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  • Robert Frank, l’Amérique dans le viseur

     

     

    Robert Frank, considéré comme l’un des photographes les plus importants du XXème siècle, est mort à l’âge de 94 ans. Américain d’origine suisse, il était devenu célèbre avec son album « Les Américains » paru en 1958, un livre de clichés en noir et blanc tiré de ses voyages à travers les Etats-Unis, qui a révolutionné l’histoire de la photographie.

     

    Robert Frank, considéré comme l’un des photographes les plus importants du XXème siècle, est mort lundi 09 septembre, à l’âge de 94 ans au Canada, a annoncé le New York Times (en anglais) ce mardi 10 septembre, citant son galeriste new-yorkais Peter MacGill.

     

    « Il a tiré de l’Amérique un triste poème », disait Jack Kerouac.

    Né dans une famille juive allemande à Zurich (Suisse) en 1924, Robert Frank développe un intérêt précoce pour la photographie. A vingt ans, il se rend aux Etats-Unis et trouve rapidement un emploi de photographe chez Life et Harper’s Bazaar. Mais il quitte rapidement cette position confortable pour une vie de photographe itinérant qui lui convient davantage.

    Influencé par Walker Evans, dont il fut l’assistant, mais aussi par Bill Brandt et André Kertész, ou encore par la Beat Generation, il publie en France en 1959 son premier livre de clichés en noir et blanc, « The Americans » ; un manifeste préfacé par Jack Kerouac, fruit d’un périple de deux ans à travers les Etats-Unis (ou « faire la route » comme Kerouac), qui révolutionne la photographie d’après-guerre.

    « Avec son petit appareil photo, qu’il élève et manipule d’une seule main, il a tiré de l’Amérique un triste poème, prenant sa place parmi les poètes tragiques de ce monde », avait écrit Jack Kerouac, l’auteur de « Sur la Route », avant d’ajouter : «  A Robert Frank j’envoie ce message : vous avez des yeux ».

     

     

     

    Son regard a influencé de nombreux photographes

    Le regard sensible et pourtant sans concession de Robert Frank tend alors un miroir honnête et sans concession à son pays d’adoption, l’Amérique, et fait date. Les Etats-Unis et ses habitants y sont saisis dans toute leur diversité. Drive-in, bars, snacks, haute société, laissés pour compte, religion, politique, ségrégation, paysages nus, rues bondées, rien n’échappe à son objectif. A l’époque, « The Americans », qui s’inscrit dans la lignée de la Beat Generation (mouvement littéraire et artistique) et fera de lui une figure de la contre-culture, avait été considéré comme déprimant et subversif, révélant la face sombre de l’American Dream : pauvreté, ségrégation, inégalités et solitude.

    Il a « fait naître une nouvelle iconographie où des visages anonymes s’amalgament au bord de routes tristes, dans les excroissances urbaines ou les vides d’un territoire démesuré », résume la galerie du Jeu de Paume, qui l’a exposé en 2009.

    Le regard de Robert Frank influencera à son tour plusieurs générations de photographes, de Diane Arbus à Lee Friedlander et Garry Winogrand.

     

    Censuré par les Rolling Stones au cinéma

    Après ce coup de maître photographique, Robert Frank se consacre jusqu’au début des années 70 au cinéma. Son premier court-métrage, « Pull My Daisy » (1959), adapté d’une pièce inachevée de Jack Kerouac, est typique de la Beat Generation et l’on y croise d’ailleurs les figures du mouvement, Allen Ginsberg, Peter Orlovsky et Gregory Corso. Ce film qui privilégie l’improvisation est suivi de « Me and My Brother » (1965-68) et « Conversations in Vermont » (1969).

     

    [arve url= »https://vimeo.com/92403607″ align= »center » title= »Robert Frank : « Pull My Daisy » » description= »Pull My Daisy (1959) is a short film that typifies the Beat Generation. » maxwidth= »900″ /]

     

     

    Robert Frank a également signé « Cocksucker Blues » (1972), le célèbre documentaire consacré à la tournée américaine des Rolling Stones, après la sortie de l’album « Exile On Main Street ». Ce film est connu pour montrer l’envers du décor, en particulier des scènes d’excès et de débauche en coulisse (hôtels, backstages, avions privés, limousines), mais aussi des scènes d’ennui et de solitude peu glamour. Mais de ce fait, il n’a jamais été distribué ou diffusé officiellement en raison d’une interdiction par le groupe anglais.

    Installé dans son repaire canadien de Mabou en Nouvelle-Ecosse, il revient ensuite à la photographie avec des photomontages très libres de négatifs et de polaroïds griffonnés et s’engage dans un travail plus autobiographique et introspectif qui donne lieu à plusieurs publications, dont « The Lines of My Hand ».

     

    « Je détruis ce qu’il y a de descriptif dans les photos pour montrer comment je vais, moi », explique-t-il alors. «  Quand les négatifs ne sont pas encore fixés, je gratte des mots : soupe, force, confiance aveugle… J’essaie d’être honnête. »

     

    Il continue le cinéma expérimental en parallèle avec « Energy and How to Get it » (1981), « This Song for Jack » (1983) puis « Candy Mountain » (1987), un road-movie tourné entre New York et la Nouvelle-Ecosse (Canada) et co-dirigé avec Rudy Wurlitzer, dans lequel jouent Tom Waits, Joe Strummer de Clash et Bulle Ogier. Sa vidéo la plus récente, « True Story », remonte à 2004. Le photographe et cinéaste, qui a perdu sa fille Andrea en 1974 puis son fils Pablo en 1994, y explore les thèmes de la mémoire et de la perte.

     

    Source : France Info / Wikipedia

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • L’événement Walker Evans au Centre Pompidou

     

     

    À travers plus de quatre cents photographies et documents, la rétrospective Walker Evans (1903-1975) présentée au Centre Pompidou témoigne de l’obsession de ce photographe américain pour la culture vernaculaire de son pays. Evans est l’un des photographes américains les plus marquants du 20ème siècle.

     

    « Vous ne voulez pas que votre œuvre vienne de l’art ; vous voulez qu’elle prenne origine dans la vie ? Alors c’est dans la rue qu’elle se trouve. Je ne me sens plus à l’aise dans les musées. Je n’ai pas envie de les visiter. Je ne veux pas qu’on m’apprenne quoi que ce soit. Je ne veux pas voir de l’art « accompli ». Je m’intéresse à ce que l’on appelle le vernaculaire. » Walker Evans, entretien avec Leslie Katz (1971).

    Walker Evans est pourtant le premier photographe à se considérer comme artiste en tant que tel, et va sans cesse défendre une approche documentaire dans son art. Il a comme sujet de prédilection son propre pays, les Etats-Unis. Il devient donc tout naturellement à partir des années 30 le photographe de l’Amérique populaire, et rien ne lui échappe.

    Julie Jones, attachée de conservation au Centre Pompidou, à Anne Chépeau, Radio France : « Qu’est-ce qu’on voit aux Etats-Unis ? On voit des baraques au bord des routes, on voit des devantures de magasin, on voit des gens dans les rues, des architectures typiques, des publicités, des affiches de cinéma. Walker Evans va donc s’attacher à rendre compte de l’environnement visuel de tous, dans ce pays si vaste que sont les Etats-Unis. »

    L’exposition retrace la totalité de la carrière de Walker Evans, des premiers autoportraits de la fin des années 20 aux polaroïds des années 70. Certaines series nous plongent au coeur même de l’identité américaine. Walker Evans photographie donc les baraques de bord de route, et notamment un garage dans la banlieue d’Atlanta.

     

     

    « On voit sur cette image ce garage un peu de fortune, évidemment situé au bord de la route. Une automobile est garée juste devant l’entrée, attendant peut-être d’être réparée. On y voit des pneus exposés sur la devanture, des accessoires, des pièces détachées, comme une sorte de cabinet de curiosité, et parmi tous ces gens devant le garage, on repère une femme qui semble attendre quelque chose. Tous ces éléments créent une sorte d’ambiance quasi cinématographique, caractéristique de l’esthétique d’Evans. »

     

    Si les vitrines, les enseignes, les publicités le passionnent, Walker Evans aime aussi saisir le regard des anonymes, « ceux qui, comme il l’écrivit, parlent avec leurs yeux ».

     

    « Ses portraits les plus connus sont sans doute ceux qu’il réalise en 1936 en Alabama, où il part avec l’écrivain James Agee pour le magazine Fortune, photographier trois familles de métayers victimes de la dépression, comme tant d’autres. Il part donc avec un appareil moyen-format avec lequel il va faire des portraits absolument magnifiques, de façon souvent très frontale. A travers ces portraits, tout l’art de Walker Evans est de laisser ces gens nous parler. » (Julie Jones)

    De retour à New York, dans la continuité de son travail de portraitiste inlassable de cette Amérique laborieuse des années 30, Walker Evans descend dans le métro new-yorkais de 1938 à 1941, et cachant son appareil sous son manteau, va photographier en toute discrétion les passagers assis en face de lui. En résultent des instants de vérité, qui constituent une étonnante galerie de portraits.

    A découvrir d’urgence au Centre Pompidou…

     

     

    Crédit photographique :

    © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art

    © Fernando Maquieira, Cromotex

     

    L’événement Walker Evans, du 26 avril au 14 août 2017, Galerie 2 du Centre Pompidou (Paris)

    tous les jours de 11h à 21h, sauf les jeudis de 11h à 23h