Étiquette : Phil Lynott

  • Quand Jim Fitzpatrick créait la pochette de l’album « Black Rose, a Rock Legend »

     

     

    Suivons les étapes successives de la conception de la pochette de l’album mythique de Thin Lizzy « Black Rose, a Rock Legend » par le dessinateur Jim Fitzpatrick en 1979.

     

    Voici quelques-unes des planches préliminaires du design de la pochette de l’album de Thin Lizzy sorti en 1979, « Black Rose, a Rock Legend », commentées par son créateur lui-même…

    En général, le travail de conception du design d’une pochette d’album démarre par un brief avec le groupe ou la maison de disques, mais dans ce cas précis, le dessinateur Jim Fitzpatrick deala à l’époque uniquement avec Phil Lynott, en solo.

    Les deux compères se connaissaient déjà plutôt bien et Phil Lynott participa activement à la création de cette pochette devenue mythique, en s’appuyant d’abord sur des esquisses brutes tracées au crayon ou sur de simples griffonnages, voire au téléphone… Vous savez, à cette époque bénie où un simple coup de fil depuis Dublin à Londres coûtait un bras…

    Dans le cas de « Black Rose », Phil Lynott souhaitait dès le départ une pochette assez réaliste. « Rien de bien compliqué », comme il se plaisait à le dire. Mais compliqué, ça le fut finalement. Car l’idée de départ d’une rose noire assez réaliste s’avéra en fait beaucoup plus complexe à réaliser que prévu.

    Lynott avait demandé auparavant à un photographe londonien de lui soumettre des clichés d’une rose noire pour la pochette d’un single extrait du futur album. Pour prendre ces photos, une belle rose rouge avait été pulvérisée avec de la peinture noire et fanée artificiellement pour les besoins de la photo. Le résultat ne fut pas vraiment satisfaisant et la rose paraissait plus morte qu’un clou de cercueil…

    Pendant ce temps, Jim Fitzpatrick faisait de son coté quelques essais, en partant de clichés en noir & blanc de roses qu’il tentait de coloriser. Mais Lynott n’était pas plus convaincu.

    Voici donc quelques ébauches de la fameuse pochette que Jim Fitzpatrick a déterrées pour nous…

     

    01. Esquisse brute d’une rose noire, tirée d’une photo de vraie rose, mais qui semblait quelque peu… morte.

     

     

     

    02. Phil suggéra aussi l’idée d’une pochette un peu sexy, suite à une conversation assez arrosée un soir au Bailey Pub à Dublin. Le dessinateur imagina donc une rose noire tatouée sur la cuisse d’une femme, mais l’idée ne fut pas retenue, jugée trop sexiste et macho. Une version en couleur existe, mais toujours enfouie à ce jour dans le fatras du grenier de Fitzpatrick…

     

     

     

    03. Une composition brute utilisant une police de caractère de type élisabéthain fleuri.

     

     

     

    04. Une autre composition griffonnée au crayon de bois, se rapprochant déjà plus du résultat final.

     

     

     

    05. Jim Fitzpatrick part finalement sur cette dernière idée et dessine au crayon cette magnifique rose noire. Après quelques tentatives infructueuses, le résultat lui semble assez satisfaisant pour le soumettre à Lynott qui lui donne son feu vert quelques jours plus tard. « J’adore, Jimmie. Tu peux partir là-dessus. »

     

     

     

    06. Le croquis final au crayon de bois, avec logo et lettrage du titre.

     

     

     

    07. L’étape suivante de la pochette ainsi que le lettrage définitif du titre de l’album restent introuvables au fin fond du grenier de Fitzpatrick…

     

     

     

    08. Le lettrage définitif du titre de l’album au stylo et à l’encre, de style élisabéthain, inspiré du travail du célèbre typographe anglais Herb Lubalin pour le magazine « Avant-Garde » qui paraissait à la fin des années 60.

     

     

     

    09. Le croquis final réalisé au crayon, très détaillé, fut ensuite photographié, tracé et redessiné à l’aérographe, puis peint à l’aide d’encres transparentes afin de laisser les lignes de crayon apparentes. Le fond était composé de plusieurs couches successives de peinture bleue, séchées et fixées au vaporisateur.

     

     

     

    10. Le résultat final, avec l’ajout de gouttes de sang sur la rose, pour que la pochette ne se résume pas à un vulgaire croquis botanique. L’idée de ces gouttes de sang surgit juste avant que la maquette ne soit livrée pour impression.

     

     

     

    Quant à l’idée initiale de la pochette de l’album « Black Rose, a Rock Legend », elle provient d’un poème qu’on apprenait à l’école en ce temps-là, un de ces vieux poèmes irlandais dont Phil Lynott s’inspirait tant : « I See His Blood Upon The Rose », écrit en 1916 par le leader nationaliste irlandais Joseph Mary Plunkett, qui fut exécuté durant l’écrasement de l’insurrection la même année et qui en reste encore aujourd’hui l’icône.

    Lorsque Fitzpatrick soumit l’idée à Lynott, il fut emballé. Le dessinateur avait besoin d’un ou deux jours supplémentaires pour finaliser la maquette définitive, mais pressé par le temps, il fut contraint de travailler toute la nuit pour pouvoir livrer son oeuvre à la maison de disques.

    Quarante ans après la sortie de l’album mythique de Thin Lizzy, Jim Fitzpatrick est toujours aussi fier d’en avoir réalisé la pochette, en collaboration avec son ami Phil Lynott, disparu en 1986 : « Yep, Philip, really, really loved this one, and the rest is only rock history ».

     

     

     

  • 33 tours autour d’un microsillon | Thin Lizzy : « Black Rose, a Rock Legend »

     

     

    L’album « Black Rose, a Rock Legend » est le neuvième album studio du groupe de rock irlandais Thin Lizzy. Sorti le 13 avril 1979 sur le label Vertigo Records (Warner Bros. aux USA), il a été réalisé par Tony Visconti, le producteur historique de David Bowie.

     

    « Black Rose, a Rock Legend » marque le retour au sein de Thin Lizzy du guitariste Gary Moore en remplacement de Brian Robertson, ce dernier ayant mis fin à sa collaboration avec le groupe après le double album live « Live and Dangerous ». Gary Moore avait déjà fait quelques courtes apparitions en 1974 et 1977, mais « Black Rose » est le seul album pour lequel il resta suffisamment longtemps dans la formation pour participer entièrement à son enregistrement.

     

     

     

    « Bad Reputation » avait déjà sacrément explosé les compteurs du plaisir en 1977, « Live And Dangerous » enfonçait le clou l’année suivante, pour faire de Thin Lizzy un géant presque aussi essentiel que Led Zeppelin. Mais un an plus tard, les fans ont peur, très peur… Le groupe n’est plus aussi soudé qu’auparavant et des fissures de plus en plus nombreuses apparaissent à la surface de l’édifice celte.

    Et là, première tuile, Brian Robertson, c’est terminé… Le guitariste aura résisté de longs mois avant son éviction définitive. De longs mois vécus en pointillés, qui auront débuté par une vulgaire bagarre et une vilaine blessure au bras, certainement le détonateur d’un mal ancien entre le chanteur star Phil Lynott et son tricoteur de manche. Simple musicien de session sur « Bad Reputation », Brian Robertson ne participe pas à l’enregistrement de « Black Rose » et se voit remplacé pour de bon par Gary Moore.

    Un mec de Belfast chez Thin Lizzy ?? Le ver est dans le fruit, fuyons vite ! Bon, on se calme et on se souvient… Gary Moore, une première apparition sur l’album « Nightlife » en 1974 et une amitié vieille comme la conquête anglaise avec Phil Lynott. Gary Moore, celui d’un « Parisienne Walkways » sorti peu de temps avant « Black Rose » et co-composé par Phil Lynott himself, un instrumentiste qui aura depuis accédé au ciel des guitar heroes, étoile très brillante de la galaxie Hard, Rock et Blues. Un monsieur qui connaît la maison et une putain de bonne pioche, pas de crainte à avoir.

     

     

     

    Second malheur, la boisson et diverses autres drogues. De sacrées addictions qui auront raison de la patience de notre ami Gary Moore, incapable de supporter plus longtemps ses camarades trop souvent éméchés durant l’enregistrement du neuvième album du groupe à Paris. Tournée des bars sur tournée des clubs et un leader de plus en plus dans les nuages. On tremble pour la voix du maître qui, on le sait maintenant, aura beaucoup perdu en majesté sur les derniers disques précédant la mort du divin métis. Une nouvelle fois on peut souffler, « Black Rose » ne connaît pas les mêmes déraillements vocaux que « Life », témoignage déprimant des ravages provoqués par les substances toxiques. Au contraire, tout au contraire. Sourire maintenant !

    Galette produite alors que les premiers indices de la chute n’atteignent pas encore sa création discographique, la Rose Noire pousse à l’extrême limite de la falaise. Et on grimpe encore de quelques petits centimètres avant le plongeon avec l’album « Chinatown » (bon, admettons que cette critique est quelque peu exagérée, pour un opus tout de même plus que correct mais incapable de rivaliser avec ses deux prédécesseurs). Lynott devenu risque-tout et laboratoire chimique ambulant, le chant du cygne plus impérial que jamais…

    Alors, pourquoi cet album « Black Rose » reste-t-il aussi ancré dans nos coeurs ? Ça commence par un jeu de basse toujours aussi grandiose, comme en atteste le groovissime « Waiting For An Alibi » et cet organe vocal qui vit ses dernières heures de perfection black and soul. Ô miracle, une soie toujours immaculée, un timbre flirtant avec la tragédie qui s’annonce déjà (six ans passeront encore avant le dernier souffle), une rockitude fatale.

    Et pour alimenter le leader, un ensemble de compositions sans le moindre point faible. L’appel au secours de « I Got To Give It Up », le gros Metal beau à hurler de « Toughest Street In Town », la déclaration d’amour filiale de « Sarah ». Une ingénierie sonore osée et qui abuse pour notre bonheur total des effets enveloppants (« Get Out Of Here », « With Love » et toutes les autres), le doigté qu’on découvre phénoménal de mister Moore, également compositeur sur quelques titres. Intégration parfaitement réussie.

     

     

     

    Et pour conclure cette orgie tantôt énergie pure, tantôt mélancolie, tantôt déhanchement sudatoire, une apogée gaélique dantesque. Thin Lizzy n’aura finalement jamais autant embrassé ses racines qu’en s’inspirant d’un des hymnes politiques les plus fameux de son île natale, une chanson vieille de 500 ans. « Roisin Dubh », « Black Rose », une Rose Noire 200 % éclose.

    Un bémol, peut-être ? La réverbe omniprésente et ce chorus qui ne laisse jamais respirer la basse, deux présences étouffantes qui agaceront les non-initiés à ce son si particulier du génie irlandais ici poussé à l’extrême. Mais un ultime tremplin vers une totale jouissance pour les habitués.

    Et comment, après avoir goûté à ce délice des délices, ne pas verser sa larme lorsqu’on se perd à deux pas de Grafton Street, principale artère commerçante de Dublin avec Henry, et qu’on tombe nez à nez avec un Phil Lynott de bronze, l’air cow-boy, son arme au pied, la main dans le cuir, serein devant un des mille pubs de la capitale verte ?

    Allez, salut maintenant !

     

    Article : Possopo @ Nightfall in Metal Earth