Auteur/autrice : Instant-Chris

  • Sergio Leone : Nationalité Cinéma

     

     

    En 2019, nous avons au moins trois bonnes raisons de célébrer Sergio Leone : les 90 ans de sa naissance, les 30 ans de sa disparition et les 35 ans du film considéré comme « plus grand que le cinéma », « Il était une fois en Amérique ». Retour sur la vie et l’oeuvre de l’immense réalisateur italien.

     

    Si Sergio Leone (1929-1989) n’aura réalisé en tout et pour tout que sept films durant une carrière prématurément interrompue à l’âge de 60 ans, son influence est majeure dans l’histoire du cinéma, notamment par sa relecture du western. En inventant le « Western Spaghetti » il y a 55 ans, avec « Pour une poignée de dollars » sorti en 1964, il sut donner au genre tant des couleurs européennes qu’un second souffle, et révéla du même coup la star Clint Eastwood.

    Aujourd’hui, trente ans après sa disparition, Sergio Leone est enfin reconnu, mais il a pourtant longtemps été un cinéaste très sous-estimé par l’industrie. Le mépris qui avait accueilli ses premiers westerns « Made in Italy » a ensuite fait place au profond respect qu’impose l’œuvre d’un véritable auteur ; Sergio Leone est devenu une référence incontestable, pour ses pairs, pour les cinéphiles comme pour le grand public, en ne signant que sept films qui auront marqué durablement notre imaginaire.

     

    [youtube id= »OOxuXA2oviY » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    La route était déjà toute tracée pour Sergio Leone quand il naît le 3 janvier 1929, d’un père pionnier du cinéma italien, Vincenzo Leone, dont le nom de scène est Roberto Roberti, né le 5 août 1879 à Torella dei Lombardi, en Campanie, et mort le 9 janvier 1959 (à 79 ans) dans cette même ville, et d’une mère actrice, Edwige Valcarenghi, au pseudonyme de Bice Waleran. Premier signe du destin, ce père tutélaire réalisa le tout premier western italien, malheureusement perdu aujourd’hui, « La Vampire Indienne » sorti en 1913, avec son épouse dans le rôle-titre, le terme « vampire » désignant à l’époque une femme fatale.

    Élève effacé dans une école religieuse de Rome, Sergio se retrouve étonnamment dans la même classe que son futur compositeur fétiche, auquel ses oeuvres resteront identifiées à jamais, Ennio Morricone. Second signe du destin… Celui qui deviendra son plus proche collaborateur et ami, lui rappellera d’ailleurs cette rencontre des années plus tard, Leone l’ayant oubliée.

     

    Sergio Leone (2e en haut) et Ennio Morricone (4e en haut) enfants à l’école Saint-Jean-Baptiste-de-La-Salle de Rome (Expo Sergio Leone CInémathèque Française)

     

     

    Pionnier du cinéma italien, dont il devra pourtant s’éloigner dans les années 30, du fait de son aversion profonde pour le fascisme ambiant, Roberto Roberti parvient néanmoins à ouvrir les portes du 7ème Art à son fils Sergio, dès la fin de ses études, à 18 ans. Sergio Leone entame alors une interminable première partie de carrière d’assistant-réalisateur, qui durera de 1946 à 1962, avec notamment une série d’adaptations au cinéma d’oeuvres lyriques célèbres (Rigoletto, Il trovatore, La forza del destino…), réalisées par Carmine Gallone. Leone prendra soin plus tard d’occulter ces films de son esprit comme de sa biographie officielle (et pour cause, il n’était même pas crédité au générique…), alors que ses propres films afficheront ensuite une indéniable dimension lyrique.

    Mais un film émergera pourtant de cette période, tant il marquera à tout jamais l’oeuvre de Sergio Leone. En 1948, il est assistant-réalisateur sur « Le Voleur de Bicyclette » de Vittorio De Sica. Il n’est toujours pas crédité au générique à ce titre, certes, mais fait une apparition furtive aux côtés de l’acteur Lamberto Maggiorani, en jeune séminariste s’abritant de la pluie. C’est selon Leone ce film qui sera le réel déclencheur de sa carrière.

     

    Sergio Leone (à droite, à côté de Lamberto Maggiorani) interprétant un jeune prêtre dans « Le Voleur de bicyclette » (Vittorio de Sica, 1948) (Fondazione Cineteca di Bologna)

     

     

    Dans les années 50, lorsque les Américains décentralisent la réalisation de grosses productions à Cinecitta, notamment des péplums, Sergio Leone devient l’assistant (toujours non-crédité) de Robert WiseHélène de Troie » en 1956), Fred ZinnemannAu risque de se perdre » en 1959), William WylerBen-Hur » en 1959, notamment sur la course de chars) et Robert AldrichSodome et Gomorrhe » en 1962), dont il quittera le plateau avant la fin du tournage pour cause de climat général quelque peu houleux…

    Le péplum connaît alors son âge d’or, dans les années 50 et jusqu’au tout début des 60. Et Sergio Leone y contribuera largement, mais toujours comme assistant ; dès 1949, avec « Fabiola » d’Alessandro Blasetti, puis « Quo Vadis » de Mervyn LeRoy (1951), « Prynée, Courtisane d’Orient » de Mario Bonnard (1953), qu’il retrouve en 1958 sur « L’esclave d’Orient », avant « Sous le Signe de Rome » (1959) de Guido Brignone.

    Désormais pleinement reconnu dans ce rôle d’assistant-réalisateur, Sergio Leone se voit confier la réalisation des « Derniers Jours de Pompéi », en remplacement de Mario Bonnard, malade. Il ne sera toujours pas crédité au générique, mais les compétences techniques acquises tout au long de ces seize années passées en tant qu’assistant-réalisateur lui confèrent une solide réputation et lui permettent enfin d’accéder en 1961 à sa première réalisation pleine et entière, encore un péplum, « Le Colosse de Rhodes ».

    Le cinéaste confessera plus tard avoir eu un immense plaisir à tourner ce premier film sous son propre nom. Il y fait même quelques apparitions dans certaines scènes de foule…

     

    [youtube id= »jh1hmDr11SY » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Pour un Européen de son âge, les États-Unis étaient le paradis. Et pour Leone, le cinéma était encore bien plus haut que le paradis… Dans une très belle interview qu’il avait fait pour la Cinémathèque française, quelqu’un lui demandait pourquoi il ne faisait pas de films sur l’Italie, et il répondit : « peut-être que quand l’Italie sera grande comme les États-Unis, alors je ferai des films sur l’Italie ». En substance, seuls les Etats-Unis étaient assez grands pour son cinéma… Cette dimension d’enfant, de rêveur, c’est la clef pour comprendre Sergio Leone. » (Gian Luca Farinelli, Directeur de la Cinémathèque de Bologne et du Festival Il Cinema Ritrovato)

     

    Après cette adhésion au genre dominant de l’époque, le péplum, Sergio Leone va être à l’origine d’une véritable révolution… S’il n’a pas à proprement parler réalisé le premier « Western Spaghetti », considéré comme étant « Duel au Texas » de Ricardo Blasco en 1963, tombé depuis dans l’oubli, Leone enfonce malgré tout le clou l’année suivante avec le succès foudroyant de son « Pour une poignée de dollars » sorti en 1964, qui grave dans le marbre pour l’éternité les codes du genre. A noter que la musique du film est composée par un certain Dan Savio qui n’est autre qu’Ennio Morricone en personne, pour la toute première collaboration de ces deux monstres sacrés du 7ème Art.

     

    [youtube id= »VD6Ew4AS-Ic » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Le Western, propriété inaliénable d’Hollywood, est alors en perte de vitesse aux Etats-Unis et se voit peu à peu supplanté par les productions « Made In Italy » ainsi que par quelques succès allemands, avec plus de 500 films réalisés sur une dizaine d’années. Cette renaissance du genre, jalousée par l’Amérique, lui vaudra ce qualificatif de « Western Spaghetti », que Leone détestait : « ce terme de Spaghetti Western, c’est un des plus cons que j’ai jamais entendu de toute ma vie ».

    Ayant tourné beaucoup de ses multiples co-réalisations « péplumiennes » en Espagne, Leone estime que les paysages de l’Almeria conviendraient parfaitement au Western. En 1963, il découvre au cinéma « Yojimbo » (« Le Garde du Corps ») d’Akira Kurosawa et décide d’en transposer le cadre du Japon médiéval à celui de l’ouest américain. Il conçoit alors le personnage de « l’homme sans nom », entre chasseur de prime et défenseur de la veuve et l’orphelin, pour lequel il trouve la parfaite incarnation en un acteur inconnu et dont il va faire une star : Clint Eastwood.

     

    [youtube id= »5L_i2ReuARo » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Le film remporte un immense succès international et donne lieu l’année suivante à sa suite, « Et pour quelques dollars de plus » (1965), plus sophistiqué, pour aboutir en 1966 au cultissime « Le Bon, la Brute et le Truand », sommet du western italien, avant son ultime sublimation par Leone trois ans plus tard, mais ça, c’est une autre histoire…

     

    [youtube id= »WA1hCZFOPqs » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Mais alors, comment définir le style de Sergio Leone ? Car tout est dans le style, vous en conviendrez… Nous pourrions dire que le style inimitable de Leone, c’est d’abord un sens inné du cadrage en Techniscope (écran large), où se succèdent très gros plans et plans larges, une temporalité syncopée, qui passe de la lenteur à l’action subite, brutale, une violence assumée et une reconstitution documentée et non complaisante de cet ouest américain, localisée plus précisément sur la frontière mexicaine, comme pour y conserver des racines latines. Dans ses films, tout est chaleur et poussière, teinté de réalisme, dans des décors crasseux, des costumes élimés, des trognes, une violence omniprésente… Reflet d’une époque qui trouvera son pendant en Amérique chez Sam PeckinpahLa Horde Sauvage », 1969).

     

    [youtube id= »e7qGTgubKf4″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Après cette trilogie dite des « Dollars » – « Pour une poignée de dollars » (1964), « Et pour quelques dollars de plus » (1965), « Le Bon, la Brute et le Truand » (1966) – Sergio Leone se lance en 1968 dans la réalisation de son (presque…) dernier western, pour ouvrir un nouveau triptyque, « Il était une fois dans l’Ouest », un des meilleurs westerns jamais réalisés.

    Pour la première fois, il tourne aux États-Unis, dans les paysages de la Monument Valley, rebaptisée « John Ford Valley », pour rendre hommage à tous les films qu’y a tournés le vétéran américain adulé par Leone depuis toujours. « Il était une fois dans l’Ouest » est un aboutissement, une consécration, avec au générique Henry Fonda, icône absolue du western, et Charles Bronson, que pour la petite histoire, Leone ne put pas se payer sur son premier film…

     

    [youtube id= »lT2Kh8L4Yc4″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Sublime film sur la corruption et la violence, fondements sur lesquels s’est construite l’Amérique, « Il était une fois dans l’Ouest » est la quintessence du cinéma de Leone. Son chef-d’œuvre absolu… Sa scène d’introduction demeure anthologique, dans son mutisme, son temps étiré et une bande son jamais égalée, où des tueurs attendent « L’Homme à l’harmonica » (Charles Bronson) à la descente du train… tout est dit. Le reste n’est que littérature.

    Le film fut cependant un échec financier cuisant à sa sortie, tant en Italie, rassasiée de westerns spaghettis, qu’aux États-Unis qui entraient dans l’ère du western post-guerre du Vietnam et par conséquent plutôt pro-indien (« Little Big Man » d’Arthur Penn en 1970, « Soldat Bleu » de Ralph Nelson en 1970 ou encore « Jeremiah Johnson » de Sydney Pollack en 1972). Seule la France fit un triomphe au film, qui fut classé 2ème au box-office derrière « La Grande Vadrouille », excusez du peu, et qui lança même la mode des longs manteaux inspirés des cache-poussières portés par les tueurs dans le film de Leone.

    Sergio Leone enchaîne sur « Il était une fois la révolution » (1972), avec un autre vétéran du western, James CoburnPat Garrett et Billy the Kid » de Peckinpah) et Rod Steiger. Leone renoue avec la veine du western mexicain, traitant de la révolution zapatiste avec un œil ironique, alors que l’Italie plonge dans les années de plomb. Il y exprime avec force son abjection pour tout mouvement révolutionnaire et s’attire encore l’ire de cette même critique qui n’aura de cesse que de l’encenser plus tard…

     

    [youtube id= »ELk0PPgh8y4″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Nous passerons rapidement sur les deux films suivants, « Mon Nom est Personne » en 1973 et « Un génie, deux associés, une cloche » en 1975 qui ne seront que coréalisés par le Maître.

     

    « « Il était une fois en Amérique », c’est un film plus grand que le cinéma, à savoir qu’il en transcende les limites. Avec ce film, c’est un peu comme si la bataille de Waterloo nous était racontée par la cantinière ou le petit tambour… La grande histoire contée par le petit figurant. […] « Il était une fois en Amérique », c’est le plus grand film de Sergio Leone, son œuvre majeure, sur le destin d’un tout petit bonhomme qui aurait été sans Leone au huitième plan sur la photo… » (Frédéric Bonnaud, directeur de la Cinémathèque Française)

     

    Puis vint l’heure de son dernier long métrage, « Il était une fois en Amérique » (1984), que certains considéreront comme son chef d’oeuvre absolu et en même temps son chant du cygne, tant ce film concentre toute la nostalgie du Maître, fondée sur une écriture achronique.

    Ultime oeuvre de Sergio Leone, intemporel testament mélancolique auquel il consacra douze années de sa vie, notamment pour préparer le scénario adapté du livre « The Hoods » de Harry Grey, le film nous fait suivre le destin de Noodle sur trois époques différentes de sa vie, régulièrement lié à trois amis dont Max et son amour inconditionnel pour Deborah qu’il a rencontrée dans sa jeunesse.

    Affichant une distribution exceptionnelle, de Robert de Niro à James Wood, en passant par Elisabeth McGovern, Jennifer Connely et Joe Pesci, le film projeté à Cannes hors compétition, est bien accueilli. Mais il est ensuite massacré par ses producteurs américains, qui réduisent les 4h11 initiales à seulement 1h30, sans tenir compte de la temporalité sur laquelle repose tout le sens du film. Et pourtant… Que dire de cette immense et magnifique fresque ? Qu’entre autres choses, ici le mot « Cinéma » prend tout son sens.

    Sergio Leone ne s’en remettra pas… Il tente de rebondir en écrivant son nouveau projet « Stalingrad », sur la grande bataille du même nom ; sujet encore épique, à sa dimension, et qui sera mené à terme des années plus tard par Jean-Jacques Annaud. Leone meurt d’une crise cardiaque en 1989, alors que le film allait entrer en préproduction.

     

    [youtube id= »-Vmc1sdDlrk » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Sergio Leone éprouvait une vraie fascination pour le cinéma américain. Rappelons qu’il était né en 29, année de la plus grande crise économique que le monde ait connu, mais aussi l’année de l’arrivée du cinéma sonore en Italie. Leone a connu l’âge d’or du cinéma hollywoodien en salle, dont il fut ensuite privé durant les années de fascisme en Italie. Il ne pouvait ainsi concevoir autre cadre à son cinéma que celui de cette Amérique fantasmée, en plan aussi large que l’étaient ses rêves d’enfant. Même s’il fut d’abord boudé, voire méprisé par l’industrie, pour être ensuite encensé, Sergio Leone réussit le tour de force de devenir avec ses films l’un des grands chroniqueurs de l’histoire américaine…

     

    En 2018, la Cinémathèque Française de Paris, en collaboration avec celle de Bologne et son commissaire Gian-Luca Farinelli, lui consacrait une exposition doublée d’une rétrospective exceptionnelle. On pouvait y suivre le parcours chronologique et initiatique de Sergio Leone, depuis la première salle consacrée à son enfance, déjà ancrée dans le cinéma, jusqu’au dernier scénario de « Stalingrad ».

    Émouvant de parcourir ce chemin dans les pas du maître, habité de grands films et de l’enthousiasme d’un homme dans sa création toujours renouvelée, qui ne voyait que par le cinéma et qui l’a finalement si bien servi. Sa vision, son traitement du temps et de l’espace demeurent toujours une influence majeure pour un Tarantino ou Clint Eastwood lui-même, dont tous les westerns émanent de Leone, dans leurs sujets et comme leurs mises en scène, mais pour bien d’autres encore.

    Émouvant de voir aussi toutes ces photos, ces dialogues entre la peinture de Goya, de Degas et ses plans de cinéma, les passerelles qu’il jeta entre Homère et le western, le parallèle avec Kurosawa… Les musiques indispensables d’Ennio Morricone (qui aura prochainement sa rétrospective à la Cinémathèque) baignent de l’atmosphère des films chacun de nos pas. Émotion encore quand on se trouve devant le poncho de Clint Eastwood, les costumes de ses deux chefs d’oeuvre « Il était une fois dans l’Ouest » et « Il était une fois en Amérique ». Il était une fois le cinéma de Sergio Leone… Monumental.

     

    [youtube id= »WQGbVDEBmXU » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Sources : France Culture, Sens Critique, See Mag, Wikipedia

     

     

     

  • Marion Gervais : « Louis, c’est nous »

     

     

    Après « Anaïs s’en va-t’en guerre » et « La Belle Vie », Marion Gervais nous donne à voir son nouveau documentaire « Louis dans la Vie », en replay sur France TV jusqu’au 4 août.

     

    Louis fête ses 18 ans, l’entrée dans l’âge adulte et dans le monde du travail, comme apprenti en CAP peinture. Premier amour, premier appart, premier job, premier argent propre…  L’amorce d’une vie rangée, après les coups durs, la violence, les déviances. Mais ça cogne dans la tête de Louis. Il étouffe. Ces maisons vides dont il peint les murs pour un salaire de misère, c’est pas pour lui ! Louis rêve de tailler la route au volant de son camion, partir loin. Sans bien savoir où. Il se fait tatouer une boussole sur le torse. Mais le nord c’est où, c’est où le sud ?

    Pendant un an, la caméra de Marion Gervais suit Louis qui avance dans la vie comme un funambule aux gestes brusques, sous le regard de sa mère, son amoureuse, sa tutrice… et Marion elle-même, qui ont peur pour lui.

     

    Connais-tu Louis depuis longtemps ?

    J’ai rencontré Louis avec « La Belle Vie », au Skate Park. J’ai tout de suite eu un rapport très fort avec ce môme. J’ai été saisie par sa puissance de vie et son énergie rare. Après « La Belle Vie », j’ai dit à Juliette (ndlr : Juliette Guigon, productrice, Squaw Productions) que j’aimerais tellement filmer Louis, sa façon d’être sur un fil, comme ça, sa façon de trébucher et de se relever. De chercher son issue… C’était un petit combattant de la vie, il n’avait que 15 ans à l’époque !

    Son truc, c’était de jouer à piquer la casquette des flics, de voler une barre de Crunch au supermarché, ou un barbecue aux bonnes sœurs qu’il allait rendre après l’avoir utilisé. Il y avait de l’espièglerie, on n’était pas du tout dans la délinquance. Et puis, sa route a pris une voie plus dure. A un moment, je craignais pour sa vie, il a fait partie d’un gang. Il me semblait en danger, j’avais vraiment peur qu’il meure. Il allait avoir 18 ans. Il risquait la prison. Il m’a dit : « Marion, si je vais en prison, je deviens fou ! ». C’était le moment de prendre ma camera et d’accompagner Louis dans ce combat. Quand je lui ai demandé s’il voulait faire le film, il m’a dit « Pour toi, Marion, je le fais. Allez go go go ! ».

     

    Tu filmes et tu es là pour tes personnages…

    Ma caméra, c’est comme je suis aussi dans la vie. On est là les uns pour les autres. Cette caméra, elle prend, elle observe, elle enregistre, mais elle peut soutenir, elle peut aider. Louis vient chez moi régulièrement, comme les skateurs, comme Anaïs. Je ne vais pas filmer avec ma vie qui reste à côté. Tout est imbriqué, en définitive.

     

    Quel lien fais-tu entre tes documentaires ?

    Je filme les rites de passage, cette façon de passer d’une rive à une autre. Louis, il quitte l’adolescence pour devenir un jeune adulte, avec les choix et les renoncements que cela implique. Des choix cruciaux, dans un univers chaotique. Il renonce à l’argent facile de la délinquance et à l’adrénaline, pour devenir apprenti peintre chez Saint Maclou.

    Alors se posent à lui des questions brutales : Comment faire pour rentrer dans ces clous, lorsqu’on rêve de surf, de mer et d’espace ? Au-delà de l’amour que je lui porte, je voulais être là pour Louis, pour comprendre, pour assister à cette transition. Comme « La Belle Vie », comme « Anaïs », le tournage creuse toujours le terrain fragile, fébrile, de ces êtres qui cheminent sur des sentiers caillouteux et pentus, à la recherche d’eux mêmes.

     

    Et qui peinent à trouver leur place…

    Oui, parce qu’en définitive, on a toujours de la peine à trouver sa place dans la société. Ce n’est pas au sein d’une société qu’on trouve sa liberté, c’est avec sa propre intériorité. Long cheminement… C’est à eux de trouver cette place, c’est beaucoup plus compliqué, mais plus vibrant. Ils cherchent, ils cherchent. Pour Anaïs, elle a réussi, grâce à sa détermination et sa rage, à se construire sa place. Pour Louis, le combat commence. Sortir de la délinquance, apprendre un métier pour gagner « de l’argent propre » puis partir, peut-être, avec son surf…

     

    Ils y arrivent ?

    Je ne sais pas encore pour Louis. Il doit s’apaiser. Il y a de la souffrance chez lui, mais sa puissance de vie est hors norme. Si « Anaïs » et les garçons de « La Belle Vie » finissent par réaliser leurs rêves, Louis se sert du rêve pour rester vivant. Je ne sais pas si Louis réussira à partir à l’autre bout du monde avec sa planche de surf… En tout cas, les cartes sont entre ses mains, mais il lui faut du temps, grandir encore. Son instinct est fort. Il me fait penser à l’un de mes héros, Neal Cassady, alter ego et compagnon de route de Jack Kerouac, qui lui inspira son héros de « Sur La Route » et qui avait cette énergie semblable. Ce sont des êtres qui ont la vie qui déborde de partout. Presque trop vivant pour les possibilités de ce monde.

    A côté de Louis, les autres semblent être à l’arrêt, les piles à plat ! Les hyperactifs comme Louis sont des êtres condamnés au mouvement permanent, avec des crises d’angoisse qui montent. Il lui arrivait régulièrement de monter dans les tours. « Arrête avec ta camera, ça me casse les couilles ! ». Et quelques secondes après, c’est terminé, tout est effacé par le présent. Louis a des valeurs fortes. Il est romanesque, c’est une sorte de gentleman. Il est droit dans ses bottes.

     

    Tu as une responsabilité énorme vis-à-vis de ce jeune homme dont la vie est rendue publique. Comment vit-il cela ?

    On l’a fait venir à Paris pour le visionnage du film monté, avec Louis, Juliette, ma productrice, Ronan Sinquin, le monteur de mon film, son petit frère et moi. On était tous bouleversés. A la fin, Louis m’a regardée et m’a dit « C’est stylé Marion ! ». Il était content, mais il était aussi angoissé de la sortie du film. Il ne sait pas trop ce que tout cela veut dire. C’est pour cela que je ne veux pas l’exposer, l’emmener aux projections. C’est un sauvage, il a besoin de ses repères.

     

    Louis est dans son monde mais il nous renvoie à nous mêmes…

    Oui, il touche à quelque chose d’universel, qui est de l’ordre de l’humain dans cette société, cette brutalité du monde où l’on doit courber l’échine, où la place de l’homme passe par son asservissement, d’une manière ou d’une autre. Là où il travaille, dans le bâtiment, c’est très apparent, mais à plein d’autres endroits, cette soumission existe, plus édulcorée, moins visible mais bien là. Je trouve que Louis nous permet de réfléchir sur nos vies et je le remercie pour ça. C’est fort, notamment dans les scènes avec sa tutrice, sur les chantiers. Lui du haut de ses 18 ans, elle, de ses 50 ans. Avec cette question en toile de fond, « que faisons-nous de nos existences ? Ça veut dire quoi choisir sa vie ? ».

     

    Ce film l’a-t-il changé ?

    Ils sont très contents de lui dans sa nouvelle entreprise. Je ne sais pas si c’est lié au film, mais j’observe qu’il est plus posé, il donne des leçons aux gars de la bande du Skate Park maintenant, comme un grand frère. Il est en train de réparer les blessures d’une enfance… Louis est toujours accompagné de ses rêves, passer son permis, avoir son camion et partir. J’espère de tout mon cœur qu’il arrivera à les réaliser. Je lui ai dit l’autre jour « N’éteins pas ta flamme, Louis. Dans deux ans, avec un métier dans la poche, tu traces ta route ! ». Il a juré, craché !

     

    Propos recueillis par Anne Rohou pour Instant City.

    « Louis dans la Vie » de Marion Gervais, à revoir en Replay sur France-Tv jusqu’au 04 août

     

    [arve url= »https://vimeo.com/316569924″ align= »center » title= »Louis dans la Vie » description= »Marion Gervais » maxwidth= »900″ /]

     

     

     

  • Le magazine satirique américain MAD va disparaître des kiosques

     

     

    Après 67 ans d’existence, le magazine satirique américain MAD va disparaître des kiosques. Son dernier numéro mensuel avec des contenus originaux et inédits est prévu pour septembre 2019, a annoncé jeudi son éditeur, DC Comics, suscitant des réactions attristées…

     

    Le premier numéro de ce magazine déjanté, connu pour son humour « adulte » et son mordant politique, paraissait en 1952. Fondé par Harvey Kurtzman et William Gaines, MAD et son personnage-mascotte Alfred E. Neuman, un gamin roux aux oreilles décollées et au visage criblé de taches de rousseur, tout sourire avec une dent manquante, ont influencé des générations d’humoristes.

    MAD connut son heure de gloire au début des années 1970. En 1974, à son apogée, il tirait à 2,8 millions d’exemplaires. Mais son audience s’était progressivement réduite pour ne plus paraître en 2017 qu’à quelque 140.000 exemplaires, selon le spécialiste des médias Michael J. Socolow.

    Le magazine sera donc publié avec du contenu original et inédit jusqu’en septembre 2019. Mais « après le numéro 10 cet automne, il n’y aura plus de nouveau contenu, hormis pour les numéros spéciaux de fin d’année », selon un communiqué de l’éditeur DC Comics diffusé sur la chaîne de télévision ABC. « A partir du numéro 11, le magazine n’offrira plus qu’une sélection des classiques qui ont fait la renommée du magazine depuis sa naissance il y a 67 ans ».

     

    « Je suis profondément attristé de savoir que MAD Magazine s’arrête », a tweeté le comédien et chanteur Weird Al Yankovic, qui fut rédacteur en chef invité. « Je ne sais par où commencer pour décrire l’impact que MAD a eu sur moi quand j’étais enfant – c’est en gros la raison pour laquelle je suis devenu « weird » (bizarre, ndlr) », ajoute-t-il en disant « adieu à l’une des plus prestigieuses institutions américaines de tous les temps ».

     

    « Au revoir, MAD Magazine. Merci pour avoir inspiré des générations entières d’humoristes partout dans le monde, et surtout merci pour tous ces éclats de rires », a lancé le scénariste des Simpson Josh Weinstein. « Tu évoques un temps, pour beaucoup d’entre nous, lorsque nous étions enfants, où tu étais la plus grande chose qui ait jamais existé ».

    Mais l’influence de MAD s’estompait ces dernières années, comme en témoigne cet échange récent entre le président américain Donald Trump et l’un des candidats démocrates à l’élection présidentielle de 2020, Pete Buttigieg.

    Trump, âgé de 72 ans, avait comparé en mai Pete Buttigieg à la mascotte de MAD, déclarant au site Politico « qu’Alfred E. Neuman ne peut pas devenir président des Etats-Unis ». Mais Pete Buttigieg, âgé de 37 ans, lui avait répondu : « je vais être honnête, j’ai dû aller chercher ça sur Google », en ajoutant « c’est peut être simplement un truc générationnel »…

     

     

     

     

  • Thom Yorke sort son 3ème album solo : « Anima »

     

     

    Décidément, Thom Yorke est sur tous les fronts ces temps-ci… Alors qu’il présentait il y a quelques semaines ses premières compositions classiques en compagnie des soeurs Labèque et créait l’an dernier la bande originale hantée du « Suspiria » de Luca Guadagnino, voilà que le chanteur de Radiohead publie son troisième album solo, « Anima », le premier depuis « Tomorrow’s Modern Boxes » en 2014.

     

    Et il faut bien reconnaître que le chanteur de Radiohead n’a pas son pareil pour brouiller les pistes… L’énigme « Anima » démarrait avec une étrange affiche publicitaire assez « cryptique » qui a commencé à fleurir dans quelques villes du monde, dont Londres, affichant un slogan tout aussi mystérieux, « Avez-vous des problèmes à vous souvenir de vos rêves ? », et vous proposant d’appeler un numéro, le 07588 733 111. En composant ce numéro, vous pouviez en fait découvrir un court extrait du titre « Not The News ».

     

     

     

    C’est ensuite Thom Yorke lui-même qui annonce la parution imminente de son troisième album solo, quelques jours avant sa sortie officielle prévue le 27 juin. Il se prénomme donc « Anima ». Réalisé par son complice de toujours Nigel Godrich, le producteur historique de Radiohead, ce nouvel opus est composé de neuf titres, avec un extra bonus track présent uniquement sur la version vinyle.

    « Anima » est ainsi édité en versions CD, 2LP, « Limited Edition Orange Double Vinyl » ainsi que « Deluxe 180g Orange Double Vinyl » incluant un lyric book de 40 pages, illustré de dessins originaux de Stanley Donwood et Dr Tchock. A retrouver directement sur le record’s website

     

     

    Et dans la foulée, nous apprenions que la sortie de l’album s’accompagnait également d’un court-métrage, créé par Paul Thomas Anderson et disponible exclusivement sur Netflix le même jour que la parution du disque. Dans ce « one-reel film » d’une quinzaine de minutes, conçu comme un clip illustrant deux titres de l’album, Thom Yorke évolue à contre-courant des foules en bleu de travail, dans un décor urbain nu et crépusculaire, puis s’offre un pas de deux avec sa compagne, l’actrice italienne Dajana Roncione. Dans ce film tout aussi onirique que l’album, la présence de Thom Yorke a la saveur burlesque, fragile et bouleversante d’un Buster Keaton.

     

    [youtube id= »YNYJ_BJJbzI » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • « Space Oddity » de David Bowie fête ses 50 ans

     

     

    Avant d’être Ziggy Stardust, Aladdin Sane ou The Thin White Duke, David Bowie incarna le Major Tom en 1969 dans « Space Oddity ». A l’occasion des cinquante ans du tout premier tube du chanteur disparu il y a trois ans, un coffret de 45 tours, « Spying Through a Keyhole », a été édité chez Parlophone Records.

     

    Le coffret, qui comprend neuf démos dont deux de « Space Oddity » pour la première fois pressées en vinyle, s’intitule donc « Spying Through a Keyhole » , des mots tirés du morceau inédit « Love All Around » présent dans ce coffret.

     

    Comment Bowie imagine sa « bizarrerie spatiale »

    Des mots qui signifient également espionner par le trou de la serrure… Or, écouter ces titres permet d’entrevoir justement, par le petit bout de la lorgnette, comment David Bowie, jusque-là compositeur folk pop sans relief, est parvenu à créer sa fameuse « bizarrerie spatiale » qui allait laisser présager l’infinie étendue de son talent.

    « I see a pop tune spying through a keyhole from the other room » (« je vois une chanson pop espionner par le trou de la serrure de l’autre pièce »), chante de façon prémonitoire le jeune Bowie, âgé de 22 ans, lors de ces sessions de janvier 1969. Savait-il seulement que cette chanson pop qui viendrait à lui serait « Space Oddity » et le ferait passer dans une autre dimension ? Nul ne le sait…

     

    Neuf jours avant le premier pas sur la Lune

    Ce qui est sûr, en revanche, c’est que Bowie écrivit « Space Oddity » en référence au film de Stanley Kubrick « 2001 Odyssée de l’espace », qu’il vit plusieurs fois au cinéma lors de sa sortie un an plus tôt. Clin d’oeil du destin, il publia sa chanson le 11 juillet 1969, neuf jours avant le premier pas sur la Lune de Neil Armstrong.

     

    [youtube id= »iYYRH4apXDo » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    La thématique de l’espace sera récurrente dans l’oeuvre de Bowie, avec des titres comme « Life on Mars » (1971) ou « Starman » (1972). Plus tard, Bowie reprendra même le personnage de Major Tom dans les singles « Ashes to Ashes » en 1980 et « Hallo Spaceboy » en 1995.

     

    Un son quelque peu saturé

    La première démo de « Space Oddity » présente dans le coffret serait la toute première version à avoir été enregistrée, suggère le label Parlophone. Sur la seconde, Bowie chante accompagné par John Hutchinson, un de ses premiers collaborateurs.

     

     

     

    Ces versions, comme les sept autres titres, souffrent parfois d’une qualité sonore relativement médiocre. « Un défaut majoritairement dû à l’enthousiasme de David, qui avait tendance à gratter avec entrain et à faire saturer le matériel d’enregistrement, mais aussi à l’équipement et au temps », est-il indiqué dans la note d’intention.

     

    Source : France Info (avril 2019)

     

     

     

  • « Toy Story », « Star Wars », « La Reine des Neiges »… Quand le cinéma vient à la rescousse de l’industrie des jouets

     

     

    Les licences de jouets s’arrachent à prix d’or et soutiennent un marché à la peine. C’est le cas par exemple des licences « Toy Story », dont le quatrième volet est sorti ce mercredi 25 juin au cinéma.

     

    Le shérif Woody, Buzz l’éclair, le dinosaure Rex ou encore Monsieur Patate sont de retour au cinéma : le quatrième opus de « Toy Story » est sorti en salle ce mercredi 26 juin. Des jouets, stars à l’écran et aussi dans les magasins… Ce nouvel épisode de la saga Pixar, aujourd’hui propriété de Disney, s’annonce comme une machine à cash, avec des licences négociées à prix d’or.

    Un fabricant français a décroché des droits pour les figurines de plus de 20 cm tirées du film. Il s’agit de Lansay, 35 salariés, qui compte sur le succès cinématographique de la saga. « On paye la licence, et on espère gagner, explique Serge Azoulay, le PDG de l’entreprise. C’est un véritable investissement. On a fait 35 millions d’euros de chiffre d’affaires l’année dernière et cette année, Toy Story devrait nous rapporter environ 15 millions supplémentaires. Presque la moitié en plus ».

     

    Lego déjà sauvé par la licence « Star Wars »

     

    Le cinéma a déjà fait des miracles dans le secteur du jouet : la saga « Star Wars » a sauvé Lego d’une faillite annoncée au début des années 2000. Le septième art soutient une industrie du jouet à la peine après une année noire en 2018 et un chiffre d’affaires en baisse de 5 %. « On compte au moins une bonne douzaine de films à destination des familles cette année, assure Frédérique Tutt, expert du marché des jouets au cabinet d’analyse de marché NPD. Il y a « Toy Story 4 » maintenant, « La Reine des Neiges 2 » en novembre, ou encore « Star Wars 9 » en décembre. Pour le secteur du jouet, c’est très important parce qu’on a environ 23 % des ventes de jouets qui sont faites sous licences ».

    Pour Frédérique Tutt, peu de doutes, les ventes de jouets sous licences devraient augmenter en 2019. Il faut dire que les nouveaux opus de « Star Wars », « Toy Story » ou « La Reine des Neiges » s’annoncent comme des immenses succès. Pas étonnant, vus les scores au box-office des précédents épisodes : plus de 1,2 milliard de dollars pour le premier « La Reine des Neiges », 1,3 milliard pour « Star Wars 8 » et 1 milliard pour « Toy Story 3 ».

     

    Source : Sophie Auvigne pour France Info

     

     

     

  • Une Bonne Soirée avec Kyan Khojandi

     

     

    Vous n’allez peut-être pas me croire, mais j’ai passé la soirée d’hier avec Kyan Khojandi et son gros… micro. Et c’était vraiment « Une Bonne Soirée »… On s’est bien marré, il m’a ramené chez lui, dans son univers. Je l’ai trouvé super attachant, lui et son gros… micro. Tout était là, comme dans un rêve avec Kyan Khojandi, en fait. La vitrine avec mille chevaliers du zodiaque, la boite de préservatifs sous son lit… Je me suis tout de suite senti à l’aise.

     

    Bon, pour être tout à fait honnête… Je ne le connaissais que vaguement encore hier. Je disais d’ailleurs à une amie pas plus tard que dans l’après-midi : « ce soir, je vais au spectacle de… euh… de… et merde… du mec de Bref, quoi. ». Et là, d’un coup d’un seul, je me prends un « Bref ? » en retour. Grand moment de solitude… Moi : « Ben, le mec de Bref sur Canal ». Elle : « Je ne sais pas, j’ai pas Canal ».  Moi : « Mais enfin, tu le connais forcément ! Kia… Kion quelque chose… ». Bref, tout ça pour dire, je le connaissais vaguement.

    Puisque j’ai pris la décision d’être tout à fait honnête avec vous, j’arrive chez lui, enfin, à L’Européen, et je m’aperçois avec effroi que je ne suis pas tout seul. En fait, la salle est bondée… C’est quoi, ce plan foireux ?? Parce qu’en ce qui me concerne, le côté communion collective, moi, eux, Kyan et son gros… micro, ça n’est vraiment pas mon truc. J’aurais préféré un cadre plus intimiste, pour faire connaissance. Bref, on va faire avec…

    C’est Navo qui ouvre le bal. Lui, pour la peine, je le connaissais encore moins que le mec de Bref que je connaissais vaguement. Mais faute avouée à moitié pardonnée, il l’admet lui-même en introduction : « je suis l’autre mec de Bref, celui qu’est pas connu ». Et franchement, très bonne surprise. Tout dans la maladresse feinte et l’auto-dérision, mais très drôle. Et on sent vite que les deux compères, quant à eux, se connaissent très bien.

     

    [youtube id= »TWGNkUX8wbk » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Le spectacle de Kyan ? Ouais, je l’ai vu au début des années 20. » 

     

    C’est au tour de Kyan Khojandi de monter sur scène, et là, j’ai un peu honte, parce qu’il reçoit un accueil de feu de la salle, qui semble très bien le connaître, quand je ne le connaissais que vaguement quelques heures plus tôt… Bref, j’ai un peu honte…

    Je parviens enfin à surmonter mon embarras pour découvrir au fil d’un show rondement mené un bien bel artiste. Probablement le meilleur spectacle de stand up que j’ai eu l’occasion de voir. Un vrai fil rouge, une histoire, et pas simplement une succession de sketchs. L’écriture est pointue et rythmée. Kyan Khojandi parvient à faire le grand écart entre la modernité du propos et les valeurs héritées de ses origines orientales.

    Drôle et à la fois profond, l’artiste se livre totalement, en alternant à merveille moments de rire et instants plus poignants et émouvants. Tout sonne juste, tant il maîtrise l’art de transformer avec talent les petites galères de la vie en sketchs absolument hilarants. Bref, un vrai numéro d’équilibriste.

    Il a beau prétendre « qu’un jour, il est né, et que depuis, il improvise », Kyan Khojandi sait où il va, et surtout d’où il vient… Et ces deux certitudes, qui sont loin d’être anecdotiques, donnent une personnalité de toute évidence tournée vers les autres et reposant sur quelques valeurs qu’il est parfois utile de rappeler, telles que gentillesse, honnêteté et transmission.

    Seule ombre au tableau… Je dois avouer que cette histoire avec Christophe Schneider, je… je l’ai un peu pris personnellement, m’appelant moi-même Christophe. Alors maintenant, Kyan, je me devais de te le dire… Tu as passé la soirée à me pointer du doigt. Du pouce, en fait. Eh bien, après toutes ces années, tu avais encore la crotte de nez de Christophe Schneider collée sur ta main… Et c’était quand même un peu dégueu…

    Mais malgré cette sombre histoire de crotte de nez, une heure trente de pur bonheur… Bref, je suis heureux de pouvoir enfin dire : « Hier, je suis allé voir Kyan Khojandi sur scène à L’Européen et c’était génial ».

     

    En cadeau, l’intégrale de son spectacle précédent, « Pulsions », créé en 2016.

     

    [youtube id= »u41ujNodvnM » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

     

     

  • Quand l’Equipe bouclait la Grande Boucle…

     

     

    Après la Première Guerre Mondiale, pénuries obligent, la plupart des coureurs du Tour de France arboraient de vieux maillots gris serpillère et il était bien difficile de reconnaître le leader de la course. Vint alors aux organisateurs l’idée d’un tricot jaune pétard. C’était il y a cent ans… L’occasion pour les anciens du journal « L’Equipe » de remonter en selle… et dans le temps.

     

    Pour la première fois, à l’occasion du centième anniversaire de la création du Maillot Jaune, les plus belles plumes de L’Équipe – de 46 à 106 ans ! – racontent l’histoire du Tour de France. Ces journalistes évoquent le rôle qu’ils ont pu jouer dans l’épreuve et les liens, souvent personnels, tissés avec les plus grands champions, de Louison Bobet à Romain Bardet, en passant par Fausto Coppi, Jacques Anquetil, Bernard Hinault ou Eddy Merckx.

    Une centaine de récits – totalement inédits, riches en révélations – et plus de 400 photos pour revivre de l’intérieur la plus grande course cycliste au monde. Style flamboyant, puissance des illustrations, émotion des textes, bouffées de nostalgie… Notre histoire du Tour, pour toutes les générations.

     

    « L’Equipe raconte le Tour de France » par l’Association des Anciens de L’Equipe (Ed. Robert Laffont, 350 p., 29 €)

     

     

     

     

  • David Lynch : « Blue Velvet, The Lost Footage »

     

     

    A l’occasion de la restauration 4K du chef-d’oeuvre de David Lynch, « Blue Velvet » sorti en 1986, le réalisateur s’est associé à The Criterion Collection pour ressortir de ses cartons 51 minutes de rushs inédits du film, réunis dans un documentaire exclusif de 70 minutes intitulé « The Lost Footage », paru le 28 mai 2019.

     

    On connaît le goût immodéré de David Lynch pour les images perdues, qui s’égarent dans les méandres du subconscient de ses créations. Le meilleur exemple reste les « Missing Pieces » de « Twin Peaks », qui compilaient plus d’une heure et demie d’images non utilisées dans le montage final de « Fire Walk With Me », le spin-off de la saga « Twin Peaks », et qui servirent de prélude à « The Return », la saison 03 de la série, parue en 2017. Documents édités en 2014 lors de la sortie du coffret Blu-Ray des deux premières saisons, et essentiels pour quiconque s’est déjà essayé à la résolution des innombrables énigmes issues entre autres de la « Black Lodge » et de ses forces en présence.

    Une sauvegarde et une récupération des images, donc, qui font l’objet d’un nouveau documentaire consacré cette fois à un autre film mythique du réalisateur : « Blue Velvet », sorti en 1986, mettant en vedette Kyle MacLachlan, Isabella Rossellini, Dennis Hopper et Laura Dern. The Criterion Collection – qui a déjà restauré « Mulholland Drive », « Eraserhead » et « Fire Walk With Me » en 4K – a donc dévoilé le 28 mai dernier pas moins de 51 minutes d’images perdues, elles aussi restaurées, de « Blue Velvet », sous la forme d’un documentaire intitulé « The Lost Footage ». Déjà présentes dans le Blu-Ray qui fêtait le 25ème anniversaire du film en 2011, ces images n’avaient pas encore été réunis dans un seul et même documentaire.

     

    [youtube id= »QP-X1eZLEtQ » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    La plupart de ces images retrouvées servent d’introduction au personnage de Jeffrey Beaumont interprété par Kyle MacLachlan. Dans le montage final, nous ne connaissons effectivement presque rien de ce Beaumont qui, au fil du film, révèle son sens du voyeurisme. Fascination perverse expliquée notamment par ces scènes coupées. Des rushs sur lesquels figurent les personnages de Laura Dern, sa petite amie apprentie détective, et Isabella Rossellini, la demoiselle en détresse psychologiquement instable, sont également présentés dans « The Lost Footage ».

     

    [youtube id= »vXkopNrx9Io » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Blue Velvet » marque définitivement une césure dans la carrière de David Lynch. Il incarne une rupture assez radicale avec ses précédents films et peut être interprété comme la matrice des films suivants ; les partis pris du mystère, de l’enquête, de la violence et de l’érotisme (entre autres) y sont esquissés. A certains égards, « Blue Velvet » annonce plusieurs thèmes et caractères qui apparaîtront de nouveau dans la saga « Twin Peaks » : le jeune enquêteur qui annonce Dale Cooper ; le point de départ sordide de l’enquête (une oreille coupée et pourrie, un cadavre nu enroulé dans du plastique…). Jusqu’à ce que David Lynch recrée une scène similaire, telle une réminiscence, dans la dernière partie de « Twin Peaks: The Return », lorsqu’il réunit Kyle MacLachlan et Laura Dern pour une scène érotique (quoique terrifiante).

     

    [youtube id= »TwuzI8Y0uW0″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Source : Zack Sharf pour Indie Wire (Février 2019)

     

     

     

  • Histoire d’un Hit : Discoteca

     

     

    En 2006, le moustachu David Carretta mettait le pied à l’étrier à Exchpoptrue en publiant leur titre-phare « Discoteca » sur son label. Auparavant, le trio arpentait les scènes parisiennes avec ses étranges sons et lumières.

     

    Les membres du projet pop-electro Exchpoptrue, les chanteuses Chloé Fabre et Radha Valli, accompagnées du musicien et producteur Christian Bouyjou, se sont connus au sein d’un collectif de spectacles vivants, la « Mobile Boutique ». Il subsiste de cette expérience théâtrale une aspiration à représenter, tout en la critiquant, la société de consommation. Qui finit toujours par avoir le dernier mot et offrit à un de leurs titres, « Lost And Found », l’illustration sonore d’une campagne publicitaire.

    Les mises en scène grotesques et autres chorégraphies télévisuelles masquaient cependant les faiblesses d’une musique electro chiche. Si le début de leur album « Autofan » sorti en 2006 nous ramenait au temps de la synth-pop ludique d’Elli & Jacno, la suite remplissait stricto sensu le cahier des charges du petit groupe electro clash : des textes choc et toc déclamés par une voix désincarnée, sur fond de boîte à rythmes en pilotage automatique et de claviers Bontempi niveau première séance.

    Mais lorsque le rythme s’emballait enfin sur « Coeur de France », on pensait à un correspondant sincère de Stereolab. Du coup, ce que l’on se surprenait à apprécier sur l’album « Autofan », c’était ces motifs répétitifs qui peuplaient les silences des deux chanteuses, comme sur leur titre « Discoteca », qui aura été probablement leur seul morceau à être vraiment passé à la postérité…

     

    [youtube id= »rfbhzXw9at4″ align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    En 2019, à la faveur de la diffusion sur Canal+ d’un épisode de la saison 01 de la série « Vernon Subutex » tirée du roman de Virginie Despentes, nous redécouvrions pour notre grand bonheur ce titre « Discoteca » du groupe electro clash Exchpoptrue, ressorti des limbes de la grande histoire de la musique pour les besoins d’une scène de l’épisode.

     

    [youtube id= »3jCB0DI-uQA » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]