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Paul Verhoeven affiche une filmographie impressionnante et il y a embrassé tous les styles, tous les thèmes, mais derrière chacune de ses oeuvres se cache une critique virulente de nos sociétés et de ses contemporains.

 

Que les sujets qu’il développe soient actuels, historiques, fantastiques ou de science fiction, le réalisateur hollandais parle à chaque fois de la noirceur humaine sur un ton presque détaché, sarcastique, cynique et enjoué. C’est sans doute pour cela qu’il a bien souvent été incompris de la presse ou du public.

De prime abord, Paul Verhoeven propose toujours une intrigue qui peut tenir des clichés en vigueur dans le cinéma en général, mais il va placer au fur et à mesure que son histoire avance des mines à fragmentation qui auront très vite le dernier mot en faisant éclater de l’intérieur ses œuvres. Film après film, le Batave semble imposer l’image  de misanthrope patenté qui s’amuse de ses congénères, en jouant ainsi à la poupée avec toutes les figures possibles, et qui nous renvoie, à chaque nouveau long-métrage, soit à nos pires travers, soit à notre humanité profonde.

Paul Verhoeven tourne ses premiers films en Hollande (« Le 4ème Homme », « La Chair et Le Sang », « Turkich Délices »,…) de 1971 à 1985, avant de de finir par céder aux sirènes hollywoodiennes lorsqu’on lui propose le scénario de « Robocop » en 1987.

Tout est une question de timing et de rencontres dans la vie… A cette époque, il faut dire que les grosses majors américaines savaient prendre des risques. Chacune d’entre elles se devait de dénicher le réalisateur inconnu, mais bourré d’idées et capable de mettre en œuvre la production de films inédits, susceptibles d’attirer un nouveau public dans les salles de cinéma. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le premier film américain de Verhoeven fut un énorme succès mondial…

 

 

 

Trop occupé à compter leurs dividendes, personne chez les executives des majors ne lit entre les lignes et ne semble comprendre, tant le vrai fond du film que la démarche de leur nouveau poulain. Tant mieux ! En un film seulement aux Etats-Unis, Verhoeven a le champ libre et peut désormais entreprendre ce qu’il veut. Cette liberté totale permet ainsi de mettre en chantier « Total Recall », avec la vedette de l’époque, Arnold Schwarzenegger. Et c’est à nouveau un énorme succès…

Son troisième film sur le territoire américain est « Basic Instinct ». Nouveau triomphe mondial et accessoirement découverte de la pépite américaine Sharon Stone, rien que ça… Ce néo-polar, avec également Michael Douglas au générique, va non seulement asseoir la réputation de Verhoeven, comme le réalisateur sulfureux du moment, mais va également lancer la mode des films-intrigues à tiroirs, à grand renfort de coups de théâtre et de scènes érotiques très marquées. S’engouffreront ensuite dans la brèche une ribambelle de pâles copies qui tenteront en vain de surfer sur ce succès, parmi lesquels les plus connues : « Sang Chaud Pour Meurtre De Sang Froid », « The Last Seduction » ou encore « Sliver »…

Ce qui trompe tout le monde avec Verhoeven, c’est le sens inné du réalisateur pour la technique et sa compréhension immédiate de tous les outils dont il dispose pour faire un film (effets spéciaux et gros moyens mis en œuvre). Il semble à l’aise avec tous les formats et tous les budgets. On se souvient en particulier de « Star Ship Troopers » en 1997, qui nous avait estomaqués, avec ses scènes de batailles spatiales bien plus spectaculaires que celles que l’on avait pu voir dans les premiers épisodes de « Star Wars ».

Car ce que Paul Verhoeven offre avant tout aux spectateurs qui ont payé leur place de cinéma, c’est un vrai spectacle généreux…

 

 

 

… Mais si Hollywood vous accueille à bras ouverts, surtout quand vous lui rapportez beaucoup d’argent en contrepartie, l’industrie peut aussi vous refermer la porte au nez dès que le vent tourne en votre défaveur. Fort de l’image de réalisateur hyper-sexué acquise grâce à « Basic Instinct », Paul Verhoeven va vouloir récidiver avec un film ayant pour thème, cette fois-ci, le « Show-Bizness » et ses travers. Autant dire qu’il risque fort de mordre la main de ceux qui l’ont nourri…

Ses détracteurs lui ont souvent collé une image de « bourrin », tel un taureau ou un bélier qui défonce tant les portes fermées que des orifices étroits et mal lubrifiés… « Showgirls » sera le film du début de la fin de sa carrière aux Etats-Unis. Car on ne badine pas avec le séant des Américains…

Sous couvert d’une fausse comédie musicale niaiseuse où l’on plébiscite quelques bonnes vieilles valeurs « Yankee », comme le goût de l’effort et du travail, la réussite sociale par soi-même et sans l’aide des autres, le talent récompensé… Verhoeven, aux commandes de son B52 S, bombarde sans distinction le système capitaliste américain, en prenant bien soin de détruire toute la pyramide hiérarchique, de sa base à son sommet. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne va épargner personne…

Il s’amuse comme un petit fou à dépeindre des personnages, hommes ou femmes, tout simplement comme des prostituées de la pire espèce, dans le sens le plus pourri et le plus perverti du terme. Pas un seul protagoniste ne réchappe à la qualification d’ordure et de salope.

 

 

 

Le réalisateur à la chevelure poivre et sel confine tout ce petit monde du spectacle entre les murs de Las Vegas, comme lieu central de l’intrigue et ville de tous les péchés. Une sorte de Babylone, de Sodome et Gomorrhe américaine à la sauce white trash, où il vaut mieux venir vacciné contre la gale. « Showgirls » tourne au jeu de massacre, dans lequel vont s’entredéchirer vils chacals et atroces scolopendres. Le film est une ode au mauvais goût, à la superficialité et à la fin d’un monde (ou du monde, selon…). Oui, Paul Verhoeven parle bien des Etats-Unis…

« Showgirls » fait finalement un four monumental, ce qui vaut au réalisateur comme à son actrice principale, que l’on ne reverra plus ailleurs, un déchaînement de critiques acerbes d’une presse vent debout contre le film. Plus qu’un échec, cette œuvre caustique devient une sorte d’objet épouvantail que l’on brandit pour illustrer ce que serait un mauvais film. Mais il est clair que monsieur Verhoeven avait surtout vu juste en dépeignant ainsi les pires travers de l’être humain…

 

« Les critiques n’étaient pas seulement négatives. C’était une flambée d’agressivité et de haine. On en parlait comme du plus mauvais film jamais montré. » (Paul Verhoeven à propos de « Showgirls » en 1995)

 

Certains défendent tout de même le film, comme Quentin Tarantino ou encore Jacques Rivette, qui déclare à l’époque de sa sortie : « Showgirls est l’un des plus grands films américains de ces dernières années. Comme tout Verhoeven, c’est très déplaisant : il s’agit de survivre dans un monde peuplé d’ordures, voilà sa philosophie. »

 

 

 

Deux ans plus tard, on va pourtant confier les rênes de « Starship Troopers » à Verhoeven. Un autre de ses chefs d’œuvre, qui comme « Showgirls », ne sera qu’un semi-succès et suscitera une nouvelle fois l’incompréhension de la presse et du public. Cette histoire de guerre spatiale entre la planète Terre et une race extra-terrestre insectoïde va cependant encore servir les desseins du malicieux Paul, consistant en une charge anti-militariste virulente, raillant les américains et leur prompt réflexe à faire la guerre dès qu’ils en ont la moindre occasion. Le film, aussi brillant que spectaculaire, ne sera réhabilité que bien des années plus tard.

Dernière chance avant la sortie de piste avec « Hollow Man »… Sur le thème de l’homme invisible, le réalisateur de « Soldier Of Orange » pervertit une fois de plus un des grands thèmes du cinéma fantastique américain, avec ce héros qui devenu invisible va se servir de ce pouvoir à des fins purement égoïstes puis criminelles. Acerbe et jouissif… Mais la roue a bel et bien tourné… Le film ne marche pas vraiment et Paul Verhoeven est remercié. Il sait que cette fois-ci, il en a fini avec Hollywood. Il se sera quand même bien amusé.

Il décide donc de rentrer au bercail, où avec des capitaux européens, il va pouvoir continuer à explorer les tréfonds de l’âme humaine et nous offrir deux nouveaux chefs d’œuvre que sont « The Black Book » en 2006 et « Elle » dix ans plus tard. En attendant « Benedetta » en 2020, l’histoire d’une bonne sœur sainte et lesbienne…

Oui définitivement, Paul ne boit pas de la Tourtel…

 

 

 

    Photographe, auteur, poète et machine à remonter le temps, avec une cape de mousquetaire toujours portée un peu de biais.

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