d’art témoignant d’une époque. Certes… Mais pas en tant que divertissement. Et là, on soulève une autre question : il y a plusieurs cinémas, dont le cinéma de divertissement. Quelle est notre attente lorsqu’on s’assoit dans un fauteuil face à l’écran ? On veut tous la même chose ? Apprendre, ressentir des émotions, passer un super moment, ne pas s’ennuyer, ressortir content et scotché, ressentir le « waow », avoir à réfléchir, s’émerveiller, s’extasier… Eh bien, je n’ai ressenti aucun de ces sentiments en regardant « Paroles et Musique ». J’ai ressenti de l’ennui, de l’agacement. J’ai même été atterrée.

     

    Hubert : Paroles et Musique… En 1984, à la sortie du 3ème film d’Elie Chouraqui, Catherine Deneuve rayonne de toute sa quarantaine éclatante. Pour l’occasion, elle s’est coupé les cheveux et elle n’a jamais été aussi belle. Christophe Lambert et Richard Anconina sont les deux jeunes acteurs du cinéma français que tout le monde veut voir dans les films. Le réalisateur de « Qu’est ce qui Fait Courir David » n’a qu’à ramasser. Avec un scénario prétexte et vaguement autobiographique, une musique de Michel Legrand, voici alors un concentré de toute une époque, avec ces ersatz de chansons de Christopher Cross, fortement dosés en glucose et lipides. Revoir ce film, ou le découvrir aujourd’hui, c’est en effet se confronter à une déferlante de clichés qui convoquent toute l’iconographie d’usage, allant de l’aéroport, avec ces avions en partance pour New York, à ces écrivains qui n’arrivent pas à finir leur « fucking book », en passant par cette façon qu’ont les personnages de tenir et de fumer leur cigarette, les sweats trop larges à épaulettes, les pulls amples manches chauve souris et ceinturés à la taille, les gros ventilateurs dans des lofts avec des stores vénitiens, les studios d’enregistrement en mode « On peut reprendre là, j’ai pas de feedback ! », les petits matins bleutés avec les éboueurs en plan large filmé au sol…

    Comme si justement ce film avait inventé lui-même toute cette imagerie publicitaire ou une sorte de pendant français à ce que faisait Adrian Lyne outre-Atlantique. Le film est donc à juste titre un festival de ce genre outrancier, ou bien une machine à remonter dans le temps. Pourtant, pour toutes celles et ceux qui l’ont découvert adolescent, il y a ce parfum, cette magie et cela ne tient pourtant pas à grand chose. Une lumière, un plan, une phrase de dialogue, quelques notes jouées au piano, un détail… La nostalgie qui nous étreint, cette délicatesse infinie qui nous serre la gorge avec son nœud coulant, tous ces chouettes petits moments passés, inavouables, secrets, honteux, que l’on refoule mais qui à chaque évocation du film, nous sourient. Indéfendable, sûrement, certainement même, mais avec toujours ces détracteurs qui vous regardent avec des yeux de hibou frits. Peut-on aduler Kubrick ou Billy Wilder au même titre que Chouraqui… ? Mais oui bien sûr !

     

    Anne : Je suis tout à fait d’accord avec toi quant au charme du film « Paroles et Musique ». Je suis également très sensible à tout cet univers que tu viens de décrire. Et  je le dis, c’est bien ce qui m’a plu dans ce film : son esthétisme dans la couleur, les éclairages, les costumes, les décors… Je comprends l’engouement de certains cinéphiles pour les films de cette époque. Il y a un côté nostalgie de ces années-là qui est très émouvant.

     

    Hubert : En effet, il y a une véritable fascination aujourd’hui pour les années 80. Il suffit de voir la mode et la musique qui n’en finissent pas de piocher dans les tics de cette époque…

     

    Anne : L’engouement pour les années 1980 tient davantage à la gaieté et au caractère festif du disco, qu’à la nostalgie de la musique de Michel Legrand ou de Christopher Cross. Ma seconde remarque concernant le film concerne le statut et la place des femmes. Deneuve ou Schneider sont l’archétype à l’époque des épouses des années 1980. Brushing, coupes de cheveux datées, types de rôles au cinéma.. Elles sont là, à la maison, rêvant d’émancipation, mais finalement soumises au bon vouloir de leur mari. Ce sont des personnages secondaires dans le couple. Elles veulent que leur mari les aime et pour cela elles sont prêtes à se taire, à accepter les allers-retours, les caprices, les brimades, les disputes, les cris injustifiés et les humeurs injustifiées des hommes. Elles font tout mais n’ont droit qu’aux critiques de tous : de leurs époux, de leurs enfants qui leur reprochent de n’être jamais là, de trop travailler, d’avoir des amants et donc de jouir d’une certaine liberté sexuelle. J’ai trouvé les deux rôles féminins très loin des personnages émancipés et libres du cinéma d’aujourd’hui. J’ai trouvé cela machiste de la part du réalisateur Elie Chouraqui. Mais avec le recul, et au deuxième degré, je me dis que les films de 1980-1985 sont un excellent témoignage de la condition féminine de l’époque.

     

    Hubert : A partir des années 60, puis 70 et 80, on suit l’émancipation de la femme au cinéma. Romy Schneider n’est certainement pas le meilleur exemple pour illustrer ce que serait une femme au foyer, quand on parcourt sa brève filmographie. Que ce soit chez Sautet, Girod ou Żuławski. Pour Deneuve, même combat, malgré une filmographie plus riche. L’actrice a toujours cherché à démonter de l’intérieur ce qui paraissait lisse ou rassurant dans son physique. Demy, Buñuel, Mocky, Truffaut, Broca et tant d’autres encore, lui ont offert les plus beaux rôles de femmes modernes, libres et insoumises. Vous faites donc un curieux raccourci encore une fois sur le cinéma français, en fondant juste votre analyse sur ce personnage de Deneuve dans « Paroles et Musique », ou bien encore sur les quelques autres personnages féminins du film, en les réduisant finalement à pas grand chose. A mon sens, tous les réalisateurs français d’après-guerre auront plutôt eu tendance à essayer de casser le moule d’un cinéma corseté, dit cinéma de « papa », en proposant des personnages de femmes assez novateurs, d’ailleurs tout de suite repris par les réalisateurs américains, italiens ou japonais… A propos du disco, précisons que  c’est une période assez courte, à l’instar du Punk, qui n’a duré que trois ans, et plutôt avant les années 80, précisément à la fin des 70’s… Avec le début de ces années 80, on assiste au contraire à l’avènement de genres de musique plus dépressives, marquées par la prédominance de sons de claviers et synthétiseurs New Wave ou Cold Wave, sons dits Novo et minimalistes. C’est en revanche durant la deuxième partie des 80 que la musique deviendra plus expansive, avec des groupe tels que Duran Duran, U2 ou Tears For Fears, qui prendront quant à eux un virage vers des albums plus gros et plus colorés.

     

    Anne : Pardon, j’étais plus sur « Stars 80 »… En parlant de Romy, je pensais à « César et Rosalie ». Mais tu as raison. J’ai tendance dans mes propos à faire d’un cas particulier une généralité. Je vais y être plus attentive désormais. N’es-tu pas d’accord avec moi lorsque je dis que le personnage de Deneuve dans « Paroles et Musique » est traité de façon machiste ? Tout le monde l’engueule : son mari la quitte parce qu’elle travaille… trop (!) mais lui laisse les gosses et revient par jalousie de mâle testostéroné dès qu’elle a un amant. Ses enfants lui reprochent de trop travailler et la culpabilisent à la fois du départ de leur père et de reprendre une vie amoureuse. Son amant passe ses nerfs sur elle. Et que fait-elle ? Elle tente de calmer et de satisfaire tout ce petit monde.

     

    Hubert : Elle reste quand même un personnage à la fois libre de ses choix et directif vis-à-vis des autres. Après, ce qu’elle décide lorsqu’elle retournera vivre avec son mari, c’est plus de la consilience par rapport aux enfants à qui leur père manque. On est dans une réalité concrète.

     

    Anne : Ma troisième remarque concerne les dialogues. J’ai été stupéfaite par la pauvreté des dialogues. contrairement au film « Trop Belle Pour Toi », par exemple (1989).

     

    Hubert : On ne peut pas citer Bertrand Blier et Elie Chouraqui en les mettant sur le même plan. Tout le cinéma de Blier fils est fondé sur le sens du dialogue et ce côté verbeux d’un style se voulant littéraire ou théâtral. Ses films s’inscrivent dans une forme maniériste, sophistiquée, un peu à la façon d’un Michel Deville. Les deux réalisateurs poussent jusqu’à l’abstraction le jeu des comédiens et les scènes dans lesquelles ces derniers s’inscrivent. Nous ne sommes pas là dans la même approche que ce qu’un Chouraqui fait depuis toujours. Celui-ci, clairement, n’a pas la même ambition stylistique, qui viendrait s’appuyer sur ses saillies et ce que les comédiens sont censés représenter à l’écran.

     

    Anne : Exactement. Ce sont deux mondes et deux univers spécifiques différents. Mais rien n’interdit de comparer deux mondes et deux univers. Au contraire, c’est intéressant de comparer deux réalisateurs, d’étudier ce qui les rapproche et ce qui les différencie. L’analyse comparative est constructive et pertinente. De même que le débat entre deux avis contraires. Et on est autorisé à dire qu’on préfère une écriture à une autre. C’est le cas ici : je préfère l’écriture scénaristique d’un Blier dans « Trop Belle Pour Toi » à celle d’un Chouraqui dans « Paroles et Musique ». Si j’ai utilisé cette comparaison, c’est uniquement parce que ces deux réalisateurs sont de la même époque.

     

    Hubert : Prendre comme référence qui se voudrait indéboulonnable Bertrand Blier, l’auteur de « Trop Belle Pour Toi », un réalisateur bourratif, qui pour le coup a fait des films assez pénibles à revoir aujourd’hui, tant par leur style ampoulé que désuet, me surprend. A part peut-être « Les Valseuses », et encore… Le reste de sa filmographie a un côté putride et frelaté qui véhicule en plus une image de la femme franchement douteuse et rance. Plusieurs décennies à nous asséner sa misogynie comme pause et principe à vivre, et qu’il badigeonne allègrement dans tous ses films. Côté dialogues, on ne peut tout de même pas faire l’impasse sur Jean-Loup Dabadie, sans doute le meilleur dialoguiste du cinéma français, le plus fin, le plus spirituel de tous. Sautet, De Broca, Yves Robert ont grâce à lui pu transformer leurs films en chefs d’œuvre immortels.

     

    Anne : Je n’évoquais pas toute l’oeuvre de Blier. Je prenais l’exemple bien spécifique d’un film en particulier de Blier. Mais soit. Supprimons une comparaison qui n’aurait pas lieu d’être. J’affirme donc, sans comparer, que les dialogues du film « Paroles et Musique » sont pauvres, parfois grotesques, surranés, bourrés de clichés et pathétiques. A mon avis, ils ont pris un sacré coup de vieux (sauf si on les aborde au second degré, encore une fois, en tant que témoignages d’une époque). Les répliques sont d’une platitude hallucinante, chargées de clichés consternants.

     

    Hubert : Pour revenir sur le film qui nous intéresse, c’est un mauvais procès d’intention que de lui faire de tels reproches concernant les dialogues. Le film est une sorte d’idéalisation des rencontres entre hommes et femmes vue par un réalisateur resté un peu adolescent quant aux choses de l’amour.

     

    Anne : Pour les dialogues : garder son âme d’adolescent ne signifie pas bêtifier ou être immature. On peut être jeune et intelligent. On peut être amoureux mais conserver sa raison. On peut être fleur-bleue, mais de manière drôle et pertinente. On peut écrire un film tendre mais plein de finesse. Quant à la relation amoureuse homme-femme : si elle est ici « idéalisée », je crie « au secours ! ». C’est ça l’idéal amoureux ?  Trouver un mec collant et bien lourd, qui fait des caprices, vous crie dessus, refuse d’affronter les problèmes. Se remettre en couple avec un type qui s’enfuit plutôt que de parler, abandonne sa femme et ses gosses et « démerde-toi », n’appelle pas, ne donne aucune nouvelle pendant des mois, sous-entend que tu es une traînée et une mauvaise mère ? Se faire draguer par un pauvre type en soirée qui drague toutes les nanas qui passent, te fais l’amour en chaussettes de tennis avant de te virer en pleine nuit comme une malpropre ? Mon idéal amoureux ne correspond à aucune de ces trois histoires d’amour décrites dans le film.

     

    Anne : Un des plaisirs du film est le casting. On est ravi de retrouver des visages qu’on aime et qui font un peu partie de notre vie : Dominique Lavanant, Clémentine Célarié, Charlotte Gainsbourg. En revanche, je n’ai pas aimé la musique du film composée par Michel Legrand, que j’ai trouvée trop sirupeuse. Un petit air de piano bien posé au bon endroit, quand il s’agit de signifier au spectateur qu’il doit être attendri, trop évident, trop gros…

     

    Hubert : Michel Legrand, de « la mélodie sirupeuse »… Oui, bien sûr, tout à fait… « Non Bogomir, Cvijetin ! Attendez, pas maintenant ! ». Désolé, chère Anne, mes deux hommes de main serbes voulaient juste vous vriller les bras et vous perforer les poumons à coups de poing américain. Michel Legrand, compositeur pour Jacques Demy, Godard, Molinaro, Rappeneau, Estwood, Lester, De Broca… Arrangeur de Jazz, chef d’orchestre… « Les Demoiselles de Rochefort », « Les Parapluies de Cherbourg », « Peau D’Âne », « L’Affaire Thomas Crown », « Cléo de 5 à 7 »… Je continue ? Elie Chouraqui, fan d’un certain cinéma populaire et surtout fan depuis toujours de ce compositeur, avait déjà collaboré avec lui sur son précédent film « Qu’est-ce Qui Fait Courir David ? ». Michel Legrand n’a certes ici pas forcément signé son meilleur score pour un film, si ce n’est ces petits thèmes au piano renvoyant à Eric Satie. Il a en effet composé toutes ces chansons qui, sorties de leur contexte, peuvent, je vous l’accorde, paraître aujourd’hui assez éprouvantes, mais pourtant, il a su apporter sa patte le temps de quelques notes au piano. Une mélodie placée ça ou là, qui renvoie tous les nostalgiques de ce film chéri à leurs années sucrées, idéalisées et souriantes.

     

    Anne : C’est exactement ce que je dis : une petite mélodie au piano bien placée, au bon moment, pile là où il faut. Efficace ? Talentueux. Mais justement… trop facile, tellement évident ! On n’est pas dupe et ça nous gonfle. Tout comme ces sitcoms derrière lesquels, en bruit de fond, on entend les rires qui nous indiquent à quel moment le scénario est drôle. Infantilisant. Directif.

     

    MA SCENE PREFEREE DU FILM

     

    Anne : La scène entre Lambert et Charlotte Gainsbourg dans la cuisine au petit-déjeuner : Lambert parvient à apprivoiser Charlotte après un dialogue à double sens. Et Charlotte Gainsbourg délicieuse, merveilleuse, si délicate, parfaite !

     

    Hubert : Ah vous voyez Anne, vous finissez par craquer et votre armure se fissure… A la 10ème vision du film, vous finirez par aimer Michel et Jérémie, Margaux et les autres… Si si… Vous verrez… On aime tous Paroles et Musique.

     

    Instant-City-Paroles-et-Musique-001

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

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  • Festival de Cannes 2016 | Episode 8 : Picasso en peau de mouton (1953)

     

     

    En 1953, Pablo Picasso dérogeait à la règle du smoking, obligation incontournable du Festival de Cannes, pour fouler le tapis rouge et monter les marches. Le Maître réussit à obtenir une dérogation. Accompagné de Jacqueline, l’actrice Véra Clouzot et son mari Henri-Georges Clouzot, qui obtint cette année-là le Grand Prix du Jury pour son film « Le Salaire de la Peur », le peintre porte sur la photo une simple veste en peau de mouton. Que faisait donc Picasso à Cannes cette année-là ? Pourquoi un peintre sur le tapis rouge, habituellement réservé aux stars du cinéma ? Il faut se rappeler que Jean Cocteau, grand ami poète du Maître et aussi réalisateur, est alors président du jury. Mais pas seulement…

    En 1952, Henri-Georges Clouzot et Picasso sont voisins, le premier habitant à Saint-Paul de Vence et le second à Vallauris. Clouzot aura l’idée de réaliser en 1955 le documentaire « Le Mystère Picasso », Grand Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes l’année suivante. « C’est une bonne idée, il faudra en reparler » lui avait dit le peintre. Le réalisateur filme Picasso peignant sur un papier spécialement choisi pour l’occasion, et dont les spécificités permettent de voir le dessin se faisant devant la caméra, sans voir le peintre. Le film est en noir et blanc, mais les traits de Picasso apparaissent en couleur. Cette fois, Picasso portera le smoking, le nœud papillon et le chapeau melon. Cette anecdote fait désormais partie de la légende du festival.

     

     

    Le Mystère Picasso :

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    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Images INA des membres du jury en 1953

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Picasso à Cannes en 1956